IV. LE POIDS DU SYSTÈME DES RETRAITES SUR LES DÉPENSES PUBLIQUES, UN ANGLE MORT DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

A. UN FINANCEMENT DU SYSTÈME DES RETRAITES FONDÉ SUR DES SUBVENTIONS ET NON UNIQUEMENT SUR DES COTISATIONS

1. Une dégradation à venir du déficit lié au système des retraites

En 2023, les dépenses de l'ensemble du système des retraites, c'est-à-dire incluant les pensions versées par les régimes de retraite complémentaires, s'élèvent à 378,3 milliards d'euros, soit 13,4 % du PIB. Elles représenteraient 13,8 % du PIB en 2024 selon le scénario de référence du Conseil d'orientation des retraites17(*) (COR), soit une hausse de 3 %, en raison essentiellement de l'indexation des pensions sur l'inflation. Le décalage de cette indexation de 2,3 % du 1er janvier 2025 au 1er juillet devrait atténuer cette hausse des dépenses.

La part des dépenses de retraite dans le PIB devrait rester relativement stable dans le temps, représentant 13,7 % du PIB en 2030, 13,4 % du PIB en 2050 et 13,2 % du PIB selon le scénario de référence du COR.

Les ressources du système des retraites s'élèvent quant à elles en 2023 à 382 milliards d'euros, représentant 13,5 % du PIB. Le solde du système des retraites est donc légèrement positif en 2023, à hauteur de 1 % du PIB, représentant 3,8 milliards d'euros. Cet excédent provient dans une large mesure « des régimes complémentaires des salariés du secteur privé, des contractuels de la fonction publique et des indépendants », selon le COR. Le régime de base des salariés du secteur privé et des indépendants est en effet à l'équilibre en 2023. Le régime des fonctionnaires de l'État et les régimes spéciaux sont par construction à l'équilibre, en raison des contributions et des subventions de l'État. En revanche, le régime de la CNRACL est fortement déficitaire, à hauteur de 2,5 milliards d'euros (voir supra).

En 2024, les ressources du système des retraites devraient représenter 13,6 % du PIB, impliquant un déficit de 0,2 % du PIB.

La part des ressources du système des retraites dans le PIB devrait diminuer encore davantage dans le temps, notamment en raison des évolutions démographiques. Elle ne représenterait que 13,3 % du PIB en 2030, 12,6 % du PIB en 2050 et 12,4 % du PIB en 2070.

Le solde du système des retraites devrait donc être de plus en plus déficitaire. Il serait de - 0,4 % en 2030 et de - 0,8 % en 2050 et en 2070. Cette situation est d'autant plus inquiétante pour les finances publiques que le financement des retraites repose déjà sur des subventions des administrations publiques.

Évolution du solde du système des retraites entre 2000 et 2070

(en pourcentage du PIB, prévisions à partir de 2024)

Source : commission des finances d'après le COR

2. Un financement des retraites dépendant des subventions publiques

Le financement des régimes de retraite obligatoires de base en France n'est pas assuré exclusivement par les cotisations sociales. Celles-ci, selon le Conseil d'orientation des retraites, représentent 66,5 % des ressources du système des retraites, à hauteur de 256,8 milliards d'euros, hors cotisations dites « employeurs » de l'État au bénéfice des fonctionnaires.

Les contributions d'équilibre de l'État au régime des fonctionnaires, représentent quant à elles 45 milliards d'euros, soit 11,6 % des ressources.

Les impôts et taxes affectés correspondent à 54,5 milliards d'euros, soit 14,1 % des ressources.

Enfin, 25,7 milliards d'euros, soit 6,6 % des ressources, correspondent à des subventions versées au système de financement des retraites. Elles recouvrent :

11,7 milliards d'euros versés par l'État, dont 7,8 milliards aux régimes spéciaux déficitaires au titre d'une « subvention d'équilibre » et 3,9 milliards d'euros versés aux différents régimes de base en raison des exonérations de cotisations qui sont compensées ;

10,3 milliards d'euros versés par la CNAF, excédentaire ;

3,7 milliards d'euros versés par l'Unédic, également excédentaire.

Sans ces subventions, le système des retraites serait déficitaire à hauteur de 21,9 milliards d'euros, soit un déficit plus élevé que celui de l'ensemble de la Sécurité sociale en 2023, qui s'élève à 10,8 milliards d'euros.

Structure des ressources des régimes obligatoires de base de retraite
de la sécurité sociale en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après le COR

3. Des cotisations insuffisantes pour financer les pensions servies pour la quasi-totalité des régimes de base

On constate qu'à l'exception notable des régimes des professions libérales, des avocats et des clercs et employés de notaires, les cotisations ne permettent pas de couvrir l'ensemble des prestations servies pour la plupart des régimes de retraite de base, y compris le régime général. Ainsi, les cotisations ne représentent que 70 % des pensions servies par le régime général, 62 % des pensions des industries électriques et gazières (IEG) ou encore 93 % des pensions des fonctionnaires des collectivités territoriales. Le ratio démographique est en effet en général insuffisant pour couvrir les besoins des régimes : à l'exception du régime de retraite des avocats, le nombre de cotisants ne représente jamais le double du nombre de pensionnés.

Régimes de base de retraite

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Ratio de cotisations sur les pensions de retraites servies

(en pourcentage)

CRPCEN signifie caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ; CNRACL : caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; CNIEG : caisse nationale des industries électriques et gazières ; FSPOEIE : fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État ; ENIM : établissement national des invalides de la marine.

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Il faut toutefois noter ici que pour le régime des fonctionnaires de l'État, seules les cotisations salariales et les cotisations « employeur » des opérateurs l'État sont décomptées, et non les cotisations versées par l'État lui-même en tant qu'employeur (voir supra pour davantage de précisions sur les cotisations « employeurs » de l'État, ainsi que le rapport18(*) budgétaire sur la mission « Régimes sociaux et de retraites » de la loi de finances pour 2024 et du PLF 2025).


* 17 Rapport annuel du COR, juin 2024.

* 18 Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 25, Mme Vermeillet, déposé le 23 novembre 2023.

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