B. DES DIFFICULTÉS CONFIRMÉES PAR LES ÉQUIPES RENCONTRÉES EN NOUVELLE-AQUITAINE EN DÉPIT DES FORTES ATTENTES EXPRIMÉES ENVERS LA RÉGIONALISATION

Le déplacement du groupe de travail à Bordeaux a confirmé le bienfondé du projet de rapprocher France 3 et France Bleu au niveau territorial. Il a aussi permis de mesurer les attentes des responsables locaux qui souhaitent que l'audiovisuel public accompagne davantage les actions de développement local et participent à affirmer l'identité des territoires.

1. L'audiovisuel public comme partenaire du développement des territoires

Le renforcement des régions suite à la réforme de la carte régionale de 2016 crée de nouvelles attentes de la part des responsables locaux vis-à-vis de l'audiovisuel public. Dans cette perspective, la décentralisation des moyens est considérée comme une conséquence logique du renforcement de leur collectivité.

Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, a expliqué aux membres du groupe de travail les difficultés qu'il a rencontrées pour obtenir davantage de décrochages locaux et de temps d'antennes. Il a estimé que « l'esprit de centralisation » restait bien présent dans les directions parisiennes, certains syndicats continuant également à penser que l'implication de la région était uniquement motivée par une volonté des élus d'influencer l'information alors que c'est le développement économique et social des territoires qui est recherché. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine a expliqué que la télévision demeurait plus efficace que les réseaux sociaux pour mobiliser les énergies en faveur de territoires ou d'entreprises en difficulté.

Pour Alain Rousset, le développement des chaînes régionales doit permettre à la fois une meilleure valorisation des territoires (emploi, recherche, tourisme...), une vitalité culturelle à travers la mise en perspective du « roman régional » et la création d'un écosystème de production audiovisuelle autour de producteurs et de réalisateurs afin de faire émerger des filières locales de production. La construction de la nouvelle région s'appuie aujourd'hui à la fois sur les médias de service public et sur des initiatives privées comme TV7 portée par la presse quotidienne régionale avec le soutien de la région.

Pour le président de la région Nouvelle-Aquitaine il existe une contradiction à vouloir absolument réduire les dépenses publiques en faveur de l'audiovisuel alors que les territoires sont en attente de moyens pour faire exister une offre de programmes locaux et accompagner le développement territorial. Alain Rousset a également insisté sur la nécessité de développer l'offre locale de documentaires pour permettre de renforcer la démocratie locale grâce au travail d'investigation des journalistes.

Votre rapporteur pour avis ne peut que partager l'analyse du président de la région Nouvelle-Aquitaine lorsqu'il dénonce le poids du prisme budgétaire dans les décisions d'attribution des moyens . La démocratie locale a besoin de moyens, comme la démocratie nationale, et il est essentiel de les évaluer avant de prendre des décisions qui impacteront nécessairement le périmètre des médias concernés et leur capacité d'action.

L'expérience de TV7, chaîne locale créée en 2001 et opérée par Sud-Ouest, permet de confirmer qu'il y a une attente pour une offre d'information locale. Rien que sur la TNT, ce sont 544 000 téléspectateurs par semaine qui suivent les programmes consacrés à l'actualité quotidienne, au débat politique, à l'économie et à la culture. Outre les tranches d'information quotidiennes, TV7 produit également quatre magazines hebdomadaires consacrés à l'actualité, à l'économie et à la formation, à la culture et à l'innovation numérique. La chaîne a aussi développé une offre dans le domaine de la création audiovisuelle avec 4 documentaires et 6 courts métrages par an. La stratégie de TV7 privilégie l'ensemble des supports possibles pour sa diffusion avec un problème concernant le Limousin qui est très mal couvert, les coûts de diffusion rendant difficile l'amélioration de la couverture.

« NoA », la chaîne régionale de Nouvelle-Aquitaine

La chaîne NoA a été lancée début septembre. C'est une chaîne qui diffuse en permanence son signal sur les boxes des opérateurs de télécommunication (Orange, SFR, Free, Bouygues) et sur le site Internet na.france3.fr.

Le contrat d'objectifs et de moyens signé entre France Télévisions et la région Nouvelle-Aquitaine permet de financer :

- 1 magazine culturel mensuel décliné en micros programmes quotidiens ;

- 8 documentaires en plus de la production actuelle de France 3 Nouvelle-Aquitaine soit 30 documentaires par an ;

- 2 séries de programmes courts en langues régionales en saintongeais et en occitan. Ainsi, 3 langues régionales, avec le basque, seront représentées.

- 2 séries sur les champions néo-aquitains : les champions sportifs, femmes et hommes, valides ou en situation de handicap, et les champions de la vie économique.

Cette nouvelle chaîne répond bien au souci exprimé par le président de la région Nouvelle-Aquitaine de mieux accompagner le développement de la région et de participer à la construction de son identité. Elle permet également de renforcer la production de contenus locaux.

Source : France 3 Nouvelle-Aquitaine

2. Un rapprochement entre France 3 et France Bleu en Nouvelle-Aquitaine difficile à mettre en oeuvre

Le groupe de travail a également longuement rencontré la directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine, Laurence Mayerfeld, afin de prendre la mesure de la situation de France 3 dans cette nouvelle grande région. La directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine a mis en avant l'importance de la production locale qui prend la forme d'un magazine culturel de 52 minutes auquel s'ajoutent 22 documentaires et 8 courts métrages par an. Elle a toutefois indiqué qu'il était difficile de structurer une filière de production régionale, les financements des collectivités territoriales étant proscrits par la législation européenne.

Concernant le rapprochement avec France Bleu, elle a évoqué la difficulté pour la direction de l'antenne régionale de France 3 de se coordonner avec les 9 antennes de France Bleu dans la région, « tout le monde n'ayant pas les mêmes envies et les mêmes souhaits » .

Sur le plan éditorial, s'il est tout à fait envisageable de réaliser des rendez-vous communs politiques ou culturels et si la couverture d'événements devrait pouvoir se faire de plus en plus en commun il apparaît très difficile, selon Laurence Mayerfeld, de concevoir des matinales communes avec les neuf antennes distinctes de France Bleu qui jouent la carte de l'hyperproximité.

Les équipes de France Bleu que le groupe de travail a également rencontrées sont très soucieuses de préserver leur spécificité locale et remarquent que ces contenus alimentent la banque d'information créée au sein de Radio France à hauteur de 20%. Elles évoquent aussi la possibilité de créer des capacités d'investigation communes.

La matinale constitue la case horaire la plus importante pour une radio, France Bleu ne peut donc pas changer de modèle sans conséquences importantes sur ses audiences . Les auditeurs sont très attachés à leurs programmes de proximité et n'accepteraient pas nécessairement un prisme plus régional. Il y a une identité des habitants du Limousin qui n'est pas soluble dans une matinale qui traiterait de l'actualité de l'ensemble de la région. La direction de France Bleu rappelle que le réseau exerce une mission de service public en cas de catastrophe qui doit être préservée.

Selon la directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine, le découpage des zones de couverture des émetteurs de chaque média ne se rejoignent pas nécessairement. Cette question des périmètres de diffusion est également soulevée par les équipes de France Bleu.

Le rapprochement entre France 3 et France Bleu est d'autant plus délicat à conduire que France 3 a engagé une reconstruction depuis un an afin de caler son organisation sur les nouvelles frontières régionales. La réduction de la masse salariale a imposé des mutualisations qui fonctionnent plutôt bien et des mobilités ont lieu sur la base du volontariat. Il n'en demeure pas moins un attachement très fort des personnels à l'identité locale de France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Pour faire vivre cette identité et améliorer l'offre France 3 Nouvelle-Aquitaine développe de nouveaux modules afin de mieux couvrir les espaces ruraux et périurbains et un journal des 5 antennes locales axé sur la vie pratique et la proximité est réalisé afin de créer une « culture commune » à la nouvelle région.

Les antennes régionales de France 3 sont toutefois confrontées au défi de l'augmentation du volume de programmes « frais » quotidiens. L'entreprise s'est réorganisée afin de favoriser l'employabilité et la flexibilité des personnels mais cela ne saurait suffire pour produire suffisamment de programmes pour alimenter l'antenne toute la journée sans rediffuser certains programmes.

Face à cette situation, Laurence Mayerfeld estime nécessaire de s'inscrire dans une démarche progressive, toutes les régions ne pouvant avancer au même rythme.

Votre rapporteur estime dès lors que deux scénarios se dessinent pour l'avenir, qui ne sont pas incompatibles l'un avec l'autre :

- la régionalisation complète des antennes de France 3 serait très coûteuse mais peut constituer un objectif de long terme sans nécessairement concerner tous les territoires ;

- dans l'immédiat, il apparaît plus réaliste d'augmenter progressivement les contenus locaux comme le prévoit l'objectif d'inversion du rapport entre programmes nationaux et locaux sur les antennes de France 3.

3. Des personnels attentifs aux conséquences du rapprochement entre France 3 et France Bleu

La réorganisation en cours au sein de France 3 au niveau régional, dans un contexte marqué par une baisse des effectifs, a mis en évidence le besoin d'améliorer les conditions de travail. Les syndicats de France 3 Nouvelle-Aquitaine rencontrés par le groupe de travail se sont donc réjouis de la signature d'un accord sur la qualité de vie au travail (QVT) qui devrait permettre de tester de nouvelles méthodes et pratiques professionnelles.

Face au nouveau projet que représente le rapprochement entre France 3 et France Bleu, les syndicats - à l'image du SNJ de France 3 Nouvelle-Aquitaine - s'interrogent cependant sur les moyens humains qui seront dédiés au projet. La CFDT, la CGT et SUD insistent sur les interrogations du personnel quant à l'évolution de leurs métiers. Les inquiétudes sont particulièrement vives vis-à-vis de la transformation des métiers sous le poids du numérique, « c'est une vague qui va nous submerger » a indiqué le représentant de la CGT de France 3 à votre rapporteur pour avis. Les personnels sont conscients de la nécessité de changer leurs méthodes de travail a déclaré le représentant de la CFDT.

Sur le fond, le SNJ pointe également la pression de l'actualité et d'un certain type de journalisme privilégiant l' « actualité chaude » (« breaking news ») avec le risque de fragiliser la légitimité des journalistes.

Concernant le rapprochement entre France 3 et France Bleu, le SNJ de France 3 indique que c'est sur le numérique que les coopérations fonctionnent le mieux.

Les salariés de France Bleu confirment les difficultés rencontrées pour rapprocher les médias car ils ne possèdent pas la culture de l'image même s'ils ont appris à produire de contenus multimédias . Plus généralement, les salariés de la radio déplorent de ne pas connaître le média télévision ni les équipes de France 3 car « on travaillait trop peu ensemble » disent-ils. Ils se déclarent ouverts à la création d'un média global sur Internet mais font part de leur plus grande réserve quant au développement de la radio filmée qui risque d'affaiblir le média radio sans renforcer le média télévision.

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