N° 146 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
TOME IV AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT Aide économique et financière au développement (Programme 110), Solidarité à l'égard des pays en développement (Programme 209), Renforcement des fonds propres de l'Agence
française et Restitution des « biens mal acquis » (Programme 370) |
Par MM. Christian CAMBON et Patrice JOLY, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de :
M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal
Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret,
Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau,
Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal,
vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette
Lopez, MM. Hugues Saury, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Les crédits de l'APD connaîtront une baisse de 1,3 milliard d'euros au sein du PLF 2025, en plus du décret d'annulation de février 2024 ayant effectué une coupe de 742 millions d'euros.
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », sous la responsabilité du ministère de l'économie et des finances, voit ses crédits baisser de 267,9 millions d'euros en AE et de 617,2 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 9,6 % et de 26,4 %.
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », sous la responsabilité du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, porte l'essentiel de l'effort de réduction des crédits de la mission sur l'exercice 2025. Ses crédits devraient en effet diminuer de 1,05 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 855,5 millions d'euros en crédits de paiement, une baisse de respectivement 33 % et 26,2 %.
I. UNE CONTRIBUTION MAJEURE À L'EFFORT BUDGÉTAIRE NATIONAL
A. 10 ANS D'ÉVOLUTIONS ERRATIQUES DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
La mission « Aide publique au développement » connaît sans doute l'évolution la plus erratique de l'ensemble des missions du budget de l'État : baisse de 1,6 milliard d'euros sous le quinquennat de M. Hollande, augmentation de 120 % entre 2017 et 2024 des CP, soit +3,1 milliards d'euros entre 2017 et 2025, puis à nouveau diminution de plus d'un tiers en 2025.
L'effort total d'aide au développement français en comparaison du revenu national brut, critère utilisé par l'OCDE pour mesurer l'effort global des pays dans ce domaine et scruté par la communauté internationale, connaît la même variabilité : après être remonté d'un niveau très faible d'environ 0,4 % au milieu des années 2010 à 0,56 % en 2022, il s'est effondré en 2023 et va retomber bien en dessous les 0,5 % en 2025 :
En millions d'euros |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023** |
Prévision* |
10 359 |
10 670 |
12 862 |
17 274*** |
14 832 |
15 959 |
0,43 % |
0,43 % |
0,56 % |
0,70 % |
0,55 % |
0,55 % |
|
Réalisation |
10 284 |
10 908 |
12 394 |
13 112 |
15 294 |
14 208 |
|
0,43 % |
0,44 % |
0,53 % |
0,51 % |
0,56 % |
0,50 % |
Écart |
-75 |
+238 |
-468 |
-4162 |
+462 |
-1 751 |
Source : OCDE et DG Trésor
* Les prévisions indiquées dans le tableau ci-dessus correspondent à celle indiquées dans le document de politique transversale (DPT) annexé au PLF de l'année n+1.
**Pour 2023, il s'agit du chiffre transmis par la France au Comité d'aide au développement de l'OCDE à l'été 2024, en cours de vérification et validation par les services de l'OCDE.
*** Hors annulation de la dette soudanaise, les prévisions d'APD s'élevaient à 12 874 M EUR, générant dès lors un écart positif de 238 M EUR.
Il semble que l'APD sert ainsi de variable d'ajustement du reste du budget de l'État et soit donc considérée comme une politique publique moins importante que les autres. Pourtant, la loi d'orientation et de programmation du 4 août 2021, adoptée à l'unanimité par le Parlement, l'érigeait précisément en une politique à part entière, constituant une des dimensions essentielles de la politique extérieure de la France aux côtés de la diplomatie. La lutte contre les désordres économiques du monde, contre la grande pauvreté et contre le changement climatique constitue en effet un investissement destiné à prévenir les crises, l'instabilité et les migrations, au bénéfice de notre pays et des autres donateurs de l'OCDE, et non un « supplément d'âme » dont pourraient se doter les pays développés. Elle est en outre indispensable à l'image de la France à l'étranger, en particulier en Afrique mais aussi en Amérique latine et en Asie. Ceci plaide pour une constance et une cohérence de la politique de solidarité internationale, que ces tribulations budgétaires ne permettent pas d'atteindre.