C. LA RÉVISION DES CONTRATS PHOTOVOLTAÏQUES : UNE DANGEREUSE REMISE EN CAUSE DE LA PAROLE DE L'ÉTAT
L'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement 8 ( * ) et de deux sous-amendements 9 ( * ) , a donné lieu à l'insertion d'un article rattaché 10 ( * ) à la mission « Écologie, développement et mobilités durables » visant à réviser le tarif de contrats d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques , afin de « mettre fin à une situation de rémunération excessive ».
Le dispositif proposé par l'article 54 sexies
Le mécanisme prévoit une réduction , pour certains contrats conclus entre 2006 et 2010, du tarif d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance crête de plus de 250 kilowatts , « de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés , résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux , compte tenu des risques inhérents à son exploitation ».
Interrogée par la commission, la ministre de la Transition écologique a indiqué que ce dispositif pourrait concerner environ 800 contrats et que seraient écartés de la révision de ces contrats « tous les petits contrats, les petits producteurs, et notamment le monde agricole ».
Il est prévu que les modalités de mise en oeuvre (niveau, date de mise en application) de ce dispositif soient précisées par un arrêté, dont le projet de texte serait soumis pour avis à la Commission de régulation de l'énergie.
L'article prévoit enfin une clause de sauvegarde , avec la possibilité, sur demande motivée d'un producteur, de fixer un niveau de tarif et une date de mise en oeuvre différente, « si ceux-ci sont de nature à compromettre la viabilité économique du producteur , notamment en tenant compte des spécificités de financement liées aux zones non interconnectées ».
La commission partage le constat du Gouvernement : certains producteurs bénéficient en effet d'une rentabilité élevée, en raison de la diminution des prix de cette technologie. La Cour des comptes, dans sa communication à la commission des finances du Sénat de mars 2018 sur « Le soutien aux énergies renouvelables », indiquait ainsi que : « En moins d'une décennie, le photovoltaïque est passé de la position de technologie renouvelable parmi les plus coûteuses à celle de technologie suffisamment compétitive pour concurrencer les moyens de production conventionnels ».
En revanche, elle considère que le dispositif proposé soulève plusieurs inquiétudes de nature à justifier sa suppression.
D'abord, la commission regrette l'absence d'étude d'impact accompagnant cette mesure, qui ne permet pas au législateur d'en apprécier précisément la portée.
En outre, si la possibilité prévue par l'article 54 sexies d'examen individuel, en cas d'impact économique important pour la société, semble au premier abord bienvenue, elle conduit en réalité à réduire d'autant plus l'intérêt du dispositif. D'une part, la mise en oeuvre de cette possibilité risque d'être extrêmement complexe. D'autre part, alors que l'objectif affiché par le Gouvernement est de préserver les ressources publiques et d'améliorer l'efficience des dépenses de soutien aux énergies renouvelables, cette clause de sauvegarde conduirait sans doute à en réduire considérablement le rendement et dès lors, interroge sur l'intérêt du dispositif lui-même.
Surtout, la commission estime qu'une telle évolution est porteuse de risque pour l'avenir en matière de développement des énergies renouvelables, puisqu'elle équivaut à une remise en cause de la parole de l'État. Ce dispositif est susceptible d'envoyer un signal négatif et de décourager de potentiels futurs investissements dans le secteur, dans un contexte où la France a déjà pris du retard sur ses objectifs.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission, suivant son rapporteur, a adopté un amendement visant à supprimer l'article 54 sexies .
* 9 Sous-amendements n° II-3550 et II-3560 .
* 10 Article 54 sexies.