D. LA MISE EN PLACE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL NE DOIT PAS SE FAIRE AU DÉTRIMENT DU SERVICE CIVIQUE
Malgré ces résultats très positifs, votre rapporteur pour avis regrette la très nette inflexion des crédits consacrés au service civique dans le projet de budget pour 2020.
Ainsi, alors que les années précédentes, il était habituel d'avoir un taux de progression à deux chiffres des crédits alloués , pour 2020, cette hausse n'est que de 2 % - contre + 12 % l'année précédente.
Le graphique ci-après retrace l'évolution des crédits alloués à l'agence du service civique et le taux de progression d'une année sur l'autre, ainsi que les crédits exécutés.
Évolution des crédits alloués (et
taux de progression),
ainsi que des crédits exécutés
par l'agence du service civique
Sources : documents budgétaires
Dans ces conditions de hausse insuffisante des crédits pour faire face au nombre de demandes, la tendance actuelle est à une volonté de réduire la durée des missions. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, l'agence du service civique demande de réduire la durée de la mission de neuf mois à huit voire sept mois. De l'aveu même de Mme Béatrice Angrand, présidente de l'agence du service civique, même si « toute mission reste une chance pour le jeune », un stage de sept mois pose plusieurs problèmes :
- alors qu'un stage de neuf mois permet de couvrir une année scolaire ou universitaire , un stage d'une durée inférieure pose la question de ce que le jeune va faire dans l'intervalle entre la fin de sa mission et la reprise de ses études ou de son projet professionnel ;
- former un jeune nécessite un certain temps, afin que ce dernier soit opérationnel. Ce délai est d'autant plus important pour des petites structures moins organisées ou peu habituées à accueillir des volontaires, ou pour des jeunes en difficulté d'insertion sociale. La durée de la mission doit être suffisamment importante pour permettre aux structures d'accueil de tirer profit de la présence de ce jeune en leur sein. Celles-ci risquent de refuser de proposer des missions courtes entraînant ainsi une diminution du nombre de missions proposées.
Dans ce contexte de diminution de la durée des missions, qui a nécessairement des conséquences négatives sur les bénéfices du service civique qu'en retirent le jeune et l'organisme d'accueil, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'articulation entre le service civique et le service national universel . La phase 3 de ce dernier prévoit en effet une mission d'une durée de trois à douze mois. Votre rapporteur pour avis se demande si cette articulation ne va pas conduire à une pression pour diminuer encore la durée des missions . En effet, lors de son audition devant votre commission, M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, a déclaré que le succès du service national universel se mesurera à l'aune du nombre de jeunes choisissant d'effectuer une mission volontaire d'engagement dans le cadre de la phase 3 du SNU. Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler qu'en l'état actuel de la réglementation, une mission du service civique ne peut avoir une durée inférieure à six mois . Une modification de cette règle permettant des missions de très courte durée pourrait remettre en cause la nature même du service civique .
De plus, pour votre rapporteur pour avis, il est inconcevable de vouloir augmenter le nombre de jeunes en mission d'engagement, sans une hausse des crédits dédiés et du personnel affecté à l'accompagnement des structures et au contrôle des missions, indispensables pour s'assurer de la qualité des missions proposées :
- pas de substitution à l'emploi : à cet égard, votre rapporteur pour avis sera particulièrement vigilant sur le recours potentiel de jeunes en service civique pour soulager les directeurs d'école de certaines de leurs tâches ;
- obligation pour la structure accueillante d'assurer aux volontaires une formation civique et citoyenne ;
- chaque jeune doit disposer d'un tuteur formé ;
- accompagnement du jeune dans son « parcours d'avenir ».
Votre rapporteur pour avis note que l'agence du service civique ne dispose que de 54 ETP pour accompagner - et contrôler - 1 100 structures d'accueil. Dans son rapport de février 2008 relatif au service civique, la Cour des comptes pointait déjà la faiblesse du contrôle : l'agence du service civique « ne parvient pas à atteindre l'objectif de 20 % des organismes contrôlés chaque année qu'elle a elle-même fixé ». La Cour notait notamment l'existence de risques accrus en raison du changement d'échelle, avec des « possibilités de dévoiement réelles, en ce qui concerne la non-substitution aux emplois ou stages et la complémentarité des missions » 29 ( * ) . Ces remarques gardent toute leur acuité dans la perspective d'une augmentation potentiellement importante de jeunes en service civique dans le cadre de la phase 3 du SNU.
Afin de préserver une politique à destination de la jeunesse qui fonctionne, votre rapporteur pour avis souhaite la mise en place d'une parité budgétaire entre les moyens alloués au SNU et les moyens supplémentaires qui doivent être consacrés au service civique. À défaut, la dynamique que connaît le service civique depuis plusieurs années risque de se rompre. Or, votre rapporteur pour avis est convaincu qu'il sera très difficile - et coûteux - de la relancer, si cela devait arriver.
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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits du programme « Jeunesse et de la vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » .
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Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » .
* 29 Le service civique : une montée en charge réussie, un dispositif mal financé aux effets mal connus. Cour des comptes, rapport public, février 2018.