N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 , |
TOME VI SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE |
Par MM. Jean-Jacques LOZACH et Jacques-Bernard MAGNER, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly, présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice - présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348 Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le ministère des sports poursuivra en 2020 sa mue entamée en 2017 dans un contexte marqué par la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
L'année dernière, avec la loi de finances pour 2019, c'est l'intégration du Centre national pour le développement du sport (CNDS) dans la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) qui a été engagée. Ce changement majeur a été décidé sans débat préalable au Parlement mais à l'issue d'une simple concertation associant l'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique.
Ce « contournement » initial du Parlement n'a pas été sans conséquences puisque les statuts de l'ANS - approuvés par un arrêté ministériel du 20 avril 2019 - ont immédiatement fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État de la part de l'Association professionnelle de l'inspection générale de la jeunesse et des sports (APIGJS) et du Syndicat national des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports (SNIGJS). Il a fallu que le Gouvernement intègre in extremis dans le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé en juin dernier au Sénat une disposition de sécurisation juridique de l'Agence nationale du sport pour éviter tout risque de remise en cause. L'examen de ce texte a également été l'occasion pour le Sénat de préciser la gouvernance territoriale de l'ANS, ce qui était indispensable 1 ( * ) .
À l'issue de ces évolutions fondamentales, le budget du ministère des sports se compose donc de deux programmes. Le programme 219 « Sport » destiné à financer les actions du ministère et la part étatique du financement de l'Agence nationale du sport et le programme 350 consacré aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Le programme 219 se voit doté - à périmètre constant - d'un montant de crédits identique à celui de l'année dernière, soit 312 M€ en crédits de paiement. Le programme connaît cependant une mesure de périmètre avec l'intégration des dépenses de personnel des conseillers techniques sportifs (CTS) pour un montant de 120,8 M€ ce qui porte les crédits du programme 219 à périmètre courant à 434,7 M€ en crédits de paiement.
Le programme 350 porte l'ensemble des financements de l'État pour la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 à un montant prévisionnel total de 1,1 milliard d'euros dont 933 M€ seront apportés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) sur la période 2018-2025. Ces financements seront complétés par les contributions des collectivités territoriales à hauteur de 455 M€ pour constituer une enveloppe de 1,4 milliard d'euros de crédits publics 2 ( * ) . Le projet de loi de finances (PLF) 2020 prévoit de doubler les crédits consacrés au programme 350 afin d'atteindre 129,3 M€.
Si les deux programmes semblent clarifier les moyens et les priorités du ministère, votre rapporteur pour avis estime qu'il ne s'agit que d'une apparence. Les moyens humains du ministère (hors CTS qui font l'objet d'une mesure de périmètre) ne sont toujours pas retracés dans le programme 219 et aucun crédit n'est prévu dans le programme 350 pour concourir au financement du comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO) alors même qu'une contribution de l'État à hauteur de 20 M€ aurait dû être inscrite 3 ( * ) . Le projet de déménagement du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) bénéficie certes de 1,7 M€ en autorisations d'engagements mais sans aucun crédit de paiement 4 ( * ) . Enfin, la prise en charge des « restes à payer » du CNDS qui devrait s'étaler sur une dizaine d'années demeure incertaine sachant qu'elle a reposé cette année sur la réaffectation de crédits sous-consommés en gestion.
Au final, le sentiment qui domine est celui d'une certaine confusion tant sur les moyens réellement mobilisés pour la politique publique du sport que sur les missions qui incombent au ministère à l'issue des réorganisations encore en cours. La seule certitude tient, en fait, à la poursuite de la baisse des crédits consacrés au sport depuis 2017 si l'on fait abstraction des financements dédiés aux infrastructures olympiques, ceci alors même que le produit des taxes sur les jeux et les droits de retransmission continue à progresser au bénéfice principal du budget général, en contradiction avec leur objet même.
*
Le programme 163 « Jeunesse et vie associative », dont les crédits s'élèvent à 664,7 millions d'euros, appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, il comporte cette année une action supplémentaire pour le Service national universel (SNU). Si cette démarche du Gouvernement permet d'identifier, dans les documents budgétaires, les sommes consacrées à cette nouvelle politique, cette création n'empêchera pas un empiétement sur les crédits des autres actions du programme lors de l'exécution budgétaire. Votre commission procédera à un suivi attentif de la consommation des crédits du SNU.
Hors SNU, les crédits sont en hausse de 3,15 %, soit 19,38 millions d'euros. Mais certaines augmentations de crédits peuvent paradoxalement être synonymes de recul d'une politique ambitieuse en faveur de la jeunesse. Ainsi, les moyens alloués à la jeunesse et à l'éducation populaire sont gelés, puisque les crédits qui lui sont alloués ont été reconduits par rapport au budget 2019.
Mais surtout, votre rapporteur pour avis 5 ( * ) relève une forte inflexion de la hausse des crédits consacrés au service civique. Alors que les années précédentes, le budget connaissait une croissance à deux chiffres - + 24 % en 2018, + 12 % en 2019 - les crédits pour 2020, en hausse seulement de 2,2 %, marquent nettement le pas. Ce fait traduit pour votre rapporteur pour avis le choix du Gouvernement de faire monter en puissance le SNU, au détriment d'un service civique accessible au plus grand nombre. Or, le service civique, qui fêtera l'année prochaine ses dix ans, a fait ses preuves en matière d'insertion de la jeunesse.
Les regrets de votre rapporteur pour avis sont d'autant plus forts que le SNU est un dispositif encore en gestation. Bien qu'une première expérimentation ait eu lieu en 2019 avec 2 000 jeunes en séjour de cohésion, le SNU est loin d'être, à court terme, généralisable à toute une classe d'âge. De nombreuses questions demeurent sur son financement, ainsi que sur les modalités pratiques d'organisation et de fonctionnement.
Au final, votre rapporteur pour avis craint que les crédits consacrés au SNU ne soient pas suffisants pour lancer un dispositif d'envergure, utile aux jeunes et à la société, tandis que ceux pour le service civique ne soient plus suffisants pour maintenir sa dynamique de développement. Rien ne serait pire, en mettant l'accent sur un outil non finalisé au détriment d'un dispositif en plein essor et qui fonctionne, de casser ce dernier et de se retrouver sans politique efficace en faveur de la jeunesse.
* 1 Voir à ce sujet le rapport de notre collègue Claude Kern : https://www.senat.fr/rap/l18-597/l18-597.html
* 2 Cette enveloppe représente un peu moins de la moitié du budget pluriannuel total de la Solideo qui s'élève à 3 milliards d'euros, le solde devant être apporté par les acteurs privés, notamment les promoteurs immobiliers du village olympique et paralympique et du village des médias.
* 3 Les crédits de l'action n° 2 du programme 350 seront nuls en 2020 comme en 2019.
* 4 Le choix de faire figurer ces AE dans l'action n° 4 programme 350 « héritage des JOP » pose par ailleurs question, la dimension olympique de cet équipement n'étant pas prédominante puisqu'il est appelé à servir pour la coupe du Monde de rugby 2023 et à remplacer un équipement indispensable en dehors même de l'organisation des JOP.
* 5 M. Jacques-Bernard Magner.