II. LA MUSIQUE CLASSIQUE DANS LES QUARTIERS : DES INITIATIVES À SOUTENIR, DES LEÇONS À RETENIR
A. LE PROJET DÉMOS ET LA PHILHARMONIE DES QUARTIERS, DEUX EXEMPLES DE RÉUSSITE
L'apprentissage de la musique classique peut sembler anecdotique au regard des problématiques des quartiers prioritaires. Toutefois, cet outil peut s'avérer être d'une grande efficacité. D'abord, cet apprentissage donne la possibilité d'accéder à une musique de répertoire dont les habitants des quartiers se sentent exclus. Ensuite, un orchestre est une sorte de « société idéale » avec ses règles strictes qu'il faut apprendre à respecter. Ce sont donc autant de savoir-faire et de savoir-être qui peuvent être acquis grâce à la musique classique. Deux projets, l'un national, l'autre local, prouvent ces bienfaits : le projet Démos et la Philharmonie des quartiers.
Le projet Démos, piloté par la Philharmonie de Paris, vise à faciliter l'apprentissage de la musique classique à des enfants de sept à douze ans habitant dans des QPV ou dans des zones de revitalisation rurale. Créé en 2010, le projet compte désormais 45 orchestres et a accompagné plus de 10 000 enfants. Concrètement, chaque enfant se voit confier un instrument pour trois ans. Les enfants, réunis par groupes d'une quinzaine, suivent quatre heures d'ateliers hebdomadaires, encadrés par deux intervenants artistiques et un professionnel du champ social.
Déploiement du projet Demos en 2024
La Philharmonie des quartiers a, quant à elle, été fondée en 2018 par le chef d'orchestre Phillipe Hui, à Saint-Nazaire, qui vise à créer des orchestres à cordes d'une trentaine d'enfants résidant dans les QPV. Ces enfants se voient eux aussi confier des instruments, sur un cycle d'initiation de un à deux ans qui comprend une à deux séances hebdomadaires. Chaque séance est animée par le chef d'orchestre de la Philharmonie des deux mondes, assisté de divers musiciens-tuteurs de spécialité différente. Outre la musique, les enfants découvrent les fondamentaux du chant. À la fin du cycle de deux ans, les enfants qui le souhaitent peuvent poursuivre leur apprentissage de la musique et sont ensuite orientés vers le conservatoire de Saint-Nazaire.
De tels programmes supposent des moyens humains, et donc financiers, importants. Financé essentiellement par des crédits du ministère de la culture, mais aussi par des crédits des ministères de l'éducation nationale, des outre-mer et de la ville, le coût annuel du projet Démos pour l'État est d'environ 4 millions d'euros. Un tel projet peut, de prime abord, sembler trop coûteux et le nombre d'acteurs impliqués excessif pour un projet qui vise à étendre l'apprentissage de la musique classique.
Toutefois, les bénéfices d'un tel projet excèdent largement le seul apprentissage de la musique classique. Sur le plan scolaire, des évaluations commandées par la Philharmonie de Paris montrent que les enfants participant au projet Démos connaissent une progression remarquable. À Strasbourg, les résultats scolaires des enfants des quartiers étaient, après 3 ans de participation au projet, légèrement meilleurs que la moyenne des résultats des autres enfants scolarisés dans la ville. À Marseille, un même phénomène de progression a pu être observé sur des enfants qui connaissaient de très grandes difficultés scolaires.
Au-delà des résultats scolaires, de tels projets redonnent de la confiance et de la fierté à des parents et des enfants qui en manquent souvent. Le lien social et associatif en sort aussi renforcé. Il y a un gain en matière de citoyenneté. À Clermont par exemple, un orchestre Démos avait été institué pour trois ans, à la fin du programme, des mères de famille se sont associées de leur propre initiative pour créer leur propre orchestre montrant l'appropriation du projet localement.