N° 117 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
AVIS PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
(1)
sur le projet de
loi
de
finances
,
considéré comme
|
TOM E II ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT Diplomatie culturelle et d'influence (Programme 185) |
Par MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard . |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
En 2023, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » augmenteront de 13 millions d'euros (+ 2 %) pour atteindre 744 millions d'euros.
Cette progression, quoique bienvenue, n'est cependant pas à la hauteur des ambitions portées par la France en matière d'influence, telles qu'elles ont notamment été rappelées par le président de la République dans son discours à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme du 20 mars 2018 et dans la « feuille de route de l'influence » présentée le 14 décembre 2021.
S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, la hausse de 30 millions d'euros des moyens de l'AEFE prévue en 2023 ne compensera que partiellement les dépenses nouvelles liées au soutien du réseau au Liban, à la hausse du point d'indice et à la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés. Au total, l'AEFE devra ainsi faire face à un accroissement de ses charges de l'ordre de 7 millions d'euros, ce surcroît de dépense étant appelé à augmenter dès 2024.
Dans le même temps, l'objectif de doublement des effectifs d'élèves d'ici 2030 est fictivement maintenu, alors que celui-ci apparaît désormais inaccessible et que les questions relatives au financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe ne sont pas encore réglées. Par ailleurs, la poursuite de cet objectif ne doit pas conduire à une multiplication irraisonnée du nombre d'établissements au risque de créer des situations de concurrence qui ne seraient pas souhaitables.
En matière d'accueil des étudiants étrangers, la stabilité des moyens consacrés à Campus France et aux bourses étudiantes apparaît en décalage avec l'objectif de « remonter sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants étrangers », ainsi que l'a formulé la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères le 20 juillet dernier.
Enfin, s'agissant de la diplomatie culturelle, la hausse des crédits en faveur de la « feuille de route de l'influence » est à l'image des actions inscrites dans ce document : modeste. De même, la stabilité des moyens dédiés à notre réseau culturel interroge face aux difficultés anticipées par le ministère concernant les instituts français et au voeu - pieux - présidentiel d'ouvrir dix nouvelles Alliances françaises par an.
Vos rapporteurs pour avis appellent par conséquent à sortir enfin de l'incantation et à donner à la diplomatie culturelle et d'influence française les moyens de ses ambitions.
Le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
I. UNE HAUSSE DES MOYENS DE L'AEFE EN TROMPE-L'OEIL
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit une progression des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de 13 millions d'euros à périmètre courant pour atteindre 743,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Hors mesure de périmètre (transfert de la compétence tourisme au ministère de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se traduisant par un transfert sortant de 28,7 millions d'euros correspondant à la subvention pour charges de service public versée à Atout France) et hors dépenses de personnel, la hausse des crédits du programme atteindra près de 40 millions d'euros.
L'essentiel de cette augmentation sera consacré au financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à hauteur de 30 millions d'euros 1 ( * ) , dont 10 millions d'euros iront aux établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger au Liban, 13 millions d'euros seront consacrés à la prise en charge de l'augmentation du point d'indice entrée en vigueur au 1 er juillet 2022 et 7 millions d'euros seront destinés à compenser la moitié du surcoût lié à la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés 2 ( * ) .
Sur ce dernier point, si la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a assuré devant la commission 3 ( * ) que l'autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en troisième loi de finances rectificative pour 2020 au titre des bourses scolaires, en réalité, ces crédits auront été intégralement consommés en 2022 .
In fine , l'AEFE devra par conséquent supporter une charge supplémentaire de 7 millions d'euros en 2023, dans un contexte d'accroissement des effectifs d'élèves accueillis (cf. infra ), de forte inflation et d'évolution du cours de l'euro qui pourraient nécessiter des revalorisations salariales dans certains pays rencontrant des difficultés de recrutement. Si le directeur général de l'AEFE s'est montré optimiste quant à la capacité de l'opérateur de supporter cette charge en 2023, en raison de marges dégagées en 2022 sur les dépenses de personnel (sous-consommation du plafond d'emplois sur une partie de l'année 2022 dans l'attente de la mise en oeuvre du nouveau statut), le surcoût lié à la réforme du statut des personnels détachés a vocation à croître dès l'année suivante . En 2024, il pourrait ainsi dépasser les 30 millions d'euros, du fait d'un renouvellement important du nombre de contrats, avant de se stabiliser à un niveau compris entre 20 millions d'euros et 25 millions d'euros par an à partir de 2025 . Le principe d'une compensation pérenne, à hauteur de 50 % de la dépense supplémentaire, semble avoir été accepté par le ministère de l'économie, il conviendra cependant d'être vigilant quant au respect de cet engagement dans les années à venir et à l'impact de cette charge sur l'opérateur .
* 1 Le programme bénéficiera en outre de 5,85 millions d'euros au titre du financement de campagnes de communication et de promotion réalisées par Atout France et les crédits consacrés à l'exposition universelle d'Osaka de 2025 progresseront de 4,7 millions d'euros.
* 2 Mis en oeuvre par le décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, ce nouveau statut, qui fait suite à un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 mai 2020, met un terme à la distinction entre personnels « expatriés » et personnels « résidents » et ouvre aux personnels relevant de cet ancien statut le bénéfice de la prise en charge du voyage pour se rendre sur leur lieu d'affectation pour eux-mêmes et leurs ayants droits, de l'indemnité de changement de résidence ainsi que du droit aux congés fixé dans chaque pays pour eux-mêmes et leurs ayants droits durant la durée du contrat qui les lie à l'AEFE.
* 3 Audition du 12 octobre 2022.