EXAMEN DES ARTICLES

Article 3
Création d'une procédure d'expropriation des immeubles dont l'état d'insalubrité ou de dégradation est remédiable

L'article 3 instaure une nouvelle procédure spéciale d'expropriation pour cause d'utilité publique mobilisable pour des immeubles dans un état de dégradation ou d'insalubrité avancé mais remédiable, et non plus uniquement, comme dans le cas de la procédure d'expropriation dite « Vivien », lorsque l'immeuble est considéré dans un état de dégradation irrémédiable et qu'il est frappé d'un arrêté prescrivant sa démolition ou une interdiction définitive d'habiter.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve des deux amendements de sa rapporteure, l'un précisant que cette procédure s'applique aussi aux locaux commerciaux et professionnels, l'autre encadrant la peine de confiscation des indemnités d'expropriation applicable aux marchands de sommeil ajoutée par l'Assemblée nationale.

1. Une procédure spéciale d'expropriation limitée aux seuls immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est irrémédiable

Dans le cadre de leur pouvoir de police de la sécurité et de la salubrité, définie au livre V du code de la construction et de l'habitation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, en ce qui concerne la police de la sécurité, et le préfet, en ce qui concerne la police de la salubrité, peuvent prendre de nombreuses mesures pour faire cesser les dangers résultant de l'état de certains immeubles ou parties d'immeubles.

Pour ce faire, le maire ou le préfet peut notamment adopter, sur le fondement de l'article L. 511-11 du même code, un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité prescrivant des travaux de réparation, des démolitions, la cessation de la mise à disposition du local ou de l'installation à des fins d'habitation ou encore l'interdiction d'habiter, d'utiliser, ou d'accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif. En cas de non-exécution des mesures et travaux prescrits, la personne tenue de les exécuter est redevable du paiement d'une astreinte par jour de retard, pouvant atteindre 1 000 € par jour. En outre, les travaux peuvent être exécutés d'office à ses frais.

Le même article L. 511-11 précise cependant que l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ne peut prescrire la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter que « s'il n'existe aucun moyen technique de remédier à l'insalubrité ou à l'insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ».

En cas de danger « imminent » et lorsqu'aucune autre mesure ne permet de l'écarter, l'article L. 511-19 dudit code subordonne la démolition complète de l'immeuble au jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

Parmi les mesures d'intervention des pouvoirs publics pour lutter contre l'habitat insalubre ou dégradé figure également l'expropriation, qui permet à une personne publique de contraindre une personne physique ou morale à lui céder la propriété de son bien. L'expropriation, conformément à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité », est fortement encadrée. Ainsi, l'article 1er du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise que toute expropriation « ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité. »

Suivant ces principes, les régimes spéciaux d'expropriation sont limités à des cas précis et encadrés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui veille à ce que leur champ d'application soit circonscrit à « des motifs impérieux d'intérêt général »1(*).

En l'état actuel du droit, il existe ainsi seulement trois procédures dérogatoires au régime général de l'expropriation qui peuvent être mobilisées dans la lutte contre l'habitat dégradé :

- l'expropriation des immeubles en état manifeste d'abandon, au titre des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales ;

- l'expropriation des immeubles en copropriété dont l'état de carence a été constaté par ordonnance du président du tribunal judiciaire, en application des articles L. 615-6 à L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation ;

- et, enfin, l'expropriation des immeubles à usage d'habitation insalubres ou dangereux ayant fait l'objet d'un arrêté prescrivant sa démolition ou une interdiction définitive d'habiter, régime dit « Vivien », issu de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre et désormais codifié aux articles L. 511-1 à L. 511-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (voir le commentaire de l'article 12 pour une description plus détaillée de ce régime).

Dans le cas du régime Vivien, qui ne concerne que les immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est considéré comme irrémédiable ou, lorsque cela est nécessaire, les immeubles adjacents, l'utilité publique de l'expropriation est préétablie par la loi, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une enquête publique, et la puissance publique n'a pas à justifier de l'emploi ultérieur qu'elle fera des lieux.

En revanche, lorsque l'immeuble n'est pas dégradé au point d'être déclaré inapte à l'habitation et que l'autorité publique souhaite l'exproprier, c'est, en l'état actuel du droit, le régime général d'expropriation qui s'applique, sans aucune présomption d'utilité publique, même si plusieurs arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ont été publiés.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, les délais d'intervention de la puissance publique pour rénover un immeuble insalubre sont estimés à 7 à 10 ans s'il n'existe pas d'obstacle particulier, mais jusqu'à vingt ans dans les cas les plus complexes.

2. L'article 3 instaure une nouvelle procédure spéciale d'expropriation pour les immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est remédiable

L'article 3 du projet de loi insère un chapitre additionnel au sein du livre V du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique afin de créer une nouvelle procédure spéciale d'expropriation mobilisable dans les cas d'immeubles dont la dégradation ou l'état d'insalubrité est significatif mais remédiable, et non plus uniquement, comme dans le cas de la procédure d'expropriation dite « Vivien », dans les cas où l'immeuble est frappé d'un arrêté prescrivant sa démolition ou une interdiction définitive d'habiter.

Ce chapitre serait intitulé « Expropriation des immeubles indignes à titre remédiable » et comporterait six nouveaux articles L. 512-1 à L. 512-6. Il s'insèrerait à la suite de l'actuel chapitre unique du même livre V, qui traite de l'expropriation des immeubles indignes à caractère irrémédiable, c'est-à-dire l'expropriation selon la procédure dite « Vivien ».

Dans son étude d'impact, le Gouvernement présente cette nouvelle procédure comme « une condition nécessaire pour optimiser l'action publique, anticiper les possibilités de portage, tout en réduisant les délais dans lesquels s'exerce la maîtrise du foncier ». Elle répondrait, toujours selon l'étude d'impact du projet de loi, « aux difficultés constatées sur le traitement des immeubles très fortement dégradés sans qu'ils ne soient pour autant sous interdiction définitive d'habiter » en permettant de « traiter les cas de négligence ou d'impossibilité des propriétaires à faire réaliser les travaux prescrits par l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ». L'objectif final serait « d'intervenir avant que la situation ne se dégrade et ne devienne irrémédiable, nécessitant donc la démolition de l'immeuble ». Le Gouvernement part en effet du postulat selon lequel une expropriation rapide et la rénovation de l'immeuble sera, malgré des indemnités plus élevées pour les propriétaires, moins coûteuse pour les pouvoirs publics que de fréquents travaux de mise en sécurité aboutissant, au bout de plusieurs années, à une expropriation selon la procédure Vivien, la démolition de l'immeuble et sa reconstruction.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et sur le modèle de la procédure Vivien, cette nouvelle procédure d'expropriation ad hoc serait encadrée et délimitée à un objet précis, selon les conditions et selon les modalités définies aux nouveaux articles L. 512-1 à L. 512-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

L'article L. 512-1 précise que l'expropriation peut porter sur des immeubles bâtis ou des parties d'immeubles bâtis, y compris leurs terrains d'assiette, et qu'elle peut être poursuivie au profit de cinq catégories de personnes morales :

- l'État ;

- une société de construction dans laquelle l'État détient la majorité du capital ;

- une collectivité territoriale ;

- le concessionnaire d'une opération d'aménagement ;

- ou le titulaire d'un contrat, que tend à créer l'article 6 du projet de loi, prévoyant la réalisation d'actions nécessaires à une opération programmée d'amélioration de l'habitat, à un plan de sauvegarde ou à une opération de requalification de copropriétés dégradées.

Trois conditions doivent être réunies pour que l'expropriation puisse être exercée :

L'immeuble a fait l'objet, au cours des dix dernières années, d'au moins deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ayant prescrit des mesures propres à remédier à la situation qui n'ont pas été exécutées ou à l'exécution desquelles il a dû être procédé d'office ;

Des mesures de remise en état de l'immeuble s'imposent pour prévenir sa dégradation irrémédiable, leur nécessité étant attestée par le rapport des services municipaux, intercommunaux ou de l'État compétents ou d'un expert désigné par la collectivité ou le préfet ;

3° Lorsque l'immeuble est à usage d'habitation et occupé et que la réalisation des travaux de remise en état de l'immeuble ou la préservation de la santé et de la sécurité des occupants justifie une interdiction temporaire d'habiter, un plan de relogement est établi.

L'article L. 512-2 prévoit, par dérogation au régime général de l'expropriation publique, que le préfet déclare, après avoir constaté que les conditions fixées à l'article L. 512-1 sont réunies, l'utilité publique. Il peut, en parallèle, prescrire, par arrêté, une interdiction temporaire d'habiter. La déclaration d'utilité publique entraîne la cessibilité des biens concernés par l'expropriation. Le préfet désigne en outre l'entité au profit de laquelle l'expropriation est poursuivie. L'expropriant désigné est alors tenu à une obligation de relogement, y compris des propriétaires. Le préfet fixe le montant de l'indemnité provisionnelle qui est allouée aux propriétaires et aux occupants autres que les occupants à usage d'habitation, la date à laquelle l'expropriant peut prendre possession des lieux, après avoir payé l'indemnité provisionnelle et au plus tôt deux mois après la publication de la déclaration d'utilité publique et, enfin, le montant de l'indemnité de privation de jouissance et, lorsque le déménagement n'est pas assuré par l'administration, de l'indemnité provisionnelle de déménagement.

L'article L. 512-3 prévoit que l'ordonnance d'expropriation ou la cession amiable consentie après la déclaration d'utilité publique emporte, par dérogation à l'article L. 222-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique selon lequel l'expropriation « éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés », subrogation du bénéficiaire dans les droits du propriétaire pour la poursuite des baux relatifs à l'immeuble exproprié. Cette disposition a fait l'objet de débats nourris à l'Assemblée nationale, le texte initial prévoyant la subrogation de tous les contrats, puis la commission des affaires économiques a supprimé cette subrogation, avant qu'un amendement du Gouvernement ne la rétablisse pour les seuls baux.

L'article L. 512-4 précise les modalités de calcul de l'indemnité due au propriétaire. La valeur du bien évaluée pour le calcul de cette indemnité doit correspondre à celle des biens, ayant fait l'objet d'une vente ou d'un accord amiable, situés dans le même secteur et se trouvant dans un état de dégradation ou d'insalubrité comparable. Un abattement tenant compte de la dépréciation résultant de l'état du bien et des travaux prescrits par les arrêtés non exécutés est pratiqué lorsque les opérations de vente sont insuffisantes et qu'elles ne portent que sur des biens de meilleure qualité.

L'article L. 512-5 réduit le montant de l'indemnité d'expropriation à laquelle a droit le propriétaire, lorsque, malgré la publication d'un arrêté d'interdiction temporaire d'habiter les lieux le propriétaire n'a pas procédé au relogement des occupants ou qu'il a continué à percevoir des revenus locatifs. Dans ces deux cas, l'indemnité est réduite du montant des frais du relogement et du montant de ces revenus locatifs perçus.

Le même article L. 512-5 prévoit en outre que le refus, par les occupants des locaux faisant l'objet de l'expropriation, du relogement qui leur est offert par l'expropriant autorise leur expulsion sans indemnité.

Dans un esprit similaire à l'article L. 512-5, l'article L. 512-6, issu d'un amendement de séance du groupe Socialiste, impose qu'en cas d'identification d'un marchand de sommeil à l'occasion des inspections des agents des collectivités ou de l'État dans le cadre de la procédure d'expulsion, la saisie du procureur de la République de la suspicion de ce délit s'accompagne d'une mise sous séquestre des indemnités qui seraient normalement dues au propriétaire bailleur dans l'attente du jugement définitif ou de l'ordonnance de non-lieu. En cas de condamnation définitive, le juge serait tenu de prononcer la confiscation en valeur des indemnités que le propriétaire aurait autrement perçues, sauf décision spécialement motivée.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État s'est prononcé favorablement à l'égard de l'article 3, estimant qu'il a « pour objet d'assurer, de façon pérenne, la sécurité et la santé des occupants des immeubles concernés et de réduire la charge financière des collectivités, en leur évitant l'exécution d'office de mesures ponctuelles, souvent moins efficaces et plus coûteuses » et qu'il était conforme aux exigences constitutionnelles. Il a néanmoins préconisé de renforcer les conditions de mise en oeuvre de cette procédure d'expropriation et les garanties en faveur des propriétaires et des occupants. À la suite de ses remarques ont été ajoutés le critère des deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité non exécutés au cours des dix années précédentes nécessaire, l'établissement d'un rapport d'expertise pour la réalisation des travaux à réaliser et, enfin, l'élaboration d'un plan de relogement des occupants en cas d'interdiction temporaire d'habiter.

3. Un nouvel outil en faveur de la lutte contre l'habitat indigne et dégradé

Constatant que la création de cette nouvelle procédure d'expropriation fait l'unanimité parmi les personnes interrogées par la rapporteure dans le cadre de ses travaux, qu'il s'agit d'une demande forte des acteurs locaux et que la garantie des droits des propriétaires a été renforcée à la suite des observations formulées par le Conseil d'État, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article 3.

Elle a estimé que cette nouvelle procédure représentera un outil supplémentaire aux mains des pouvoirs publics afin de lutter, au plus près des territoires, contre l'habitat indigne et dégradé et d'anticiper davantage les difficultés, notamment par rapport à la procédure Vivien qui ne s'applique qu'une fois que l'immeuble est dans un tel état de dégradation qu'aucune solution de rénovation n'existe.

Suivant cet état d'esprit, la commission a adopté deux amendements présentés par sa rapporteure.

L'amendement COM-123 intègre au dispositif de l'article 3 les locaux à usage commercial ou professionnel qui auraient fait l'objet d'un arrêté d'interdiction temporaire d'utiliser. Cet ajout est cohérent avec les modifications portées par l'article 12 du projet de loi sur la procédure Vivien (voir le commentaire de l'article 12).

L'amendement COM-124 modifie le nouvel article L. 512-6, relatif au placement sous séquestre par le procureur de la République des indemnités d'expropriation des marchands de sommeil et à leur confiscation par le juge, pour le rendre plus applicable. En effet, le procureur de la République ne peut saisir des biens, même à titre provisoire, que dans le cadre des perquisitions. Dans tous les autres cas, le recours au juge est nécessaire. C'est pourquoi, l'amendement prévoit que le procureur de la République puisse saisir le juge des référés pour que celui-ci statue sur le placement sous séquestre du montant des indemnités d'expropriation perçues par les personnes soupçonnées d'être des marchands de sommeil. Il précise en outre que la confiscation du montant de ces indemnités par le juge sera une peine complémentaire telle que définie aux articles 131-21 et 131-39 du code pénal.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis A
Prolongation de l'expérimentation permettant d'exproprier des parties communes de copropriétés dégradées et ouverture de la possibilité de conventionner avec un syndicat de copropriétaires pour acheter un terrain ou des parties communes en contrepartie d'une redevance d'utilisation

Par dérogation à la règle selon laquelle les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l'objet, séparément des parties privatives, d'une action en partage ni d'une licitation forcée, l'article 3 bis A prolonge de dix ans l'expérimentation, créée par la loi dite « ALUR » en 2014 et qui arrive à échéance le 27 mars 2024, permettant d'exproprier des parties communes de copropriétés en dégradation. Toujours dans le cadre cette expérimentation, l'article 3 bis A ouvre également la faculté aux opérateurs spécialisés tels que des établissements publics fonciers (EPF) ou des offices fonciers solidaires (OFS) de conclure, après habilitation par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), une convention avec un syndicat de copropriétaires connaissant des difficultés financières par laquelle l'opérateur spécialisé lui achète son terrain ou les parties communes tout en s'engageant à les lui revendre à une date ultérieure. En contrepartie, les copropriétaires lui verseraient une redevance d'occupation.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement présenté par sa rapporteure qui impose l'établissement d'une évaluation de l'expérimentation ainsi prorogée et supprime l'expérimentation permettant aux opérateurs d'acheter les terrains ou les parties communes d'une copropriété en difficulté.

1. La loi ALUR de 2014 a instauré une expérimentation de dix ans, inappliquée jusqu'à présent, autorisant l'expropriation des seules parties communes

a) Une dérogation aux règles générales du droit des copropriétés afin d'expérimenter l'expropriation des seules parties communes

Conformément à l'article 6 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, « les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l'objet, séparément des parties privatives, d'une action en partage ni d'une licitation forcée ».

En conséquence, lorsque le président du tribunal judiciaire, sur le fondement de l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation, déclare l'état de carence du syndicat des copropriétaires, sa décision produit des effets à l'encontre de tous les copropriétaires.

Comme le relevaient les rapporteurs de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Daniel Goldberg et Audrey Linkenheld2(*), à l'occasion de l'examen de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », les effets de l'état de carence incluent donc « les propriétaires occupants de bonne foi » qui subissent « le blocage des instances de gouvernance de la copropriété par des marchands de sommeil », l'action « de copropriétaires indélicats » ou encore « les blocages parfois irrémédiables du fonctionnement des copropriétés, en raison d'un absentéisme important lors des assemblées générales, des grandes divergences d'intérêt entre les différents copropriétaires ou du manque de moyens de propriétaires occupants, lorsque la copropriété nécessite de lourds investissements ».

Par ailleurs, toujours en application de l'article 6de la loi n° 65-557 précité, la déclaration d'état de carence du syndicat de copropriétaires a pour conséquence l'expropriation de l'ensemble de l'immeuble, ce qui peut représenter un coût important pour l'expropriant, en général la commune, l'EPCI ou un établissement public foncier, alors que les difficultés sont parfois circonscrites aux seules parties communes.

Pour toutes ces raisons, le législateur a instauré, dans le cadre de la loi ALUR précitée, une dérogation à l'article 6 de la loi n° 65-557 afin d'expérimenter, pour une durée de dix ans, la possibilité de n'exproprier que les parties communes des copropriétés en difficultés. Cette expérimentation, qui arrive à échéance le 27 mars 2024, a été codifiée à l'article L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation.

L'expropriation des parties communes est réalisée au profit de la commune ou de l'EPCI, qui peuvent ensuite confier l'entretien de ces parties communes à un opérateur voire le désigner comme bénéficiaire de l'expropriation. Aux biens privatifs listés dans l'état de division est attachée une servitude des biens d'intérêt collectif en contrepartie de laquelle les copropriétaires sont tenus de respecter un règlement d'usage établi par l'opérateur et de lui verser une redevance qui ouvre droit, pour les copropriétaires occupants remplissant les conditions d'éligibilité, aux aides personnelles au logement.

L'opérateur désigné par la commune ou l'EPCI est chargé d'entretenir et de veiller à la conservation des biens d'intérêt collectif et, à ce titre, peut être tenu pour responsable des dommages causés aux propriétaires de parties privatives ou aux tiers en raison d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien des biens d'intérêt collectif. Il doit en outre réaliser un diagnostic technique des parties communes et établit un plan pluriannuel de travaux, actualisé tous les trois ans.

Si les difficultés financières de la copropriété persistent, l'opérateur peut demander à la commune ou à l'EPCI de procéder à l'expropriation totale de l'immeuble, sous certaines conditions de procédure.

Enfin, le VI de l'article L. 615-10 prévoit, sur demande de l'opérateur, la sortie possible de l'expérimentation et le retour au statut de la copropriété, après avis favorable des propriétaires des biens privatifs et de la commune ou de l'EPCI. Dans ce cas, les propriétaires versent une indemnité à l'opérateur équivalente à la valeur initiale d'acquisition des parties communes ayant initialement fait l'objet de l'expropriation, majorée du coût des travaux réalisés, de laquelle est déduit le montant total des redevances versées.

Lors de l'examen de la loi ALUR, le Sénat avait soutenu la création de cette expérimentation, les rapporteurs du texte, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat3(*), soulignant qu'elle devrait permettre « de réduire le coût de l'expropriation pour les autorités publiques par rapport à l'expropriation de la totalité de l'immeuble ».

b) Une expérimentation inusitée

Dans leur rapport sur la loi ALUR, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat ont estimé que cette expérimentation « pourrait toucher moins d'une dizaine de copropriétés ».

Dix ans plus tard, force est de constater que leur circonspection quant à la mise en oeuvre de cette expérimentation s'est avérée fondée : selon l'exposé des motifs de l'amendement présenté par le Gouvernement4(*) à l'origine de l'article 3 bis A, « l'expérimentation prévue par la loi ALUR [...] arrive à échéance sans avoir permis d'aboutir à un retour d'expérience permettant de statuer sur l'opportunité d'une évolution législative pérenne, n'ayant pas été mobilisée à ce jour ». Les auditions menées par la rapporteure ainsi que les contributions écrites qui lui ont été adressées ont confirmé ce constat de l'inapplication de cette expérimentation, dont l'origine, en 2014, était pourtant gouvernementale.

2. L'article 3 bis A proroge l'expérimentation de 2014 et autorise la signature de conventions d'achat des terrains d'assise et des parties communes

Présenté comme un moyen de « favoriser une meilleure prise en charge des parties communes des copropriétés dégradées », l'article 3 bis A, issu de deux amendements identiques des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Gouvernement, modifie le cadre juridique de l'expérimentation prévue à l'article L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation sur deux points.

En premier lieu, le 1° de l'article 3 bis A tend à proroger de dix ans cette expérimentation. Ainsi, son échéance serait repoussée du 27 mars 2024 au 27 mars 2034. L'expérimentation durerait donc 20 ans, au lieu de 10 ans comme prévu initialement.

En second lieu, le 2° de l'article 3 bis A ouvre, pour toute la durée de l'expérimentation, la faculté aux opérateurs spécialisés tels que des établissements publics fonciers (EPF) ou des offices fonciers solidaires (OFS) de conclure, après habilitation par la commune ou l'EPCI, une convention d'achat avec un syndicat de copropriétaires. Cette convention permettrait à l'opérateur spécialisé d'acheter le terrain d'assise de l'immeuble ou les parties communes tout en s'engageant à les lui revendre à une date ultérieure, à un prix de vente limité à sa valeur initiale actualisée. En contrepartie, les propriétaires devraient reverser une redevance d'occupation, laquelle est censée financer la réalisation des travaux de réhabilitation sur lesdits parties et équipements communs.

Ces conventions ne pourraient être établies que dans les cas mentionnés à l'article L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation, c'est-à-dire lorsqu'en raison « de graves difficultés financières ou de gestion et de l'importance des travaux à mettre en oeuvre », le propriétaire, la société civile immobilière, le syndicat des copropriétaires, la société d'attribution ou la société coopérative de construction d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation est « dans l'incapacité d'assurer la conservation de l'immeuble ou la sécurité et la santé des occupants ».

3. Une nouvelle expérimentation inopportune et une prorogation « à l'aveugle » que la commission a conditionnée à un suivi plus poussé de la part du Gouvernement

Par l'adoption de l'amendement COM-116 présentée par sa rapporteure, la commission s'est prononcée différemment sur les deux mesures que porte cet article 3 bis A.

En cohérence avec la position exprimée par le Sénat en 2014 à l'occasion de l'instauration de l'expérimentation autorisant l'expropriation des parties communes, la commission a approuvé la prorogation du dispositif expérimental.

Néanmoins, compte tenu de son inapplication, dix ans après son instauration, elle s'est opposée à la prorogation « à l'aveugle » d'une expérimentation qui ne ferait par la suite l'objet d'aucun suivi ni d'aucune mesure d'accompagnement de la part de son initiateur. C'est pourquoi, l'amendement COM-116 impose la rédaction d'un rapport d'évaluation, au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

En second lieu, le même amendement COM-116 supprime la nouvelle expérimentation proposée au 2° de l'article 3 bis A.

En effet, celle-ci soulève davantage d'ambiguïtés et de difficultés pratiques et juridiques qu'elle ne présente d'avantages.

D'une part, sa rédaction est peu claire : il n'est pas précisé dans le dispositif à quoi doit servir la convention d'acquisition du terrain d'assise de l'immeuble ; il n'est pas précisé quelles seront les règles de majorité pour que le syndicat de copropriétaires soit autorisé à signer les conventions ; il n'est pas indiqué si la redevance d'utilisation que les propriétaires doivent verser en échange de l'acquisition des parties communes doit servir uniquement à des travaux de réhabilitation ou si elles doivent aussi permettre d'apurer les dettes ; il n'est pas spécifié si la convention d'acquisition des parties communes doit contenir un engagement de la part de l'opérateur à revendre ces parties communes aux copropriétaires une fois les difficultés financières surmontées ; il n'est pas déterminé de limites temporelles à la date de revente aux propriétaires du terrain d'assise de l'immeuble ; etc.

D'autre part, elle revient à contourner des difficultés de nature budgétaire en créant, de facto, une hypothèque sur les parties communes ou sur le terrain d'assise qui pourrait aggraver les difficultés des copropriétaires en réduisant la valeur de leur bien.

Par ailleurs, d'un point de vue légistique, cette expérimentation n'a pas sa place au sein du dispositif de l'article L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation, puisqu'il s'agit d'une expérimentation différente de celle qui permet d'exproprier les parties communes. Le VII n'aurait donc pas de lien avec les I à VI de l'article L. 615-10, qui, eux, forment un ensemble précisant les modalités d'application de l'expérimentation, entraînant une ambiguïté juridique supplémentaire.

Pour finir, la commission a estimé, compte tenu de l'inapplication de l'expérimentation votée en 2014, qu'il convient en premier lieu de veiller à la bonne mise en oeuvre de cette première expérimentation avant de multiplier des dispositifs expérimentaux inaboutis qui ont peu de probabilité d'être mobilisés par les acteurs concernés.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3 bis A ainsi modifié.

Article 3 ter
Extension de la possibilité pour le préfet d'ordonner, dans le cadre d'une procédure de flagrance, la démolition d'une installation en cours d'édification sans droit dans un secteur d'habitat informel

L'article 3 ter étend à toutes les constructions édifiées depuis moins de 96 heures la possibilité pour le préfet d'ordonner la démolition d'une installation en cours d'édification sans droit dans un secteur d'habitat informel.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

1. La procédure de flagrance prévue par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique

a) Des dispositions spécifiques pour permettre la destruction de l'habitat informel à Mayotte et en Guyane

Les secteurs d'habitat informel dans les collectivités de Mayotte et de Guyane font l'objet d'une politique de lutte spécifique en raison de l'ampleur du phénomène et de son impact sur la vie locale. Situés le plus souvent sur des terrains dangereux, pollués ou insalubres, ou empiétant sur des zones protégées, les « bidonvilles » présentent de multiples risques pour leurs habitants et pour l'environnement. Ils font donc régulièrement l'objet de campagnes de destruction dont plusieurs d'ampleur, ainsi en Guyane en 2019 et 2020, ou à Mayotte avec l'opération dite « Wuambushu » engagée en avril 2023.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a introduit un nouvel article 11-1 dans la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Cet article prévoit deux procédures spécifiques à Mayotte et à la Guyane pour la destruction « des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre », en distinguant selon qu'ils constituent, ou sont destinés à constituer, un habitat informel.

Lorsqu'un local ou une installation est déjà utilisé comme habitat informel, un délai minimal d'un mois est prévu pour évacuer et démolir les locaux et installations visés.

À l'inverse, le local ou l'installation « en cours d'édification » peuvent être détruits par le propriétaire sur ordre du préfet et dans un délai de vingt-quatre heures, selon les conditions fixées par le II de l'article 11-1.

b) Une mise en oeuvre entravée par l'adaptation des pratiques d'édification de l'habitat informel

Comme l'indique l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement qui a introduit cet article à l'Assemblée nationale, la notion d'édification « en cours » a largement privé d'effet la mesure de flagrance prévue par l'article 11-1. Les pratiques de construction se sont adaptées à la lettre de la loi. Les constructions ont été conduites pendant les périodes de moindre surveillance des services et rapidement achevées. Une fois construits, ces locaux ou installations ne peuvent plus être détruits en application de la procédure prévue au II de l'article 11-1.

2. La volonté de rendre effective la procédure

L'article 3 ter propose de surmonter la difficulté posée par la notion de construction en cours. Les amendements identiques du Gouvernement et des rapporteurs adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale tendent en effet à remplacer cette notion par un délai. Pourraient ainsi être détruits les locaux et installations construits depuis moins de 96 heures.

Ce n'est plus donc l'achèvement de la construction qui limite les pouvoirs du représentant de l'État, mais le temps écoulé depuis la construction. Le constat sera effectué par les officiers de police judiciaire. Le fait de procéder à la construction en dehors des périodes ou des zones régulières de surveillance ne pourra donc plus faire obstacle à la destruction des locaux ou installations.

La seule limite à l'engagement de la procédure de destruction avant la fin du délai de 96 heures suivant le constat de la construction sera l'installation des personnes, qui fera nécessairement basculer la procédure vers l'éviction et l'application des garanties procédurales qui lui sont attachées.

3. La position de la commission : une mesure utile dont la mise en pratique devra faire l'objet d'instructions précises

La commission estime que la volonté de rendre effective la procédure de flagrance en matière de destruction de l'habitat informel à Mayotte et en Guyane répond à une nécessité opérationnelle. Le délai de 96 heures tel que prévu par l'article paraît adapté aux réalités de fonctionnement des services et d'implantation de ces constructions dans des zones difficilement accessibles et observables, même par drone.

La commission s'interroge cependant sur le point de départ du délai de 96 heures, qui semble impliquer la connaissance par les services du moment où la construction s'est achevée. Ce point devra faire l'objet de précisions par voie réglementaire ou d'instructions afin de garantir que les constats opérés par les officiers de police judiciaire soient juridiquement robustes. En pratique, l'article paraît donner quatre jours aux services pour constater une nouvelle construction. Ce délai n'est pas disproportionné, dès lors qu'il s'agit de locaux ou installations non occupées, et où la destruction répond à un objectif d'intérêt général sans porter atteinte aux droits des personnes.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ter sans modification.

Article 5 bis
Création d'un agrément de « syndic d'intérêt collectif »

L'article 5 bis crée un agrément de syndic d'intérêt collectif, compétent pour intervenir dans les copropriétés en difficulté financière, dans le but de constituer un vivier de syndics considérés comme expérimentés et mieux à même d'aider au redressement de ces copropriétés. Cet agrément serait délivré par le préfet.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement de clarification rédactionnelle présenté par sa rapporteure, afin de préciser que l'agrément de syndic d'intérêt collectif n'est pas une condition exclusive pour intervenir dans les copropriétés en difficulté, les syndics n'étant pas bénéficiaires de cet agrément pouvant toujours y assurer leurs fonctions.

1. Le syndic joue un rôle majeur dans la prévention et le règlement des difficultés financières des copropriétés

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis impose à toutes les copropriétés immobilières de désigner un syndic, qui peut être un non-professionnel.

Ses missions sont nombreuses et sont essentielles au bon fonctionnement de la copropriété : il est chargé, en application de l'article 17 de la loi n° 65-557, d'exécuter les décisions du syndicat de copropriétaires prises lors de l'assemblée générale.

L'article 18 de la même loi le charge également, sans être exhaustif, d'assurer la bonne exécution du règlement de copropriété, d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci, d'assurer l'information des occupants de chaque immeuble de la copropriété des décisions prises par l'assemblée générale, ou encore d'assurer la gestion comptable et financière du syndicat.

Dans le cadre de son rôle de gestionnaire comptable et financier de l'immeuble, le syndic joue un rôle majeur dans la prévention et le règlement des difficultés financières que peut connaître la copropriété.

Conformément à l'article 29-1 A de la loi n° 65-557, lorsqu'à la clôture des comptes les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles au titre des fonds de travaux et des dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndic doit en informer le conseil syndical et saisir le juge d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc. Pour les copropriétés de plus de deux cents lots, le pourcentage des impayés déclenchant la saisine est abaissé à 15 %.

Le président du tribunal judiciaire détermine alors la mission et la rémunération de ce mandataire. Le mandataire dispose d'un délai de trois mois pour lui adresser un rapport présentant l'analyse de la situation financière du syndicat des copropriétaires et de l'état de l'immeuble, les préconisations faites pour rétablir l'équilibre financier du syndicat et, le cas échéant, assurer la sécurité de l'immeuble, ainsi que le résultat des actions de médiation ou de négociation qu'il aura éventuellement menées avec les parties en cause. Le syndic est tenu de fournir au mandataire ad hoc tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du président du tribunal judiciaire au syndic. Enfin, le syndic est tenu d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale les projets de résolution nécessaires à la mise en oeuvre de ce rapport.

Si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est « gravement compromis » ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, l'article 29-1 de la même loi donne compétence au président du tribunal judiciaire, sur saisine des copropriétaires, du syndic lui-même, du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale, du préfet, du procureur de la République ou du mandataire ad hoc, pour désigner un administrateur provisoire du syndicat. Celui-ci est chargé « de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété ». À cette fin, l'administrateur provisoire exerce tous les pouvoirs du syndic, dont le mandat cesse de plein droit sans indemnité, et tout ou partie des pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires et du conseil syndical.

Les mandataires ad hoc et les administrateurs provisoires désignés par le président du tribunal judiciaire sont, dans la plupart des cas mais sans que cela ne soit une obligation, des administrateurs judiciaires. En revanche, le même article 29-1 interdit au président du tribunal judiciaire de désigner le syndic en place au titre d'administrateur provisoire de la copropriété.

Les syndics interviennent également lorsque le préfet approuve un plan de sauvegarde, tel que défini à l'article L. 615-1 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'un immeuble en copropriété est « confronté à de graves difficultés sociales, techniques et financières résultant notamment de complexités juridiques ou techniques et risquant à terme de compromettre leur conservation ». Le syndic doit mettre à la disposition du préfet et des autorités compétentes les documents nécessaires à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation du plan de sauvegarde. Dès réception de ce plan, le syndic est chargé d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale les mesures préconisées dans le plan.

Enfin, le syndic est l'une des entités ayant compétence pour saisir le président du tribunal judiciaire afin que soit déclaré l'état de carence de la copropriété « lorsque le syndicat des copropriétaires [...] est, en raison de graves difficultés financières ou de gestion et de l'importance des travaux à mettre en oeuvre, dans l'incapacité d'assurer la conservation de l'immeuble ou la sécurité et la santé des occupants »5(*). L'état de carence peut aboutir à l'expropriation de l'immeuble.

L'expertise des syndics en matière de copropriétés en difficulté financière apparaît ainsi primordiale pour que les copropriétaires soient accompagnés au mieux et puissent y remédier.

2. Un agrément identifiant des syndics « d'intérêt collectif » reconnus pour leurs compétences en matière de copropriétés en difficulté financière

L'article 5 bis, issu d'un amendement de commission présenté par les deux rapporteurs de l'Assemblée nationale, insère un nouvel article 18-3 au sein de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, afin de créer un agrément censé identifier des syndics reconnus pour leurs compétences en matière de copropriétés en difficulté financière. Ces syndics seraient dénommés « syndics d'intérêt collectif ».

Cet agrément serait délivré par le préfet pour une durée de cinq ans, selon des critères de « capacité » et de « compétence » définis par décret.

Le détenteur de cet agrément serait présumé compétent pour intervenir dans les copropriétés pour lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné par le président du tribunal judiciaire à la suite d'impayés de paiement atteignant 25 % des sommes exigibles ou pour lesquelles un administrateur provisoire a été désigné par le même président lorsque l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou que le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble (voir supra). Dans le second cas, et conformément au deuxième alinéa du I de l'article 29-1 de la même loi, le syndic d'intérêt collectif aurait pour fonction « d'assister » l'administrateur provisoire, à la demande de ce dernier. Dans le premier cas, le syndic d'intérêt collectif resterait gestionnaire de la copropriété.

La liste des syndics d'intérêt collectif serait transmise par le préfet au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. L'objectif affiché par les auteurs de l'amendement à l'origine de cet article 5 bis est ainsi de permettre à ces derniers d'avoir accès à un vivier de syndics ayant donné satisfaction dans la gestion de copropriétés en difficulté.

Enfin, l'article 5 bis précise que certains organismes d'habitations à loyer modéré6(*) et les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux sont réputés remplir les conditions d'obtention de l'agrément sans qu'une décision du préfet ne soit nécessaire.

3. Une mesure de nature à valoriser l'acquisition d'un savoir-faire en matière de gestion des copropriétés en difficulté

La commission a émis un avis favorable à cet article 5 bis, considérant que la création de cet agrément concourra à mettre en valeur l'expertise développée par les syndics qui travaillent sur les copropriétés en difficulté. La reconnaissance de cette expertise semble d'autant plus utile que, par définition, la gestion des copropriétés en difficulté financière est difficilement rentable pour le syndic qui, la plupart du temps, est une entreprise privée. À ce titre, selon les informations transmises à la rapporteure par le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), moins d'une dizaine de syndics accepteraient actuellement d'assister les administrateurs judiciaires sur les copropriétés les plus en difficulté.

La commission a donc soutenu la création de cet agrément. Elle a cependant relevé que cet agrément faisait l'objet d'une certaine incompréhension de la part des acteurs du secteur du logement auditionnés par la rapporteure, que ce soit les syndics eux-mêmes ou les administrateurs judiciaires. C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement COM-114 de sa rapporteure, qui procède à une clarification rédactionnelle afin de préciser que l'agrément de syndic d'intérêt collectif n'est pas une condition exclusive pour intervenir dans les copropriétés en difficulté, les syndics sans agrément pouvant toujours y assurer leurs fonctions. Il ne s'agit en aucun cas, dans l'esprit du législateur, de créer des nouveaux syndics publics qui auraient une compétence exclusive sur ces copropriétés.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5 bis ainsi modifié.

Article 8 bis A
Possibilité pour les notaires de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire de tout acquéreur personne morale

L'article 8 bis A tend à donner un fondement législatif à la possibilité pour les notaires d'accéder au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour les personnes morales dans le but de garantir l'effectivité des peines complémentaires infligées aux marchands de sommeil.

La commission a adopté un amendement tendant à la suppression de cet article.

1. Une obligation découlant du code de la construction et de l'habitation

L'article L. 551-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le notaire interroge l'Association pour le développement du service notarial, placée sous le contrôle du Conseil supérieur du notariat, pour savoir si la personne qui se porte acquéreur d'un bien immobilier a fait l'objet d'une condamnation à une peine d'interdiction d'acheter un bien immobilier ou un fonds de commerce à usage d'habitation.

Cette obligation qui ne portait que sur les personnes physiques a été étendue aux personnes morales par l'article 190 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi ELAN) qui a également renforcé les peines complémentaires à l'encontre des marchands de sommeil.

Afin de répondre à l'interrogation du notaire, cette association demande consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne concernée au Casier judiciaire national.

Contrairement à l'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes physiques qui est ouvert aux personnes mentionnées à l'article 776 du code de procédure pénale ainsi qu'à celles prévues dans une liste établie par décret en Conseil d'État, codifiée à l'article R. 79 du code de procédure pénale, la liste exhaustive des personnes susceptibles d'accéder au bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes morales est fixée par l'article 776-1 du code.

En pratique, il apparait donc que, malgré l'obligation faire aux notaires par l'article 551-1 du code de la construction et de l'habitation de contrôler le bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes morales, ceux-ci se voient opposés depuis 2019 un refus par les services du Casier judiciaire national.

2. Une volonté d'inscription dans le code de procédure pénale

Les amendements identiques du Gouvernement et des rapporteurs adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale tendent à inscrire l'Association pour le développement du service notarial, placée sous le contrôle du Conseil supérieur du Notariat, et la référence aux dispositions de l'article L. 551-1 du code de la construction et de l'habitation, au sein de l'article 776-1 du code de procédure pénale.

Cette mesure, qui doit permettre de surmonter une difficulté rencontrée depuis près de cinq ans, pose cependant question. En effet, l'accès des notaires, par l'intermédiaire de l'Association pour le développement du service notarial, n'apparaît pas dans le code de procédure pénale, que ce soit pour les personnes physiques ou pour les personnes morales. Or, le casier judiciaire national répond tous les ans à environ 2,5 millions de sollicitations de l'Association pour le développement du service notarial.

Il semble exister une divergence d'interprétation sur le droit existant. Selon l'interprétation des services du ministère de la justice, celui-ci permet déjà aux notaires d'accéder aux informations utiles détenues par le Casier judiciaire national concernant tant les personnes physiques que les personnes morales.

3. La position de la commission

Tout en estimant indispensable que les notaires puissent mettre en oeuvre les dispositions de l'article 551-1 du code de la construction et de l'habitation, la commission s'interroge sur la nécessité et sur la cohérence de la mesure proposée avec le droit existant.

En conséquence, elle a adopté l'amendement COM-127 de sa rapporteure tendant à supprimer cet article.

Article 8 ter
Renforcement des sanctions pénales encourues par les personnes se livrant aux pratiques des « marchands de sommeil »

L'article 8 ter issu d'un amendement des rapporteurs adopté en commission tend à élargir l'infraction prévue à l'article 225-14 du code pénal et à augmenter les sanctions pénales applicables.

La commission a adopté un amendement de suppression de cet article qui pose une question de cohérence avec les dispositions actuellement en vigueur.

1. La coexistence de deux infractions pénales applicables aux marchands de sommeil

En l'état du droit, le comportement des marchands de sommeil est sanctionné par deux dispositions.

- L'une est l'article 225-14 du code pénal. Il réprime « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine » d'une peine « de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ».

- Par ailleurs, l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation, tel que modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende en cas de non-respect des dispositions particulières applicables aux propriétaires de logements insalubres lorsque la victime est un occupant « personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière au sens du CESEDA ».

Le délit de l'article 225-14 du code pénal et ceux visés par l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation répriment donc des comportements différents. Le droit pénal général réprime le fait de soumettre une personne à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, l'appréciation de ces conditions étant laissées à l'appréciation du juge. Le droit pénal spécial réprime le fait de ne pas déférer aux obligations faites à un propriétaire. Ces infractions peuvent donc se cumuler.

2. Une extension de l'article 225-14 du code pénal complexe au regard de l'échelle des peines

L'article 8 ter est issu d'un amendement adopté par les rapporteurs lors de l'examen du texte en commission. Il remplace le délit de soumission d'une personne vulnérable à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, puni de cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, par un délit de mise à disposition moyennant contrepartie d'un hébergement contraire à la dignité humaine, puni de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende.

La suppression de la condition de vulnérabilité des victimes pose question tant au regard des dispositions de l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation qu'au regard de l'autre infraction prévue par l'article 225-14 du code pénal.

En effet, le code de la construction et de l'habitation réprime de trois ans de prison et de 100 000 euros d'amende le fait de refuser délibérément les travaux et mesures prescrits ou de ne pas déférer à une mise en demeure du préfet concernant des locaux mis à disposition aux fins d'habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation, lorsque les faits sont commis alors que l'occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le fait de ne pas respecter une obligation alors que la victime est une personne vulnérable serait dès lors moins réprimé que celui de mettre à disposition, moyennant contrepartie, un hébergement contraire à la dignité humaine. Ceci pose un problème de cohérence alors que les situations d'hébergement visées seront objectivement identiques.

Par ailleurs la mise à disposition d'un hébergement contraire à la dignité humaine serait également davantage réprimée que celui de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine qui demeurerait puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende par l'article 225-14 du code pénal. Ici encore, la cohérence des peines prévue paraît remise en cause.

3. La position de la commission

La commission considère que le choix d'élargir le champ de l'infraction prévue par l'article 225-14 du code pénal en matière d'hébergement indigne et d'augmenter les peines est difficilement compatible avec la modification apportée il y a à peine quelques semaines aux dispositions destinées à lutter contre les marchands de sommeil.

Elle note que la formulation retenue d'hébergement incompatible avec la dignité humaine est moins précise que celle de conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine qui figure actuellement dans le code pénal.

La commission estime donc préférable de supprimer cet article au profit d'une réflexion à venir sur la cohérence des dispositions contenues dans le code pénal et dans le code de la construction et de l'habitation.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-128 de suppression de cet article.

La commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'article 8 ter.

Article 8 quater A
Renforcement des sanctions pénales lorsque l'infraction de mise à disposition d'un hébergement contraire à la dignité humaine est commise à l'égard de mineurs ou de plusieurs personnes

L'article 8 quater A issu d'un amendement et d'un sous-amendement adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale, tire les conséquences de l'augmentation des quanta de peines encourues au titre du délit de mise à disposition d'un hébergement contraire à la dignité humaine en augmentant les quanta de peines en cas de circonstances aggravantes.

La commission a adopté un amendement de suppression de cet article, par cohérence avec celui proposé à l'article 8 ter.

L'article 225-15 du code pénal prévoit des peines renforcées dans le cas où plusieurs infractions - dont celles visées à l'article 225-14 - sont commises à l'égard de plusieurs personnes ou de mineurs ou encore de plusieurs personnes y compris des mineurs.

L'article 8 quater porte ces peines à :

- 10 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis à l'égard de plusieurs personnes ou d'un mineur ;

- 15 ans de réclusion criminelle et 400 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis à l'égard de plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs.

Au regard des réserves qu'elle a émises sur la modification portée par l'article 8 ter, la commission a, à l'initiative du rapporteur, adopté un amendement COM-129 de suppression de cet article.

La commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'article 8 quater A.

Article 8 quater B
Renforcement des peines complémentaires applicables aux marchands de sommeil

L'article 8 quater B, issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à créer une peine complémentaire d'impossibilité, pour une durée de quinze ans au plus, pour les marchands de sommeil de faire l'acquisition d'un bien immobilier autre que leur résidence principale.

La commission a adopté un amendement tendant à améliorer la rédaction de cet article.

L'article 8 quater B, qui rétablit le 5° bis de l'article 225-19 du code pénal, dispose que les personnes physiques coupables du délit de soumission d'une personne vulnérable à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine peuvent être condamnées à titre de peine complémentaire à l'interdiction, pour une durée de 15 ans au plus, de faire l'acquisition d'un bien immobilier autre que leur résidence principale. Cette interdiction s'applique à l'acquisition d'un bien à titre personnel, en tant qu'associé ou en tant que mandataire social d'une société immobilière ou en nom collectif.

En réalité, une telle peine complémentaire est déjà prévue à l'article 225-26 du code pénal. Elle peut être prononcée pour une durée de 10 ans au plus.

Par conséquent, l'article 8 quater B a pour seule conséquence d'allonger la durée de cette peine complémentaire pour les personnes physiques en la portant à 15 ans.

Par ailleurs, le IV de l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation prévoit les peines complémentaires applicables aux personnes physiques coupables des infractions formelles prévues par le code de la construction et de l'habitation sanctionnant les « marchands de sommeil » parmi lesquelles figure l'interdiction, pour une durée de dix ans au plus, d'acheter un bien immobilier à usage d'habitation ou un fonds de commerce d'un établissement recevant du public à usage total ou partiel d'hébergement. Cette peine complémentaire s'applique également aux personnes morales déclarées coupables des infractions.

À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-126 tendant à remplacer le dispositif de l'article 8 quater B par une augmentation des peines prévues à l'article 225-26 du code pénal.

Elle a par ailleurs, toujours à l'initiative du rapporteur, souhaité modifier l'article L. 551-1 du code de la construction et de l'habitation pour modifier le renvoi opéré à l'article L. 511-22 du même code qui est obsolète du fait de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 8 quater B ainsi modifié.

Article 8 quater
Sanction pénale des dissimulations frauduleuses des contrats de location

L'article 8 quater, issu d'un amendement adopté en commission à l'Assemblé nationale, tend à prévoir des sanctions pour la dissimulation frauduleuse de contrats de location sans délivrance de quittance.

La commission a adopté un amendement tendant à améliorer la rédaction de cet article.

1. La possibilité de contrats de location non-écrits

L'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit que le contrat de location est établi par écrit et doit respecter un contrat type définit par le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale.

L'article 3 de cette même loi précise les informations que doit contenir le contrat de location (le nom ou la dénomination du bailleur, son domicile ou son siège social ; le nom ou la dénomination du locataire ; la date de prise d'effet et la durée du contrat ; la consistance, la destination et la surface habitable de la chose louée, etc.) qui prendra la forme d'un acte sous signature privée ou d'un acte authentique, établi par un notaire.

Sur la base de l'article 1714 du code civil, qui dispose que l'« on peut louer ou par écrit ou verbalement », la jurisprudence admet cependant la possibilité qu'un bail soit conclu verbalement, la seule obligation étant d'élaborer un contrat écrit si l'une des parties le demande.

2. La nécessité de prévoir des sanctions

En pratique, les propriétaires de logement dégradés imposent souvent des contrats oraux à leurs locataires. L'article 8 quater prévoit des sanctions en cas de non-respect de l'obligation d'un bail écrit et de dissimulation de l'existence d'un bail oral. Une sanction d'un an de prison et 200 000 euros d'amende est prévue.

Cette sanction non encore prévue par les textes paraît adaptée à la lutte contre l'habitat dégradé et de nature à renforcer les droits des locataires.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-125 tendant à fonder l'infraction sur le refus d'établir un contrat écrit ou de délivrer des reçus ou quittances.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 8 quater ainsi modifié.

Article 9 bis
Modification des règles encadrant les rapports entre les syndics et les copropriétaires

L'article 9 bis porte quatre modifications entourant les rapports entre les syndics et les copropriétaires :

- l'établissement des avis d'appels de fond suivant des modalités définies par décret ;

- la possibilité pour le président du conseil syndical d'accéder, à tout moment et de façon dématérialisée, aux comptes et aux opérations bancaires de la copropriété ;

- l'accélération de la tenue d'une assemblée générale pour résilier un contrat de syndic, lorsque la demande de résiliation émane du conseil syndical ;

- et, enfin, la dématérialisation systématique des communications entre le syndic et le copropriétaire, ce dernier étant tenu de transmettre au syndic une adresse électronique. Il peut néanmoins demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de deux amendements présentés par sa rapporteure, qui suppriment l'ensemble de ces modifications, à l'exception de l'accélération de la tenue d'une assemblée générale pour résilier un contrat de syndic, lorsque la demande de résiliation émane du conseil syndical.

1. Les rapports entre les syndics et les copropriétaires sont encadrés par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, plusieurs fois modifiée et actualisée, régit les relations entre les syndics et les copropriétaires. À ce titre, elle impose de nombreuses obligations aux syndics, en particulier sur la transparence de leur gestion.

a) La loi prévoit une échéance trimestrielle pour le paiement du budget provisionnel

L'article 14-1 de la loi n° 65-557 rend obligatoire le vote, par le syndicat de copropriétaires, d'un budget prévisionnel annuel afin de « faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble ». Les dépenses de travaux ne sont pas comprises dans ce budget prévisionnel.

La loi n'impose ni le format ni le contenu des appels de fonds. Elle précise uniquement leur temporalité : dans la mesure où les copropriétaires doivent « vers[er] au syndicat des provisions égales au quart du budget voté » et que « la provision est exigible le premier jour de chaque trimestre », les appels de fonds sont émis à échéance trimestrielle. La loi autorise cependant l'assemblée générale à fixer une temporalité différente.

Le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n'impose pas non plus de contenu spécifique aux appels de fonds. L'article 35-2 précise uniquement que, « pour l'exécution du budget prévisionnel, le syndic adresse à chaque copropriétaire, préalablement à la date d'exigibilité déterminée par la loi, un avis indiquant le montant de la provision exigible ». Un avis doit également être adressé aux copropriétaires pour les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel, c'est-à-dire les travaux. Ces avis doivent être adressés par lettre simple ou, sous réserve de l'accord exprès du copropriétaire, par message électronique.

b) L'accès des copropriétaires aux informations bancaires du syndicat

En application du I de l'article 18 de la loi n° 65-557, les syndics professionnels sont tenus de proposer un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble ou des lots gérés, sauf si l'assemblée générale en décide autrement à la majorité des voix de copropriétaires. Cet espace sécurisé est, conformément à l'article 33-1-1 du décret n° 67-223 précité, accessible aux membres du conseil syndical et aux copropriétaires au moyen d'un code personnel sécurisé « garantissant la fiabilité de l'identification des copropriétaires ». Les documents mis à disposition par le syndic dans cet espace sont actualisés au moins une fois par an par le syndic et doivent être téléchargeables et imprimables.

La liste minimale que le syndic doit rendre accessible en ligne est définie par le décret n° 2019-502 du 23 mai 2019 relatif à la liste minimale des documents dématérialisés concernant la copropriété accessibles sur un espace sécurisé en ligne. L'article 3 de ce décret inclut dans cette liste, pour les seuls membres du conseil syndical, les balances générales des comptes du syndicat des copropriétaires, le relevé général des charges et produits de l'exercice échu et, le cas échéant, les relevés périodiques des comptes bancaires séparés ouverts au nom du syndicat des copropriétaires.

Ces dispositions législative et réglementaire sont complétées par l'article 18-1 de la loi n° 65-557, qui impose au syndic, sans lien avec l'espace numérique sécurisé, de tenir à la disposition de tous les copropriétaires « les pièces justificatives des charges de copropriété » pendant le délai s'écoulant entre la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci. Ces pièces justificatives ne sont pas définies de façon exhaustive par la loi, mais celle-ci mentionne « les factures, les contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants, la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges, ainsi que, le cas échéant, une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage, de refroidissement et de production d'eau chaude sanitaire collectifs ». Contrairement aux documents accessibles sur l'espace numérique sécurisé, il ne s'agit pas cependant d'un droit d'accès permanent à ces documents, mais uniquement au cours de la période précédant l'assemblée générale de tenue des comptes. L'article 9-1 du décret n° 67-223 précité prévoit la consultation physique de ces documents, tout copropriétaire pouvant cependant obtenir une copie de ces pièces justificatives à ses frais.

c) La résiliation du contrat du syndic

Comme tous les contrats privés, le contrat de syndic peut être résilié par une des parties, dans des conditions définies par le VIII de l'article 18 de la loi n° 65-557.

La résiliation unilatérale du contrat est autorisée « en cas d'inexécution suffisamment grave de l'autre partie ».

La résiliation peut ainsi être à l'initiative du syndic autant que du conseil syndical.

Lorsque c'est le syndic qui en est à l'initiative, il doit convoquer une assemblée générale dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois et inscrire à l'ordre du jour de cette assemblée générale la désignation du nouveau syndic. La résiliation du contrat prend alors effet au plus tôt un jour franc après la tenue de l'assemblée générale.

Lorsque c'est le conseil syndical qui est à l'initiative de la résiliation du contrat, ce dernier notifie au syndic une demande motivée d'inscription de cette question à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, qui se prononce alors sur la résiliation du contrat et, le cas échéant, fixe sa date de prise d'effet au plus tôt un jour franc après la tenue de cette assemblée.

La loi ne précise ainsi pas de délai spécifique pour la résiliation à l'initiative du conseil syndical. Néanmoins, les assemblées générales devant se tenir a minima une fois par an, notamment pour établir les charges provisionnelles annuelles en application de l'article 14-1 de la loi n° 65-557, l'absence de délai explicite a, dans les faits, des conséquences toutefois limitées.

d) La dématérialisation optionnelle des notifications et des mises en demeure

Afin de répondre à la dématérialisation croissante des communications, la loi de 1965 a été modifiée par la loi dite « ALUR »7(*) du 24 mars 2014, qui a inséré en son sein un article 42-1 qui dispose que « les notifications et mises en demeure, sous réserve de l'accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique ».

Par défaut, les communications entre le syndic et le copropriétaire ont donc lieu par voie postale, l'article 64 du décret n° 67-223 précisant que « toutes les notifications et mises en demeure prévues par la loi du 10 juillet 1965 et le présent décret sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».

Lorsque le copropriétaire donne son accord pour recevoir les notifications par voie électronique, cet accord exprès doit, conformément à l'article 64-3 du même décret, signifier s'il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. L'article 64-4 autorise le copropriétaire à retirer son accord à tout moment, selon les mêmes formes que celles prévues à l'article 64-3.

Dans les faits, les syndics, qui sont largement favorables à la dématérialisation, notamment pour des questions budgétaires, sollicitent presque systématiquement les nouveaux copropriétaires afin de recueillir explicitement leur éventuel consentement pour recevoir de façon dématérialisée les notifications et les mises en demeure.

2. Dans un mouvement inégal, l'article 9 bis assouplit certaines obligations reposant sur les syndics tout en en créant de nouvelles

L'article 9 bis, qui rassemble plusieurs dispositions issues de divers amendements adoptés par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, modifie la loi n° 65-557 sur les quatre points évoqués au 1 du présent commentaire. Ces modifications ont, pour certaines, pour effet d'alléger les obligations reposant sur les syndics. Dans un mouvement inverse, les autres leur imposent de nouvelles démarches, qui sont plutôt en faveur des copropriétaires.

a) L'uniformisation du contenu des appels de fonds

Le 1° du I de l'article 9 bis, issu de trois amendements identiques présentés par des députés du groupe Les Républicains et LIOT8(*), modifie l'article 14-1 de la loi n° 65-557, relatif aux provisions pour charges, pour préciser, comme le fait déjà l'article 35-2 du décret n° 67-557, que « les avis d'appels de fonds sont établis par le syndic et adressés aux copropriétaires ». La nouveauté consiste à imposer une uniformisation du contenu de ces avis d'appels de fonds, ce contenu devant être fixé par décret.

Cette modification est présentée par les auteurs des amendements comme un moyen de « permettre une meilleure lecture des avis d'appels de fonds » car « la présentation des avis d'appels de fonds diffère [actuellement] avec, dans de nombreux cas, une difficulté pour comprendre les modalités de calcul et les sommes qui sont portées au crédit ou au débit du compte du copropriétaire ».

b) L'accès « sans délai » aux comptes et opérations bancaires de la copropriété

Le a du 2° du I de l'article 9 bis, issu de six amendements identiques présentés par des députés des groupes Les Républicains, LIOT, Démocrate, Gauche démocrate et républicaine et Rassemblement national, modifie le II de l'article 18 de la loi n° 65-557, relatif à la fonction de gestion comptable et financière du syndicat de copropriétaire assurée par le syndic, pour imposer à ce dernier de mettre, « sans délai », à la disposition du président du conseil syndical ou, en l'absence de désignation de président, à un membre du conseil syndical désigné à cet effet par l'assemblée générale, un accès numérique aux comptes bancaires séparés de la copropriété, permettant de consulter, en lecture seule, les comptes et les opérations bancaires.

Les auteurs de ces amendements les justifient par le souhait de permettre au conseil syndical de « vérifier en temps réel les opérations bancaires effectuées par le syndic sur le compte bancaire du syndicat des copropriétaires ».

c) L'accélération de la résiliation du contrat de syndic à l'initiative du conseil syndical

Le b du 2° du I de l'article 9 bis, issu d'un amendement présenté par des députés du groupe Socialistes, complète le VII de l'article 18 de la loi n° 65-557, relatif aux conditions de résiliation du contrat liant le syndic et le syndicat de copropriétaires, pour aligner les conditions de résiliation à l'initiative du conseil syndical sur celles applicables à la résiliation à l'initiative du syndic.

Alors que, en l'état actuel du droit, la demande de résiliation à l'initiative du conseil syndical est décidée lors de « la prochaine assemblée générale », le b du 2° du I précise que cette prochaine assemblée générale devra avoir lieu « dans un délai de deux mois à compter de la première présentation de la lettre recommandée ». Ce délai de deux mois ne serait cependant qu'optionnel puisqu'il ne serait exigé que « lorsque le président du conseil syndical en fait la demande ». Ce délai de deux mois est identique à celui qui s'applique pour les résiliations à l'initiative du syndic.

Les auteurs de l'amendement considèrent que l'absence de délai fixé par la loi n° 65-557 peut « inciter certains syndics à faire perdurer la situation ».

d) La systématisation des communications électroniques

Enfin, le 3° du I et le II de l'article 9 bis, issus de deux amendements présentés par des députés du groupe Renaissance, modifient l'article 42-1 de la loi n° 65-557, pour inverser la situation actuelle : la communication entre les copropriétaires et le syndic serait, par défaut, réalisée par voie électronique, sauf demande de la part du copropriétaire pour recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.

Le copropriétaire serait alors tenu de transmettre au syndic une adresse électronique valable. L'article 9 bis précise cependant que le copropriétaire pourrait solliciter la réception par voie postale des notifications et des mises en demeure « par tout moyen ».

Une information par voie d'affichage dans les parties communes et par notification par la voie choisie par chaque copropriétaire avant la promulgation de la loi devra être effectuée par le syndic dans un délai de six mois et au plus tard un mois avant la première notification ou mise en demeure qui suit la promulgation de la loi pour indiquer aux copropriétaires l'évolution du mode de notification et mise en demeure. Cette information devra mentionner les moyens qui s'offrent aux copropriétaires pour conserver un mode d'information par voie postale.

3. Une fluidification des rapports entre les syndics et les copropriétaires qui ne doit se faire au détriment d'aucune partie

La commission a estimé que les mesures proposées par l'article 9 bis avaient un intérêt inégal au regard de l'objectif affiché d'amélioration des rapports entre les syndics et les copropriétaires.

Si elle a souscrit à la volonté de l'Assemblée nationale d'aligner les conditions temporelles de résiliation du contrat à l'initiative du conseil syndical sur celles qui régissent la résiliation à l'initiative du syndic, elle a cependant adopté deux amendements, présentés par sa rapporteure, qui reviennent partiellement sur les autres mesures insérées par les députés.

Concernant le renversement des modalités s'appliquant par défaut pour la communication des notifications et des mises en demeure, la communication numérique devenant la norme et la voie postale l'exception, la commission a pris note qu'il s'agissait d'une demande forte et unanime de la part des syndics, qui souhaitent ainsi réduire les dépenses afférentes aux communications avec les copropriétaires.

La commission a estimé que le droit en vigueur, qui prévoit l'accord exprès des copropriétaires pour recevoir leurs documents de façon dématérialisée, était satisfaisant et plus protecteur des droits des copropriétaires. C'est pourquoi, par l'amendement COM-119, elle s'est prononcée en faveur de la suppression de cette mesure.

Par l'adoption de l'amendement COM-118, la commission a en outre souhaité supprimer les 1° et 2° du I de l'article 9 bis, ces deux dispositions étant en grande partie déjà satisfaites par les décrets d'application de la loi n° 65-557 précitée.

Concernant le 1° du I de l'article 9 bis, l'article 35 du décret n° 67-223 précité prévoit déjà l'établissement des appels de fonds par le syndic. La fixation de leur contenu précis par décret n'a qu'un intérêt limité en l'absence d'imposition d'un modèle type et ne garantit par ailleurs pas une amélioration de la lisibilité dudit appel de fonds par rapport à la situation actuelle, le pouvoir réglementaire pouvant ajouter de nombreuses obligations à l'occasion de la publication du décret ainsi prévu.

Le 2° n'apparait pas davantage opportun, dans la mesure où il engendrerait une charge excessive pour le syndic, qui serait obligé de mettre à la disposition du président du conseil syndical, par accès numérique, les comptes et les opérations bancaires de la copropriété « sans délai ».

Conformément à l'article 3 du décret n° 2019-502 du 23 mai 2019 précité, les membres du conseil syndical ont déjà numériquement accès aux balances générales des comptes du syndicat des copropriétaires, au relevé général des charges et produits de l'exercice échu et, le cas échéant, aux relevés périodiques des comptes bancaires séparés ouverts au nom du syndicat des copropriétaires.

Cette obligation règlementaire semble suffisante, autant au regard des exigences de transparence de la gestion financière de la copropriété que de l'objectif de ne pas complexifier de façon disproportionnée le travail quotidien des syndics.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 9 bis ainsi modifié.

Article 9 bis B
Présence de représentants du maire ou du préfet aux assemblées générales de copropriété et envoi des procès-verbaux au maire

L'article 9 bis B tend à permettre, en cas de procédure relevant de l'exercice de la police de la sécurité ou de la salubrité, au maire, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou au préfet d'assister aux assemblées générales de copropriétaires ou de s'y faire représenter. Il prévoit également l'envoi des procès-verbaux d'assemblée générale au maire.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement présenté par sa rapporteure, qui harmonise les deux mesures proposées, notamment en ajoutant le préfet parmi les destinataires des procès-verbaux.

1. Bien que la loi ne prévoie la présence que des copropriétaires, du syndic et de certaines associations de locataires aux assemblées générales de copropriété, rien n'interdit au maire ou au préfet, qui exercent la police de la sécurité et de la salubrité, d'y assister

a) Le maire et le préfet exercent la police de la sécurité et de la salubrité et sont, à ce titre, destinataires de nombreux documents et informations relatifs à la situation des copropriétés

Les articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation confient au maire et au préfet l'exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations.

Plus précisément, le maire est compétent en matière de police de la sécurité, tandis que la police de la salubrité relève de la compétence du préfet. Conformément à l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, les prérogatives du maire en matière de police de la sécurité sont transférées au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) lorsque cette dernière est compétente en matière d'habitat.

Dans ce cadre, le livre V du titre Ier du code de la construction et de l'habitation, relatif à la lutte contre l'habitat indigne, ainsi que la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoient la transmission d'un nombre significatif d'informations et de documents à destination de ces trois autorités.

En application de l'article L. 511-8 du code de la construction et de l'habitation, c'est à eux que sont adressés les rapports établissant le constat d'une situation d'insalubrité ou d'insécurité produits par le directeur général de l'agence régionale de santé, le directeur du service communal d'hygiène et de santé, les services municipaux ou intercommunaux compétents, ou l'expert désigné par le juge administratif.

Le maire, le président de l'EPCI et le préfet sont informés de la saisine du président du tribunal judiciaire lorsque les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles et qu'un mandataire ad hoc est désigné (voir le commentaire de l'article 5 bis pour une description de cette procédure). Le rapport d'analyse et de préconisations produit par le mandataire, après transmission par le syndic de tous les documents utiles, leur est également adressé par le greffe du tribunal judiciaire. Lorsque les difficultés persistent et qu'un administrateur provisoire est désigné par le président du tribunal judiciaire, le greffe dudit tribunal est également chargé d'adresser une copie de l'ordonnance de désignation au maire, au président de l'EPCI et au préfet (idem). Ces trois derniers sont informés de la décision du juge de placer la copropriété sous administration provisoire renforcée.

En revanche, aucune disposition législative ne prévoit ni la transmission du procès-verbal de l'assemblée générale au maire, au président de l'EPCI ou au préfet, ni la confidentialité de ces procès-verbaux. L'article 33 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que le syndic « délivre, en les certifiant, des copies ou extraits des procès-verbaux des assemblées générales, ainsi que des copies des annexes de ces procès-verbaux ». Ainsi, en l'état actuel du droit, rien n'empêche un maire, un président de l'EPCI ou préfet de demander au syndic communication des procès-verbaux.

b) La loi prévoit la seule présence des copropriétaires, du syndic et de certaines associations de locataires aux assemblées générales de copropriété, sans pour autant interdire au maire ou au préfet d'y assister

L'article 17-1 A de la loi n° 65-557 précitée accorde à chaque copropriétaire le droit d'assister et de participer à l'assemblée générale, « par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant son identification ». Toutefois, l'article 22 de la même loi permet à chaque copropriétaire de déléguer son droit de vote à un mandataire.

Le syndic y assiste également, l'article 15 du décret n° 67-223 précité le chargeant d'assurer le secrétariat de la séance.

En principe, les locataires des logements d'une copropriété ne sont pas conviés aux assemblées générales. L'article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière autorise cependant les associations de locataires affiliées à une organisation agréée d'y assister si elles le souhaitent. Elles peuvent alors formuler leurs observations, sans pour autant pouvoir voter.

Lorsqu'une commune, un EPCI ou l'État est membre d'une copropriété, un de ses représentants peut assister aux assemblées générales et dispose, au même titre que les autres copropriétaires, d'un droit de vote.

Par ailleurs, la loi ne formule aucune interdiction quant à la présence d'une personne extérieure à une assemblée générale, tant qu'aucun copropriétaire ne s'y oppose. Ainsi, bien que sa présence ne soit pas pour autant de droit, un maire, un président d'EPCI, le préfet ou un de ses représentants pourrait assister à une assemblée générale si sa présence ne fait l'objet d'aucune objection. Lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale des amendements à l'origine de l'article 9 bis B, il a ainsi été indiqué que, dans les faits et malgré le silence de la loi, il n'est pas rare que des maires assistent aux assemblées générales, en particulier « lors des situations d'urgence »9(*).

Il en va de même de tout autre observateur ou intervenant extérieur, comme un locataire, un artisan ou encore un futur acheteur. Ceux-ci ne disposent cependant d'aucun droit de vote.

2. L'article 9 bis B prévoit la présence de droit du maire, du président de l'EPCI ou du préfet aux assemblées générales et l'envoi systématique des procès-verbaux au maire lorsque l'immeuble a fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité

L'article 9 bis B est issu de deux amendements de séance du groupe Libertés Indépendants Outre-mer et Territoires (LIOT), sous-amendés par le Gouvernement.

Il insère deux nouveaux articles au sein de la section 2 du chapitre II de la loi n° 65-557 précitée, relative aux dispositions particulières aux copropriétés en difficulté.

Le nouvel article 29-16 permet au signataire d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, c'est-à-dire le maire, le président de l'EPCI compétent en matière d'habitat ou le préfet, d'assister à l'assemblée générale de la copropriété concernée ou de s'y faire représenter. Un décret en Conseil d'État préciserait les modalités d'application de la mesure.

Le nouvel article 29-17 impose au syndic d'un immeuble ou d'un local faisant l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité d'adresser au maire le procès-verbal de l'assemblée générale.

Les auteurs des deux amendements justifient ceux-ci par le souhait « d'améliorer l'information des collectivités locales quant aux travaux réalisés dans les copropriétés en difficulté » et de « garantir un droit de regard des autorités publiques » sur ces mêmes copropriétés10(*).

3. Des mesures de nature à faciliter l'exercice de la police de la sécurité et de la salubrité

La commission a estimé que les mesures proposées par l'article 9 bis B constituaient des outils supplémentaires pour les maires, les présidents d'EPCI et les préfets dans l'exercice de leurs prérogatives de police de la sécurité et de la salubrité, qui s'en verrait ainsi facilité.

Elle a relevé que, en ce qui concerne la présence des maires aux assemblées générales, l'article 9 bis B permettra d'octroyer un fondement légal explicite à une pratique qui existe déjà. Leur présence, ainsi que celle du président de l'EPCI, du préfet ou d'un de leur représentant, sera ainsi de droit aux assemblées générales dès lors que l'immeuble en question aura fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. Lorsque la copropriété n'est pas sujette à de telles difficultés, l'état du droit actuel restera applicable et la présence des autorités publiques pourra faire l'objet d'opposition.

La commission s'est donc prononcée favorablement à l'adoption de cet article.

Elle a néanmoins adopté un amendement COM-115 présenté par sa rapporteure visant, d'une part, à permettre au préfet et au président de l'EPCI compétent en matière d'habitat, et non pas seulement au maire, de recevoir les procès-verbaux des assemblées générales de copropriété, lorsqu'ils sont signataires d'un arrêté de traitement de l'insalubrité et, d'autre part, dans un souci de concision, à rassembler en un article unique les dispositions des articles 29-16 et 29-17.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 9 bis B ainsi modifié.

Article 9 ter
Assouplissement des règles de majorité et des conditions de mise en oeuvre des travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés

L'article 9 ter modifie les règles de majorité de vote en assemblée générale pour décider des travaux d'économie d'énergie et élargit les possibilités pour un copropriétaire de faire des travaux sur des parties communes, sauf opposition d'une majorité des copropriétaires en assemblée générale.

La commission a adopté un amendement portant suppression de cet article.

1. La loi fixe des règles de majorité différentes en fonction de la nécessité des décisions que doit prendre l'assemblée générale

Afin de garantir le consentement des copropriétaires sur la gestion de la copropriété sans pour autant bloquer toute prise de décision, la loi n° 65-557 n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit différentes conditions de majorité pour autoriser l'engagement de travaux qui affectent les parties communes de la copropriété.

Ces règles sont principalement énoncées aux articles 24, 25 et 25-1 de la loi n° 65-557.

L'article 24 prévoit que, « sauf s'il en est autrement ordonné par la loi », les décisions de l'assemblée générale sont prises « à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance ». Parmi les décisions prises selon ces conditions, figurent notamment les travaux « nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants », les travaux « rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique » ou encore « la décision d'installer des ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque et thermique sur les toits, les façades et les garde-corps ». Aucun quorum n'est cependant exigé. Cette condition de présence ou de représentation est justifiée par le souhait du législateur d'inciter les copropriétaires à prendre position sur ces travaux qui, d'une part, affectent la copropriété dans son ensemble et, d'autre part, peuvent représenter des sommes importantes aux frais de tous les copropriétaires.

L'article 25 impose quant à lui une condition de majorité des voix de tous les propriétaires, y compris, donc, les copropriétaires qui ne sont pas présents ni représentés à l'assemblée générale, pour une liste de travaux limitativement énumérés. Parmi ceux-ci figurent « l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci » et « les travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Cette condition de majorité renforcée par rapport à celle de l'article 24 est justifiée par le caractère plus facultatif des mesures ainsi soumises au vote, leur réalisation n'étant ni imposée par une situation de danger ou d'insalubrité, ni par la règlementation. Il est donc moins acceptable d'imposer ces dépenses sans l'obtention d'une majorité absolue des copropriétaires.

Cette condition de majorité absolue est cependant assouplie par l'article 25-1, qui instaure un mécanisme dit « de la passerelle ». Ainsi, lorsque, pour les décisions mentionnées à l'article 25 précité, l'assemblée générale des copropriétaires n'a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité simple des présents, des représentés et de ceux qui ont voté par procuration, en procédant « immédiatement » à un second vote.

Jusqu'en 2019, le mécanisme de la passerelle permettait également, lorsque le projet n'avait pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires dès le premier vote, de convoquer dans un délai de trois mois une nouvelle assemblée générale pour statuer sur le projet en question à la majorité simple. Cette disposition a cependant été supprimée par l'article 26 de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis.

Dans son rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République, le Gouvernement a justifié cette suppression par le fait que l'organisation d'une seconde assemblée générale « aboutissait en effet à faire passer en force des résolutions qui n'avaient pas obtenu lors du premier vote un seuil suffisant de voix de copropriétaires composant le syndicat en leur faveur, en engendrant des frais de convocation et de tenue d'assemblée générale, voire du contentieux supplémentaire ».

Enfin, si le principe est la soumission des travaux affectant les parties communes au vote de l'assemblée générale, la loi prévoit une exception à ce principe pour le cas des travaux d'accessibilité pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite. L'article 25-2 de la loi n° 65-557 autorise ainsi chaque copropriétaire à réaliser, à ses frais, de tels travaux même lorsqu'ils affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble. Ces travaux doivent simplement être notifiés à l'assemblée générale, qui peut s'y opposer, à la majorité renforcée des voix des copropriétaires, y compris ceux qui sont absents ou non représentés, par une « décision motivée par l'atteinte portée par les travaux à la structure de l'immeuble ou à ses éléments d'équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l'immeuble ». Par défaut, l'accord de la copropriété est donc présumé.

2. Un assouplissement des conditions dans lesquelles peuvent être engagés des travaux de rénovation énergétique sans l'accord d'une majorité de copropriétaires

L'article 9 ter, issu de neuf amendements de commission et de séance des rapporteurs et de plusieurs députés, modifie la loi n° 65-557 dans un objectif de « faciliter » les travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés. Cette facilitation se ferait par le biais d'une modification des règles de majorité et par l'extension des possibilités dans lesquelles des travaux peuvent être engagés sur les parties communes aux frais d'un copropriétaire sans l'accord formel de l'assemblée générale.

a) Le renforcement du mécanisme de la passerelle pour les travaux d'économie d'énergie ou de réduction des gaz à effet de serre

Le 2° bis de l'article 9 ter, issu d'une rédaction adoptée en séance publique qui a remplacé les 1° et 2° adoptés en commission des affaires économiques, complète l'article 25-1 de la loi n° 65-557, relatif au mécanisme de la passerelle, afin d'autoriser la réalisation des travaux d'économie d'énergie ou de réduction des gaz à effet de serre par un vote à la majorité simple des copropriétaires présents lors d'une assemblée générale se tenant dans un délai de trois mois suivant une première assemblée générale lors de laquelle le projet de travaux n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires.

Cette faculté d'organisation d'une nouvelle assemblée générale équivaut à rétablir le dispositif supprimé récemment par l'ordonnance n° 2019-1101 précitée.

b) L'extension des possibilités de réalisation de travaux affectant les parties communes aux frais d'un ou de plusieurs copropriétaires

Le 3° de l'article 9 ter insère deux nouveaux articles 25-2-1 et 25-2-2 au sein de la loi n° 65-557, afin de faciliter la réalisation, par un ou plusieurs copropriétaires, de travaux affectant les parties communes.

Le nouvel article 25-2-1 autorise chaque copropriétaire à faire réaliser, à ses frais, des travaux d'isolation thermique de la toiture qui affectent les parties communes de l'immeuble, sur le même modèle que les travaux d'accessibilité pour les personnes handicapées mentionnés à l'article 25-2.

L'article prévoit comme unique condition qu'un « point d'information » sur ces travaux soit inscrit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagné d'un descriptif détaillé des travaux envisagés.

Aucune obligation de vote n'est imposée pour la réalisation de ces travaux, la règle par défaut étant l'accord tacite des autres copropriétaires. En effet, le dernier alinéa de ce nouvel article 25-2-1 donne seulement faculté à l'assemblée générale de s'opposer, à la majorité des voix des copropriétaires, et non pas des seuls copropriétaires présents ou représentés lors de l'assemblée générale, à la réalisation de ces travaux, par une décision motivée par « l'atteinte portée par les travaux à la structure de l'immeuble, à ses éléments d'équipements essentiels ou aux modalités de jouissance des parties privatives d'autres copropriétaires ou par la programmation de ces travaux dans le cadre du plan pluriannuel de travaux adopté par le syndicat des copropriétaires ». Ainsi, non seulement l'opposition doit être exprimée dans des conditions de majorité renforcée, mais cette opposition doit être motivée par un des critères définis par la loi.

L'article 25-2-1 ne précise pas si les travaux doivent nécessairement concerner l'ensemble de la toiture de l'immeuble ou s'ils peuvent n'être réalisés que sur une partie de la toiture (le cas d'espèce le plus probable étant des travaux d'isolation uniquement sur la partie de la toiture située au-dessus de l'appartement du copropriétaire à l'initiative des travaux).

Le nouvel article 25-2-2 autorise quant à lui un ou plusieurs copropriétaires à effectuer, à leurs frais, des travaux qui affectent les parties communes de l'immeuble, sous réserve que ceux-ci soient « nécessaires à la conservation, à l'isolation, à la salubrité ou à la sécurité des parties privatives [...] et qu'ils ne mettent pas en cause la structure de l'immeuble, sa destination, ses éléments d'équipements essentiels ou la sécurité des occupants ».

Contrairement à l'article 25-2-1, un vote de l'assemblée générale doit cependant avoir lieu, à la majorité simple des copropriétaires présents, représentés ou votant par procuration lors de l'assemblée générale.

L'article prévoit par ailleurs que les copropriétaires qui subissent un préjudice du fait de l'exécution des travaux peuvent réclamer une indemnité.

Ces trois modifications ont été présentées par les rapporteurs de l'Assemblée nationale comme un moyen de « répondre aux enjeux de l'adaptation de certaines parties des immeubles au réchauffement » et de « surmonter les divergences d'intérêts » entre copropriétaires11(*).

3. Un « passage en force » refusé par la commission

La commission a émis un avis défavorable sur cet article 9 ter, considérant qu'il était particulièrement attentatoire aux droits des copropriétaires et qu'il revenait sans raisons valables sur des dispositions supprimées en 2019 par l'ordonnance n° 2019-1101 précitée.

La commission a souscrit aux arguments qui avait été mis en avant par le Gouvernement lors de la publication de l'ordonnance, qui avait assimilé le mécanisme renforcé de la passerelle à un « pass[age] en force », qui résultait, in fine, en de nombreux contentieux (cf. supra). Or, le 2° bis de l'article 9 ter a pour objet de rétablir ces dispositions pourtant supprimées à juste titre par ladite ordonnance.

Par ailleurs, le 3° de l'article 9 ter lui est apparu préjudiciable au dialogue au sein des copropriétés, dans la mesure où il rend le vote de l'assemblée générale qu'optionnel, le copropriétaire n'étant tenu que d'informer les autres copropriétaires des travaux qu'il souhaite réaliser sur les parties communes de la toiture.

Le nouvel article 25-2-2 n'a en outre aucune plus-value puisqu'il est satisfait par l'actuel b de l'article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Enfin, la suppression de cet article 9 ter est cohérente avec les préconisations du rapport n° 811 (2022 - 2023) de la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique12(*), qui avait mis en avant la « situation de précarité financière » que peuvent rencontrer certains copropriétaires soumis à l'engagement de travaux sans leur accord. La commission d'enquête avait préconisé l'assouplissement des règles de majorité uniquement pour les emprunts collectifs consentis au syndicat de copropriétaires et pour les emprunts à adhésion individuelle (préconisation n° 16), en maintenant cependant une règle de majorité absolue pour les premiers et de majorité simple pour les seconds.

Le « passage en force », pour reprendre les termes gouvernementaux de 2019, n'est ainsi pas apparu souhaitable à la commission qui a, en conséquence, adopté l'amendement de suppression COM-117, présenté par sa rapporteure.

La commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'article 9 ter.

Article 10
Extension aux opérateurs d'une opération de requalification des copropriétés dégradées de la possibilité de solliciter, devant le juge, la scission de grands ensembles en copropriété ou la subdivision en syndicat principal et en syndicats secondaires

L'article 10 facilite, pour des copropriétés qui ne sont pas placées sous administration provisoire, la scission judiciaire des grandes copropriétés qui font l'objet d'une opération de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD), d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat ayant pour objet la rénovation urbaine ou d'un plan de sauvegarde. Le juge pourrait ainsi prononcer la scission des grands ensembles en copropriété ou la création de syndicats secondaires. Cet article permet également la sortie des immeubles concernés par une ORCOD ou un plan de sauvegarde du périmètre d'une association syndicale libre ou autorisée.

La commission a donné un avis favorable à cet article, modifié par deux amendements présentés par sa rapporteure, qui ont principalement pour objet de recentrer le dispositif dérogatoire de cet article sur les situations les plus justifiées.

1) La scission forcée et la création de syndicats secondaires sur autorisation du juge ne sont possibles que pour les copropriétés placées sous administration provisoire et ne sont pas ouvertes aux opérateurs des ORCOD

a) La loi permet la scission ou la subdivision de copropriétés constituées de plusieurs bâtiments

La gestion par un seul syndicat de copropriétaires de grands ensembles immobiliers peut susciter des difficultés de gestion, notamment en raison de l'absentéisme lors des assemblées générales, qui peut freiner la prise de décision, ou encore des charges importantes que peut représenter l'entretien des vastes espaces collectifs de la copropriété.

Pour faire face à ces difficultés, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit deux modalités de restructuration du statut juridique des grands ensembles : la scission et la subdivision, qui peuvent être volontaire ou judiciaire.

i. La scission d'une copropriété

La scission d'une copropriété a pour conséquence la constitution d'une ou de plusieurs nouvelles copropriétés séparées et autonomes. Cette scission peut être volontaire ou décidée par le juge.

La scission volontaire est régie par l'article 28 de la loi n° 65-557. Elle est décidée, sur demande d'un ou de plusieurs copropriétaires, en assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Les lots qu'il s'agit de retirer du syndicat initial doivent correspondre à un ou plusieurs bâtiments, la scission d'une partie de bâtiment n'étant pas possible. Les parties communes aux bâtiments de la copropriété initiale, les dettes et les créances du syndicat initial sont ensuite réparties entre les entités nouvellement créées et, en ce qui concerne les créances, entre les copropriétaires. Le partage peut être inégalitaire, par accord des parties ou en raison de contraintes matérielles. La loi encadre somme toute assez peu les modalités de cette scission volontaire, laissant à l'assemblée générale de la copropriété initiale le soin de statuer à la majorité des voix sur l'ensemble des conditions matérielles, juridiques et financières qui sont nécessitées par la division.

À l'inverse, la scission judiciaire peut être imposée aux copropriétaires, selon les modalités définies à l'article 29-8 de la loi n° 65-557, lorsque « la gestion et le fonctionnement normal de la copropriété ne peuvent être rétablis autrement » que par une scission de la copropriété. Cette scission est prononcée par le juge judiciaire qui en fixe les conditions, sur demande de l'administrateur provisoire qui est nommé, en application de l'article 29-1 de la même loi, par le président du tribunal judiciaire lorsque « l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble »13(*). Dans ce cas, l'administrateur provisoire assure la gestion de la copropriété et remplace le syndic dans toutes ses obligations légales.

Lorsque l'administrateur provisoire demande au juge de prononcer la scission de la copropriété, il établit un rapport faisant état de l'avis du conseil syndical et précisant les conditions matérielles, juridiques et financières de division du syndicat. Il est chargé également d'établir la répartition des parties communes du syndicat initial et les projets de règlement de copropriété, dresse un état des créances et des dettes du syndicat et en établit la répartition selon les mêmes principes que ceux applicables à une scission volontaire. Si des travaux préalables pour réaliser la division du syndicat sont nécessaires, le juge peut autoriser l'administrateur provisoire à faire réaliser les travaux aux frais des copropriétaires.

La faculté de saisine du juge attribuée au seul administrateur provisoire implique par conséquent que la scission judiciaire nécessite deux interventions du juge, une première pour désigner un administrateur provisoire lorsque sont identifiées les difficultés de gestion, une seconde pour prononcer la scission. Ce double filtre est apparu nécessaire afin de limiter les atteintes au droit de propriété.

Il convient cependant de relever qu'en application de l'article 62-15 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le juge peut également être saisi d'une demande de scission par des copropriétaires représentant ensemble 15 % au moins des voix du syndicat ou par le procureur de la République « si l'ordre public l'exige ». Ces saisines ne peuvent néanmoins avoir lieu qu'après l'établissement du rapport de l'administrateur provisoire.

ii. La subdivision d'une copropriété en syndicats de copropriétaires secondaires

Tout comme la scission, la création de syndicats secondaires peut être volontaire ou judiciaire. L'objectif est alors, en particulier dans les grands ensembles pour lesquels les assemblées générales peuvent concerner plusieurs centaines de copropriétaires, de décentraliser la prise de décision tout en restant dans le cadre juridique d'une copropriété unique.

La constitution d'un ou de plusieurs syndicats secondaires à l'initiative des copropriétaires est permise par l'article 27 de la loi n° 65-557. La subdivision est rendue possible « lorsque l'immeuble comporte plusieurs bâtiments ou plusieurs entités homogènes susceptibles d'une gestion autonome ». La demande de subdivision doit être effectuée par « les copropriétaires dont les lots composent l'un ou plusieurs de ces bâtiments ou entités homogènes » et doit être validée à la majorité des voix de tous les copropriétaires, réunis en assemblée spéciale.

La fonction de ce syndicat secondaire, qui est doté de la personnalité civile et qui est représenté au conseil syndical du syndicat principal, est d'assurer, en lieu et place du syndicat principal, la gestion, l'entretien et l'amélioration interne des parties de la copropriété qui lui sont confiées. Les charges relatives à cette fonction incombent aux seuls copropriétaires réunis dans le syndicat secondaire, qui ne participent plus aux charges des autres syndicats secondaires. Le syndicat principal continue cependant d'assurer son rôle pour les parties communes n'ayant été confiées à aucun syndicat secondaire.

Comme pour les scissions judiciaires, l'article 29-8 précité permet à l'administrateur provisoire de demander au juge la constitution d'un ou plusieurs syndicats secondaires. Les mêmes conditions que pour la scission s'appliquent alors, notamment la fixation par le juge des conditions de la subdivision et l'établissement préalable d'un rapport par l'administrateur provisoire (voir supra).

b) La possibilité de saisine du juge pour demander une scission ou une subdivision de la copropriété n'est pas ouverte aux opérateurs d'opérations de requalification des copropriétés dégradées

L'un des outils de la « lutte » contre « l'indignité et la dégradation des immeubles en copropriété »14(*) est l'opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD), régie par les articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de la construction et de l'habitation.

Ces opérations peuvent être mises en place par l'État ou par les collectivités territoriales ou leurs groupements, dans le cadre de projets urbains dépassant le périmètre d'une seule copropriété. Ce sont ainsi des quartiers entiers qui sont ciblés.

Une convention est signée entre la personne publique à l'origine de l'ORCOD et l'opérateur chargé de sa mise en oeuvre, qui prévoit plusieurs actions, notamment un dispositif d'intervention immobilière et foncière, un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants ou encore des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne.

Dans ce cadre, l'opérateur peut se voir déléguer un droit de préemption urbain renforcé15(*), qui permet de soumettre au droit de préemption urbain classique des biens qui en sont normalement exclus, comme par exemple les immeubles bâtis depuis moins de quatre ans.

Lorsque l'opération de requalification présente des enjeux majeurs en matière d'habitat dégradé, une complexité de traitement particulière et nécessite de lourds investissements, l'État peut par ailleurs déclarer, par décret en Conseil d'État, que l'ORCOD revêt un « intérêt national ». Des prérogatives supplémentaires sont alors ouvertes pour la conduite de l'opération, notamment en termes d'acquisition et de relogement des occupants.

En revanche, les opérateurs de ces ORCOD, y compris d'intérêt national, ne sont pas habilités à saisir le juge judiciaire pour demander la scission ou la subdivision d'une copropriété située dans le périmètre de l'ORCOD.

2. L'article 10 étend la faculté de saisine du juge pour demander une scission ou une subdivision de la copropriété aux opérateurs des ORCOD et de certaines opérations de rénovation urbaine

L'article 10 est présenté par le Gouvernement, dans l'étude d'impact du projet de loi, comme un moyen « d'accélérer la procédure [de requalification de copropriété dégradée] en clarifiant le rôle de l'opérateur comme pilote des réorganisations nécessaires pour la mise en oeuvre du projet », qui pourra saisir le juge judiciaire, en sus de l'administrateur provisoire, afin que soit imposée la scission ou la subdivision d'une copropriété constituant un grand ensemble.

Le constat justifiant cette mesure est l'absence d'uniformité de la situation au sein de ces grands ensembles, l'état de dégradation des immeubles étant souvent hétérogène. La scission ou la subdivision de la copropriété est alors présentée comme une façon de « cibler » les interventions « sur les immeubles à recycler, tout en accompagnant le redressement des autres immeubles réduits à des entités pouvant être maintenues sous le statut de la copropriété ».

Pour ce faire, l'article 10 prévoit la création de deux nouveaux articles au sein du code de la construction et de l'habitation.

Le nouvel article L. 741-3 constitue la mesure principale de l'article 10 du projet de loi, en s'inspirant de la rédaction actuelle de l'article 29-8 de la n° 65-557. Il ouvre la possibilité à l'opérateur d'une ORCOD au sein de laquelle est située une copropriété dont la gestion et le fonctionnement normal sont « compromis en raison de graves difficultés d'entretien ou d'administration résultant notamment de défaillances récurrentes des copropriétaires ou de complexités juridiques ou techniques » de saisir le juge afin que celui-ci « constate que ces difficultés menacent la poursuite de l'opération » et qu'il désigne un expert chargé de déterminer les conditions matérielles, juridiques et financières d'une division du syndicat de copropriétaires ou de la constitution d'un ou de plusieurs syndicats de copropriétaires secondaires. La rémunération de l'expert est à la charge de l'opérateur.

Lors de l'examen à l'Assemblée nationale, un amendement de séance du groupe LIOT a étendu cette faculté de saisine du juge aux opérateurs des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) qui auraient pour objet la rénovation urbaine.

Le reste de l'article L. 741-3 précise les modalités d'application de la décision de scission ou de subdivision de la copropriété.

Le II impose au syndic et à l'opérateur de fournir à l'expert désigné par le juge tous les documents nécessaires à l'exercice de sa mission.

Le III prévoit la rédaction, par l'expert et dans un délai de trois mois, d'un rapport à destination du juge, de l'opérateur, du syndic, du conseil syndical et du préfet, présentant ses préconisations pour la conduite de la scission ou de la subdivision et proposant une répartition des parties communes, des dettes et des créances.

Le IV autorise l'opérateur à réaliser des travaux préalables nécessaires à la scission ou à la subdivision.

Le V impose à l'opérateur d'indemniser les copropriétaires qui se verraient lésés par une répartition inégale des parties communes.

Enfin, le VI prévoit la clôture de la procédure judiciaire en organisant les mesures suivant la prononciation par le juge de la scission ou de la subdivision de la copropriété, notamment la convocation d'une assemblée générale pour la désignation d'un nouveau syndic, la dissolution du syndicat initial ou la fixation des indemnités pour les copropriétaires lésés, en cas de désaccord des parties.

Un amendement des deux rapporteurs de l'Assemblée nationale a en outre autorisé le juge à créer une association syndicale libre des syndicats issus de la division, pour la création, la gestion et l'entretien des équipements communs qui ne peuvent être divisés.

L'Assemblée nationale a également étendu, sur proposition de ses rapporteurs, la procédure de scission aux copropriétés soumises à un plan de sauvegarde, c'est-à-dire les copropriétés confrontées « à de graves difficultés sociales, techniques et financières résultant notamment de complexités juridiques ou techniques et risquant à terme de compromettre leur conservation ». Il reviendrait alors à l'État ou à l'une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde, après avis de la commission, mentionnée au I de l'article L. 615-1 du code de la construction et de l'habitation, compétente en matière d'élaboration des plans de sauvegarde, de saisir le juge pour qu'il désigne un expert chargé d'effectuer les mêmes missions que celles que lui confie l'article L. 741-3 précité.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe Socialistes, sous-amendé par les rapporteurs, créant un nouvel article L. 741-4 au sein du code de la construction et de l'habitation. Sur le modèle de l'article L. 741-3, cet article L. 741-4 a pour objet de faciliter la sortie des immeubles concernés par une opération de requalification des copropriétés dégradées ou un plan de sauvegarde du périmètre d'une association syndicale libre ou autorisée. L'opérateur de l'ORCOD ou le coordinateur du plan de sauvegarde pourrait alors saisir le juge afin qu'il désigne un expert chargé d'examiner les conditions matérielles, juridiques et financières d'une distraction de l'immeuble, c'est-à-dire la sortie d'une association syndicale libre, ou d'une dissolution de l'association. La saisine du juge ne serait cependant possible que lorsque l'inclusion de l'immeuble dans le périmètre d'une association syndicale libre « engendre des difficultés de gestion, de fonctionnement normal ou financières ou des complexités juridiques qui font obstacle à la poursuite de [l'ORCOD] ou au succès du plan de sauvegarde ».

Cet ajout constitue une dérogation aux règles de distraction des immeubles fixées à l'article 38 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, qui impose un vote de l'assemblée des propriétaires, sans intervention judiciaire.

3. Une mesure de nature à faciliter la réalisation des opérations de requalification des copropriétés dégradées

La commission estime que les mesures dérogatoires portées par l'article 10 portaient une atteinte justifiée et proportionnée aux droits des copropriétaires, la nécessité de remédier à de graves difficultés d'entretien ou d'administration de l'immeuble constituant un motif sérieux d'intérêt général. Elle souligne par ailleurs que la décision de scission ou de subdivision reste aux mains du juge judiciaire et qu'en cas de partage inégal des parties communes, une indemnité sera octroyée aux copropriétaires lésés.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de deux amendements présentés par sa rapporteure.

L'amendement COM-120 a pour effet de recentrer le dispositif de l'article 10, l'Assemblée nationale ayant étendu les possibilités de scission ou de subdivision judiciaire au-delà des ORCOD.

Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) couvrant, selon les informations transmises à la rapporteure par le ministère du logement, plus de 700 zones, majoritairement en zones détendues et pas forcément afin de lutter contre l'habitat indigne, l'amendement substitue aux OPAH les opérations de revitalisation de territoire, qui sont davantage ciblées sur la rénovation des centres-villes anciens.

Enfin, l'amendement COM-121 clarifie la rédaction issue de l'Assemblée nationale, afin de préciser que le juge n'a pas une compétence liée mais qu'il se prononce en toute indépendance sur la demande de scission ou de subdivision de la copropriété qui lui est formulée.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 10 ainsi modifié.

Articles 11 et 14
Extension du périmètre de la procédure de prise de possession anticipée des copropriétés dégradées aux ORCOD et aux opérations d'intérêt national

L'article 11 étend la possibilité, ouverte par la loi ELAN de 2018, de prise de possession anticipée - également appelée « expropriation d'extrême urgence » - des copropriétés dégradées expropriées, qui existe actuellement uniquement pour les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) d'intérêt national, à l'ensemble des ORCOD. L'article 11 permet en outre de mobiliser cette procédure pour des parties d'immeubles, et non plus uniquement pour un immeuble entier. Dans une logique similaire à celle de l'article 11, le I de l'article 14 étend à toutes les opérations d'intérêt national (OIN) la procédure de prise de possession anticipée en cas d'expropriation.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces articles, sous réserve de l'adoption de deux amendements présentés par sa rapporteure, qui précisent, d'une part, qu'il revient au préfet de notifier aux intéressés la prise de possession anticipée et, d'autre part, qu'il ne peut être fait usage de la prise de possession anticipée à l'occasion d'une opération d'intérêt national qu'à titre exceptionnel.

1. La prise de possession anticipée, une procédure dérogatoire d'urgence progressivement étendue au-delà des seuls travaux intéressant la défense nationale

a) La prise de possession anticipée permet à l'autorité administrative d'accélérer les effets de l'expropriation en autorisant l'envoi en possession dans un délai de vingt-quatre heures, avant toute intervention judiciaire

Par dérogation au principe général du droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique, une procédure d'urgence a été mise en place afin d'autoriser la prise de possession d'un bien par décret avec avis conforme du Conseil d'État et avant le paiement des indemnités d'expropriation, seule une indemnité provisionnelle étant exigée.

Cette prise de possession anticipée, appelée aussi expropriation d'extrême urgence, déroge au droit commun dans le sens où, en application de l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'expropriation ne peut normalement avoir lieu qu'après le paiement d'une « juste et préalable indemnité ». Par ailleurs, dans la procédure normale, la prise de possession du bien ne peut avoir lieu qu'après une décision du juge de l'expropriation et en aucun cas à la suite d'une décision administrative.

Cette procédure est régie par les articles L. 521-1 à L. 522-4 et R. 521-1 à R. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Ces dispositions prévoient notamment qu'il appartient au préfet de prendre l'arrêté de prise de possession anticipée des propriétés privées, dans un délai de vingt-quatre heures suivant la publication du décret en Conseil d'État, que l'autorisation d'occuper les terrains cesse d'être valable en l'absence du paiement d'une indemnité prévisionnelle dans un délai de quinze jours ou encore qu'une indemnité spéciale peut être accordée à l'exproprié par le juge pour compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure. L'autorité expropriante est par ailleurs tenue de poursuivre la procédure normale d'expropriation dans un délai d'un mois suivant la prise de possession anticipée.

Lorsque les biens concernés par la procédure de prise de possession anticipée font partie d'une opération de requalification de copropriété dégradée d'intérêt national (ORCOD-IN), l'autorité expropriante doit en outre établir un plan de relogement des occupants.

b) Une extension progressive des cas pouvant donner lieu à l'utilisation de la prise de possession anticipée

Compte tenu du caractère potentiellement attentatoire au droit de propriété que représente cette procédure dérogatoire, celle-ci n'est applicable que dans certaines situations définies par la loi mais qui ont cependant été progressivement étendues.

Le Conseil constitutionnel conditionne en effet le recours à la prise de possession anticipée à des « motifs impérieux d'intérêt général », à « la garantie des droits des propriétaires » intéressés et à un champ d'application « étroitement circonscrit » 16(*).

À l'origine, cette procédure a été pensée pour les seuls travaux concernant la défense nationale. Cette disposition figure désormais à l'article L. 521-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle n'est mobilisable que « lorsque l'extrême urgence rend nécessaire l'exécution de travaux intéressant la défense nationale dont l'utilité publique a été ou est régulièrement déclarée ».

Cette procédure a été ponctuellement rendue applicable par la loi pour douze opérations spécifiques d'intérêt national, les dernières en date étant la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions des jeux Olympiques et Paralympiques de 202417(*), la construction ou l'extension de certains établissements pénitentiaires18(*) et la réalisation d'un réacteur électronucléaire19(*).

De façon pérenne, la prise de possession anticipée a été étendue à quatre situations supplémentaires, sans lien avec la défense nationale :

- l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique l'autorise, « à titre exceptionnel », pour certains travaux d'infrastructures, à savoir les travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemins de fer, d'infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre des services express régionaux métropolitains, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre, d'oléoducs et d'ouvrages des réseaux publics d'électricité, lorsque ces travaux ont été régulièrement déclarés d'utilité publique et que leur exécution « risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains non bâtis ». La même procédure que celle prévue pour les travaux intéressant la défense nationale s'applique alors, avec notamment la condition d'avis conforme du Conseil d'État ;

- dans le cadre de la procédure d'expropriation dite « Vivien », applicable aux immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est irrémédiable (voir le commentaire de l'article 12 pour une description de cette procédure). Conformément à l'article L. 511-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet peut en effet déclarer cessible les biens concernés par l'expropriation afin de permettre à l'expropriant de prendre possession des lieux après paiement d'une indemnité provisionnelle ;

- la procédure prévue pour l'expropriation Vivien est applicable lorsqu'une copropriété fait l'objet d'une expropriation faisant suite à une déclaration d'état de carence, telle que définie à l'article L. 615-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- enfin, la prise de possession anticipée a été ouverte par la loi dite « Elan » du 23 novembre 201820(*) aux ORCOD-IN (voir le commentaire de l'article 10 pour une description des ORCOD), par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat et uniquement lorsque sont identifiés « des risques sérieux pour la sécurité des occupants rendent nécessaires la prise de possession anticipée et qu'un projet de plan de relogement des occupants a été établi ».

2. L'article 11 et le I de l'article 14 étendent le périmètre de la procédure de prise de possession anticipée des copropriétés dégradées aux ORCOD et aux opérations d'intérêt national

L'article 11 du projet de loi a pour objet d'autoriser la prise de possession anticipée dans le cadre des ORCOD.

En parallèle, le I de l'article 14 étend cette possibilité, sous certaines conditions décrites infra, aux opérations d'intérêt national et non plus aux seules ORCOD-IN.

Ces deux modifications sont présentées par le Gouvernement, dans l'étude d'impact du projet de loi, comme un moyen de permettre « aux opérateurs d'intervenir sur les immeubles concernés dès la prise de la déclaration d'utilité publique, d'enrayer au plus tôt la dégradation des immeubles et de limiter leurs dépenses de mesures conservatoires ».

Pour ce faire, l'article 11 instaure une procédure ad hoc, spécifique aux ORCOD et donc distincte, dans les modalités d'application à défaut de l'esprit, de la prise de possession anticipée applicable aux travaux concernant la défense nationale et aux travaux d'infrastructure précités.

L'article 11 créé un nouveau chapitre dédié aux ORCOD, constitué des articles L. 523-1 à L. 523-7, au sein du titre II du livre V du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui régit les diverses procédures de prise de possession anticipée.

Le nouvel article L. 523-1 permet à l'État, par décret pris après avis conforme du Conseil d'État, d'autoriser la prise de possession anticipée de tout ou partie d'un ou de plusieurs immeubles « dégradés ou dangereux » dont l'acquisition est prévue pour la réalisation d'une ORCOD ou d'une ORCOD-IN déclarée d'utilité publique, « dès lors que des risques sérieux pour la sécurité des personnes rendent nécessaire ladite prise de possession et qu'un plan de relogement des occupants a été établi ». Il s'agit d'une rédaction proche de l'actuel second alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui rend applicable aux ORCOD-IN la prise de possession anticipée, à deux exceptions notables : le nouvel article L. 523-1 englobe dans son périmètre les ORCOD simples et il autorise la prise de possession anticipée pour des parties d'immeubles, alors que l'article L. 522-1 précité ne le permet que pour des immeubles entiers. En parallèle de la création de cet article L. 523-1, le 3° de l'article 11 du projet de loi supprime conséquemment le second alinéa de l'article L. 522-1.

Les nouveaux articles L. 523-2 à L. 523-7 précisent les modalités de mise en oeuvre de la prise de possession anticipée. Outre les divergences mentionnées supra, celle-ci diffère de la procédure applicable dans le cas des travaux intéressant la défense nationale, sur quatre points :

- aux termes du nouvel article L. 523-3, les agents du maître d'ouvrage peuvent être autorisés à accéder à l'immeuble par un arrêté du préfet notifié au bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, au maire, au syndicat de copropriétaires, aux copropriétaires concernés et aux occupants connus, sans que la loi ne précise de délai. Il s'agit d'une mesure dérogatoire au droit commun issu de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, qui n'autorise l'accès à l'immeuble qu'en vertu d'un arrêté préfectoral affiché en mairie au moins dix jours avant l'introduction dans l'immeuble. Les modalités d'affichage et de notification de l'arrêté préfectoral ainsi que les conditions dans lesquelles il est procédé à l'état des lieux et à leur occupation sont censées être définies par décret en Conseil d'État. L'étude d'impact du projet de loi précise cependant d'ores et déjà que l'état des lieux sera établi en présence de l'expropriant, sans que la présence du maire ne soit obligatoire et que la notification de de l'arrêté sera effectuée par l'autorité expropriante et, non comme le dispose l'article 4 de la loi du 29 décembre 1892 précitée, par le maire ;

- par dérogation au code de l'urbanisme, le nouvel article L. 523-4 réduit à un mois, au lieu de deux dans le droit commun, le délai dans lequel l'occupant doit faire connaître son acceptation ou son refus de l'offre de relogement, faute de quoi il est réputé l'avoir acceptée ;

- le nouvel article L. 523-6 prévoit que l'article L. 521-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sera pas applicable aux ORCOD, ce qui signifie que les propriétaires ne pourront pas saisir le juge administratif afin de demander des indemnités pour les dommages causés par les études ou par l'occupation temporaire de la propriété ;

- enfin, le nouvel article L. 523-7 déroge à l'article L. 222-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui dispose que l'ordonnance d'expropriation ou la cession « éteint tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés », en éteignant les droits de jouissance et les baux relatifs aux immeubles et droits réels immobiliers libérés en application de la procédure de prise de possession anticipée à compter du relogement ou du départ volontaire définitif des occupants, dès lors que la prise de possession intervient avant le transfert de propriété.

Dans un esprit similaire, le I de l'article 14 crée un nouvel article L. 522-1-1 au sein du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, afin de permettre la prise de possession anticipée d'un ou plusieurs immeubles dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation d'une opération d'intérêt national, lorsque l'exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession. Les conditions de mise en oeuvre prévues par l'actuel chapitre II du titre II du livre V du même code, relatif aux travaux d'infrastructures, seraient alors applicables.

L'article 11 ainsi que le I de l'article 14 ont fait l'objet d'un relatif consensus, aussi bien de la part du Conseil d'État qui n'a formulé aucune objection dans son avis sur le projet de loi, qu'à l'Assemblée nationale. Celle-ci n'a adopté aucun amendement sur le I de l'article 14 et six amendements, présentés par les rapporteurs, sur l'article 11, qui sont tous de nature rédactionnelle.

3. Des modifications de nature à accélérer les opérations de lutte contre l'habitat dégradé

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 11 et du I de l'article 14, considérant que les mesures proposées concourraient à l'objectif général porté par le texte de facilitation de la résorption de l'habitat dégradé.

Elle relève que leur dispositif, qui constitue une dérogation aux règles générales du droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique, devrait trouver une application somme toute limitée, puisque, selon l'étude d'impact du projet de loi, il n'existe actuellement que 4 ORCOD de droit commun, à Metz, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Sarcelles et à Argenteuil, et seulement trois nouvelles sont à l'étude, à Marseille, à Vaulx-en-Velin et à Montpellier.

Dans ces conditions et au regard aussi bien du motif d'intérêt général que représente la lutte contre l'habitat dégradé que des garanties qui sont prévues par ces articles, notamment l'exigence d'un avis conforme du Conseil d'État avant toute prise de possession anticipée, elle a jugé que les dérogations aux principes généraux du droit de l'expropriation étaient acceptables.

Suivant cette position, la commission a adopté deux amendements, présentés par sa rapporteure, sur ces deux articles.

L'amendement COM-113, à l'article 11, précise que l'arrêté de de prise de possession anticipée est notifié par le préfet, par dérogation à l'article 4 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics qui confie cette charge au maire.

La prise de possession anticipée étant, conformément à l'alinéa 8 de l'article 11 du projet de loi, une procédure ne pouvant être mise en oeuvre que par l'État, il est normal que ce soit son représentant qui procède à sa notification.

Enfin, l'amendement COM-112, à l'article 14, procède à deux modifications. D'une part, par souci de clarté juridique, il intègre les nouvelles dispositions concernant les opérations d'intérêt national au sein de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, plutôt que de créer un nouvel article qui alourdirait la structure du code.

En outre, afin de ne pas ouvrir trop largement la possibilité de prise de possession anticipée dans le cadre des opérations d'intérêt national, lorsqu'elle ne se justifie pas, l'amendement précise que l'autorisation de prise de possession anticipée ne peut être donnée qu'« à titre exceptionnel », suivant la rédaction du premier alinéa de l'article L. 522-1, relatif aux travaux d'infrastructures.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles 11 et 14 ainsi modifiés.

Article 12
Clarification du régime d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine à titre irrémédiable

L'article 12 modifie à la marge la procédure d'expropriation « Vivien », applicable aux immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est irrémédiable, afin de faciliter sa mobilisation. Il harmonise le régime applicable aux locaux commerciaux et à usage professionnel situés dans des immeubles expropriés avec celui qui s'applique aux locaux à usage d'habitation et élargit les critères de calcul comparatif des coûts des opérations de réhabilitation qui permettent de justifier l'expropriation, en incluant les mesures et travaux nécessaires à une remise aux normes de salubrité, de sécurité et de décence en vigueur et non plus seulement les travaux nécessaires à la résorption de la situation d'insécurité ou d'insalubrité.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement présenté par sa rapporteure, qui supprime une mesure non seulement trop ciblée, mais qui revêt également une nature réglementaire, ajoutée par l'Assemblée nationale.

1. Une procédure d'expulsion spécifique aux immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est considéré comme irrémédiable

a) La procédure « Vivien » permet de déroger à certaines règles générales du droit de l'expropriation pour faciliter le traitement des situations irrémédiables d'insalubrité ou d'insécurité

Dans le cadre de leur pouvoir de police de la sécurité et de la salubrité, définie au livre V du code de la construction et de l'habitation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, en ce qui concerne la police de la sécurité, et le préfet, en ce qui concerne la police de la salubrité, peuvent prendre de nombreuses mesures pour faire cesser les dangers résultant de l'état de certains immeubles ou parties d'immeubles (voir le commentaire de l'article 3 pour une description plus détaillée de cette police).

Lorsque les mesures prises pour assurer la sécurité et la salubrité des immeubles sont insuffisantes ou trop tardives et que l'état de dégradation ou d'insalubrité apparaît comme irrémédiable, une procédure spéciale d'expropriation a été instaurée par la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, dite « loi Vivien », désormais codifiée aux articles L. 511-1 à L. 511-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

L'article L. 511-1 du même code précise que l'expropriation peut être poursuivie au profit de cinq catégories de personnes morales :

- l'État ;

- une société de construction dans laquelle l'État détient la majorité du capital ;

- une collectivité territoriale ;

- un organisme y ayant vocation ;

- le concessionnaire d'une opération d'aménagement.

L'expropriation est mobilisable pour deux types d'immeubles ou de terrains :

- les immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application de l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation et ayant prescrit la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter ;

- à titre exceptionnel, les immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ou menaçant ruine, ainsi que les terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine.

Cette procédure, qui ne peut être engagée que par le préfet, déroge aux règles générales de l'expropriation dans la mesure où, en application de l'article L. 511-2 du même code, l'utilité publique de l'expropriation est présupposée dès lors que l'immeuble a fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. À ce titre, aucune enquête publique n'est requise.

La déclaration d'utilité publique signée par le préfet entraîne la cessibilité des biens concernés par l'expropriation. Le préfet désigne en outre l'entité au profit de laquelle l'expropriation est poursuivie. L'expropriant désigné est alors tenu à une obligation de relogement, y compris des propriétaires. Le préfet fixe le montant de l'indemnité provisionnelle qui est allouée aux propriétaires et aux titulaires de baux commerciaux, la date à laquelle l'expropriant peut prendre possession des lieux, après avoir payé l'indemnité provisionnelle et au plus tôt un mois après la publication de la déclaration d'utilité publique et, enfin, le montant de l'indemnité de privation de jouissance et, lorsque le déménagement n'est pas assuré par l'administration, de l'indemnité provisionnelle de déménagement21(*).

Enfin, l'indemnité d'expropriation qui est due aux propriétaires est fixée par le juge selon des modalités dérogatoires au droit commun. L'article L. 511-6 du même code précise en effet que la valeur des biens est appréciée, « compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés », à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision d'expropriation ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril. Cette méthode de calcul est dénommée « méthode de la récupération foncière ». Lorsque le propriétaire n'a pas procédé au relogement des locataires, les frais de relogement sont déduits de son indemnité22(*).

b) Des freins à la mobilisation de la procédure Vivien résultant de la rédaction du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Deux obstacles résultant de la rédaction du dispositif législatif régissant la procédure Vivien et de son interprétation jurisprudentielle ont été mis en avant par le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi.

En premier lieu, alors que les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité peuvent prescrire, selon les termes de l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation, « l'interdiction d'habiter, d'utiliser ou d'accéder aux lieux », la procédure Vivien ne s'applique, conformément au 1° de l'article L. 511-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qu'aux immeubles ayant fait l'objet d'arrêtés ayant prescrit « l'interdiction définitive d'habiter ». Il résulte de cette rédaction une ambiguïté quant au cas des locaux commerciaux ou à usage professionnel. La jurisprudence n'est, selon l'étude d'impact, pas uniforme : si un courant jurisprudentiel exclut l'utilisation de la méthode d'indemnisation dérogatoire pour les locaux commerciaux, au motif que ces derniers ne peuvent pas, stricto sensu, faire l'objet d'une interdiction d'habiter, un autre courant de la jurisprudence considère au contraire que la méthode de la récupération foncière doit s'appliquer à l'ensemble des locaux de l'immeuble, indépendamment de leur destination.

Ces divergences d'interprétation ont des conséquences significatives aussi bien pour les professionnels expropriés que pour l'expropriant, le montant de l'indemnisation différant fortement, tandis que les contentieux, qui allongent la durée de la procédure, sont nombreux en l'absence de règle claire.

En second lieu, la méthode d'évaluation des coûts de réhabilitation du bâtiment par rapport au coût d'une démolition et d'une reconstruction peut limiter considérablement la mobilisation de la procédure Vivien.

En effet, pour que cette procédure soit mise en oeuvre, l'immeuble doit avoir fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ayant prescrit la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter. Or, l'article L. 511-11 du code de la construction encadre la prescription d'une telle mesure, en la conditionnant à deux critères alternatifs :

- il ne doit pas exister de moyen technique permettant de remédier à la situation d'insécurité ou d'insalubrité ;

- les travaux nécessaires à la résorption de cette situation doivent être plus coûteux que la reconstruction.

La jurisprudence du Conseil d'État interprète strictement ces dispositions législatives, rendant difficilement atteignables les conditions nécessaires à la publication d'un arrêté prescrivant la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter. D'une part, les frais de démolition doivent également être pris en compte parmi les frais de reconstruction23(*). D'autre part, les travaux de réhabilitation qui sont pris en compte dans le calcul comparatif sont limités à ceux « strictement nécessaires pour mettre fin à la situation d'insécurité ou d'insalubrité »24(*) qui justifient l'arrêté. Ces deux éléments jurisprudentiels renchérissent le coût de la reconstruction et abaissent celui de la réhabilitation, ce qui a pour conséquence de réduire la probabilité que la comparaison entre la reconstruction et la réhabilitation soit favorable à la première.

2. L'article 12 clarifie et assouplit les règles d'application de la procédure Vivien

L'article 12 apporte plusieurs modifications à la procédure Vivien, présentées par le Gouvernement, dans l'étude d'impact du projet de loi comme une « amélioration [...] nécessaire pour présenter des conditions efficientes de l'action publique, et anticiper les possibilités de portage [afin de] renforcer le pouvoir d'agir et notamment accélérer les délais dans lesquels s'exerce cette maîtrise ».

Pour ce faire, l'article 12 prévoyait, dans sa version initiale, deux mesures principales, qui ont été complétées par deux autres mesures adoptées par l'Assemblée nationale.

a) L'application de la procédure Vivien aux locaux commerciaux ou à usage professionnel

Le I et le a du 1° du II de l'article 12 modifient les articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation afin d'harmoniser le régime applicable aux locaux commerciaux et à usage professionnel situés dans des immeubles expropriés avec celui qui s'applique aux locaux à usage d'habitation.

Ils précisent ainsi que la procédure Vivien sera applicable pour les immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ayant prescrit la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter « ou d'utiliser ».

Cette modification permet notamment de clarifier les règles d'indemnisation applicables aux commerces, par exemple ceux situés au rez-de-chaussée, ou aux locaux professionnels situés dans des immeubles expropriés selon la procédure Vivien. Ainsi, les propriétaires de ces locaux seront indemnisés, au même titre que les autres copropriétaires, selon la méthode de récupération foncière, c'est-à-dire à la valeur du terrain nu, coûts de travaux déduits.

b) La modification des modalités de comparaison des coûts de réhabilitation et de démolition-reconstruction afin de faciliter la mobilisation de la procédure Vivien

Le b du 1° du II de l'article 12 modifie l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation dans le but de faciliter la mise en oeuvre de la procédure Vivien, en assouplissant l'un de ses critères d'application.

Le critère de comparaison entre le coût de la réhabilitation et celui de la reconstruction ne serait plus calculé à partir de la « résorption » de la situation d'insalubrité ou d'insécurité, mais au regard des « mesures et travaux nécessaires à une remise en état du bien aux normes de salubrité, de sécurité et de décence ». Lorsque ces mesures et travaux apparaîtraient plus coûteux que la reconstruction, l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pourrait alors prescrire une démolition ou une interdiction définitive d'habiter ou d'utiliser et, partant, la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation Vivien.

Cette mesure aurait ainsi pour conséquence de renchérir, par rapport à l'état actuel du droit, le coût de la réhabilitation lors de la comparaison avec celui de la reconstruction.

Le critère de « décence » a été ajouté à l'Assemblée nationale par un amendement des deux rapporteurs, le projet de loi initial ne mentionnant que la salubrité et la sécurité.

c) L'obligation de réalisation des mesures prescrites par l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, y compris lorsque le logement est vacant

Le 2° du II et le II bis de l'article 12, issus d'amendements du groupe Démocrate, du groupe Renaissance et du groupe Socialistes, modifient respectivement les articles L. 511-11 et L. 511-15 du code de la construction et de l'habitation afin de supprimer la dérogation qui permet aux propriétaires des immeubles concernés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité de ne pas exécuter dans le délai fixé par l'arrêté les mesures qu'il prescrit lorsque l'immeuble devient vacant et « qu'il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé et la sécurité des tiers »25(*).

Les auteurs des amendements estiment en effet que cette dérogation « favorise les pratiques dilatoires » et « s'avère contre-productive, puisque certains propriétaires organisent délibérément une vacance de leur logement ou immeuble pour échapper à leurs responsabilités » et le mettre par la suite « en location illicite ».

d) L'élaboration d'une méthodologie nationale d'évaluation des biens

Enfin, par un amendement de commission de ses deux rapporteurs, l'Assemblée nationale a complété l'article L. 322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui dispose qu'il revient au juge judiciaire de fixer le montant de l'indemnité d'expropriation, afin qu'il soit déterminé « en considération d'une méthodologie nationale d'évaluation des biens définie par décret en Conseil d'État » pour les biens expropriés selon la procédure Vivien ou la procédure d'expropriation des immeubles dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est remédiable, que tend à créer l'article 3 du projet de loi.

Cette mesure, qui figure au III de l'article 12, est présentée par les auteurs de l'amendement comme un moyen de réduire « la différence dans les évaluations qui peuvent être faites en fonction des territoires, sans pour autant contraindre trop fortement le pouvoir d'appréciation dont doivent disposer les juges en fonction des circonstances locales ».

3. Des modifications de nature à faciliter la mobilisation de la procédure Vivien

Les mesures proposées à l'article 12 du projet de loi devraient permettre, d'une part, de lever certaines ambiguïtés résultant de la rédaction actuelle du dispositif de la procédure d'expropriation Vivien et, d'autre part, de la rendre plus aisément applicable et plus prescriptive.

La commission a donc émis un avis favorable sur ces mesures qui correspondent à l'objectif « d'amélioration » du dispositif existant affiché par le Gouvernement.

En revanche, la commission a adopté un amendement COM-122, présenté par sa rapporteure, de suppression du III de l'article 12, qui avait été ajouté lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Comme décrit ci-dessus, ce III prévoit que le juge judiciaire détermine le montant de l'indemnité d'expropriation « en considération d'une méthodologie nationale d'évaluation des biens définie par décret en Conseil d'État » pour les biens expropriés selon la procédure dérogatoire dite « Vivien » et celle créée par l'article 3 du projet de loi.

En premier lieu, cette mesure relève du domaine règlementaire et n'a donc pas sa place dans la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

En second lieu, si cette mesure cherche à réduire, selon les termes des auteurs de l'amendement l'ayant insérée, « la différence dans les évaluations qui peuvent être faites par les juges en fonction des territoires », le problème concerne tous types d'expropriation, et non les seules expropriations selon les procédures dérogatoires précitées. Si un travail d'harmonisation des évaluations doit être réalisé, celui-ci ne doit pas être limité aux seules procédures dérogatoires.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 12 ainsi modifié.

Article 12 bis
Constat d'une situation d'insécurité par un rapport de services ou de professionnels de la sécurité incendie

L'article 12 bis ouvre la possibilité pour le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police de la sécurité des immeubles, de faire constater par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ou la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité une situation de fonctionnement défectueux ou de défaut d'entretien des équipements communs, ou l'entreposage de matières explosives ou inflammables dans ou à proximité d'un immeuble collectif d'habitation, lorsque cette situation est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption d'un amendement présenté par sa rapporteure, qui recentre le dispositif de l'article 12 bis sur le risque incendie et sur les seuls SDIS.

1. Le maire peut faire constater une situation d'insécurité par les services municipaux ou intercommunaux ainsi qu'un expert désigné par le juge administratif

Conformément à l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, le maire est chargé de la police de la sécurité des immeubles, locaux et installations, le préfet étant quant à lui compétent pour exercer la police de la salubrité.

La police de la sécurité des immeubles est définie par l'article L. 511-2 du même code. Elle « a pour objet de protéger la sécurité et la santé des personnes » en remédiant à trois types de situations :

- les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ;

- le fonctionnement défectueux ou le défaut d'entretien des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation, lorsqu'il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation ou d'utilisation ;

- l'entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d'habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu'il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers.

Pour l'exercice de ses pouvoirs de police de la sécurité des immeubles, le maire peut, en application de l'article L. 511-8 du même code, faire constater les trois situations précitées par les services municipaux ou intercommunaux compétents, qui sont alors chargés de rédiger un rapport.

Le maire peut également faire constater ces situations par un expert désigné, à sa demande, par le juge administratif. Conformément à l'article L. 511-9 du même code, cet expert doit alors, dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa désignation, examiner les bâtiments, dresser constat de leur état, y compris celui des bâtiments mitoyens, et proposer des mesures de nature à mettre fin au danger.

Si le rapport de l'expert ou des services municipaux conclut à l'existence d'un danger imminent, l'article L. 511-19 impose au maire d'ordonner par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Lorsqu'aucune autre mesure ne permet d'écarter le danger, le maire peut faire procéder à la démolition complète après y avoir été autorisé par ordonnance du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

Ainsi, l'élaboration des rapports de constatation des situations de risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers est une composante essentielle de la lutte contre l'habitat dégradé, qui peut aller jusqu'à la démolition du bâtiment.

En l'état actuel du droit, ni les sapeurs-pompiers, qui sont sous la double autorité du président du département et du préfet, ni la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité ne sont habilités pour rédiger ces rapports, sauf s'ils sont désignés comme « experts » par le juge administratif.

2. L'article 12 bis étend aux services et professionnels de la sécurité incendie, dont les services départementaux d'incendie et de secours et la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, l'habilitation à constater les situations d'insécurité

Issu d'un amendement de commission présenté par plusieurs députés du groupe Renaissance, l'article 12 bis modifie l'article L. 511-8 du code de la construction et de l'habitation afin de permettre aux maires de s'appuyer sur un rapport « des services ou de professionnels de la sécurité incendie tels que la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité [...] ou les services départementaux d'incendie et de secours ».

Les auteurs de l'amendement à l'origine de l'article 12 bis justifient cette modification du cadre légal par leur volonté de « prévenir [les] accidents et [...] de renforcer la protection des occupants des immeubles collectifs contre les incendies ».

3. Un dispositif utile à condition d'être recentré sur les SDIS et sur les risques incendie

La commission a souscrit au souhait de l'Assemblée nationale de renforcer la prévention du risque incendie en permettant au maire de s'appuyer sur les constats dressés par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), d'autant plus que les auditions menées par la rapporteure ont démontré que, dans les faits, cette pratique est courante malgré l'absence de fondement légal.

La commission a cependant conditionné son avis favorable à cet article à l'adoption de l'amendement COM-X présenté par sa rapporteure.

Cet amendement a pour objet, d'une part, de recentrer le dispositif de l'article 12 bis sur les seules situations qui concernent le risque incendie et, d'autre part, de ne mobiliser que les SDIS, et ce uniquement dans le cadre de la police de la sécurité pour éviter toute instrumentalisation des sapeurs-pompiers.

Sur le premier point, bien que les auteurs de l'amendement à l'origine de l'article 12 bis aient indiqué souhaiter que « le maire p[uisse] appuyer son arrêté sur un rapport d'un spécialiste de la sécurité incendie », en visant le 2° de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, ils incluent de façon plus large les dysfonctionnements ou les défauts d'entretien des équipements communs, qui pourraient être, par exemple, un ascenseur vétuste. C'est pourquoi l'amendement COM-111 précise qu'il s'agit, pour les situations d'insécurité mentionnées au 2°, uniquement de celles qui concernent le risque incendie.

Sur le second point, la rédaction issue de l'Assemble nationale est apparue imprécise et donc insatisfaisante puisqu'elle pourrait autoriser le maire à s'appuyer sur des entreprises privées spécialisées dans la sécurité incendie sans aucun cadre ni aucune définition de ces entreprises. Les conséquences du constat d'une situation d'insécurité pouvant aller jusqu'à la démolition de l'immeuble concerné, il convient, sans que le recours à de telles entreprises soit un problème per se, de laisser le juge administratif désigner ces entreprises en tant qu'« expert », comme le prévoit déjà l'actuel second alinéa de l'article L. 511-8 du code de la construction et de l'habitation.

Par ailleurs, la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité ne semble pas l'organe adéquat pour procéder, dans un délai très restreint, aux contrôles sur place que nécessite l'élaboration du rapport constatant la situation d'insécurité. En premier lieu, cette commission qui est, comme son nom l'indique, uniquement consultative, n'est pas compétente par défaut pour tous les types d'immeubles, mais, en ce qui concerne le risque incendie, pour les seuls établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur. En outre, dans la mesure où le secrétariat de sa sous-commission pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique est assuré par le directeur départemental de services d'incendie et de secours, le SDIS serait inutilement mobilisé deux fois.

C'est pourquoi le même amendement COM-111 restreint au seul SDIS la possibilité de dresser, hors de sa désignation comme expert par le juge administratif, des rapports constatant une situation d'insécurité.

En outre, afin d'éviter toute instrumentalisation des sapeurs-pompiers, notamment dans l'éventualité de relations de voisinage difficiles, le même amendement COM-111 précise que leur rapport est remis au maire, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou au préfet.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 12 bis ainsi modifié.

Article 14 bis
Prorogation et actualisation du régime dérogatoire aux règles d'indivision successorale pour les départements et régions d'outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon

L'article 14 bis a pour objet de proroger et d'actualiser certaines dispositions applicables dans les départements et régions d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, issues de la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 dite « loi Letchimy » qui a mis en place un régime dérogatoire aux règles générales d'indivision successorale. Ces mesures sont présentées comme un moyen « d'accélérer la résorption du désordre foncier » dans ces territoires.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de trois amendements présentés par sa rapporteure, qui ont notamment pour effet d'autoriser le recours aux actes de notoriété pour l'établissement de la qualité d'héritier.

1. La loi Letchimy a instauré un régime de gestion des indivisions successorales spécifiques à certains territoires ultra-marins

La loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite « loi Letchimy », a été adoptée, avec le soutien du Sénat, dans l'objectif de « résoudre les difficultés foncières ultramarines »26(*).

Ces difficultés, qui ne sont pas encore résolues aujourd'hui, ont été confirmées à la rapporteure par le Conseil supérieur du notariat. Le notariat ultramarin est structurellement confronté à « une problématique de successions non réglées depuis parfois trois ou quatre générations, générant des indivisions successorales composées souvent de plus de cinquante héritiers, parfois de plus de cent, sclérosées depuis plusieurs dizaines d'années, totalement enkystées »27(*). Ces successions non réglées freinent par la suite la lutte contre l'habitat dégradé.

Les notaires rencontreraient des difficultés à déterminer ou retrouver les héritiers, à reconstituer les titres de propriété anciens lorsqu'ils existent et à obtenir l'unanimité des co-indivisaires sur le partage ou la vente.

Ces constats ont été également dressés par le Sénat, notamment, encore récemment, à l'occasion du rapport d'information n° 799 (2022 - 2023) de Vivette Lopez et Thani Mohamed Soilihi sur le foncier agricole en outre-mer, déposé le 28 juin 202328(*).

Pour répondre à ces difficultés, la loi Letchimy a pour mesure principale de permettre de déroger à certaines règles du droit commun de l'indivision successorale dans les départements et les régions d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En particulier, elle permet de déroger à la règle de l'unanimité pour les ventes des biens concernés par une indivision successorale, au profit d'une règle de majorité simple. Quatre des cinq articles de la loi Letchimy sont modifiés, directement ou indirectement, par l'article 14 bis du projet de loi (voir infra).

L'article 1er autorise, pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans, un ou plusieurs indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis sur un bien immobilier, situé dans les territoires ultramarins visés, de vendre ce bien ou de procéder à son partage devant notaire. Il s'agit là d'une dérogation à l'article 815-3 du code civil qui dispose que « le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis ». Quatre exceptions à ce dispositif dérogatoire ont été prévues par le législateur :

- lorsque le bien concerné est un local d'habitation dans lequel réside le conjoint survivant ;

- lorsque l'un des indivisaires est mineur, sauf autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

- lorsque l'un des indivisaires est un majeur protégé, sauf autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

- enfin, lorsque l'un des indivisaires est présumé absent, sauf autorisation du juge des tutelles.

Ayant vocation à n'être que temporaire en raison de l'atteinte au droit de propriété qu'il peut représenter, ce dispositif ne s'applique que jusqu'au 31 décembre 2028.

L'article 2 autorise le notaire à accomplir la vente ou le partage à défaut d'opposition des indivisaires minoritaires, dans les trois mois suivant la notification du projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires, sa publication dans un journal d'annonces légales ainsi que sa publicité par voie d'affichage et sur un site internet. En cas d'opposition de la part des indivisaires qui ne sont pas à l'initiative du projet de vente ou de partage, il revient au tribunal judiciaire de trancher le litige.

L'article 3 a étendu le périmètre géographique et prorogé jusqu'en 2025 l'exonération du droit de partage de 2,5 %, prévue à l'article 750 bis C du code général des impôts, pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d'indivision.

Enfin, l'article 5 constitue une dérogation à l'article 887-1 du code civil, qui autorise l'annulation du partage successoral si un des cohéritiers y a été omis, en ne permettant aux héritiers omis « par la simple ignorance ou l'erreur », si le partage judiciaire a déjà été soumis à la formalité de la publicité foncière ou exécuté par l'entrée en possession des lots, qu'à recevoir leur part soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage.

2. L'article 14 bis proroge et actualise les dispositions dérogatoires aux règles d'indivision successorale applicables dans certains territoires d'outre-mer

Issu d'un amendement de séance présenté par les rapporteurs de l'Assemblée nationale travaillé avec la direction générale des outre-mer (DGOM) du ministère de l'intérieur et des outre-mer et la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice, l'article 14 bis porte plusieurs mesures de nature à renforcer le régime d'indivision successorale spécifique aux départements et régions d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ces mesures ont été présentées par les auteurs de l'amendement et par la DGOM comme un moyen de « libérer, accélérer et simplifier l'accès au foncier » dans ces territoires en « facilitant les sorties d'indivision ».

Elles répondent, selon le Conseil supérieur du notariat, à trois difficultés d'application de la loi Letchimy :

- la fréquente impossibilité, pour atteindre le seuil de la majorité simple instauré par la loi Letchimy, d'identifier tous les héritiers ;

- l'absence ou l'ancienneté, parfois de plus de deux cents ans, du titre de propriété ;

- enfin, le délai de réflexion légal de quatre mois qui est accordé aux indivisaires avant d'être contraints à accepter ou non la succession peut empêcher son règlement lorsqu'il est impossible d'identifier tous les héritiers.

a) La prorogation du régime dérogatoire en matière d'indivision successorale

Le I et le 1° du II de l'article 14 bis ont tous deux pour effet de proroger de dix ans le régime dérogatoire issu de la loi Letchimy (voir supra).

Alors que cette loi ne s'applique qu'aux projets de vente ou de partage notifiés avant le 31 décembre 2028 et aux actes effectués avant la même date, le 1° du II de l'article 14 bis proroge son application de dix ans, jusqu'au 31 décembre 2038.

Conséquemment, le I de l'article 14 bis procède à la même prorogation de dix ans, jusqu'au 31 décembre 2038, du dispositif fiscal déjà prorogé par l'article 4 de la loi Letchimy et régi par l'article 750 bis C du code général des impôts (voir supra).

b) L'actualisation de la loi Letchimy

Les 2°, 3° et 4° du II de l'article 14 bis ont pour objet de modifier marginalement la loi Letchimy.

Le a du 2° permet au notaire de ne notifier par acte extrajudiciaire l'acte de vente ou de partage qu'aux seuls indivisaires « qui ne sont pas à l'initiative du projet » de vente. En l'absence de cette précision, les notaires doivent, en l'état actuel du droit, notifier le projet d'acte de vente ou de partage à tous les indivisaires, y compris ceux qui en sont à l'initiative.

En conséquence, le b du même 2° prévoit que le notaire puisse remettre en mains propres, contre récépissé, le projet d'acte de vente ou de partage aux indivisaires qui sont à l'initiative du projet.

Le 3° du II modifie l'article 5 de la loi Letchimy afin que, lorsqu'un héritier a été omis de l'indivision successorale par simple ignorance ou erreur et que le partage judiciaire a déjà été exécuté, l'héritier omis ne puisse solliciter sa part qu'en valeur, et non plus, comme le prévoit l'état actuel du droit, « soit en nature, soit en valeur ».

Le 4° du II ajoute un article au sein de la loi Letchimy afin d'étendre aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2027 et non encore partagées à cette date l'application des articles 771 à 775 du code civil. D'après les éléments transmis à la rapporteure par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, il s'agit d'une erreur matérielle : ce sont les successions ouvertes avant 2007 qui auraient été initialement visées par le 4° du II de l'article 14 bis du projet de loi. Les cinq articles du code civil précités permettent de contraindre un héritier à « opter », c'est-à-dire accepter ou non la succession, à l'issue d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. En l'état actuel du droit, ces articles ne sont applicables qu'aux successions ouvertes depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, ce qui exclut donc les successions ouvertes avant juin 2006 et non encore partagées faute de l'identification des héritiers.

c) Un assouplissement des conditions de prescription de la propriété immobilière

Enfin, le III de l'article 14 bis prévoit deux nouvelles dérogations au code civil, en dehors du cadre fixé par la loi Letchimy. Ces dérogations seraient applicables dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin.

Alors que l'article 2272 du code civil fixe à trente ans le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière d'un bien litigieux, le 1° du III réduit ce délai à dix ans, et ce jusqu'au 31 décembre 2038. Cette prescription est notamment utilisée lorsqu'il n'existe pas de titre de propriété.

De même, alors que l'article 2261 du code civil conditionne la prescription à « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » du bien litigieux, le 2° du III précise que la possession par un indivisaire d'un immeuble dépendant d'une succession ouverte et non partagée avant l'entrée en vigueur de la présente loi est réputée non équivoque à l'égard de ses co-indivisaires, y compris durant la période de possession antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi.

3. L'adaptation de la loi Letchimy devrait faciliter sa mise en oeuvre et participer à résoudre les difficultés rencontrées par les notaires dans les territoires ultra-marins

En cohérence avec sa position lors de l'examen de la loi Letchimy en 2018, la commission a émis un avis favorable à l'article 14 bis du présent projet de loi, considérant que ces adaptations sont de nature à favoriser le déblocage des indivisions successorales, et donc la résorption du bâti dégradé, dans les territoires ultra-marins dans lesquels s'applique la loi Letchimy.

Elle a relevé que cet article 14 bis fait suite aux difficultés de terrain identifiées par les notaires et ayant fait l'objet de plusieurs propositions faisant consensus et ayant été reprises par le comité interministériel des outre-mer du 18 juillet 2023.

Elle a cependant réaffirmé, en raison du respect du droit de propriété et des principes généraux du droit civil, que le caractère dérogatoire de la loi Letchimy n'avait pas vocation à être pérennisé mais devait permettre de résoudre une situation problématique dont une issue est souhaitée par le législateur, afin de permettre un retour au droit commun dans les meilleures conditions.

Afin de parvenir à cet objectif, la commission a adopté trois amendements, présentés par sa rapporteure.

L'amendement COM-108 autorise le recours, dans le cadre de la loi Letchimy, aux actes de notoriété pour l'établissement de la qualité d'héritier, dans les conditions définies aux articles 730-1 à 730-5 du code civil. Cette modification vise à répondre aux difficultés rencontrées par les notaires pour identifier tous les indivisaires, alors que les biens indivis ne peuvent être vendus qu'avec l'accord minimal de 50 % des droits indivis. Or, l'appréciation de ce seuil de 50 % est parfois impossible, faute de connaitre avec certitude le nombre exact d'indivisaires.

L'amendement permet ainsi au notaire d'apprécier l'atteinte de ce seuil au regard d'un acte de notoriété dans lequel un ou plusieurs indivisaires déclareraient qu'ils sont, seuls ou avec d'autres qu'ils désignent, propriétaires indivis du bien, et dans quelles proportions.

Le notaire devra, comme c'est le cas pour tous les actes de notoriété, s'assurer de la sincérité et de la vraisemblance de ces déclarations. Il pourra, au besoin, appeler à l'acte toute personne dont les dires lui paraîtraient utiles.

L'amendement COM-109 supprime la précision selon laquelle le partage doit être « judiciaire » pour que l'héritier ayant été omis puisse solliciter sa part en valeur, sans annulation du partage. La suppression du terme judiciaire permettra ainsi d'inclure les partages conventionnels, qui constituent le mode privilégié de partage successoral.

Enfin, l'amendement COM-110 procède à la correction d'une erreur matérielle au 4° du II de l'article 14 bis, puisque ce sont bien les successions ouvertes avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités qui sont ciblées, et non celles ayant été ouvertes avant le 1er janvier 2027.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 14 bis ainsi modifié.

Article 15 bis
Possibilité pour le préfet de consulter le conseil départemental compétent en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques (CoDERST) avant de prendre les arrêtés relatifs au traitement de l'insalubrité outre-mer.

L'article 15 bis, issu de deux amendements identiques du Gouvernement et des rapporteurs adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à prévoir le caractère facultatif de la saisine du CoDERST dans le cadre des procédures de lutte contre l'habitat insalubre dans les outre-mer, à l'instar de ce qui est déjà possible en métropole.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification

1. Un organisme chargé de se prononcer sur la qualification de l'insalubrité

Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) concourt à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi, dans le département, des politiques publiques dans les domaines de la protection de l'environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques. Il est chargé d'émettre un avis sur les projets d'actes réglementaires et individuels en matière d'installations classées, de déchets, de protection de la qualité de l'air et de l'atmosphère, d'eaux destinées à la consommation humaine et de police de l'eau et des milieux aquatiques.

Le CoDERST est également amené à se prononcer sur les dossiers relatifs à l'insalubrité des logements. En l'espèce, il se prononce explicitement sur le caractère irrémédiable ou non de l'insalubrité du bâtiment.

Le préfet est lié par cet avis sur la qualification de l'insalubrité : si le CoDERST conclut au caractère irrémédiable de l'insalubrité, le préfet doit déclarer l'immeuble insalubre à titre irrémédiable et prononcer une interdiction définitive d'habiter, effective au plus tard dans le délai qu'il fixe et qui ne peut excéder un an.

2. La nécessité de simplifier une procédure lourde

Afin d'accélérer les procédures de résorption de l'habitat indigne, l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations a rendu cette saisine facultative pour les procédures relevant du droit commun de l'insalubrité, mais n'a pas élargi ce caractère facultatif aux procédures d'insalubrité relevant de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.

L'article 15 bis étend donc le caractère facultatif de la saisine afin d'alléger les procédures et de permettre la saisine du CoDERST dans les cas où il est susceptible d'apporter une plus-value en termes d'analyse et de sécurisation juridique des décisions. L'audition du préfet de Mayotte a par ailleurs permis de constater que les procédures de destruction de l'habitat informel étaient de mieux en mieux préparées et de moins en moins susceptibles d'annulation par le juge administratif.

La commission estime donc que la simplification proposée par cet article est appropriée.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 15 bis sans modification.


* 1 Décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010.

* 2 Rapport n° 1329 (XIVe législature) de Daniel Goldberg et Audrey Linkenheld, fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi sur l'accès au logement et un urbanisme rénové, déposé le 26 juillet 2013.

* 3 Rapport n° 65 (2013-2014) de Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, déposé le 9 octobre 2013.

* 4 Amendement n° 337, présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale lors des débats en séance publique sur le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

* 5 Article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation.

* 6 Il s'agit des offices publics de l'habitat, des sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré, des sociétés anonymes coopératives de production et des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif d'habitations à loyer modéré.

* 7 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 8 Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.

* 9 Selon le compte rendu de la première séance publique de l'Assemblée nationale du mardi 23 janvier 2024.

* 10 Voir l'exposé des motifs des amendements n° 230 et n° 267, présentés par Jean-Louis Bricout et plusieurs de ses collègues, sur le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

* 11 Rapport n° 2066 (XVIe législature) fait par Lionel Royer-Perreaut et Guillaume Vuilletet au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, déposé le 17 janvier 2024.

* 12 Rapport n° 811 (2022 - 2023) fait par Guillaume Gontard au nom de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, intitulé « Rénovation énergétique des logements : relever le défi de l'accélération », déposé le 29 juin 2023.

* 13 Voir le commentaire de l'article 5 bis pour une description plus détaillée de la procédure de l'article 29-1.

* 14 Article L. 741-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 15 Ce droit est régi par l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme.

* 16 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989.

* 17 Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

* 18 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 19 Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

* 20 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 21 Toutes ces règles sont définies à l'article L. 511-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 22 En application de l'article L. 511-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 23 Conseil d'État, décision n° 450188 du 16 juillet 2021.

* 24 Conseil d'État, décision du 15 avril 2015 n° 369548.

* 25 Article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation.

* 26 Rapport n° 379 (2017-2018) de Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, déposé le 28 mars 2018.

* 27 Réponses écrites du Conseil supérieur du notariat au questionnaire de la rapporteure.

* 28 Ce rapport a été rédigé dans le cadre de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

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