N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées (1)
sur le projet de loi de finances,
considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME VI

DÉFENSE

Préparation et emploi des forces (Programme 178)

Par M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury,
Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye,
Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi,
Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot,
MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Préservée alors que la majorité des missions budgétaires connaissent l'austérité au sein du PLF 2025, la mission « Défense » voit ses crédits continuer à augmenter suivant la trajectoire dessinée par la LPM 2024-2030 adoptée en juillet 2023.

En particulier, les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » augmentent de plus de 750 M€ par rapport à la LFI 2024, atteignant 14,3 Md€, soit+5,5 %. L'entretien programmé des matériels continuera à progresser (+160 millions d'euros) mais beaucoup moins que l'année précédente. La disponibilité technique des matériels progressera modérément. En revanche, la forte progression des crédits consacrés à l'activité opérationnelle (+10%) permettra de financer la participation aux exercices multinationaux interarmées (DACIAN SPRING, WARFIGHTER, POLARIS, VOLFA, TALISMAN...). Les armées poursuivront leur soutien aux forces ukrainiennes, avec des formations au combat terrestre, maritime et aérien, en France ou en Pologne, et des cessions d'équipements.

Le programme financera et assurera par ailleurs la mise en oeuvre du super calculateur de l'agence ministérielle de l'intelligence artificielle de défense (130 M€).

Enfin, la réparation et la montée en puissance des services de soutien se poursuivra dans l'optique de la préparation à la haute intensité.

I. DES CRAINTES POUR LA FIN DE GESTION 2024

A. UN DÉGEL DES CRÉDITS ATTENDU POUR RESPECTER LA TRAJECTOIRE DE LA LPM, UNE AIDE À L'UKRAINE QUI DOIT ETRE COMPENSÉE

Si les crédits inscrits dans le PLF2025 sont au niveau prévu par la LPM, la fin de gestion de 2024 peut légitiment susciter quelque inquiétude étant donné la multiplicité des opérations menées au cours de l'exercice et les gels de crédits opérés en gestion. Or, cette fin de gestion conditionne notamment la capacité de l'armée de terre à exécuter correctement la première année de la LPM. Plus précisément, une couverture partielle des surcoûts en fin de gestion se traduirait par une annulation de commande d'équipements de cohérence (transmissions, munitions) ainsi que par une diminution de commande de pièces de maintenance nécessaires à l'entretien des équipements en 2025. De même, la capacité de l'AdT à atteindre ses objectifs en matière d'activité et de préparation opérationnelles risquerait d'être affectée.

Même si la LPM indiquait que le financement de l'aide à l'Ukraine ne serait pas intégré à la trajectoire prévue, il est en effet vraisemblable, dans le contexte budgétaire actuel, que les armées ne bénéficient pas à la fois du dégel de tous les crédits et de la couverture par la solidarité interministérielle de l'ensemble des OPEX au-delà de la provision, ainsi que des missions opérationnelles à l'Est et de toute l'aide fournie à l'Ukraine, y compris la formation et l'équipement d'une brigade ukrainienne en Champagne, avec les cessions de matériels afférentes. Il conviendra cependant de trouver un équilibre qui préserve l'essentiel de la fin de gestion pour les armées.

S'agissant des crédits gelés, le taux de la réserve de précaution est passé de 5 % à 7 % en février 2024, tandis qu'un deuxième surgel est intervenu en juillet 2024. Au total, 277 millions d'euros d'AE et 234 millions d'euros de CP ont été gelés pour le BOP Terre, soit 9 % des crédits ouverts, un niveau encore inédit. Le dégel de ces crédits est crucial pour le respect de la trajectoire LPM.

Par ailleurs, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 prévoit l'ouverture de 837 millions d'euros (677 millions au programme 178 et 160 millions au programme 212) pour couvrir les surcoûts des OPEX, des MISSINT, y compris les JOP et les interventions en Nouvelle-Calédonie, les déploiements sur le front oriental et le soutien à l'Ukraine. En tenant compte de la provision pour OPEX-MISSINT de 800 millions d'euros, 1 637 millions d'euros sont prévus pour couvrir l'ensemble des surcoûts. Or, le Parlement n'a pas été informé, à la fin novembre 2024, du total des surcoûts effectifs engagés par les armées. Les surcoûts OPEX-MISSINT devraient en effet avoisiner les 1,3 milliards d'euros mais ceux liés à la Nouvelle-Calédonie, au flanc oriental de l'OTAN et à l'aide à l'Ukraine n'ont pas été communiqués. Toutefois, certaines évaluations approximatives estiment ce surcoût à au moins 2 milliards d'euros. Ainsi, les surcoûts ne seront probablement que très partiellement couverts par les crédits ouverts, ce qui semble très inquiétant pour la poursuite de l'exécution de la LPM.

B. LA NÉCESSAIRE REDÉFINITION DU CADRE DES MISSIONS EXTÉRIEURES

Sur la question de la définition et des modalités de financement des missions, le ministre des armées a annoncé, lors de son audition par la commission, avoir lancé une réflexion pour faire mieux coïncider les types de mission, leur cadre juridique, leur financement et le régime des primes qui leur est associé, et ainsi sortir d'une certaine confusion. En effet, actuellement les missions à l'Est de l'Europe (Aigle et Lynx) ne sont pas considérées comme des OPEX mais comme des « missions opérationnelles » (MISSOPS). Elles ne relèvent pas de l'article 35 de la Constitution, ne sont pas assorties des mêmes garanties que les OPEX pour les militaires et ne donnent lieu à aucun contrôle du Parlement. En revanche, sur le plan budgétaire, elles ont depuis 2022 bénéficié de la solidarité interministérielle. Autre exemple, la mission ASPIDES en Mer Rouge n'est pas non plus considérée comme une OPEX bien que les navires français aient employé la force pour détruire les missiles et les drones des Houtis.

Selon le ministre, la nouvelle définition des missions devrait distinguer celles qui impliquent l'usage directe de la force contre l'ennemi, qui seraient des OPEX pleines et entières relevant de l'article 35 ; celles qui n'impliquent que la légitime défense comme par exemple l'opération ASPIDES ; enfin les missions, telles Aigle et Lynx, qui visent à la réassurance de nos alliés et au signalement stratégique sans impliquer dans l'immédiat l'usage de la force - à moins qu'une agression ne les y oblige, ce qui les transformerait en OPEX pleines et entières.

En tout état de cause, une telle clarification apparaît en effet indispensable. Elle devra respecter une triple exigence : se solder par une meilleure information et un contrôle accru du Parlement ; permettre une juste indemnisation des militaires engagés en fonction des sujétions et des risques encourus ; assurer une juste répartition du financement entre la mission « Défense » et la solidarité interministérielle.

II. UNE PROGRESSION MODÉRÉE DES CRÉDITS DE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE

A. UNE HAUSSE MODESTE DES CRÉDITS D'ENTRETIEN PROGRAMMÉ DU MATÉRIEL EN 2025

Les crédits d'EPM, après avoir connu une hausse très significative en 2024, stagneront en 2025 pour les milieux terrestre et aérien, mais augmenteront pour les forces navales. Ainsi, l'EPM des forces terrestres baissera de 8 millions d'euros en CP et l'EPM des forces aériennes de 67 millions d'euros en CP, tandis que l'EPM des forces navales augmentera de 219 millions d'euros. L'EPM entre ainsi dans une phase de plateau avant une indispensable reprise de la hausse des crédits en fin de période de programmation de la LPM.

 
 
 

EPM en 2023

EPM en 2024

EPM en 2025

B. UNE PROGRESSION DIFFÉRENCIÉE SELON LES MILIEUX, UNE DISPONIBILITÉ TECHNIQUE STABLE

Concernant en particulier les forces terrestres, qui avaient connu une hausse substantielle de l'EPM en 2024, les montants prévus pour l'entretien programmé des matériels doivent désormais permettre de développer les stocks, notamment de pièces détachées, dans l'optique de la haute intensité. Les marges de manoeuvres en 2023 et en 2024 avaient rendu plus aisée cette remontée des stocks, bien qu'en 2024 celle-ci ait été moindre que prévu pour préserver l'activité. En 2025, l'EPM terrestre diminuera au profit de l'EPM aéroterrestre, afin d'augmenter la disponibilité technique et l'activité des hélicoptères. Le bilan global sera une quasi-stagnation des moyens. Il sera donc nécessaire pour les gestionnaires de jouer, pour chaque ligne de MCO, d'un côté sur les besoins d'entraînement et d'activité des forces, de l'autre sur la reconstitution des stocks.

Dans le cadre du plan Ambition MCO-T 2030, pour récupérer des marges de manoeuvre, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) poursuit la renégociation des marchés de soutien afin d'en améliorer l'efficience et de dégager des gains de productivité. Les marchés de soutien en service (MSS) seront progressivement transformés en marchés de soutien hybride (MSH), avec la fin du soutien au forfait à l'unité de potentiel au profit de prestations toujours massifiées, mais permettant une plus grande marge de manoeuvre financière (approvisionnement en rechanges, réparation dans l'industrie étatique ou privée), ainsi que le recours à des marchés d'approvisionnement dits « transverses » pour l'acquisition des rechanges non spécifiques et des consommables. En début d'année 2025, cette transformation de MSS en MSH devrait concerner le parc VBCI.

La disponibilité technique des matériels terrestres augmentera légèrement en 2025, portée par la montée en puissance du parc Jaguar et par l'amélioration de la disponibilité des autres véhicules blindés. En revanche, la disponibilité des hélicoptères de l'armée de terre reste un point de vigilance important, du fait notamment des difficultés rencontrées avec les Caïman et les Puma.

S'agissant de la marine nationale, les crédits d'EPM augmentent de manière importante en AE en raison du renouvellement de certains contrats de MCO liés aux prochains chantiers d'entretien majeur et aux opérations d'entretien courant des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Les crédits CP augmentent également afin d'augmenter la disponibilité, de traiter des obsolescences pour prolonger des moyens anciens et afin de faire monter en puissance des flottes intérimaires.

L'amélioration de la disponibilité technique des matériels se confirme grâce, notamment à la fiabilité des frégates, dont la disponibilité atteint près de 80 %. L'action du service de soutien de la flotte (SSF) peut donc être globalement saluée, ainsi que les capacités de maintenance en mission développées par la Marine nationale. La disponibilité des avions de chasse de la Marine nationale sera en revanche nécessairement impactée par la mise au standard F4 du Rafale. Par ailleurs, le NH90 Caïman reste un point noir. L'hélicoptère a souffert de la corrosion saline et d'un soutien industriel fragile avec un manque de pièces de rechange, malgré les efforts du Service industriel de l'aéronautique (SIAé) qui a augmenté ses capacités d'entretien de cet hélicoptère ainsi qu'un engagement accru des industriels sur la disponibilité de certaines pièces. Lorsqu'il est en pleine possession de ses capacités, il s'agit pourtant d'un appareil très performant dont la complémentarité avec les frégates fait l'objet de tous les éloges, notamment en lutte anti sous-marine. Cette question de la disponibilité du NH90 doit donc continuer à concentrer tous les efforts, car ce matériel doit fonctionner encore au moins 20 ans.

La disponibilité du NH90 Caïman reste un point noir

S'agissant enfin de l'armée de l'air, plusieurs points appellent à la vigilance dans un contexte de destruction de deux Rafales dans un accident et de la perspective de cession de Mirage 2000 à l'Ukraine. En effet, les contrats verticalisés tardent à produire leurs effets. La disponibilité des aéronefs présentera ainsi en 2025 de forts contrastes entre les flottes, en raison des écarts d'âge entre celles-ci : les hélicoptères PUMA et les AWACS, par exemple, doivent être rapidement retirés. À cet égard, le remplacement, en 2025-2026 et en priorité, des PUMA de l'Outre-mer par des H225M Caracal, est une opération bienvenue. L'enjeu de la disponibilité des avions de combat reste prégnant, sachant que le format de la chasse a été considérablement réduit entre la précédente LPM et l'actuelle : ainsi les Mirage 2000D rénovés sont passés de 55 à 48, les Rafales de 185 à 137, les transporteurs de 50 à 35 Airbus A 400M. Il convient à cet égard de rappeler que le pont aérien en mai-juin 2024 en Nouvelle-Calédonie a, à lui seul, occasionné la mobilisation de 9 MRTT sur 12.

L'ensemble du maintien en conditions opérationnelle des trois milieux doit continuer à monter en puissance pour s'adapter à la haute intensité, ce qui suppose un meilleur entretien des flottes actuelles, mais aussi la capacité à augmenter rapidement la production en cas d'attrition plus rapide. À titre d'exemple, le SIAé s'est vu confier la mission de préparer cette adaptation à la haute intensité. Une telle évolution, en cours de réflexion, pourrait d'ailleurs permettre au SIAé de répondre aux recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci a en effet estimé lors d'un contrôle effectué en septembre 2024 que l'amélioration de la disponibilité technique des matériels aéronautiques supposait une amélioration de la productivité de ce service, qui constitue au demeurant un atout essentiel pour l'État. Autre sujet relevé par la Cour en matière de MCO des matériels aéronautiques, la transformation du projet Brasidas, d'un système informatique global en un système fédérateur des sous-systèmes des industriels, doit susciter la plus grande vigilance.

III. LE FINANCEMENT DU SUPER CALCULATEUR DÉDIÉ À L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Le programme 178 financera en 2025 le super calculateur de l'Agence ministérielle de l'intelligence artificielle de défense (AMIAD) acquis dans le cadre de l'appel d'offres « Asgard », 130 millions d'euros ayant été budgétés à cette fin. Le 24 octobre 2024 a été annoncée la victoire du tandem formé par HP et Orange dans cet appel d'offre, au détriment d'Atos qui aurait fait une offre très inférieure techniquement et s'agissant des délais de mise en oeuvre. Le premier super calculateur IA de la défense ne sera donc pas une solution souveraine. Interrogé lors de son audition par la commission, le ministre des armées a estimé que la priorité pour la France était de se doter rapidement d'un tel super calculateur pour ne pas « rester à quai », quitte à le remplacer dans deux ou trois ans lorsque la technologie aura progressé. En outre, NVidia, entreprise américaine, est le seul fabricant des puces GPU indispensables au fonctionnement d'un tel équipement, ce qui rend à moyen terme un solution souveraine illusoire. En revanche, le ministre a assuré que le caractère secret de la gestion des données serait bien garanti, seul du personnel habilité au secret de la défense national étant autorisé à effectuer le maintien en condition opérationnelle du calculateur.

IV. UNE ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE DES FORCES EN PROGRESSION MAIS UN ENTRAÎNEMENT CONTRAINT PAR LES GRANDS EXERCICES DANS LE CADRE DE L'OTAN

S'agissant de l'activité et de la préparation opérationnelle, l'évolution vers la haute intensité se poursuivra en 2025. La LPM prévoit un pallier d'activité en 2024-2027 avant une remontée en 2028-2030.

S'agissant de l'armée de terre, pour l'opération stratégique « activités opérationnelles », le montant des AE augmente de 16 % et celui des CP de 19 % au PLF 2025 par rapport à la LFI 2024, en raison des activités programmées pour préparer les engagements opérationnels des forces terrestres, pour honorer les partenariats militaires opérationnels et les détachements d'instruction opérationnelle au profit des pays partenaires. Cette augmentation va aussi permettre de couvrir la hausse des coûts liés aux déplacements du personnel. Les crédits inscrits permettront de maintenir le niveau d'entraînement autour de 70 % (au mieux 71 %) de la norme LPM, comme en 2024, la progression pour rejoindre la norme devant se faire ultérieurement.

Toutefois, le CEMAT prévoit une progression qualitative, permettant de se rapprocher des exigences de la haute intensité. Il s'agira de se préparer à l'objectif de déploiement simultané de deux brigades interarmes (BIA) françaises et d'une BIA multinationale aux ordres d'une division, ainsi qu'à la prise d'alerte d'un échelon divisionnaire au titre du New Force Model (NFM). Cette progression passe d'abord par davantage de participation aux exercices de l'OTAN tels que STEDFAST DEFENDER 2024 en février dernier et, en 2025, DACIAN SPRING (avec comme point majeur de démonstration le déploiement de la brigade multinationale AIGLE), WARFIGHTER et DIODORE. La France contribue ainsi à la transformation de l'Alliance vers le « New force model » apte à la haute intensité et effectue de nombreux « signalements stratégiques ». Toutefois, il est indispensable que le nombre élevé et la grande ampleur des exercices otaniens aille de pair avec une préservation de l'entraînement et de l'exercice des responsabilités à tous les niveaux, jusqu'aux garnisons. En effet, les grands exercices sont précieux pour les niveaux stratégiques des états-majors mais moins directement utiles pour les militaires du rang. Enfin, l'amélioration qualitative passera également par un durcissement de l'entraînement et par une préparation opérationnelle plus réaliste.

Source : Armée de terre

S'agissant de la marine nationale, la ressource consacrée à l'opération stratégique « Activités opérationnelles » présente une hausse de 17,8 % en AE et 10,3 % en CP. La situation internationale, avec plusieurs crises ouvertes, préfigure déjà en partie ce que serait la haute intensité, en particulier en Mer Rouge. Le chef d'État-major de la marine nationale a ainsi évoqué une « suractivité » de celle-ci. En 2025, la logique de coopération internationale des forces se poursuivra avec un nouvel exercice POLARIS 25 à la suite de l'exercice majeur de préparation aux combats du futur POLARIS 24. L'accent devra être mis sur la navigation en groupe, avec l'ensemble du spectre des capacités. L'activité des navires devrait être bien orientée tandis que les efforts doivent être poursuivis pour l'aéronavale, en particulier les hélicoptères, affectés par les problèmes de disponibilité déjà évoqués.

Outre ses missions programmées, la marine nationale joue par ailleurs un rôle de plus en plus important dans la lutte contre le trafic de drogues, sujet désormais majeur comme en attestent les travaux de la commission d'enquête du Sénat consacrée à ce fléau. Les prises de la marine nationale sont de plus en plus massives, que ce soit au large de la Guyane, dans le golfe de Guinée ou dans l'Océan indien.

En ce qui concerne enfin l'armée de l'air, l'OS Activité opérationnelle progressera de 16 % en CP. La volatilité des prix des produits pétroliers et la prépondérance de l'OB « carburéacteurs » (61 % de l'OS) explique en large partie l'évolution. Il faudra globalement atteindre les prochaines annuités de la LPM pour pouvoir constater des augmentations plus significatives de l'activité, compte tenu des cessions récentes à l'Ukraine, de la montée en puissance progressive des contrats verticalisés et de l'attrition. Enfin, comme la commission l'avait déjà soulignée, le faible volume de la flotte a pour conséquence une surutilisation des matériels pour permettre une activité suffisante, ce qui ne peut qu'aboutir à une augmentation des dépenses de maintien en condition opérationnelle à long terme.

V. LES JOP : UNE RÉUSSITE EXEMPLAIRE POUR LES ARMÉES, DES CONSÉQUENCES POUR L'OPÉRATION SENTINELLE

A. LA RÉUSSITE DES JOP

Comme l'a rappelé le chef d'état-major des armées, l'opération de sécurisation des JOP a sans doute été la plus grande opération militaire sur le territoire national depuis des décennies.

La mission confiée aux armées était de participer à la sécurisation multi-milieux et se déclinait en trois objectifs stratégiques : sécurisation des JOP 2024 ;démonstration de la solidarité des armées avec la Nation et de leur cohésion interne, avec des contributions hors du strict domaine de la sécurité permettant de souligner le lien armées-Nation et de montrer le professionnalisme des militaires français en France et à l'étranger ; enfin, prise en charge par les armées de leur propre soutien (soutien commun, soutien santé et soutien des systèmes d'information et de communication).

Cette mission s'est déroulée en préservant les engagements en cours et les activités majeures des armées, comme l'appui à la formation des Forces armées ukrainiennes. La force interarmées d'environ 18 000 militaires était ainsi répartie en trois blocs, un bloc soutiens (environ 3 000), un bloc de 5 000 militaires environ regroupant des capacités spécialisées de l'armée de terre (1 500 effectifs), un dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA, 3 000), un dispositif particulier de surveillance maritime (DPSM, 700) ; enfin un bloc de la force Sentinelle, à 10 000 hommes au maximum. Seules les villes de Paris et Marseille ont vu le déploiement de dispositifs interarmées significatifs et 80 % de la Force a été déployée en Ile-de-France.

La force en charge du contrôle de zone s'est déployée autour des plateformes aéroportuaires, des hubs urbains, des zones publiques des grandes gares et des lieux publics hautement touristiques. La force détenant des capacités spécialisées a appuyé les opérations de blanchiments des sites d'épreuve, de déminage, d'appui à la mobilité, de transport de matériels.

L'armée de terre a été le contributeur principal du soutien logistique, aspect clef de l'opération. Il s'est intégré dans le cadre déjà éprouvé de l'engagement des armées sur le territoire national, notamment Sentinelle, mais les postures permanentes de sécurité (PPS-A, PPS-M et PPC pour le cyber). Le soutien a reposé prioritairement sur le dispositif permanent de soutien territorial de proximité, renforcé par des moyens de soutien propres à la force et bénéficiant du soutien complémentaire offert par le recours à l'externalisation. Ce soutien a mobilisé 2 à 3 000 hommes des directions et services interarmées, dans les domaines de l'acheminement et du transport (personnel et matériel), de la condition du personnel en opération, du MCO terrestre et aéronautique, du soutien de l'homme, médical, des munitions, du pétrolier et du soutien au stationnement.

En tant qu'opération, la sécurisation des JOP a ainsi constitué un grand succès. En particulier, le dialogue civilo-militaire a été très approfondi, ce qui a permis aux armées, en comparaison de Sentinelle, d'améliorer la cohérence de leurs missions, notamment en déployant avec succès de nouvelles capacités spécialisées : capacités cyno-techniques, de déminage, anti NRBC et anti drones.

Cependant, la mission devait nécessairement avoir un impact sur la préparation opérationnelle (PO), dans un contexte déjà tendu du fait de l'ensemble des missions menées actuellement. Les JOP ont donc été pris en compte dans la programmation de la PO et des projections des unités pour en lisser les effets sur un cycle triennal. Ainsi, durant la période de juin à octobre, les camps d'entraînement, dans lesquels se déroule la préparation opérationnelle interarmes, ont vu une baisse de leur taux de fréquentation d'environ 10 points par rapport à une période similaire hors JOP. Au total, le nombre de compagnies au standard opérationnel « haute intensité » (SO3) attendu en fin d'année est estimé à 90 % de l'objectif qui aurait été fixé sans JOP.

B. VERS UNE ÉVOLUTION DE SENTINELLE

L'opération a permis de dégager des pistes pour faire évoluer la mission Sentinelle. En effet, les armées ont montré leur capacité à assumer des missions plus complexes et à mobiliser efficacement des capacités spécialisées. Des progrès très importants ont par ailleurs été accomplis sur la réglementation des drones sur le territoire national.

Ces capacités spécialisées pourraient désormais être déployées de manière permanente pour répondre aux nouvelles menaces, y compris celles issues du changement climatique. Cette évolution aurait également un effet positif pour la fidélisation des militaires compte tenu d'un intérêt supérieur des missions. Parallèlement, le socle de Sentinelle pourrait passer de 3 000 à 2 500 ou 2 000 militaires, avec une partie de réserve plus souple et décentralisée, afin d'avoir une meilleure réactivité face aux demandes des autorités. S'agissant des demandes émanant des autorités civiles, elles pourront évoluer, grâce à l'expérience des JOP, vers des expressions de besoin en missions et effets recherchés et non plus en nombre d'hommes.

VI. LA POURSUITE DE LA REMONTÉE EN PUISSANCE DES SOUTIENS

A. LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : LA POURSUITE DE LA RÉPARATION EN 2025

Les crédits des deux sous-actions qui constituent l'ensemble des crédits hors titre 2 consacrés au SSA (infrastructures de santé et Fonction de santé, les crédits de titre 2 étant portés par le programme n° 212 « Soutien de la politique de la Défense ») sont en hausse de +3,85 % entre la LFI 2024 et le PLF 2025.

La loi de programmation militaire 2024-2030 a initié une remontée en puissance du SSA, organisée dans une feuille de route publiée par le ministère des Armées en janvier 2024.

S'agissant de la composante formation et recherche, il faut saluer l'inauguration de l'Académie du service de santé (ACASAN) en avril 2024, permettant d'accroître la cohérence interne et externe des capacités de formation.

Par ailleurs, les tensions sur les effectifs perdurent. Ainsi, la composante hospitalière connaît en 2024 un déficit d'environ 60 praticiens militaires, et un déficit de 54 infirmiers de bloc opératoire, tandis que la composante médecine des forces connaît un déficit de plus de 80 postes de médecins. Les mesures engagées par le service (réduction de la durée obligatoire du « lien au service » des praticiens, mise en oeuvre d'allocations financières spécifiques de formation (AFSF) pour les internes ou les paramédicaux sur des métiers sensibles, en contrepartie d'un engagement à souscrire un contrat pour une durée double de celle financée, intégration complète de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) à partir de 2023, basculement de la population des praticiens dans le régime de la prime de performance (PERF) en 2025 et, pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), maintien d'un régime indiciaire homologue à la fonction publique hospitalière et de la prime de permanence des soins hospitalière, devraient commencer à porter leurs fruits en 2025.

La phase d'analyse du futur hôpital national d'instruction des armées (HNIA) à Marseille se poursuit jusqu'en 2025. Le début de la construction devrait intervenir en 2028 pour une livraison fin 2030 et une mise en service opérationnelle autour de 2031. Le financement de ce nouvel hôpital doit encore recevoir un soutien de l'OTAN et un soutien civil en raison de sa contribution à la santé publique des populations du nord de l'agglomération de Marseille.

Enfin, le SSA a un rôle particulier à jouer dans le cadre du programme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans les armées, dans l'accompagnement et la détection des VSS, à travers l'organisation d'un parcours complet de la victime dans les armées, similaire au parcours des blessés, avec un point de coordination au niveau de l'employeur. Le SSA est également chargé de la rédaction d'un référentiel d'accompagnement et de prise en charge médico-psychologique des victimes et de la rédaction d'une note technique qui intégrera la détection d'exposition à des VSS dans le suivi de santé individuel du personnel par le SSA. Par ailleurs, le SSA va développer un rôle renforcé dans l'éducation et la formation continue sur ces enjeux.

B. LES BASES DE DÉFENSE : VERS UN CUMUL OPÉRATIONNEL-SOUTIEN

S'agissant des bases de défense, en 2025 les AE diminueront de -33,3 %, pour s'établir à 1,27 Md€ et les CP diminueront de 14,3 % pour atteindre 1,15 Md€. La réforme vers davantage de cumuls des fonctions de commandement opérationnel et de soutien se poursuivra. Ainsi, une instruction ministérielle de mars 2024 a validé les pratiques consistant à réduire la dichotomie « soutenant-soutenu » pour un meilleur partage des tâches de la vie courante. L'armée de terre et l'armée de l'air et de l'espace souhaitent effectuer, sans remettre en cause la cartographie des bases, une « monocolorisation » de plusieurs bases de défense autour d'une armée, ce qui passe par la mise sous-emploi des antennes des services de soutien commun auprès des commandants de formation administrative au niveau local. Au sein de l'armée de terre peut avoir lieu le cumul de la fonction de commandant de la BdD (COMBDD) avec celle de commandant de brigade, par le regroupement de plusieurs BdD. Cette démarche a concerné, en 2024, 5 BdD, et l'armée de terre vise une généralisation de ce fonctionnement. Des cumuls ont également été mis en oeuvre pour l'armée de l'air et de l'espace sur les bases de Nancy et Istres.

C. UN SERVICE DU COMMISSARIAT AUX ARMÉES QUI CONTINUE SA TRAJECTOIRE VERS PLUS D'EFFICIENCE

Enfin, le budget du service du commissariat des armées (SCA) atteindra, en 2025, 898,90 M€ en AE, soit une baisse de 1,38 % par rapport à 2024, et 929,70 M€ en CP, en hausse de 11 %. En 2025 comme en 2024, le SCA sera fortement impliqué dans les déploiements à l'Est de l'Europe, que ce soit dans le cadre de l'opération Lynx (Estonie) ou dans celui de l'opération Aigle (Roumanie). Par ailleurs, le SCA a apporté une contribution majeure à la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Malgré la poursuite de sa trajectoire de réduction des effectifs atteignant -3 457 personnels sur la période 2019-2025 (les effectifs doivent atteindre 19 764 agents en 2025), le service rencontre toujours des difficultés de recrutement et de fidélisation, les politiques suivies pour résoudre ces difficultés n'ayant pas complètement porté leurs fruits.

Le mercredi 27 novembre 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « défense » dans le projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Défense » - programme 178 - Préparation et emploi des forces.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, Comme les rapporteurs précédents l'ont souligné, la Mission « Défense » connaît au sein du PLF 2025 une progression en ligne avec la loi de programmation militaire. En particulier, les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » augmentent de plus de 750 M€ par rapport à la LFI 2024, atteignant 14,3 Md€, soit+5,5 %. L'ambition portée par ce programme pour les années à venir s'énonce clairement : emmener nos armées à un niveau de préparation suffisant pour dissuader une agression de nos adversaires, et ainsi tenter de faire mentir le pessimisme de Jean Giraudoux qui disait que « la paix est l'intervalle entre deux guerres ».

Avant d'aborder les crédits pour 2025, il faut relever qu'on peut légitimement avoir quelque inquiétude pour la fin de gestion 2024. Nous avons là une équation à deux inconnues.

Première inconnue, les dégels budgétaires. Avec le « surgel » et le « sur-surgel » intervenus en février et juillet derniers, ce sont par exemple 9% des crédits du budget opérationnel de programme (BOP)-terre qui ont été gelés. Des crédits sont en cours de dégel mais nous n'avons pas été précisément informés à ce jour.

Deuxième inconnue, le financement des nombreuses opérations menées en 2024. Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 prévoit l'ouverture de 837 millions d'euros (677 millions au programme 178 et 160 millions au programme 212) pour couvrir les surcoûts des OPEX, des MISSINT, y compris les JOP et les interventions en Nouvelle-Calédonie, les déploiements sur le front oriental et le soutien à l'Ukraine. En tenant compte de la provision pour OPEX-MISSINT de 800 millions d'euros, 1 637 millions d'euros sont prévus pour couvrir l'ensemble des surcoûts. Or, nous n'avons pas été informés à ce jour du total des surcoûts effectifs en 2024. Les surcoûts OPEX-MISSINT devraient avoisiner les 1,3 milliards d'euros, mais ceux liés à l'aide à l'Ukraine n'ont pas été communiqués. Toutefois, ils seront nécessairement importants. Ainsi, les surcoûts ne seront probablement que très partiellement couverts par les crédits ouverts, ce qui semble assez inquiétant. Cette gestion de la fin 2024 conditionne en effet en partie la capacité des armées à exécuter la première année de la LPM et à atteindre leurs objectifs en matière d'activité et de préparation opérationnelles.

Au-delà de l'exercice 2025, le travail de clarification du statut des missions extérieures annoncé par le ministre est bienvenu. Il s'agit de distinguer : les OPEX relevant de l'article 35 de la Constitution ; celles qui n'impliquent que la légitime défense comme par exemple l'opération ASPIDES ; enfin les missions, telles Aigle et Lynx, qui visent à la réassurance de nos alliés sans impliquer dans l'immédiat l'usage de la force. En tout état de cause, une telle clarification devra respecter une triple exigence : se solder par une meilleure information et un contrôle accru du Parlement ; permettre une juste indemnisation des militaires engagés en fonction des sujétions et des risques encourus ; assurer une bonne répartition du financement entre la mission « Défense » et la solidarité interministérielle.

Deuxième sujet d'attention, les crédits de maintien en condition opérationnel. Les crédits d'entretien programmé des matériels (EPM), après avoir connu une hausse très significative en 2024, stagneront en 2025 pour les milieux terrestre et aérien, mais augmenteront pour les forces navales. Le défi est désormais double : permettre de faire remonter la disponibilité technique souvent insuffisante pour maintenir le niveau d'entraînement, tout en développant des stocks de pièces dans l'optique de la haute intensité, le tout à budget quasi constant pour les armées de terre et de l'air. Ceci suppose des réformes. Dans l'armée de terre, les marchés de soutien en service (MSS) seront progressivement transformés en marchés de soutien hybride (MSH). Ainsi, la fourniture des pièces spécifiques aux matériels maintenus restera du ressort de contrats verticalisés avec les industriels, mais avec une plus grande marge de manoeuvre financière pour l'approvisionnement en rechanges et le choix de réparations dans l'industrie étatique ou privée. Parallèlement, il sera recouru à des marchés d'approvisionnement dits « transverses » pour l'acquisition des rechanges non spécifiques et des consommables. Dès 2025, les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) seront concernés par cette évolution, puis les chars LECLERC (en 2027) et les véhicules blindés multi-rôles (VBMR, en 2027-2028). En revanche, le MCO aéronautique restera essentiellement verticalisé, mais devra gagner en productivité, notamment pour le Service industriel de l'aéronautique (SiAé) qui a reçu pour mission de s'adapter à la haute intensité. Tout ceci dessine une nouvelle doctrine du MCO pour la haute intensité, qu'il faudra impérativement préciser en 2025, pour que la remontée des crédits, qui arrivera ensuite, s'insère dans un système globalement plus performant.

S'agissant des chiffres de la disponibilité technique des matériels, vous savez qu'ils sont maintenant protégés. Toutefois, on peut indiquer que l'aéroterrestre reste un point de difficulté, tout comme les NH90 Caïman de la Marine, dont la disponibilité reste bien inférieure aux besoins malgré tous les efforts engagés depuis 2023, alors même qu'il doit servir au moins encore 20 ans. La pression ne doit donc pas se relâcher sur les industriels du programme pour qu'ils assurent correctement le MCO de ce matériel aux capacités par ailleurs exceptionnelles. Quant à l'armée de l'air et de l'espace, la progression de la disponibilité des avions de chasse est entravée par l'attrition des deux Rafale et les cessions de Mirage 2000 à l'Ukraine.

En conclusion, nous ne pouvons pas nous permettre de manquer les marches 2024 et 2025 car en matière de préparation des forces, l'adaptation à la haute intensité n'en est encore qu'à ses prémisses. Tout en gardant un oeil sur la fin d'exécution 2024, nous donnerons un avis favorable à ces crédits du programme 178 qui s'annoncent conformes à ceux prévus dans la trajectoire de la dernière LPM.

Je vous remercie.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure. - Monsieur le président, mes chers collègues, cette année encore, la progression vers les normes d'entraînement fixées par la loi de programmation militaire sera plus « qualitative » que « quantitative ».

S'agissant de l'armée de terre, les crédits sont en hausse mais permettront seulement de maintenir le niveau d'entraînement, comme en 2024, autour de 70% de la norme LPM, car beaucoup d'activité sera absorbée par des exercices de grande ampleur. L'objectif est de se préparer au déploiement d'une brigade aux meilleurs standards, dite « bonne de guerre », au premier semestre 2025, puis d'une division de combat au cours des années 2026 à 2028. La progression qualitative passe donc en 2025 par davantage de participation aux exercices de l'OTAN tels que DACIAN SPRING, WARFIGHTER et DIODORE. La France contribuera ainsi à la transformation de l'OTAN vers un modèle apte à la haute intensité, tout en effectuant de nombreux « signalements stratégiques » à destination de nos alliés et de nos adversaires.

Le défi sera selon nous de concilier ces exercices OTAN avec la préservation de l'entraînement classique, de l'entraînement interarmées jusqu'à celui au sein des garnisons. Les grands exercices sont en effet très utiles pour les états-majors, moins directement pour les militaires du rang. Enfin, l'amélioration qualitative devra également passer par un durcissement de l'entraînement et par une préparation opérationnelle plus réaliste par rapport à la haute intensité.

Les crédits d'activité opérationnelle de la Marine nationale augmentent également. En 2025, la logique de coopération internationale des forces se poursuivra avec un nouvel exercice POLARIS 25. L'accent devra être mis sur la navigation en groupe, avec l'ensemble du spectre des capacités. L'activité des navires sera très satisfaisante, l'amiral Vaujour parlant même de « suractivité » ; en revanche, la situation sera compliquée pour l'aéronavale, en particulier les hélicoptères, du fait des problèmes de disponibilité évoqués par mon co-rapporteur.

Enfin, pour l'armée de l'air et de l'espace, il faudra atteindre les prochaines annuités de la LPM pour constater des augmentations plus significatives de l'activité, compte tenu des cessions récentes à l'Ukraine, notamment les Mirage 2000-5 et des résultats très progressifs des contrats verticalisés. Surtout, le faible volume de la flotte a pour conséquence une sur-utilisation des matériels pour permettre une activité suffisante. Les cessions de Mirage 2000-5 se traduiront sans doute aussi par un report d'activité sur les Rafale et les Mirage 2000D, ce qui ne peut qu'aboutir à une augmentation des dépenses de maintien en condition opérationnelle à long terme.

Je voudrais ensuite faire un bref RETEX des Jeux olympiques de Paris et évoquer leurs conséquences pour nos armées. Trois points doivent être selon moi soulignés.

D'abord, il s'agit d'un indéniable succès pour nos armées, dont nos militaires peuvent être fiers. Ils ont en effet sécurisé efficacement les JO, mais aussi rehaussé le lien armées-Nation et démontré leur professionnalisme, aux yeux tant de nos concitoyens que des spectateurs venus du monde entier.

Deuxièmement, il y a nécessairement eu un impact sur la préparation opérationnelle. Durant la période de juin à octobre, les camps d'entraînement ont vu une baisse de leur taux de fréquentation d'environ 10 points. Cette conséquence a toutefois été anticipée et l'entraînement devrait être rattrapé progressivement sur trois ans.

Enfin et surtout, deux aspects mis en valeur lors de cette mission sont susceptibles de faire évoluer indirectement la mission Sentinelle. En effet, les armées ont démontré leur capacité à assumer des missions plus complexes et à mobiliser efficacement des capacités spécialisées : capacités cyno-techniques, de déminage, anti NRBC et anti drones, plongeurs, etc. Ces capacités spécialisées pourraient désormais être déployées de manière permanente pour répondre aux nouvelles menaces, y compris par exemple celles issues du changement climatique. En outre, la coopération civilo-militaire s'est avérée efficace, avec un dialogue plus fluide que par le passé. Après cette expérience réussie, les demandes émanant des préfets pourraient évoluer - du moins c'est ce que les militaires espèrent - vers des expressions de besoins en termes de missions et d'effets recherchés, et non plus en nombre de militaires. Ceci pourrait permettre de faire évoluer à la baisse le socle de Sentinelle, tout en ayant une partie de « réserve » plus souple et plus décentralisée, permettant une meilleure réactivité face aux demandes des autorités. Ces deux évolutions auraient un effet positif sur l'intérêt des missions et donc sur la fidélisation des militaires, ce qui constituerait un investissement pour l'avenir.

Avant de conclure mon propos, je voudrais évoquer les services de soutien, dont les crédits sont en hausse de +3,85 % entre la LFI 2024 et le PLF 2025. S'agissant en particulier du service de santé des armées (SSA), qui suit sa feuille de route de janvier 2024 pour remonter en puissance, les difficultés de recrutement et de fidélisation sont toujours un point d'attention. Toutefois, deux événements positifs peuvent être soulignés dans la vie du service. D'abord, s'agissant de la composante formation et recherche, il faut saluer l'inauguration de l'Académie du service de santé en avril 2024, permettant d'accroître la cohérence des capacités de formation. Ensuite, La phase d'analyse du futur hôpital national d'instruction des armées à Marseille est bien lancée et se poursuivra jusqu'en 2025. Le début de la construction devrait intervenir en 2028 pour une mise en service autour de 2031. Le financement de ce nouvel hôpital doit encore recevoir un soutien de l'OTAN et un soutien civil en raison de sa contribution à la santé publique des populations du nord de l'agglomération de Marseille.

Voici, monsieur le Président, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais soulever à propos de ce PLF 2025 qui préserve la hausse des crédits que nous avions inscrits dans la LPM, mais qui ne produira pas encore d'effets majeurs en 2025 en termes de préparation opérationnelle.

Je vous remercie.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 23 octobre 2024 :

- M. Yannick Cailliez, Ingénieur Général de l'Armement, SIAé

Mardi 29 octobre 2024 :

- M. Jacques Margery, Médecin général des armées, directeur central du service de santé des armées

- M. Jean-Christophe Bel, Médecin général inspecteur, directeur central adjoint du service de santé des armées

- M. Tom Haristias, chef du bureau « analyse, synthèse, relations d'armées », division performance management général de la direction centrale du service de santé des armées

Mercredi 30 octobre 2024 :

- Général de division Valéry Putz, chef de la division « Plans Programmation et Évaluation » de l'État-major des armées

- Lieutenant Éric Tobie, chef du bureau « évaluation », division « plans, programmation et évaluation » de l'État-major des armées

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