B. ... QUI, PAR CONSÉQUENT, NE PEUVENT NI NE DOIVENT SE SUBSTITUER AU FINANCEMENT BANCAIRE ET À L'INVESTISSEMENT PRIVÉ
Les dispositifs publics n'ayant ni vocation ni les moyens de se substituer aux acteurs privés (cf. supra ), alors que le passage à une économie de guerre est appelé de ses voeux par le Gouvernement, l'accès des entreprises de la BITD au financement bancaire et à l'investissement privé constitue un enjeu crucial.
Or dans leur rapport de l'an dernier, vos rapporteurs pour avis rappelaient que des entreprises actives dans le secteur de la défense, notamment des PME, faisaient état de difficultés de financement pour des questions de conformité ou d'image. Lors d'une table-ronde 4 ( * ) , la fédération bancaire française a cependant indiqué n'avoir connaissance d'aucun dossier rejeté sur le seul motif de l'appartenance au secteur de la défense, les refus étant, selon elle, uniquement motivés par des questions d'application de normes, qui s'imposent aux banques, ou liées à la situation financière des entreprises concernées.
Pour autant, il ressort des auditions et des réponses apportées par le ministère des armées à vos rapporteurs pour avis que :
1) des cas de refus explicites en raison d'une appartenance au secteur de la défense existent bien et concernent essentiellement les PME et les TPE . Il est cependant parfois difficile de connaître les raisons exactes des refus opposés ;
2) ces difficultés concernent en particulier les projets d'exportation vers certains marchés ou de certains matériels considérés comme sensibles par les établissements financiers ;
3) elles ne sont pas uniquement le fait des banques mais peuvent s'étendre aux sociétés financières, au secteur assurantiel, voire aux prestataires logistiques.
Depuis le rapport de 2020 de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur ce sujet 5 ( * ) , d'autres travaux ont été menés par l'Assemblée nationale 6 ( * ) ou encore le Conseil général de l'économie. Ces alertes ont permis, selon la Fédération bancaire française, de sensibiliser les banques sur ce sujet. Pour autant, les obstacles rencontrés étant peu documentés, ce sujet n'a fait l'objet d'aucune communication interne particulière au sein des groupes bancaires . Par ailleurs, la mise en place de « référents défense » dans les établissements, projet soutenu par la DGA, se fait encore attendre.
Les questions relatives aux projets de taxonomies européennes ou aux critères en matière environnementale, sociale ou de gouvernance (ESG) constituent également un sujet de vigilance. Vos rapporteurs pour avis soutiennent l'initiative de la DGA de créer un label ESG pour les entreprises de la défense, permettant d'objectiver pour les banques et les entreprises elles-mêmes les efforts consentis par ces dernières sur ces sujets.
Il semblerait par ailleurs que cette problématique ait été prise en compte au sommet de l'État, le président de la République ayant déclaré le 13 juillet 2022, « Parce qu'il y a parfois des esprits étranges qui au moment où on voit la guerre revenir en Europe, s'ingénient à compliquer l'investissement dans les industries de défense en Europe. Donc, j'assume totalement le fait que les taxonomies doivent nous permettre de consolider nos industriels grands groupes, ETI, PME, start-up, et renforcer les investissements dans ces secteurs en leur donnant de la visibilité ». Cette volonté présidentielle a trouvé une traduction dans la revue nationale stratégique au paragraphe 126.
« L a BITD doit pouvoir bénéficier d'outils de financement favorables, y compris dans le contexte du développement de la finance durable. Ainsi, les futures normes en matière de taxonomie ou de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne doivent pas décourager l'investissement dans les entreprises de l'industrie de défense », Revue nationale stratégique, paragraphe 126.
Il convient désormais que ce principe soit décliné, le cas échéant législativement, dans le cadre de la future loi de programmation militaire .
Observations des rapporteurs sur l'innovation et le financement de la BITD
- Nommer un directeur de plein exercice à la tête de l'AID ;
- Encourager la constitution de fonds d'investissement privés pour épauler le volet « amorçage » du financement de la BITD ;
- Intégrer dans le volet « économie de guerre » de la RNS 2022 une meilleure coopération et compréhension mutuelles des banques avec les entreprises de la BITD et recommander la création au sein de chaque banque d'un « référent défense » identifiable ;
- Inciter les entreprises de la BITD à plus et mieux communiquer sur la valorisation de leur secteur et leur contribution à la souveraineté nationale.
* 4 Table-ronde du 16 novembre 2022 réunissant des représentants de la fédération bancaire française et de la direction générale du Trésor.
* 5 L'industrie de défense dans l'oeil du cyclone, rapport d'information de MM. Pascal Allizard et Michel Boutant, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 605 (2019-2020) - 8 juillet 2020.
* 6 Mission Flash sur le financement de l'industrie de défense, Mme Françoise Ballet-Blu et M. Jean-Louis Thiériot, 17 février 2021.