- L'ESSENTIEL
- I. L'INCOMPRÉHENSIBLE BAISSE DES MOYENS DE
L'AUDIOVIOSUEL EXTÉRIEUR
- II. DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENTS
MENACÉS AU DÉTRIMENT DE L'INFLUENCE DE LA FRANCE DANS LE
MONDE
- I. L'INCOMPRÉHENSIBLE BAISSE DES MOYENS DE
L'AUDIOVIOSUEL EXTÉRIEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 146 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
TOME X AUDIOVISUEL PUBLIC France Médias Monde (Programme 375), |
Par M. Roger KAROUTCHI et Mme Mireille JOUVE, Sénateur et Sénatrice |
(1) Cette commission est composée de :
M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal
Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret,
Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau,
Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal,
vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette
Lopez, MM. Hugues Saury, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
L'aggravation des crises internationales confirme à nouveau, cette année, la nécessité pour les démocraties de disposer de médias puissants produisant une information de référence diffusée largement à l'international. A l'occasion de l'examen du PLF 2024, les rapporteurs avaient constaté une prise de conscience, notamment au sein du MEAE, de l'importance de la « guerre des narratifs » et de la nécessité pour les entreprises de l'audiovisuel extérieur de devenir des acteurs à part entière de la diplomatie d'influence.
Cette prise de conscience aurait dû avoir au moins deux conséquences : un surcroît de moyens en niveau pour l'audiovisuel extérieur et la reconduction de cette hausse des moyens dans la durée pour assurer la prévisibilité nécessaire à tout projet de développement.
Dans l'avis1(*) de l'année dernière les rapporteurs avaient fait le constat de moyens consacrés à l'audiovisuel extérieurs globalement préservés compte tenu de l'inflation. La hausse des moyens de France Médias Monde (+5,1% à 299 M€) et de TV5 Monde (+4,4% à 83,5 M€) ne répondait toutefois qu'imparfaitement aux attentes des rapporteurs car elle demeurait limitée en niveau et, surtout, elle n'était pas confirmée dans la durée puisque la programmation pluriannuelle annoncée à l'automne dernier prévoyait une moindre augmentation en 2025 et 2026 (+2,6% en 2025 et +1,9% en 2026 pour FMM et +1,5% et +1,54% pour TV5 Monde). Alors que la guerre informationnelle sévissait déjà sur tous les continents on constatait un décalage entre la prise de conscience et les moyens déployés. La commission avait néanmoins adopté un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2024 appelant de ses voeux une réévaluation exceptionnelle à partir de 2025 qui pourrait s'inscrire dans une révision plus générale des moyens de notre politique d'influence.
La situation à l'automne 2024 se présente donc bien différemment de ce que les rapporteurs escomptaient car non seulement l'audiovisuel extérieur ne bénéficiera pas d'une attention plus soutenue dans le contexte international toujours plus contesté, mais il devra subir une baisse de ses crédits en contradiction avec toutes les perspectives esquissées depuis un an.
Même si le contexte budgétaire est particulièrement difficile cette année, les rapporteurs déplorent les choix faits en matière de financement de l'audiovisuel extérieur dans le PLF 2025. Ces choix portent atteinte à l'influence de la France dans le monde à un moment critique. Les rapporteurs regrettent, en particulier, que le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde (FMM) transmis au Parlement cet été soit déjà caduc avant même son adoption définitive et que le Gouvernement envisage de revoir à la baisse certaines missions de FMM dans le cadre d'un nouveau document de programmation.
Ils s'inquiètent par ailleurs particulièrement du projet du Gouvernement de réduire encore les moyens de FMM de -3 M€ lors de la poursuite du débat budgétaire pour porter la coupe des crédits de -6,9 à -9,9 M€. Ils constatent, enfin, que la gouvernance actuelle n'est pas satisfaisante puisque le ministère de la Culture se refuse à traiter différemment l'audiovisuel extérieur des autres entreprises de l'audiovisuel public en dépit de la guerre informationnelle qui sévit dans un nombre croissant de pays. L'affectation des moyens entre les différentes entités de l'audiovisuel public ne tient compte ni des priorités, ni des résultats ni de l'offre de programmes disponible sur le territoire national. Les moyens sont soit reconduits soit modifiés de manière quasi-proportionnelle.
La réduction des moyens accordés à l'audiovisuel extérieur doit amener à réfléchir sur son avenir. La poursuite de la réduction des coûts devra sans aucun doute demeurer une priorité pour permettre de dégager des marges de manoeuvre y compris concernant la fabrication de l'information, sans transiger pour autant sur sa qualité. Ensuite, les modalités de répartition des moyens entre les différentes entités de l'audiovisuel public gagneraient à être revues afin de dépendre davantage de choix politiques et stratégiques que de décisions à caractère administratif et budgétaire.
Les rapporteurs demeurent attachés à l'idée de donner plus de moyens à notre audiovisuel extérieur pour lui permettre d'accomplir ses missions en répartissant mieux les moyens de l'audiovisuel public compte tenu de la diversité et de la qualité de l'offre par ailleurs disponible. Les rapporteurs estiment donc nécessaire de conditionner l'adoption des crédits de l'audiovisuel extérieur à l'adoption d'un amendement accroissant les ressources de FMM de +5 M€.
Ils se félicitent, par ailleurs, de l'adoption conforme par les députés le 20 novembre 2024 de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public qui permettra de maintenir un financement de l'audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA.
I. L'INCOMPRÉHENSIBLE BAISSE DES MOYENS DE L'AUDIOVIOSUEL EXTÉRIEUR
A. UNE REGRETTABLE VOLTE FACE PAR RAPPORT AUX PRÉCÉDENTS ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES
1. Des moyens réduits en 2025 sans véritable débat ni vision stratégique
Le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde pour la période 2024-2025 transmis au Parlement au mois de juillet prévoyait de porter les ressources totales de FMM de 304,2 M€ en 2024 à 311,8 M€ en 2025. La dotation socle (hors compensations fiscales) était portée de 269,2 M€ à 276 M€ tandis que l'enveloppe de 5 M€ prévue par le programme 383 de transformation devait être reconduite. Le compte de résultat analytique présenté dans le COM prévoyait de porter la dotation socle à 292,4 M€ en 2028 tandis que l'enveloppe dédiée à la transformation devait être ramenée à 3 M€ en 2026 avant de s'éteindre en 2027. Outre ces crédits prévus par le ministère de la Culture, FMM devait pouvoir bénéficier d'un financement de l'APD de 4,1 M€ en 2025 puis de 4,9 M€ sur la période 2026-2028 qui s'ajoutait aux crédits de l'AFD de 3,2 M€ consacrés au développement des langues africaines (projet Afri'Kibaaru de diffusion de RFI en mandenkan et en fulfude depuis Dakar).
Ces projections budgétaires prévues par le COM, sans constituer une révolution par rapport aux moyens accordés à FMM les années précédentes avaient au moins deux mérites : permettre la mise en oeuvre des priorités de l'entreprise et assurer une visibilité pluriannuelle gage d'efficacité et d'indépendance. Le PLF 2025 est venu remettre en cause cette trajectoire prévue par le COM transmis au Parlement en prévoyant d'une part une baisse de la dotation socle de -3,9 M€ et une réduction de l'enveloppe dédiée aux programmes de transformation de -3 M€ soit une baisse des crédits de -6,9 M€ ce qui revenait à maintenir en 2025 les moyens de 2024 en termes nominaux (sans indexation). Alors que se profile le débat budgétaire au Sénat, les rapporteurs ont été informés par la DGMIC de l'intention du Gouvernement d'accroître l'effort budgétaire de 50 M€ sur l'audiovisuel public dont -3 M€ à la charge de FMM. L'amendement du Gouvernement reviendrait ainsi à supprimer intégralement l'enveloppe du programme de transformation dédiée à FMM et à réduire de 1 M€ la dotation socle ce qui aurait pour effet de réduire de -9,9 M€ les moyens de FMM par rapport à 2024. Cette baisse de -1,1% des ressources devrait être plus importante en termes réels en tenant compte de l'inflation qui pourrait s'établir à +1,5% en 2025 selon la Banque de France.
France Médias Monde estime que cette baisse de la ressource publique, compte tenu de son ampleur, ne lui permettra pas de faire face à l'évolution de ses charges. L'entreprise rappelle que la seule baisse de -6,9 M€ prévue par le PLF déposé à l'Assemblée nationale (avant même la nouvelle coupe de -3 M€) équivaut au coût de France 24 en espagnol 24h/24 ou à l'ensemble du budget des correspondants à l'étranger de France 24.
COM 2024-2028 de FMM : sitôt écrit, sitôt caduc ?
Après six mois de retard - le COM étant supposé commencer en janvier 2024 - le précédent gouvernement démissionnaire a adressé au Parlement au cours de l'été le nouveau projet de contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde pour la période 2024-2028 dont la partie budgétaire a été immédiatement contredite par le PLF 2025 avant même l'expiration du délai de six semaines dont disposait le Parlement pour formuler un avis à son sujet selon les termes de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Le bleu budgétaire indique en effet (p. 60) que « le montant inscrit au projet de loi de finances s'inscrit en-deçà de la trajectoire figurant dans le plan d'affaires du projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM). Dès lors le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 négocié entre l'entreprise et l'État et transmis à l'été à l'Arcom et au Parlement devra être réinterrogé à l'aune du niveau de dotation retenu en loi de finances initiale 2025 ».
L'objectif principal du COM visant à « conforter FMM en tant que groupe de médias internationaux libres, indépendants, puissants et fédérateurs, pour continuer à cultiver - dans un monde de défiance - la confiance des publics partout dans le monde et défendre le droit à l'information des citoyens, pilier essentiel des démocraties » ne peut donc pas être considéré comme satisfait par le PLF 2025.
Lors de son audition par les rapporteurs, la DGMIC a reconnu que la trajectoire du COM de France Médias Monde n'était plus d'actualité compte tenu d'une baisse de près de 10 M€ prévue en 2025 et que la construction des budgets des sociétés de l'audiovisuel public serait difficile en 2025. Le ministère de la Culture considère que les COM devront faire l'objet de nouveaux échanges avec les entreprises pour ajuster les objectifs et les priorités et qu'un nouveau document devrait être réalisé qui devra tenir compte de la relance de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi du président Laurent Lafon sur la réforme de l'audiovisuel public.
Compte tenu de la caducité du COM de FMM, tant sur les moyens que sur les objectifs, les rapporteurs considèrent qu'il n'est plus utile de donner un avis sur ce document dans l'attente de la réalisation d'un nouveau document plus en phase avec la réalité budgétaire. Ils forment le voeu que ce document renoue avec une trajectoire croissante des moyens et que la contribution de l'APD (P.209) soit préservée dans la durée.
La situation n'est pas radicalement différente concernant TV5 Monde puisqu'une situation très tendue va succéder à une évolution calculée au plus juste ces dernières années. En 2023, la contribution française à la chaîne francophone était de 80,2 M€ compte tenu d'une taxe sur les salaires de 1,1 M€, tandis que ces montants étaient en 2024 respectivement de 83,4 M€ et 2,4 M€. En 2025 la contribution française devrait être à nouveau de 83,4 M€ avec une taxe sur les salaires de 2,5 M€. Il en résulte selon la direction de TV5 Monde qu'en déduisant la taxe sur les salaires « la contribution française a augmenté d'1,8 M€ entre 2023 et 2025 et a baissé entre 2024 et 2025 ». La déception est d'autant plus grande que la programmation budgétaire qui figurait dans le bleu du PLF 2024 mentionnait une hausse de la dotation publique de +1,5% en 2025 à 84,7 M€ puis une hausse de +1,54% en 2026 à 86 M€.
L'entreprise estime que l'évolution des moyens ne permet plus de couvrir l'inflation internationale sur la durée et que sans l'arrivée de Monaco au capital en 2022 TV5 Monde aurait été dans l'obligation de procéder à un vaste plan d'économies. La direction de l'entreprise estime donc que : « l'année 2025, avant définition et chiffrages de nouvelles mesures stratégiques, s'ouvre sur des mesures d'économies importantes ».
2. Une modification de la LOLF afin de préserver l'indépendance du financement
La suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) décidée par la loi de finances rectificative du 17 août 2022 a eu pour conséquence de financer les entreprises de l'audiovisuel public au moyen d'une fraction du produit de la TVA. Or ce mode de financement ne pouvait être prolongé au-delà de 2024 sans modifier la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001. Le PLF 2025 prévoit ainsi de recourir à des dotations budgétaires pour financer les entreprises de l'audiovisuel public (ce qui a eu pour effet de modifier la nomenclature des programmes) ce qui pose la question du respect de l'indépendance de ces sociétés qui pourraient être soumises à la régulation budgétaire infra-annuelle.
Compte tenu de l'importance des charges fixes, la moindre variation des ressources de ces sociétés occasionne un impact immédiat sur les nouveaux projets et donc sur la stratégie de ces médias publics. La prévisibilité de la ressource constitue donc une dimension essentielle de l'indépendance stratégique de l'audiovisuel public comme le rappelle le Media Freedom Act adopté en avril dernier par l'Union européenne dont l'article 5 fixe le principe « d'un financement garantissant que leurs ressources sont adéquates, durables, prévisibles, correspondant à l'accomplissement de leurs missions de service public ».
Afin de préserver l'indépendance de l'audiovisuel public le Sénat a adopté le 23 octobre 2024 une proposition de loi organique déposée par notre collègue Cédric Vial qui modifie l'article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances afin de prévoir qu'« un montant déterminé d'une imposition de toute nature peut, sous les mêmes réserves, être directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ». Cette modification doit permettre de déroger pour les organismes d'audiovisuel public au principe du lien des impositions affectées à un tiers avec les missions de service public qui lui sont confiées et, ainsi, de pérenniser l'affectation d'un montant de TVA lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Les députés ayant adopté conforme cette PPLO le 20 novembre 2024, la pérennisation dans le PLF 2025 du financement de l'audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA deviendra possible dès la promulgation du texte par le Président de la République.
La préservation d'un mode de financement indépendant est importante pour l'audiovisuel extérieur. Même si les modalités de financement des contributions des bailleurs de TV5 Monde sont diverses (taxe affectée pour la SSR et crédits budgétaires pour les autres) le poids de la France dans le capital de la société et son exposition sur la scène internationale rendaient indispensable le choix d'un mode de financement préservant la chaîne francophone d'une possible intervention étatique au moyen du levier budgétaire.
À l'international, de nombreux acteurs comme les plateformes et les réseaux sociaux distinguent très clairement les « médias de service public » des « médias d'État » financés directement par des gouvernements. Selon la direction de FMM : « le financement affecté de l'audiovisuel public est une garantie visible et incontestable de son indépendance ». FMM rappelle qu'il a failli perdre la licence FM de RFI à Berlin à la suite de la suppression de la CAP en 2022, le régulateur local (MABB) estimant que la budgétisation ne répondait pas à la jurisprudence de la « Staatsferne » (éloignement de l'État). La pérennisation d'un financement affecté permettra donc à FMM de mieux contrer les attaques dont le groupe fait l'objet selon lesquelles il agirait pour relayer la propagande des autorités françaises.
B. UN DÉSARMEMENT INFORMATIONNEL EN PLEINE GUERRE DE L'INFORMATION
1. Une fâcheuse absence de visibilité à long terme
Au-delà de la baisse des crédits prévue par le Gouvernement en 2025 c'est la trajectoire à moyen terme des moyens de l'audiovisuel extérieur qui interroge. La baisse des crédits de FMM de près de 10 M€ en 2025 outre son impact sur l'équilibre des comptes interpelle sur les modifications qui seront apportées par le Gouvernement au COM 2024-2028. Comme les rapporteurs l'ont indiqué le document devra faire l'objet de nouveaux échanges avec l'entreprise afin de modifier certains objectifs pour les rendre compatibles avec la baisse des moyens. Mais aucune indication n'a été donnée sur les moyens qui seront accordés sur la période 2026-2028. La direction de FMM estime que si la trajectoire financière est respectée pour les années suivantes il pourrait être possible pour l'entreprise d'absorber les déficits cumulés de 2024 et 2025 sur ses capitaux propres. A contrario, si la trajectoire financière est durablement dégradée, elle sera dans l'obligation de remettre en cause le périmètre de ses actions et de ses missions tout en ayant besoin de solliciter l'actionnaire pour une recapitalisation.
Une dégradation persistante des moyens de FMM réduira d'autant sa capacité à mener sa transformation numérique mais elle constituera également un risque industriel majeur pour les activités historiques compte tenu du besoin impératif d'investissement dans les infrastructures techniques de l'entreprise comme les régies de France 24, du fait de leur ancienneté.
Le problème de la prévisibilité concerne également TV5 Monde qui a engagé le processus de rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Les grandes orientations ont été présentées au conseil d'administration du 17 octobre mais l'adoption du document devrait être reportée au mois de février 2025. Le plan stratégique de TV5 Monde ne comportant pas de programmation budgétaire, l'entreprise demeure dans l'incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Selon la DGMIC la tendance actuelle serait à la stabilité des moyens chez les différents bailleurs, ce qui revient à considérer que les marges de manoeuvre devraient dans les années à venir résulter de l'arrivée de nouveaux pays au tour de table.
2. Le recul entériné de l'influence française en contradiction avec les discours officiels
En réalité, depuis une dizaine d'années, c'est le décrochage de l'audiovisuel extérieur qui a été engagé avec un écart de moyens qui s'accroît avec ceux dont disposent Deutsche Welle (410 M€), BBC World Service (479 M€) et USA Global media (814 M€). Les moyens mobilisés par les « nouveaux compétiteurs » apparaissent également exponentiels à l'image du budget de 1,4 Md$ dont devraient disposer les médias russes en 2025.
Alors que le COM 2024-2028 permettait de demeurer en fin du peloton de tête, les rapporteurs ne peuvent que partager l'analyse de la direction de FMM qui estime que le PLF 2025 « risque de mettre en péril les missions du groupe et d'engager le désarmement informationnel de la France au pire moment. Si la contrainte budgétaire qui pèse sur l'audiovisuel extérieur se poursuit, la France dévissera dans le paysage audiovisuel mondial ».
Les rapporteurs ne peuvent ignorer que la baisse des moyens accordés à l'audiovisuel extérieur français a coïncidé avec la hausse des moyens dont disposent les médias russes, chinois et turcs et, par voie de conséquence, la perte d'influence de notre pays en Afrique alors que ce continent est stratégique pour l'avenir. Ils s'interrogent sur les économies budgétaires réalisées grâce à ce désinvestissement comparées au coût pour la France et l'Europe de l'instabilité politique, économique et social du continent le plus jeune au Monde.
Les rapporteurs appellent donc le Gouvernement à reconsidérer dès que possible ses choix à l'égard de l'audiovisuel extérieur afin de lui permettre de résister à la guerre informationnelle qui nécessite de diffuser davantage par satellite pour éviter les blocages locaux, de développer des équipes de production locales lorsque cela est possible pour prévenir les accusations d'ingérence et d'accroître la présence sur le numérique pour proposer une information fiable et indépendante notamment aux jeunes générations.
II. DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENTS MENACÉS AU DÉTRIMENT DE L'INFLUENCE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
A. FRANCE MÉDIAS MONDE : UN RISQUE DE DÉCROCHAGE PAR RAPPORT À SES CONCURRENTS ET SES NOUVEAUX « COMPÉTITEURS »
1. La remise en cause de la stratégie numérique de FMM
La suppression en 2025 de l'enveloppe consacrée aux programmes de transformation prévue à hauteur de 5 M€ dans le COM « remet en cause toute la stratégie de l'entreprise visant à accélérer sa transformation numérique, lui faisant perdre un temps irrémédiable au moment où tous ses concurrents internationaux investissent massivement » a indiqué la direction de FMM aux rapporteurs.
Cette coupe dans les moyens permettant d'investir les nouveaux territoires numériques apparaît d'autant plus regrettable que FMM accuse un certain retard par rapport à ses concurrents et que la sphère numérique est devenue un véritable champ de bataille où la France est régulièrement mise en cause par les proxies des régimes autoritaires. Ce choix budgétaire aura donc pour effet direct de réduire l'influence de la France et de nous affaiblir dans la guerre informationnelle.
Un gros bug pour le plan de transformation numérique ?
Le plan de transformation numérique est considéré comme vital par FMM pour résister notamment aux assauts des médias russes (Sputnik) et turcs (« TRT Africa ») en Afrique. Le COM prévoyait qu'il serait financé par les crédits du « programme de transformation » (P.383) dont le montant initial de 5 M€ a été remis en cause dès 2024. Le décret d'annulation de février dernier a en effet réduit cette enveloppe de 1,4 M€ ce qui a amené l'entreprise à adopter un budget rectificatif en mai 2024 absorbant cette baisse par un déficit autofinancé par ses capitaux propres. Depuis mai 2024, le ministère des Finances a cessé de verser les mensualités du programme de transformation, ce qui représente une moindre ressource de 2,2 M€ qui s'ajoute au déficit budgétaire de 1,4 M€. Par ailleurs, le projet de loi de fin de gestion adopté par le Conseil des ministres du 6 novembre 2024 a confirmé l'interruption et l'annulation des crédits du programme de transformation en 2024 pour un montant de 3,6 M€ pour FMM ce qui a ramené cette enveloppe à 1,4 M€ sur l'année.
La direction de l'entreprise estime que : « compte tenu du fait que l'essentiel des dépenses sont déjà engagées pour mener à bien ces projets de transformation, FMM devrait absorber un déficit incompressible de l'ordre de -3,6 M€ sur l'année 2024, alors même que l'entreprise n'a quasiment plus aucune marge de manoeuvre financière ». Or, pour l'année 2025, les crédits prévus dans la trajectoire du COM à hauteur de 5 M€ ont finalement été supprimés ce qui revient à paralyser la capacité de l'entreprise à déployer son plan de transformation numérique pourtant indispensable pour maintenir son rang dans le paysage numérique mondial.
La baisse des ressources de FMM aura, par ailleurs, nécessairement des conséquences sur l'évolution de sa masse salariale dont le COM prévoyait la hausse (+15%) sur la période 2024-2028 afin de tenir compte des augmentations prévues par les accords d'entreprise et du rattrapage de l'inflation, des incidences du plan de transformation numérique et d'un renfort dans l'organisation (encadrement et coordination des rédactions). Selon la direction de FMM : « la forte révision à la baisse dans le PLF 2025 des dotations publiques (par rapport à la trajectoire du COM) remet en cause la trajectoire de la masse salariale du COM, cette dernière étant en conséquence amenée à progresser très modérément, voire baisser si l'entreprise était contrainte, faute de financements, de renoncer à certaines activités ou missions ».
FMM face à de difficiles arbitrages budgétaires au Sénégal
La baisse des moyens envisagée pour 2025 pourrait obliger l'entreprise à réduire le périmètre de son action, par exemple, en renonçant à la diffusion de RFI en FM au Sénégal alors que le coût de cette diffusion devrait significativement augmenter dans les prochains mois. Les rapporteurs ne peuvent que déplorer qu'une telle perte d'influence puisse être envisagée dans un pays aussi important pour la France.
2. Le maintien des moyens de l'APD au service des « hubs » de proximité
Si les rapporteurs déplorent le désinvestissement dans le numérique ils se réjouissent a contrario du maintien du soutien direct du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères via l'aide publique au développement (programme 209) qui devrait permettre de financer de nouveaux projets de proximité. La subvention du MEAE qui était de 2,5 M€ en 2024 sera portée à 4,1 M€ en 2025 puis 4,9 M€ à partir de 2026. Malgré les économies annoncées sur le programme de l'aide publique au développement le MEAE a réaffirmé son soutien à ces projets au niveau du COM.
FMM devrait donc pouvoir développer son « hub » à Beyrouth - avec une vigilance renforcée sur le plan sécuritaire - pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et MCD à travers la production de contenus dans tous les formats. En Afrique, FMM prévoit de lancer une offre numérique panafricaine pour les jeunes destinée aux réseaux sociaux pour offrir des contenus constructifs et lutter contre les infox. Le pôle de Dakar poursuivra le développement de la production africaine de contenus et devrait intégrer de nouveaux locaux en 2025 permettant d'accueillir les nouvelles équipes. En Europe centrale et orientale, le « hub » de Bucarest poursuivra le développement de la rédaction de RFI en ukrainien tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté compte tenu du contexte budgétaire.
B. TV5 MONDE : UNE MOINDRE AMBITION CONTAGIEUSE POUR LES AUTRES BAILLEURS DE LA CHAÎNE FRANCOPHONE ?
1. Une baisse des moyens démobilisatrice pour les autres bailleurs
La France qui est le principal contributeur des bailleurs de TV5 Monde donne traditionnellement le ton de l'ambition budgétaire. Après des années de retard par rapport aux partenaires (1,2 M€ par an entre 2019 et 2022) la France a rattrapé son retard grâce aux augmentations décidées en 2023-2024 et disposait même d'une légère avance (+0,6 M€).
Néanmoins, le fait que la France revienne sur les annonces faites aux autres gouvernements à Montréal en décembre 2023 en procédant à des coupes successives de 0,4 M€ puis 0,8 M€ peut être considéré comme un très mauvais signal pour la dynamique budgétaire des partenaires et une marque de désintérêt de la France pour TV5 Monde.
Les rapporteurs considèrent qu'il est essentiel de ne pas « casser » la dynamique des nouvelles offres lancées par TV5 Monde à l'image de Tivi5 qui s'adresse chaque semaine à plus de 21 millions de jeunes en Afrique subsaharienne. Il est essentiel, à cet égard, que les engagements pris lors du sommet de la francophonie en faveur du développement de Tivi5 au Maghreb et au Moyen-Orient soient maintenus à travers la contribution exceptionnelle de 0,3 M€ du MEAE et l'abondement de 1 M€ à l'OIF pour le lancement de coproductions et d'achats de programmes jeunesse au Maghreb.
Une ouverture du capital de TV5 Monde vers l'Afrique toujours en débat
L'arrivée de Monaco a permis d'apporter 4,2 M€ au fonctionnement de TV5 Monde et une exposition pour plusieurs programmes de TV Monaco dont son JT quotidien et des extraits de sa matinale. L'élargissement de la gouvernance à de nouveaux pays francophones demeure d'actualité avec le projet d'adhésion commune du Bénin, du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, de la République démocratique du Congo et du Sénégal qui contribueraient au même niveau que Monaco dans un strict respect de la charte éditoriale et déontologique de TV5 Monde. Par ailleurs, la visite d'État du Président de la République au Maroc pourrait, à terme, ouvrir la voie à une adhésion de ce pays à TV5 Monde.
2. Des conséquences inévitables sur le périmètre d'action de l'entreprise
TV5 Monde devra continuer en 2025 les économies engagées en 2024 dans la diffusion en supprimant des sous-titrages dans certains pays, en réduisant les productions propres avec l'arrêt de plusieurs magazines, en cessant la distribution en Allemagne et en renonçant à la distribution par satellite de la chaîne Style en Afrique. Comme c'est aussi le cas pour FMM, le sous-investissement dans l'infrastructure de la chaîne crée au fil des ans un risque industriel qui s'accroîtra en 2025 du fait du report de nombreux investissements techniques.
Une poursuite du développement de la plateforme TV5 Monde +
La plateforme AVOD mondiale gratuite financée par la publicité poursuit son développement dans les 200 pays où elle est accessible. Son offre riche de 6000 heures de programmes séduit 15,5 millions d'utilisateurs principalement au Maghreb, en France, en Inde et en Argentine. La partie canadienne de TV5 Monde demeure le principal investisseur depuis son lancement et fournit par conséquent davantage de programmes. L'année 2024 aura été marquée par de nouveaux contrats de distribution en Afrique (Cameroun, RDC), au Brésil et aux Etats-Unis.
*
Le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 375, 377 et 383 de la mission « Audiovisuel public » dans le projet de loi de finances pour 2025 sous réserve de l'adoption d'un amendement de transfert de 5 M€ du programme 372 (FTV) au programme 375 (FMM).
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits des programmes 375 « France Médias Monde », 377 « TV5 Monde » et 383 « Programme de transformation » de la mission « Audiovisuel public ».
M. Cédric Perrin, président. - Mes chers collègues, nous commençons cette matinée par l'examen de l'avis de nos collègues Roger Karoutchi et Mireille Jouve sur les crédits des programmes 375 (France Médias Monde), 377 (TV5 Monde) et 383 (programme de transformation) de la mission « Audiovisuel public ».
M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, il y a un an je commençais mon intervention en expliquant que nous étions partagés. Les budgets de France Médias Monde et de TV5 Monde connaissaient une hausse significative et une enveloppe de 5 M€ était prévu pour permettre à France Médias Monde d'engager son plan de transformation numérique. On pouvait ainsi considérer que la tendance était favorable même si la hausse des moyens était aussi motivée par la nécessité de compenser des charges fiscales nouvelles consécutives à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et que la programmation budgétaire pour 2025 et 2026, inscrite dans le bleu budgétaire, était nettement plus modérée. Nous avions néanmoins donné un avis favorable à l'adoption de crédits en attendant de pouvoir prendre connaissance du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 de France Médias Monde qui était en préparation.
Mais l'année 2024 ne s'est pas passée comme prévu. Le décret d'annulation de février dernier a eu pour conséquence de réduire de -1,4 M€ le montant du programme de transformation de France Médias Monde. Par ailleurs, Bercy a cessé de verser les mensualités restantes à partir de mai dernier ce qui a réduit l'enveloppe à nouveau de 2,2 M€ soit une baisse de -3,6 M€ sur les 5 M€ escomptés dédiés au plan de transformation numérique.
Le projet de COM de France Médias Monde qui a été envoyé cet été au Parlement prévoyait quant à lui une hausse limitée mais réelle de la ressource publique, la dotation socle devant s'établir à 276 M€ en 2025 avec, à nouveau, 5 M€ supplémentaires au titre du programme de transformation auxquels s'ajoutaient 4,1 M€ au titre de l'APD.
Cependant le PLF 2025 est venu contredire ce projet de COM en prévoyant une baisse des crédits de -6,9 M€ tandis que les crédits de TV5 Monde stagnaient à 83,4 M€ voire régressaient compte tenu de l'augmentation de la taxe sur les salaires alors même que la programmation budgétaire de l'année dernière prévoyait de porter la contribution française à TV5 Monde à 84,7 M€ en 2025 puis 86 M€ en 2026.
Par ailleurs, la DGMIC nous a confirmé la semaine dernière qu'un amendement viendrait amputer à nouveau les moyens de France Médias Monde de 3 M€ en 2025 pour porter la coupe budgétaire à -9,9 M€. L'enveloppe du plan de transformation numérique serait ainsi purement supprimée tandis que la dotation socle serait réduite de 1 M€.
Réduire les moyens consacrés à la « guerre des narratifs » au moment précis où nos adversaires déploient des stratégies qui s'appuient sur des moyens considérables revient à opérer un désarmement informationnel. Il aurait été tout à fait possible de faire reposer le poids de l'ajustement sur les plus gros opérateurs qui disposent de moyens bien plus importants. On ne peut pas réduire les moyens de chacun des opérateurs de manière proportionnelle car les budgets de France Télévisions et Radio France permettent davantage d'ajustements que celui de France Médias Monde.
Je terminerai en évoquant la nature de la ressource attribuée à l'audiovisuel public. Le PLF 2025 prévoit aujourd'hui de recourir à des dotations budgétaires qui présentent l'inconvénient de fragiliser l'indépendance de l'audiovisuel extérieur. Ce recours au dotations budgétaires était inévitable à défaut de modifier d'ici la fin de l'année la LOLF afin de pérenniser le financement par une fraction du produit de la TVA comme cela est le cas depuis 2022.
Avec les président Cédric Perrin et plusieurs collègues de la commission de la culture nous avons porté une proposition de loi organique modifiant la LOLF qui a été adoptée par le Sénat le 23 octobre dernier. Les députés devraient se prononcer sur ce texte aujourd'hui à 15 heures. S'ils adoptent le texte conforme, à l'issue de sa promulgation, le Gouvernement pourra rétablir un financement par le produit d'une taxe affectée pour conforter l'indépendance de l'audiovisuel extérieur.
Afin de redonner quelques moyens à France Médias Monde, nous vous proposerons avec ma collègue co-rapporteure Mireille Jouve un amendement prévoyant de redonner 5 M€ à France Médias Monde qui seraient prélevés sur les crédits de France Télévisions. Nous vous proposerons également de conditionner un avis favorable à l'adoption des crédits à l'adoption de cet amendement.
Mme Mireille Jouve, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, Je souhaite tout d'abord saluer notre ancien collègue Jean-Noël Guérini à qui j'ai l'honneur de succéder comme co-rapporteure. Je veillerai à défendre aussi bien qu'il le faisait notre attachement à un audiovisuel extérieur puissant et indépendant.
Compte tenu du contexte budgétaire particulier qui vient d'être dressé par mon collègue rapporteur Roger Karoutchi, permettez-moi de vous apporter quelques détails sur la situation de chacun des opérateurs.
Concernant France Médias Monde tout d'abord, la baisse de près de 10 M€ des crédits prévue par le Gouvernement aura un impact en 2025 mais également les années suivantes selon qu'il y aura ou non un rattrapage.
La direction de FMM estime, en effet, que si la trajectoire financière est respectée pour les années suivantes il pourrait être possible pour l'entreprise d'absorber les déficits cumulés de 2024 et 2025 sur ses capitaux propres. A contrario, si la trajectoire financière est durablement dégradée, elle sera dans l'obligation de remettre en cause le périmètre de ses actions et de ses missions tout en ayant besoin de solliciter l'actionnaire pour une recapitalisation.
Une dégradation persistante des moyens de FMM réduira d'autant sa capacité à mener sa transformation numérique mais elle constituera également un risque industriel majeur pour ses activités historiques compte tenu du besoin impératif d'investissement dans les infrastructures techniques de l'entreprise comme les régies de France 24, du fait de leur ancienneté.
Dans ce contexte maussade, nous ne pouvons que nous réjouir a contrario du maintien du soutien direct du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères via l'aide publique au développement (programme 209) qui devrait permettre de financer de nouveaux projets de proximité. La subvention du MEAE qui était de 2,5 M€ en 2024 sera portée à 4,1 M€ en 2025 puis 4,9 M€ à partir de 2026.
FMM devrait donc pouvoir développer son « hub » à Beyrouth - avec une vigilance renforcée sur le plan sécuritaire - pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et MCD à travers la production de contenus dans tous les formats. En Afrique, FMM prévoit de lancer une offre numérique panafricaine pour les jeunes destinée aux réseaux sociaux pour offrir des contenus constructifs et lutter contre les infox. Le pôle de Dakar poursuivra par ailleurs le développement de la production africaine de contenus. En Europe centrale et orientale, le « hub » de Bucarest poursuivra le développement de la rédaction de RFI en ukrainien tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté compte tenu du contexte budgétaire.
Le problème de la prévisibilité des ressources concerne également TV5 Monde qui a engagé le processus de rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Les grandes orientations ont été présentées au conseil d'administration du 17 octobre mais l'adoption du document devrait être reportée au mois de février 2025. Le plan stratégique de TV5 Monde ne comportant pas de programmation budgétaire, l'entreprise demeure dans l'incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Selon la DGMIC la tendance actuelle serait à la stabilité des moyens chez les différents bailleurs, ce qui revient à considérer que les marges de manoeuvre devraient dans les années à venir résulter de l'arrivée de nouveaux pays au tour de table.
L'arrivée de Monaco a permis d'apporter 4,2 M€ au fonctionnement de TV5 Monde. L'élargissement de la gouvernance à de nouveaux pays francophones demeure d'actualité avec le projet d'adhésion commune du Bénin, du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, de la République démocratique du Congo et du Sénégal qui contribueraient au même niveau que Monaco dans un strict respect de la charte éditoriale et déontologique de TV5 Monde.
TV5 Monde devra néanmoins continuer en 2025 les économies engagées en 2024 dans la diffusion en supprimant des sous-titrages dans certains pays, en réduisant les productions propres avec l'arrêt de plusieurs magazines, en cessant la distribution en Allemagne et en renonçant à la distribution par satellite de la chaîne Style en Afrique.
Enfin, grâce aux financements apportés par la partie canadienne, la plateforme TV5 Monde + poursuivra son développement dans les deux cents pays où elle est présente avec son modèle proposant 6000 heures de programmes financés par la publicité. L'offre Tivi5 Monde qui propose des programmes de qualité à la jeunesse africaine - ciblée par les médias russes, chinois et turcs - sera également préservée.
Sous réserve de ces remarques, je constate également que les crédits prévus pour 2025 ne sont pas à la hauteur de l'ambition nécessaire pour notre audiovisuel extérieur et je rejoins la recommandation de mon collègue rapporteur de conditionner l'adoption des crédits de l'audiovisuel extérieur à l'adoption de notre amendement visant à redonner 5 M€ de crédits à France Médias Monde.
M. Cédric Perrin, président. - Je rappelle que le chef d'état-major des armées intègre la guerre informationnelle, le numérique et le cyber dans la haute intensité pour « gagner la guerre avant la guerre ». C'est donc un contre-sens majeur de réduire les crédits de l'audiovisuel extérieur comme c'est une erreur de réduire les crédits d'autres organismes dépendant de l'ANSII, du SGDSN et de l'IHEDN.
Mme Hélène Conway-Mouret. - J'adhère complètement aux arguments des deux co-rappporteurs. Le maintien des sous-titres est essentiel en particulier en Afrique où le français recule et où il est essentiel de s'adresser aux publics dans leurs langues locales. C'est indispensable pour pouvoir s'adresser à la jeunesse. Notre modèle est obsolète et les crédits ne sont pas à la hauteur. Mon groupe votera en faveur de l'amendement et conditionnera l'avis sur les crédits à son adoption comme le proposent les rapporteurs.
Mme Michelle Gréaume. - J'aurais aimé qu'on parle davantage de la disparition de la contribution à l'audiovisuel public et de la réforme se son financement. Nous sommes favorables à la sanctuarisation de l'audiovisuel extérieur.
M. Olivier Cadic. - Je suis heureux que France Médias Monde puisse poursuivre le développement de son activité à Beyrouth. Le rapport présenté était très éloquent et je soutiendrai l'amendement de 5 M€ qui constitue un signal.
M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Lorsque j'étais rapporteur spécial de la commission des finances pour l'ensemble de l'audiovisuel public j'ai déposé chaque année un amendement de transfert de crédits en faveur de France Médias Monde. Nous sommes partout sur la retraite. Est-ce que la France existe encore à l'extérieur ? Aujourd'hui ce n'est pas le cas.
Il n'y a pas de véritable stratégie pour l'audiovisuel extérieur. Je pense qu'il faut faire passer la part de l'audiovisuel extérieur dans la totalité des crédits de l'audiovisuel public de 8% environ aujourd'hui à 10% et arrêter de privilégier les deux plus gros opérateurs. L'amendement de 5 M€ permettrait à France Médias Monde de préserver certaines de ses actions ainsi que sa transformation numérique.
La commission a adopté à l'unanimité l'amendement visant à transférer 5 M€ du programme 372 de France Télévisions au programme 375 de France Médias Monde.
La commission a ensuite donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 375, 377 et 383 sous réserve de l'adoption de l'amendement de transfert de crédits adopté par la commission.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 5 novembre 2024
- France-Média Monde : Mme Marie-Christine Saragosse, présidente, M. Roland Husson, directeur général en charge du Pôle Ressources et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur des relations institutionnelles.
Mercredi 6 novembre 2024
- TV 5 Monde : Mme Kim Younes Charbit, présidente-directeur général et M. Thomas Derobe, secrétaire général.
Mardi 12 novembre 2024
- Ministère des Affaires étrangères : M. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau et Mme Aurélie Lachkar, rédactrice CM au pôle média et cinéma ; DGMIC : M. Ludovic Berthelot, chef du service des médias.
* 1 https://www.senat.fr/rap/a23-130-10/a23-130-10_mono.html