EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - La mission « Pouvoirs publics » comporte les crédits de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la chaîne parlementaire. Le budget total de la mission s'élève à 1 076,5 millions d'euros, soit une hausse de 2,76 % par rapport à l'année dernière. Je vous précise mes chers collègues que, comme les deux années précédentes, le rapport que je vous présente ne portera ni sur l'Assemblée nationale, ni sur le Sénat, ni sur la chaîne parlementaire, puisque, en tant que Questeur, je ne voudrais pas être en conflit d'intérêts. Je vous renvoie donc au rapport tout à fait précis, clair et remarquable de nos collègues de la commission des finances pour ce qui est du Parlement.

Pour ce qui est de la présidence de la République, je précise que je n'ai pas eu l'honneur, comme les trois années précédentes, d'être reçu par le directeur de cabinet du président de la République. En effet, celui-ci ne donne pas suite à mes demandes, pour des raisons que j'ignore. Nous nous contentons donc de correspondances avec son adjoint. Je préciserai cela en séance publique, sans faire de plus amples commentaires, car cela ne me paraît pas nécessaire.

La dotation demandée pour la présidence de la République est en hausse de 4,90 %, soit 110,46 millions d'euros en 2023 contre 105,3 millions d'euros en 2022.

Une augmentation sensible des dépenses de fonctionnement est à relever : 12,61 % de plus, ce qui est assez important. Pour justifier cette évolution, plusieurs explications sont avancées, en particulier l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et l'inflation. Toutefois, même en additionnant l'une à l'autre, il est difficile de justifier une telle hausse. À cela s'ajoute un certain nombre de travaux de sécurité, que nous nous devons de soutenir. Je souhaite néanmoins souligner que les explications données apparaissent un peu absconses. En effet, dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2023, la présidence de la République indique qu'il faut procéder à « un recalibrage réaliste devenu indispensable permettant de faire face aux coûts de gestion courante ». Cette phrase se passe de tout commentaire. Si ce sont des « coûts de gestion courante », on ne comprend pas tellement la notion de « recalibrage indispensable ». Il me sera toutefois difficile d'évoquer cela en séance publique car je ne disposerai que de trois minutes, comme vous tous et toutes, mes chers collègues, ce qui est tout à fait dommageable pour discuter d'un tel budget.

Les dépenses d'investissement comprennent plusieurs opérations qui sont parfaitement réalistes et qui doivent être soutenues. Je pense particulièrement à tout ce qui concerne la sécurité du président de la République et la sécurité informatique de l'Élysée. Dans le monde où nous vivons, je ne peux que soutenir ces investissements qui requièrent des moyens suffisants.

Cependant, je tiens à préciser que la justification de certaines opérations d'investissement manque de précisions. Des travaux de mise aux normes et de mise en sécurité vont sans doute intervenir dans les années à venir. Outre la mise en conformité des installations électriques, il y aura des opérations de sécurisation des sites, conformément aux conclusions du diagnostic technique réalisé en 2021. Si les services de la présidence indiquent que le chiffrage de ces opérations est encore en cours, la Cour des comptes relève quant à elle un coût estimé à 12 millions d'euros sur cinq ans. Ensuite, la réalisation de l'audit énergétique des emprises parisiennes doit permettre la définition d'une stratégie pluriannuelle de travaux mais des incertitudes demeurent quant aux besoins de financement afférents. Enfin, je précise que l'élaboration d'un nouveau schéma directeur immobilier à compter de 2025 pourrait être l'occasion d'établir une convention avec l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) visant à clarifier les rôles et à établir les responsabilités de chacun. Toutefois, la rédaction d'une nouvelle convention avec l'OPPIC se traduirait certainement par la prise en charge par la présidence de la République de travaux financés jusqu'à présent par l'OPPIC.

En résumé, il y a des marges d'incertitudes quant à l'avenir. Je précise en outre que le budget donne lieu à un prélèvement sur les disponibilités de la présidence de la République. Nous avons réussi à établir que les disponibilités étaient de 22,8 millions en 2017, 17 millions en 2018, 20,5 millions en 2019, 20,4 millions en 2020 et le même montant en 2021. Pour 2023, le prélèvement prévisionnel sur les disponibilités s'élève à 2,37 millions d'euros.

Pour conclure sur un point positif, j'ajoute que les dépenses d'investissement comprennent des travaux visant à chauffer l'Élysée, au moins pour partie, par la géothermie, ce qui va tout à fait dans le sens des énergies du futur.

J'en viens au Conseil constitutionnel. Nous avons été reçus très chaleureusement et longuement par le président Laurent Fabius et le secrétaire général, Jean Maïa. Les crédits du Conseil constitutionnel pour 2023 sont en baisse, compte tenu de l'enveloppe exceptionnelle qui a été allouée en 2022 pour le contrôle de l'élection présidentielle et des élections législatives. Ces crédits n'ont logiquement pas été reconduits cette année puisqu'il n'y aura probablement que les élections sénatoriales.

Le budget n'appelle pas de remarque particulière. Nous devons toutefois souligner le travail très important réalisé en matière de QPC. L'année 2022 a ainsi été marquée par le jugement d'une millième QPC. Ce mécanisme constitue une novation très importante. Il y a également le portail internet qui permettra de recenser l'ensemble des QPC d'ici le début de l'année 2023. Cette initiative est extrêmement positive. Le Conseil constitutionnel poursuit par ailleurs sa politique visant à faire connaître son activité, notamment par des déplacements, par des liens internationaux et par plusieurs audiences décentralisées.

Par ailleurs, je me suis permis d'évoquer, lors de mon entretien avec le président Laurent Fabius, le vote du Sénat, qui a adopté le 4 novembre 2021, par une majorité de 322 voix contre 22, une proposition de loi constitutionnelle reprenant les termes de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle de 2008, selon laquelle « la ratification des ordonnances par le Parlement doit être expresse ». J'ai ainsi souhaité rappeler l'opposition d'une large majorité au sein de notre assemblée à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui conduirait à octroyer aux ordonnances non ratifiées une valeur législative.

J'en viens aux crédits de la Cour de justice de la République. Son président, qui nous a reçus fort courtoisement, a mentionné des travaux de sécurisation des locaux, qui débuteront cette année et se poursuivront l'année prochaine.

Il y a en outre le projet, qui serait économique, de déplacer la Cour de justice de la République dans les locaux de l'île de la Cité. Toutefois, ce déménagement ne pourra intervenir avant l'achèvement des procès en cours, en particulier ceux qui concernent l'attentat de Nice.

S'agissant de l'activité de la Cour de justice de la République, il est à relever qu'un procès a eu lieu au cours des dernières semaines. Je me dois également d'appeler votre attention sur le nombre de recours déposés devant la commission des requêtes de la Cour de justice de la République, qui exerce un filtrage des plaintes avant leur éventuelle transmission à la commission d'instruction. En 2021, le nombre de recours déposés devant cette commission s'est élevé à 20 119. Parmi ces recours, la quasi-totalité a été présentée par le même avocat, qui proposait un modèle prédéfini de plainte facilement accessible sur internet. Il y a là un vrai problème et je m'interroge sur le bien-fondé d'une telle méthode, d'autant plus que cet avocat a récemment dû comparaître devant le Conseil de l'Ordre et a été sanctionné d'une interdiction d'exercer pendant six mois avec sursis.

Enfin, chacun connaît les débats sur la Cour de justice de la République et les projets qui proposent sa pure et simple suppression, assortie d'un dispositif de filtre pour éviter le harcèlement judiciaire des ministres.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais vous présenter, au terme desquelles je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Hussein Bourgi . - Je formule le voeu que l'augmentation des frais de fonctionnement de 12,61 % pour la présidence de la République inspire celles et ceux qui allouent les budgets de fonctionnement pour les collectivités locales. Je rappelle que les collectivités territoriales subissent les mêmes contraintes avec l'augmentation du point d'indice et l'inflation. Il est dès lors particulièrement gênant d'expliquer aux collectivités territoriales qu'elles doivent faire des économies lorsque la présidence de la République ne donne pas l'exemple.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je pense que vous pourrez argumenter en ce sens en séance publique, si toutefois il vous est dévolu le nombre de minutes nécessaires. Comme vous le savez, je proteste énergiquement contre les règlements qui ont été adoptés qui réduisent à la portion congrue ces débats budgétaires en séance publique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Après l'exposé à la fois précis et subtil de Jean-Pierre Sueur, je me demande pourquoi il propose d'approuver les crédits.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - J'ai émis un certain nombre de réserves qui me paraissent nécessaires. Il y a en particulier des imprécisions qui concernent le budget de fonctionnement de la présidence de la République, à l'exception des dépenses indispensables à la sécurité, qui ne peuvent être critiquées. Néanmoins, ces remarques ne me conduisent pas à proposer un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de la mission « Pouvoirs publics », qui comprennent le budget de l'Élysée, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

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