Avis n° 143 (2020-2021) de Mme Sylvie ROBERT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2020

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N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication (1)
sur le projet de loi de finances ,
adopté par l'Assemblée nationale, pour
2021 ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :

Création et Transmission d es savoirs et démocratisation de la culture

Par Mme Sylvie ROBERT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mme Sabine Drexler, MM. Fabien Genet, Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

AVANT-PROPOS

La crise sanitaire a révélé les fragilités du secteur culturel qui se retrouve durement frappé par cette situation inédite.

Au-delà de la question du soutien financier, elle appelle une réflexion nationale pour déterminer s'il n'existerait pas d'autres modèles plus soutenables vers lesquels les acteurs culturels pourraient tendre et que les collectivités publiques pourraient accompagner.

Plusieurs conditions devront être réunies pour que la relance se traduise de manière effective et concrète sur le terrain et donne les résultats escomptés :

- que les dispositifs transversaux de l'État, notamment l'activité partielle exceptionnelle, puissent être prolongés au-delà du 31 décembre 2020 ;

- qu'une organisation territoriale opérationnelle associant, entre autres, les collectivités territoriales et les directions régionales des affaires culturelles, soit très rapidement mise en place ;

- que les budgets des lieux labellisés puissent être évalués ;

- que les artistes et les associations culturelles soient mobilisés pour une relance de l'éducation artistique et culturelle dans un processus plus souple et plus rapide.

L'enjeu de la relance passera par un accompagnement efficace des acteurs culturels, par une confiance retrouvée des populations et par la reconstruction de cet écosystème culturel qui joue un rôle si essentiel dans notre société.

I. I. UN EFFORT IMPORTANT EN FAVEUR DE LA CRÉATION MALGRÉ PLUSIEURS POINTS DE VIGILANCE

A. LA PRISE EN COMPTE DES MENACES QUI PÈSENT SUR LA CRÉATION

1. Une crise sans précédent qui menace notre modèle culturel

La crise sanitaire que traverse notre pays depuis le début du mois de mars est inédite par son ampleur, son intensité et sa durée.

Le secteur culturel fait partie des secteurs les plus affectés . Les annulations auxquelles cette crise donne lieu et les réductions de jauge imposées par les contraintes sanitaires se traduisent par des pertes irréversibles . Au sein du secteur culturel, le spectacle vivant et, dans une moindre mesure, les arts visuels, ont été très durement frappés, comme le révèle une étude du département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture parue le 2 juillet, fondée sur l'hypothèse d'un maintien de mesures sanitaires strictes d'ici la fin de l'année, mais d'une absence de reconfinement. Le DEPS estime le montant des pertes de chiffre d'affaires sur l'année 2020 à 4,2 milliards d'euros pour le secteur du spectacle vivant et à 3 milliards d'euros pour le secteur des arts visuels. Les structures culturelles, les équipes artistiques et les artistes qui sont les plus dépendants des recettes de billetterie sont naturellement ceux qui sont les plus affectés, dans la mesure où la billetterie est aujourd'hui à l'arrêt.

Source : étude du DEPS, ministère de la culture

La mise en place d'un deuxième confinement depuis maintenant trois semaines est venue stopper net la timide reprise observée depuis la fin du mois de juin et confirmer la longueur de l'attente avant que le secteur culturel puisse retrouver une activité normale .

Le secteur de la création est aujourd'hui plongé dans une crise d'une gravité sans précédent . En l'absence d'un soutien public fort, le risque de défaillances de nombreuses structures culturelles, privées ou publiques, est réel. Compte tenu de l'ampleur de l'écosystème culturel, il fait peser de graves menaces pour l'emploi, les artistes, la création, l'accès à la culture, le dynamisme des territoires et la diversité artistique.

Comme l'ont souligné les intervenants de la table ronde sur la situation des salles de spectacle, de cinéma et de théâtre organisée par la commission de la culture le 27 octobre dernier, la crise sanitaire accélère en effet les phénomènes de concentration , déjà à l'oeuvre depuis plusieurs années. La commission de la culture avait déjà pointé du doigt en 2017 1 ( * ) les risques associés à une concentration accrue dans le secteur du spectacle vivant : effets économiques dévastateurs pour le reste de la filière et pour le public, uniformisation de l'offre artistique, atteinte à l'indépendance artistique. Il conviendra donc d'être très attentif aux effets de la crise en matière de concentration, afin de prendre, le cas échéant, des mesures de régulation, aujourd'hui inexistantes, avant qu'il ne soit trop tard .

2. 390 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur de la création en 2021

Depuis le début de la crise, les collectivités territoriales et l'État ont manifesté leur volonté de préserver l'avenir de notre modèle culturel , conscients de la nécessité d'un soutien à la culture pour qu'elle puisse encore jouer son rôle de ciment de la cohésion sociale dans ces temps de crise.

Un arsenal de moyens a été mis en place au cours de l'année 2020 comprenant, de la part de l'État, à la fois des mesures transversales (activité partielle, exonérations de charges sociales, fonds de solidarité et prêts garantis par l'État) et des mesures sectorielles, spécifiques au ministère de la culture, destinées à limiter les « trous dans la raquette » (fonds de soutien sectoriels gérés par les opérateurs de l'État dans chaque circuit de diffusion, année blanche pour les intermittents, mesures de compensation pour les opérateurs en difficulté, fonds festivals, fonds de compensation des pertes de billetterie...).

Le projet de quatrième loi de finances rectificative pour 2020, actuellement en cours de discussion au Parlement, comporte 85 millions d'euros d'ouverture de crédits pour accroître le soutien au spectacle vivant musical privé et subventionné (60 millions d'euros), le soutien au théâtre privé (10 millions d'euros), le soutien aux lieux, compagnies et festivals subventionnés du spectacle vivant non musical (10 millions d'euros) et pour abonder de 5 millions d'euros les crédits du fonds d'urgence spécifique et temporaire de solidarité destiné aux artistes et techniciens du spectacle qui n'entrent dans aucun autre dispositif, créé début septembre.

Par son ampleur, le projet de loi de finances pour 2021 témoigne de nouveau de la volonté de l'État d'éviter que la création ne soit sacrifiée sur l'autel de la crise sanitaire . Sans surprise, ses principaux objectifs sont de relancer l'activité artistique, de soutenir l'emploi dans le secteur de la création, de redynamiser la jeune création et de renforcer la présence artistique dans les territoires. L'analyse des crédits du projet de loi de finances pour 2021 nécessite de prendre en compte à la fois les crédits inscrits au titre de la mission « Culture » et ceux inscrits sur le volet culturel du plan de relance.

Les crédits du programme 131 « Création » , à 886 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 862 millions d'euros en crédits de paiement (CP) augmentent de 3,9 % en AE et 4,5 % en CP par rapport à la loi de finances initiales pour 2020. Il comporte près de 37 millions d'euros de mesures nouvelles , parmi lesquelles :

- 15 millions d'euros destinés en particulier aux labellisations en cours, aux résidences et au renforcement des marges artistiques. Très attachée à ce que les équipes artistiques et les équipes indépendantes puissent être également soutenues dans cette période de crise, la commission de la culture a obtenu la confirmation de la part de la direction générale de la création artistique qu'une partie de ces nouveaux crédits leur serait destinée ;

- 2 millions d'euros alloués pour la mise en oeuvre du plan artistes-auteurs avec la création d'un Conseil national des artistes-auteurs et le développement d'un outil d'information en ligne pour les artistes-auteurs ;

- une revalorisation à hauteur de 5 millions d'euros des crédits du Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), qui atteignent ainsi 22 millions d'euros ;

- 14,6 millions d'euros de crédits d'investissement pour deux opérations : l'installation du Centre national des arts plastiques à Pantin et des travaux sur les cages de scène sur les deux sites de l'Opéra de Paris.

À ces crédits s'ajoutent 469 millions d'euros en AE et 353 millions d'euros en CP de mesures en faveur de la création 2 ( * ) au titre du plan de relance , soit l'équivalent de plus de 40 % des crédits du programme « Création » . Ces crédits se répartissent de la manière suivante :

- 206 millions d'euros en AE et 134,9 millions d'euros en CP, dont les deux-tiers visent à soutenir les opérateurs nationaux et le dernier tiers concerne le secteur du spectacle vivant subventionné, afin d'aider les institutions de spectacle vivant en région à relancer leur programmation et à réaliser des investissements en faveur de la transition écologique ;

- 220 millions d'euros en AE et 185 millions d'euros en CP en faveur du spectacle vivant privé, dont l'essentiel est destiné à la filière musicale et 10 millions d'euros à l'ensemble du spectacle vivant non musical. La directrice générale de la création artistique a précisé que l'Association de soutien au théâtre privé, chargée de gérer cette enveloppe de 10 millions, aurait pour consigne d'accompagner l'ensemble des lieux de spectacles non musicaux, au-delà de son périmètre statutaire, dans la relance de leurs activités et de leurs productions ;

- 30 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP pour un programme exceptionnel de commande publique visant à soutenir les plus jeunes artistes des différentes disciplines (littérature, arts visuels, musique) ;

- 13 millions d'euros en AE et en CP pour soutenir les artistes fragilisés par la crise qui ne sont pas éligibles aux dispositifs transversaux du chômage partiel ou de l'année blanche.

Les crédits d'impôt se révèlent également être d'excellents leviers pour soutenir les structures culturelles dans le contexte de la crise sanitaire . La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR3) a d'ailleurs réintroduit dans le champ du crédit d'impôt pour le spectacle vivant les spectacles d'humour, qui en avaient été exclus depuis 2019, compte tenu des forts dommages causés par la crise sanitaire sur cette esthétique. Elle a également étendu le bénéfice de ce crédit d'impôt au théâtre.

Conçues pour les spectacles musicaux et principalement destinées à soutenir l'émergence, les conditions que les spectacles doivent remplir pour être éligibles au crédit d'impôt, s'avèrent inadaptées aux spectacles de théâtre. Aussi, le présent projet de loi comporte un article (3 undecies ), inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, instaurant un crédit d'impôt spécifique en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques jusqu'à la fin de l'année 2024. Il vise à soutenir l'amorçage et la diffusion des spectacles de théâtre les moins rentables. Le crédit d'impôt est limité aux créations nouvelles, nécessitant la présence d'au moins six artistes sur scène, s'appuyant sur une équipe de comédiens professionnels et donnant lieu à au moins vingt représentations dans deux lieux différents.

Le présent projet de loi comporte également un autre article (3 duodecies ), inséré par les députés à l'initiative des membres du groupe la République en Marche, qui assouplit, au titre des exercices 2021 et 2022, les critères d'éligibilité au crédit d'impôt pour le spectacle vivant musical ou de variétés afin de mieux accompagner les entrepreneurs de spectacle dans la reprise progressive de leur activité. Le critère de quatre représentations dans au moins trois lieux est remplacé, pour une durée de deux ans, par celui de deux représentations dans deux lieux différents. Il prolonge également jusqu'à la fin de l'année 2024 , conformément à l'engagement pris par le Premier ministre fin août, la durée d'existence de ce crédit d'impôt, qui avait été bornée à 2022 par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Compte tenu de la nécessité de soutenir la relance de l'activité, votre rapporteure pour avis a décidé de présenter un amendement au présent projet de loi visant à bonifier le taux de ce crédit d'impôt pour les années 2021 et 2022 , par cohérence avec la période d'application du plan de relance ( amendement I-639 ).

B. UN EFFORT FINANCIER INDISPENSABLE À CONSOLIDER SUR LE PLAN POLITIQUE

1. L'existence de deux dangers
a) La durée de la crise sanitaire

Élaborées en septembre, alors que l'activité culturelle enregistrait une reprise progressive, les mesures inscrites au projet de loi de finances pour 2021 pourraient se révéler insuffisantes si les activités culturelles devaient rester interrompues une partie de l'année 2021 . Le projet de loi de finances a en effet été conçu à un moment où les informations à la disposition du Gouvernement ne lui permettaient pas d'envisager une crise aussi longue et d'une telle ampleur. Le plan de relance a été bâti dans la perspective d'une reprise de l'activité en 2021, certes modérée et dégradée, mais sur la base de recettes de billetterie atteignant tout de même 60 % de leur niveau de 2019.

Alors que la ministre de la culture a laissé entendre aux acteurs culturels que la situation resterait compliquée au moins tout au long du premier semestre de l'année 2021, le spectacle vivant et les arts visuels s'inquiètent que l'essentiel des crédits du plan de relance aient été consommés au titre du soutien d'urgence au moment où la reprise sera effective. D'où l'importance que les mesures transversales soient prolongées pour le secteur de la culture, au-delà du 31 décembre 2020, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, si cela s'avérait nécessaire . Auditionnée par la commission de la culture le 10 novembre dernier, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a indiqué que le Gouvernement était prêt à maintenir le dispositif exceptionnel de l'activité partielle et à prolonger la mesure de l'année blanche pour les intermittents en fonction de l'évolution de la situation.

D'autres questions mériteront également d'être examinées courant 2021 à l'aune de l'évolution de la crise sanitaire pour limiter le risque de faillites de structures culturelles, en particulier la question du report de l'échéance pour le remboursement des prêts garantis par l'État et celle, de plus en plus problématique à mesure que la trésorerie s'amenuise, du paiement des loyers . Les lieux de diffusion artistique sont tout aussi affectés que les commerces par l'arrêt de leurs activités.

Une évaluation approfondie de la situation des caisses sociales chargées de protéger les artistes devra également être réalisée. Ces caisses sont particulièrement sollicitées par les artistes et les intermittents dans cette période de crise. Mais, la crise a aussi des conséquences sur leur capacité de financement, le montant des cotisations qu'elles perçoivent étant dépendant du niveau de l'activité. Il serait catastrophique qu'elles ne puissent plus jouer leur rôle d'amortisseur dans le contexte actuel si leurs capacités financières devenaient insuffisantes pour verser leurs prestations.

Le caractère inédit de cette crise place aujourd'hui le Gouvernement dans une situation d'incapacité à fournir aux acteurs culturels la visibilité qu'ils demandent pour assurer leur programmation. Il s'agit d'une difficulté majeure qui pourrait conduire les acteurs culturels, à l'image des festivals, à être contraints de prendre, plusieurs mois à l'avance, la décision d'annuler leurs représentations pour minimiser leurs pertes, au risque d'aggraver encore l'impact de la crise sanitaire sur le secteur. À la différence du premier confinement, le Gouvernement a autorisé le maintien des répétitions à huis clos pendant la durée de ce deuxième confinement afin d'accélérer la reprise de l'activité une fois celui-ci levé. Il a également autorisé les enregistrements et captations d'oeuvres sans public dans l'objectif de développer l'offre culturelle numérique.

Au-delà des moyens accordés au secteur de la création par le présent projet de loi de finances, se pose également la question de la place de la culture dans notre projet de société . La décision du Gouvernement de considérer, depuis le mois de mars, les activités culturelles parmi les « activités non essentielles » a beaucoup heurté les acteurs culturels. Ceux-ci ont aujourd'hui besoin de gages démontrant que la culture est effectivement considérée comme centrale dans le processus de résilience face à la crise sanitaire.

b) La gouvernance territoriale

La coordination entre l'État et les collectivités territoriales constitue l'une des clés de la réussite de la réponse à la crise sanitaire . Les collectivités territoriales sont en effet incontournables en matière de soutien aux acteurs culturels, assumant habituellement 70 % des dépenses des collectivités publiques en faveur de la création.

Les difficultés rencontrées sur le terrain par les acteurs culturels pour obtenir la levée de la clause de service fait de la part de certaines collectivités territoriales ou d'établissements d'enseignement illustrent bien aujourd'hui ce manque de coordination. Malgré la demande de la commission de la culture exprimée en juin à l'occasion de la présentation des conclusions du groupe de travail sur l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le secteur de la création, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a indiqué lors de son audition le 10 novembre qu'elle ne prendrait pas de circulaire sur le sujet, renvoyant à la responsabilité de chacun. La commission de la culture juge pourtant essentiel que cette clause puisse être levée, afin de ne pas aggraver les difficultés rencontrées par les artistes dans cette période critique .

Interrogée sur la méthode qu'elle souhaitait instaurer pour associer davantage les collectivités territoriales à la politique culturelle dans le contexte de la crise sanitaire, la ministre a en revanche confirmé qu'il ne serait pas suffisant d'injecter de l'argent dans les territoires et qu'il fallait coordonner l'action de l'État avec celle des collectivités territoriales afin de conférer aux crédits octroyés par l'État à la relance un véritable effet de levier.

Elle a rappelé que le Conseil des territoires pour la culture (CTC) avait été réuni à plusieurs reprises depuis le début de la crise et que ses déclinaisons régionales seraient définitivement installées dans les prochains mois, après les premières réunions dans un cadre régional qui se sont tenus au printemps. Elle n'a cependant pas précisé si la représentation au sein de ces conseils pourrait différer d'une région à l'autre pour tenir compte des spécificités régionales ou si les acteurs culturels ou les citoyens pourraient y être associés pour mieux adapter la réponse aux besoins de chaque territoire. Il s'agit pourtant de demandes qui ont été exprimées depuis plusieurs mois pour garantir que ces instances ne soient pas un énième forum de discussion, mais jouent un rôle pleinement opérationnel . La ministre a en revanche indiqué qu'elle avait donné des instructions pour que les directions régionales des affaires culturelles soient associées par les sous-préfets en charge de la relance.

La commission de la culture insiste sur la nécessité de mettre en place très rapidement un cadre de travail structuré permettant des échanges réguliers entre les collectivités territoriales et l'État en matière culturelle sur le terrain, seul moyen pour permettre aux collectivités publiques de réagir très rapidement et de manière coordonnée aux besoins des acteurs culturels et des citoyens dans le contexte de la crise sanitaire. Si les professionnels de la culture et la population se résignent aujourd'hui à l'arrêt des activités culturelles dans le cadre du confinement, il apparaît important de réfléchir dès aujourd'hui aux scénarii et aux stratégies pour réduire au maximum les délais au moment où l'activité pourra reprendre et préserver l'existence d'un printemps 2021 véritablement culturel.

2. Des points de vigilance
a) La proportionnalité du soutien entre les différentes disciplines et structures

La commission de la culture s'inquiète que la dureté de la crise sanitaire et les éventuelles disparités constatées dans le soutien de l'État ne viennent exacerber les tensions existantes entre les différentes disciplines artistiques et entre les différentes structures, selon qu'elles sont à but lucratif ou non.

Malgré le soutien particulier dont il fait l'objet, parfaitement justifié au regard de l'impact de la crise sanitaire sur ses activités, le spectacle vivant musical n'est pas lui-même épargné par des frictions. Il s'agit d'un vrai test pour le Centre national de la musique (CNM), chargé depuis sa création le 1 er janvier 2020 de représenter l'ensemble de la filière musicale, dans toute sa diversité. Se pose notamment la question de l'éligibilité de l'ensemble des acteurs de la filière, qu'ils soient ou non contributeurs de la taxe sur les spectacles, aux aides que cet organisme distribue pour le compte de l'État dans le contexte de la crise sanitaire, les établissements publics et les structures subventionnées enregistrant eux-mêmes de lourdes pertes de billetterie. La directrice générale de la création artistique a laissé entendre que le fonds de compensation des pertes de billetterie devrait être ouvert à toute la filière musicale.

Dans le même ordre d'idées, la commission de la culture rappelle sa demande d'un élargissement du bénéfice du dispositif d'activité partielle aux salariés de droit privé de l'ensemble des structures culturelles, quelle que soit leur forme juridique , y compris les EPCC, cette question n'ayant toujours pas été résolue depuis le mois d'avril.

Une évaluation rapide de la situation budgétaire des lieux labellisés permettrait d'identifier la nature des difficultés qu'ils rencontrent, ces structures étant elles aussi très dépendantes des recettes de billetterie.

Au sein du spectacle vivant non musical , des incompréhensions se font jour autour de l'exclusion d'un certain nombre d'esthétiques (secteur chorégraphique, cirque de création, marionnette) du bénéfice du nouveau crédit d'impôt théâtre prévu par les députés, finalement réservé aux seules représentations d'oeuvres théâtrales dramatiques, alors que le législateur, dans le cadre du PLF3, avait manifesté sa volonté qu'il s'applique à l'ensemble des représentations qui pouvaient avoir lieu dans un théâtre. Votre rapporteure pour avis a déposé un amendement au présent projet de loi ouvrant le bénéfice de ce crédit d'impôt à l'ensemble des représentations de spectacle vivant non musical , dans la mesure où la crise sanitaire a frappé de manière identique l'ensemble de ce secteur ( amendement I-637 ). Par cohérence avec l'amendement relatif au crédit d'impôt pour le spectacle vivant, elle a également déposé un amendement visant à bonifier le taux de ce nouveau crédit d'impôt théâtre pour les années 2021 et 2022 ( amendement I-638 ).

Le secteur des arts visuels a bénéficié depuis le début de la crise sanitaire d'aides sectorielles d'urgence à hauteur de 3,27 millions d'euros pour soutenir les labels, les structures non labellisées, les galeries d'art et les artistes plasticiens. Des redéploiements de crédits restent par ailleurs envisagés en fin d'exercice pour octroyer de nouvelles aides aux artistes.

En 2021, les arts visuels devraient disposer de plusieurs mesures du plan de relance : abondement des dispositifs d'urgence à destination des créateurs et lieux d'exposition pour les arts visuels (6 millions d'euros), programme de commande publique à partager avec les auteurs, les musiciens et les artistes-interprètes (30 millions d'euros), fonds pour la remise aux normes et la transition écologique des bâtiments à partager avec les salles de spectacle (20 millions d'euros). Les crédits d'intervention déconcentrés inscrits au titre de l'action 2 consacré au soutien aux arts visuels progressent par ailleurs de 3 millions d'euros (12 %) pour soutenir le fonctionnement des FRAC et des centres d'art (400 000 euros), aider les labels des arts visuels à reconstituer leurs marges artistiques, développer les résidences et poursuivre l'accompagnement des labellisations en cours (2,3 millions d'euros), et soutenir les ateliers de fabrique artistique (300 000 euros).

Malgré ces efforts, le secteur des arts visuels continue de se sentir insuffisamment pris en compte par le ministère de la culture . Il reproche à celui-ci de méconnaître la réalité du fonctionnement des arts visuels, en particulier le rôle essentiel joué par le tissu associatif en matière de diffusion et d'éducation artistique et culturelle. Il souligne une nouvelle fois les difficultés d'accès aux aides de l'État rencontrées par une majorité d'artistes. La commission de la culture estime que ces problèmes pourraient être partiellement résorbés par une meilleure structuration du secteur des arts visuels , qui aurait pour effet de le rendre plus visible. Elle déplore qu'aucun moyen ne soit affecté au fonctionnement du Conseil national des professions des arts visuels (CNPAV). Elle regrette également que les crédits consacrés à la structuration des professions, inscrits au titre de l'action 6 du programme 131, restent stables par rapport à 2020, à 3,02 millions d'euros, et qu'aucune précision ne soit apportée sur leur répartition entre le spectacle vivant et les arts visuels 3 ( * ) . Elle juge enfin important qu'un effort particulier soit consacré en 2021 à la mise en place de schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) dans les régions qui n'en ont pas encore adoptés, et que la mise en oeuvre des SODAVI existants fassent l'objet d'une évaluation dans les autres régions pour s'assurer qu'ils ne restent pas lettre morte.

Globalement, la commission de la culture regrette que le tissu associatif oeuvrant dans le domaine culturel, largement responsable de l'accès à la culture et aux pratiques culturelles au quotidien dans les territoires, ne fasse pas l'objet d'un meilleur accompagnement de la part du ministère de la culture . L'action des associations est aujourd'hui peu reconnue. Elles sont principalement soutenues par les crédits de l'État au titre de la jeunesse et de la vie associative et ne bénéficient de subventions de la part du ministère de la culture qu'au titre de l'appel à projets, et non pour leur fonctionnement. La crise sanitaire les a grandement fragilisées. Une attention particulière mériterait de leur être apportée en 2021 en mobilisant, à cet effet, une partie des crédits déconcentrés en DRAC au titre du plan de relance.

La commission de la culture avait déjà souligné, dans les conclusions du groupe de travail sur l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le secteur de la création, les risques que faisait peser l'approche en silo prédominante au sein du ministère de la culture . Elle se félicite de la création, à compter du 1 er janvier prochain, d'une nouvelle délégation qui aura rang de direction d'administration centrale chargée de renforcer l'ancrage de l'action du ministère de la culture dans les territoires auprès de tous les habitants. Elle espère que sa mise en place permettra d'accroître les synergies entre les différentes directions sectorielles et garantira un plus grand équilibre et une meilleure prise en compte de l'ensemble des acteurs qui font la culture dans les territoires.

b) La nécessité d'une véritable politique de l'État à destination des festivals

L'État s'est beaucoup désintéressé des festivals depuis 2003, réduisant considérablement le nombre de festivals qu'il subventionne. Malgré le travail réalisé en 2018 par Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles, en matière de recensement des festivals, la connaissance des festivals reste encore très partielle et aucune observation des festivals n'existe au niveau national.

En contraignant de nombreux festivals à l'annulation pendant la saison 2020 et en menaçant leur avenir, la crise sanitaire a contribué à la prise de conscience du rôle majeur joué par les festivals dans la cohésion sociale et l'attractivité des territoires, comme de leur place considérable dans les écosystèmes locaux . C'est ce qui a conduit l'État, d'une part, à mettre en place, au printemps dernier, une cellule « festivals » au sein de l'administration centrale du ministère de la culture pour répondre aux demandes des organisateurs dans le contexte de la crise sanitaire, et à créer, dans le cadre du troisième projet de loi de finances pour 2020, un fonds de soutien aux festivals, doté de 10 millions d'euros . Essentiel, ce fonds, dont les crédits ont déjà été intégralement consommés, a permis de soutenir environ 300 organisateurs dans tous les domaines et d'éviter que certains festivals ne disparaissent, grâce à l'action conjointe des collectivités territoriales qui ont globalement maintenu le niveau de leurs subventions.

Il devrait être reconduit pour l'année 2021 et financé à hauteur de 5 millions d'euros sur les crédits du plan de relance. Les organisateurs de festivals jugent toutefois le montant de cette dotation faible, compte tenu des pertes de financement de l'ordre de 10 millions d'euros auxquels ils s'attendent du fait, d'une part, du désengagement d'un nombre important de mécènes dans le contexte de la crise sanitaire et, d'autre part, des difficultés financières rencontrées par les organismes de gestion collective, financeurs importants des festivals, victimes d'une chute du montant de leurs cotisations en raison de la faible activité culturelle en 2020.

Consciente de la nécessité de réinterroger la manière dont l'État accompagne les festivals, la ministre de la culture a convoqué, les 2 et 3 octobre derniers, des États généraux des festivals à Avignon. Sept thématiques ont été identifiées : le développement durable et les festivals, festivals et territoires, l'évolution des modèles économique, les publics et l'accès de toutes et tous aux festivals, le bénévolat et les festivals, l'égalité femmes-hommes et la diversité dans les festivals et la place des festivals dans les parcours artistiques. Rendez-vous a été pris pour une deuxième édition de ces États généraux à l'occasion du Printemps de Bourges en avril 2021, au cours desquels des annonces pourraient être faites.

Si les organisateurs de festivals se félicitent de l'intérêt renouvelé de l'État envers eux, ils s'inquiètent de ne pas avoir été informés de la méthode et du calendrier de travail d'ici aux deuxièmes États généraux, rappelant l'importance de connaître les contours de la politique de l'État à leur égard avant que ne débute le gros de la saison 2021 des festivals. Ils s'interrogent sur les moyens dont disposera l'État pour donner une traduction concrète à cette nouvelle politique en 2021, dans la mesure où aucun nouveau crédit n'est véritablement inscrit dans le présent projet de loi à cette fin 4 ( * ) . Ils souhaiteraient également obtenir rapidement confirmation que l'ensemble des festivals, quelles que soient la discipline ou l'esthétique qu'ils représentent, seront éligibles au fonds de soutien aux festivals et au fonds de compensation de la billetterie.

Compte tenu de la multiplicité des enjeux liés aux festivals et de leurs retombées nombreuses, la commission de la culture réitère les demandes qu'elle avait formulées à l'occasion des conclusions du groupe de travail sur l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le secteur de la création, à savoir la nécessité de mettre en place un outil d'observation des festivals au niveau national et de développer une approche interministérielle sur la question des festivals , entre les ministères chargés de la culture, du tourisme, de l'économie, de la cohésion des territoires et de l'intérieur. Elle pourrait entraîner une nouvelle dynamique favorable à la relance, sous réserve que chaque ministère impliqué ait à coeur de soutenir avant tout l'effervescence des festivals.

II. TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN AXE ESSENTIEL DE TRAVAIL DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À L'AUNE DE CETTE CRISE

A. UN SIGNAL POLITIQUE ENCORE NÉCESSAIRE EN DIRECTION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE

1. Un effort budgétaire important pour la rénovation des écoles de l'enseignement supérieur culture et le développement du numérique

Les 99 établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la culture devraient bénéficier d'une dotation importante de 70 millions d'euros au titre du plan de relance.

Pour 64,5 millions d'euros, ces crédits visent à financer un plan de rénovation des bâtiments , qui devrait concerner 14 des 40 établissements publics nationaux que compte l'enseignement supérieur culture (ESC) 5 ( * ) . Aucune indication n'a cependant été donnée sur la manière dont les établissements concernés ont été sélectionnés. Plusieurs écoles aujourd'hui vétustes et dont les capacités d'accueil sont sous-dimensionnées par rapport au nombre de leurs étudiants, à l'image de l'École nationale supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-La Villette, ne sont pas mentionnées.

Les 5,6 millions d'euros restants devraient financer l'accélération de la digitalisation des écoles , la crise sanitaire ayant révélé la nécessité d'améliorer leur capacité à assurer leurs pédagogies à distance.

Les crédits destinés aux établissements d'enseignement supérieur pour 2021 inscrits sur la mission « Culture » progressent eux aussi, même si dans des proportions moindres. Les étudiants, dont la crise sanitaire a aggravé la situation, en sont les bénéficiaires essentiels. Les nouveaux crédits alloués à l'action 1 et les économies réalisées en matière d'investissements grâce à leur prise en charge au titre du plan de relance permettent de dégager près de 8 millions d'euros de mesures nouvelles, principalement répartis entre :

- la mise en place d'un Plan étudiant de 4,3 millions d'euros, dont 2,3 millions d'euros pour améliorer les conditions de vie et d'études, en particulier en matière de restauration, et 2 millions d'euros pour soutenir l'insertion professionnelle des étudiants (développement du monitorat-tutorat, création d'outils numériques facilitant la mise en relation avec le secteur professionnel, développement des offres de résidences...) ;

- un rebasage de 3 millions d'euros des bourses sur critères sociaux , qui pourraient atteindre 25,06 millions d'euros après avoir baissé en 2019 et 2020.

Pour le reste, les crédits restent stables. Les dotations des établissements sont préservées. Les crédits destinés à la structuration de la recherche dans les écoles d'art sont maintenus à un million d'euros. Les crédits destinés à la recherche dans les écoles nationales supérieures d'architecture, inscrits sur l'action 4 « recherche culturelle et culture scientifique et technique » de ce même programme restent également inchangés à 1,19 millions d'euros. Alors qu'un projet de loi de programmation de la recherche est en discussion au Parlement, cette absence de revalorisation des crédits de recherche surprend d'autant plus que la reconnaissance de la recherche dans ces établissements constitue un enjeu majeur pour assurer leur attractivité et leur compétitivité internationales dans les années à venir. Le ministère de la culture a assuré votre rapporteure pour avis que la nouvelle délégation réaliserait courant 2021 un état des lieux et des besoins de l'enseignement supérieur culture en matière de recherche, qui lui servira de base de réflexion sur la place à accorder à la recherche dans les cursus des écoles.

2. Un besoin de clarification rapide des ambitions du ministère de la culture pour les écoles d'architecture et les écoles d'art

Après une année marquée par un mouvement de grève au sein des ENSA pour dénoncer leur manque de moyens, l'absence de revalorisation, en 2021, des crédits destinés aux établissements d'enseignement supérieur en tant que tels n'incite pas à l'optimisme quant au règlement rapide des difficultés rencontrées par les établissements de l'ESC. Trois sujets sont pourtant aujourd'hui extrêmement sensibles.

a) La question des moyens alloués aux ENSA

Les dotations des ENSA sont faibles en comparaison de celles allouées aux établissements universitaires. Elles diffèrent d'ailleurs d'une ENSA à l'autre. La dépense moyenne par étudiant en ENSA est de 7 597 euros par an, contre 11 670 euros par an en moyenne dans l'ensemble de l'enseignement supérieur. Cette faiblesse des dotations obère de plus en plus leur capacité à accueillir dans de bonnes conditions leurs étudiants et les prive de la possibilité de se développer, malgré la forte attractivité de leurs formations.

Même si les ENSA ont obtenu, dès 2018, une réforme visant à les rapprocher du modèle universitaire et à développer leur ancrage territorial, avec la mise en place d'un nouveau statut pour leurs établissements et la création d'un corps d'enseignants-chercheurs, cette réforme ne s'est pas accompagnée de l'octroi de moyens appropriés pour la mettre en oeuvre . L'engagement en 2017 des deux ministères de tutelle, le ministère de la culture, et le ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation (MESRI), de créer 150 équivalents temps plein d'enseignants-chercheurs sur cinq ans, répartis à parts égales entre les deux ministères, n'a pas été respecté. Fin 2020, 75 postes ont été créés sur les 150 annoncés, dont 45 par le ministère de la culture et 30 par le MESRI. Seuls 5 postes sur les 30 attendus ont été ouverts en 2020, intégralement inscrits sur les crédits du ministère de la culture.

Il apparaît important que l'État clarifie rapidement ses ambitions pour les ENSA, sous peine d'un décrochage progressif de ces écoles, qui aurait des effets désastreux sur la diffusion de la culture architecturale et la bonne prise en compte par la France des enjeux écologiques en matière de bâti. Un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles est attendu sur le sujet d'ici la fin de l'année. La commission de la culture espère qu'il permettra aux deux ministères de tutelle de prendre au cours de l'année 2021 les mesures qui s'imposent.

b) Le statut des enseignants des écoles supérieures d'art territoriales

S'agissant des écoles d'art, la réforme du statut des professeurs des écoles d'art territoriales (PEA) reste au point mort , alors même que la réforme du statut des professeurs des écoles d'art nationales (PEN) a partiellement abouti après plus de trois années de chantier. Un premier décret, en date du 28 janvier 2020, a permis de revaloriser leur grille de rémunération, qui s'apparente désormais à celle des enseignants agrégés du secondaire. Le second décret destiné à faciliter leurs activités de recherche n'est pas encore paru.

Quoi qu'il en soit, ces premières avancées en faveur des écoles nationales risquent de creuser l'écart entre les écoles d'art nationales et les écoles d'art territoriales , le statut des enseignants de ces dernières étant plus proche de celui des enseignants certifiés du secondaire, quand bien même les enseignants des écoles d'art nationales et ceux des écoles d'art territoriales remplissent les mêmes missions d'enseignement supérieur. Le statut des PEA n'est pas compatible avec le développement des activités de recherche, ce qui pourrait compromettre, à terme, leur accréditation à délivrer des diplômes de niveau doctorat. Mais, à ce stade, les différentes propositions sur la table suscitent des réserves : la direction générale des collectivités locales s'oppose à la création d'un cadre d'emploi spécifique pour les enseignants des écoles supérieures d'art territoriales, tandis que l'intégration des PEA des seules écoles supérieures d'art territoriales dans le corps des PEN se traduiraient par un coût élevé pour le ministère de la culture.

Il s'agit cependant d'une question essentielle pour l'avenir de l'enseignement des arts dans nos territoires et la cohérence du réseau des écoles supérieures d'art. Les dangers associés au maintien du statu quo sont chaque jour plus grands. La commission de la culture est favorable à la reprise de la concertation entre les collectivités territoriales et les différents ministères concernés (ministère de la culture, ministère de l'intérieur, ministère de l'action et des comptes publics), afin de poursuivre les discussions qui engagées à l'occasion du premier CTC en octobre 2019. Une mission conjointe pourrait être confiée en 2021 à l'inspection générale des affaires culturelles, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et l'inspection générale de l'administration.

c) Les difficultés autour de Parcoursup

L' intégration des établissements de l'ESC dans Parcoursup constitue un dernier enjeu sur lequel des concertations entre le ministère de la culture et les établissements s'avèrent nécessaires. Si leur présence sur Parcoursup peut améliorer la visibilité des établissements et facilite les démarches des étudiants, elle soulève aussi un certain nombre de difficultés pratiques, en obligeant les écoles à s'aligner sur la procédure d'examen d'entrée définie par Parcoursup et son calendrier, mais aussi techniques, dans la mesure où les capacités du système se sont révélées insuffisantes pour permettre la transmission des dossiers des étudiants postulant aux écoles d'art. Elle pourrait aussi limiter les capacités de ces établissements à accueillir des étudiants qui ne seraient pas fraichement bacheliers ou des étudiants étrangers, si aucune voie alternative de recrutement n'était prévue.

B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE PRINCIPALEMENT CONCENTRÉE SUR LE PASS CULTURE

1. Vers une généralisation du Pass culture ?

Les crédits du Pass culture sont ceux qui enregistrent la plus forte progression, avec l'octroi de 20 millions d'euros supplémentaires en 2021, pour un budget total de 59 millions d'euros (+ 50 %) . La SAS Pass culture espère en outre pouvoir compter sur 10 millions d'euros de reports de crédits non consommés au titre de l'année 2020.

Le coût du Pass culture a été inférieur aux prévisions cette année en raison de la crise sanitaire . D'une part, celle-ci a conduit à suspendre l'élargissement de l'expérimentation à plusieurs régions entières (Grand Est, Ile-de-France, Bourgogne Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie, La Réunion) qui devait intervenir au mois d'avril. D'autre part, la mise en place du confinement a entraîné une surconsommation des offres numériques qui, à la différence des offres physiques, ne font pas l'objet d'un remboursement aux offreurs.

Le Pass culture a néanmoins poursuivi son action en 2020 dans les 14 départements qui participent à l'expérimentation. Le nombre de jeunes de 18 ans inscrits est passé de 35 000 à 115 000 en un an, sur les 135 000 éligibles au dispositif (soit 85 %). 20 000 réservations sont effectuées en moyenne chaque semaine. D'après les informations communiquées par la ministre de la culture, Roselyne Bachelot lors de son audition devant la commission de la culture le 10 novembre dernier, le taux d'utilisation est de 81,5 % pour une moyenne de consommation sur neuf mois s'établissant à 130,70 euros sur les 500 euros dont il dispose et qu'ils peuvent consommer sur une période de 24 mois. Les livres constitueraient la catégorie où se concentreraient l'essentiel des réservations (58,9 %), suivis de la musique (15 %), de l'audiovisuel (10,1 %) et du cinéma (4,1 %). La consommation de biens physiques serait majoritaire (65,1 %), les biens numériques (25,4 %) et les événements (9,4 %) venant ensuite.

Plusieurs pistes sont sur la table pour l'année 2021, qui n'ont pas encore fait l'objet d'arbitrages :

- la généralisation du dispositif à l'ensemble des jeunes de 18 ans sur tout le territoire, l'équipe du Pass culture soulignant la nécessité d'avoir des territoires cohérents pour attirer à la fois les offreurs et les jeunes, mettant en avant le succès du Pass dans la région Bretagne, seule région en France intégralement couverte par l'expérimentation.

- l'abaissement à 300 euros du montant du portefeuille octroyé aux jeunes pour limiter les effets d'aubaine. Pourrait alors se poser la question de l'évolution, voire du maintien des sous-plafonds de consommation tels qu'ils existent aujourd'hui, où les réservations de biens physiques et les réservations de biens numériques sont chacune assujettis à un plafond maximal de 200 euros, contrairement aux pratiques artistiques et aux réservations pour des événements culturels, qui ne sont pas limitées. La commission de la culture juge nécessaire de maintenir à tout le moins un sous-plafond pour les réservations portant sur des offres numériques ;

- l'ouverture du pass, sans crédits, aux jeunes dès 16 ans pour les familiariser avec l'outil, leur donner accès aux offres gratuites et limiter ensuite les effets d'aubaine.

La croissance des crédits du Pass culture en 2021, dans un contexte restant marqué par la crise sanitaire, soulève un certain nombre de questions . Certes, le ministère de la culture met en avant la visibilité et la clientèle que le Pass culture apporte aux offreurs. Il souligne son importance dans la relance du secteur culturel, avec des remboursements de l'ordre de 1 à 2 millions d'euros chaque semaine. Il insiste également sur le rôle incitatif qu'il joue pour encourager le secteur du spectacle vivant à s'adresser à son public par le biais du numérique, une pratique jusqu'ici peu développée et qui peut lui permettre à la fois de maintenir des liens pendant la période de confinement et de toucher ensuite des publics jusqu'ici éloignés.

Il n'empêche que l'on peut s'interroger sur l'opportunité, au regard de son coût, d'une généralisation, dans un contexte où la plupart des activités des structures culturelles est à l'arrêt et que celles-ci se retrouvent dans une situation de plus en plus précaire menaçant leur survie. Si l'objectif du pass est bien celui de diversifier les pratiques culturelles des jeunes et de les encourager à découvrir la culture sous d'autre forme que celle du numérique, il serait plus sage de différer la généralisation, tant cette décision pourrait ne pas être comprise par de nombreux professionnels du monde de la culture dans le contexte actuel . La ministre de la culture, lors de son audition le 10 novembre, regrettait elle-même le faible taux des réservations pour des événements culturels.

La commission de la culture juge essentiel que les conditions de déploiement du Pass culture et ses résultats fassent l'objet d'une plus grande transparence , avec la publication régulière, sur le site internet du Pass culture, de bilans quantitatifs et qualitatifs des modalités de consommation du pass par les jeunes. Elle réitère par ailleurs ses demandes, exprimées depuis l'origine de la création de cette politique, d'une meilleure prise en compte par le pass de la problématique de l'accès au dispositif des jeunes les plus éloignés de la culture, et du renforcement de l'accompagnement et de la médiation au sein de l'outil, non seulement pour encourager les jeunes à s'inscrire, mais aussi pour les guider vers de nouvelles envies culturelles et pour les aider à décrypter les expériences culturelles qu'ils vivent au sein du Pass. Elle jugerait également utile que l'offre en matière de pratiques artistiques et culturelles soit enrichie. Elle a noté que ces axes de travail figuraient parmi les priorités du Pass culture en 2021 et sera très attentive aux réponses qui seront proposées.

2. Une évolution, en comparaison modeste, des crédits de la démocratisation culturelle et de l'éducation artistique et culturelle

Même si le ministère de la culture avance « un effort budgétaire très important en 2021 en faveur de la participation à la vie culturelle de tous les habitants, tout au long de leur vie et sur l'ensemble du territoire », les crédits de la démocratisation culturelle et de l'éducation artistique et culturelle (EAC) ne progressent que de 4 millions d'euros (+ 2,5 %), pour un montant total de 157,5 millions d'euros 6 ( * ) . D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, la progression de ces crédits s'établirait toutefois à 16,2 millions d'euros , dans la mesure où 12 millions d'euros parmi les crédits destinés à la démocratisation culturelle et à l'éducation artistique et culturelle votés en loi de finances pour 2020 avaient été transférés au cours de l'année pour couvrir des dépenses de fonctionnement du ministère.

Ces moyens nouveaux ont pour but de renforcer les actions en faveur de l'accès de tous à la culture par la participation des habitants de tous âges à la vie culturelle : poursuite du déploiement des Micro-folies ; soutien aux pratiques amateurs ; création du label « Capitale française de la culture » ; poursuite du travail de contractualisation avec les collectivités territoriales, notamment dans la perspective d'un « été culturel » en 2021. Des efforts particuliers devraient également être faits pour élargir la politique culture-santé et médico-social en faveur des personnes âgées. Une stratégie rénovée de numérisation et de valorisation des contenus culturels devrait être mise en oeuvre, reposant sur une réorientation majeure du programme national de numérisation et de valorisation des contenus culturels.

S'agissant de l'EAC, les priorités affichées sont le renforcement des pratiques artistiques et culturelles à l'école, le soutien aux actions artistiques et culturelles hors temps scolaire, le renforcement des contrats territoire lecture avec les collectivités territoriales et l'amplification de la formation des acteurs de l'EAC, avec la préfiguration d'un Institut national supérieur de l'éducation artistique et culturelle.

Alors que l'objectif du 100 % EAC doit être atteint à l'horizon 2022, la commission de la culture regrette que l'EAC ne bénéficie pas de davantage de moyens en 2022. Dans la mesure où la crise sanitaire a provoqué en 2020 l'interruption d'une majorité de projets d'éducation artistique et culturelle, il aurait été opportun de rattraper le retard en 2021, afin d'éviter que les effets de cette politique, en constant développement depuis une dizaine d'années, ne s'en trouvent affectés. La commission de la culture émet le voeu que les artistes et les associations soient mobilisés en 2021 pour une relance de l'EAC, dans un processus plus souple et plus rapide, tel celui mis en place à l'occasion de « l'été culturel ».

Le Pass culture ne peut pas résumer la politique d'EAC. Il ne peut en être que l'aboutissement. La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, en est elle-même convenue lors de son audition devant la commission de la culture, en déclarant qu'il était déjà trop tard, à ses yeux, pour parvenir à diversifier les pratiques d'un jeune de 18 ans s'il n'avait pas déjà été familiarisé auparavant à diverses pratiques artistiques et culturelles. Le rôle de l'EAC n'est pas de préparer au Pass, mais bien d'accompagner les enfants dans la construction de leur identité par la découverte et la pratique des arts et de la culture.

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*   *

Compte tenu de l'ampleur des efforts financiers consentis par l'État pour préserver notre modèle culturel, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle ».

TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 18 NOVEMBRE 2020

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Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis sur les crédits de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture. - Ce rapport a trait à deux programmes, le programme 131 « Création » et le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le secteur culturel est parmi les plus fortement affectés par la crise sanitaire et singulièrement le secteur de la création, plongé dans une situation d'une gravité sans précédent que n'a fait qu'accentuer le deuxième confinement. La crise est sans précédent par son ampleur, car toutes les disciplines sont touchées, par son intensité, car les pertes sont immenses, et par sa durée, car l'activité restera profondément affectée et irrégulière en 2021 et nous ne savons quand un retour à la normale sera envisageable. Sans soutien fort, le risque de défaillance des structures culturelles privées et publiques est réel. La crise fait peser de graves menaces sur les artistes, sur l'emploi et l'accès à la culture, mais aussi sur le dynamisme des territoires, et particulièrement sur la diversité culturelle. La crise pourrait en effet accentuer les phénomènes de concentration.

Je salue l'effort de l'État et des collectivités territoriales pour préserver l'avenir de notre modèle culturel. Les Régions ont mis en place des fonds de soutien, les métropoles et les communes aussi.

Le projet de loi de finances pour 2021 poursuit cet effort important avec 390 millions d'euros de mesures nouvelles pour soutenir la création. Elles sont destinées à tous les opérateurs, à l'emploi également, par un renforcement des moyens du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), et le lancement d'un programme exceptionnel de commande publique, mais aussi aux artistes, en particulier les équipes artistiques et indépendantes qui sont en réel danger.

À ces crédits s'ajoutent les crédits d'impôt, dont le dispositif est assoupli. Le crédit d'impôt spectacle vivant joue un rôle essentiel pour soutenir les jeunes artistes et la diversité musicale. Le projet de loi de finances le prolonge jusqu'en 2024 et en assouplit les critères d'éligibilité. Je compte déposer un amendement pour augmenter temporairement, pendant la durée du plan de relance, le taux de ce crédit d'impôt à 20 % au lieu de 15 % pendant cette crise. Je vous invite à le cosigner.

Le projet de loi de finances pour 2021 met en place également un crédit d'impôt spécifique pour le théâtre jusqu'à fin 2024. C'est une bonne initiative, mais il est dommage qu'il soit réservé aux représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, laissant de côté tout un pan du spectacle vivant non musical. Je vous proposerai donc de cosigner deux amendements. Le premier élargit le bénéfice de ce crédit à toutes les représentations de spectacle vivant non musical. Un autre amendement relève pour 2021 et 2022 ce taux d'impôt, comme pour le spectacle vivant musical.

Malgré le soutien de l'État, il reste deux dangers majeurs. Le premier est la durée de la crise sanitaire. Les mesures de l'État ont été conçues en septembre dans un contexte de reprise de l'activité, mais l'interruption qui dure depuis fin octobre pourrait se poursuivre en 2021. Il serait donc important que les dispositifs transversaux de l'État soient prolongés au-delà du 31 décembre 2020, notamment l'activité partielle exceptionnelle. Le deuxième danger viendrait d'une coordination insuffisante entre l'État et les collectivités territoriales. Il serait important d'avoir une organisation territoriale au-delà des CTC, voire que des Conseils territoriaux d'action publique soient mis en place pour mieux associer sur le terrain les collectivités et les DRAC. Entre le projet de loi de finances pour 2021, le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 et le Plan de relance, les crédits sont importants, mais la façon dont l'organisation territoriale permet de traduire ces interventions dans les territoires manque de transparence.

Plusieurs points de vigilance sont à noter.

Sur le spectacle vivant, il faut veiller à l'éligibilité de tous les acteurs aux aides distribuées par le Centre national de la musique (CNM) et l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et à l'élargissement du bénéfice du dispositif d'activité partielle aux salariés de droit privé de l'ensemble des structures culturelles, quelle que soit leur forme juridique. A priori , la ministre a donné des consignes pour que les aides distribuées par les opérateurs ne soient pas réservées aux contributeurs de la taxe. L'éligibilité des établissements publics de coopération culturelle à l'activité partielle apparaît toujours compliquée, ce qui me conduit à plaider pour une évaluation des budgets des lieux labellisés. À titre d'exemple, le théâtre de Rennes, lieu labellisé, reçoit une subvention de l'État de 60 %, mais il n'a pas eu droit à l'activité partielle ni à la compensation de billetterie, car c'est une structure publique et une société d'économie mixte.

En matière d'arts visuels, la structuration de la profession reste un handicap.

Je souhaiterais aussi une meilleure prise en compte du rôle joué par toutes les associations qui oeuvrent dans le domaine culturel, qui contribuent à animer les territoires et ne sont pas très reconnues ni soutenues.

Enfin, à l'occasion de la mise en place d'ici avril 2021 d'une politique de l'État à destination des festivals, j'espère qu'il y aura une méthode de travail pour y associer les collectivités territoriales.

J'en viens au programme 361, qui concerne le savoir et la démocratisation de la culture. Le plan de relance prévoit 70 millions d'euros de crédits pour la rénovation de certains bâtiments et la digitalisation des écoles de l'enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de la culture. Le programme 361 en tant que tel finance également un plan en faveur des étudiants et accorde davantage de crédits en faveur des boursiers. Sur la recherche, les crédits sont toutefois reconduits à l'identique. Or cette question est cruciale pour éviter le décrochage de nos écoles à l'échelle européenne, en particulier les écoles nationales supérieures d'architecture, qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre la réforme de 2018. Seuls 75 postes d'enseignants chercheurs sur les 150 prévus ont été créés. Je compte beaucoup sur le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). J'alerte sur ce sujet comme sur les écoles supérieures d'art territoriales et sur le statut des professeurs de ces écoles. Une mission pourrait être confiée à l'IGAC, à l'Inspection générale de l'administration de l'enseignement national et de la recherche (IGAENR) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) pour essayer de trouver une issue à cette situation.

Pour terminer sur l'éducation artistique et culturelle (EAC), l'enveloppe du Pass Culture atteint 59 millions d'euros, soit 20 millions d'euros supplémentaires dans l'optique de généraliser éventuellement le Pass dès l'année prochaine. Je crois pourtant que cette décision de généralisation pourrait être mal comprise dans le monde culturel où les activités sont à l'arrêt. Il faudrait réclamer davantage de transparence sur le Pass Culture et ses résultats, comme ne cesse de le faire Jean-Raymond Hugonet, à la tête de notre groupe de travail sur le Pass culture. Il faudrait aussi une grande évaluation d'ici l'été prochain pour que nous puissions nous prononcer sur la pertinence de cet outil.

J'ajoute que je regrette que les crédits EAC n'augmentent pas dans la même proportion que ceux du Pass culture. Les lieux de théâtre sont fermés, je souhaite que les artistes et les associations se mobilisent pour relancer l'EAC au printemps prochain dans le cadre d'un processus plus souple et plus rapide.

Compte tenu de l'ampleur des crédits inscrits en 2021 sur les programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à leur adoption.

Je terminerai en disant que je souhaiterais qu'une mission de contrôle soit mise en place pour aller dans les différentes régions regarder comment se traduisent concrètement ces crédits, à quoi et à qui ils sont destinés. Pour remédier au manque de transparence au niveau des DRAC, il faudrait former une équipe pour aller sur place.

Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Le secteur culturel paie un large tribut à la crise sanitaire. La perte de chiffre d'affaires est déjà estimée à plus de 7 milliards d'euros pour le secteur de la création artistique. Je rappelle que ce secteur est majoritairement composé de petites structures. La fermeture des salles et des festivals aurait engendré une perte de chiffre d'affaires de 72 % pour le spectacle vivant. Différents dispositifs de soutien ont été mis en place tels que la prolongation des droits des intermittents, la création de fonds d'urgence par l'Association de soutien au théâtre privé et le centre national de la musique et la création d'un fonds pour les festivals par la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Citons aussi l'exonération de cotisations foncières pour certaines entreprises culturelles et la création d'un fonds d'urgence spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle non couverts par l'année blanche ou le fonds de solidarité. Une interrogation majeure demeure cependant sur la capacité de maintenir ces aides sur une durée indéterminée.

Je souligne aussi le déséquilibre entre les moyens accordés au spectacle vivant et ceux accordés aux arts plastiques. Les artistes plasticiens, fortement touchés par la crise, ne bénéficient pas d'un régime d'assurance chômage.

Je note que nous sommes en attente d'un rapport sur l'Opéra de Paris, piloté par François Hirsch et Christophe Tardieu, qui devra notamment se prononcer sur l'opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille, le déménagement des ateliers Berthier et l'aménagement d'une seconde salle modulable. L'Opéra de Paris est dans une situation particulièrement critique, avec des pertes de billetterie de l'ordre de 55,4 millions d'euros, une diminution d'un tiers du mécénat occasionnant une perte de 6 millions d'euros et une chute du chiffre d'affaires de visites, locations et concessions équivalant à 20 millions d'euros. En raison du développement de l'opérateur ces dix dernières années et de l'essor de sa capacité d'autofinancement, passée de 43 à 56 %, la subvention de l'État a diminué de 15 millions d'euros en dix ans. Nous pouvons nous réjouir du soutien de 81 millions d'euros apporté par le Plan de relance, mais nous nous inquiétons pour l'avenir. En effet, l'État conditionne la poursuite de son soutien à la mise en oeuvre d'une réforme durable de l'établissement.

Enfin, en ce qui concerne le Pass culture, qui recevra 20 millions d'euros de crédits en 2021, la suppression de son déploiement en raison de la crise sanitaire ne permet pas d'être rassuré sur son coût ni son efficacité. Sur 115 000 jeunes bénéficiaires, seuls 150 des 500 euros sont dépensés en moyenne. On peut donc s'interroger sur la pertinence du maintien de ce dispositif. Nous serons attentifs à son évolution.

La création culturelle en France est foisonnante, elle fait partie de notre exception culturelle et contribue au dynamisme de nos territoires. Au-delà des chiffres, des milliers de personnes sont toutefois en souffrance depuis mars. La réalité de ce confinement, ce sont aussi ces artistes en détresse, qui veulent exprimer leur talent et qui font preuve d'une résilience discrète à souligner. Le groupe de travail relatif à l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le secteur de la création avait souligné le manque cruel de visibilité pour anticiper. L'inquiétude est vive.

Après avoir souligné les points de vigilance et compte tenu de la situation d'urgence, nous donnerons un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Sonia de La Provôté . - J'abonderai dans le sens de ce qui a été dit, notamment sur les incertitudes inédites et les difficultés actuelles, quelles que soient les disciplines et quels que soient les métiers.

La création n'est pas seulement une filière. La diversité artistique et culturelle est aussi nécessaire pour se forger un esprit critique et accompagner les citoyens, dans tous les territoires. La culture est un bien essentiel, c'est une dimension inhérente à la nature humaine.

Le budget s'avère en augmentation, renforcé par le Plan de relance et la réelle réactivité du ministère de la culture et de l'État dans son ensemble. Certains sujets appellent cependant notre vigilance. La question des intermittents et de l'année blanche n'est pas éclaircie. Cela reste un sujet important faute de perspectives. Plus la situation perdure, plus on risque la disparition de compétences humaines et artistiques. Il reste aussi la question de l'application du dispositif de l'activité partielle à toutes les structures. Il est important de ne pas perdre des structures et des lieux, qui représentent aussi la diversité culturelle, que ce soit des structures publiques, parapubliques ou privées. Perdre un lieu conduit à perdre une chance d'accès à la culture pour les citoyens. Nous ne pouvons permettre que des territoires, pour des raisons de statut des structures, se trouvent dépossédés de lieux d'accès à culture. En matière d'extension du crédit d'impôt, il ne faut pas considérer qu'il existe une hiérarchie entre l'art dramatique, la danse et d'autres expressions des arts vivants. Les arts visuels sont encore une fois moins soutenus et moins identifiés. Ils n'ont pas de régime d'assurance chômage et ils sont en train de disparaître.

D'autres sujets restent en souffrance depuis plusieurs budgets, notamment les écoles d'architecture. Nous considérons que la dimension culturelle de l'architecture est un élément essentiel de la façon dont nos territoires se développent et participent au bien commun. Le statut des enseignants des écoles supérieures d'art territoriales n'est pas non plus réglé, ni l'accompagnement de la recherche. Je me demande aussi ce qu'est devenu le programme « micro-folies » qui faisait partie d'un projet innovant d'accès à la culture à travers des tiers lieux. Ces tiers lieux sont aussi moins présents dans le budget de la culture.

Concernant l'éducation artistique et culturelle, le budget est identifié, mais il n'y a pas de réflexion globale ni de rapprochement avec le ministère de l'éducation nationale dans sa mise en place, au-delà de quelques actions majeures et vendeuses. Beaucoup d'argent est investi sur le Pass culture, mais cela n'a de sens que si l'éducation artistique et culturelle a été bien menée depuis la petite enfance. Sinon, le Pass restera un objet mercantile.

Nous émettrons un avis favorable compte tenu de la réactivité et de l'engagement budgétaire, tout en soulignant ces sujets en souffrance. C'est peut-être l'opportunité pour le ministère et les collectivités de travailler ensemble pour dessiner les perspectives.

Mme Céline Brulin . - Nous partageons ces analyses sur l'intensité de la crise et sur le manque d'horizon pour établir des perspectives. Nous savons déjà que certaines mesures seront insuffisantes. Nous aimerions que le gouvernement se montre plus prêt au dialogue pour travailler sur des pistes de nature à rassurer les acteurs. Je suis d'accord pour un soutien renforcé au spectacle vivant sans exclure certains domaines. Je rejoins aussi ce qui a été dit sur les écoles d'architecture et les écoles d'art.

J'insiste sur le devenir des intermittents. L'année blanche est positive, mais il faudrait se projeter dans le plus long terme pour éviter que les acteurs ne meurent. Je rejoins aussi les propositions sur les lieux labellisés. Certaines activités échappent encore au bénéfice du dispositif de l'activité partielle et nous devons agir de concert pour l'obtenir. Je rejoins aussi ce qui a été exprimé sur le Pass culture. Voilà un sujet sur lequel il faudrait ouvrir un réel débat sur des redéploiements possibles. Sylvie Robert évoquait les phénomènes de concentration qui peuvent se renforcer avec cette crise. Le Pass culture va moins que jamais favoriser la diversité culturelle ; il soutient davantage des plateformes qui s'enrichissent en faveur de la crise.

Sur le rôle des collectivités territoriales qui en font beaucoup, je rappelle qu'elles sont aussi en difficulté financière avec des arbitrages difficiles dont la culture pourrait pâtir. J'exprime aussi mon incompréhension sur l'impossibilité de faire des cours d'instruments individuels pour les premier et deuxième cycles, alors que ces cours individuels sont peut-être moins compatibles avec les exigences sanitaires que les cours collectifs.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces crédits.

M. Julien Bargeton . - Cette crise est un choc terrible et très brutal pour tous les acteurs culturels : plasticiens, monde du spectacle vivant, musique... Cette situation a aussi renforcé parfois les inégalités et je pense que c'est le moment de se rappeler que l'accès à la culture est fondamental pour lutter contre elles.

Je voudrais insister sur la hausse importante des crédits du programme 361, soit 33 % de plus. De manière générale, je voudrais rappeler l'importance de l'effort réalisé pour 2021. Le programme « création » est en hausse de 4,5 %. On atteint des montants importants pour le spectacle vivant. L'engagement du Plan de relance est substantiel et toutes les subventions sont versées par anticipation. Je note aussi le dégel de la réserve de précaution, le soutien à divers labels et les crédits complémentaires ouverts. Cet effort d'accompagnement est inédit en cette période de crise.

Sur le sujet des crédits d'impôt, un amendement du gouvernement a créé notamment le crédit d'impôt théâtre. Je souhaiterais demander à la rapporteure de faire un point sur ce qui ressort du débat en première lecture à l'Assemblée nationale sur le sujet, pour savoir sur quoi portera le débat.

M. Lucien Stanzione . - Dans le cadre de mes nouvelles fonctions dans cette commission, j'ai visité les différents organismes de spectacle vivant à Avignon. La situation est vraiment catastrophique. Les compagnies du off, l'ensemble des petites compagnies non subventionnées qui ne peuvent plus travailler, se demandent à quoi ressemblera la saison 2021 des festivals. Nous avons posé la question à la ministre, qui est demeurée évasive dans sa réponse. Or les troupes de théâtre et les lieux de théâtre ne peuvent plus attendre, ils veulent savoir comment va se préparer la nouvelle saison, s'il y en a une.

Je soutiendrai l'avis de la rapporteure.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Je voudrais souligner que le gouvernement a apporté des solutions financières, même s'il l'a fait parfois un peu tard. Il est certain que le jour où les intermittents ne seront plus rémunérés, le spectacle vivant souffrira. Ceci dit, la situation est très compliquée financièrement pour l'État.

Je souscris à la nécessité d'être attentifs à la façon dont les crédits annoncés « ruissellent » jusqu'aux scènes. Je souhaiterais un suivi précis de ce sujet, car la différence entre ce qui est annoncé pour les secteurs et ce à quoi ils peuvent avoir droit est souvent importante.

Sur le Pass culture, je constate qu'une nouvelle fois, l'argent coule à flots alors que le monde du spectacle est à l'arrêt. La raison en est simple : il s'agit d'une promesse qui figurait dans le programme d'Emmanuel Macron lorsqu'il était candidat à la présidence de la République. Il faut donc qu'elle soit concrétisée avant 2022. Pourtant ce projet n'a guère de sens au regard de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui la culture dans notre pays. Le Pass culture devrait atteindre en 2021 59 millions d'euros. Le monde de la culture juge, à raison, un tel montant insupportable.

Mme Claudine Lepage . - Merci pour ce rapport complet qui aborde tous les secteurs.

Je me limiterai à quelques remarques sur le programme 131, sur le spectacle vivant particulièrement touché par la crise sanitaire et sur les mesures prises pour lutter contre l'épidémie.

Ce secteur n'a pas été considéré comme essentiel, mais l'État a montré son attachement au spectacle vivant en inscrivant 220 millions d'euros en autorisations d'engagement et 185 millions d'euros en crédits de paiement en faveur du spectacle vivant privé et en favorisant le recours aux crédits d'impôt dans la musique et dans l'art dramatique. Je trouve dommage que d'autres formes d'art vivant n'y aient pas accès. Nous soutiendrons donc les amendements proposés par Sylvie Robert à ce sujet.

L'incertitude quant à la durée de la crise sanitaire n'efface pas les inquiétudes. Nous nous inquiétons sur les modalités de mise en oeuvre de l'année blanche pour les intermittents du spectacle et sur sa possible prolongation. Des inquiétudes existent aussi sur les modalités de reprise des activités culturelles en 2021, et notamment des festivals qui font vivre nos territoires. Face à l'incertitude, certaines structures pourraient annuler des festivals plusieurs mois à l'avance. Un meilleur accompagnement des festivals est donc nécessaire au niveau de l'État.

Le risque de faillites de structures culturelles qui doivent faire face aux loyers et charges ne doit pas être écarté et doit faire l'objet d'un suivi précis en 2021. Globalement, eu égard au manque de visibilité, l'ensemble du secteur culturel devra faire l'objet de notre attention tout au long de l'année 2021.

Le groupe socialiste émet un avis favorable et votera les crédits même s'ils restent bien en deçà des besoins.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Merci pour ce diagnostic précis qui nous permet de nous fixer des objectifs pertinents. Chacun d'entre nous mesure, dans nos territoires, la détresse des artistes et des techniciens. Il a fallu beaucoup de temps pour que soit énoncé un plan d'urgence pour la culture, avec un décalage dans le temps par rapport à ce qui se passait dans les collectivités territoriales. Les structures ont par ailleurs connu des problèmes pour gérer les festivals, faute de consignes claires concernant leur report. De même, certains festivals ont été annulés sans bénéficier du retour des assurances. Ce sujet a concerné aussi les structures culturelles, pénalisées par le manque d'anticipation, alors qu'elles avaient demandé cet effort dès le printemps. Elles ont fait de leur mieux à la rentrée pour offrir des programmations, mais les directives changeaient tous les quinze jours. Malgré les protocoles sanitaires drastiques établis dans les salles de spectacle, nos structures ont dû se réadapter et revoir leurs ambitions. La situation est vraiment très compliquée.

Merci d'avoir pointé l'investissement des collectivités territoriales qui financent les deux tiers du spectacle vivant. Les structures labellisées, pôles ressources pour les territoires référents, autour desquelles tout un écosystème gravite, ont pu résister grâce aux subventions versées par les collectivités. Ces structures ont elles-mêmes des comportements vertueux, elles ont continué à passer des commandes et à verser des salaires. Mais on ne sait pas combien de temps ce système tiendra.

S'agissant du dispositif de l'activité partielle, il serait bon de demander des clarifications sur la subvention compensatoire proposée par le ministre Franck Riester pour les établissements publics qui ne peuvent pas en bénéficier. Les critères n'en sont pas clairs. Le droit du travail devrait permettre, par souci d'égalité, que tous les établissements qui cotisent à l'assurance chômage bénéficient, pour leurs salariés, du chômage partiel. Ce versement de subvention serait une dérogation au droit commun et nous devons connaître son fonctionnement. Nous sommes donc en contact avec la ministre du Travail pour essayer d'avancer sur ce sujet.

Je pense aussi qu'il est temps de structurer la filière des arts plastiques et que cette crise en est l'opportunité. C'est la rare filière à ne pas l'être, et donc à ne pas pouvoir se défendre.

S'agissant du Pass culture, je supprimerais pour ma part ces 59 millions d'euros pour les reverser à l'EAC (éducation artistique et culturelle). Mais nous savons bien que ce projet prospérera jusqu'à la fin du quinquennat, c'est une promesse du Président de la République.

Sur le programme 361, j'attire votre attention sur la filière musique de patrimoine et de création, toujours non traitée. Il n'y a pas de politique publique sur la question de la formation, des orchestres installés ou indépendants. Le Centre national de la musique mènera-t-il cette politique, en tant qu'agent de l'État délégué sur ces missions ? Ou est-ce qu'un certain nombre de missions resteront entre les mains de la direction générale de la création artistique ? Nous n'avons pas la réponse. Je m'étonne aussi que les conservatoires soient à l'arrêt, alors qu'ils sont subventionnés par l'éducation nationale, notamment dans le cadre des cursus aménagés.

Mme Laure Darcos . - Je voulais revenir sur la décision de la Cour européenne de justice relative aux organismes de gestion collective. L'aide qu'ils apportent à la création, aux festivals et aux spectacles va fortement diminuer. Si l'effet de cette décision était rétroactif, il entraînerait une perte de l'ordre de 140 millions d'euros. Avons-nous les moyens de compenser ce manque dans le fléchage budgétaire ? Ce sujet majeur aura des répercussions sur les années à venir.

M. Laurent Lafon , président . - Je pense que c'est une bonne idée d'exercer notre mission de contrôle sur les crédits annoncés. Nous pouvons nous poser des questions sur la différence entre l'annonce et la réalité, sans préjuger de quoi que ce soit. Sur la capacité de « ruissellement », nous pouvons nous interroger sur la capacité de l'État à diffuser les sommes annoncées sur l'ensemble des territoires et des acteurs, ce qui justifiera un contrôle de notre part. Je reviens aussi sur la question connexe de l'articulation entre les financements des collectivités et ceux annoncés par l'État dans les différents plans. Nous en rediscuterons, y compris du bon tempo pour effectuer ce contrôle. Je réponds avec intérêt à la sollicitation de la rapporteure.

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis . - La crise a révélé la fragilité du secteur et nous devons nous poser la question de son organisation. Son modèle n'aurait-il pas atteint ses limites ? Cela pourrait donner lieu à un travail prospectif.

La question de l'Opéra de Paris doit être regardée. Je ne sais pas comment ont été calculés les 80 millions d'euros injectés, mais c'est un problème plus profond et très préoccupant, à suivre de près.

Pour revenir sur les « micro-folies », 3 millions d'euros ont été budgétés comme l'an passé. J'en profite pour vous dire qu'à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, 45 millions d'euros sont destinés à des tiers lieux. Au-delà des secteurs subventionnés, des secteurs privés, des associations qui accomplissent un travail remarquable, les tiers lieux sont invisibles pour le ministère de la Culture. Ils peuvent toutefois prétendre à des soutiens au niveau du ministère de la Cohésion des territoires, notamment via ces 45 millions d'euros. Ce serait intéressant de mener un débat notamment avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, car cela touche la dimension culturelle. Ce champ est en dehors de notre périmètre et je trouve cela dommage.

Nous serons évidemment amenés à demander le prolongement de l'année blanche pour répondre à la réalité du travail des artistes.

En matière de crédits d'impôt, les députés ont assoupli le crédit d'impôt spectacle vivant sur l'année 2021 et 2022, notamment le critère relatif au nombre de représentations obligatoires. Les quatre représentations par an dans trois lieux ont été remplacées pour deux représentations par an sur des lieux différents. Ils ont par ailleurs prolongé l'existence de ce crédit d'impôt jusqu'en 2024. Je vous propose de compléter ce crédit d'impôt en bonifiant le taux pour 2021 et 2022, années du Plan de relance. Ces trois piliers, à savoir l'assouplissement, la prolongation et la bonification du taux, seront profitables pour les acteurs. Un nouveau crédit d'impôt théâtre a été créé jusqu'en 2024, mais pour le théâtre au sens d'oeuvres dramatiques. Je propose d'en élargir son périmètre et d'en bonifier le taux.

Sur le Pass culture, je n'en dirai pas plus, si ce n'est que la question de la transparence et du contrôle me semble indispensable.

En conclusion, le secteur manque vraiment de visibilité et a souffert du manque d'anticipation. Il est question aujourd'hui de rouvrir le 1 er décembre les commerces non essentiels, mais aucune annonce ne concerne jusqu'ici ni la culture ni le théâtre. Un message du gouvernement pour rassurer les acteurs me semble donc indispensable pour anticiper et accompagner. Nous l'avions demandé pour les festivals et nous n'avons reçu aucun message en ce sens. Or les consignes ne sont pas claires. La clause de service fait a été bien respectée au premier confinement, mais cela devient difficile. Les collectivités territoriales sont en fin d'exercice budgétaire, elles ont du mal à se projeter et certains lieux n'ont pas reçu de subventions. À cela s'ajoute le problème des loyers. Bruno Le Maire a annoncé un crédit de 50 millions d'euros de compensation pour les loyers des commerces. J'espère que dans le décret il sera élargi à tous les lieux culturels privés.

Je donne un avis favorable à l'adoption des crédits, mais il ne faut pas oublier toutes les réserves pour que ces crédits se traduisent dans les territoires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2021 .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 27 octobre 2020 :

Table ronde consacrée à la situation des salles de spectacle, de cinéma et de théâtre en France, dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire :

- Syndicat national des entreprises du spectacle vivant et de variété (PRODISS) : M. Aurélien BINDER , vice-président du comité Salles et trésorier, et Mme Malika SEGUINEAU , directrice générale.

- Syndicat national du théâtre privé (SNTP) : M. Bertrand THAMIN , président.

- Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV) : Mme Aurélie FOUCHER , déléguée générale de PROFEDIM.

Jeudi 5 novembre 2020

- Ministère de la culture - direction générale de la création artistique (programme 131) : Mme Sylvie TARSOT-GILLERY , directrice générale de la création artistique, Mme Carole ROBIN , adjointe au sous-directeur des affaires financières et générales.

- Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) : Mme Paméla DORIVAL , co-présidente, Mme Mika LOPEZ , co-présidente, Mme Julie DESMIDT , coordinatrice.

- SAS Pass culture : M. Damien CUIER , président, Mme Nathalie SULTAN , directrice des publics et des partenariats.

- Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdEA) : M. Stéphane SAUZEDDE , co-président, M. Loïc HORELLOU , coprésident.

- Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture : M. François BROUAT , président, Mme Marie WOZNIAK , membre du bureau du Collège des directeurs.

Vendredi 6 novembre 2020

- Ministère de la culture (programme 361): M. Noël CORBIN , inspecteur général des affaires culturelles, M. Benoit PROUVOST , chef du département de la programmation et des moyens (DPM), Mme Alice LEHMANN , chargée de mission budget au DPM/Secrétariat général.

- France Festivals - Fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant : Mme Alexandra BOBES , directrice, M. Paul FOURNIER , président.

Mardi 10 novembre 2020

- Syndicat des musiques actuelles (SMA) : M. Laurent DÉCÈS , président, Mme Françoise DUPAS , vice-présidente chargée des lieux de concert, M. Stéphane KRASNIEWSKI , vice-président chargé des festivals, M. François LEVALET , administrateur chargé des questions liées à la production de spectacles et aux dispositifs de soutien à la création, M. Guillaume ROCHE , membre représentant la filière des musiques enregistrées, et Mme Aurélie HANNEDOUCHE , déléguée générale.

- Coordination des fédérations et associations de culture et de communication (Cofac) : Mme Marie-Claire MARTEL , présidente

Mme Roselyne BACHELOT , ministre de la culture.

Contributions écrites :

- Syndicat national des cabarets, music-halls, et lieux de création (CAMULC)

- Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC)

- Syndicat national des entrepreneurs de spectacles (SNES)

- Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC)

ANNEXE

Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

MARDI 10 NOVEMBRE 2020

___________

M. Laurent Lafon , président . - Nous sommes très heureux de vous accueillir de nouveau parmi nous cette semaine afin que vous nous présentiez les grandes lignes du budget de la culture, un des secteurs les plus durement frappés par la crise sanitaire, un secteur en danger, avec la crainte de conséquences en cascade sur l'emploi, les artistes, l'accès à la culture, la diversité artistique ainsi que le dynamisme et le rayonnement des territoires.

Au-delà des menaces que fait peser cette crise, nous constatons qu'elle accélère et amplifie les changements déjà à l'oeuvre depuis plusieurs années, en particulier la question du numérique, d'où les fortes attentes vis-à-vis de l'État de la part de l'ensemble des acteurs culturels, soit pour les soutenir et les aider à passer ce cap qui pourrait se révéler fatidique, soit pour les accompagner face aux changements et mieux réguler ce nouveau monde culturel en pleine émergence, soit sur ces deux aspects à la fois.

Comme vous l'avez souligné, il s'agit, pour 2021, d'un budget d'une ampleur exceptionnelle : aux crédits de la mission culture s'ajoute le volet culture de la mission relance ainsi que les mesures générales et sectorielles mises en place au cours de l'année 2020.

Nous tenons à saluer votre détermination depuis votre arrivée à la tête de ce ministère pour que la culture ne passe en aucune manière par pertes et profits pendant cette période compliquée. Le nouveau confinement a, hélas, de nouveau suspendu depuis fin octobre les activités d'une majorité d'acteurs culturels, au moment même où un certain nombre d'entre eux constatait les premiers signes de reprise. Dans ce contexte, nous aimerions avoir des précisions sur l'impact de cet arrêt sur le budget de la culture en 2021. Pouvez-vous par ailleurs nous confirmer que les mesures de relance seront mobilisées à titre de soutien et pensez-vous que de nouvelles mesures pourraient être envisagées courant 2021 ? Quelles sont les réformes structurelles que vous identifiez comme prioritaires l'an prochain pour la sortie de crise ?

L'audiovisuel constitue l'autre grand volet budgétaire de votre ministère. Au sujet des ressources de l'audiovisuel public, nous attendons toujours le rapport au Parlement relatif à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Comment expliquer ce retard alors que de nombreux rapports, notamment celui de notre commission de 2015, ont permis de baliser depuis longtemps le chemin à suivre, s'inspirant des taxes universelles mises en place par nos voisins allemands et suisses ? Pour en revenir à la crise sanitaire actuelle, le gouvernement a souhaité apporter un soutien aux entreprises de l'audiovisuel public dans le cadre du plan de relance, tout en maintenant la trajectoire budgétaire. Il prévoit de préciser la feuille de route dans le cadre des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) de 3 ans. Pouvez-vous nous en indiquer les priorités ? Que va-t-il advenir du projet d'examen au Parlement du nouveau projet de loi « ramassé » consacré à l'audiovisuel ?

Il me faut enfin mentionner les questions toujours sensibles de la presse - qui a doublement souffert de la pandémie et des soubresauts de l'entreprise Presstalis -, des industries culturelles, comme les librairies par exemple, et enfin du cinéma, menacé dans son existence même par le confinement, comme nous l'a montré notre table ronde du 27 octobre dernier.

À l'issue de votre intervention liminaire, nos rapporteurs pour avis vous poseront une série de questions sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Nous poursuivrons nos travaux dans un second temps avec la partie « création et patrimoine ».

Concernant la tension ressentie la semaine dernière à l'issue du texte de loi sur le retour des biens aux Républiques du Sénégal et du Bénin, nous avons exprimé notre déception d'apprendre, par voie de presse, la remise de la couronne du dais à Madagascar au moment même où nous débattions dans l'hémicycle. Vous savez notre attachement à ce sujet et comprenez notre réaction. Cette remarque, en avant-propos, ne vise pas à relancer le débat mais au contraire à clore cet épisode, et vous dire, madame la ministre, notre volonté de travailler avec vous dans les meilleures conditions.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je vous remercie pour votre accueil. Pour préciser votre préoccupation concernant le prêt à Madagascar de la couronne du dais de la Reine Ranavalona III, il ne s'agit pas d'une restitution, mais d'une convention de dépôt signée avec Madagascar. Seule une loi au Parlement peut en effet déroger au caractère inaliénable des collections publiques et cette procédure n'est absolument pas remise en cause. La demande du gouvernement malgache datait de plusieurs années durant lesquelles il lui a été clairement indiqué que seul un prêt était envisageable. Une concomitance de calendrier fait que cette acceptation du prêt a eu lieu au moment de notre discussion à ce sujet. Il ne s'agit de ma part d'aucune dissimulation. Ayant été parlementaire pendant un quart de siècle, je suis très attachée aux prérogatives du Parlement. Je tiens à exprimer aux sénateurs et aux sénatrices toute ma considération pour le travail accompli et les assurer que tout projet de restitution sera soumis à un vote, avec les procédures d'analyses, scientifiques et historiques, nécessaires.

Vous l'avez justement évoqué, monsieur le président, le secteur de la culture traverse une période extrêmement difficile. Dans ce contexte, les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » vont, en 2021, connaître une hausse exceptionnelle. L'augmentation de 4,8 % des crédits budgétaires du ministère de la culture témoigne de l'importance accordée par le gouvernement à la culture qui joue un rôle indispensable dans notre économie, ainsi que dans nos vies sociales, démocratiques et également intimes. L'effort budgétaire important consenti s'inscrit dans la continuité de la mobilisation totale dont l'État fait preuve depuis le début de la crise pour soutenir les acteurs culturels. Pour rappel, le monde de la culture dans son ensemble a déjà bénéficié de 5 milliards d'euros de mesures d'urgence dont 3,3 milliards d'euros dans le cadre des mesures transversales, ainsi que de plusieurs mesures d'accompagnement, la plus significative étant les 949 millions d'euros accordés aux intermittents du spectacle dans le cadre de « l'année blanche ». Pour pouvoir se projeter, j'ai obtenu que le volet culturel du plan France Relance mobilise une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards d'euros en soutien à l'ensemble des acteurs culturels à partir de janvier 2021. D'autres mesures ont eu lieu : depuis la rentrée, 220 millions d'euros ont été mobilisés pour que les secteurs du spectacle vivant et du cinéma puissent faire face aux nouvelles contraintes de distanciation physique et au couvre-feu. Alors qu'a débuté une nouvelle période de confinement, je travaille avec les professionnels à adapter ces dispositifs à la réalité des besoins.

Au cours de la première année de mise en oeuvre sur les deux que compte le plan de relance, plus d'1,1 milliard d'euros de moyens exceptionnels viendront s'additionner aux crédits des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ». Ce budget complétera et amplifiera l'action menée pour réparer et refonder nos politiques culturelles. La crise sanitaire, véritable tournant pour le monde de la culture, n'en finit pas de bouleverser les conditions de vie et de création des acteurs culturels et révèle également les pratiques de nos concitoyens. Elle exacerbe des fragilités structurelles préexistantes, causées par des mutations profondes. Notre modèle culturel doit les prendre en compte. Les résultats de l'enquête sur les pratiques culturelles des Français, parue début juillet, mettent en lumière la nécessité de décloisonner et de réconcilier les cultures patrimoniale et numérique, afin d'atteindre l'objectif fixé par mon glorieux prédécesseur André Malraux. En effet, au-delà des mesures financées par les crédits budgétaires, c'est l'un des objectifs stratégiques pour nos industries culturelles et créatives, dotées de 400 millions d'euros sur 5 ans dans le cadre du 4 e programme d'investissement d'avenir. Les moyens inscrits dans les deux missions budgétaires nous permettront de relever ces défis en mettant les habitants et les territoires au coeur de nos politiques culturelles.

Par rapport à l'année 2020, la mission « Culture » connaît une forte hausse de 4,6 % à périmètre constant.

Le patrimoine bénéficie d'un budget de 1,015 milliard d'euros, en hausse de 4,4 %, auxquels s'ajoutent 345 millions d'euros issus du plan de relance. L'investissement prévu dans ce secteur a pour but de développer économiquement les territoires et de renforcer leur attractivité et leur cohésion. C'est l'objectif du plan de rénovation des musées territoriaux, doté de 52 millions d'euros sur deux ans, dont six provenant du plan de relance, et du soutien renforcé aux archives et à l'archéologie dont bénéficieront les équipements patrimoniaux dans les territoires. Dès l'année prochaine, un vaste plan « cathédrales » sera entrepris, en plus de son financement structurel annuel, doté de 50 millions d'euros par an, auxquels s'ajoutent 40 millions d'euros issus du plan de relance, en 2021 puis en 2022, soient au total 180 millions d'euros. Ce budget permettra, d'une part, de réaliser les travaux de mise en sécurité nécessaires et évoqués de longue date et d'accélérer les projets de restauration des cathédrales, parallèlement à ceux des monuments historiques, qu'ils appartiennent aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés. Par ailleurs, il a pour vocation de poursuivre les grands chantiers comme la Cité de la langue française et de la francophonie et la restauration du château de Villers-Cotterêts.

Nous devons, par ailleurs, veiller à l'entretien du patrimoine non protégé dans nos territoires et à sa valorisation, aux côtés des collectivités territoriales dont le rôle est central. Stéphane Bern et moi-même partageons la volonté d'une meilleure représentation de ces monuments au sein des projets de restauration soutenus par le « Loto du patrimoine » lors de sa prochaine édition.

En articulation avec le plan de relance, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit des financements visant à garantir la réalisation des programmes de travaux des grandes institutions culturelles patrimoniales comme de création : ainsi 15 millions d'euros de mesures nouvelles permettront de poursuivre le chantier de relogement du Centre national des arts plastiques à Pantin ou encore des investissements pour équiper les deux scènes de l'Opéra de Paris.

Nous avons choisi de réorienter le projet de restauration nécessaire du Grand Palais, dans une optique de maîtrise des coûts et des délais, compte tenu des dérives constatées et de l'échéance des Jeux Olympiques de 2024. Plus écologique, mieux maîtrisé, techniquement et financièrement, ce nouveau projet assurera la préservation du bâtiment et le réaménagement de ses espaces intérieurs, en rétablissant son unité et de meilleures conditions d'accueil à ses visiteurs.

En contrepartie du soutien important accordé à ces grandes institutions, je leur demande d'incarner encore davantage la responsabilité nationale qui est la leur, proches de l'ensemble de nos concitoyens et facteurs d'animation des territoires.

Le programme « Création » connaît, comme celui du patrimoine, une très forte augmentation de 4,5 % qui permettra d'assurer un soutien renforcé à la création, la diffusion et la production artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels. À ces 37 millions d'euros de mesures nouvelles s'ajouteront 320 millions d'euros issus du plan de relance, ce qui est, là encore, totalement inédit. L'une des priorités est de mieux accompagner les établissements de création en régions : 15 millions d'euros seront consacrés à la restauration et à la consolidation des marges artistiques des labels, ainsi qu'au soutien des compagnies artistiques. Sur ce total, 3 millions d'euros iront aux arts visuels. Les mesures du plan de relance viendront, quant à elles, soutenir la programmation et financer des chantiers de rénovation de ces établissements.

Le spectacle vivant sera également fortement soutenu grâce au renforcement des moyens du Centre national de la musique, le CNM, avec 7,5 millions d'euros supplémentaires dans le PLF au programme 334, pour accompagner sa montée en puissance, et surtout la dotation exceptionnelle de 200 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour qu'il joue un rôle moteur dans la reprise de l'ensemble de la filière musicale, elle aussi gravement mise à mal par la pandémie. Les dispositifs fiscaux permettront de soutenir l'activité des salles de spectacle, avec une prorogation du crédit d'impôt pour le spectacle vivant aux critères assouplis et la création d'un crédit d'impôt théâtre. On peut noter que Bercy, habituellement défavorable aux crédits d'impôt, a clairement indiqué que ma demande était justifiée.

Une autre priorité est de renforcer le soutien aux artistes et aux créateurs, en particulier ceux qui n'entrent pas dans le champ des dispositifs transversaux. En plus du grand plan de commande artistique doté de 30 millions d'euros, le PLF 2021 prévoit 5 millions d'euros au titre du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) pour diminuer la précarité des artistes et techniciens intermittents et 2 millions d'euros pour mettre en oeuvre les premières mesures à destination des artistes-auteurs avant la fin du 1 er trimestre 2021.

La mission « Culture » comporte également le nouveau programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui reprend les actions 1, 2 et 9 qui étaient auparavant inscrites au programme 224 concernant l'enseignement supérieur culturel, l'accès à la culture et la politique linguistique. À périmètre constant, il bénéficiera, en 2021, de 46 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit une forte hausse de 8,5 %. Une nouvelle délégation générale, créée au sein du ministère de la culture au 1 er janvier prochain, aura la charge de ces moyens. Elle assurera un pilotage transversal de notre action en matière d'accès à la culture dans les territoires, d'éducation artistique et culturelle (EAC) et de formation en lien avec les ministères concernés dont, bien entendu, celui chargé de la cohésion des territoires et ceux de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. L'an prochain, nous amplifierons l'action menée pour atteindre notre objectif « 100 % EAC » en partenariat avec ces ministères et les collectivités territoriales.

La hausse des crédits du pass Culture permettra d'accompagner son développement. Partant du bilan de ses expérimentations, je souhaite le faire évoluer afin qu'il s'articule mieux avec la fin du parcours d'éducation artistique et culturelle pour enfin diversifier les pratiques culturelles de nos jeunes.

La politique d'accès à la culture dans les territoires bénéficie également de moyens supplémentaires, notamment pour accompagner un nouveau label, celui de « capitale française de la culture », dont le premier sera décerné en 2021. Tous les deux ans, ce label distinguera l'innovation artistique et l'activité d'une ville ou d'un groupement de collectivités.

Par ailleurs, les États généraux des festivals, à Avignon en octobre, ont permis de lancer, avec succès, une concertation entre les acteurs culturels et les collectivités locales, premiers partenaires de ces événements. Leurs travaux vont continuer et nous permettre de mieux accompagner ces manifestations qui jouent un rôle majeur dans l'attractivité de nos territoires, parallèlement à la prolongation du fonds festival en 2021.

L'enseignement supérieur dans le domaine de la culture fera l'objet d'une attention particulière l'an prochain, dans une volonté d'accompagnement des créateurs de demain. L'accroissement conséquent du budget de 3,3 % après des années de stagnation vise à améliorer les conditions de vie et d'études des élèves de ces écoles et leur insertion professionnelle. S'y ajoutera un plan exceptionnel de rénovation et de modernisation de leurs infrastructures s'élevant à 70 millions d'euros, financé par le plan de relance.

Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », la hausse de 3,2 % exprime notre volonté de moderniser et consolider ces filières culturelles aux fragilités structurelles révélées par la crise. Le programme « Presse et médias » verra son budget progresser de 2,9 %. Ces nouveaux moyens de 483 millions d'euros pour la période 2020-2022 sont intégrés au plan « filière » pour la presse et ont été présentés par le Président de la République à la profession le 27 août dernier. Il s'agit d'un plan de modernisation massif qui accompagnera la transformation nécessaire de la filière.

Grâce au plan de relance, et au-delà des moyens inscrits dans la troisième loi de finances rectificative (LFR3), le fonds stratégique pour le développement de la presse sera abondé de 45 millions d'euros sur deux ans, le montant de l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse sera doublé et un fonds de transformation des imprimeries de la presse régionale doté de 31 millions d'euros.

Les enjeux environnementaux et sociaux occupent une place centrale dans ce plan de filières : un fonds pour la transition écologique est donc mis en place, de même qu'un fonds de lutte contre la précarité, doté de 18 millions d'euros par an en soutien aux acteurs les plus fragiles de la profession comme les pigistes, les photojournalistes ou les dessinateurs de presse. Des mesures nouvelles d'aide au pluralisme seront mises en place, l'une à destination des services de presse en ligne, d'informations politiques et générales, à hauteur de 4 millions d'euros par an, l'autre à destination de la presse ultramarine à hauteur de 2 millions d'euros par an.

Le programme « Livre et industries culturelles » connaîtra une hausse moyenne de 3,5 % l'année prochaine, soit plus de 10 millions d'euros. Au-delà des mesures concernant la filière musicale, déjà évoquées, ces nouveaux crédits permettront de financer l'achèvement du chantier de restauration du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF). L'ouverture de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement va également permettre à la BnF de lancer la construction d'un nouveau centre de stockage, opérationnel d'ici 2027. Plus de 80 candidatures ont d'ores et déjà été déposées. Le secteur du livre bénéficie en outre d'un plan total de 89 millions d'euros sur trois ans, financé par la LFR3 de 2020 et le plan de relance, avec l'objectif de soutenir les activités des libraires et des bibliothèques.

Concernant les filières cinématographiques et audiovisuelles, en plus des ressources habituelles du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) stables en 2021, un plan global de 165 millions d'euros inclus dans le plan de relance les accompagne pour permettre la reprise et moderniser l'ensemble de leurs acteurs.

Le financement de l'audiovisuel public respectera, en 2021, la trajectoire engagée en 2018. Le compte de concours financier pour l'audiovisuel public s'élèvera à 3,72 milliards d'euros et le montant de la contribution à l'audiovisuel public dont s'acquitteront nos concitoyens restera stable. L'effort d'économie de 80 millions d'euros demandé aux sociétés de l'audiovisuel public a été réduit de 10 millions d'euros, afin de tenir compte de la prolongation, jusqu'à l'été 2021, de la diffusion linéaire de France 4. Je souhaite engager une réelle réflexion participative et stratégique sur l'offre que nous voulons en matière de contenus éducatifs, sans urgence, qui s'appuie sur la créativité de la représentation nationale. Un soutien financier exceptionnel de 70 millions d'euros sera octroyé, dans le cadre du plan pour compenser les impacts de la crise sanitaire. La coïncidence entre les deux enveloppes de 70 millions d'euros ne représente pas un effet de balance, mais d'un côté, une aide conjoncturelle et, de l'autre, une trajectoire structurelle.

En parallèle, une vaste réflexion sur les ressources de l'audiovisuel public doit être menée, compte tenu de la suppression totale, à l'horizon 2023, de la taxe d'habitation à laquelle est adossée la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Nous approfondirons le début de ce travail avec l'ensemble des parlementaires dont les sénateurs, très attentifs à ce sujet d'importance.

Je veux saluer les travaux en cours menés par le Sénat à l'occasion de la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) introduite dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue). Ils vont permettre, avec la révision du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande, d'intégrer les plateformes numériques ciblant le public français à notre système de contribution à la création. Il s'agit d'une première étape essentielle d'un système de rééquilibrage d'ensemble de notre système de financement de la création. Les actions et les ambitions de la France, en ce domaine, sont attendues pour fixer un modèle. Une révision du décret fixant la contribution et les obligations des chaînes historiques a lieu, avec des négociations professionnelles, dans ce cadre. Une adaptation de la chronologie des médias devra être mise en place dans les prochains mois, avec ouverture des concertations dans les prochains jours.

Concernant les autres mesures, certaines disposions prioritaires très attendues par le secteur doivent faire l'objet d'une traduction législative, dès que possible, en particulier la lutte contre piratage et l'évolution de la régulation. Un nouveau projet de loi « resserré », proposé au Premier ministre, tient compte des travaux déjà effectués lors de l'examen du projet loi initial. S'il est impossible de reprendre toutes les dispositions proposées, il est indispensable d'adapter les règles encadrant ce secteur à la transformation rapide, tant chez ses acteurs que dans les usages de nos concitoyens.

Telles sont les orientations qui guideront mon ministère, ce budget en étant le reflet, doté de moyens nouveaux, à la hauteur des attentes des professionnels de la culture et du grand public. Il prend en compte les défis urgents, conjoncturels et structurels. En complément du plan de relance, il a pour but de conforter le modèle culturel français, dont l'originalité fait notre fierté.

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel . - Il y a deux ans, votre prédécesseur, Franck Riester, assurait que la réforme de la CAP, indispensable pour boucler le financement de la réforme de l'audiovisuel, aurait lieu au plus tard dans le cadre du PLF 21. Après le report de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel, l'examen de la réforme de la CAP sera-t-il à son tour renvoyé à une date ultérieure ? Pourquoi une vraie concertation avec le Parlement et le Sénat notamment, ne serait pas entamée, avec un partenariat possible entre majorité et opposition ?

L'existence de la chaîne jeunesse de France Télévisions, France 4, a été prolongée d'un an seulement, alors qu'elle a toute sa place au sein d'une télévision publique comme le montre le succès en Afrique de la chaîne francophone Tivi5 Monde créée par TV5 Monde. Le montant de l'économie réalisée par la suppression de France 4 apparaît, par ailleurs, très limité. Une contradiction importante semble exister entre la légitime volonté du gouvernement de promouvoir les valeurs de la République dans les quartiers prioritaires, où les familles n'ont pas les moyens d'accéder à une offre culturelle et audiovisuelle large, et celle de supprimer cette chaîne qui pourrait constituer cet outil pédagogique indispensable. À l'aune des crises que nous connaissons, le gouvernement pourrait-il réévaluer cette question, quitte à demander à l'audiovisuel public de réaliser des économies sur d'autres postes ?

M. Michel Laugier , rapporteur pour avis sur les crédits de la presse . - La presse joue un rôle important lors d'une crise sanitaire et doit être maintenue à un haut niveau. Ses difficultés ont souvent été évoquées, notamment la chute du groupe de distribution Presstalis qui a eu lieu au plus mauvais moment, en plein confinement. Une partie de la France a ainsi été privée de journaux pendant plusieurs mois. Peut-on chiffrer précisément la dépense engagée par l'État ces dernières années pour le maintien à flot de cette société ? Comment s'assurer d'un sort plus favorable à France Messagerie qui a remplacé Presstalis ? Qui va assumer la dette de cette grande maison ?

Concernant les droits voisins, des annonces contradictoires récentes suggéraient un accord, puis sa mise en doute. Quelle est la volonté de Google et Facebook de s'inscrire dans le cadre légal tracé par la proposition de David Assouline ? Avez-vous des échanges avec d'autres pays qui tardent à lancer leur transposition ?

M. Julien Bargeton , rapporteur pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles . - Le pass Culture suscite beaucoup d'interrogations, notamment sur son évolution et son avenir, qui appellent des précisions. Le choc de la crise sur le secteur culturel est très fort et il faut reconnaître les efforts de soutien déployés par le gouvernement, malgré l'existence de demandes encore en suspens. Cette démultiplication des fonds est d'ailleurs soulignée par les différents acteurs que nous rencontrons.

Quel sera l'avenir et le fonctionnement du CNM, suite à l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 8 septembre 2020 sur les crédits dits « irrépartissables » qui prive de 25 millions d'euros par an les organismes de gestion collective (OGC) ? Une compensation par le CNM a été évoquée, est-elle selon vous envisageable ? Que va faire la France ? Des négociations européennes auront-elles lieu pour essayer de corriger cet arrêt dans un règlement ?

M. Pierre Ouzoulias , au nom de M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis sur les crédits du cinéma . - Concernant la transposition de la directive services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), quelles seront l'architecture et la philosophie générale des projets d'ordonnance et de décret ? Quelles sont les premières réactions des plateformes ? Sur le domaine du cinéma, la difficulté est de ne pas connaître aujourd'hui le montant des pertes de l'industrie cinématographique pour l'année prochaine. Y aura-t-il un aspect dynamique dans l'aide que vous pourriez lui apporter et des moyens d'ajustement d'un budget supplémentaire à ses pertes ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - À propos de la réforme de la contribution à l'audiovisuel, deux clans s'affrontent, les tenants de la budgétisation et ceux qui souhaitent le maintien de la redevance, avec des propositions intéressantes mais qui arrivent à ne pas « familialiser » cette contribution. Compte tenu du report à 2023 de la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale, cette réforme n'est pas urgente, d'autant que le rendement de cette contribution continue de croître permettant un maintien du tarif, ce qui est important pour les ménages modestes. Des pistes de référence ont été identifiées par le gouvernement, et un travail d'analyse technique approfondi aura lieu d'ici 2022 avec les parlementaires et ceux qui voudront s'y associer. Le principe est de permettre à l'audiovisuel de bénéficier d'un financement pérenne, gage de son indépendance, sans créer de nouvel impôt, en cohérence avec la politique fiscale conduite par le gouvernement depuis 2017 pour améliorer le pouvoir d'achat des Français.

Concernant l'arrêt de France 4, il est nécessaire de s'interroger sur les moyens d'accompagner l'offre éducative des Français. Si l'action de France 4 pendant le confinement mérite d'être saluée, on ne peut pas bâtir une télévision-confinement. La réflexion doit porter sur les besoins exacts de nos enfants et non sur le maintien ou non d'une chaîne, quelle que soit l'affection qu'on lui porte. Comment les enfants évoluent-ils ? Quels outils utilisent-ils ? Faut-il avoir une chaîne éducative, de divertissement ou culturelle ? Dix millions d'euros sont dégagés pour permettre cette réflexion par rapport à la trajectoire arbitrée en 2018. Comment coordonner cette réflexion avec l'utilisation des nouveaux outils numériques utilisés par les jeunes dont la consommation augmente ? Comment les programmes des chaînes comme Okoo s'articulent avec les programmes de l'Éducation nationale ? Face à un public de 6 à 18 ans, comment imaginer des programmes éducatifs structurants ? Quel est l'apport des autres chaînes de l'audiovisuel public ? Toutes ces questions alimenteront la réflexion pour définir l'outil correspondant aux réels besoins de nos enfants.

Concernant Presstalis, la situation est particulièrement compliquée, avec la filière de la vente au numéro, indispensable au pluralisme de la presse, en forte baisse et des acteurs aux difficultés récurrentes. L'État a accompagné les discussions autour de la restructuration de Presstalis qui ont conduit à la création de France Messagerie, nouvelle structure en charge de la distribution de la presse quotidienne nationale, le 1 er juillet 2020. L'engagement de l'État s'élève, dans la restructuration de Presstalis, à 76 millions d'euros et, dans les besoins de France Messagerie, à 80 millions d'euros dont 68 de subventions et 12 de prêt. Le soutien public à la filière ne se dément pas mais s'appuie sur la responsabilité des éditeurs pour assurer la pérennité du système de distribution. France Messagerie représente aujourd'hui 55 % de parts de marché, les Messageries lyonnaises de presse (MLP) 45 %, et l'État verse chaque année aux dix quotidiens d'information politique et générale (IPG) une aide à la distribution de la presse quotidienne de 18 millions d'euros. Dans le cadre du protocole de conciliation de 2018, les crédits de la section A de cette aide sont portés à 27 millions d'euros par an pour 2018-2021 par redéploiement des crédits en provenance du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). L'État est toujours fortement engagé dans les messageries historiques, d'une part, en prenant en charge le décalage de la procédure de collecte à hauteur de 17 millions d'euros et les chèques de qualification dus aux marchands de presse, qui représentent 16,2 millions d'euros ; d'autre part, dans les besoins de financement de la nouvelle société avec une subvention de 68 millions d'euros et un prêt du Fonds de développement économique et social (FDES) de 12 millions d'euros. Des aides exceptionnelles aux petits éditeurs de 8 millions d'euros et aux diffuseurs spécialisés de 19 millions d'euros ont par ailleurs été octroyées.

Au sujet des droits voisins des éditeurs et agences de presse, un investissement exemplaire dans la négociation des deux directives d'avril 2018 relatives aux droits d'auteur, a abouti à des éléments décisifs sur la rémunération des créateurs et les titulaires de droits. La première directive vise à sécuriser la rémunération des oeuvres diffusées à la télévision par technique dite de « l'injection directe », la seconde consacre des dispositions visant à garantir un meilleur partage de la valeur créée par la diffusion des oeuvres sur internet. Les démarches de Google visent à un seul but : contourner l'application de ce droit, notamment par l'octroi de licences à titre gratuit. Le 9 avril 2020, l'autorité de la concurrence, saisie par des éditeurs de presse, a enjoint Google à négocier « de bonne foi » sur ces droits voisins et la Cour d'appel de Paris a rejeté le pourvoi contestant cette décision. Si certains acteurs du système sont prêts à céder aux sirènes de Google, je veux saluer ceux qui y résistent.

À propos du pass Culture, les objectifs sont connus : favoriser l'autonomie culturelle chez les jeunes, avec un crédit de 500 euros pour chaque jeune de 18 ans, à utiliser dans les biens et services culturels référencés sur le pass. La gestion du dispositif est confiée à la Société du Pass culture, avec une hausse de ses crédits de 20 millions d'euros en 2021 soit 59 millions d'euros au total. La question de sa généralisation est en cours, ainsi que celle d'une meilleure articulation avec les parcours d'éducation artistique pour les 16-17 ans. Il faut par ailleurs noter que le pass a contribué à relancer le secteur culturel suite au confinement, la barre des 100 000 inscrits ayant été franchie mi-septembre. Quatorze départements sont aujourd'hui concernés par l'expérimentation. Au 2 novembre, on compte un taux d'inscription de 85 %, 115 000 comptes sur les 135 000 éligibles et un taux d'utilisation de 81,5 %, contrairement aux craintes escomptées. 130,70 euros sont dépensés en moyenne sur une période de 9 mois et 4 300 lieux culturels sont actifs pour près de 2 500 000 offres disponibles. Les catégories les plus réservées sont à 58 % les livres, à 15 % la musique, à 10,1 % l'audiovisuel, à 4,1 % le cinéma. Les biens physiques représentent 65,1 % des biens réservés, les biens numériques 25,4 %, les événements 9,4 %, ce dernier chiffre étant le plus décevant et sans doute le domaine sur lequel les offres doivent être mieux mises en avant.

Concernant l'arrêt de la Cour de justice, ce sont plus les OGC qui vont être impactés que le financement du CNM. Par le biais des OGC, des activités seront financées mais vous êtes modeste sur la perte estimée à 25 millions d'euros alors que je tablerai plutôt sur 30 actuellement. Cet arrêt de la Cour de justice permet de ne pas reverser les sommes perçues aux artistes et aux producteurs non européens en raison de l'absence de réciprocité, aussi appelé droits « irrépartissables ». L'arrêt dit par ailleurs que la législation européenne aurait dû prévoir la liste exhaustive des pays concernés. Je suis ces travaux au plus près avec la commission européenne. Je ne me lancerai pas dans la description du projet de décret « SMAD », qui est complexe et se trouve disponible en ligne. Cette 3 e consultation des acteurs du secteur, avec, d'un côté, producteurs et créateurs français et, de l'autre, les plateformes, se termine le 12 novembre. À votre demande sur la réaction de ces dernières, évidemment mesurée, je vous répondrai par notre volonté d'un décret ambitieux, et en même temps prudent : on peut aspirer à obtenir 35 ou 40 % mais il s'agit aussi de respecter l'équité et de ne pas s'exposer à des contentieux dommageables qui anéantiraient tous les efforts. Pour exemple, cela représente pour une plateforme comme Netflix environ 190 millions d'euros.

M. David Assouline . - Je partage avec vous une réflexion au sujet de l'ouverture des librairies. Une idée est en train de faire son chemin et vous devez la porter haut et fort, c'est le fait que la culture est un ciment de notre société et une réponse en temps de crise sanitaire et sociale, quand il y a un attentat contre un professeur et la liberté d'expression. Il faut la considérer comme un bien essentiel, dans la mise en place des nouvelles mesures. Je vous demande de plaider en ce sens.

Concernant la contribution à l'audiovisuel public, vous indiquez qu'elle restera stable, ce qui est un euphémisme, car une décision consensuelle de longue date voulait qu'une stabilité impliquait une augmentation de 1 % au minimum pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie. Il s'agit donc d'une baisse du budget de l'audiovisuel public et notamment de celui de France Télévisions, puisque sur les 70 millions d'euros de la trajectoire budgétaire de baisse, 60 millions concernent France Télévisions. Avec 65 millions d'euros d'impact estimés de la covid-19, cette baisse est conséquente, compensée par seulement 45 millions d'euros de dotations exceptionnelles dans le plan de relance. Chacun mesure les efforts faits pour passer ce moment difficile dans toutes les filières. La présence à la maison imposée par le confinement augmente le temps passé à regarder la télévision et Netflix. Nous avons tous intérêt à ce que le service public propose, dans ce contexte, une offre de qualité. C'est là que se pose la question de France 4 qui, par erreur de langage, serait qualifiée de chaîne du confinement, alors qu'elle est une chaîne du service public nécessaire pour les enfants, preuve en est que le secteur privé, dont M6, se l'approprie et que la BBC, qui avait arrêté, en est revenue. Le service public a besoin de s'adresser aux enfants, livrés à des plateformes et à des programmes avec peu de considération pour la qualité et l'éducation, notamment civique, surtout après l'attentat contre M. Paty. On ne peut pas considérer qu'à chaque nouveau ministre, on recommence à zéro. Nous avons réfléchi avec le gouvernement, avec France Télévisions et même Mme Ernotte, pour remporter sa candidature au CSA, a mis en avant son projet de maintien de France 4.

Sur le sujet de la presse et des droits d'auteurs, la majorité sénatoriale et mon groupe, par principe opposés au jeu des ordonnances, avons accepté de négocier avec Franck Riester dans un souci de rapidité, avec l'assurance d'une écriture conjointe. Or nous n'avons jamais été contactés pour en discuter concrètement et être associés à cette rédaction. Le contrat de confiance passé avec le gouvernement était que nous allions, jusqu'au bout, établir ce texte ensemble. Depuis, nous n'avons jamais été contactés pour en discuter concrètement et être associés à l'écriture de ces ordonnances. Il serait bien de tenir cette parole car nous avons fait un effort politique d'ouverture en acceptant en juillet de faire les choses vite, pour les auteurs et pour la création française. En retour, nous nous sentons un peu lésés quant à l'association et la considération du Parlement.

M. Jean-Raymond Hugonet , au nom de Michel Savin . - Michel Savin a dû prendre le train qui reste pour rejoindre les cimes de l'Isère. Il m'a donc demandé de poser cette question pour lui. Madame la ministre, vous avez annoncé courant septembre différentes mesures de soutien à la filière cinématographique durement touchée par la crise sanitaire. Un fonds exceptionnel de compensation des pertes de recettes des salles de cinéma doté de 50 millions d'euros a été créé et confié au Centre national du cinéma et de l'image animée. Or, de par la nature même du CNC, ce fonds ne peut s'adresser aux cinémas de gestion publique. Vous avez également annoncé, le 22 octobre, de nouvelles aides et notamment une enveloppe supplémentaire de 30 millions d'euros pour les acteurs de la filière cinématographique. Une partie de ces aides est-elle destinée aux cinémas exploités en régie directe par les collectivités jusqu'ici ignorés par les plans de soutien du gouvernement ? En effet, de nombreuses collectivités gèrent en direct des cinémas publics. Leur fermeture imposée par le gouvernement pour freiner l'épidémie entraîne de lourdes pertes d'exploitation alors même que leurs finances se trouvent déjà fragilisées par la crise sanitaire. Ces cinémas publics remplissent un rôle important de diffusion culturelle notamment dans les territoires interurbains et ruraux, mal dotés en cinémas privés. Aussi semble-t-il important que l'État fasse preuve de solidarité en accordant aux cinémas publics les mêmes aides qu'aux privés.

Mme Sabine Van Heghe . - Je souhaite poser une question sur la presse et particulièrement la presse quotidienne régionale frappée de plein fouet par la crise sanitaire, avec notamment la fermeture de nombreux points de vente et la forte diminution de son chiffre d'affaires. La situation était déjà très difficile du fait de changements structurels des modes de consommation de l'information. Nous sommes tous d'accord pour veiller à l'indépendance de la presse, au respect du pluralisme et à liberté d'expression. Au moment où de fausses informations circulent abondamment sur les réseaux sociaux, le soutien à la presse et à la presse quotidienne régionale est indispensable. Il en va de la bonne santé de notre démocratie. Par rapport à l'augmentation des aides à la presse dans le plan de relance, pouvant être jugée insuffisante du fait des précédentes baisses observées depuis 2018, des inquiétudes s'expriment quant au soutien apporté à la presse locale, en particulier dans la transformation de son offre numérique. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous voudrez bien m'apporter sur ce sujet.

Mme Claudine Lepage . - Madame la ministre, j'aimerais vous poser une question sur l'audiovisuel extérieur, qui occupe une place en marge de l'audiovisuel public, même si France Médias Monde est associée à France Info. France Médias Monde et TV5 Monde, chacun dans leur spécificité, jouent un rôle de premier plan dans la diplomatie culturelle de la France et donnent une belle image, engagée, de l'information. Vous avez fait mention du projet de loi « resserré » sur l'audiovisuel. Quelle sera la place réservée à l'audiovisuel extérieur dans le cas où il verrait le jour ? Il est important de conserver les spécificités et les missions de celui-ci.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - J'ai réalisé, monsieur le président, que je n'avais pas répondu à votre question sur les COM, mais elle reboucle finalement avec les dernières questions sur le plan de transformation de l'audiovisuel public énoncée en juillet 2018 et qui conditionne les COM 2020-2022. Cinq axes sont prioritaires : renforcer l'offre audiovisuelle de proximité, conforter le statut d'offre de référence de l'information, sanctuariser son rôle central dans la culture et la création - je me réjouis que France Télévisions ait décidé de consacrer une soirée à un spectacle en ce moment en répétition dans nos lieux de culture fermés, Hippolyte et Aricie, l'opéra de Jean-Philippe Rameau répété à l'Opéra-Comique, que l'on pourra voir sur France 3 ainsi que d'autres spectacles édités par l'audiovisuel public. Ceci permettra peut-être à certains de découvrir l'opéra, développer l'offre éducative et les contenus destinés à la jeunesse et contribuer au rayonnement international de la France. Ces objectifs sont tout à fait essentiels. Le report du projet de création d'une holding ne signifie en rien le renoncement à poursuivre la transformation de l'audiovisuel public et favoriser les coopérations entre les entreprises qui le composent. Pour autant, les synergies doivent être multipliées, le gouvernement a invité l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public, couvertes par un COM, à le renégocier et j'ai écrit aux dirigeants de l'audiovisuel public, cet été, dans cette perspective. L'ensemble du secteur va donc être couvert par des COM, alignés dans le temps sur l'horizon budgétaire de 2022. Ces contrats comprendront un volet commun à ces entreprises, dédié à leurs missions communes, ainsi qu'à leur engagement conjoint à progresser davantage en matière de coopérations multiples, éditoriales et non éditoriales. Les textes de ces COM sont en cours de finalisation et seront transmis au CSA et aux commissions parlementaires dans les prochaines semaines. Vous allez donc pouvoir vous en emparer.

Je veux dire à M. Assouline qu'on continue à vendre des livres et à les acheter dans notre pays et dans des librairies indépendantes. Je passe, pour venir au bureau, devant deux librairies indépendantes et peux vous dire que le « cliquez-emportez » marche ! Nous soutenons nos librairies par des mesures transversales considérablement majorées comme le fonds de solidarité porté à 10 000 euros, le chômage partiel, les prêts garantis par l'État qui sont poursuivis. Nous avons, par ailleurs, décidé que tous les livres vendus en « cliquez-emportez » ou envoyés par la poste ne rentreraient pas en ligne de compte dans le calcul du chiffre d'affaires permettant d'accéder au fonds de solidarité. Toutes ces aides sont considérables. En accord avec le ministre de l'économie et de la relance, nous avons mis en place la prise en charge des frais postaux qui permet de placer les librairies indépendantes au niveau des grandes plateformes à 1 centime l'envoi. De même, La Poste a fait une ouverture considérable, en divisant pratiquement par 3 le prix de ses portages de colis dans une agglomération. On peut situer cet effort pour l'État, entre 10 et 20 millions d'euros sur cette prise en charge de la quasi-gratuité du tarif. Certaines librairies témoignent même de la présence de beaucoup de clients et de difficultés à organiser les commandes. Les librairies sont pour la plupart ouvertes, il est possible de téléphoner, sans être obligé de passer par internet, de passer et préparer des commandes, de demander des conseils à son libraire. Comme vous, je souhaite la réouverture des librairies le plus tôt possible, bien entendu, et nous réfléchissons aux actions par rapport au contexte sanitaire. Une librairie, comme le disait excellemment mon ami Alain Duault dans un éditorial paru récemment, ça n'est pas comme acheter un paquet de nouilles dans un supermarché ! Ce qu'on aime, c'est feuilleter les livres, discuter avec les gens, c'est un lieu de convivialité et dans l'état actuel, tout cela est évidemment compliqué. On pourrait imaginer, si la situation sanitaire se desserre, évoquer la question des jauges, en discussion avec les acteurs du secteur, libraires et éditeurs, à hauteur de 4 m², voire même de 8 m² par personne, les libraires y sont disposés, un accueil sur rendez-vous, mais on ne peut pas transiger sur le fait de ne pas feuilleter les livres, même avec masques et gel hydroalcoolique. Développer des moyens logistiques n'est pas si simple. Nous travaillons avec Bruno Le Maire sur ces adaptations.

J'ai déjà répondu aux questions concernant la contribution à l'audiovisuel public. Les efforts de gestion étaient tout à fait soutenables par rapport au travail accompli en 2018. Concernant le décret SMAD et l'écriture des ordonnances, je ne sais pas où on est sur le travail de collaboration avec l'assemblée sénatoriale, je vais me renseigner sur cette consultation et revenir vers vous à ce sujet sans chercher de fausses excuses.

Concernant la filière cinématographique et la gestion publique, il est vrai que sur les 6 000 salles de cinéma de notre pays, 400 sont en gestion publique. Leur modèle économique n'est pas comparable à celui des salles commerciales. Néanmoins, j'ai demandé que le CNC regarde la situation au cas par cas et que, si elle se révélait très difficile et bien que ne relevant pas de la mission du CNC, il puisse aider ces salles. Je tiens vraiment à ce que le maillage si important des salles de cinéma soit préservé pendant la crise.

L'audiovisuel extérieur et France Médias Monde sont engagés, comme l'ensemble des entreprises du secteur public, dans les négociations des COM. Une élaboration est en cours avec une signature prévue début 2021, comportant les objectifs communs et spécifiques qui traduisent les missions confiées. Dans un projet « resserré », l'audiovisuel extérieur ne sera pas concerné. J'ai bien indiqué les contours de ce texte législatif, qui sont le piratage et l'autorité de régulation, soit la fusion du CNC et de l'Hadopi pour former l'ARCOM. Nous rencontrons beaucoup de difficultés, d'ailleurs, à trouver un créneau législatif, mais cela n'empêche pas ma résolution dans ce domaine. Il y aura peut-être des idées d'initiatives parlementaires, on verra.

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis sur les crédits de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture . - Merci beaucoup, madame la ministre, pour la présentation de ces programmes 131 sur la création et 361 sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Je mesure l'ampleur des efforts réalisés par l'État pour sauver la création artistique et culturelle dans un moment que vous avez justement qualifié de critique. Le secteur culturel, dans son intégralité, est en train de payer un lourd tribut du fait de la crise. Sans revenir sur les analyses chiffrées, je voudrais vous questionner sur plusieurs points. On sait que les acteurs culturels ont subi différentes phases, un confinement total, un déconfinement avec une reprise d'activités, puis, brutalement, un reconfinement que je ne qualifierai pas de partiel, car les lieux sont fermés. Beaucoup souffrent encore, comme les festivals, d'un manque d'anticipation, de visibilité. Ils ont besoin qu'on les aide à anticiper, notamment à trois mois car leur modèle économique ne leur permet souvent pas de stopper leurs activités. Avez-vous des éléments de calendrier ou une méthode de travail qui permettrait d'y répondre, avec cette incertitude qui pèse sur la durée ? Je sais la difficulté de répondre à ma question. Pour pouvoir continuer, beaucoup demandent la prolongation de l'activité partielle exceptionnelle qui s'arrête au 31 décembre, devenant ensuite activité partielle de longue durée, ce qui diminue considérablement le remboursement. Dans leur situation, une telle décision serait très importante.

Les collectivités territoriales jouent, vous le savez, un rôle majeur. Avec les mesures du PLF pour 2021, du plan de relance, du PLFR4, des sous-préfets ont été nommés pour prendre en charge la relance dans les territoires. J'aimerais savoir comment vos annonces seront traduites concrètement dans les territoires. La coordination qui sera mise en place n'est pas très claire avec le rôle qui sera confié aux sous-préfets en charge de la relance. Comment trouver une bonne coordination entre sous-préfets, directions régionales des affaires culturelles (DRAC), collectivités territoriales, pour que l'organisation territoriale, qui va permettre à la fois sur la relance et, sur ce que j'appelle de mes voeux, un printemps culturel, puisse être bien accompagnée ? Nous avons besoin d'une clarification sur la méthodologie pour pouvoir, au sein des collectivités territoriales, fluidifier et simplifier les aides. Beaucoup d'interrogations demeurent.

Les écoles supérieures d'art me tiennent à coeur, ainsi que les écoles supérieures d'architecture qui souffrent beaucoup. On nous a annoncé la remise rapide d'un rapport sur leur situation. Quand doit-il être publié ? Nous aimerions en disposer car, derrière ces écoles, se pose la question de la recherche, de l'intégration de ces écoles dans le système licence master doctorat (LMD), et des vacataires. Je vous remercie pour l'enveloppe pour la rénovation énergétique, très importante pour ces écoles. La question du fonctionnement de ces écoles et de l'enseignement de l'architecture dans notre pays est fondamentale en ce moment de transition écologique. On vit finalement sociologiquement, philosophiquement et même intellectuellement des mouvements qui pourraient faire déplacer des populations au-delà des zones urbaines vers les zones rurales, et ces questions d'environnement et d'habitat sont très importantes.

Enfin, car je sais que mes collègues compléteront mes propos, je voudrais vous dire qu'en plus des lieux subventionnés et privés existent également de très nombreuses associations culturelles qui diffusent la culture dans les territoires, enseignent les pratiques artistiques, gèrent des lieux non conventionnés, non labellisés. Beaucoup rencontrent aujourd'hui des difficultés majeures et sont peu soutenues, éligibles un peu aux dispositifs culture, un peu aux dispositifs vie associative, un peu aux dispositifs destinés à l'économie sociale et solidaire (ESS). Elles constituent des acteurs importants de l'éducation artistique et culturelle, aujourd'hui à l'arrêt car ces lieux sont fermés. C'est pourquoi je plaide pour un printemps culturel très important qui s'appuierait sur les projets exceptionnels menés par ces associations dans les écoles, collèges, lycées. Il y a de l'argent : c'est un moyen de l'utiliser. La volonté existe mais une vraie organisation et des méthodes de travail sont à mettre en place.

Vous prolongez le fonds festival. Je tenais à vous dire que l'organisation des États généraux des festivals avait été très bien reçue par les organisateurs de festivals. Ils attendent maintenant un calendrier, des critères et, là aussi, l'association des collectivités territoriales sera précieuse. Nous, parlementaires et élus, sommes prêts à vous accompagner car il y a urgence. La relance n'est pas encore complètement là. J'espère qu'elle sera rapide, visible et lisible dans les territoires de notre pays.

Mme Céline Boulay-Espéronnier , pour Philippe Nachbar, rapporteur pour avis sur les crédits des patrimoines . - Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme patrimoine, m'a laissé ses questions. La première concerne la situation très préoccupante des opérateurs, singulièrement ceux dont le niveau des ressources propres est le plus élevé. Après l'audition des présidents du musée du Louvre et du château de Versailles, la semaine dernière, nous nous demandons si les crédits inscrits permettront aux opérateurs de surmonter les conséquences de la crise, dans la mesure où leur montant a été déterminé avant la mise en place du nouveau confinement. Quelle est votre position ?

Deuxièmement, nous sommes préoccupés par la faiblesse des crédits accordés aux monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés, qui représentent pourtant la majorité de ces monuments et fournissent du travail aux entreprises de restauration sur l'ensemble du territoire. Ces crédits sont globalement stables dans le PLF pour 2021 et leur niveau reste modeste au titre du plan de relance puisqu'ils représentent seulement 6,5 % en autorisations d'engagement (AE) et 3 % en crédits de paiement (CP) du volet patrimonial de ce plan. Dans la mesure où les collectivités territoriales, comme les propriétaires privés, devraient voir leur capacité financière se contracter en 2021 sous l'effet de la crise - repli des collectivités sur leurs dépenses obligatoires, pertes financières enregistrées par l'absence d'ouverture de leurs monuments - comment justifier que l'effort de l'État ne soit pas plus conséquent ? Enfin, afin de les inciter davantage à engager des travaux dans les mois à venir, certains suggèrent que l'État relève temporairement le taux de sa subvention aux travaux, même pour les opérations non éligibles au fonds incitatif et partenarial pour les petites communes. Quel regard portez-vous sur ces propositions ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je vais répondre à Mme Van Heghe sur le soutien à la presse quotidienne régionale et vais compléter mon propos. Les questions sont très nombreuses et tout le monde connaît l'importance de la presse quotidienne régionale (PQR) dans l'accès des citoyens à l'information. Le soutien de l'État à son égard est très fort, avec 2,9 millions d'euros d'aides au pluralisme pour la presse locale ainsi que l'aide au portage et le fonds stratégie qui lui profite largement. S'ajoute, dans le cadre du plan filière presse, un soutien exceptionnel de 50 millions d'euros sur 2 ans, pour le fonds stratégie et 36 millions d'euros pour la restructuration des imprimeries de la presse en région. C'est donc une aide plus que substantielle.

En réponse à Mme Sylvie Robert, la territorialisation du plan de relance est un enjeu qui m'a habitée pendant toute son élaboration. Sur le 1,6 milliard d'euros, hors 4 e programme d'investissements d'avenir (PIA4) dont on ne connaît pas encore les projets, 460 millions d'euros sont territorialisés, c'est-à-dire programmés région par région. Les crédits alloués aux filières qui se diffuseront sur l'ensemble du territoire - presse, cinéma, livres notamment - seront également suivis. Hors opérateur, on peut estimer que plus de 1 milliard d'euros sur les 1,6 bénéficieront directement aux territoires. Il ne suffit pas d'affecter de l'argent aux territoires, il faut que ce soit coordonné avec eux et qu'on ait des effets de levier des politiques de l'État, de concertations et parfois de codécisions. J'ai voulu que les collectivités territoriales soient pleinement associées à ces politiques de plan de relance, en réunissant le Conseil des territoires pour la culture (CTC) le 27 octobre dernier. Des CTC locaux seront réunis très prochainement. J'ai exigé que le rôle des DRAC, souvent mises de côté dans ces réunions globales, soit pris en compte. À chaque séance, le plan de relance sera évoqué comme la gestion de crise et ses conséquences sur la culture. Un suivi très fin de tout cela est nécessaire.

Vous m'avez posé une question, à laquelle je ne peux pas répondre, sur la date de sortie de la crise. Vous-même avez bien voulu en convenir. Je m'inscris résolument dans la préparation de la sortie de crise. Souvenez-vous, pendant le premier confinement, comme les répétitions n'avaient pas pu avoir lieu, lorsque la crise s'est desserrée, les spectacles n'étaient pas prêts - cela a considérablement affecté les festivals d'été. En autorisant les tournages et les répétitions, outre que j'alimente l'audiovisuel public et, pourquoi pas, d'autres types de médias pour leur diffusion, les spectacles seront prêts dès la fin du confinement et permettront la reprise du spectacle vivant. Il est important de réduire au maximum le délai de reprise des activités et de s'y préparer.

Vous pointez l'approche en silo du ministère de la culture, j'en conviens volontiers, c'est un diagnostic que je partage. C'est pourquoi j'ai voulu créer au ministère une nouvelle délégation générale aux territoires et à la transmission des politiques culturelles, avec la vocation de décloisonner les politiques et d'être un interlocuteur unique pour les acteurs des territoires, ce qui est souvent compliqué. L'objectif est aussi de décloisonner les pratiques patrimoniales ou traditionnelles et les cultures numériques nouvelles.

Les États généraux des festivals, dont vous avez souligné le succès, correspondaient aux besoins des acteurs de ces festivals de décompresser, de dire à quel point ils avaient souffert. Il fallait échanger dans ce domaine. Mon prédécesseur a, dès le 6 avril, mis en place une cellule d'accompagnement aux festivals et 10 millions d'euros de crédits complémentaires ont été ouverts dès juillet en soutien aux éditions annulées. On estime aujourd'hui que 300 organisateurs vont être soutenus dans tous les domaines. 5 millions d'euros supplémentaires alimenteront ce fonds d'urgence en 2021 dans le cadre du plan de relance. La crise a réinterrogé la façon dont l'État devait accompagner ces festivals et les ateliers tenus à Avignon ont abordé des thèmes nouveaux : la diversité, l'égalité hommes-femmes, le bénévolat, outre les questions classiques sur la territorialisation, les partenariats avec les collectivités territoriales, le mécénat... Tout a été envisagé, au cours de cette première période de diagnostic. Une nouvelle réunion avec les chefs des sept ateliers de ces États généraux envisagera des solutions concrètes. Rendez-vous est donné, en croisant les doigts, au printemps de Bourges, pour avancer des solutions concrètes et nous nous reverrons régulièrement car ce pilotage est à mener finement et de façon évolutive.

Les enjeux des écoles d'architecture sont tout à fait considérables. D'abord, en urgence, il fallait veiller à leur équipement numérique pour l'enseignement à distance et le besoin pour les vingt écoles sera couvert. À moyen terme, avec la bonne mise en oeuvre de la réforme de 2018, ces écoles doivent occuper une place centrale dans la définition et la diffusion des solutions pour la transition écologique et sociale des bâtiments. Cette réforme doit aller à son terme et accompagner les écoles en moyens financiers. Elles vont bénéficier des crédits importants que vous avez soulignés. La réunion de restitution du rapport que vous avez mentionné aura lieu prochainement et le rapport sera livré avant Noël.

L'impact de la crise sur les opérateurs est évidemment massif et nous y avons répondu amplement en nous adaptant à chaque situation. Le deuxième confinement crée une situation nouvelle dont nous sommes en train d'évaluer les conséquences. Les modèles d'aides déployés lors du premier confinement, comme les 115 millions d'euros consacrés à accompagner les pertes de billetteries liées au couvre-feu à partir de 21 heures, vont être remodelés pour aider les opérateurs de façon conforme aux exigences du confinement. Sans préjuger de ce qui se passera, le gouvernement est décidé à prolonger les mesures si le confinement se prolongeait, aussi bien en ce qui concerne l'intermittence ou le chômage partiel, autant que de besoin. Le ministre de l'économie et de la relance s'est plusieurs fois exprimé sur ce sujet.

Est-ce que les crédits seront suffisants ? Que coûte aux établissements cette prolongation du confinement, de l'interdiction de mener des spectacles à l'Opéra de Paris, de recevoir des visiteurs au musée du Louvre ou à Versailles ? Cela coûte 30 millions d'euros par mois pour l'ensemble des grands opérateurs, « vaisseaux amiraux » de notre culture. Ils seront accompagnés de la meilleure façon. Nous avons déjà donné des enveloppes extrêmement substantielles dont vous avez la liste, avec une palme au château de Versailles qui le mérite. Des efforts de gestion peuvent aussi sans doute être consentis par les opérateurs, avec une réflexion à mener, dossier par dossier.

Il me tient à coeur de revenir sur une sorte de débat récurrent qui oppose les financements engagés sur les grands opérateurs et les territoires. Je ne vois pas comment justifier cette opposition. Les grands opérateurs sont la marque de notre pays, reflets de notre histoire. Il est vrai que l'Opéra de Paris n'est pas à Montauban et le Louvre pas à Lengelsheim. Situés dans la capitale, ces grands opérateurs doivent être entretenus, valorisés, ils sont des produits d'appel considérables. Espérons que lorsque le tourisme aura repris, ils seront en bon état. Pour autant, ils ont un rôle d'animation des territoires colossal, avec, par exemple, le prêt d'oeuvres par le Louvre aux établissements territoriaux. Il faut sortir de ce débat stérile car, si on délaisse l'entretien du patrimoine et ne procède pas aux grandes réparations, les états de déshérence consécutifs coûteront beaucoup plus cher in fine .

Il y a un soutien significatif aux monuments historiques ne relevant pas de la responsabilité de l'État. Je voudrais là aussi sortir de l'idée reçue suivante : l'État croulerait sous l'argent et les collectivités territoriales seraient en difficulté. Pardon, tout le monde est à la peine dans ce domaine. Chacun fait un effort et essaie de gérer le mieux possible ses responsabilités. Le soutien de l'État à des opérations qui ne sont pas de sa responsabilité dans le cadre de la loi de décentralisation est massif. D'ailleurs, les collectivités territoriales nous accompagnent aussi dans un certain nombre d'opérations qui sont de notre ressort. Il faut parler de concertation dans une situation difficile. Plus de 170 millions d'euros ont été prévus pour les monuments historiques non-État, soit 70 % des crédits monuments historiques déconcentrés. Un effet de levier considérable est engendré qui multiplierait au moins par deux voire par trois les fonds. Dans le plan de relance, 40 millions d'euros en faveur des monuments historiques non-État pourraient générer 120 millions d'euros de travaux. J'espère qu'on les dépensera, ce qui n'est pas gagné car ces subventions ont souvent du mal à être consommées et engager des travaux pour un propriétaire privé ou une collectivité territoriale reste difficile à entreprendre, même avec un niveau de subvention important. Nous le suivrons ensemble.

Mme Sonia de la Provôté . - Merci, madame la ministre, de ce temps passé et de la qualité de vos réponses. Concernant le patrimoine, je veux rebondir sur ce que vous venez de dire. Pour les opérateurs de l'État, il s'agit d'un rebasage ou d'une sécurisation des budgets avec une vraie volonté de maintenir ou accompagner le mieux possible. Globalement, de l'avis de tous sur le terrain, ce sont plutôt les gros chantiers avec de gros budgets qui vont être accompagnés dans le plan de relance, car les petits chantiers sont plus difficilement identifiables. Ils ont cet avantage pourtant d'être diffus sur tout le territoire et surtout de concerner des entreprises locales. Cette remarque faite, pourrait-on imaginer, dans le cadre d'une loi de finances rectificative pour 2021, qu'une partie des crédits finance ce type de petites opérations de restauration et d'entretien tant elles sont nécessaires pour le patrimoine dans les territoires ?

Sur le fonds incitatif à destination des petites communes rurales, je souhaiterais une plus grande transparence sur l'usage des crédits, car j'ai le sentiment que certaines régions accompagnent mieux que d'autres et comme le montant des crédits reste modeste, très peu de chantiers sont accompagnés au final. Les pertes de recettes de mécénat vont avoir un impact important sur le secteur des patrimoines. Beaucoup de mécènes se réorientent vers d'autres priorités que le patrimoine et la culture. Nous devons anticiper une diminution au cours des deux prochaines années au moins. Est-ce que votre ministère a prévu des dispositions particulières pour favoriser le mécénat ou le flécher - plus particulièrement vers le patrimoine ? S'il fait défaut, beaucoup de monuments, petits et grands, vont en souffrir.

Je veux redire que l'assistance à maîtrise d'ouvrage qui n'est plus exercée par l'État est identifiée, par tous les acteurs, comme une des sources principales des difficultés pour mobiliser les crédits. En effet, les chantiers sont complexes, et le maire d'une petite commune ne peut pas trouver les moyens de mener à bien son projet. Le ministère de la culture est attendu à ce sujet. Je souhaite enfin réagir : je m'attendais à ce que le patrimoine non protégé ou vernaculaire, qui constitue une grande part du patrimoine de la France et de son identité, soit davantage pris en considération après le Loto du patrimoine. L'État ne devrait-il pas créer un fonds dédié, aider à son recensement et à sa restauration par le biais de programmations annuelles ? La feuille est mince entre le classement et le non-classement et, quelquefois, on ne classe pas pour ne pas avoir les contraintes du classement.

Sur la culture, je voulais intervenir sur la question des intermittents, que vous n'avez pas abordée. Est-ce que l'année blanche sera également prolongée et pour quelle durée ?

Les arts visuels ne sont pas la partie du programme « Création » la plus mise en avant. Ses artistes sont essentiellement accompagnés par le RSA en temps de crise, ils sont pourtant extrêmement présents et contribuent à l'accès à la culture dans tous les territoires. Je souhaiterais que le ministère fasse un effort particulier pour accompagner massivement la structuration de cette discipline, distincte du spectacle vivant : les parcours des artistes et les fonctionnements ne sont pas identiques. J'aimerais que les spécificités de cette filière soient mieux prises en compte dans le budget et le détail de ses mesures. J'insiste sur la nécessité de réévaluer peut-être les schémas d'orientation pour les arts visuels (SODAVI) qui, pour l'instant, n'ont pas réussi à la structurer.

Je me réjouis que les crédits d'impôts soient étendus à l'art dramatique, mais constate une discrimination peu compréhensible. En effet, il n'y a pas de hiérarchie entre les disciplines, nous en sommes d'accord, que sont l'art dramatique, les marionnettes, le cirque et la danse, par exemple. Aussi, je souhaiterais voir ce crédit étendu à toutes les disciplines, puisqu'aucune n'est prééminente sur l'autre, sauf à trouver une justification que je n'ai pas.

Au sujet du chômage partiel, je vous demande qu'il accompagne toutes les structures quel que soit leur statut, suivant l'objectif des PLFR de ne pas perdre ni structure ni lieu. Les structures publiques dont les employés ont pourtant des contrats de travail de droit privé se trouvent défavorisées, alors qu'elles sont essentielles pour prendre en charge les politiques culturelles.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je voudrais attirer votre attention sur trois points particuliers du budget : les crédits sur les études et travaux sur les sites patrimoniaux remarquables dont la stagnation est préoccupante depuis 4 ans, la situation des crédits destinés à l'enrichissement des collections, en stagnation pour la 2 e année consécutive, et enfin l'archéologie, très impactée, avec des chantiers arrêtés au printemps et peu de budget dans le plan de relance. Je me réjouis du plan Musées et des moyens accordés à ce dispositif en faveur l'accès à la culture dans les territoires. Je reste néanmoins prudente car cela concerne des établissements disparates en moyens et en capacités de mobilisation autour de projets. Je souhaite que vous nous assuriez que, dans le cadre de ce plan Musées, ce seront prioritairement les musées qui en ont le plus besoin et non ceux qui, forts de leurs budgets disponibles, ont, déjà ou rapidement, des projets prêts à servir. Par rapport aux monuments historiques des collectivités, le fonds incitatif et partenarial en faveur des collectivités à faibles ressources est abondé de 5 millions d'euros supplémentaires et peut aussi bénéficier de 40 millions d'euros sur 2 ans au titre du plan de relance. Cependant, compte tenu des besoins en restauration et en entretien de ces monuments, je crains que cela soit insuffisant. Afin d'éviter des choix difficiles entre monuments, tous plus importants les uns que les autres, serait-il possible de pérenniser ce fonds à un niveau de 30 à 35 milliards d'euros à l'issue du plan de relance ?

M. Lucien Stanzione . - Ma question va dans le sens de l'intervention de notre collègue Sylvie Robert. Madame la ministre, vous êtes venue mi-octobre, en Avignon, pour ouvrir et animer les États généraux des Festivals. Vous avez annoncé un certain nombre de mesures financières pour soutenir le spectacle vivant dans le cadre du plan de relance. Avec la deuxième vague de la covid, allez-vous augmenter les aides au bénéfice de ce secteur en perdition ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre . - Effectivement, ce sont des questions très complètes, je réalise, à travers la catastrophe que nous traversons, que ce n'est jamais assez, sur tous les sujets. L'État a décidé de faire sauter toutes les limites habituelles et d'accompagner à la fois les opérateurs publics, privés, les collectivités territoriales et les personnes elles-mêmes dans leur parcours de vie d'une manière totalement inédite, en particulier pour la culture. Je comprends, partage souvent les interrogations et aimerais avoir le pouvoir d'augmenter les crédits à ma disposition. Nous avons, je crois, de mémoire, 44 000 monuments protégés dans notre pays, soit le patrimoine le plus conséquent du monde, avec des exigences budgétaires colossales. On n'en fera jamais assez, mais on en fait vraiment beaucoup.

Vous avez évoqué, à juste titre, le retrait du mécénat. Comment pourrait-il en être autrement ? Dans un contexte économique difficile, c'est la variable d'ajustement rêvée, malgré les aides fiscales massives données à ce mécénat. Le mécène n'est jamais couvert à 100 % par ces aides fiscales. Aucune mesure incitative ne pourra faire en sorte que cette variable d'ajustement ne soit pas réalisée par le mécénat, j'en conviens volontiers. Un certain nombre de maquettes financières, comme la réalisation de la salle modulable de l'Opéra de Paris avec 10 millions d'euros de mécénat, ne seront jamais réalisées. Ces maquettes financières doivent être revisitées à l'aune de ce que vous pointez avec acuité et dont je partage le diagnostic.

Concernant l'aide à la maîtrise d'ouvrage, il est important de préciser qu'elle est gratuite pour les propriétaires privés et les communes qui ne peuvent l'assumer, payante sinon, en tant que service. Pour rappel, ces dépenses peuvent être comptabilisées dans leurs demandes de subvention, ce qu'ignorent certains propriétaires. Les DRAC sont très attentives à l'enjeu d'accompagnement des maîtres d'ouvrage dans ce domaine.

Sur la très importante question sociale de l'intermittence et du chômage partiel, nous reverrons bien entendu les situations, autant que de besoin et si, au 31 décembre, la crise persiste, nous continuerons le chômage partiel. J'ajoute que certaines structures, dont des établissements subventionnés, qui auraient pu y avoir accès, ont choisi, sous pression salariale, de ne pas faire appel au chômage partiel, rémunéré à 84 %. Certains salariés ne voulaient pas de chômage partiel. On l'oublie quelquefois. J'aurais bien aimé, pour mon budget qu'ils fassent appel au chômage partiel, cela aurait permis de réaliser certaines économies sur les crédits du ministère. Ceci étant, d'autres établissements n'y ont pas droit par leur structure juridique. Peut-on le changer demain ? Je n'y verrai que des avantages pour les arguments que je viens de vous donner : certes, c'est toujours l'État qui paye mais on déporte la dépense du ministère de la culture vers le ministère du travail, restant, pour le contribuable, identique.

La problématique des arts visuels n'avait pas la même acuité que celle du spectacle vivant. Il y a des effets de stockages et de flux dans les arts visuels. Ils bénéficieront d'aides dans le cadre du soutien aux festivals, que ce soit pour les grands événements de la photographie et les petits événements.

J'avais déjà abordé l'archéologie dans mon intervention liminaire. Vous avez salué le plan Musées. Les crédits d'enrichissement des collections sont stables, c'est vrai : dans cette politique, nous avons stabilisé plusieurs lignes ne relevant pas de l'urgence. Quand nous serons dans une meilleure fortune, nous pourrons reprendre cette politique plus dynamique ensuite. Nos crédits sont actuellement fléchés sur tout ce qui concernait la survie, comme dans une famille en grande difficulté qui, plutôt que de changer de voiture, essaie de maintenir ce qui doit être maintenu.

Monsieur Stanzione, vous me demandez d'augmenter les aides au maximum : je mets toutes mes forces dans les négociations budgétaires pour obtenir le maximum et témoigne devant vous que ce combat a été entendu.

Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Au sujet de la réorientation du projet de restauration du Grand Palais à partir de la fin septembre, j'ai été rassurée partiellement uniquement, car j'aimerais savoir ce que signifie le terme de réorientation. J'ai bien noté, dans le PLF, la référence à l'importance de poursuivre les chantiers stratégiques déjà engagés et l'abondement de 10 millions d'euros sur le schéma directeur du Grand Palais. Mme Nyssen, ministre de la culture à l'époque, parlait de projet d'exception donnant au Grand Palais l'opportunité de s'inscrire de plain-pied dans le XXI e siècle. J'ai par ailleurs noté que M. Chatillon, architecte en chef des monuments historiques, a dit que l'époque des grands projets était peut-être révolue et il me semble, madame la ministre, avoir lu dans la presse que vous disiez que la pandémie remet en question l'idée même des grandes expositions. Les grands projets renforcent l'attractivité de notre pays, il ne faut pas en faire le deuil. Est-ce qu'il s'agit d'une restauration ou d'une transformation ? Le coût initial était de 466 millions d'euros, ce qui n'est pas rien, et j'ai lu que le nouveau projet aurait un coût identique avec un dédommagement du cabinet d'architectes qui a beaucoup travaillé sur le projet. Le Grand Palais sera-t-il prêt pour les Jeux Olympiques de 2024 comme prévu ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je ne souhaite absolument pas supprimer les grandes expositions qui sont constitutives de l'ADN du Grand Palais ! J'ai dit que le projet initial avec travaux d'excavation massive paraissait pharaonique. Le fait que le plan d'économie soit au même prix interpelle, mais la réactualisation des travaux portait le budget entre 550 et 580 millions d'euros. Par ailleurs, les façades et la statuaire du Grand Palais sont dégradées, sous filet, or ces travaux n'étaient pas compris dans le projet initial. Les 466 millions d'euros ont, par ailleurs, une réserve de précaution de 30 millions d'euros, soit 436 millions d'euros en réalité pour pouvoir être garantis dans la bonne marche du projet. Plus sobre, plus sûre, cette restauration profonde respectera ce qui était voulu, sous l'égide d'André Malraux par l'architecte Pierre Vivien, abandonnant les opérations lourdes tout en conservant des éléments d'origine. La maîtrise d'oeuvre sera confiée à l'architecte en chef des monuments historiques pour les missions de restauration des espaces d'origine. Le Grand Palais, qui contient Universcience, est plus grand que Versailles et constitue un élément structurant du paysage parisien, mais il est considérablement dégradé et présente des problèmes de sécurité importants. Pour assurer la sécurité financière, pendant sa fermeture de janvier 2021 à septembre 2024, les manifestations habituelles seront accueillies dans un Grand Palais éphémère, dont la structure est en cours d'installation sur le Champ de Mars, cofinancée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (Rmn-GP) et le comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO). Le cheminement sera conservé, l'entrée gratuite et les services ouverts dans la rue centrale, une entrée à l'aspect végétalisé se trouvant sur le côté de la scène. Les crédits budgétaires s'élèvent à 123 millions d'euros, la subvention PIA3 à 160 millions d'euros, l'emprunt bancaire souscrit par la Rmn-GP à 150 millions d'euros, remboursés sur 25 ans, le mécénat Chanel à 25 millions d'euros ainsi que des partenariats et ressources propres à Universcience à hauteur de 8 millions d'euros. Je veux dire publiquement que l'abandon de la maîtrise d'oeuvre du cabinet d'architectes LAN ne constitue pas un acte de défiance ou de remise en cause des capacités de ce cabinet. Un appel à projet aura lieu pour ce nouveau projet. Le dédit à payer au cabinet ne majore pas la maquette financière et le cabinet LAN sera appelé à soumissionner s'il le souhaite. J'espère avoir été assez complète.

M. Laurent Lafon , président . - Je vous remercie, madame la ministre, pour les réponses précises que vous avez apportées à chacun des intervenants.


* 1 L'avis sur les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018 présenté par Mme Sylvie Robert au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication comportait un chapitre consacré à la montée en puissance de la concentration .

* 2 Les crédits affectés au Centre national de la musique, inscrits désormais sur la mission « Livre, médias et industries culturelles » sont inclus dans ce calcul, dans la mesure où cet organisme est chargé de gérer les aides en faveur du spectacle vivant musical.

* 3 Les associations professionnelles des arts visuels auraient été soutenues à hauteur de 0,84 million d'euros en 2020.

* 4 Les crédits d'intervention déconcentrés destinés aux festivals augmentent de 400 000 euros par rapport aux documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2020 (+ 4,5 %)

* 5 Le plan devrait notamment permettre la relocalisation des activités du bâtiment Lenoir de l'ENSA Paris-Malaquais, la première phase de la restauration du clos et du couvert de la Petite écurie du Roi de l'ENSA Versailles, la réhabilitation des ateliers du parc de l'ENSA Normandie, la construction d'un amphithéâtre à Vaux-en Velin pour l'ENSA de Lyon, la réhabilitation du bâtiment Pyramide pour l'ENSA de Bordeaux, la restauration du clos et du couvert du bâtiment Eldin et une extension en toiture pour l'ENSA de Lille, la création et l'équipement d'un Fab-lab en technologies numériques de conception et de fabrication dans l'ENSA de Grenoble, la ventilation des salles et studios, le remplacement de l'éclairage, le renouvellement matériel numérique et le studio 3 D du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et les travaux sur la rue, la suite du schéma directeur en cours (phase 1) pour les travaux urgents de mise en sécurité de l'École nationale supérieure de création industrielle, des travaux sur les accueils à l'École nationale supérieure des beaux-arts ; la réhabilitation du bâtiment Isère et l'aménagement d'une salle de répétition et de travail pour les musiciens au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, un laboratoire d'expérimentation et d'insertion professionnelle pour les étudiants du Centre d'art YGREC à l'ENSA Cergy, l'achèvement des travaux du clos et du couvert à l'ENSA de Limoges, et la rénovation de logements et d'ateliers et la création d'ateliers de production à l'Académie de France à Rome.

* 6 Ce montant correspond aux crédits de l'action 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » dont sont retranchés les crédits du Pass culture, ceux relatifs à la sécurisation des sites et des événements culturels et ceux destinés à compensation la gratuité d'accès des enseignants aux établissements culturels patrimoniaux.

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