EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Stéphane Sautarel sur la proposition de loi n° 406 (2023-2024), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements.

M. Claude Raynal, président. - Notre commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. La commission des affaires économiques nous a délégué les articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B pour examen sur le fond.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - L'examen de la présente proposition de loi s'inscrit dans un double contexte de mutation des modes de travail et de crise du logement. En effet, alors que 27 % des surfaces de bureaux pourraient être libérées du fait de l'essor du télétravail en Île-de-France, le nombre d'autorisations de construction de logements neufs a chuté d'environ 20 %, ce qui représente près de 100 000 logements par an.

En outre, cette proposition de loi présente un intérêt renouvelé par l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d'ici à 2050 - et, plus proche de nous, de réduction de moitié de la consommation d'espace entre 2021 et 2030 -, dont les implications financières font l'objet d'une mission d'information menée par notre commission des finances.

Malgré leur intérêt certain au regard des objectifs de développement du logement abordable et de réduction des émissions de CO2 et de l'artificialisation des sols, les opérations de conversion de bureaux en logements sont toutefois encore assez rares : 800 opérations sont autorisées chaque année, représentant environ 2 000 logements, soit 2 % environ des créations annuelles de logements.

Ces opérations font en effet face à des difficultés de tous ordres : nécessité d'adapter l'aménagement intérieur, mais aussi les équipements techniques, la façade, parfois même le gros oeuvre. Les difficultés relèvent aussi de l'acceptabilité locale : les riverains préféreront souvent des bureaux inoccupés le soir et en fin de semaine, gage de tranquillité, bien que l'arrivée de nouveaux habitants présente aussi des effets positifs, attirant des commerces ou des activités de services. Face à tous ces enjeux, les maires sont en première ligne.

Cette proposition de loi vise à apporter une réponse à ces difficultés. Adoptée le 7 mars dernier par l'Assemblée nationale, elle a été renvoyée à la commission des affaires économiques, qui a délégué à notre commission l'examen au fond des articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B. Il s'agit du volet fiscal de la proposition de loi, qui a pour objet d'aplanir certains des obstacles qui s'opposent à la création de logements à partir de locaux professionnels. Le traitement fiscal de ces opérations est en effet l'un des éléments pris en compte par les porteurs de projets dans leur calcul économique, mais aussi par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour autoriser les opérations.

Les articles 2, 3 et 3 bis B prévoient l'application de la taxe d'aménagement aux opérations de transformation de bureaux en logements, qui n'y sont pas soumises dans le droit actuel si elles n'occasionnent pas de création de surface.

L'article 2 permet aux collectivités ayant institué la taxe d'aménagement d'assujettir, si elles délibèrent en ce sens, les opérations de transformation de bureaux en logements à cette taxe. Imposer une catégorie d'opérations afin de favoriser leur réalisation peut paraître paradoxal. Il n'en est toutefois rien. En effet, les opérations de transformation de bureaux en logements, même si elles ne créent pas de surface nouvelle, font venir des populations nouvelles et créent donc des besoins nouveaux, en particulier lorsque des établissements scolaires ou des structures pour la petite enfance doivent être créés ou étendus, établissements que la taxe d'aménagement a pour objet de financer. L'assujettissement à la taxe d'aménagement a ainsi été décrit comme indispensable par nombre de personnes entendues et comme élément d'incitation et d'acceptabilité pour les communes.

Je vous propose toutefois un amendement qui vise à trouver le juste équilibre entre la nécessité de réduire l'impact de la taxe sur l'équilibre économique des projets tout en préservant l'apport de ressources aux collectivités du bloc communal. Mon amendement de réécriture de l'article 2 prévoit ainsi de transformer l'assujettissement facultatif prévu par le texte en assujettissement de droit, tout en permettant aux collectivités d'exonérer les opérations concernées en fonction de la situation locale ; d'assujettir à la taxe d'aménagement toutes les transformations de locaux en logements, quelle que soit leur destination d'origine - je pense par exemple à des locaux commerciaux -, car la limitation aux transformations de bureaux n'est pas justifiée au regard de l'objectif de la proposition de loi ; de n'instituer que la part communale de la taxe d'aménagement pour ces opérations, en cohérence avec l'objectif de favoriser l'attribution des autorisations d'urbanisme par la collectivité compétente, mesure qui permettrait de diminuer d'environ un tiers le poids de la taxe d'aménagement ; enfin, d'introduire un abattement de 50 % sur l'assiette de la taxe, afin de prendre en compte l'existence d'équipements déjà financés par la taxe d'aménagement lors de la construction initiale de l'immeuble.

L'article 3 définit l'assiette de la taxe d'aménagement pour les opérations de transformation de bureaux en logements par transposition des règles applicables aux nouvelles constructions. Dans un souci de clarté, il vous est proposé de transférer les dispositions relatives à l'assiette au sein de l'article 2 et de supprimer en conséquence l'article 3.

Pour conclure sur la taxe d'aménagement, l'article 3 bis B, qui prévoit que l'EPCI pourrait reverser à ses communes membres une partie du produit de la taxe ainsi instituée, est satisfait par le droit existant, qui prévoit déjà une telle mesure pour la taxe d'aménagement dans son ensemble. Alors que l'utilité d'une délibération spécifique n'est pas avérée, les difficultés réelles posées par les modalités actuelles de répartition du produit de la taxe d'aménagement entre une intercommunalité et ses communes membres, par exemple lorsque les communes n'obtiennent pas le reversement correspondant à la charge des équipements publics qu'elles entretiennent, faute de décision en ce sens de la part de l'intercommunalité, posent une question plus large que cette proposition de loi ne saurait traiter. Il vous est proposé de supprimer cet article.

Enfin, l'article 3 bis A prévoit l'exonération des bureaux faisant l'objet d'une transformation en logements de la taxe sur les bureaux (TSB) et autres locaux professionnels due en Île-de-France et dans les départements littoraux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Je conviens qu'il n'est pas souhaitable de soumettre à la TSB des locaux dont la transformation en logement est en cours, dans la mesure où cela peut constituer un frein à ces opérations.

Je note toutefois que la rédaction de l'article peut être améliorée : en faisant porter l'exonération sur l'ensemble des transformations de locaux en logements, quelle que soit la destination d'origine, pour les raisons déjà exposées ci-dessus au sujet de l'application de la taxe d'aménagement, notamment en ciblant l'exonération sur les locaux destinés à être transformés en locaux à usage d'habitation, ce qui garantit qu'elle ne favorisera pas les transformations de bureaux et autres locaux professionnels en meublés de tourisme ou en résidence de tourisme qui ne contribuent pas à l'objectif de la proposition de loi, qui consiste à lutter contre la crise du logement ; en appliquant l'exonération à des projets ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme et qui sont vacants, car un bureau toujours occupé doit continuer à être soumis à cette taxe ; enfin, en prévoyant un engagement et un mécanisme d'amende pour le cas où l'engagement de transformation des locaux en logements ne serait finalement pas respecté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce n'est pas avec une multitude de propositions de loi sur différents sujets que l'on pourra résoudre la crise du logement. Le Gouvernement semble avoir modifié son approche, et renonce à un texte complet sur le logement. Néanmoins, ce texte propose une avancée ; dont acte.

J'ai dans l'idée qu'il pourrait être intéressant que des immeubles associent des activités de bureaux et des locaux à usage d'habitation. Les cas de vacance, notamment au regard des règlements de copropriété et des nécessaires prises de décision, peuvent créer de grandes difficultés. Cette proposition de loi aborde-t-elle le sujet ?

M. Arnaud Bazin. - En Île-de-France, nous comptons 5 millions de mètres carrés de bureaux vacants, et peut-être bientôt 10 ou 15 millions. La question est donc très importante. Je m'interroge cependant sur la pertinence d'un apport financier unique, en une fois, alors que les besoins, eux, sont pérennes. Certes, il faut parfois construire une école, mais il faut aussi assurer son fonctionnement. Voilà qui touche au financement des collectivités. Présenter comme seule solution pour l'accueil de nouveaux habitants la taxe d'aménagement me semble un peu court ; je crains que nous n'emportions pas l'adhésion des maires.

Par ailleurs, que prévoit le texte en matière de création de commerces en pied d'immeuble ? La taxe d'aménagement s'imposera-t-elle ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - Ce texte n'aborde qu'un volet des difficultés du secteur du logement ; néanmoins il reste pertinent, en nous invitant à une forme de sobriété foncière.

Le texte ne porte que sur les surfaces transformées : au sein d'un même immeuble, une seule partie peut être concernée, l'autre conservant des activités tertiaires. Dès lors, la taxe d'aménagement ne s'appliquerait qu'aux surfaces transformées.

Monsieur Bazin, le texte présente un paradoxe apparent : l'instauration de la taxe d'aménagement augmente le coût de la transformation de ces locaux pour les promoteurs et les investisseurs, tandis que, sans dispositif incitatif à destination des collectivités locales, en particulier du bloc communal, des blocages apparaissent. C'est la raison pour laquelle je vous propose des amendements qui visent, d'une part, à limiter le bénéfice de cette taxe d'aménagement au seul bloc communal et, d'autre part, à instaurer un abattement de 50 %, considérant que certains équipements ont déjà été mis en place. Par ailleurs, la commune conserve la possibilité d'accorder une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) sur cinq ans. Toutefois, cela ne répond pas, à long terme, à la question des charges qui incomberaient à la collectivité à la suite de reconversions de quartiers.

De plus, nous élargissons le champ de la transformation puisque des locaux industriels pourraient aussi être concernés. Mais contrairement à sa version initiale, nous précisons que la transformation doit se faire en locaux d'habitation : la question de la transformation de bureaux en commerces n'est pas traitée par le texte.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, nous vous proposons de considérer que, pour les articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B de la présente proposition de loi, le périmètre comprend les mesures relatives à la fiscalité des opérations de transformation de bureaux et autres locaux non destinés à l'habitation en locaux destinés à l'habitation.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2 (délégué)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-4 vise à supprimer l'exigence d'une délibération spécifique pour assujettir une opération de transformation à la taxe d'aménagement. L'assujettissement est donc de droit, tout en conservant une possibilité d'exonération.

Ensuite, pour éviter un risque de rupture d'égalité devant l'impôt, nous étendons cet assujettissement à toutes les opérations de transformation, au-delà même des bureaux.

De plus, dans un souci de clarté, nous souhaitons transférer à l'article 2 les dispositions relatives à l'assiette de la taxe d'aménagement, tout en proposant un abattement de 50 % visant à prendre en compte les équipements existants.

L'amendement COM-4 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 2 ainsi rédigé.

Article 3 (délégué)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - L'amendement de suppression  COM-5 tire les conséquences de l'amendement précédent, qui avait pour objet, entre autres, de transférer les dispositions relatives à l'assiette de la taxe d'aménagement au sein de l'article 2.

L'amendement COM-5 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 3.

Article 3 bis A (nouveau) (délégué)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - Par l'amendement  COM-6, je propose une nouvelle rédaction de l'article, dans un souci de clarté : l'exonération de taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels ne sera possible que si les locaux sont effectivement vacants. Une pénalité est aussi prévue si l'engagement de transformation n'était pas respecté : l'opération serait alors assujettie, moyennant une majoration de 25 %.

L'amendement COM-6 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 3 bis A ainsi rédigé.

Article 3 bis B (nouveau) (délégué)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis. - Je propose, au travers de l'amendement  COM-7, de supprimer l'article, considérant que le dispositif est satisfait.

L'amendement COM-7 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 3 bis B.

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