- EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du 22 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018.
M. Christian Cambon, président . - Nous examinons maintenant les crédits du programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense » dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018. La parole est aux rapporteurs.
M. Joël Guerriau, co-rapporteur . - Je commencerai par évoquer l'évolution des crédits de personnel du ministère des armées pour 2018 avant de mettre l'accent sur quelques sujets de préoccupation concernant les ressources humaines.
Pour 2018, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212 (qui regroupent l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense) s'établissent à 20,37 milliards d'euros, en augmentation de 3,24 % (+ 607,9 millions d'euros) par rapport à 2017.
Cette augmentation de la masse salariale recouvre, pour 216,2 millions d'euros, une augmentation des dépenses de rémunération qui traduit à la fois la poursuite de la hausse des effectifs conformément aux engagements pris en 2015-2016 et un effort en faveur de la condition du personnel. Néanmoins, il convient de souligner que les crédits initialement destinés à la mise en oeuvre de la deuxième annuité du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) - qui revalorise les grilles indiciaires de la fonction publique - serviront en 2018 au financement de la compensation de CSG pour les personnels du ministère de la défense, le ministre de l'action et des comptes publics ayant annoncé en octobre dernier la suspension pour une durée d'un an de l'application de ce protocole par mesure d'économie.
En ce qui concerne les effectifs, le PLF pour 2018 prévoit une création nette de 518 emplois équivalent temps plein (ETP), dont 500 au profit du ministère des armées et 18 au profit du service industriel de l'aéronautique (SIAé). Ces renforts seront affectés à la sécurité du territoire, à la cyberdéfense, aux services de renseignement et à la protection des emprises militaires.
Ce solde positif en matière d'effectifs ne doit pas masquer, comme chaque année, les nombreuses créations et suppressions de postes qui accompagnent la transformation de nos armées. De même qu'il ne doit pas occulter l'important flux annuel d'arrivées et de départs, nécessaire au renouvellement et à la vitalité de nos forces et qui constitue le fil conducteur de la manoeuvre RH. Il faut noter la poursuite de la baisse, dans le projet de budget pour 2018, des crédits destinés aux aides au départ (-35 millions d'euros), les économies dégagées permettant de financer d'autres postes de dépenses.
C'est le cas, par exemple, de l'enveloppe destinée aux réserves qui augmentera de 50,8 millions d'euros pour s'établir à 177,4 millions d'euros, afin de prendre en charge quelque 40 000 engagements à servir ainsi que les mesures incitatives décidées récemment.
Les autres postes en augmentation sont les crédits destinés aux pensions (+283,7 millions d'euros), qui progressent mécaniquement, et ceux destinés aux OPEX (+75 millions d'euros, soit une enveloppe de titre 2 portée à 245 millions d'euros) dans un effort de « sincérisation » du budget des armées. L'enveloppe destinée aux opérations intérieures (OPINT) est reconduite, quant à elle, à son montant de l'année dernière, soit 41 millions d'euros.
Je voudrais revenir sur le thème de la fidélisation, fréquemment évoqué au cours de nos auditions. Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) avait aussi mis l'accent sur ce sujet en indiquant- il s'agit du résultat d'un sondage - que 62 % des militaires envisageraient de quitter l'institution pour changer d'activité si l'occasion se présentait. Certes, les statistiques du ministère ne démontrent pas d'aggravation récente de la tendance en termes de résiliation ou de non-renouvellement de contrats. Il faut pourtant admettre que la question se pose et qu'elle a des implications, un trop fort turn over ne permettant pas d'amortir les coûts de recrutement et de formation, sans compter le chômage, auquel les militaires ont droit à partir de six mois de service. Il s'agit d'un problème récurrent et bien connu dans l'armée de terre, qui cherche à fidéliser ses militaires du rang, mais qui se rencontre aussi dans les autres armées. Suractivité, éloignement du domicile, contrainte des mutations, découragement face au manque de moyens...sont quelques-unes des raisons pouvant expliquer cette « évaporation ». Parfois, c'est le caractère routinier et astreignant de l'activité qui est en cause, comme chez les fusiliers marins et les fusiliers commandos de l'air, dont les taux de renouvellement des contrats s'établissent respectivement à 50 % et 30 %. Enfin, il y a la concurrence du secteur privé et l'attractivité de ses salaires pour des métiers tels que contrôleurs aériens, officiers mécaniciens, avionneurs, atomiciens, spécialistes des systèmes d'information... On le voit, les causes sont multiples et appellent des réponses variées selon les situations.
L'amélioration de la condition du personnel, auquel contribue le plan Familles présenté cet automne - avec des mesures en faveur de la conciliation vie professionnelle/vie privée, le soutien apporté aux conjoints, l'accompagnement de la mobilité, notamment la prévisibilité des mutations, est aussi une partie de la réponse à cet enjeu qui, au fond, est celui de l'attractivité de nos armées. Mais il ne faut pas se méprendre. Celles-ci sont et resteront majoritairement contractuelles du fait de leur impératif de jeunesse et de flexibilité. A elles de trouver le bon curseur et de définir, en fonction des besoins et des métiers, la durée adaptée des contrats. On a vu, par exemple que l'armée de terre avait récemment développé le recours aux contrats de deux ans pour faciliter le recrutement de militaires du rang, dont l'arrivée à échéance pose la question de la fidélisation.
Pour finir, je souhaite mettre l'accent sur deux points d'attention pour l'année à venir :
Le premier concerne la question de la transposition de aux militaires de la directive européenne sur le temps de travail. L'encadrement du temps de travail est difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire et notamment le principe de libre disposition de la force armée. Je dirai même que c'est une idée en contradiction totale avec l'obligation de disponibilité et l'esprit d'engagement qui caractérisent le métier des armes. Alors que l'échéance pour transposer la directive approche, nous nous inquiétons légitimement de cette perspective. Le président de la République a déclaré récemment qu'il n'était pas envisageable d'appliquer la directive aux militaires. Lors de son audition, la ministre des armées a évoqué devant nous la négociation d'exemptions. S'agit-il de distinguer entre des activités - notamment les opérations et les entrainements - qui seraient exclues du champ d'application et d'autres qui seraient concernées? Nous espérons, en tous cas, qu'une solution réaliste et ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire sera trouvée prochainement.
Le second point concerne le dossier des rémunérations, qui est lourd d'enjeux pour les personnels de la défense. Ceux-ci pâtiront en 2018 du report de l'application du protocole PPCR que j'ai déjà évoqué. Or, la transposition de ce protocole était très attendue par les militaires dans la mesure où elle devait permettre un rattrapage indiciaire par rapport au personnel civil. Nous espérons donc qu'il ne s'agit que d'une mesure temporaire.
Les militaires pourraient être aussi impactés par le chantier de la simplification des primes, qui est une priorité pour la DRH-MD, compte tenu du maquis - pas moins de 170 primes - que ce régime représente. Il devra être conduit avec précaution et en tenant compte des autres réformes pouvant avoir des implications, comme celle des retraites.
Enfin, il faudra être particulièrement vigilant sur la bascule entre Louvois et source Solde qui s'étalera entre 2018 et 2020 et interférera, par conséquent, avec la mise en place de la retenue à la source. Il s'agit de deux rendez-vous à haut risque pour les personnels militaires chez qui le traumatisme des dysfonctionnements de Louvois est encore bien présent. Nous serons par conséquent très vigilants à l'égard de ce dossier. Je cède maintenant la parole à mon collègue Gilbert Roger
M. Gilbert Roger, co-rapporteur . - Le programme 212 hors titre 2 regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des armées, correspondant aux missions portées par le secrétariat général de l'administration dans les domaines de l'immobilier, des systèmes d'information, de l'action sociale et de la communication. L'architecture budgétaire est complexe : le programme 212 ne regroupe pas l'ensemble des soutiens aux armées. Une partie de ceux-ci relève en effet du programme 178, notamment le soutien des forces par les bases de défense, hors infrastructures, et le service du commissariat aux armées.
Ceci étant précisé, les crédits du programme 212, hors titre 2, s'élèvent en PLF 2018 à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement et 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse significative de 19 %.
Le rattrapage est donc important en crédits de paiement, mais aussi en autorisations d'engagement, ce qui crée des obligations pour l'avenir. Nous devrons veiller à ce que les trajectoires budgétaires de la LPM permettent au minimum de tenir ces engagements.
L'augmentation des crédits est principalement liée aux besoins de la politique immobilière, qui représente 2,1 milliards d'euros en AE, soit +23% et 1,7 milliards d'euros en CP, soit +30%. Ces ressources représentent 68 % du programme 212 hors titre 2. Elles doivent être complétées par les recettes des cessions immobilières, qui ont été estimées, avec un certain optimisme, à 200 millions d'euros pour 2017, et sont évaluées à 140 millions d'euros en 2018.
Ces montants, qui transitent par un compte d'affectation spéciale, dépendent en fait du calendrier de réalisation des cessions et surtout du prix effectif de vente des immeubles, obéré par la loi Duflot de 2013 qui entraîne d'importantes moins-values pour la défense. Nous avions tenté de limiter l'impact de cette loi, en plafonnant la décote à 30 %, mais l'Assemblée nationale est revenue sur ce plafond. Entre 2014 et 2016, les moins-values pour la défense se sont élevées à 24,3 millions d'euros, sur huit opérations effectuées en province, avec des taux de décote allant de 27 % à 100 %.
A Paris, la caserne Reuilly a été cédée avec une décote de 20 millions d'euros, en application d'un régime juridique antérieur à la loi Duflot. L'Hôtel de l'Artillerie a été cédé de gré à gré pour 87 millions d'euros à la Fondation Nationale des Sciences politiques, mais aurait sans doute pu rapporter bien davantage. La partie centrale de l'îlot Saint-Germain où seront réalisés des logements sociaux, subit une décote très importante. Ce bien aurait pu être vendu pour plus de 80 millions d'euros mais ne le sera que pour 29 millions d'euros, sur lesquels le ministère s'engage à payer 2 millions d'euros de désamiantage. Le ministère des armées n'a négocié, en contrepartie, que 50 logements sociaux réservés au personnel militaire, sur un total de 250, ce qui est insuffisant.
Reste la cession à venir du bâtiment de l'hôpital du Val de Grâce. Le bâtiment vaut plus de 100 millions d'euros. Des services publics ont émis le souhait de le récupérer. Ne serait-il pas plus sage de laisser le Val de Grâce au ministère des armées, afin de lui assurer des surfaces immobilières conséquentes à l'intérieur de Paris ? Si la cession se fait néanmoins, nous devrons veiller, en tout état de cause, à ce que le compte d'affectation spéciale soit bien alimenté du prix de cette cession.
J'ajoute que les militaires de l'opération Sentinelle, actuellement hébergés dans ces bâtiments parisiens, seront relogés dans de nouveaux casernements au Fort de l'Est et au Fort de Nogent. Plus généralement, pour répondre aux besoins d'hébergement en Ile de France, un plan de construction de 400 places a été lancé.
J'en viens maintenant aux dépenses de la politique immobilière.
Il s'agit, tout d'abord, de crédits pour les programmes majeurs d'infrastructure, essentiellement les grands programmes d'armement. Ils s'élèvent à 400 millions d'euros, en hausse de 7 %, afin d'accueillir le sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda dans le port de Toulon, pour les besoins, par ailleurs, du MRTT et du véhicule Scorpion et pour la rénovation électrique des ports de Brest et Toulon, toujours en cours.
La dissuasion nucléaire bénéficie d'investissements d'un montant de 114 millions d'euros, en augmentation de 32 %.
364 millions d'euros (+ 30 %) sont consacrés aux investissements générés par la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre et par les besoins accrus de sécurité-protection. Celle-ci fait l'objet d'un plan particulier, destiné à répondre aux intrusions et tentatives d'intrusion.
Les dépenses liées à la condition de vie du personnel (hébergement, restauration, bureaux) augmentent de 130 %.
Le logement familial est doté de 62 millions d'euros, en augmentation de 76 % ; ce montant prend en compte le « plan Familles » à hauteur de 15 millions d'euros, afin de développer l'offre de logements sociaux, en particulier dans les zones très tendues.
Cette augmentation significative des crédits immobiliers est une bonne nouvelle. Souvenons-nous toutefois de l'ampleur des besoins, estimés au total à 2,5 milliards d'euros pour les six prochaines années. Depuis le plan Vivien, il y a vingt ans, les plans d'amélioration des conditions de vie du personnel se sont succédé... Nous devrons veiller à ce que l'augmentation soit, cette fois, inscrite dans la durée, sans déformation de l'effort, en exécution, au profit des grands programmes d'armement.
Se pose également la question de la capacité du service des infrastructures de la défense, et tous les autres maillons de la politique immobilière, à absorber le surcroît d'activité que ce changement de cap suppose.
Concernant les systèmes d'information, d'administration et de gestion, les crédits sont en augmentation de 17 % en AE, pour les besoins du projet « Source Solde », mais en diminution de 6 % en CP, ce qui pourrait être une bonne nouvelle, si l'on considère qu'une partie de ces crédits est dédiée au MCO de Louvois. Mais les coûts de maintenance du logiciel restent élevés, environ 18 millions d'euros par an.
Louvois est « sous contrôle », nous a dit le secrétaire général de l'administration. 97 % des soldes ne nécessitent pas de corrections. 83 % des indus versés ont été notifiés et 64 % ont été recouvrés.
La nouvelle application, « Source Solde », à laquelle seront consacrés 21 millions d'euros l'an prochain, est actuellement dans une cruciale phase de test, dont les résultats, en cours d'analyse, ne nous ont pas encore été communiqués. « Source Solde » doit être déployée à partir de 2018 dans la marine. Parallèlement - ce qui paraît quelque peu périlleux - un chantier de révision de la politique de rémunération des militaires a été engagé. Cette rémunération est actuellement constituée de plus de 170 indemnités et primes.
Je terminerai en évoquant les politiques de ressources humaines, dont les crédits augmentent de 7 %. Les crédits alloués aux reconversions sont stables à 37 millions d'euros. Le taux de succès de ces reconversions, à un horizon d'un an, y compris les reclassements dans une administration, est de 70 %. Dans le cadre du « plan Familles », l'action sociale bénéficie d'un abondement de 5 millions d'euros, qui doit permettre notamment d'améliorer les services de garde d'enfants et d'accroître les aides à la mobilité et au logement.
Ce budget connaît donc une augmentation significative, qui justifie notre avis favorable. Au-delà des annonces, nous devrons toutefois rester attentifs à l'exécution budgétaire, et à l'inscription de ces nouvelles orientations dans la durée.
M. Christian Cambon, président . - Il faudra que nos rapporteurs soient attentifs à deux sujets : d'une part, le passage de Louvois à Source Solde, même si nous avons reçu des engagements formels de la part de la ministre, et d'autre part la dimension immobilière de la politique de défense. Quand on voit que l'enveloppe destinée à l'amélioration du logement n'est que de 15 millions d'euros, alors que la tour centrale de l'îlot Saint Germain, estimée à 80 millions d'euros, va être vendue 29 millions d'euros à la Ville de Paris, cela ne manque pas de nous interpeler. Par ailleurs, la vente de l'hôpital du Val de Grâce prive désormais la défense de toute réserve immobilière dans Paris intra-muros alors que, dans le même temps, on peine à loger les soldats de Sentinelle en Ile-de-France, même si des progrès ont été enregistrés sur ce volet.
M. Gilbert Roger, co-rapporteur. - A ce propos, on nous a indiqué lors d'une récente audition que les conditions de logement en Ile-de-France avaient été considérablement améliorées et que plus aucun soldat de Sentinelle ne dormait désormais sur un lit de camp, sauf cas de figure d'un besoin temporaire d'intervention, notamment en province. Par ailleurs, les soldats sont en principe logés à une distance plus raisonnable du site sur lequel ils travaillent.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour cet excellent rapport. Concernant la fidélisation, n'y a-t-il pas un vrai problème d'attractivité vis-à-vis du niveau de rémunération qu'offre le secteur privé pour des métiers très spécialisés comme dans l'armée de l'air ? Du fait de cette concurrence, mais aussi des déflations subies ces dernières années, n'est-on pas arrivé aujourd'hui, s'agissant de personnels qualifiés, à une situation critique qui ne permet pas l'accomplissement de leur mission dans de bonnes conditions ?
M. Yannick Vaugrenard . - Les problèmes de fidélisation conduisent aussi à s'interroger sur l'accompagnement offert aux conjoints lors des mutations. Ne faudrait-il pas impliquer davantage la fonction publique et les grandes entreprises pour faciliter la mobilité géographique des militaires ?
M. Michel Boutant . - Puisque l'on évoque les rémunérations des militaires, j'aimerais avoir des éclaircissements sur les conditions - notamment de rémunération - dans lesquelles les officiers généraux de deuxième section siègent souvent dans les conseils d'administration des entreprises d'armement, ou peuvent exercer une activité professionnelle alors qu'ils sont retraités. En effet, beaucoup de professions : artisans, agriculteurs, salariés, sont plus limités dans leurs activités pour pouvoir prétendre à la totalité de leur retraite.
Mme Christine Prunaud . - Pourriez-vous revenir sur le chiffre de 32 % d'augmentation des investissements pour les infrastructures de la dissuasion nucléaire ?
M. Robert del Picchia . - Louvois continue à coûter de l'argent, année après année. On ne peut qu'espérer que Source-Solde vienne prendre une relève satisfaisante. Concernant les primes que touchent les militaires, il va de soi que la complexité des primes est presque caricaturale et plaide pour une remise à plat de l'ensemble. Concernant les déboires liés à Louvois, nous avons tous en tête des exemples de familles de militaires qui se plaignaient que leurs conjoints n'étaient pas payés depuis des mois. Mais il faudrait, pour être exact, souligner que ceux-ci percevaient quand même une partie de leur solde et que d'autres, dans le même temps, percevaient des sommes supérieures à leur dû, ce qui a posé d'importantes difficultés quand il leur a fallu les rembourser. Concernant la fidélisation des personnels qualifiés, ce sont les salaires supérieurs proposés par le secteur privé qui sont en cause. Enfin, s'agissant des ventes immobilières, j'observe que, même si on ne peut que la déplorer, la vente des emprises à l'étranger du ministère des affaires étrangères, au moins, rapporte de l'argent, ce qui est moins le cas de la vente des emprises de la défense à Paris.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Concernant la politique immobilière, on peut certes regretter la vente et le prix de cession de l'îlot Saint Germain mais en province aussi, les collectivités publiques ont pu acquérir des anciennes friches militaires à des prix en dessous du marché. En outre, cette vente permettra davantage de mixité sociale dans un quartier qui en a peu.
Concernant les ressources humaines, j'avais interpelé Mme la ministre lors de son audition sur le faible taux de féminisation des armées, qu'elle avait elle-même regretté. Si des annonces ont été faites, il ne me semble pas vraiment en voir la traduction dans les faits. Je pense pour ma part que les armées doivent prendre le problème à la racine et mener une action transversale de concert avec l'éducation nationale et les universités. Il faut sans doute aussi faire évoluer un certain nombre de procédures internes de manière à permettre à de jeunes femmes, qui pourraient sûrement s'épanouir dans cette sphère, de concilier plus facilement les contraintes de la vie militaire avec celles de la vie familiale.
M. Christian Cambon, président . - Concernant l'îlot Saint-Germain, le problème est aussi que le nombre de logements qui a été négocié pour les militaires - 50 sur 250 - est très inférieur aux besoins des armées, avec une pénurie massive qui fait que les collectivités territoriales d'Ile-de-France ne cessent d'être sollicitées. La conversion en logements de la partie centrale de ce bâtiment aurait dû servir au logement des militaires.
M. Joël Guerriau, co-rapporteur . - La question de la fidélisation recouvre des enjeux hétérogènes. S'agissant des militaires du rang, les contrats de deux ans ont été multipliés, ce qui entraîne aujourd'hui de fait des départs, certains pouvant être déçus par la réalité du métier. Un équilibre doit être trouvé grâce à une durée de contrats adaptée, qui permette d'amortir les coûts de formation et de recrutement et d'éviter des coûts importants de chômage.
S'agissant des experts, officiers spécialistes d'un domaine, la question se pose en effet pour les aviateurs, mais aussi pour les sous-mariniers. Le départ de professionnels spécialistes des bâtiments nucléaires est très préjudiciable à la marine. Leur sens des responsabilités et du travail d'équipe est remarquable. Ils n'ont aucune difficulté à être recruté dans le secteur privé. Mais ces mouvements de personnel peuvent aussi être bénéfiques aux armées car ils permettent de transmettre des savoirs et de répondre au souhait des militaires, après plusieurs années d'exercice de métiers difficiles. C'est pourquoi il me paraît nécessaire de travailler sur des parcours, des partenariats dans l'intérêt de tous, permettant de rajeunir les armées tout en constituant des réserves et en facilitant les déroulements de carrière souhaités. Les défis de la fidélisation peuvent être relevés.
M. Gilbert Roger, co-rapporteur . - Les territoires où sont implantées des unités doivent demeurer dynamiques pour que la mobilité ne soit pas trop défavorable aux militaires et à leurs familles. Les difficultés à trouver de l'emploi pour le conjoint, l'éloignement des établissements scolaires sont autant de facteurs de fragilisation de la fidélisation. Les unités ont intérêt à faire vivre les territoires dont elles dépendent, en favorisant des approvisionnements en circuits courts.
M. Joël Guerriau, co-rapporteur . - L'accompagnement des conjoints est une question complexe qui soulève de nombreuses difficultés y compris au plan interministériel. Les ministères ont leurs propres contraintes. La situation des conjoints enseignants, par exemple, pourrait être mieux prise en compte, mais le ministère de l'éducation nationale dispose de ses propres procédures de mutation, à partir d'un barème de points, dont il est difficile de faire abstraction.
Par ailleurs, les implantations militaires ne sont pas particulièrement cohérentes avec les autres implantations administratives. Sur un territoire donné, il peut y avoir un déséquilibre important entre le poids des unités militaires et celui des autres administrations. L'accompagnement des conjoints ne donne donc pas toujours les résultats espérés, sauf bien sûr lorsque le conjoint est lui-même militaire.
S'agissant des généraux de deuxième section, le sujet mérite d'être éclairci.
M. Christian Cambon, président . - Les généraux ne sont pas mis « à la retraite »...
M. Jean-Marc Todeschini . - Sauf sanction disciplinaire !
M. Christian Cambon, président . - Certes. L'existence d'une deuxième section est une particularité. Mais ils sont souvent déchargés de leurs fonctions d'active à un âge assez jeune. Il faut prendre en compte le profil global des carrières de ces officiers, sur toute leur carrière.
M. Michel Boutant . - Notre commission doit s'intéresser à cette question en amont de la prochaine LPM, pour que nous puissions en débattre en toute connaissance de cause. Par rapport à d'autres professions, je considère cette situation comme anormale.
M. Gilbert Roger, co-rapporteur . - Les ventes immobilières doivent répondre à des objectifs contradictoires. Le ministère souhaiterait vendre au prix le plus haut, mais les acheteurs font parfois face à des contraintes importantes, et les mutations dans les territoires peuvent se faire à des prix très bas, jusqu'à l'euro symbolique. Ce n'est toutefois pas le cas pour l'îlot Saint-Germain. Paris intra-muros doit rester habitée et ne pas devenir un musée. Mais je regrette que seuls 50 logements aient été réservés au personnel militaire car nous avons besoin de loger des militaires dans la capitale.
M. Ladislas Poniatowski . - La question des carrières des généraux de deuxième section dans le privé doit être abordée avec discernement. Le Parlement a certes droit à la transparence. Mais nous ne sommes pas là face à un danger, au contraire : nous avons intérêt à ce que d'éminents spécialistes continuent après leur vie militaire à suivre, notamment dans des entreprises, le devenir des opérations d'armement. L'Arabie Saoudite a récemment embauché un officier allemand, qui a pris la tête du nouvel organisme d'achat d'armements créé dans ce pays. N'aurions-nous pas préféré que ce fût un Français ? Ne soyons pas naïfs. Le nombre de connaisseurs de ces questions est restreint. Que d'éminents spécialistes de nos armées poursuivent une activité auprès de nos entreprises d'armement ne me choque pas. Cela me rassure plutôt. N'abordons pas ce sujet de façon a priori méfiante et critique, ce qui serait dangereux.
L'armement est un domaine grave, important, avec des enjeux éthiques et économiques majeurs. Oui à la transparence, mais soyons réfléchis.
M. Jean-Marie Bockel . - Les carrières militaires françaises reposent sur un turnover élevé, encouragé par l'évolution du format des armées, qui amène à des départs à la retraite jeune. En Allemagne, les officiers généraux restent jusqu'à 64 ans. C'est un autre modèle. Nous devons avoir un regard éclairé sur ce sujet, souvent traité de façon injuste dans les médias : notre regard doit être large et complet.
M. Michel Boutant . - Nous avons besoin d'échanger sur cette question.
M. Christian Cambon, président . - C'est dans cet esprit, pour l'information des membres de la commission, qu'un débat peut légitimement intervenir. J'y veillerai.