N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par M. Laurent DUPLOMB, Mme Françoise FÉRAT

et M. Jean-Claude TISSOT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel  Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, vice - présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard, secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

Mesdames, Messieurs,

Il y a moins d'un an, les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques s'inquiétaient des défis que l'agriculture allait devoir relever en 2019 : début d'application de la loi Egalim, craintes suscitées par la réforme de la PAC proposée par la Commission ainsi que la baisse massive de son budget dans la proposition de cadre financier pluriannuel, difficultés des opérateurs forestiers français et incertitudes sur le sort qui sera réservé aux marins français dans le cadre du Brexit .

Au moment de rendre leur avis pour 2020, ils constatent qu'aucune de ces inquiétudes n'a disparu.

Or cette inertie dans le traitement de ces problèmes contraste avec les attentes très fortes de nos agriculteurs pour améliorer leur quotidien de chef d'exploitation.

Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020 prennent le risque de n'y rien changer.

Au-delà de ce décalage flagrant entre les attentes des agriculteurs et le budget présenté, les rapporteurs pour avis dénoncent le défaut de cohérence et le manque d'ambition des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020.

Malgré une apparente hausse vantée par le Gouvernement, les dotations nationales dédiées à l'agriculture n'évoluent pas réellement par rapport à 2019 une fois qu'est retraité le mouvement naturel de réengagement des mesures agro-environnementales pour la prochaine période.

Compte tenu de l'absence d'évolution significative des crédits entre 2019 et 2020, les rapporteurs ont proposé à la commission de reconduire l'avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » adopté l'année dernière.

Cet avis se justifie d'autant plus que le budget suscite des inquiétudes supplémentaires en actant des mesures contestables.

Pourquoi reculer les crédits de la réserve pour aléas en agriculture alors que les exploitants n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques ?

Comment expliquer le recul des crédits dédiés à la forêt alors que la crise des scolytes fait rage dans de nombreux départements ?

Pourquoi ne pas pérenniser le dispositif favorisant la compétitivité des cultures employant des travailleurs saisonniers au moment même où il est impératif de remettre la compétitivité au coeur des débats pour sortir l'agriculture de l'ornière ?

Ces incohérences nuisent à la crédibilité d'un budget qui fait abstraction de l'avenir de l'agriculture.

Les rapporteurs pour avis regrettent à cet égard le manque de solutions concrètes apportées par le Gouvernement pour répondre à la demande d'accompagnement des agriculteurs dans l'évolution de leur modèle de production. La réponse passera par des investissements significatifs en matière de recherche et d'innovation, par des incitations à acquérir des équipements permettant à court terme de réduire significativement l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ou encore dans l'engagement à ne laisser aucun agriculteur sans solution technique en cas d'évolution de la réglementation.

En résumé, pour faire face à la détresse du monde agricole, il importe de mettre en avant non pas un budget gestionnaire mais bien un budget visionnaire. Ce n'est pas le cas cette année.

Compte tenu de ces trois arguments, et sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la commission des affaires économiques a rendu un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour l'année 2020.

En revanche, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » , pour sanctuariser ses crédits dans un contexte où son existence pourrait être remise en cause.

Lors de sa réunion du mercredi 27 novembre 2019, sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et un avis favorable sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » du projet de loi de finances pour 2020.

I. UNE AUGMENTATION DE 172 MILLIONS D'EUROS DES CRÉDITS EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DE 29 MILLIONS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT QUI NE RÉSULTE PAS D'UNE DÉCISION VOLONTARISTE DU MINISTÈRE

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 172 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros en crédits de paiement du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » .

Cette augmentation est répartie comme suit :

Évolution des crédits
de la mission (en M€)

LFI 2019

PLF 2020

Variation
par rapport à la LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture

1 679

1 761

1 820

1 762

+ 141

0

Programme 206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

536

535

570

570

+ 34

+ 35

Programme 215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

618

625

614

619

- 3

- 6

Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

2 833

2 922

3 004

2 951

+ 172

+ 29

*Après passage à l'Assemblée nationale

A. UNE REVALORISATION UNIQUEMENT EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT POUR LE PROGRAMME 149 COMPTE TENU DU RÉENGAGEMENT DES MESURES AGRO-ENVIRONNEMENTALES ET CLIMATIQUES

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 141 millions d'euros en autorisations d'engagement et une stabilité des crédits de paiement du programme 149.

1. + 168 millions en autorisations d'engagement et + 25 millions en crédits de paiement pour les MAEC, compte tenu du réengagement des contrats pour une nouvelle période

La principale évolution du programme 149 s'explique par une revalorisation de + 174 millions d'euros en autorisations d'engagement de l'action 24 - Gestion équilibrée et durable des territoires due au réengagement des contrats des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) pour une nouvelle période, conformément à la règlementation européenne.

En effet, ces contrats arrivant à échéance fin 2019, les montants des autorisations d'engagement ont été relevées à 232 millions d'euros (contre 63 millions l'année dernière) pour signer des contrats en 2020 permettant de couvrir les années à venir.

C'est un mouvement habituel, déjà connu dans le passé : le projet de budget 2015 avait été marqué par l'inscription d'une l'enveloppe quinquennale de mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) en AE de plus de 300 millions d'euros.

En conséquence, les crédits de paiement liés aux MAEC n'évoluent pas dans un même ordre de grandeur : ils augmentent de 25 millions d'euros par rapport à 2019 pour atterrir à un montant de 128 millions d'euros.

2. - 25 millions d'euros de baisse de la réserve pour aléas alors que les agriculteurs n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques

Depuis 2018, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » comporte une réserve de crédits destinée à financer les surcoûts budgétaires dus aux aléas auxquels est exposée la mission.

Les rapporteurs pour avis réitèrent leur appréciation : une réserve de crise est principalement destinée à assurer l'État contre ses propres erreurs.

Dotée de 300 millions d'euros en 2018, la provision a été mobilisée pour payer les refus d'apurement (pour plus de 175 millions d'euros, soit 58 % des décaissements), le paiement d'un contentieux relatif à un dispositif d'aide financière aux agriculteurs corses en difficulté et les investissements informatiques de l'ASP (10 %) et, pour financer une partie du dispositif TO-DE (7 %). Au total, seuls 75 millions d'euros (25 %) ont été décaissés pour ouvrir des crédits venant en aide aux agriculteurs en cas de crise, après la sécheresse par exemple.

En 2019, le Gouvernement avait déjà réduit la dotation d'un tiers en la ramenant à 200 millions d'euros. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, l'utilisation de ces crédits sera principalement fléchée vers les apurements communautaires (environ 125 millions d'euros), le reliquat disponible devant contribuer au financement des indemnités pour calamités sanitaires ou naturelles, au même niveau que l'année précédente.

Au total, sur les 500 millions d'euros ouverts au titre de la dotation pour dépenses imprévisibles depuis sa création, plus des deux tiers des crédits ont couvert les erreurs de l'État dans l'attribution des aides. Seules un tiers des dépenses ont répondu à l'objet de la dotation en revenant aux agriculteurs.

Le Gouvernement lui-même ne s'y trompe pas, nommant dans le projet annuel de performance pour 2020, cette réserve « apurement communautaire » (page 73).

C'est d'ailleurs pourquoi, en 2020, le Gouvernement propose une nouvelle fois de réduire cette réserve de crise de 25 millions d'euros, ramenant la réserve à un montant de 175 millions d'euros, compte tenu d'estimations réduites sur les montants d'apurements communautaires à régler cette année.

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, a même été plus loin : « Un budget doit être efficace. Mon objectif est en l'occurrence que la déduction pour aléas (DPA) arrive à zéro. Car le sujet n'est pas là. L'année dernière, 200 millions d'euros lui avaient été alloués. Or nous avons dépensé en réalité près de 300 millions d'euros au total. Un budget ne doit pas être construit à des fins d'affichage. L'objectif n'est pas de montrer que nous avons prévu 300 millions d'euros pour les agriculteurs. Il faut tout suivre, et y apporter une réponse dans le budget. Pour 2020, nous avons donc fait le choix de fixer le budget de la DPA à 175 millions d'euros. Mais nous mobiliserons bien sûr les sommes nécessaires si ce montant venait à être dépassé. Mon objectif est, à terme, la suppression de la DPA. 1 ( * ) »

Les rapporteurs pour avis ne peuvent que regretter ce choix. C'est une erreur stratégique au moment même où les agriculteurs n'ont jamais été autant exposés aux risques climatiques.

Le rapport 2 ( * ) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques, adopté à l'unanimité au Sénat le 3 juillet 2019, a pourtant rappelé l'ampleur du défi auquel les agriculteurs vont être confrontés : une augmentation de la fréquence et de l'intensité des précipitations extrêmes ; des sécheresses qui seront plus nombreuses, plus longues et plus fortes.

Alors que le FNGRA est plafonné et que les dotations de la réserve de crise sont réduites chaque année, les rapporteurs pour avis s'interrogent sur la pertinence de la stratégie suivie par le Gouvernement pour préparer l'agriculture au défi des risques climatiques.

3. Un maintien des principales dépenses d'intervention
a) Le montant des aides à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés est équivalent à celui de 2018

L'action n° 21 intitulée : « adaptation des filières à l'évolution des marchés » voit ses crédits reculer d'environ 1 % pour passer à 218 millions d'euros en AE et CP .

L'action porte essentiellement sur des aides aux exploitations agricoles ultramarines (80 % des crédits) dont le montant est stabilisé en 2019.

(1) Le montant des aides à l'économie agricole ultramarine est stabilisé

Le financement des aides à la filière canne à sucre dans les départements d'outre-mer versées par l'Agence de services et de paiement (ASP) est en 2020 au niveau de celui de 2019, à savoir un montant total de 124,4 millions d'euros.

Le dispositif recouvre plusieurs aides versées aux producteurs de canne à sucre de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion qui représentent une part significative de la surface agricole utile de ces îles (de 16 % à la Martinique à 52 % à la Réunion) :

- une aide aux planteurs de canne à sucre pour compenser les handicaps de production dans ces départements (56 M€) ;

- une aide au soutien logistique des départements d'outre-mer vers les ports de l'Union européenne, notamment afin de prendre en charge les coûts de transport (20,4 M€) ;

- une aide complémentaire au POSEI pour l'industrie sucrière d'environ 10 M€.

En complément, les entreprises sucrières ultra-marines reçoivent une aide de 38 M€ depuis le 1 er ctobre 2017 afin de compenser la fin des quotas sucriers au niveau de l'Union européenne.

L'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM), outre sa mission de renforcement de la concertation entre professionnels agricoles et administrations, a également un rôle de soutien financier aux filières ultramarines à travers plusieurs enveloppes :

- 6,1 M€ dits « crédits traditionnels » constituant le plus souvent la contrepartie nationale nécessaire à la levée de financements communautaires (dans le cadre du FEADER) ;

- 40 M€ issus du Comité interministériel de l'Outre-mer de 2009, appelés en conséquence « crédits CIOM », dédiés aux filières de diversification animale et végétale qui permettent d'abonder les fonds communautaires destinés à ces filières dans le cadre du programme européen POSEI.

Enfin, 5,1 M€ sont dédiés à la mise en oeuvre du volet agricole du plan Guyane, à savoir l'appui à l'agriculture dans les pays et territoires d'outre-mer, ainsi qu'une enveloppe supérieure à 1 M€ pour financer l'appui à l'agriculture dans les pays et territoires d'outre-mer. 23,2 M€ de crédits en provenance de FranceAgriMer contribuent également au développement des filières de ces territoires.

(2) + 6 millions d'euros pour le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE)

Depuis 2015, le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), géré dans un cadre décentralisé avec les DRAAF et les conseils régionaux, est le dispositif unique fléchant des aides à la modernisation des exploitations agricoles. Il est cofinancé par le FEADER.

L'engagement initial de la programmation 2014-2020 du FEADER prévoyait une enveloppe annuelle de la part de l'État de 56 M€. Toutefois, compte tenu des enjeux, elle avait été portée à 86 M€ puis 84,5 M€ en 2016 et 2017 afin d'accélérer les investissements dans les exploitations, notamment à destination des filières élevage. Les crédits ont toutefois été ramenés à 56 M€ à compter de 2018. En deux années, les autorisations d'engagement ont ainsi été réduites de 27 % alors même que ces aides ont un effet de levier important pour l'investissement des exploitations agricoles.

À cet égard, si l'on peut se réjouir que les crédits pour la modernisation des exploitations agricoles, à l'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » soient revalorisés de 5,7 millions d'euros en 2020 par rapport à 2019, il convient de rappeler que cela ne suffira pas pour augmenter sensiblement le taux de pénétration du dispositif dans les campagnes : moins de 4 % des entreprises agricoles sont bénéficiaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Il ne faudrait pas, in fine , que la hausse des crédits ne serve qu'à couvrir une hausse des coûts de gestion d'un dispositif qui peine à être approprié par les acteurs.

(3) Des autorisations d'engagements de la dotation jeunes agriculteurs stabilisées

La dotation « jeunes agriculteurs » (DJA) est une aide essentielle pour doper l'installation de jeunes agriculteurs dans nos territoires. Le montant de base de la DJA varie de 8 000 à 36 000 € selon la zone d'installation (plaine, défavorisée et montagne), et peut être modulée à la hausse pour les installations hors cadre familial, les projets agro-écologiques, les projets favorables à l'augmentation de valeur ajoutée et de l'emploi ainsi que pour les projets caractérisés par un effort de reprise/modernisation important. Il en résulte une moyenne de la DJA autour de 28 000 €.

Les moyens dévolus à la politique d'installation sont maintenus en 2020 puisque les crédits affectés à l'installation de jeunes agriculteurs et stages à l'installation sont stables en autorisations d'engagement en 2020 (à 37,5 M€).

Il convient de noter que, comme l'année dernière, les crédits de paiement continuent de croître à 54 M€ en 2019, soit environ + 6 M€ par rapport à 2019, compte tenu de la revalorisation de la DJA à la suite de la suppression des prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs en 2017.

(4) Un maintien des crédits nationaux dédiés aux ICHN

Les crédits nationaux dédiés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ont été maintenus à leur niveau de 2019, soit près de 284 M€, maintenant l'enveloppe supplémentaire de 20,2 M€ accordée l'année dernière pour prendre en compte les conséquences du nouveau zonage imposé en 2018.

Pour rappel, le nouveau zonage a abouti à une forte incompréhension des agriculteurs quant aux critères retenus. En effet, si près de 5 000 communes sont sorties gagnantes en entrant dans le nouveau zonage, 1 300 communes en ont été exclues, les 4 000 agriculteurs de ces zones perdant toute possibilité de bénéficier des ICHN.

Pour les agriculteurs perdants, c'est un drame économique qui se traduit par la perte d'une aide substantielle .

L'accompagnement des agriculteurs sortant du zonage des ZDS prendra la forme d'un accompagnement individuel par l'octroi d'une aide dégressive en 2019 et 2020 correspondant, respectivement, à 80 % et 40 % du montant de l'ICHN de la programmation 2014-2020. La France mettra ainsi en oeuvre les possibilités ouvertes par la réglementation européenne en accordant aux agriculteurs sortant du zonage les montants d'indemnités les plus élevés possibles.

Conscient des difficultés posées par cette situation, le Sénat, dans sa résolution n° 127 du 22 juin 2018 , avait pourtant formulé deux exigences pour avancer sur ce problème que les rapporteurs pour avis entendent rappeler :

i. demander une révision des critères d'éligibilité des ZSCN en ajoutant des critères plus fins dans les règlements européens concernés (notamment un critère d'emploi ) ;

ii. de prendre en compte le critère de « continuité territoriale » pour la définition des ZSCS comme le permet d'ores et déjà la règlementation européenne , intégrant de ce fait les communes enclavées dans le zonage à contraintes spécifiques qui jusqu'ici se trouvent exclues de la cartographie retenue.

(5) La protection des éleveurs contre les grands prédateurs : un poste budgétaire amené à croître sur la durée

Comme chaque année, les crédits alloués à la protection des éleveurs contre les « grands prédateurs », notamment les actions de gardiennage, les analyses de vulnérabilité et l'accompagnement technique des éleveurs, augmentent, cette fois de 6 M€, pour un montant global de 24,7 M€. Depuis 2018, le budget de l'action aura augmenté de plus de 50 %.

Cette évolution structurelle ne fait, malheureusement aux yeux de vos rapporteurs, que rappeler la dangereuse et incontrôlable extension du domaine de prédation du loup et de l'ours sur le territoire métropolitain.

La sur-exécution de la sous-action, encore constatée en 2018 à hauteur de 5,8 M€ en crédits de paiements, laisse entendre que les besoins de financement sont en outre croissants et que les dégâts causés par les loups et les ours se multiplient de manière exponentielle.

(6) Une régularisation budgétaire de la ligne TO-DE

Au titre de l'année 2020, il est proposé de doter l'action n° 25 « Protection sociale » de 117 millions d'euros contre 135 millions d'euros ouverts par la loi de finances pour 2019.

La direction du budget a indiqué aux rapporteurs pour avis, lors de son audition, que cela s'assimilait à un débasage.

L'intégralité du coût du dispositif TO-DE au titre de l'exercice 2018 était couverte par le budget de la MAAFAR.

La dotation pour 2019 de la ligne TO-DE de l'action n 25 de la loi de finances pour 2019 comprenait une somme complémentaire pour payer les derniers mois de 2018, compte tenu du léger décalage de paiement de fin d'année.

En 2020, ce montant est moindre pour la MAAFAR dans la mesure où une partie du financement du TO-DE relève désormais du financement de la sécurité sociale (pour la partie relevant des allègements généraux).

La baisse du budget entre 2019 et 2020 de la ligne TO-DE s'expliquerait donc par ce phénomène.

4. 15 millions d'euros pour dépenses informatiques de l'Agence de services et de paiements (ASP)

L'évolution de l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » , en plus de la baisse des moyens dédiés à la réserve pour aléas, s'explique par une dotation supplémentaire de + 15 millions d'euros à l'Agence de services et de paiements (ASP) pour couvrir de nouvelles dépenses informatiques.

Auditionné par les rapporteurs pour avis, le président-directeur général de l'agence a précisé que ce plan informatique visait à :

- financer des développements pour mettre à jour les logiciels de gestion ISIS et OSIRIS, compte tenu des retards de paiement constatés sur les aides. À cet égard, toutes les inspections réalisées ont conclu à la perspective de coûts encore très élevés de mise à niveau des outils de gestion ISIS et OSIRIS ;

- couvrir les dépenses de développement informatiques pour préparer l'ASP à la nouvelle cartographie de la PAC 2021/2027.

5. Une sanctuarisation des moyens de l'INAO

L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) assure la gestion de l'ensemble des 1 100 signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) dénombrés en France.

Si les recettes budgétaires de l'INAO sont principalement constituées par les versements effectués par l'État (17 millions d'euros au titre du programme 149), l'opérateur reçoit une ressource plafonnée à 7,5 millions d'euros par an au titre des droits sur les produits bénéficiant d'un SIQO.

Aux termes de l'article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime, ce droit, acquitté annuellement, dépend des quantités produites. Le taux des droits est fixé, sur proposition du conseil permanent de l'INAO, par arrêté dans des limites déterminées par la loi 3 ( * ) .

L'article 6 du projet de loi de finances pour 2020, au motif d'une réduction du nombre de taxes à faible rendement, propose la suppression de cette petite taxe. La perte de recettes induite pour l'INAO par la suppression de cette taxe était compensée à hauteur de 7 millions d'euros par une hausse de la subvention pour charges de services publics imputée sur l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » du programme 149.

Les députés ont voté contre cette suppression en première lecture contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur général. En conséquence, le Gouvernement, par voie d'amendement lors de l'examen des crédits, a supprimé 7 millions d'euros de crédits sur le périmètre du programme 149 pour supprimer la compensation qui n'avait plus lieu d'être.


* 1 Audition devant la commission des affaires économiques du Sénat du 12 novembre 2019.

* 2 Rapport d'information n° 628 (2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d'informaiton sur la gestion des risques climatiques.

* 3 0,15 € par hectolitre pour les vins d'appellation d'origine ; 0,12 € par hectolitre ou 1,2 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées d'appellation d'origine autres que les vins ; 0,03 € par hectolitre pour les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique protégée ; 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d'une indication géographique autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique protégée ; 10 € par tonne pour les produits agroalimentaires ou forestiers d'appellation d'origine autres que les vins et les boissons alcoolisées ; 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d'une indication géographique protégée, autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées. 0,075 € par hectolitre ou 0,75 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées bénéficiant d'un label rouge autres que les produits vitivinicoles bénéficiant d'une indication géographique ; 7,5 € par tonne pour les produits bénéficiant d'un label rouge autres que les produits vitivinicoles et boissons alcoolisées.

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