N° 130

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de financement
de la
sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025,

Par M. Vincent DELAHAYE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) :

325, 480 et 487

Sénat

129 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 porte sur près de 600 milliards d'euros de dépenses publiques. Comme chaque année, en raison de sa part dans les finances publiques, la commission des finances s'en est saisie pour avis.

I. EN 2024, UNE DÉGRADATION DRASTIQUE DU DÉFICIT PAR RAPPORT À LA PRÉVISION

Après avoir atteint en 2020 un niveau proche de 40 milliards d'euros, le déficit de la sécurité sociale s'était réduit et atteignait ainsi 10,8 milliards d'euros en 2023. En 2024, le déficit de la sécurité sociale se dégrade de nouveau, avec 18 milliards d'euros. L'essentiel est porté par la branche maladie (- 14,6 milliards d'euros) et la branche vieillesse (- 6,3 milliards d'euros), en particulier la CNRACL (- 3,4 milliards d'euros). La LFSS pour 2024 prévoyait pourtant un déficit de 10,5 milliards d'euros, donc plus faible de 7,5 milliards d'euros.

Évolution du solde des branches des régimes obligatoires de base et du FSV
entre 2018 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après le PLFSS pour 2025

A. DES RECETTES NETTEMENT MOINS ÉLEVÉES QU'ATTENDU

L'écart à l'anticipation de la LFSS pour 2024 s'explique en grande partie par la minoration de 6,6 milliards d'euros des recettes attendues.

En particulier, l'élasticité des recettes de TVA a été surestimée, la croissance française ayant été tirée moins par la consommation des ménages que par les exportations. Toutefois, la surestimation de la croissance économique, de 1,1 % et non de 1,4 % comme envisagé, a majoré les estimations des recettes. Or le Haut Conseil des finances publiques avait déjà estimé la prévision de croissance de 2024 « élevée » en septembre 2023.

Une partie de la surestimation des recettes aurait donc pu être évitée par des prévisions macroéconomiques moins optimistes.

B. UNE HAUSSE INCONTRÔLÉE DES DÉPENSES

L'autre explication tient à la hausse de 5,3 % des dépenses, contre + 3,1 % en 2023, portées notamment par la branche retraite et la branche maladie.

En particulier, la revalorisation des pensions de retraite a coûté 15,6 milliards d'euros. L'Ondam 2024 est également dépassé de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'objectif voté en LFSS pour 2024. La principale cause est la sur-exécution du sous-objectif « soins de ville », en hausse de 4 % par rapport à 2023.

II. UN DÉFICIT ÉLEVÉ EN 2025, MAIS CONTENU GRÂCE AUX MESURES DU PLFSS POUR 2025

La prévision de déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV est de 16 milliards d'euros pour 2025, soit une baisse de 2 milliards d'euros par rapport à 2024.

Évolution du solde des branches de la sécurité sociale entre 2023 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

A. UN RALENTISSEMENT TENDANCIEL DE LA CROISSANCE DES RECETTES

En 2025, les recettes de la Sécurité sociale augmenteraient de seulement 3,2 %, en raison notamment de la baisse de l'inflation, alors qu'elles devraient progresser de 4,2 %entre 2023 et 2024.

Les mesures en recettes du présent PLFSS portent essentiellement sur la refonte des allègements généraux (+ 5,1 milliards d'euros), minoré d'une baisse d'affectation de TVA de 1 milliard d'euros, ainsi que sur la hausse de 4 points du taux de cotisation de la CNRACL (+ 2,3 milliards d'euros).

Décomposition de la hausse des recettes de la Sécurité sociale pour 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 3 du PLFSS pour 2025

Le déficit de la CNRACL serait de 4,8 milliards d'euros en 2025, si aucune nouvelle mesure n'est prise. Toutefois, il faut noter qu'en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL a dû verser près de 700 millions d'euros en 2023, perçus essentiellement par les caisses de retraite agricoles. L'augmentation des cotisations employeur représenterait de plus un poids important pour les finances des collectivités territoriales. Le débat parlementaire doit permettre de trouver un compromis soutenable pour les collectivités.

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES, MAIS DES MESURES D'ÉCONOMIES SUBSTANTIELLES DANS LE PLFSS

Après une forte accélération en 2024 (+ 5,3 %), les dépenses n'augmenteraient en 2025 que de 2,8 %. Les mesures de baisse de dépenses portent essentiellement sur le décalage de la revalorisation des pensions de 2,3 % du 1er janvier au 1er juillet (3,1 milliards d'euros) et sur l'ONDAM (1,6 milliard d'euros), qui n'augmenterait que de 2,8 % par rapport à 2024.

À noter que, même si les dépenses de crise sanitaire ont disparu en tant que telles, celle-ci a entrainé une hausse structurelle des dépenses de l'ONDAM compte tenu de l'état constaté du système de santé français.

En particulier, les dépenses liées au Ségur représentent un surcoût de 13 milliards d'euros par an.

III. UNE REMONTÉE DES DÉFICITS JUSQU'EN 2028 : L'IMPASSE DU FINANCEMENT DE LA DETTE SOCIALE

Le déficit de la sécurité sociale continuerait à se dégrader, pour atteindre 19,9 milliards d'euros en 2028, soit un niveau presqu'équivalent à celui de 2022.

Solde des régimes obligatoires de base et du FSV entre 2019 et 2028

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les annexes du PLFSS pour 2025

Compte tenu du plafond de reprise fixé à 136 milliards d'euros par la loi organique du 7 août 2020, la Cades ne pourra plus recevoir de nouveaux transferts de dette en 2025. Or l'ACOSS n'a pas vocation à porter à long terme des montants élevés de dette sociale. Dans ces conditions, une nouvelle reprise de dette par la Cades apparait très probable.

IV. LE POIDS DU FINANCEMENT DES RETRAITES SUR LES DÉPENSES PUBLIQUES : UNE INFORMATION INSUFFISANTE DU PARLEMENT

À l'exception notable des régimes des professions libérales, des avocats et des clercs et employés de notaires, les cotisations ne permettent pas de couvrir l'ensemble des prestations servies pour la plupart des régimes de retraite de base.

Ratio de cotisations sur les pensions de retraites servies

(en pourcentage)

CRPCEN : caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ; CNIEG : caisse nationale des industries électriques et gazières ; FSPOEIE : fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État ; ENIM : établissement national des invalides de la marine.

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Toutefois, concernant le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État, afin d'équilibrer le système, l'État verse directement une cotisation dite « d'équilibre », mais à un taux de cotisation beaucoup plus élevé que dans le privé (98 % en moyenne, contre 15,5 % pour le régime général). Un même système est utilisé pour la CNRACL.

En distinguant les cotisations dites normales, relevant d'un taux de cotisation employeur de 28 %, soit le taux plafond légal aux cotisations, de ce qui relève de la subvention, les cotisations relevant d'un taux « normal » et les impôts et taxes affectées ne couvrent que 81 % du coût des retraites. Le besoin de financement du système des retraites s'élève ainsi à 72 milliards d'euros en 2023.

Il est particulièrement dommage que le PLFSS ne présente pas cette information de façon claire. Un couplage avec une présentation du solde des retraites pour l'ensemble de la sphère publique, comme le recommande ma collègue Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », serait bienvenu.

Réunie le 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, sous réserve de l'adoption des amendements proposés par la commission des affaires sociales, après un avis de sagesse du rapporteur.

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