B. DES CHARGES D'EXPLOITATION PEU ÉLASTIQUES SANS RENONCER À CERTAINES CAPACITÉS DE DIFFUSION
1. Un gisement d'économies de fonctionnement courant en voie d'épuisement.
Sauf à revenir sur un mode de fonctionnement arrêté en 2012, fondé sur l'identité des marques, la spécificité des métiers et la progressivité dans l'apprentissage du journalisme multimédia, qui a permis à France 24 de s'imposer dans le paysage international, à RFI de consolider ses positions et de demeurer une radio de référence et de compétence, et à MCD de poursuivre sa mission à destination de pays en forte conflictualité, les gisements d'économies significatives permettant à FMM d'absorber cette réduction de crédits par rapport au COM sont en voie d'épuisement.
Des réformes structurelles ont été opérées ces dernières années au sein de l'entreprise qui ont permis des gains de productivité et des économies considérables. On peut citer à titre d'exemple la polyvalence des métiers puisque les journalistes assurent aujourd'hui chez France 24 le montage de leurs sujets, et, chez RFI, les techniciens assurent la réalisation des émissions radiophoniques.
Deux plans de départ volontaires ont été mis en oeuvre depuis la création de l'entreprise (AEF puis FMM), touchant 250 collaborateurs (soit à peu près 20% de l'effectif radio) pour financer la montée en puissance de France 24, le dernier en 2011.
L'accord d'entreprise, signé fin 2015, a permis d'augmenter le temps de travail à 204 jours pour l'ensemble des personnels.
Enfin, FMM a réalisé la fusion des fonctions supports des trois médias à travers des directions communes, ce qui a permis d'importantes économies dans tous les domaines, y compris en 2016 et 2017 dans le domaine pourtant très récent des environnements numériques sans altérer les capacités de diffusion, la qualité des programmes, ni l'audience.
2. Des charges nouvelles inéluctables en perspective
FMM aura de très grandes difficultés à s'exonérer de l'application des dispositions de l'accord conclu entre les organisations syndicales et les Groupes Radio France et France-Télévisions sur la rémunération des pigistes, et, en particulier, celle reconnaissant leur ancienneté. Cette catégorie est, en effet, un élément indispensable de souplesse dans le fonctionnement des médias de FMM, et les salariés qui effectuent des piges dans les différentes entreprises du secteur public de l'audiovisuel admettraient mal d'être traitées différemment d'une entreprise à l'autre, sans compter l'effet d'éviction des meilleurs éléments si FMM n'assurait pas une identité de traitement. Ces accords entraînent un impact financier non négligeable pour FMM, pouvant être évalué à ce jour à 0,6 M€, mais qui n'a pas été prévu dans le COM 2016 - 2020 signé en avril 2017.
Le contexte sécuritaire s'est alourdi, ce qui a conduit FMM, sur recommandation du ministère de l'intérieur, à renforcer son dispositif sécuritaire au-delà des mesures déjà prévues dans le COM, à la suite des menaces proférées à son encontre par un groupe terroriste avec un coût estimé à 0,3 M€.
L'arbitrage budgétaire figurant dans le PLF pour 2018 et la prise en compte de la problématique de l'ancienneté des pigistes et de la sécurité imposent à l'entreprise de faire de nouvelles économies à due concurrence, soit de porter à 3,5 M€ a minima le montant total des économies recherchées. Cette situation place donc FMM dans une position compliquée car la société a épuisé ses marges de manoeuvre au cours des dernières années et ne peut réaliser d'économies sans remettre en cause certains acquis importants, tant en matière éditoriale que de distribution.
3. Le retrait de certaines zones de diffusion n'apparaît guère souhaitable
Dans le cadre d'une situation de recherche d'économies qui s'impose à FMM, la réflexion a été guidée par l'objectif de causer le moins d'impact possible à l'entreprise afin de préserver son coeur de métier, de ne pas remettre en cause une paix sociale acquise après une période de crises (2010/2012), de ne pas nuire aux projets d'ores et déjà engagés et de préserver la transformation numérique.
Il est clair également que, dans une entreprise de main-d'oeuvre comme FMM, toute baisse de la production éditoriale affecte nécessairement les emplois 48 ( * ) .
Les économies envisagées risquent de conduire le groupe à prendre des décisions remettant en cause certains acquis importants. Les seules marges de manoeuvre possibles concernent :
• des départs ciblés de cadres non remplacés pouvant générer une économie en année pleine de l'ordre de 0,5 M€ (mais avec des coûts exceptionnels de départ compris entre 1,3 et 1,5 M€ à prendre en compte dès cette année, ce qui risque de conduire à un résultat déficitaire au terme de l'exercice 2017 ;
• la remise en cause de certains objectifs éditoriaux au niveau des rédactions décentralisées de RFI (économie annuelle potentielle de 0,7 M€), le maintien de certaines équipes à l'étranger (en Afrique de l'Est, pour la rédaction en kiswahili, notamment) a été envisagé, mais se heurte à une grande réticence du ministère des affaires étrangères attaché à la présence des médias français dans cette région stratégique et instable ;
• l'allégement du dispositif de distribution mondiale de France 24, mais cela impose de renoncer à des zones stratégiques d'audience, affaiblissant par là même la présence des médias de FMM à l'international. Cet exercice suppose de prendre en compte les dates d'échéance des contrats, leur montant et les résultats d'audience associés. D'ores et déjà, à titre conservatoire et compte tenu de son montant (0,9 M€), le contrat avec Time Warner (desserte de France 24 sur le câble à New York et Los Angeles) qui arrivait à échéance de renouvellement, a été dénoncé alors que la bascule de la distribution par câble vers internet n'est pas encore complètement effective et ne permettra pas de sauvegarder les audiences. Vos Rapporteurs expriment leur désaccord avec cette perspective, il est important dans le contexte politique et international actuel que le regard français puisse être apporté au public américain et notamment à New York, siège de l'ONU .
D'autres contrats de distribution pourraient également ne pas être reconduits, à l'instar de celui assurant la couverture de la Scandinavie (Telenor pour 0,3 M€).
• le lancement de la nouvelle offre de France 24 en espagnol fin septembre 2017, pour un coût incompressible en année pleine sur 2018 de 7,3 M€, ne peut pas être une variable d'ajustement . Ce budget, calculé au plus serré, a fait l'objet d'un engagement de l'Etat sur un financement intégral et spécifique afin que FMM ne soit pas amenée à réduire ses activités et missions existantes pour financer, même partiellement, ce nouvel objectif.
Par ailleurs, FMM est en attente d'un arbitrage sur les droits à payer à la SPRE (société pour la perception de rémunération équitable) 49 ( * ) . En effet, FMM considère que le taux demandé pour la diffusion à l'étranger est trop élevé et pénalise ses médias par rapport à leurs concurrents étrangers, y compris dans l'espace numérique où les grands éditeurs délocalisent leurs centres de profits pour échapper à toute contribution, et qu'elle contribue par ailleurs à la promotion des productions françaises à l'étranger. Elle souhaite donc que la notion d'équité prenne en considération ses spécificités. Elle a provisionné les montants contestés. FMM a saisi le ministère de la culture pour un arbitrage dans le conflit qui l'oppose à cet organisme. Un arbitrage équitable, qui reviendrait sur une partie des rémunérations versées à cet organisme et pourrait permettre de dégager une économie en année pleine, sans compter la reprise d'une partie des provisions ce qui peut s'avérer utile dans un contexte de contrainte budgétaire.
Vos Rapporteurs considèrent que cette question doit être abordée de façon pragmatique et sans dogmatisme en tenant compte du contexte international et des nouveaux modes de diffusion, afin de ne pénaliser ni les sociétés de programme, ni les ayants-droits.
Enfin, il ne paraît pas envisageable de laisser la société présenter un compte de résultat prévisionnel déficitaire en début d'exercice comptable, d'autant que l'année 2017 risque de se solder par un résultat négatif d'exploitation . L'accumulation de pertes pourrait peser sur la stabilité du groupe.
4. Le retour aux engagements du COM s'impose
Pour vos rapporteurs la seule solution raisonnable serait de maintenir les engagements de l'Etat souscrits dans le COM 2016-2020, signé en avril 2017. Pour ce faire, ils proposent à la commission un amendement tendant à modifier la répartition du produit des ressources publiques affectées aux sociétés nationales de programme.
Ils considèrent que le pluralisme de l'information n'est pas menacé sur le territoire national , que, en revanche, au moment où s'engage dans le monde, sur les ondes et dans l'espace numérique, une lutte d'influence très active en mesure de conduire à des actions de désinformation et de déstabilisation, il est essentiel que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions. Et que, en conséquence, une priorité doit être affirmée pour soutenir notre politique audiovisuelle extérieure .
* 48 En effet, tous les contenus sont fabriqués par des salariés et le recours à la production externe est quasiment inexistant.
* 49 La SPRE collecte, dans le cadre d'un mandat légal, la Rémunération Equitable, qui est ensuite répartie par ses sociétés membres. Elle est cogérée par quatre sociétés (SCPP, SPPF, ADAMI, SPEDIDAM) qui répartissent ces droits directement aux artistes-interprètes et aux producteurs sur la base des relevés de diffusion fournis par les chaînes de télévision et les radios ou par sondage pour les autres diffuseurs de musique. Cette rémunération est principalement proportionnelle aux recettes d'exploitation pour les radios, les télévisions, les discothèques ou bars et restaurants à ambiance musicale pour lesquels la musique est attractive, et constitue un élément essentiel de leur activité.