N° 148

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME III

ENVIRONNEMENT

Par MM. Guillaume CHEVROLLIER, Fabien GENET
et Pascal MARTIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Philippe Tabarot, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; M. Didier Mandelli, Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

CHAPITRE IER -
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX PAYSAGES, À L'EAU ET À LA BIODIVERSITÉ
ET À L'EXPERTISE, À L'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
ET À LA MÉTÉOROLOGIE

Réunie le 20 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Guillaume Chevrollier, a émis un avis favorable aux crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie inscrits au projet de loi de finances pour 2025 (PLF).

Constatant que les moyens budgétaires sans précédent alloués en 2024 aux opérateurs de l'eau et de la biodiversité et à la stratégie nationale pour la biodiversité n'ont été versés qu'à hauteur de 75 %, la réduction des moyens budgétaires prévus par le PLF pour 2025 présente un caractère moins significatif que le suggèrent les montants inscrits au programme 113. La rigueur budgétaire a en réalité commencé dès février 2024.

Le prochain exercice marquera en effet une pause dans la trajectoire de relèvement continue des moyens consacrés à l'environnement, avec également le report du relèvement du « plafond mordant » des agences de l'eau et un prélèvement probable de 130 M€ sur leur trésorerie. Les opérateurs devront faire preuve d'agilité budgétaire pour remplir leurs missions-socles et déployer avec succès les stratégies environnementales.

Les opérateurs de la donnée et de l'expertise auront quant à eux la tâche de produire toujours plus de connaissances, d'anticipation et de scénarios pour éclairer la décision publique, alors que leur modèle reste percuté par l'ouverture des données publiques - dont le coût de production continue de croître. La commission appelle à la vigilance pour que le nécessaire redressement des comptes publics ne conduise pas à un déclassement de notre capacité à anticiper les effets du changement climatique.

Enfin, la commission déplore vivement qu'une proportion significative de ses questions budgétaires soit restée sans réponse de la part du Gouvernement. Les demandes d'éclairage du rapporteur pour avis ont reçu des réponses incomplètes et imparfaites. Elle rappelle à cet égard que l'information du Parlement constitue une impérieuse exigence démocratique, surtout au moment décisif de l'examen d'un texte qui esquisse les grandes orientations de la Nation pour l'année à venir.

I. DES OPÉRATEURS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE MOBILISÉS DÈS 2024 POUR CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS

A. UNE ANNÉE 2024 QUI N'A PAS CONCRÉTISÉ LA MONTÉE EN PUISSANCE INÉDITE DES MOYENS CONSACRÉS AUX POLITIQUES DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ INSCRITS EN LOI DE FINANCES INITIALE

1. Une érosion continue des crédits budgétaires en cours de gestion

L'an dernier, la commission avait salué le doublement des crédits consacrés à la biodiversité et l'ambition budgétaire nouvelle pour enrayer le déclin des espèces, préserver les espaces naturels, améliorer la résilience hydrique et relever les défis environnementaux.

Cette évolution sans précédent des moyens portés par le programme « Paysages, eau et biodiversité » correspondait à la trajectoire esquissée par un rapport inter-inspections1(*) concernant les financements nouveaux nécessaires à l'atteinte des objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité. À l'automne 2023, la France a en effet redéfini 40 mesures en faveur de la biodiversité au sein de la SNB, afin de renforcer la cohérence des actions avec le nouveau cadre mondial adopté à la COP15 Biodiversité en décembre 20222(*).

Source : commission, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

(PLFG : projet de loi de finances de fin de gestion)

Malgré ces intentions louables, ces moyens nouveaux n'ont cependant pas été versés aux opérateurs à la hauteur de l'approbation parlementaire. Dès le début de l'exercice budgétaire, des gels et des annulations de crédits sont intervenus, affectant substantiellement les crédits de paiement du programme 1133(*). Du fait de ces mouvements de crédits, les dotations versées aux opérateurs de la biodiversité ont donc été largement virtuelles.

Au lieu des 512 M€ de crédits prévus, la dotation du programme 113 après déduction de la mise en réserve initiale, des surgels et des annulations de crédits, s'est en définitive élevée à 385 M€, soit seulement 75 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale.

2. Une prévisibilité budgétaire préférable à des évolutions erratiques et non anticipées

Si la commission souscrit à l'impératif de limiter le déficit public et de garder un cap budgétaire cohérent avec la trajectoire de réduction et de maîtrise des dépenses publiques, elle estime en revanche impératif de garder un cap cohérent et lisible en faveur de la préservation de la biodiversité, avec des évolutions budgétaires qui puissent être anticipées par les opérateurs.

Après une décennie 2010 marquée par une forte diminution des schémas d'emplois, le maintien des capacités humaines des opérateurs est à souligner. L'atteinte de nos objectifs environnementaux nécessite en effet une inscription dans le temps long, à l'abri des à-coups budgétaires et des variations des schémas d'emplois : plutôt que des doublements de crédits ensuite annulés à bas bruit, il est préférable que les moyens alloués à la mise en oeuvre de la stratégie nationale biodiversité et à la gestion résiliente de l'eau progressent de façon régulière et de manière soutenable pour les finances publiques.

B. LA PARTICIPATION DES OPÉRATEURS À LA RÉDUCTION DU DÉFICIT NE DOIT PAS COMPROMETTRE LES EFFORTS ENVIRONNEMENTAUX

1. Des moyens recalibrés à l'aune des efforts de maîtrise des dépenses publiques

La loi de finances mobilise deux leviers principaux pour permettre aux opérateurs de remplir leurs missions : des moyens financiers, versés sous forme de dotations budgétaires, de taxes affectées et de dépenses fiscales, ainsi que des moyens humains, dans le cadre des plafonds d'emplois susceptibles d'être rémunérés par les opérateurs.

En valeur absolue, les opérateurs sont globalement épargnés par la trajectoire de restriction budgétaire. La progression des moyens est cependant neutralisée par les évolutions de la masse salariale (protection sociale complémentaire, revalorisation du quasi-statut de l'environnement, hausse de 4 points du CAS Pensions, glissement vieillesse-technicité, etc.).

En revanche, le financement de l'action « Gestion des milieux et biodiversité » pâtit d'une baisse marquée, de près de 15 %. Les moyens alloués à la mise en oeuvre de la SNB diminuent ainsi de moitié.

L'essentiel de l'effort budgétaire est ainsi concentré sur les mesures portées par les stratégies nationales plutôt que sur les opérateurs. La baisse des dotations conduira cependant à des effets de bord qui priveront les opérateurs de dotations complémentaires dont ils bénéficiaient en 2024 et qui seront fortement réduites ou inexistantes en 2025. Ainsi, la dotation de 39,5 M€ pour la mise en oeuvre de la SNB au profit de l'OFB sera remplacée par une augmentation de 10 M€ de la SCSP de l'office.

À ces effets indirects, s'ajoutent des points de vigilance particuliers à certains opérateurs :

- le relèvement de 175 M€ du plafond de recettes des agences de l'eau n'aura pas lieu en 2025, comme prévu par le « plan eau », mais seulement en 2026. En outre, un amendement du Gouvernement prévoit un prélèvement exceptionnel de 130 M€ sur la trésorerie des agences, sans considérer les restes à payer et les engagements pris pour soutenir les investissements des collectivités, ce qui limitera leur capacité d'intervention alors que la résilience hydrique de notre pays doit être prioritaire ;

- les parcs nationaux font face à une saturation croissante de leur dotation budgétaire par leur masse salariale : dix parcs sur onze consacrent entre 80 % et 98 % de leur dotation à la rémunération de leur personnel, ce qui obère leur capacité à assurer leur fonctionnement et à co-financer leurs besoins d'investissement.

Le rapporteur souligne la nécessité de mieux concilier mesures d'économies budgétaires et soutenabilité financière des opérateurs. De manière cohérente avec les engagements européens de la France et les politiques publiques environnementales et de reconquête de la qualité de l'eau, les établissements publics doivent être en mesure de s'acquitter de leurs missions socles et de piloter les stratégies qui leur sont confiées.

Pour cette raison, il est nécessaire que les économies budgétaires portent autant que possible sur les mesures moins transformatrices ou aux impacts limités.

2. Une situation budgétaire qui invite à renforcer l'efficacité de l'action environnementale

Face à l'interruption de la trajectoire de progression dynamique des moyens budgétaires alloués à la préservation de la biodiversité et la politique de l'eau depuis plusieurs exercices, les opérateurs devront s'adapter à un « trou d'air » budgétaire qui sollicite leur agilité et leur capacité à renforcer l'efficience de leur action. La remarque attribuée à Einstein, « au milieu de la difficulté se trouve l'opportunité », trouve en l'espèce pleinement à s'appliquer.

Les opérateurs ont indiqué au rapporteur pour avis que le contexte budgétaire leur ferait rechercher des mesures de rationalisation et d'économies, pour faire aussi bien avec moins. La forte diminution des crédits consacrés à la SNB 2030 conduira ainsi l'OFB à renforcer les mutualisations des fonctions supports avec les parcs nationaux et à augmenter le nombre de projets communs, portés par plusieurs établissements publics.

Les parcs nationaux, dont la soutenabilité du schéma de financement budgétaire n'est pas garantie4(*) alors qu'ils jouent un rôle central dans la stratégie nationale pour les aires protégées et constituent de puissants vecteurs de l'attractivité d'un territoire autour du tourisme durable, devront quant à eux rechercher plus activement des financements extérieurs, auprès des collectivités territoriales, de l'Union européenne, des acteurs privés et du mécénat.

De même, en ponctionnant les moyens d'intervention et en différant le relèvement du « plafond mordant » des agences de l'eau, notre pays renforcera moins rapidement sa résilience hydrique face au changement climatique, la stratégie de lutte contre les fuites dans les réseaux ne portera pas les fruits espérés et la reconquête de la qualité de l'eau se heurtera à un mur d'investissements de plus en plus haut.

Si 2025 constituera une année de transition pour améliorer l'efficience des établissements publics et rationaliser certaines procédures administratives, le rapporteur appelle la tutelle à la plus grande vigilance pour accompagner les opérateurs face aux risques budgétaires auxquels ils pourraient être confrontés en cours d'année. Rappelons que la transition écologique sera intensive en moyens humains : les besoins en effectifs seront quasi mécaniquement amenés à croître pour faire face aux effets du changement climatique.

L'agilité budgétaire des opérateurs ne réglera donc pas tout : il est illusoire de penser que l'on pourra atteindre les objectifs des stratégies nationales sans les moyens adéquats. Après le nécessaire effort de réduction du déficit public, les prochains exercices budgétaires devront renouer avec une trajectoire budgétaire plus conforme aux enjeux environnementaux, d'autant que les politiques d'adaptation coûtent bien moins chères que les dépenses de réparation, les épisodes météorologiques extrêmes l'ayant dramatiquement montré.

II. DES OPÉRATEURS DE L'EXPERTISE ET DE LA PRODUCTION DE DONNÉES TOUJOURS À LA RECHERCHE D'UN MODÈLE PÉRENNE

A. UN PILOTAGE ET UNE ÉVALUATION DE L'ACTION ENVIRONNEMENTALE DE PLUS EN PLUS « DATAVORE »

Qu'elles soient géographiques, météorologiques ou techniques, les données produites par les opérateurs du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » se sont imposées comme des composantes à part entière des stratégies d'adaptation au changement climatique et sont devenues des préalables indispensables à une décision publique éclairée.

Ces données sont stratégiques à un double titre : affiner la compréhension des défis climatiques qui affectent le territoire et éviter les phénomènes de mal-adaptation. Les pressions qui s'exercent sur la biodiversité sont des phénomènes complexes à appréhender parce que multifactoriels. De même, les effets du changement climatique sur le territoire, les milieux et les activités humaines, directs ou diffus, supposent des grilles de lecture complexes et des modélisations scientifiques poussées.

La décision publique environnementale doit se nourrir de toute l'expertise publique disponible, en croisant les observations et les solutions, pour accroître la capacité de l'État et des élus locaux à se préparer agilement aux défis inédits que les évolutions climatiques font peser sur le territoire.

Connaître, modéliser, cartographier, anticiper et accompagner : tels sont les verbes d'action que l'État est en mesure de conjuguer grâce aux opérateurs du programme 159, qui offrent en outre des outils indispensables aux élus locaux dans leur action du quotidien pour renforcer leur résilience et promouvoir un développement territorial durable.

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PERCUTÉ PAR LA POLITIQUE D'OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES

La politique d'ouverture des données publiques a fortement mis au défi le modèle économique de ces opérateurs, dans la mesure où le passage à la gratuité en 2021 n'a fait l'objet d'aucune compensation financière de la part de l'État, alors que dans le même temps les coûts de production, de stockage et de diffusion des données augmentaient.

Cet arrêt de la monétisation des données a nettement réduit la capacité des établissements publics à trouver des ressources extra-budgétaires. En conséquence, ils dépendent plus étroitement de l'évolution de leur subvention pour charges de service public et font de ce fait plus difficilement face aux restrictions budgétaires. Les évolutions prévues par le présent PLF érodent donc leur capacité à répondre aux besoins d'expertise publique.

Ainsi, pour Météo-France, la gratuité des données engendre un manque à gagner annuel de l'ordre de 3 M€. À l'heure où la France doit produire des données souveraines robustes, fiables et à une cadence toujours plus soutenue pour tenir son rang dans la compétition météorologique et cartographique, il est regrettable de constater que la soutenabilité des champions français en la matière ne provienne plus que de l'argent public, à travers les dotations budgétaires et les conventionnements avec les directions centrales.

La commission insiste également sur la nécessité de ne pas rater le virage de l'intelligence artificielle (IA), qui peut constituer un puissant levier de croissance, en mesure de faire reculer la frontière technologique. Pour l'IGN, l'IA est susceptible de générer des gains de productivité significatifs liés à l'automatisation, qui amplifiera les productions de données géographiques, avec des descriptions du territoire plus régulières et approfondies5(*). Pour Météo-France, l'IA pourrait révolutionner la manière dont sont produites les prévisions météorologiques, en ouvrant de nouvelles perspectives pour le traitement des observations, avec des temps de traitement plus courts nécessitant moins de ressources de calcul une fois l'apprentissage réalisé, des gains d'anticipation et des modèles de prévision plus précis et fiables.

La capacité de ces opérateurs à investir dans la recherche et le développement est essentielle pour que la France reste dans la « course à la donnée souveraine ». La participation de l'ensemble des établissements publics à l'effort de redressement des comptes publics est évidemment légitime, mais la commission appelle toutefois à la vigilance quant à la préservation de notre capacité à disposer d'une expertise et d'une connaissance publique à la hauteur des enjeux environnementaux, indispensable notamment au déploiement du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3).

CHAPITRE II -
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET AU CLIMAT

Réunie le 27 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Fabien Genet, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat inscrits au projet de loi de finances pour 2025, sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement augmentant les crédits du fonds Chaleur.

La commission a rappelé son attachement à l'élaboration d'une stratégie de financement de la transition écologique cohérente et pluriannuelle, qui permette une montée en puissance des investissements bas-carbone. Elle déplore la généralisation prématurée du « budget vert » des collectivités territoriales, qui introduit une contrainte normative supplémentaire sans accompagnement suffisant de la part des services de l'État.

S'agissant du développement des énergies renouvelables, la commission renouvelle son attachement à la mise en oeuvre rapide de la planification territoriale du développement des énergies renouvelables, introduite à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Par ailleurs, dans un contexte de tension sur les finances publiques, la commission considère que le fonctionnement du service public de l'énergie, qui soutient financièrement les producteurs d'énergies renouvelables par des dispositifs d'obligations d'achat et de compléments de rémunérations, pourrait faire l'objet d'évolutions.

La commission déplore la diminution des crédits relatifs au fonds Chaleur porté par l'Ademe, qui soutient le développement de la chaleur renouvelable. Ce fonds, économiquement efficace et plébiscité par les élus, contribue à la fois à l'atteinte des objectifs climatiques de la France et au renforcement de la souveraineté énergétique nationale. Le coup de rabot prévu par le projet de budget risque de faire de l'année 2025 une année blanche pour le développement des réseaux de chaleur par les collectivités territoriales.

Enfin, s'agissant de la rénovation énergétique des bâtiments, la commission salue la stabilité normative prévue pour le dispositif MaPrimeRénov' en 2025, tout en alertant sur le décalage entre les objectifs ambitieux prévus par la nouvelle stratégie nationale bas-carbone et la diminution de crédits prévue par le PLF pour 2025.

Parc éolien en mer Réseau de chaleur

I. FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : AU-DELÀ DU VERDISSEMENT APPARENT, UNE STRATÉGIE PLURIANNUELLE RESTE NÉCESSAIRE

A. STRATÉGIE DE FINANCEMENT : UN PREMIER EXERCICE AU BILAN MITIGÉ

Selon le rapport Pisani Ferry - Mahfouz de 2023, l'ensemble des investissements supplémentaires tous secteurs confondus dans la transition écologique s'élèverait à environ 66 milliards par an à l'horizon 2030, soit 2,3 points de PIB6(*).

Pour favoriser cette montée en puissance nécessaire des investissements, l'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit la remise annuelle au Parlement par le Gouvernement, avant le début de la session ordinaire, d'une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte), afin d'assurer une montée en puissance des investissements à la hauteur des besoins de la transition écologique.

Force est de constater que le bilan de ce premier exercice est mitigé. Élaboré par la seule direction générale du Trésor, le rapport remis ne résulte pas d'un travail interministériel. Il indique que si le secteur privé aligne sa part d'investissement bas carbone d'ici 2027 avec le secteur public, et si ce secteur public poursuit la hausse tendancielle de l'effort, les investissements bas carbones pourraient progresser de 63 milliards d'euros d'ici 2027. Les leviers qui pourraient conduire à cette augmentation de l'investissement privé ne sont pas détaillés, il s'agit donc d'un scénario plutôt que d'une stratégie politique pluriannuelle.

La commission forme le voeu qu'une réflexion soit engagée pour assurer, qu'en 2025, le Gouvernement réponde pleinement à la demande du Parlement en remettant une stratégie de financement étayée et crédible.

B. Source : PLF 2025

BUDGET VERT DE L'ÉTAT : UN VERDISSEMENT APPARENT DES DÉPENSES

Pour la cinquième fois, le « budget vert » de l'État a évalué l'impact des dépenses inscrites au projet de loi de finances pour 2025 sur six objectifs environnementaux7(*).

Les dépenses favorables à l'environnement (ou dépenses « vertes ») augmentent par rapport au PLF 2024 (+ 2,1 Mds €), tandis que les dépenses défavorables (ou dépenses « brunes ») baissent (- 1,5 Mds €).

Le verdissement apparent des dépenses de l'État appelle cependant quelques nuances. Il s'explique en réalité par la baisse du prix de l'énergie, qui conduit à la fois à la hausse mécanique du soutien aux énergies renouvelables et à la baisse des dispositifs exceptionnels de soutien aux consommateurs.

C. BUDGET VERT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UNE CONTRAINTE NORMATIVE SUPPLÉMENTAIRE POUR LES ÉLUS LOCAUX

L'article 191 de la loi de finances initiale pour 2024 rend obligatoire, à compter de l'exercice 2024, la création d'un état annexe aux comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements de plus de 3 500 habitants intitulé « Impact du budget pour la transition écologique ». Cette annexe (tableau) cote les dépenses d'investissement en fonction de leur impact sur les mêmes six objectifs environnementaux que le budget de l'État.

Le décret du 16 juillet 2024 définit les règles de création de ce budget vert, en prévoyant une extension progressive du champ de l'évaluation de l'exercice 2024 à l'exercice 2027.

La commission avait dénoncé l'année dernière l'introduction de cette nouvelle annexe obligatoire, considérée comme prématurée.

Les premiers retours des associations d'élus de collectivités territoriales entendues8(*) confirment ce constat : si la mise en oeuvre d'un « budget vert » est bien avancée dans les collectivités territoriales les plus importantes, elle apparaît plus difficile dans les plus petites collectivités territoriales, un assouplissement du calendrier serait donc nécessaire.

La commission considère que le « budget vert » est un outil d'analyse qui peut en effet être pertinent, l'État doit inciter les collectivités à le mettre en oeuvre en proposant un accompagnement approprié. La commission regrette toutefois que le Gouvernement ait fait le choix d'en faire une obligation, ajoutant par là même une nouvelle contrainte réglementaire aux collectivités territoriales.

II. DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : UN ENGAGEMENT DE L'ÉTAT À PÉRENNISER

A. SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE : UNE HAUSSE MÉCANIQUE DU SOUTIEN PUBLIC LIÉE À LA DIMINUTION DU PRIX DE L'ÉNERGIE

Le PLF pour 2025 prévoit une augmentation considérable des dépenses liées au service public de l'énergie, qui passent de 4,8 milliards en 2024 à 6,6 milliards en 2025.

Ce service, qui vise à titre principal à soutenir les producteurs d'énergies renouvelables, augmente mécaniquement en raison de la diminution du prix de l'énergie : le Gouvernement compense en effet la différence entre le prix de l'énergie et le prix de vente de ces énergies renouvelables. Plus le prix de l'énergie est faible, plus ce différentiel est donc élevé.

Le caractère mécanique de cette hausse ne doit pas exclure une réflexion sur ces dépenses est selon la commission nécessaire dans le contexte budgétaire actuel, ce qui ne doit pas remettre en cause pour autant le soutien aux énergies renouvelables.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a fait part durant son audition de pistes d'évolutions pour permettre de suspendre le soutien à la production lorsque l'énergie atteint des prix négatifs. La commission forme le voeu que cette réflexion aboutisse à une réforme effective du dispositif.

B. ZONES D'ACCÉLÉRATION DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : UN RETARD DE MISE EN oeUVRE IMPUTABLE AUX SERVICES DE L'ÉTAT

L'article 15 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit, à l'initiative du rapporteur Didier Mandelli, la création de zones d'accélération des énergies renouvelables.

Ce dispositif de planification ascendante et participative vise à permettre l'identification, à l'initiative des communes, de zones propices à l'implantation d'installations d'énergies renouvelables, dans lesquelles les procédures administratives seraient simplifiées.

Les zones d'accélération devaient être définies avant la fin de l'année 2023. Très peu de communes ont pourtant pu tenir cette échéance. Ce retard est largement imputable au défaut d'accompagnement des services de l'État, qui ont tardivement transmis aux élus les documents nécessaires à cet exercice de planification.

C. FONDS CHALEUR : UN DISPOSITIF EFFICACE ET PLÉBISCITÉ PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La chaleur représente 43 % de la consommation d'énergie finale, dont seulement environ un quart est d'origine renouvelable. Le fonds Chaleur porté par l'Ademe finance des projets de collectivités territoriales et d'entreprises visant à développer l'usage de la chaleur renouvelable, issue de la biomasse, de la géothermie ou encore de la valorisation de déchets. Le développement de la chaleur renouvelable constitue un enjeu majeur pour l'atteinte des objectifs climatiques, mais aussi pour l'indépendance énergétique de la France et le pouvoir d'achat des Français : 60 % de la chaleur consommée provient d'importations, principalement de gaz et de fioul. Le fonds Chaleur est plébiscité par les collectivités territoriales, spécifiquement depuis la crise énergétique de 2022. Les candidats sont ainsi particulièrement nombreux : le portefeuille de projets candidats au fonds s'élève à 1,5 milliard d'euros, pour 820 millions d'euros de crédits ouverts en 2024 en autorisations d'engagement.

Le PLF 2025 prévoit une diminution de 35 % des autorisations d'engagement du fonds, qui passeraient de 820 millions d'euros en 2024 à 540 millions d'euros 2025. Ce coup de rabot risque de porter un frein à l'investissement des collectivités territoriales, en faisant de 2025 une année blanche pour la décarbonation de la chaleur.

Source : ADEME

Ce dispositif est pourtant particulièrement efficace. Le coût d'abattement du fonds Chaleur, c'est-à-dire les fonds publics nécessaires pour réduire d'une tonne par an les émissions de CO2, est l'un des plus faibles existants : il est par exemple trois fois moins coûteux de réduire les émissions de gaz à effet de serre par le fonds Chaleur que par la rénovation énergétique des bâtiments.

La troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3) en cours de concertation, prévoit un objectif de doublement de la consommation de chaleur renouvelable d'ici 2035.

Dans ces conditions, afin que les moyens accordés à la politique de développement de la chaleur renouvelable soient en adéquation avec les objectifs ambitieux du Gouvernement, la commission a adopté l' amendement n°II-266, qui augmente les crédits du fonds Chaleur à hauteur de 300 millions d'euros.

III. RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE : UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES RÉNOVATIONS D'AMPLEUR À POURSUIVRE

A. UNE ANNÉE 2024 MARQUÉE PAR UNE RÉFORME DU DISPOSITIF MAPRIMERÉNOV'

MaPrimeRénov', principal dispositif de soutien public à la rénovation énergétique des bâtiments, a été réorganisé au 1er janvier 2024 autour de deux piliers, afin d'accroître l'efficacité des aides versées.

Le pilier « performance », dédié aux travaux de rénovation d'ampleur, est désormais soumis à une obligation de moyens et de résultats. Le bénéfice de ces aides est, de surcroît, conditionné à une assistance par un Accompagnateur Rénov' public ou privé, agréé par l'Anah. Cet accompagnement - qui fait l'objet d'une aide spécifique - devait être de nature à renforcer la cohérence des travaux engagés, tout en limitant les risques de fraude. Par ailleurs, l'accroissement substantiel du taux et du plafond de prise en charge, progressifs en fonction du niveau de revenu, contribue à réduire le « reste à charge » des ménages aux revenus médians et modestes.

Le pilier « efficacité », consacré au remplacement des modes de chauffage, était initialement conditionné, pour les habitats individuels, à la présentation d'un diagnostic de performance énergétique (DPE). Les propriétaires de passoires thermiques ne pouvaient plus bénéficier de ce pilier et étaient obligatoirement réorientés vers le premier pilier.

À la suite des premiers signes de ralentissement de la demande de rénovation énergétique, les conditions pour bénéficier des aides à la rénovation par geste ont été assouplies jusqu'à la fin de l'année par le décret du 21 mars 2024. Le Gouvernement a ensuite annoncé la prolongation de cet ajustement pour 2025.

L'instabilité normative de l'année 2024 explique une sous-consommation particulièrement élevée des crédits : sur 4 milliards d'euros de crédits ouverts par la loi de finances initiale, seuls 1,7 milliard d'euros ont été consommés au 30 septembre 2024.

B. LA DIMINUTION DES CRÉDITS PRÉVUE DANS LE PLF 2025 REMET EN CAUSE L'ATTEINTE DES OBJECTIFS DE RÉNOVATIONS D'AMPLEUR

Le PLF pour 2025 prévoit une diminution conséquente des crédits dédiés à MaPrimeRénov', qui passeraient de 4 milliards d'euros en 2024 à 2,5 milliards en 2025. Le Gouvernement justifie cette baisse par la sous-consommation observée, qui s'explique cependant très largement par la situation particulière de l'année 2024. La stabilité des règles de MaPrimeRénov' prévue pour 2025, qui apparaît en effet nécessaire, pourrait contribuer à augmenter la demande au bénéfice de ce dispositif, peut-être même au-delà des crédits ouverts.

La diminution des crédits risque de remettre en cause la dynamique observée en faveur des rénovations d'ampleur. Au 30 septembre 2024, 70 000 demandes de rénovation d'ampleur ont été enregistrées, soit une augmentation de 30 % par rapport à la même période en 2023. À l'inverse, 170 000 dossiers de demandes de rénovation par geste ont été déposés, soit une diminution de 50 %. Ce report de la rénovation par geste vers la rénovation d'ampleur correspond à l'effet recherché par cette réforme.

Il s'inscrit également dans la logique de montée en puissance de la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3), actuellement en cours de concertation : l'objectif fixé est d'atteindre 400 000 rénovations d'ampleur par an de maisons individuelles d'ici 2030.

Au-delà des crédits ouverts, la montée en puissance des rénovations d'ampleur pourrait être remise en cause par des retards dans l'instruction des dossiers de demandes, ainsi que du fait des défaillances observées dans la mobilisation des Accompagnateurs Rénov' : ces derniers ne jouent pas toujours le rôle qui leur est dévolu. Certains acteurs agréés se contentent de collecter les différentes aides disponibles et vont parfois même jusqu'à conseiller aux particuliers des aides inadaptées.

La commission insiste sur la nécessité de garantir un niveau de qualité adéquat dans la procédure d'agrément des Accompagnateurs Rénov' par l'Anah et de procéder à une réelle évaluation des améliorations énergétiques obtenues.

CHAPITRE III -
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À LA PRÉVENTION DES RISQUES

Réunie le 27 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Pascal Martin, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques inscrits au projet de loi de finances pour 2025 (PLF), sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement pour doter l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) des moyens nécessaires.

La stabilisation des crédits consacrés à la prévention des risques dans un contexte de rationalisation des dépenses de l'État témoigne de la volonté du Gouvernement de prendre en compte la recrudescence des risques. La présentation du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC3) à la fin du mois d'octobre dernier l'illustre à cet égard.

La commission appelle le Gouvernement à intensifier les contrôles sur les installations classées les plus dangereuses, à plus forte raison dans un contexte d'émergence de risques menaçant la sécurité de certaines industries. Elle insiste par ailleurs sur le besoin de renforcer notre action aux bénéfices des risques inondations et retrait-gonflement des argiles.

Enfin, la commission insiste sur la nécessité de doter la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) des moyens nécessaires pour réussir la première année charnière de la fusion de l'ASN et de l'IRSN. L'avenir de la sûreté nucléaire ne saurait être sacrifié sur l'autel d'un rationalisation budgétaire malvenue.

Installations nucléaires de base (INB) Retrait-gonflement des argiles (RGA)

I. SOCIÉTÉ DU RISQUE : AGIR DANS UN MONDE INCERTAIN

Les crédits consacrés à la politique de prévention des risques (programme 181) par le projet de loi de finances pour 2025 sont, en neutralisant les effets de périmètre résultant de la création d'un programme 235 ad hoc portant les crédits de la sûreté nucléaire, stables.

Le rapporteur pour avis déplore toutefois que ce programme soit devenu, au fil du temps, un réceptacle inadapté de crédits qui ne concourent que partiellement à la prévention des risques. Aussi, sur les 1,3 milliard d'euros portés par ce programme en crédits de paiement, seuls 400 M€ sont directement destinés à la prévention des risques, les 900 millions d'euros restants finançant l'Ademe, qui ne joue qu'un rôle très marginal dans cette politique.

À cet égard, le rapporteur pour avis considère qu'une réflexion doit être menée sur l'architecture budgétaire du programme, l'omniprésence des risques méritant mieux que des financements en trompe-l'oeil et fléchés de manière inappropriée.

A. INSTALLATIONS INDUSTRIELLES CLASSÉES : NAVIGUER AU CONFLUENT DE RISQUES ÉMERGENTS

Les installations industrielles sont depuis toujours étroitement porteuses de risque. L'explosion de la poudrerie de Saint Chamas en 1936, l'incident d'AZF à Toulouse en 2001 ou encore l'incendie de l'usine Lubrizol dans la périphérie de Rouen en 2021 n'ont pas manqué de nous rappeler l'acuité du risque. Mais cette dernière décennie consacre l'émergence de nouvelles formes de danger, dont le risque « Natech » et les « cyberattaques » sont les évocations les plus frappantes.

L'Ineris et l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) ont fait part au rapporteur pour avis d'une réflexion en cours dans le cadre d'un programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR), afin d'inclure davantage le risque « natech » dans la planification de la gestion de crise, ce qu'il salue.

Dans une logique de développement d'une culture du risque qu'elle appelle régulièrement de ses voeux, la commission recommande la plus grande vigilance face à l'augmentation insidieuse de l'accidentologie industrielle ces dix dernières années.

Source : Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

À cet égard, la commission estime que le rehaussement de la cible des contrôles des installations industrielles (ICPE), fixée à 21 contrôles par ETPT par an au sein du PLF 2025 est un effort bienvenu. Elle insiste néanmoins sur la nécessité d'intensifier les contrôles sur l'ensemble des installations, 1 contrôle tous les 3 ans pour les établissements Seveso seuil bas, n'est à ce stade, pas satisfaisant.

Par ailleurs, le risque ne disparaît pas avec la cessation de l'activité industrielle. L'Ademe remplit à cet égard une mission de « mise en sécurité des sites pollués à responsable défaillant » (installations orphelines). Aujourd'hui, 573 sites sont gérés par l'agence pour un montant estimé à 40 M€ pour l'année 2025.

B. PRÉVENIR LES CATASTROPHES NATURELLES : FAIRE FACE À L'INTENSIFICATION DES ALÉAS

Dans le cadre de ce PLF2025, les montants demandés en AE et en CP, au titre de la prévention des risques naturels et hydrauliques (action 10) sont strictement égaux aux plafonds d'ouverture de la loi de finances initiale pour 2024, soit 37,8 M€ en CP.

1. Le risque inondation : éviter la submersion

L'année 2024 s'est caractérisée par une démultiplication d'évènements climatiques dommageables pour les populations. Les ravages occasionnés par les inondations, dont l'ampleur a été soulignée par un récent rapport d'information sénatorial adopté en septembre 20249(*), continuent de s'étendre. Il est le premier risque numéraire identifié au sein des plans de prévention des risques naturels (PPRN) : 10 825 communes disposent d'un PPRN traitant du risque inondation, contre 2 092 pour le risque retrait-gonflement des argiles et 211 pour le risque d'incendie de forêt.

Pour la commission, les efforts pour endiguer le risque inondation doivent être constamment repensés, d'autant plus que le nombre de citoyens en zone inondable va doubler à horizon 2030, atteignant les 17 millions. La prévalence de ce risque et le coût budgétaire induit justifieraient une action budgétaire dédiée au sein du programme 181.

2. Le retrait-gonflement des argiles (RGA) : prévenir la fracture

La sinistralité associée à ce phénomène est en très forte expansion ces dernières années. D'après les projections à horizon 2050, cet aléa sera le premier risque en termes de couverture assurantielle, le coût de la sinistralité devant augmenter de 40 % par rapport au niveau de 202010(*).

La commission estime qu'il est désormais temps de passer de la consternation aux propositions. À cet égard, il pourrait être opportun de prolonger certaines expérimentations, telles que le procédé « MACH » porté par le Cerema consistant en une réhydratation exogène des sols par l'intrant d'eau de pluie dans les zones argileuses asséchées.

C. Source : IGEDD, IGA et IGERES

VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ À +4 DEGRÉS : LE CAS DU RISQUE D'ORIGINE GLACIAIRE ET PÉRIGLACIAIRE

Le rapporteur a souhaité s'intéresser au risque d'origine glaciaire et périglaciaire (ROGP)11(*), phénomène amené à s'étendre avec le réchauffement climatique. Les mesures n° 6 et n° 35 du PNACC3 visent à renforcer la connaissance scientifique de ce phénomène ainsi qu'à mettre en place des dispositifs de prévention adaptés à la protection des vies humaines.

La DGPR a indiqué au rapporteur que le risque ROGP était vraisemblablement susceptible d'entrer dans le périmètre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « Fonds Barnier », compte tenu du caractère imprévisible de cet aléa et des dangers sur la vie humaine.

À cet égard, la commission estime que si tel est le cas, les montants de crédits ouverts devraient être rehaussés en conséquence. Le Gouvernement a annoncé abonder le fonds de 75 M€ par voie d'amendement, portant son montant total à 300 M€ pour 2025. La commission salue cette avancée. Elle appelle cependant l'attention de l'exécutif sur le financement de ce fonds qui n'est aujourd'hui pas aligné avec les montants réels perçus au titre des recettes du prélèvement sur la garantie « CatNat », qui abondent le budget général. Ce prélèvement, dont le montant est estimé à 450 M€ a pour finalité le financement de mesures de prévention des risques. Et pourtant il bénéficie à d'autres missions du budget, ce qui n'est ni légitime ni cohérent.

II. ASNR : NE PAS BADINER AVEC LA CRÉDIBILITÉ DE LA RÉFORME DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

En 2024, une ambitieuse réforme de la sûreté nucléaire12(*) a consacré la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au 1er janvier 2025. Au cours des débats parlementaires, la crainte d'une rationalisation gestionnaire et d'une attrition des capacités de recherche de la future autorité ont été évoquées.

Conséquence de la fusion des deux entités ainsi décidée, le Gouvernement a consacré, au sein de ce budget pour 2025, un nouveau programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection ». Ce programme répond à une préconisation plusieurs fois renouvelée qui visait à apporter de la lisibilité au financement de la sûreté nucléaire, dont les crédits étaient jusqu'alors fragmentés en trois programmes budgétaires distincts (programmes 181, 172 et 190). La commission salue cette clarification bienvenue.

Néanmoins, la phase de préfiguration de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) a mis en lumière la réalité des besoins de financements du futur établissement.

À la lumière des auditions du rapporteur avec l'ASN et l'IRSN, le montant des dépenses de fonctionnement de la future autorité inscrites au PLF2025, soit 138,8 M€ en CP, serait inférieur au montant des besoins estimés à 158,1 M€ et 90 % du montant des dépenses d'intervention seraient des dépenses incompressibles (dépenses immobilières, fonctionnement des installations de recherche, dépenses informatiques, etc.).

19,4 M€ seraient ainsi manquants. L'obtention d'un rescrit fiscal permettant à l'ASNR, comme l'ASN jusqu'alors, de bénéficier par le biais d'un assujettissement total à la TVA, d'une non-déductibilité de la TVA lors des acquisitions et ne serait pas tenu de collecter la TVA, pourrait remédier à cette situation. Ces conditions plus favorables à l'ASNR qu'elles ne l'étaient pour l'IRSN pourraient représenter 20 M€ de recettes. Toutefois, ce rescrit fiscal n'est jusqu'à présent pas acquis.

Telle est la raison pour laquelle la commission a adopté à l'initiative du rapporteur l' amendement n°II-257 pour sécuriser le budget de l'ASRN, dans le cas où le rescrit ne serait pas présenté avant l'examen de la seconde partie du présent budget.

La commission considère que la crédibilité de cette réforme d'ampleur ne peut pas être sacrifiée à vil prix. Il en va de la bonne mise en marche de l'ASNR au 1er janvier prochain et du bon déroulement de la première année de fonctionnement. Cette première année sera en effet décisive pour mettre en marche les cinq grands chantiers prioritaires que l'établissement doit conduire.

TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques
(Mercredi 6 novembre 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons le plaisir d'entendre ce matin Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, du climat et de la prévention des risques. Madame la ministre, il s'agit de votre première audition devant notre commission depuis votre prise de fonction le 21 septembre dernier. Pour les amateurs de statistiques, c'est la quatrième fois que vous intervenez devant nous, les fois précédentes en votre qualité de ministre de la transition énergétique.

Nous partageons un constat commun, comme vous me l'avez écrit pas plus tard que la semaine dernière : la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité sont les défis de notre siècle. C'est donc pour nous l'occasion de faire un point sur l'état d'avancement des négociations internationales relatives à l'environnement et les dynamiques géopolitiques en matière de diplomatie climatique à la veille de la COP29, mais également sur la feuille de route que s'est fixée le Gouvernement en matière de priorités environnementales alors que vient d'être rendu public le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique et, bien entendu, sur les enjeux budgétaires et fiscaux en amont de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

Premier sujet : les négociations internationales en matière environnementale. L'actualité est particulièrement riche en la matière : la COP16 Biodiversité à Cali s'est achevée le week-end dernier et la COP29 Climat à Bakou débutera le 11 novembre prochain, sans oublier la COP16 Désertification à Riyad, qui débutera le 2 décembre, et la session de négociation de l'Assemblée des Nations Unies pour l'Environnement de Busan (Corée du Sud), qui débutera le 25 novembre et visera à négocier un traité mondial de lutte contre la pollution plastique qui soit juridiquement contraignant. Notre commission a bien entendu suivi attentivement ces rendez-vous majeurs, en organisant des tables rondes faisant intervenir des experts - sur la COP16 et la COP29 - ainsi que des réunions du groupe de suivi des négociations et des enjeux internationaux en matière de développement durable, présidé par Ronan Dantec.

Nous aimerions recueillir votre analyse de l'issue de la COP16 Biodiversité, à laquelle vous étiez présente. De nombreux intervenants parlent d'un succès mitigé, voire d'un accord en demi-teinte, notamment parce qu'il laisse en suspens la question du mécanisme des financements entre pays du Nord et du Sud, mais également celle du cadre mondial permettant le suivi et l'évaluation des progrès. Malgré tout, des avancées sont à signaler, qu'il s'agisse de l'institution d'un fonds multilatéral pour assurer le partage des bénéfices issus du séquençage des ressources génétiques (le « fonds Cali ») ou de la représentation des peuples autochtones et des communautés locales à la Convention pour la diversité biologique. L'accord obtenu en Colombie vous satisfait-il ? Prévoyez-vous des évolutions de la Stratégie nationale biodiversité à la lumière des évolutions auxquelles ont abouti les négociations en Colombie ?

Pourriez-vous également évoquer les enjeux propres aux trois autres rendez-vous internationaux en matière d'environnement, qui débuteront dans les prochaines semaines ? Quel mandat se sont fixé le Gouvernement et l'Union européenne et quels sont les enjeux et défis majeurs de ces différents rendez-vous ?

Au niveau national, l'actualité en matière environnementale est également chargée. Le Premier ministre a dévoilé à vos côtés le 25 octobre dernier le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC), qui faisait l'objet de fortes attentes, alors que les événements dramatiques des derniers jours en Espagne ont de nouveau démontré l'urgence et l'impérieuse nécessité de l'adaptation au changement climatique. D'autres documents programmatiques - je pense à la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et à la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) - sont également attendus. Sans préempter ces différents documents pouvez-vous, madame la ministre, nous présenter les grands axes de la feuille de route du Gouvernement en matière de transition écologique ?

Je souhaiterais enfin évoquer le projet de loi de finances pour 2025. Le 18 octobre dernier, vous avez déclaré qu'en l'état, le budget alloué à l'adaptation et à la lutte contre le changement climatique « n'est pas à la hauteur ». Pourriez-vous revenir sur cette déclaration et détailler les moyens supplémentaires qui seraient selon vous nécessaires ? Les débats en cours à l'Assemblée nationale vous semblent-ils de nature à rehausser l'ambition des crédits budgétaires ? Quels sont vos priorités et vos combats pour favoriser un budget qui réponde aux défis de notre temps ?

Madame la ministre, je vous cède la parole pour répondre à ces questions liminaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques- Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui au sein de votre commission en qualité de ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques. Je vais vous présenter la feuille de route et les grandes priorités de l'action du Gouvernement pour mon portefeuille ministériel.

L'urgence écologique est là, et tout d'abord, évidemment, sur le plan climatique. Il suffit de voir la répétition et l'ampleur des catastrophes naturelles qui ont notamment frappé mon département du Pas-de-Calais, celui de l'Ardèche, de l'Eure-et-Loir, de la Seine-et-Marne, du Nord, des Alpes-Maritimes et de la Gironde. J'égrène le nom de ces territoires pour montrer comment, en trois semaines, tous ces départements ont été touchés, chacun aura probablement en tête d'autres exemples. Je mentionne également le nombre de victimes impressionnant chez nos voisins espagnols, où une grande ville a été frappée.

L'urgence concerne ensuite la biodiversité. Selon le Fonds mondial pour la nature, au cours des 50 dernières années, la population d'animaux sauvages a diminué d'environ 70 %, avec, par conséquent, une disparition de même ampleur de la biomasse animale. Le monde vivant est donc en danger et si nous restons inactifs, c'est la survie de notre propre espèce qui est en cause.

Nous devons mener de front ces deux combats : climat et biodiversité sont ainsi les deux priorités de mon action et les deux faces d'une même pièce. Pour agir, nous avons une méthode, la planification écologique engagée en 2022, qui porte ses fruits : en 2023, nos émissions ont ainsi diminué de 5,8 %. Pour autant, face à l'urgence, nos efforts doivent se poursuivre. C'est pourquoi, comme l'a souligné le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, nous allons amplifier cette planification écologique. Je soumets actuellement à la consultation du public trois textes importants que vous avez, monsieur le président, mentionnés. Tout d'abord, le Plan national d'adaptation au changement climatique a été présenté par le Premier ministre dans le Rhône. Ce texte prévoit 51 mesures pour renforcer la protection de la population face aux effets déjà perceptibles dans nos vies du changement climatique. Il s'agit d'anticiper les difficultés, par exemple dans nos modes ainsi que nos horaires de travail ou dans la manière de fréquenter l'école avec, en particulier, la question des examens en période de canicule. Ces sujets sont très concrets, auxquels il faut ajouter celui des assurances : comment s'assurer dans un monde où le risque augmente ? Cette question de l'adaptation soulève également le problème du perfectionnement des aménagements pour nous protéger des risques supplémentaires. À ce titre, en matière d'inondations, on doit évoquer les sujets de digues, de pièges à embâcles ou d'entretien des cours d'eau. S'agissant de la canicule, il faut mettre en avant le traitement des îlots de chaleur. Tout est abordé dans ce plan national d'adaptation qui concerne tous les portefeuilles et quasiment tous les ministres autour de la table, y compris le secteur ultramarin qui appelle un plan d'adaptation climatique propre à chaque territoire en tenant compte de chaque spécificité. Plus fondamentalement, l'enjeu est de déterminer comment on développe une culture du risque face au dérèglement climatique. Je tiens à cette occasion à saluer le travail mené lors de l'examen de la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles déposée par Christine Lavarde et rapportée par Jean-François Rapin ainsi que par Pascal Martin, pour votre commission : ce travail a été évoqué en séminaire gouvernemental dans la perspective d'essayer de lui faire suivre son cours à l'Assemblée nationale.

Parmi les mesures de ce PNACC 3, 75 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour le fonds Barnier qui est porté à 300 millions d'euros en 2025, pour multiplier et accélérer les projets de prévention : c'est une première réponse à la question que vous avez posée sur le budget. S'y ajoute la priorisation des mesures d'adaptation dans l'utilisation du Fonds vert pour les communes et les collectivités conformément à l'objectif d'adaptation au changement climatique. Je mentionne également le déploiement d'une offre commune en expertise et en ingénierie par les opérateurs de l'État - au premier chef le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) et l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) : du point de vue des collectivités locales, il s'agit d'un guichet unique, qui doit permettre à une centaine de territoires de s'adapter en faisant leur diagnostic climatique et en prévoyant leur feuille de route. Ces cent premiers diagnostics permettront ensuite de travailler de manière plus transversale sur l'ensemble des territoires, l'objectif étant de généraliser le dispositif en 2025. La consultation sur ce plan est lancée pour une durée de deux mois : je vous invite évidemment à vous en saisir et à mobiliser vos concitoyens pour qu'ils y participent. En effet, l'adaptation au changement climatique est aussi l'affaire des citoyens, il est très important que cela devienne concret pour eux.

Lundi dernier j'ai lancé, avec mes collègues François Durovray et Olga Givernet, la consultation sur la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie. Ces deux textes correspondent au deuxième trépied de notre action écologique. D'un côté, nous devons nous adapter parce que le réchauffement climatique est là et qu'il nécessite de changer nos modes d'aménagement de la ruralité, de la périphérie, de la ville et également de changer nos habitudes. De l'autre côté, il ne faut pas baisser la garde dans le combat contre le dérèglement climatique et il est impératif de continuer à baisser nos émissions de gaz à effet de serre. C'est ce que fait la stratégie nationale bas carbone, secteur par secteur - l'industrie, le logement, les transports, l'énergie, l'agriculture - tandis que la programmation pluriannuelle de l'énergie en donne une traduction purement énergétique. En effet, c'est en tenant compte de tous ces éléments programmatiques qu'on peut déterminer nos perspectives à 10 ans en termes de baisse de la consommation d'énergie et de développement des énergies renouvelables ou nucléaires.

Ces deux textes ont pour spécificité d'introduire de nouvelles ambitions. Nous visons 50 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, ce qui traduit purement et simplement l'objectif européen. Vous savez que ce dernier a été réparti de manière plus ou moins importante par pays en fonction de leur point de départ. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit également qu'en 2030, la part des énergies fossiles dans le mix énergétique soit abaissée à 42 %, alors que la précédente programmation prévoyait encore une part de 60 %. Cela suppose que les énergies renouvelables et le nucléaire représentent plus de la majorité de notre mix énergétique. À ce titre, je salue le travail du Sénat, avec l'adoption de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie du sénateur Daniel Gremillet, rapportée par Alain Cadec, Patrick Chauvet et Didier Mandelli. Ayant déjà beaucoup parlé de la stratégie qui gouverne la programmation pluriannuelle de l'énergie - je vous l'ai même présentée l'année dernière ici même -, je me contenterai de citer ses quatre piliers. S'agissant du premier, je précise que la sobriété est la juste utilisation des ressources et non pas la décroissance : il s'agit de se passer du superflu. On constate d'ailleurs que les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 37 % en Europe depuis 1990 alors que le PIB a augmenté de 68 % : il y a donc une décorrélation entre croissance et énergie, il faut se méfier de tous les oracles de la décroissance. En revanche, c'est la nature de cette croissance sur laquelle il faut s'interroger. L'efficacité énergétique est le deuxième pilier : il s'agit de continuer à accompagner les Français en matière de rénovation de leur logement et de transports décarbonés. Le troisième pilier est celui des énergies renouvelables et la relance du nucléaire, entamée il y a plusieurs mois, en est le quatrième.

J'aurai également d'autres priorités au cours des prochaines semaines et des prochains mois. En ce qui concerne la protection de la biodiversité et de l'eau, nous allons d'abord assurer le déploiement de la stratégie nationale biodiversité. On ne va pas revenir sur cette dernière, qui date d'un an, mais on va s'assurer qu'elle est correctement mise en oeuvre et vous savez que l'échéance importante est de placer 10 % de notre territoire sous protection renforcée. Le deuxième axe est le lancement de la grande conférence nationale sur l'eau annoncée par le Premier ministre et qui a vocation à se décliner au niveau territorial, bassin par bassin. À cet égard, les 60 ans en décembre prochain de la loi sur l'eau seront un moment clé pour revisiter le dispositif et se demander quelle action mener dans le contexte de dérèglement climatique. Le troisième élément, plus spécifique mais important, est le plan eau pour Mayotte, pour aider cette île à faire face à la grave crise de l'eau qu'elle connaît depuis des mois. Je mentionne enfin le plan de sécurisation des captages pour garantir la qualité de l'eau. J'avais élaboré ce plan au ministère de l'agriculture et je l'emporte avec moi au ministère de la transition écologique parce que la question de la qualité de l'eau est essentielle. En particulier, vous savez qu'aujourd'hui certaines agglomérations de plusieurs centaines de milliers d'habitants ne dépendent plus que d'un captage, ce qui, en termes de gestion des risques, est problématique.

En second lieu, je serai évidemment très mobilisée au niveau international et d'abord au niveau européen. Vous pouvez compter sur moi pour continuer la mise en oeuvre du plan vert, mais - et je l'ai indiqué lors de mon premier conseil de l'environnement - avec l'absolue nécessité de le coupler avec une ambition industrielle et une politique commerciale adaptées. Pour ce faire - et cela a été évoqué à plusieurs reprises sur ces bancs ainsi qu'à l'Assemblée nationale -, nous avons besoin de « clauses miroirs » ou, encore mieux, de dispositifs miroirs, avec un système permettant aux entreprises européennes qui font des efforts de transition énergétique de ne pas se retrouver en situation de concurrence déloyale par rapport à d'autres pays.

Sur la scène internationale, plusieurs événements marquants nécessiteront un rôle actif de la France d'ici la fin de l'année. Vous m'interrogez sur mon diagnostic à l'égard de la COP16 mais je crois que vous avez dit l'essentiel, monsieur le président, en qualifiant ses résultats de mitigés. Un accord important pour la protection des océans a été conclu ainsi qu'un accord sur le lien entre climat et biodiversité : ce dernier peut donner un sentiment de déjà vu mais il est important de rapprocher la COP Biodiversité de la COP Climat. En revanche, au-delà même du défaut d'accord sur le mécanisme de financement, j'estime encore plus problématique le cadre de suivi et de rapportage des objectifs très ambitieux que s'est donnés la COP de Montréal : en particulier, je trouve préoccupant, par exemple, que certains pays ne souhaitent même pas faire oeuvre de transparence sur l'utilisation de produits phytosanitaires, ce qui est très révélateur. Dans ces conditions, l'ambition que je partage avec les pays les plus avancés en matière de lutte pour la protection de la biodiversité, c'est de ne pas mettre à la poubelle ces trois semaines de négociations : en effet, il se trouve qu'au moment d'adopter le texte sur le rapportage, un pays a levé la main pour demander si le quorum était réuni, en sachant pertinemment qu'en fin de COP et après une nuit blanche de discussions, le quorum est rarement atteint. Cette initiative a eu pour effet juridique immédiat d'arrêter la COP. C'est évidemment une forme de manoeuvre mais il faut retenir de cet épisode que le dialogue multilatéral se déroule dans un moment un peu délicat et qu'il impose d'être extraordinairement actif, assertif et présent en tant que ministre pour pouvoir porter les positions. À cet égard, je peux vous dire qu'on a énormément échangé, y compris dans la nuit : je n'étais pas présente physiquement car ce n'était pas un segment de discussion pour les ministres mais nous nous sommes mobilisés, par exemple pour appeler le commissaire européen ou la ministre suédoise pour solliciter du renfort sur tel ou tel point des accords. Je ne peux pas ici vous préciser l'origine de la demande de quorum : ce n'est pas un grand pays auquel on pense naturellement mais sa démarche est révélatrice.

Sur la scène internationale, la COP29 sur le climat à Bakou se tiendra également dans les prochains jours et nous tiendrons vigoureusement la chaise dans l'enceinte onusienne. Personne n'étant naïf, je vais ici être très claire : nous avons, avec l'Azerbaïdjan, des relations complexes - ou « compliquées » en langage diplomatique - et il n'y aura aucun événement auquel participeront des officiels français qui mettrait en valeur d'une quelconque façon tel ou tel élément de la politique azérie. Il n'y aura non plus aucun contact sans lien avec la COP avec les autorités azéries. En revanche, compte tenu, d'une part, des tensions enregistrées pendant la COP27, avec l'obtention difficile d'un accord et, d'autre part, du très bon accord issu de la COP28 mais qui a été le fruit de la très forte mobilisation d'une dizaine de ministres européens l'année dernière, il nous paraît impossible de ne pas tenir la chaise dans les salles de négociation. C'est très exactement ce que nous ferons, en rappelant probablement - dans les espaces de négociation consacrés aux droits de l'homme ou à la place de la société civile - nos valeurs et en les portant haut et fort.

S'agissant ensuite des négociations de Busan sur la réduction de la pollution plastique, nous préconisons un texte ambitieux qui ne se contente pas d'augmenter l'effort de collecte et de recyclage mais qui prenne le problème à la racine en fixant des objectifs de baisse de production des plastiques. En effet, dans un monde où les experts prévoient, d'ici 2060, un triplement de la production de plastiques, améliorer la collecte et le recyclage est trop anecdotique. Je ne peux pas vous dire que je suis très confiante à ce sujet puisque, pour le moment, il n'est pas question d'organiser un segment ministériel à Busan, ce qui témoigne d'une hésitation dans la volonté de conclure un traité de haute ambition.

Enfin, la COP16 sur la désertification ainsi que le One Water Summit à Riyad - qui s'inscrit dans la séquence des sommets dont l'initiative revient au Président de la République - laissent quant à eux entrevoir des perspectives positives. Il s'agit de mettre sur la table la désertification et la ressource rare en eau avec des pays qui sont engagés sur ces sujets. Le sommet sera co-présidé par la France et l'Arabie Saoudite, en lien avec le Kazakhstan. C'est une façon d'aborder le climat et la biodiversité sous l'angle des problèmes rencontrés par un certain nombre de pays en rendant ceux-ci acteurs sur ces thématiques. Ce levier nous paraît tout à fait efficace pour le soft power de la France mais aussi pour le combat climatique que nous portons : l'ancienne ministre Barbara Pompili est à la manoeuvre pour en faire une réussite.

En matière d'économie circulaire, nous avons également un agenda chargé et je sais pouvoir compter sur le soutien du Sénat, et notamment celui de la sénatrice Marta de Cidrac, sur ces sujets. Je pense notamment à la mise en place de l'affichage environnemental des produits textiles, au travail que nous menons sur l'affichage environnemental en matière d'alimentation, à la réforme de la régulation des filières REP (responsabilité élargie du producteur) en réponse au rapport des inspections publié en juillet 2024 et au travail que nous devons mener pour inciter à l'incorporation de plastiques recyclés. Sur ce dernier point, vous connaissez nos très faibles performances en recyclage des emballages plastiques : nous sommes en 26e position européenne et nous payons 1,5 milliard d'euros de contribution à l'Europe car nous ne sommes pas au rendez-vous dans ce domaine. Au moment où nous recherchons des ressources et des économies budgétaires, il y a peut-être là une bonne piste de progrès.

J'en viens aux crédits pour 2025 de mon ministère : je ne vais pas vous rappeler le contexte de contrainte budgétaire et le fait qu'un ministère dépensier a toujours à coeur d'augmenter ses enveloppes pour avoir plus de moyens d'intervention. Factuellement, c'est un budget de 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement qui se situe dans la lignée de ceux de 2019 à 2021, avant le plan de relance et la crise Covid. En matière de financement, ce budget vise une meilleure efficience et une sélectivité accrue des deniers publics. Il devra être complété par davantage de mobilisation de ressources privées pour maximiser nos investissements écologiques. Ce budget comporte un certain nombre d'éléments cruciaux : je pense en particulier au chèque énergie dont je souligne qu'il est sanctuarisé et sur lequel nous devons passer d'une situation où il était automatique à la construction d'un nouveau système automatisé puisque nous ne disposons plus des bases de la taxe d'habitation postérieures à 2021. À l'évidence, les bases de cette époque ont beaucoup vieilli, puisqu'elles sont elles-mêmes fondées sur des revenus de référence encore plus anciens. Les gens ont déménagé, eu des enfants ou sont décédés ; des divorces et des mariages sont intervenus et tous ces événements rendent impossible l'utilisation des anciennes bases ; il nous faut donc reconstruire des données solides permettant à nouveau d'automatiser ce chèque énergie. Nous sommes aujourd'hui dans une phase d'entre-deux où une partie de la distribution de chèques énergie sera automatique tandis que l'autre sera quérable et, là aussi, nous aurons besoin de votre soutien pour que vos administrés soient parfaitement au courant de ce droit qu'ils peuvent solliciter.

Ce budget vise également à réduire un certain nombre de « dépenses brunes ». Je pense notamment à l'augmentation du malus automobile, à la suppression du taux de TVA à 5,5 % sur l'installation de chaudières à énergie fossile et à l'augmentation de la fiscalité sur les billets d'avion. Ce budget, comme vous le savez, impacte aussi la fiscalité de l'électricité et, à cet égard, la proposition du Gouvernement repose sur deux niveaux. Le premier niveau, de nature législative, vise à revenir à une situation d'avant crise, conformément à ce qui avait été annoncé par les gouvernements précédents : c'est la fin du bouclier énergétique, soit plus de 50 milliards d'euros d'aides qui ont été apportées aux ménages et aux entreprises ces trois dernières années. Le deuxième niveau de nature réglementaire ouvre la possibilité d'aller au-delà de ce niveau - la fourchette étant bien sûr cadrée par le législateur - pour permettre de piloter finement le point d'atterrissage, ce qui permet de dire que le tarif réglementé baisserait de 9 % au 1er février 2025.

Je vous précise qu'en matière de fiscalité énergétique, il faut être attentif à quatre points. Le premier est évidemment l'impératif de transition écologique : les énergies fossiles ne doivent pas devenir moins chères ou plus compétitives que les énergies décarbonées du seul fait de mesures publiques. Le second est la compétitivité de nos industries et le coût de l'énergie : je précise qu'environ 300 entreprises électro-intensives continueraient à bénéficier d'un tarif réduit de TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité) tandis que les autres seraient, en revanche, concernées par la réforme. Le troisième élément à prendre en compte est le pouvoir d'achat de ceux qui ne bénéficient pas de tarifs réglementés et, en quatrième lieu, il ne faudrait pas que notre pays devienne un des pays d'Europe avec les tarifs les moins compétitifs alors qu'historiquement c'était l'inverse. Tous ces éléments méritent des éclaircissements sur lesquels nous allons travailler.

Je ne vais pas ici prolonger mon exposé et, pour conclure, je tenais à vous dire que je me tiens à votre service pour éclairer vos débats et évaluer toutes les implications des amendements qui pourraient être proposés. S'agissant du volet dépenses, j'indique que des efforts assez considérables sont consentis. Pour s'en rendre compte, j'invite chacun, plutôt que de comparer les lois de finances initiales des dernières années, à examiner les crédits consommés en 2023 ainsi qu'en 2024 au regard de la loi de finances initiale pour 2025 car cela permet de remettre les évolutions en perspective plus objectivement. Ainsi, MaPrimeRénov' fait l'objet d'une enveloppe en augmentation entre 2024 et 2025 ; en revanche, on observe une baisse importante sur l'aide à l'électrification des véhicules. Ces évolutions ne sont pas visibles en analysant les seules lois de finances initiales et il est donc important de se baser sur les bons fondamentaux pour évaluer la dynamique. Bien entendu, certains crédits ont un très fort impact : c'est le cas du Fonds chaleur qui, avec 10 millions d'euros de crédit de paiement, permet de soutenir environ 300 millions d'euros de projets. Telles sont les métriques qu'il faut également conserver en mémoire dans les choix que vous serez amenés à faire, tout en se rappelant la règle du jeu que vous connaissez : un euro ajouté à telle enveloppe budgétaire, c'est un euro qu'il faut économiser ailleurs et c'est là que l'exercice devient difficile.

M. Jean-François Longeot, président. - C'est même parfois un exercice d'équilibriste...

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - En ma qualité de rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, j'évoquerai trois points qui ont trait au projet de loi de finances pour 2025 et au Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3).

Tout d'abord, la documentation budgétaire fait état de la création pour 2025 de deux actions budgétaires spécifiquement dédiées au risque inondation et au retrait-gonflement des argiles (RGA). Or, on a beau tourner les pages du projet annuel de performance, ces deux lignes budgétaires sont manquantes. Je regrette vivement cet acte manqué qui aurait pu permettre d'accroître la lisibilité des financements à destination de ces risques, alors que les tragiques récents événements ibériques dans la région de Valence nous obligent à renforcer notre politique de prévention.

Deuxièmement, je regrette à nouveau que les crédits à destination du fonds Barnier, dont le Premier ministre a annoncé le rehaussement de 75 millions d'euros - ce dont nous nous félicitons -, portant le fonds à 300 millions d'euros pour ce budget, soient encore inférieurs aux recettes du prélèvement sous la garantie « CatNat » abondant le budget général. Ce prélèvement, dont le montant est estimé pour l'an prochain à 450 millions d'euros, avait pourtant pour finalité exclusive le financement de mesures de prévention des risques. Comment expliquez et justifiez-vous, madame la ministre, ce décalage de 150 millions d'euros ?

S'agissant enfin du PNACC 3, vous actez la trajectoire de référence pour l'adaptation au changement climatique (Tracc) de la France à + 4 degrés à l'horizon 2100 ; cependant, certains commentateurs craignent que ce nouvel ancrage conduise à délaisser l'« atténuation », au seul profit de l'« adaptation » : que répondez-vous à ces inquiétudes ?

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, l'information géographique et à la météorologie. - En qualité de rapporteur pour avis des crédits inscrits aux programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie », j'ai rencontré, dans ce cadre, le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), l'IGN (Institut national de l'information géographique et forestière), les agences de l'eau, l'Office national des forêts (ONF), l'Office français de la biodiversité (OFB), Météo France et également les parcs nationaux.

Ma première interrogation porte sur vos ambitions en faveur d'une résilience hydrique accrue et d'une gestion durable et concertée de l'eau à travers la mission « Écologie » de ce projet de loi de finances. Les 53 mesures du « plan eau » présenté en mars 2023 visaient notamment à organiser la sobriété des usages de l'eau, optimiser la disponibilité de la ressource et préserver la qualité de l'eau potable alors que les pressions sur les milieux aquatiques s'intensifient. Ces ambitions, que nous partageons, ne se déduisent cependant pas de façon évidente de l'analyse des crédits inscrits au budget pour 2025. En premier lieu, contrairement à la trajectoire budgétaire qui avait été décidée en leur faveur pour accompagner le déploiement du plan eau, le plafond de recettes des agences de l'eau stagne tandis que leur contribution à l'Office français de la biodiversité progresse, ce qui signifie concrètement une réduction des moyens d'intervention des agences en soutien au petit cycle et à l'accompagnement de nos communes. En second lieu, le Gouvernement a déposé un amendement afin de prélever 130 millions d'euros dans la trésorerie des agences de l'eau pour abonder le budget général de l'État. On savait déjà que l'eau paie l'eau et aussi la biodiversité : ce projet de budget propose à présent que l'eau paie la dette de l'État. Qualifiée d'exceptionnelle, une telle pratique n'est pas sans précédent et c'est une facilité à laquelle des gouvernements antérieurs ont eu recours. Si l'on comprend naturellement la logique de rigueur budgétaire dans un contexte de dégradation marquée de nos comptes publics, la conjonction de ces phénomènes interroge, d'autant que la France vient d'être condamnée par la CJUE (Cour de justice de l'Union européenne), le 4 octobre dernier, pour manquement dans la mise en oeuvre de la directive relative au traitement des eaux usées urbaines. Quelle feuille de route vous fixez-vous pour garantir une qualité de l'eau dans laquelle les Français puissent avoir confiance et un partage de la ressource à l'heure où la résilience hydrique ne va plus de soi ?

Je souhaite également vous interroger, dans le prolongement des propos du président Longeot, sur le bilan que vous tirez de la COP16 Biodiversité qui vient de s'achever. Vous avez déjà évoqué les difficultés de quorum, mais peut-être pouvez-vous développer les raisons de l'échec relatif de cette COP, malgré la volonté politique de la France de transcrire des engagements qui avaient été pris à Montréal il y a deux ans.

J'en terminerai avec une question relative au Fonds vert, dispositif particulièrement apprécié dans nos territoires. C'est une enveloppe budgétaire de la transition concrète au niveau local, facilement mobilisable du fait de sa gestion déconcentrée et à forte visibilité pour les élus locaux. Fortement raboté, le fonds d'accélération de la transformation de la transition écologique dans les territoires est doté de 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement pour 2025. Notons également l'extinction probable du dispositif l'an prochain puisqu'aucun crédit nouveau n'est inscrit en prévision pour 2026 et 2027. Quelles sont les priorités portées par le Gouvernement pour favoriser les économies d'énergie, les objectifs en matière de recyclage de friches et, de manière plus transversale, les mesures qui visent à accompagner les collectivités dans leurs projets d'adaptation au changement climatique ? Cette enveloppe budgétaire continuera-t-elle à se contracter, victime du « refroidissement budgétaire », ou sera-t-elle au contraire pérennisée dans le temps comme le gage du soutien de l'État à la mobilisation des territoires en faveur de l'écologie du quotidien mise en oeuvre par nos élus locaux ?

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. - Je voudrais tout d'abord saluer l'action de la délégation française, mais également votre investissement personnel lors des négociations de la COP16 Biodiversité à Cali en Colombie. J'ai pu observer ces efforts sur place avec notre collègue Ronan Dantec et sur les conseils avisés de notre spécialiste de la biodiversité au Sénat, Guillaume Chevrollier.

J'interviens en ma qualité de rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, sur trois enjeux majeurs de ce projet de loi de finances pour 2025.

Vous avez rapidement fait allusion au premier enjeu : le budget accordé au Fonds chaleur. Après plusieurs années d'augmentation, ce Fonds chaleur, qui contribue au développement de la chaleur renouvelable, connaît une baisse sans précédent, passant de 820 millions d'euros en 2024 à 540 millions d'euros en 2025. Ce fonds est pourtant un exemple de dépense publique efficiente : les projets candidats sont nombreux et le coût des émissions de gaz à effet serre évitées est faible. Je souhaite vous alerter - tout en vous sachant déjà sensibilisée - sur les conséquences de cette baisse qui remet en cause de nombreux projets de réseaux de chaleur portés par les collectivités territoriales, au moment où nous arrivons en fin de mandat pour les communautés de communes et où il est donc important que ces projets ne soient pas freinés sans quoi nous perdrions plusieurs années dans leur réalisation.

Le deuxième enjeu est celui du soutien à la rénovation énergétique des logements. Le Premier ministre a indiqué que le logement était une priorité ; or les crédits de MaPrimeRénov' diminuent considérablement, passant de 4 milliards d'euros en 2024 à 2,5 milliards d'euros en 2025. Cette diminution, qui s'explique en partie par une sous-consommation chronique des crédits, ne risque-t-elle pas de remettre en cause l'atteinte par l'État des objectifs de rénovation énergétique des bâtiments, alors même que la réforme récente de MaPrimeRénov' n'a pas encore déployé tous ses effets ? Les choses étant en train de se mettre en place, n'y a-t-il pas un risque d'arrêter cette dynamique qui est réelle sur le terrain ?

Enfin, je souhaite évoquer l'enjeu de la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique. La loi de programmation pour les finances publiques prévoyait le dépôt d'une telle stratégie à partir de 2024, alors que les besoins de financement de la transition écologique sont colossaux. La première stratégie déposée insiste sur la nécessité d'une mobilisation du secteur privé, pour augmenter les investissements bas carbone et vous venez d'y faire allusion. Quels leviers le Gouvernement identifie-t-il pour mobiliser l'investissement privé en faveur de la transition écologique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Monsieur le rapporteur Pascal Martin, je réponds tout d'abord à ce qui apparaît comme une remarque - plus encore qu'une question - relative à deux actions qui ne correspondent pas à des moyens budgétaires identifiés dans la nomenclature. Cela me permet de souligner que le risque d'inondation ainsi que le retrait-gonflement d'argile sont pour nous des priorités : c'est sans doute comme cela qu'il faut interpréter la maquette budgétaire, même si ces actions ne sont pas « substantifiées » - si l'on peut dire - par des montants de crédits sur des lignes correspondantes.

S'agissant des crédits du fonds Barnier, vous savez que la déconnexion entre recettes et prélèvement « CatNat » ne date pas de ce budget mais de 2021. Nous sommes effectivement dans la continuation du choix effectué à cette époque et cette affirmation peut s'étendre à l'enveloppe globale que nous examinons et qui est le reflet d'efforts budgétaires. Par conséquent, en examinant les crédits ligne à ligne, nous pouvons tous trouver des choses à redire, et moi la première, car tout ministre animé d'un certain nombre d'ambitions a envie d'avoir les moyens de les porter jusqu'au bout, on peut imaginer de nombreuses autres initiatives. Aujourd'hui, le défi est de parvenir à resserrer les moyens financiers et de les allouer là où ils auront le plus d'impact sur l'année 2025. Il faut également se demander quelles actions peuvent être prolongées jusqu'en 2026 ou en 2027 pour ne pas freiner la dynamique que nous avons entamée de transition écologique et énergétique. La question est aussi de savoir comment on mobilise le secteur privé, sachant que certains sujets sont devenus plus matures qu'ils ne l'étaient il y a deux, trois, quatre ou cinq ans. Tel est le réglage fin qu'il nous appartient de réaliser.

Je reviens sur le retrait-gonflement de l'argile : l'un des enjeux majeurs pour moi, en tout cas à ce stade, est d'accélérer la capacité à trouver une solution technologique de prévention. Des pistes se dessinent, notamment au Cerema, et ne généreraient pas de dépenses considérables : on évoque le chiffre de 15 000 euros par maison, ce qui est bien inférieur à un coût de reconstruction de plusieurs centaines de milliers d'euros. Nous cherchons donc les moyens d'activer la prévention en essayant de discuter de ce sujet avec les assureurs. La Caisse centrale de réassurance nous a communiqué un chiffre intéressant, calculé sur le passé et donc probablement appelé à augmenter : pour un euro investi en prévention, on économise 8 euros en coût évité de réparation ou « coût du sauvé », comme vous le mentionnez. Cela doit nous faire collectivement réfléchir, je n'ai pas de solution définitive dans l'immédiat.

S'agissant des 4 degrés d'augmentation de la température, vous faites ici allusion à un débat vif au moment où mon prédécesseur Christophe Béchu avait annoncé ce chiffre et plusieurs précisions sont nécessaires. Avant tout, je vous rassure, l'augmentation de 4°C ne concerne pas l'ensemble de la planète mais particulièrement la France qui se réchauffe plus vite que le reste du monde. En réalité, derrière ce + 4°C, c'est plutôt une trajectoire à + 2,7°C qui correspond à la dérivée que nous donne aujourd'hui le Giec. Pourquoi, dès lors, nous basons-nous sur + 4°C ? D'abord parce que quand on construit des équipements pour 50 ans, on se dit qu'il serait embêtant de les abandonner au bout de 20 ans parce qu'ils ne résisteraient pas à un vent extrême, une inondation, une submersion marine ou à des variations de température majeures. Il faut donc placer la barre à un niveau suffisamment élevé pour investir de façon efficace et sécurisée. Je rappelle que le sénateur Ronan Dantec a présidé la commission spécialisée du conseil national de la transition écologique (CNTE) qui a rendu un avis unanime en faveur de la cible de + 4°C. Au final, lorsqu'on tire le fil de la discussion, on conclut que s'adapter au réchauffement ne signifie pas renoncer à le combattre et telle est la position de ceux qui sont au coeur de cette lutte ainsi que des experts de ces sujets. Comme vous le savez, siègent au CNTE à la fois des ONG environnementales, des représentants de toutes les strates de collectivités locales, des parlementaires, des représentants du monde de l'entreprise et des citoyens. En fin de compte, ils se sont accordés pour affirmer que pour lutter contre la mal-adaptation, il faut se donner cette trajectoire responsable de + 4°C. Mais, dans le même temps, on ne lâche pas le combat qui consiste à maintenir un rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 5 % par an ; et la première bonne nouvelle, c'est qu'on a réussi à le faire l'année dernière, et même au-delà de 5 %. La deuxième bonne nouvelle, c'est que contrairement à ce qui m'avait été prédit, les émissions de gaz à effet de serre n'ont pas rebondi après la crise énergétique. Tel n'a pas été le cas et, à la différence d'autres pays européens, on a constaté une baisse des émissions en 2021, 2022, 2024 et celle-ci se poursuit. Certes, les émissions baissent plus facilement au début qu'à la fin de la courbe, la difficulté a donc tendance à augmenter chaque année. Il faut cependant prendre en compte le fait qu'en raison du réchauffement climatique, les hivers sont plus doux, mais ce facteur fait partie de l'équation et le réchauffement ne peut pas avoir que des désavantages. Dans l'ensemble, et conformément à mon souhait, on a bien, de façon concomitante, le Plan national d'adaptation au changement climatique d'un côté, la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie de l'autre.

Monsieur le rapporteur Chevrollier, s'agissant du plan eau, je vous indique d'abord que le Président de la République lui-même me réclame un point d'étape pour savoir où on en est et comment on le déploie. C'est donc une priorité essentielle au plus haut niveau de l'État et je veux rendre hommage au travail réalisé par mon prédécesseur sur ce sujet. Vous avez raison de mentionner le plafond de recette des agences de l'eau. Le rehaussement de ce plafond ne m'inquiète pas outre mesure, car la cadence des projets que nous observons et la consommation des crédits nous permettent de faire face aux besoins jusqu'en 2026. Vous avez également mentionné le prélèvement de moyens sur l'OFB (office français de la biodiversité) et je vous précise que cette ponction permettrait de financer le plan eau de Mayotte : certes, il s'agit d'un recyclage financier mais qui serait mis au service du rehaussement de notre résilience en matière d'eau.

Vous avez ensuite évoqué le prélèvement de 130 millions d'euros de trésorerie sur les agences de l'eau. Cette mesure est assez délicate à mettre en oeuvre et nous y travaillons pour essayer de trouver les équilibres adéquats. Elle a été introduite par amendement gouvernemental dans le train de mesures de 5 milliards d'euros d'efforts supplémentaires.

S'agissant de ma feuille de route en matière de captage, vous avez raison de mentionner la condamnation de la France par la CJUE et la nécessité d'accélérer les progrès dans ce domaine. Pour y parvenir, nous allons réunir tous les acteurs autour de la table lors d'une grande conférence nationale sur l'eau, courant 2025 ; celle-ci sera déclinée par territoire et devra se poser un certain nombre de questions : quel est le prix de l'eau, qui la paie et qui doit financer les investissements sous-jacents ? Vous avez à juste titre fait allusion aux nécessaires investissements de grande ampleur pour lutter contre les fuites, rehausser la qualité de l'eau, dépolluer et installer - le cas échéant - de nouveaux captages auxquels s'ajoutent d'autres investissements de protection. Il y a énormément de besoins et nous ne sommes qu'au début de la trajectoire. Je mentionne ici une difficulté supplémentaire : le dérèglement climatique entraîne aussi le bouleversement du cycle de l'eau et va donc créer des phénomènes problématiques avec des sécheresses, des difficultés à s'approvisionner en eau potable et même des concentrations plus élevées de polluants en raison de la diminution du volume d'eau. Ce sont tous ces sujets qu'il va falloir aborder.

S'agissant de la COP16, je souligne d'abord que la France joue un rôle moteur dans les COP Biodiversité. Nous sommes un des premiers pays à avoir publié notre stratégie nationale biodiversité en ligne avec le référentiel de Montréal. Nous sommes également un des seuls pays à avoir atteint l'objectif de protection de 30 % de notre territoire terrestre et marin. Nous avons étendu à l'espace atmosphérique cette idée de zone de protection renforcée et nous y travaillons sur le territoire français. J'ajoute que Sylvie Goulard et Dame Amelia Fawcett ont produit un travail très intéressant sur les crédits de biodiversité de haute intégrité : il s'agit d'un moyen d'attirer les financements privés, non pas pour se procurer des droits à polluer mais pour mesurer de façon intègre les actions sur la biodiversité. Cette initiative vise notamment à répondre à deux catégories d'usages qui traduisent un engagement en faveur de la biodiversité. Il en va ainsi des crédits ou des fonds privés philanthropiques alloués par des agents qui veulent disposer de mesures et de paramètres scientifiques adossés aux actions qualitatives qu'ils mènent. Par ailleurs, certaines entreprises commencent à travailler sur la résilience de leurs chaînes d'approvisionnement. Sachant que 44 % de notre PIB dépend de ressources naturelles, ces entreprises ont intérêt à sécuriser ces ressources si elles veulent poursuivre leur activité à un horizon de dix, vingt ou trente ans. Tout ceci doit déboucher sur des demandes d'investissement de qualité et non pas sur de nouvelles opérations sans impact.

En ce qui concerne les raisons de l'échec relatif de la COP16, l'une des principales est imputable aux tensions entre, d'un côté, les pays les plus vulnérables ainsi que les pays émergents qui appartiennent au groupe des 77 et, de l'autre, les pays développés. Le groupe des 77 considère que les pays développés ne financent pas suffisamment la transition écologique. Les pays émergents jouent ici un rôle un peu intermédiaire puisque d'une certaine manière - je rappelle que la Chine, les Émirats arabes unis, l'Arabie Saoudite et le Brésil font partie de ces pays émergents -, ceux-ci peuvent avoir les moyens d'accompagner leur transition écologique, ou en tout cas un peu plus que les pays les plus vulnérables. En même temps, les pays émergents captent une assez grosse partie des crédits consentis par le Nord pour accompagner les transitions : telle est la difficulté à résoudre. Dans les discussions, les pays n'ont pas les mêmes intérêts ; or les décisions doivent être prises par consensus, c'est-à-dire qu'il suffit qu'un pays s'oppose à l'accord pour y faire échec. Comme il est, au regard de l'opinion publique, difficile de s'opposer à un accord, on peut, par exemple, demander une vérification de quorum. Vous l'avez compris, tout ceci reflète les difficultés inhérentes au multilatéralisme mais, pour ma part, je conserve beaucoup d'espoir : ainsi, la COP28 était loin d'être gagnée d'avance, on a pourtant réussi à conclure un très bel accord. Il faut donc maintenir ce dialogue au niveau multilatéral car c'est le seul endroit où on arrive à aligner les positions de quasiment tous les pays. Je rappelle - c'est important - que les États-Unis ne participent pas à la COP Biodiversité, et qu'ils ne sont donc pas venus à Cali.

S'agissant du Fonds vert, je ne vais pas m'exprimer à la place de ma collègue Catherine Vautrin ; j'indique cependant qu'elle a mentionné devant le Parlement la réflexion qui est envisagée sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et le Fonds vert. Un travail est donc engagé sur la façon de verdir l'ensemble de ces enveloppes et peut-être de réaménager ces instruments.

Par ailleurs, pour financer les collectivités locales, il y a, dans mon budget, un gisement important de 6 milliards d'euros qui se rattache aux certificats d'économie d'énergie (CEE). Mon travail va consister à utiliser ces certificats d'énergie au mieux pour accompagner notamment la rénovation thermique des bâtiments publics qui, au passage, fonctionne assez bien.

S'agissant des friches, qui relèvent du Fonds vert, je vous invite ici encore à comparer l'évolution budgétaire sur la base des crédits consommés. Pour MaPrimeRénov' les crédits consommés en 2024 se situent entre 1,7 et 1,8 milliard d'euros et donc l'enveloppe pour 2025 est en augmentation assez sensible. De plus, si vous regardez la consommation de 2023, qui était une période assez faste en termes budgétaires, on se situe à peu près dans le même étiage, à peine au-dessus. Ce n'est donc pas un budget qui a été écorné, et on peut même - en prenant une vue d'ensemble - se poser la question de savoir si ce n'est pas l'inverse au regard des enveloppes allouées au secteur du logement social pour la rénovation.

Sur le fonds chaleur, vous avez bien rappelé les enjeux. Le coût d'abattement de la tonne de carbone est de 40 euros et, effectivement, il y a un vivier de projets très important dans les collectivités locales : elles sont prêtes à agir et donc tout crédit supplémentaire sera immédiatement consommé.

S'agissant des leviers pour mobiliser les fonds privés, je viens d'évoquer les certificats d'économie d'énergie. S'y ajoute le tiers financement qui, pour le moment, a le mérite d'exister mais n'a pas été suffisamment sollicité. Je mentionne également, outre les crédits consacrés à la biodiversité, les crédits carbone sur lesquels on doit aujourd'hui monter en niveau avec des labels carbone. Plus généralement, il nous est demandé de stabiliser le cadre juridique pour que les entreprises puissent construire leur modèle économique. Effectivement, l'instabilité normative au cours des dernières années est un des grands reproches qui nous a été fait car les entreprises ne savaient plus très bien comment positionner leurs offres. Il nous faut donc peut-être apporter une réponse simplifiée ou clarifier le cadre normatif. Les entreprises ne peuvent pas construire leurs offres en deux mois ; il leur faut parfois y consacrer 18 mois à 2 ans, ce qui est plus difficile dans un contexte d'instabilité normative.

Tels sont les principaux éléments que je peux partager avec vous. J'ai aussi d'autres pistes sur les assureurs et la mobilisation des investisseurs ou des financeurs. Beaucoup d'inquiétudes s'expriment sur la quantité de données à fournir en matière de reporting extrafinancier, en application de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), mais il y a là aussi une opportunité très importante de développement des modèles d'affaires et des financements de transition écologique. Pour les grandes entreprises, c'est un fil à tirer et j'ai un certain nombre de propositions dans ce sens : attention, donc, à ne pas casser les outils qu'on est en train de mettre en place.

Mme Marta de Cidrac. - J'interviens en ma qualité de présidente du groupe d'études « économie circulaire ». J'appelle tout d'abord à votre attention un sujet d'inquiétude pour nos élus locaux : la consigne pour réemploi et recyclage des emballages. En juillet 2023, dans un rapport d'information pour lequel j'étais rapporteure, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait démontré que la consigne constituait un dispositif peu performant et porteur de nombreux effets pervers environnementaux, tout en étant économiquement irrationnelle ainsi que socialement et territorialement injuste. En septembre 2023, votre prédécesseur Christophe Béchu avait choisi d'enterrer le dispositif et nous avions salué sa décision. Vous avez rappelé, madame la ministre, le montant que paie la France à l'Union européenne en raison de nos faibles taux de recyclage. Le 17 octobre dernier, dans le cadre de la convention des intercommunalités de France, vous avez pourtant déclaré que « la consigne fait partie des solutions. Si vous en avez une autre, apportez-la moi ». Permettez-moi ici de vous indiquer que nous avons de nombreuses autres propositions de solutions pour améliorer les performances de la France en matière de collecte tirée pour recyclage : elles sont détaillées dans le rapport d'information précité. Je souhaite ainsi vous alerter, madame la ministre, sur les risques associés à la mise en place de la consigne à laquelle le Sénat reste opposé.

J'aimerais également évoquer le rapport interinspections relatif à la performance et à la gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur que vous avez également mentionné dans votre propos introductif, demandé par la Première ministre Élisabeth Borne. Publié en juin dernier, ce rapport dresse un bilan mitigé des filières REP. Ces dernières ont permis de réaliser des progrès en matière de collecte et de recyclage tout en présentant, selon le rapport, d'importantes marges de progrès dans un contexte de trajectoire d'objectifs très ambitieux. Partagez-vous le constat de ce rapport interinspections et quelle suite allez-vous y apporter madame la ministre ?

M. Didier Mandelli. - Je voudrais, juste avant d'accompagner le président Longeot à la Conférence des présidents, vous poser deux questions qui, globalement, se rejoignent et n'appellent que des réponses par oui ou par non, peut-être pourrez-vous y répondre instantanément.

Votre ministère avait précédemment mis en place deux groupes de travail. L'un sur l'érosion du trait de côte, le Conseil national du trait de côte (CNTC) - qui est une émanation du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) - et l'autre sur la fiscalité des énergies renouvelables, dans le prolongement de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. C'est un engagement que vous aviez pris et tenu ; j'ai participé à ces deux groupes de travail pendant plusieurs mois et ma question est simple : entendez-vous poursuivre, recréer, reconstituer ces groupes de travail pour apporter des solutions sur ces deux sujets ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je vous réponds oui sur le groupe de travail relatif au trait de côte. S'agissant du groupe consacré à la fiscalité des énergies renouvelables, il revient à ma ministre déléguée en charge de l'énergie de le porter ; je m'y étais engagée et c'est un sujet dont il faut nous saisir, d'autant, comme vous l'avez suggéré, qu'il existe des connexions entre les deux sujets et vous savez que vos collègues députés ont déposé des amendements qui font le lien entre les deux.

M. Sébastien Fagnen. - Initialement je souhaitais vous interroger sur le recul du trait de côte, mais nous aurons le plaisir de vous accueillir demain dans le département de la Manche sur ce sujet en particulier et pourrons en discuterons avec les élus locaux ainsi que les services de l'État.

Ma question porte sur l'hydrolien et le soutien de l'État à cette filière puisque comme vous l'avez rappelé, nous avons récemment débattu au Sénat de la proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet sur la programmation et la simplification dans le secteur économique de l'énergie. Il était prévu, dans la rédaction initiale de l'article 5 de ce texte, l'ouverture d'appels d'offres à un horizon extrêmement proche pour une puissance installée d'un gigawatt à l'horizon 2030. Ce dispositif a cependant fait l'objet d'un amendement de la part du Gouvernement : la ministre déléguée en charge de l'énergie, qui était alors présente dans l'hémicycle, a proposé une réécriture visant simplement à examiner et à explorer le potentiel de l'hydrolien en supprimant tout objectif chiffré et en renvoyant ce débat à la programmation pluriannuelle de l'énergie. Comme vous l'avez indiqué, le texte de cette programmation a été formalisé par le Gouvernement et envisage, pour l'hydrolien, une puissance installée de 250 mégawatts à l'horizon 2030. Autant dire que vos ambitions sont bien moindres que le consensus qui semblait se dessiner au Sénat sur le soutien au développement de l'hydrolien. On constate également, dans l'écriture de la programmation pluriannuelle de l'énergie, une certaine incohérence, avec un écart entre la valeur cible portée à 120 euros par mégawattheure contre 150 euros par mégawattheure quelques lignes plus loin, la valeur plafond étant fixée à 180 euros. Tout cela explique que les industriels soient aujourd'hui relativement inquiets. J'étais d'ailleurs à leur côté hier au salon Euronaval, notamment avec HydroQuest et CMN (Constructions Mécaniques de Normandie) qui sont prêts à s'engager pleinement mais sur des volumes plus conséquents que ceux prévus par la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Madame la ministre, ma question, qui rejoint une démarche transpartisane initiée par ma collègue députée de la Manche Anne Pic, est la suivante : quelles sont les réticences aujourd'hui, de la part de l'État, à s'engager fermement et sur des volumes plus importants pour qu'enfin la filière de l'hydrolien en France puisse prendre son envol, à l'instar de ce que nos voisins britanniques ont pu accomplir ?

Mme Sylvie Valente le Hir. - Je souhaite vous interroger en ma qualité de rapporteure sur la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile. Ce texte, adopté à l'Assemblée nationale à l'unanimité le 30 janvier dernier, vise à lutter contre « l'ultra fast-fashion », un nouveau modèle économique de l'industrie textile particulièrement polluant, développé notamment par les entreprises asiatiques Shein et Temu et basé sur un nombre très élevé de références à prix très bas. La proposition de loi prévoit notamment l'interdiction de la publicité pour cette pratique commerciale et une plus grande modulation des écocontributions en fonction de la performance environnementale de la fabrication de vêtements. Le 30 octobre dernier, le président Longeot, que je remercie, a demandé au président du Sénat, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de cette proposition de loi consensuelle et fortement attendue par les acteurs du secteur.

Durant la cérémonie de passation de pouvoirs du 23 septembre 2024, le ministre Christophe Béchu a évoqué la lutte contre la fast-fashion parmi les travaux en cours. Je souhaiterais connaître le regard que vous portez sur cette proposition de loi. Souhaitez-vous poursuivre l'action de votre prédécesseur visant à diminuer l'impact environnemental de l'industrie textile ? La proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale permet-elle selon vous d'atteindre sa cible et de lutter efficacement contre l'« ultra fast-fashion » ? Certaines dispositions du texte s'appuient sur l'affichage environnemental de l'industrie textile, en cours de finalisation. Pouvez-vous détailler l'état d'avancées de cet affichage environnemental ?

- Présidence de Mme Marta de Cidrac, vice-présidente -

Mme Nicole Bonnefoy. - D'ici à 2050, les inondations seront le principal risque qui pèsera sur notre pays. Tous les rapports d'experts le démontrent, le changement climatique entraîne des catastrophes extrêmes à répétition que nous constatons dès à présent en France et plus largement en Europe : inondations de plaine ou par remontée de nappes, crues torrentielles, inondations par ruissellement ou encore submersions marines. En effet, comme vous l'avez évoqué hier matin lors de votre interview sur France Inter, le dérèglement climatique n'est pas une chose abstraite. Cela nous concerne toutes et tous. Si nous désinvestissons dans la prévention et dans le rétablissement des écosystèmes, nous serons en décalage avec le niveau de risque.

L'un des points de fragilité de notre territoire réside dans l'artificialisation et donc l'imperméabilité des sols. Vous connaissez la sensibilité du Sénat sur cette question. Je crois, pour ma part, qu'il faut veiller à une application très attentive du principe du ZAN (Zéro artificialisation nette) qui doit permettre de conserver la fonction d'éponge naturelle des sols. Certains territoires ont d'ailleurs fait la preuve de leur adaptation à ce principe, je pense notamment à la Loire-Atlantique. Aussi, madame la ministre, je souhaitais connaître votre avis sur les assouplissements de l'objectif ZAN envisagés par le Premier ministre et le Gouvernement, qui auraient pour contrepartie inévitable de renforcer notre exposition aux phénomènes climatiques. N'est-il pas contre-productif de toujours reculer face aux difficultés d'adaptation ?

M. Joshua Hochart. - Le débat sur la transition énergétique est central pour la vie de notre pays ; pour autant, certaines questions continuent de diviser et tel est notamment le cas des éoliennes. Comme vous le savez, beaucoup de Français, en particulier dans les territoires les plus ruraux, s'opposent à leur prolifération que nous considérons au sein du Rassemblement national comme une solution inefficace, coûteuse et qui défigure nos paysages. Cependant, des éoliennes existent et ma question porte sur la fiscalité des éoliennes déjà installées, tant elle est désastreuse. J'aimerais revenir sur l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer). La répartition des recettes issues de cette fiscalité n'est pas favorable aux communes qui possèdent des éoliennes. En effet, elle est insuffisamment perçue par de nombreuses communes depuis la loi de finances de 2019. Je rappelle que l'Ifer est réparti comme suit : la commune en perçoit 20 %, contre 50 % pour l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; c'était encore pire avant 2019 puisque 70 % des recettes étaient allouées à l'établissement public et les 30 % restants au département. Ne pensez-vous pas qu'il serait légitime de revoir la clé de répartition de cette fiscalité pour la rendre plus équitable avec, par exemple, 35 % à la commune et 35 % à l'EPCI. Le moment n'est-il pas venu de repenser ce modèle en tenant compte du fait que l'éolien, loin de constituer une solution durable et rentable, suscite une opposition grandissante sur notre territoire ?

En second lieu, je voudrais aborder avec vous le projet d'usine de recyclage de batteries à Dunkerque qui, comme vous le savez, a récemment été suspendu. Ce projet est censé s'inscrire dans votre stratégie nationale de développement des filières industrielles vertes et, pour autant, cruciales, notamment en termes d'emploi dans un bassin géographique déjà durement touché par la désindustrialisation. La France, qui ambitionne de devenir un leader dans le domaine de l'économie circulaire et de la production de technologies vertes, ne peut pas se permettre de voir des projets aussi stratégiques retardés ou bloqués, alors même que nos concurrents étrangers, y compris européens, avancent à grands pas. Pouvez-vous nous expliquer les raisons exactes de cette suspension ? Quelles garanties pouvez-vous apporter quant à la reprise rapide de ce projet ? Comment comptez-vous rassurer les acteurs économiques et les industriels face à cette incertitude et éviter que ces projets cruciaux en termes d'emploi ne subissent des retards qui pourraient nuire à notre compétitivité sur la scène internationale ?

M. Saïd Omar Oili. - Les événements survenus en Espagne dans l'agglomération de Valence soulignent l'importance de deux volets de la politique publique face aux conséquences de réchauffement climatique : d'une part, la nécessité de la prévention ainsi que de l'information des populations et, d'autre part, l'impératif d'une bonne préparation de gestion des risques avec les citoyens. Ces deux éléments ont une acuité accrue dans les territoires d'outre-mer, en raison des moyens limités sur place, de l'éloignement géographique et de leur caractère insulaire - à l'exception de la Guyane. Toutes les études et les observations démontrent aujourd'hui que nos territoires sont fortement percutés par le changement climatique : en témoignent les cyclones plus intenses, comme aux Antilles et dans l'océan Indien, et la crise de l'eau à Mayotte. S'y ajoutent les surcrises en cas d'événements sismovolcaniques. L'éruption de la Soufrière en Guadeloupe en 1976 a duré près de deux années, pendant lesquelles l'île a en plus subi un cyclone. À la suite de cet événement majeur, Haroun Tazieff avait été nommé secrétaire d'État chargé de la prévention des risques naturels et technologiques majeurs en 1984. Aujourd'hui, dans nos territoires ultramarins qui subissent de très forts changements climatiques, l'administration de l'État doit, comme dans les années 1980, s'adapter et intégrer cette augmentation des risques et des crises. Or je reste interrogatif quand je regarde l'organigramme de la direction générale des risques : seule une petite mission est dédiée aux risques dans les outre-mer. Madame la ministre, ma question est très simple : votre administration est-elle préparée face aux enjeux majeurs liés au changement climatique dans les territoires ultramarins ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. -Madame la sénatrice Bonnefoy, je rejoins votre propos : il faut être très précautionneux sur le ZAN. La raison est assez simple et je l'observe concrètement, par exemple, dans le Pas-de-Calais : lorsque vous prenez de la hauteur sur ce territoire, vous voyez à quel point les inondations sont aussi liées à des phénomènes de ruissellement, à la fois sur des zones qui sont artificialisées et sur certaines terres où le ruissellement est particulièrement intense, ce qui soulève également la question de la conservation et de l'entretien des sols.

Il y a donc vraiment une nécessité de retravailler sur l'aménagement. À cet égard le Premier ministre, dans une très jolie formule, a indiqué qu'il fallait se demander comment « ménager » la nature de façon à ce qu'elle ne reprenne pas ses droits. Ce qui est très frappant dans un certain nombre de cas d'inondations - et tel est le cas à Valence - c'est que les fleuves retrouvent leur cours historique, ce qui peut entraîner des événements tout à fait effrayants. Je ne vous apprends rien en soulignant que c'est donc un travail qu'il faut reprendre car ce n'est pas la même chose quand un drame arrive une fois tous les 100 ans ou tous les 5 ans. Il faut avoir en tête que le Pas-de-Calais, d'après le rapport d'inspection, a été frappé par l'équivalent de 1,5 fois la crue centennale. Nos référentiels de crues centennales, cinquantennales ou décennales ont donc explosé : l'Ardèche a subi une année de précipitations en 48 heures et Valence six mois de précipitations en quatre heures. La science nous apprend également que les solutions fondées sur la nature sont les plus efficaces. Nous allons recalibrer notre action et je pense qu'il faut tirer très froidement et très cliniquement les enseignements de ces différents épisodes ainsi que des retours d'expérience pour pouvoir agir dans l'aménagement futur et accompagner l'existant. Le président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) m'a par exemple indiqué, en substance, qu'un quartier de Cannes est situé dans un endroit surveillé au titre du risque inondation depuis 200 ans, les décisions prises ne datent donc pas de la semaine dernière. J'entends parfaitement ses propos : il faut à la fois gérer les risques historiques et accompagner l'évolution des risques. Vous connaissez, à cet égard, le rôle du fonds Barnier : par exemple, dans le Pas-de-Calais, à un certain moment, on reconnaît qu'à certains endroits il n'est plus légitime d'habiter car on s'expose à un rythme tellement resserré d'inondations que cela devient invivable. On propose alors aux habitants de prendre en charge leur maison - dont la valeur s'effondre - et de les reloger ailleurs. Il y a eu une soixantaine de cas de cette nature suite aux inondations du Pas-de-Calais, c'est une des actions du fonds Barnier.

Il faut donc, comme vous l'indiquez, faire attention à l'artificialisation, ce qui ne veut pas dire, dans le même temps, qu'il faut adopter un comportement normatif, standard, descendant et vertical. Une telle attitude est contestée sur le terrain et beaucoup d'élus me disent qu'ils souhaitent qu'on tienne compte des efforts qu'ils ont consentis. Ceux qui ont des projets voudraient qu'on les examine sur une maille un peu plus large que certaines parties de leurs communes. Je pense donc qu'il faut trouver un juste équilibre en maintenant l'objectif global de diminution de l'artificialisation, tout en aménageant des souplesses pour agir intelligemment. Je sais que mon prédécesseur y a travaillé et j'ai beaucoup de remontées de terrain à ce sujet : on m'expose des situations où je comprends la colère des maires et, inversement, on me présente des cas où je n'ai pas du tout envie d'artificialiser, pour des raisons objectives de protection des populations et de prévention des risques.

J'ajoute qu'il faut également renaturer : c'est un autre levier de prévention des inondations. La renaturation donne des résultats assez intéressants : on n'arrive pas à chiffrer le retour sur investissement parce que les bénéfices sont extra-financiers et sans lien direct avec des activités économiques. Cependant, en termes de risques évités, de capacité d'absorption ou de résilience d'un territoire, de qualité du cadre de vie ou encore de santé, les retombées de la renaturation sont assez évidentes. Il faut donc s'équiper et s'outiller pour renaturer de la manière la plus scientifique, rationnelle, professionnelle et sérieuse possible, si je peux utiliser ce terme.

Madame la sénatrice de Cidrac, s'agissant du plastique, je rappelle que deux solutions ont été évoquées ces dernières années. La première - historiquement - c'est la consigne plastique et la deuxième serait de mettre en place un bonus-malus. Je rappelle que nous sommes le vingt-sixième pays européen sur 27 en termes de collecte et de recyclage : c'est inacceptable. Je note que les performances sont très différentes d'une région à l'autre : de mémoire, le taux de recyclage est supérieur à 70 % en Bretagne et aux alentours de 30 % en Île-de-France ainsi qu'en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). La question posée est de savoir comment atteindre notre objectif de 80 % en 2026. Pour ce faire, on va se nourrir de tous les travaux récents sur le sujet qui révèlent clairement une préférence exprimée par les territoires en faveur du système du bonus-malus et une inquiétude sur les conséquences d'un éventuel échec si on n'atteint pas l'objectif fixé. Je rappelle que notre performance insuffisante en matière de recyclage nous coûte 1,5 milliard d'euros, ce qui est problématique au plan budgétaire.

Mme Marta de Cidrac, présidente. - Permettez-moi de rebondir sur votre réponse. Je sais que vous regardez ce sujet de près et je vous en remercie. Toutefois, je me permets d'insister puisque les objectifs que vous évoquez portent sur les plastiques en général. Or, la consigne dont nous parlons concerne les PET (polyéthylène téréphtalate), à savoir un type de plastique un peu particulier. Il faut conserver en mémoire cette précision et n'hésitez pas à vous inspirer des solutions que nous vous proposons dans le rapport d'information qui a été fait en 2023 : je ne prétends pas que nos préconisations vont apporter une solution simple et immédiate mais elles nous permettraient, en tout cas, de nous inscrire dans une trajectoire qui, je pense, portera ses fruits. Nous sommes un petit peu insistants, au Sénat, sur ce point, mais comprenez aussi que la gestion des déchets est une tâche ardue.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - S'agissant du rapport des inspections sur la responsabilité élargie des producteurs (REP), nous sommes assez en ligne avec une partie du diagnostic qu'il établit, notamment sur les moyens et l'insatisfaction relative qu'on peut avoir sur l'efficacité de ces systèmes. Je suis en revanche plus réservée sur le fait de mettre en place une autorité administrative indépendante, l'objectif final est de créer des moyens ainsi que des compétences supplémentaires, auquel cas rien n'empêche de le faire dans l'administration. À mon avis, il faut interpréter cet aspect du rapport comme une façon d'exprimer un besoin de compétences et de ressources en les mobilisant à un seul endroit. Telle est la piste qu'il convient de privilégier car je ne pense pas - et le rapport ne dit pas l'inverse - que ce soit le statut des personnes qui explique le défaut de résultat satisfaisant. Ce n'est pas la nature administrative de leur rattachement mais bien le manque de compétences et de moyens qui est en cause.

S'agissant, monsieur le sénateur Fagnen, de l'hydrolien, je rappelle que j'avais soutenu une des premières initiatives dans ce domaine : il s'agit du projet FloWatt de ferme hydrolienne d'une puissance de 17,5 mégawatts dans le Raz Blanchard, au large de la Normandie, porté par le chantier naval des Constructions mécaniques de Normandie (CMN) à Cherbourg. Cette installation doit être mise en service en 2026 et j'ai pris la décision de la soutenir financièrement en 2022-2023. Au regard de ces 17,5 mégawatts, vous voyez que l'objectif de 250 mégawatts à l'horizon 2030 n'est pas complètement absurde. Nous avons inscrit cette cible car aujourd'hui on n'a pas encore, dans l'hydrolien, de technologie qui soit établie à un prix totalement robuste. Je ne préciserai pas les conditions de financement négociées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), mais disons qu'on se situe encore dans une technologie en recherche de maturité et d'industrialisation. Elle est cependant prometteuse et c'est ce qui nous a conduits à la financer : il y a, en général, une courbe d'apprentissage et de convergence industrielle qui nous amène à penser que cette filière pourra atteindre un niveau de prix de production de l'électricité conforme à nos objectifs de décarbonation et de compétitivité-prix. C'est pourquoi nous avons pris le risque d'accompagner cette installation et nous financerons au cas par cas les projets de cette nature dans les années qui viennent, comme on l'a fait il y a quelques années pour d'autres technologies. Il y a 20 ans, les éoliennes ont été développées avec des prix d'accompagnement assez élevés avant de progresser énormément dans la réduction des coûts. C'est aujourd'hui une trajectoire similaire que nous envisageons pour l'hydrolien et Olga Givernet est à votre disposition pour en discuter ; la vision que nous portons toutes deux de la transition énergétique est de coupler industrie et décarbonation : derrière chaque technologie, on cherche à avoir la filière la plus solide possible dès son lancement. Ensuite, on doit faire preuve de continuité, de consistance et de cohérence dans la durée, ce qui n'est pas toujours évident.

La sénatrice Valente Le Hir m'a interrogé sur la fast-fashion. Nous lançons la consultation sur l'étiquetage environnemental dans le textile avec des propositions : par exemple, faut-il indiquer le nombre de tonnes de CO2 émises pour fabriquer un vêtement ? Nous nous demandons s'il est préférable de rapporter les émissions au kilogramme de vêtements ou d'établir des comparaisons entre des vêtements de même nature, si tant est que la production d'un manteau diffère de celle d'un t-shirt. Le choix est également proposé entre l'affichage d'une performance brute ou d'une performance relative matérialisée par un visuel vert, orange ou rouge : nous sommes plutôt favorables à la première solution qui préciserait la quantité de CO2 générée par tel ou tel vêtement car vous composez votre garde-robe avec certains vêtements que vous allez garder 10 ans et d'autres moins longtemps ; il est donc opportun de pouvoir comparer des vêtements fast-fashion avec ceux qui sont plus durables. L'idée est d'introduire de la pédagogie dans le choix des consommateurs et surtout de faciliter leur accès à l'information. La proposition de loi sénatoriale s'appuie sur un tel affichage : c'est une première étape importante et nous soutenons plutôt le principe qui sous-tend ce texte mais il comporte un problème d'articulation avec le droit européen, ce qui ne vous a sans doute pas échappé.

S'agissant de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), le groupe de travail qui a été mentionné précédemment a abordé la question des installations d'énergies renouvelables terrestres et de l'Ifer : c'est donc l'instance adéquate pour prolonger la discussion. Je pense que vous pouvez assez aisément déduire les propositions qui avaient été faites en vous référant à la composition du groupe de travail, qui a réuni des parlementaires ainsi que des élus locaux. La région est a priori plutôt en charge des sujets énergétiques et de développement économique et pourrait à ce titre percevoir l'Ifer. Cependant, selon les remontées des discussions au sein de ce groupe de travail, le lien entre région et Ifer n'est pas suffisant. En revanche, il a été suggéré que le bloc communal pouvait être plus légitime pour percevoir l'Ifer, tandis que le lien entre Ifer et département apparaît plus ténu. Les travaux en sont restés là, l'État s'étant limité à un rôle d'observateur et de facilitateur dans ce groupe de travail réunissant des collectivités locales et traitant de sujets portés par les parlementaires. En conséquence, je vous invite à solliciter ma ministre déléguée pour reprendre ces travaux parce que d'une manière ou d'une autre, les sujets traités vont revenir et il est préférable de les anticiper. En effet, la production d'énergie renouvelable va augmenter et donc le potentiel fiscal lié à ces énergies renouvelables devrait susciter beaucoup d'intérêt, notamment au niveau des collectivités locales.

Vous avez mentionné les oppositions aux éoliennes : elles sont bien réelles mais, lorsque j'avais en charge ce portefeuille en tant que ministre de l'énergie, j'ai été frappée de recevoir beaucoup plus de courriers qui revendiquaient une accélération de l'instruction des dossiers d'éoliennes par mes services que de courriers qui demandaient l'arrêt de projets d'éoliennes : statistiquement, je pense le ratio était de cinq contre un. N'oublions donc pas les projets d'éoliennes qui sont les bienvenus mais dont on n'entend pas parler parce qu'ils sont bien montés avec le soutien des collectivités locales et une concertation avec les citoyens. Comme dans tous les domaines, il y a projet et projet...

S'agissant du projet de recyclage des batteries à Dunkerque, j'ai un peu sursauté en entendant vos propos, et j'espère qu'il en va de même pour le sénateur Dhersin : en effet, il me semble qu'on est tout de même dans une logique de réindustrialisation à Dunkerque. Notre problème est de savoir comment accueillir les futurs emplois que nous sommes en train de créer et nous avons des sueurs froides sur l'aménagement du territoire, le logement, les parkings et les mobilités. Nous sommes donc bien loin d'être dans un moment de désindustrialisation massive et je parle sous le contrôle des experts ainsi que des territoriaux.

Deuxièmement, on observe, dans l'ensemble de l'Europe, un moment de temporisation sur les projets de batteries électriques : il en va ainsi en Allemagne ainsi qu'en Suède où Northvolt a très clairement annoncé des arrêts de construction d'usines. Ce phénomène est lié, d'une part, à la montée en charge de la production de voitures électriques et, d'autre part, à des politiques globales, notamment en Allemagne qui est un grand pays producteur mais aussi consommateur de voitures : c'est le pays le plus peuplé de l'Union européenne et il a revu drastiquement à la baisse ses aides à l'achat de voitures électriques, ce qui, au niveau du marché allemand, a créé un gros trou d'air. Ce n'est pas du tout un reproche mais un constat car tous les pays ont des problèmes budgétaires et effectuent des choix.

S'ajoute l'incidence de la concurrence étrangère sur la production, puisque les chaînes de fabrication intègrent batterie et montage : c'est d'ailleurs ce qui a amené la Commission européenne à rehausser son niveau d'exigence sur la concurrence déloyale. Ma conviction est donc qu'il est absolument nécessaire de resserrer les rangs et d'avoir le plus de cohérence possible, à la fois sur l'offre et la demande. Peut-être faudra-t-il revoir légèrement à la baisse le calendrier et le déploiement de la production mais l'essentiel est de s'assurer qu'on protège nos industries de façon logique et justifiée car la France produit des batteries électriques en utilisant une électricité à 90 % décarbonée : seuls trois pays peuvent réaliser une telle performance - la Finlande, la Suède et la France - et cet atout doit être valorisé. Il me paraît très important de pouvoir à l'échelle européenne, revendiquer cette performance environnementale, ce qui suppose qu'un certain nombre de contraintes environnementales soient imposées à nos entreprises. Celles-ci ne doivent pas être confrontées à une concurrence qui n'est pas soumise aux mêmes exigences, sans quoi cela soulève un problème de cohérence collective, je pense que ce sujet est maintenant bien compris au niveau européen. Encore faut-il mettre en oeuvre les outils avec la rapidité d'exécution adéquate sur ce sujet de commerce international, où il est normal de constater des rapports de force entre les pays.

En ce qui concerne les outre-mer, je vous rassure : ce n'est pas parce que mon ministère abrite un bureau ou une cellule spécifiquement dédiée aux outre-mer que tous les autres services ne s'occupent pas de ces territoires. Par principe, il est tenu compte des spécificités ultramarines mais l'outre-mer est en soi un territoire qui doit bénéficier des prestations de l'ensemble de l'administration ; ainsi toute la direction générale de la prévention des risques (DGPR) a vocation à travailler aussi bien pour l'Hexagone que pour les outre-mer. Parmi les principaux risques ultramarins qui sont aujourd'hui couverts et sur lesquels on travaille, je citerai d'abord le risque sismique via le plan séisme Antilles (PSA), qui occupe la deuxième place en termes de mobilisation du fonds Barnier, derrière le risque inondation. Nous approfondissons ce sujet sismique pour nous adapter aux conséquences du dérèglement climatique et faire le lien avec le risque de submersion marine. Nous travaillons également sur les risques cycloniques. Je souligne d'ailleurs qu'en termes de culture du risque, les outre-mer ont des choses à apprendre à l'Hexagone, car les ultramarins sont extrêmement bien formés à la gestion d'un épisode cyclonique : les habitants ainsi que les enfants savent comment se comporter et les réflexes de base sont en place. Nous devons ainsi adapter ce schéma à l'Hexagone.

Avec mon collègue, le ministre chargé des outre-mer François-Noël Buffet, nous souhaitons également élaborer un plan spécifique couvrant tous les enjeux. Pour ma part, je gère des compartiments d'un tel plan sur des sujets absolument majeurs puisque les outre-mer connaissent des problèmes d'eau, d'assainissement, de déchets et de fourniture d'électricité à des niveaux de gravité inacceptables pour la France. Ces quatre difficultés doivent être prises en compte en plus de la gestion des risques : cela fait partie de la feuille de route portée conjointement avec mon collègue et je l'ai assuré de toute ma disponibilité pour réexaminer systématiquement ces points dans chacun des territoires ultramarins. J'ai mentionné le plan eau à Mayotte et je souligne que la Guyane subit des difficultés de salinisation de l'eau avec des biseaux salins qui remontent à certains moments de l'année. S'ajoutent aux problèmes de qualité de l'eau les difficultés portant sur les déchets avec des maladies imputables à des décharges sauvages mal traitées. Nous considérons que tous ces sujets ultramarins sont des priorités au même titre que les défis qui sont, sous nos yeux, à relever dans l'Hexagone.

M. Jacques Fernique-Vous avez parlé de la réduction des dépenses brunes, ce PLF pour 2025 s'apprête ainsi à actionner un peu plus le malus automobile pour favoriser les véhicules sobres, peu émetteurs et plus légers. On connaît, à ce sujet -, et on l'a vu en allant au salon international de l'automobile - l'opposition et l'intense pression, un peu à courte vue, de certains acteurs. On retrouve d'ailleurs les mêmes réflexes de refus vis-à-vis d'autres dispositifs de ce PLF qui accentuent un peu la sortie des fossiles. Le Gouvernement est-il déterminé à maintenir cette mesure - d'autant qu'à mon sens il faudra être plus impactant - ou se prépare-t-il à reculer ?

S'agissant du dégonflement des aides à l'électromobilité, comme vous l'avez indiqué, l'enveloppe consacrée à l'électrification des véhicules perd de la consistance. Si j'ai bien compris, c'est la prime à la conversion qui paraît la plus compromise. Pourtant, le bilan environnemental positif de cette prime est avéré, avec 45 000 bénéficiaires auxquels elle a apporté des solutions de mobilité en 2023. Je voulais vous rendre attentive au fait que si cette prime devait s'étioler, le dégât collatéral serait l'impossibilité de mettre en oeuvre la loi n° 2024-310 du 5 avril 2024 visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires. C'est une raison de plus pour maintenir la prime à la conversion.

Vous avez déjà fait allusion aux négociations en Corée du Sud sur le plastique et vous avez de nouveau évoqué ce sujet en répondant à une question de notre vice-présidente Marta de Cidrac. Vous avez également rappelé la pénalité fondée sur notre part insuffisante d'emballages plastiques non recyclés, qui ajoute 1,5 milliard d'euros à notre contribution européenne. Nous sommes les tristes champions européens en la matière, il faut noter que la situation s'aggrave depuis 2021 : la part des plastiques non recyclés dans notre pays augmente de façon continue. Plutôt que de faire peser la charge de cette défaillance sur les contribuables et aussi, tout particulièrement, sur les collectivités qui paient lourdement la gestion des déchets de ces plastiques, n'est-il pas temps de mettre en place une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) amont, notamment sur les plastiques qui n'entrent dans aucune filière REP ? En effet, comme vous l'avez indiqué, sur le plastique, c'est d'abord à la racine et en amont qu'il faut agir.

Enfin, en ce qui concerne le site souterrain de déchets toxiques Stocamine en Alsace, le Sénat a envoyé l'an passé un message très clair lors de l'examen du PLF pour 2024 en adoptant deux amendements de ma collègue Sabine Drexler en faveur d'un déstockage des déchets toxiques. La semaine dernière, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement transpartisan porté par quatre députés alsaciens qui prévoient d'allouer 31 millions d'euros pour financer ce déstockage. Votre Gouvernement va-t-il évoluer sur ce point ou va-t-il maintenir avec obstination la position qui date du ministère Barbara Pompili ? Allez-vous intégrer au budget pour 2025 les amendements favorables au déstockage, conformément à la volonté exprimée par les deux chambres ?

M. Hervé Gillé.- Il faut faire attention aujourd'hui à ne pas cultiver un paradoxe ou une ambiguïté dans ce projet de loi de finances. Vous avez précisé les enjeux financiers en indiquant que la prévention présente une forte efficacité budgétaire. Or le fonds Barnier finance principalement la prévention et cette dernière est donc, en définitive, un peu sacrifiée, malgré tout, dans ce budget. Vous voyez donc là qu'il y a une forme de paradoxe. Certes, vous répondez que le budget augmente de 75 millions d'euros mais, comme cela a été dit, le prélèvement sur la surprime catastrophes naturelles devrait dégager 450 millions d'euros de recettes. On voit bien que ce n'est pas une bonne politique - de supprimer ces fonds qui interviennent dans la prévention et bien sûr dans l'investissement de protection, notamment à travers les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) ainsi que dans le cadre de l'exercice de la compétence gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Or, madame la ministre, vous constatez qu'il y a beaucoup de retard dans ce domaine car il est très complexe, par exemple, aujourd'hui, pour les collectivités compétentes, de mettre en place des systèmes d'endiguement. Je rappelle qu'un kilomètre de digue coûte un million d'euros, le fonds Barnier ne suffit pas pour mobiliser les sommes nécessaires. De plus, il faut revoir le modèle économique de la Gemapi sur ce qu'on appelle les enjeux majeurs. Telle est aujourd'hui la situation, avec des cabinets d'études qui sont le dos au mur et n'arrivent plus à répondre à la demande, des délais qui sont en train de s'étirer et des élus qui sont en train de s'épuiser sur le sujet. Il faut donc s'activer et cela nous ramène encore à la mobilisation du fonds Barnier.

Par ailleurs, vous avez mentionné une diminution de 5,8 % de nos émissions de gaz à effet de serre : très bien, mais, là aussi, attention à l'ambiguïté car nous sortons d'une année particulièrement douce avec peu de consommation d'énergie et c'est donc bien la trajectoire pluriannuelle qu'il faut examiner - au demeurant cette dernière n'est pas si mauvaise que ça.

Je terminerai sur l'ambiguïté budgétaire à propos de MaPrimeRénov'. Vous l'avez expliqué, et j'ai bien écouté votre interview sur France Inter dans laquelle vous avez repris l'argument selon lequel on n'a pas besoin de maximiser l'inscription budgétaire initiale parce qu'on a sous-consommé les crédits de l'année précédente. Mais il faut s'interroger sur les raisons de cette sous-consommation : c'est peut-être parce que la demande n'était pas au rendez-vous mais c'est surtout parce qu'il y a une complexité dénoncée par tous les acteurs, avec des normes qui évoluent en permanence. J'espère que cette forme de sous-consommation n'est pas cultivée au niveau du Gouvernement, mais tout le monde constate aujourd'hui la complexité de l'accès aux différentes aides et du système dans son ensemble qui alimente une sous-consommation des crédits. J'aimerais bien avoir votre avis sur ce sujet.

M.  Franck Dhersin. - Les entreprises, notamment industrielles, ont vraiment besoin de visibilité sur les prix de l'énergie. Je parle évidemment en connaissance de cause depuis mon territoire dunkerquois où le prix de l'électricité est absolument déterminant pour les industries électro-intensives. La fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) est donc un facteur d'incertitude pour nos entreprises. Le Gouvernement et EDF avaient passé un accord en novembre 2023 au sujet de la régulation du nucléaire post-Arenh. Cet accord portait sur 100 % de la capacité nucléaire et prévoyait un prix de 70 euros par mégawattheure. Le Gouvernement a tenté d'introduire ce mécanisme, si j'ai bien compris, à l'article 4 du projet de loi de finances, ce qui me semble un peu baroque tant ce sujet mérite, à mon sens, un véhicule législatif à part entière, avec un débat plus long et plus structuré. Nous entendons certains bruits laissant penser qu'à la faveur de la baisse des prix de l'électricité, le Gouvernement souhaiterait réviser certaines modalités de cet accord, à commencer par le fameux prix de 70 euros le mégawattheure. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement sur ce sujet et revenir sur les grandes lignes de cet accord, notamment les mécanismes de taxation par l'État en cas de prix de vente élevé ?

Mme Audrey Bélim. - La stratégie nationale pour la biodiversité, qui prévoit que 10 % du territoire national soit sous protection forte d'ici 2030 et que 100 % des récifs coralliens ultramarins soient protégés d'ici l'an prochain, voit ses crédits divisés par deux. Comment allons-nous faire plus avec moins ? On entend souvent dire que les outre-mer concentrent 80 % de la biodiversité de la France mais nous sommes loin de concentrer 80 % des financements publics ! Que pensez-vous d'une réallocation des dépenses en se basant sur le nombre gigantesque d'essences d'arbres et d'espèces animales ou végétales qu'abritent nos territoires ? Je tiens à rappeler que lorsque nous protégeons le Pétrel de Barau - qui fait partie des espèces menacées - c'est parce que les Réunionnaises et les Réunionnais ont conscience que si cet oiseau marin disparaît de La Réunion, il disparaîtra de la planète toute entière.

Madame la ministre, il est vrai que des financements européens existent et peuvent être alloués à nos projets. Cependant, les fonds nationaux sont trop faibles pour le fonctionnement habituel des structures comme le parc national, l'office national des forêts (ONF) ou encore la réserve marine. Nous avons besoin de pérenniser les dotations de ces grands établissements publics ou encore de ces associations de protection de la biodiversité. Leur action participe à limiter les effets des changements climatiques, et je rappelle que moins de biodiversité, c'est moins d'air et moins d'eau de bonne qualité. J'ajoute que la moitié du patrimoine végétal de La Réunion est aujourd'hui valorisé dans la médecine ou les cosmétiques. Que pouvez-vous nous proposer pour faire face à ces réalités et lutter contre les menaces qui pèsent sur cette biodiversité ?

Par ailleurs, le Gouvernement avait oublié les outre-mer lors de la mise en oeuvre du leasing social sur les véhicules électriques et il s'était engagé à y remédier pour 2025. Pouvez-vous nous confirmer cet engagement ? Ne faudrait-il pas finalement prévoir un quota particulier pour les outre-mer afin de compenser l'oubli en 2024 ? Je vous rappelle que les acteurs s'étaient déjà mobilisés sur place avant que l'on stoppe ce dispositif pour les outre-mer. Encore une fois, la transition du parc automobile vers l'électrique suppose également de nous confronter urgemment au problème des déchets de batterie électrique et je m'inquiète des conditions actuelles de leur stockage sur nos territoires.

Je souligne également que nous nous félicitons d'avoir réussi la transformation de nos usines de production d'énergie mais le sujet de la souveraineté énergétique reste tout de même posé et il est important qu'on nous accompagne dans ce domaine. Il est vrai que notre production ne se concentre plus que sur de l'énergie fossile, mais, pour fabriquer des biocarburants, la graine de colza ne pousse pas à La Réunion et les pellets de bois viennent du Canada. Il faut donc réellement soutenir nos efforts et pousser la réflexion pour aller vers la souveraineté énergétique. Je rappelle à ce sujet le récent conflit social intervenu dans les centrales électriques alimentées par de biomasse d'Albioma et qui a impacté la production d'énergie sur différents territoires ultramarins.

M. Michaël Weber. - Madame la ministre, nous vous écoutons attentivement depuis le début de cette intervention et avant d'aborder des sujets budgétaires très précis, j'indique qu'on a un peu le sentiment qu'il y a vraiment un décalage entre l'ambition que vous affichez - qui semble sincère - et les moyens à votre disposition pour relever ces défis immenses.

Je voudrais, tout d'abord, rebondir sur deux sujets que vous avez évoqués. Le premier est celui de l'objectif de 30 % d'aires protégées, dont 10 % de zones de protection forte. Outre le fait qu'on n'atteint pas ces 10 %, je souligne le déséquilibre territorial existant. Vous savez très bien que sur les aires marines ou les territoires d'outre-mer, on atteint des taux de protection forte importants mais, en France métropolitaine, il y a des secteurs avec très peu de protection forte. De surcroît, tout cela est inefficace s'il n'y a pas de lien entre les zones de protection forte car si l'on veut aider les espèces et les essences à survivre au changement climatique, il faut absolument aménager des corridors entre ces différentes zones de protection. De ce point de vue, non seulement vous n'atteignez pas le niveau qui était indiqué ou espéré, même si on peut discuter des chiffres, mais, de surcroît, il subsiste un vrai déséquilibre.

Mon second sujet prolonge les propos tenus par Hervé Gillé et qui me semblent importants. Vous avez parlé des 6 milliards d'euros liés aux certificats d'économie d'énergie (CEE) : ce ne sont pas des fonds publics et il s'agit effectivement d'un dispositif extrêmement intéressant. Mais aujourd'hui, dans l'ensemble, les acteurs sont très insatisfaits de l'utilisation de ces fonds - c'est ce que l'on entend sur le terrain - pour les raisons suivantes : la modification des règles du jeu de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), le fait qu'on n'utilise pas totalement la prime rénovation, la question du ratio entre le coût d'investissement et le coût de l'énergie économisée et, enfin, la fraude qui met à mal ces dispositifs.

Je souhaitais enfin rebondir sur deux propos que vous avez eus tout à l'heure en apportant des précisions importantes.

Sur le fond, je vous ai entendue lors de votre passation de pouvoir, insister sur la question de l'adaptation au changement climatique et vous avez parlé du réchauffement de 4°. Vous venez d'essayer de nous convaincre en expliquant que le chiffre à retenir n'est pas exactement celui de 4° mais, pour ma part, je m'interroge. Tout d'abord, quel sens cela a-t-il que l'État continue à subventionner ou à laisser faire tout ce qui engendre des atteintes au climat ? L'an dernier, lors des travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur Total, on a vu le nombre de cas où des subventions sont allouées à des investissements dans les énergies fossiles et on a constaté le défaut de sanction des banques qui financent les énergies fossiles : ce sont des sujets essentiels et je pense qu'il y a aussi des moyens peut-être financiers à mettre en oeuvre pour remédier à cette situation.

Je reviens sur le chiffre de 4° : c'est quand même un signe négatif qui est donné, y compris à nos concitoyens, qui laisse penser que finalement on n'a pas les moyens ou que les pouvoirs publics, en quelque sorte, ont renoncé à atténuer effectivement le réchauffement climatique et qu'on se limite à des mesures d'adaptation. L'adaptation pour qui ? Pas pour la biodiversité mais pour les humains. Et si on accepte cette adaptation - et peut-être même trouverait-on des solutions pour une planète qui deviendrait invivable à 4° - au final, la biodiversité, pour sa part, ne serait absolument pas protégée et, de ce point de vue, je pense qu'il y a un vrai décalage.

Pour finir, le 29 août 2023, vous étiez sur le plateau du Medef, dans le cadre de vos fonctions précédentes, et il y avait avec vous, sur ce plateau, Patrick Pouyanné et Jean Jouzel, le premier interpellant le second en mettant en avant le principe de réalité. Or je considère que la réalité c'est plutôt qu'il est assez hypocrite de prétendre s'adapter à un monde devenu invivable parce qu'on n'aura rien fait pour atténuer drastiquement le réchauffement et qu'on aura laissé la catastrophe se produire. En définitive, j'aurais tendance à vous demander si vous êtes plutôt Jean Jouzel ou Patrick Pouyanné ?

M. Alain Duffourg. - Ma question concerne la politique de l'eau. Le Premier ministre a annoncé dans son discours de politique générale une conférence nationale sur l'eau. La question de l'eau est effectivement un pilier de votre ministère et l'organisation d'une telle conférence est aujourd'hui très importante et urgente. Avez-vous madame la ministre un calendrier sur ce sujet et, notamment en matière d'irrigation agricole, pensez-vous que nous puissions améliorer et faciliter les dispositifs de mise en oeuvre des retenues collinaires ?

Ma deuxième question porte sur l'électrification rurale. Les syndicats d'énergie départementaux s'alarment de la réforme du compte d'affectation spéciale dédié au financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (CAS-Facé). En effet, le PLF pour 2025 prévoit de supprimer la contribution des gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité au CAS-Facé pour la remplacer par une fraction de l'accise sur l'électricité. Or cette réforme risque de mettre en cause le financement des syndicats d'électrification. Je souhaite connaître votre position sur ce point car ces syndicats sont aujourd'hui assez interrogatifs.

M. Pierre Jean Rochette. - J'ai deux questions sur l'article 8 du projet de loi de finances, relatif au durcissement du malus poids et du malus CO2. Je voudrais avoir votre avis sur ce point car je crains que cette mesure desserve un peu le secteur automobile français. S'agissant du malus CO2, je pense qu'il y avait, sur les émissions de grammes de CO2 par kilomètre, une anticipation faite par les industriels français d'une norme de diminution de 5 grammes de CO2 par kilomètres, nous demandons maintenant une accélération pour atteindre 7 grammes de CO2 par kilomètres. Je redoute que cela handicape un peu nos constructeurs français et il en va de même pour le durcissement du malus poids - avec un abaissement de son seuil de déclenchement. Quel est votre avis à ce sujet ?

De plus, l'enveloppe allouée au verdissement du parc est en baisse : elle passerait de 1,5 milliard d'euros à un milliard d'euros avec des changements ainsi que des suppressions d'éligibilité. Je voudrais en connaître les raisons et je me demande plus généralement si on ne devrait peut-être pas se concerter avec les constructeurs automobiles sur ces deux points.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Monsieur le sénateur Fernique, sur le malus automobile, deux points de vue différents se sont parmi vous exprimés, ce qui permet d'alimenter le débat. Je rappelle que le malus automobile concerne les véhicules neufs, c'est-à-dire une partie assez modeste de notre parc et de l'acquisition de véhicules puisque les Français achètent plutôt des véhicules d'occasion. De plus, le dispositif ne concerne pas les flottes automobiles, sachant que pour ces dernières, on travaille sur des avantages fiscaux incitatifs à leur électrification. Par ailleurs, le malus s'applique à tous les véhicules immatriculés en France, quel que soit leur producteur : ainsi, les véhicules produits en Chine, en Allemagne, en Espagne ou en France sont concernés. Le fait qu'aucun biais ne favorise tel ou tel site de production ou nationalité du siège social du producteur garantit la totale neutralité du dispositif selon les fabricants. Le deuxième élément est que la mesure proposée a, comme vous l'indiquez, un effet de pentification : effectivement, le malus s'accélère, mais on donne de la visibilité à trois ans, ce qui est inédit, avec l'affichage du barème pour 2025, 2026 et 2027. Je fais observer que l'enjeu, c'est bien entendu de ne pas payer le malus et plutôt d'utiliser le bonus pour acheter un véhicule électrique. Tel est bien le sens de la manoeuvre : moins l'enveloppe du malus sera mobilisée et plus nous aurons réorienté l'achat des Français vers des véhicules ayant une empreinte carbone plus faible : c'est, au fond, la bonne nouvelle. Ainsi, en accompagnement du malus il y a un bonus : c'est l'enveloppe d'électrification sur laquelle mon collègue Marc Ferracci est évidemment en contact avec les constructeurs pour en définir les éléments avec une vision industrielle. Pour avoir été ministre en charge de l'industrie et de l'énergie, je connais parfaitement ce processus qui repose sur des méthodes de concertation éprouvées. Certes nos moyens budgétaires contraints amènent à resserrer les dotations, sachant que les choses se passent en deux temps avec, d'abord, la définition de l'enveloppe et ensuite l'élaboration des critères entre le bonus, la prime à la conversion et le leasing.

J'en profite pour indiquer au passage que le leasing était parfaitement ouvert à l'outre-mer : rien n'empêchait d'en bénéficier mais vu le succès qu'a eu le leasing, au moment où des Ultramarins étaient prêts à conclure, ça ne s'est pas fait.

Mme Audrey Bélim. - En réalité, les Ultramarins n'ont pas pu bénéficier de ce dispositif auprès des concessionnaires en raison de procédures administratives impossibles dans les délais requis.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous avons eu des cas où nous aurions pu financer le leasing mais on avait épuisé l'enveloppe prévue. Je comprends que certains acteurs sont probablement partis avec un temps de retard et ont dû se structurer de façon différente en cours d'opération. Je souligne qu'il n'y a évidemment aucune différence de traitement prévue par la loi : votre formulation aurait pu être interprétée comme une exclusion des outre-mer mais ce n'est pas le cas ; c'est plutôt la mise en oeuvre pratique qui n'a pas emprunté les mêmes circuits et retardé les possibilités d'accéder au dispositif pour les Ultramarins.

Sur la prime à la conversion, je rappelle que le coût d'abattement de la tonne de CO2 est assez élevé dans ce dispositif. La prime à la conversion permet surtout de réduire les émissions de particules fines : c'est une mesure destinée à réduire la pollution de l'air plutôt que de décarbonation. En tout cas, c'est une mesure bien moins efficace en décarbonation que le bonus écologique ou le leasing pour l'achat de véhicules électriques. Dans le registre de la pollution de l'air, avec les zones à faibles émissions - mobilités (ZFE-m), vous savez comme moi qu'un certain nombre de villes ont pu améliorer la qualité de l'air et sont donc aujourd'hui hors situation de devoir exclure les véhicules classés Crit'Air 3. Aujourd'hui ce sujet concerne essentiellement les deux métropoles de Paris et Lyon qui mènent d'ailleurs une politique d'accompagnement assez importante en matière d'électrification et d'amélioration de la qualité de l'air. Vous avez par ailleurs raison d'indiquer qu'opérationnellement, la réduction de l'enveloppe consacrée à la prime à la conversion pose un problème quant à l'application de la loi sur les garages solidaires.

S'agissant du recyclage des plastiques, je prends bonne note de votre proposition d'élargissement de la TGAP.

En ce qui concerne Stocamine, la position constante - mais pas obsessionnelle - qu'a prise le Gouvernement ne se rattache pas à une question financière mais de gestion des risques. Toutes les études que nous avons pu faire réaliser sur ce sujet montrent qu'il est plus risqué de vouloir déstocker que de vouloir consolider le stockage en le protégeant. C'est un pur sujet de gestion des risques. Je sais qu'intellectuellement ça a été beaucoup discuté mais sincèrement, et vous le savez comme moi, il y a eu plusieurs analyses sur ce sujet-là qui ont montré à quel point un déstockage était dangereux. Pour ma part, je prends le dossier tel qu'il a été abondamment documenté par toute une série d'analyses qui ne sont pas politiques mais qui portent uniquement sur la gestion des risques.

S'agissant du fonds Barnier, je veux tout de même souligner que la ligne budgétaire augmente factuellement en 2025 par rapport à 2024, que vous preniez la loi finance initiale ou les crédits consommés. Cette augmentation va au-delà de l'épaisseur du trait puisqu'on passe de 225 millions d'euros à 300 millions d'euros. Si j'avais des enveloppes qui augmentent de 30 % sur toutes mes lignes budgétaires, je serais très satisfaite et j'aurais l'impression d'être en 2023. L'effort consenti en faveur du fonds Barnier est donc important et, par ailleurs, il n'épuise pas tous les crédits orientés vers l'adaptation au changement climatique puisque le Premier ministre a indiqué que le Fonds vert devait consacrer une partie importante de ses moyens à l'adaptation au changement climatique. Ce sont donc bien ces deux éléments qui sont mobilisés pour la gestion des risques.

Sur la question des Papi, des délais et du Gemapi, l'analyse que vous faites est exacte : je le constate aussi dans mon département du Pas-de-Calais qui, en quelque sorte, a un peu fait l'objet d'une expérimentation pour le compte de tous, puisqu'on a subi quatre, cinq ou six inondations successives, suivant les territoires. On a, dans ce département, des wateringues, des dispositifs mis en oeuvre au titre de la compétence Gemapi ou inscrits dans des Papi, des allocations du fonds Barnier et on a recherché comment accélérer les travaux. Il y a donc vraiment un retour d'expérience à faire et nous allons notamment nous appuyer sur le rapport de vos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux consacré aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024. S'y ajoutent le rapport d'inspection qui a été remis, le rapport du maire de Saint-Omer, François Decoster, de parangonnage qui décrit notamment les actions menées aux Pays-Bas et le retour d'expérience de 15 mois durant lesquels nous avons dû réaliser des travaux d'urgence, des travaux structurants et définir des plans tout en recherchant des financements. Tout ceci fournit des éléments très précieux pour améliorer notre stratégie sur d'autres territoires et c'est un des enjeux de l'adaptation de changement climatique. Les mêmes questions se posent pour les inondations en Seine-et-Marne et en Eure-et-Loir. Une des principales difficultés porte sur l'activation de la solidarité nationale ainsi que sur la mise en oeuvre d'une péréquation entre les territoires, car ils sont tous vulnérables et je n'en vois aucun qui n'aurait pas besoin d'utiliser ses ressources pour ses besoins propres. Telle est la limite des idées qui ont été exprimées dans le Pas-de-Calais de récupération de financement en provenance d'autres territoires.

S'agissant de la diminution de 5,8 % de nos émissions de CO2, j'ai assorti mon propos d'une mise en garde en indiquant que ce chiffre - certes satisfaisant - s'inscrit néanmoins dans une trajectoire qui doit être répétée chaque année et qui devient de plus en plus difficile à respecter. J'observe cependant que, depuis 2018, les gouvernements successifs tiennent leur trajectoire carbone. Nous avons formalisé la stratégie nationale bas carbone et nous sommes en ligne avec ses exigences ; il me semble me souvenir que le Gouvernement précédent ne l'avait pas fait. Vous voyez donc qu'il y a du progrès et c'est plutôt une bonne nouvelle dont on peut se réjouir.

Sur MaPrimeRénov', cela fait plusieurs années qu'on travaille à améliorer le dispositif en changeant ses paramètres, en particulier pour faire plus de rénovations globales et pas seulement du monogeste. Ce sujet revient régulièrement dans les débats parlementaires et, en réalité, on navigue entre deux pôles : d'un côté, on cherche à aller vers la rénovation globale mais c'est compliqué et on souhaite lutter contre la fraude, ce qui implique plus de contrôles. De l'autre côté, on s'efforce de simplifier en proposant aux personnes de réaliser des travaux qu'ils comprennent bien et pour lesquels ils disposent de la trésorerie disponible : dans ce cas de figure, il ne s'agit pas de réaliser d'un seul coup une rénovation à 30 000 euros mais d'égrener des travaux successifs monogeste très simples et sans modification. Depuis 2020, nous sommes tiraillés entre ces deux pôles avec des modifications qui naviguent d'un bord à l'autre.

Le choix que nous faisons en 2025 est de ne rien changer, dans un souci de stabilisation. On reste donc dans une prédominance du monogeste mais cela rassure et nous donne le temps de retravailler le sujet. Ma collègue Valérie Létard tient beaucoup à cette démarche de stabilisation et de réexamen des offres, en temps masqué, avec la Capeb (confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et la FFB (fédération française du bâtiment). Je précise ici que l'idée qui revient régulièrement est de mettre au point des offres couplées d'isolation et d'installation de nouveaux moyens de chauffage. Sur ces nouvelles bases, on pourrait alors modifier le dispositif, mais pas immédiatement.

Cependant, je ne peux pas vous laisser dire que notre action débouche sur un manque de projets : en effet, on a enregistré pendant certaines années 400 000 à 500 000 demandes avec des budgets à peu près au même niveau que celui qui est proposé pour 2025. L'Anah a ainsi accompli un travail gigantesque.

M. Hervé Gillé. - Je rappelle que vous avez justifié le montant inscrit dans votre budget pour 2025 en indiquant qu'on avait sous-consommé les crédits de l'année précédente.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Certes, mais j'examine les chiffres sur plusieurs années : en 2022 on en était à 1,9 milliards d'euros de crédits, 2,4 milliards en 2023 et je présente un budget qui s'établit à 2,3 milliards d'euros pour 2025. Vous voyez donc bien qu'il y a eu des moments de freinage et d'accélération mais on est plutôt en augmentation significative par rapport à 2022, sachant que ce dispositif date de 2020 et qu'antérieurement les crédits de même nature étaient bien moindres. Nous nous situons donc tendanciellement à un niveau élevé d'intervention. Cela dit, il revient à chacun de se demander quelles sont les priorités au moment où on doit recentrer nos enveloppes budgétaires et c'est une des questions qui vous sera posée au moment du budget : faut-il redéployer certaines allocations ou peut-on considérer que la copie budgétaire du Gouvernement est parfaite et mérite d'être adoptée comme telle ? C'est tout à fait possible aussi...

Monsieur le sénateur Dhersin, il est important de préciser que nous parlons non pas de toutes les entreprises industrielles mais d'environ 300 groupes français électro-intensifs : ce sont les plus gros consommateurs d'électricité et je précise qu'ils ne sont pas totalement exposés au marché car ils ont la possibilité de se sourcer à moyen terme. Parmi ces 300 entreprises je comprends que certaines, assez emblématiques sur votre territoire, ont réussi à conclure des accords qui leur convient ; d'autres en cherchent encore parce qu'à ce stade elles n'ont pas trouvé un terrain d'entente satisfaisant. En tout état de cause, ce que permet aujourd'hui l'accord conclu entre l'État et EDF, c'est d'abord un mécanisme de « refroidissement » lorsque le prix d'électricité franchit le cap de 78 euros par mégawattheure en se basant sur les prix de 2022. L'accord comporte un deuxième mécanisme de plafonnement : au-delà du seuil de 110 euros par mégawattheure - en base 2022 et en prix moyen - 90 % des sommes excédentaires seront reversées aux consommateurs. Par la suite, ces variables feront l'objet d'un travail de mise à jour en fonction des coûts de production ainsi que de l'inflation. Vous savez que la CRE est associée à ces travaux et ce n'est donc pas le Gouvernement qui improvise un accord dont je précise qu'il découle du contrat initial. L'intérêt de cet accord est de prévoir un refroidissement des prix si ces derniers s'envolent, tout en permettant à un marché de moyen terme de s'installer. L'accord prévoyait une clause de revoyure à six mois qui a été reportée à un an et nous nous préparons à cette échéance. Très factuellement, ce qui nous intéresse est de savoir combien de térawattheures ont été contractés, si les conditions satisfont ou pas les intéressés, quels secteurs industriels s'y retrouvent et quels sont ceux qui pourraient ne pas s'y retrouver. Sur ces bases, et avec mes collègues Olga Givernet et Marc Ferracci qui sont à la manoeuvre en première ligne, nous allons vérifier si le mécanisme convient ou s'il faut éventuellement l'ajuster. Pour le moment, nous disposons d'un reporting assez régulier qui nous montre l'avancée des discussions en fonction des nouvelles installations et des nouveaux accords ou prises de contact : nous pourrons ainsi juger de la bonne mise en oeuvre ou pas du dispositif global. Tout le monde aura compris que l'objectif n'est pas d'enclencher une négociation de marchands de tapis où, dans une conjoncture industrielle difficile, les uns ou les autres chercheraient à tirer les marrons du feu. Il faut fonder ce mécanisme sur une réalité industrielle à base de coûts, de situation du marché et d'impératifs de compétitivité. J'invite également chacun à penser aux autres, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas électro-intensifs mais tout de même électro-sensibles. En effet, au-delà d'éventuelles discussions dans lesquelles on se chamaille sur 5 euros du mégawattheure, on peut, par ailleurs, réfléchir sur la fiscalité de l'électricité avec des sommes beaucoup plus importantes en jeu. Ainsi, lorsqu'on taxe les installations nucléaires de base (INB), on taxe l'électricité et cela entraîne une différence de 1 à 3 euros par mégawattheure. Je mentionne aussi le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) : tous les acteurs ne paient pas le tarif le plus élevé du Turpe, mais cela a également un impact. Il faut donc bien prendre en compte tout l'empilement des coûts et analyser ce qui dépend à 100 % de l'État, d'EDF - notamment à travers sa performance industrielle - et ce qui dépend enfin d'une logique de marché. Sur ces trois paramètres, ma première préoccupation, en tant que ministre en charge avec Olga Givernet des sujets énergétiques - et encore une fois c'est elle qui est à la manoeuvre - c'est d'abord la performance d'EDF qui est déterminante pour faire baisser les coûts. Il en va de même de la performance des réseaux qui est également un facteur de baisse des coûts si on l'optimise. Telles sont les deux priorités de notre pilotage. Par ailleurs, la fiscalité est un sujet qui relève à la fois de la problématique budgétaire et de la décision collective : quels signaux doit-on, par exemple, envoyer pour arbitrer entre les prix de telle ou telle l'énergie, ou entre tel ou tel pays ? Enfin, s'agissant des conditions de marché, la bonne nouvelle est que, par rapport au moment où on a passé l'accord, les prix sont revenus dans une zone beaucoup plus acceptable. Encore une fois, je ne parle pas ici des particuliers qui bénéficient de tarifs réglementés, mais des prix de marché et ces derniers sont, pour les électro-intensifs, aujourd'hui plus compétitifs que dans d'autres pays, grâce à une taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) qui est tirée vers le bas. Ces prix sont également compétitifs, du point de vue de la fourniture d'électricité, avec les pays qui sont les plus compétitifs, à savoir l'Espagne et les pays du Nord. Le point essentiel que nous allons examiner est ici le suivant : est-on en capacité aujourd'hui en France d'acheter de l'électricité à l'horizon 2027, 2028, 2029, et donc à moyen long terme ? Y a-t-il, pour ce faire, suffisamment de volume, est-ce que ce marché commence à être animé et peut-on, sur ces bases, renforcer la compétitivité des industriels qui ont besoin de sécuriser leur approvisionnement - à deux, trois ou quatre ans - grâce à une profondeur de marché suffisante ? C'est ce défi que nous allons travailler à relever.

Madame la sénatrice Bélim, j'ai répondu rapidement à l'une de vos questions et je vous remercie d'avoir évoqué le point très précis des concessions automobiles. Ensuite, et en écho avec les interrogations du sénateur Weber, je rappelle que nous dépassons l'objectif de 30 % d'aires protégées et je précise que les aires à protection forte font l'objet d'une « ambition » et non pas d'un objectif. Autrement dit, la stratégie nationale biodiversité 2030 ne programme pas 10 % d'aires à protection forte ici et maintenant ; elle invite à un travail de mise en place d'aires à protection forte dans un calendrier établi. Cela ne peut donc pas se faire du jour au lendemain et c'est assumé. Vous savez qu'un texte en cours d'élaboration vise à définir les aires à protection forte et qu'aujourd'hui nous nous situons aux alentours d'un taux de protection de 4 %, avec pour objectif d'atteindre progressivement 10 %.

Je rejoins votre affirmation selon laquelle on a beaucoup d'aires protégées dans les outre-mer, précisément pour la raison que vous mentionnez, à savoir que les outre-mer abritent 80 % de notre biodiversité. L'enjeu est bien de protéger les réserves là où elles se trouvent : on pourrait protéger fortement un carré de Dunkerque mais j'ai peur que ce soit moins intéressant du point de vue de la biodiversité... On choisit aussi les aires de protection forte et c'est un des enjeux de la cartographie maritime que nous établissons en fonction des différents usages : certaines zones sont propices à installer des éoliennes marines et dans d'autres la biodiversité doit être protégée. Je veux vous rassurer sur les crédits alloués à ces actions : ils sont finalement plutôt stables, alors que nous espérions une hausse que nous n'avons pas obtenue. Par rapport à d'autres enveloppes, ces budgets enregistrent globalement une diminution plus réduite.

Par ailleurs, on ne mobilise pas suffisamment le programme européen de financement Life. Je suis preneuse de vos recommandations en fonction des remontées de terrain qui vous parviennent en termes de besoins d'accompagnement. Monter un dossier pour accéder aux allocations de ce programme n'est pas si simple et nous sommes prêts à vous aider ainsi qu'à mettre au point des stratégies pour prendre notre part, voire au-delà, dans ces programmes.

Sur le leasing social relatif aux véhicules électriques, j'ai bien entendu votre demande de rattrapage pour les outre-mer. De plus, s'agissant du volet énergie de votre intervention, je rappelle qu'il y a une PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) par zone non interconnectée, et donc pour chaque outre-mer ainsi que pour la Corse : là encore, c'est un travail que nous devons poursuivre avec le ministre des outre-mer. Je note d'ailleurs qu'un certain nombre de PPE ultramarins ont pris de l'avance par rapport à la PPE hexagonale au cours des deux dernières années.

Monsieur Weber, à propos des certificats d'économie d'énergie, vous mentionnez les cas de fraude et les insatisfactions liés à certaines complexités mais il y a aussi beaucoup de gens qui sont très contents, tout de même, de ce dispositif. Un très intéressant rapport qui vient d'être remis montre justement les secteurs où cela fonctionne très bien et ceux où il y a un peu plus d'interrogations. Là aussi, la contrainte budgétaire nous oblige à mieux travailler sur la fraude, sur les fiches et peut-être faudra-t-il resserrer le type d'intervention sur certains points en l'élargissant sur d'autres. Le transport ne représente qu'un pour cent de l'utilisation des CEE alors que ce secteur génère beaucoup d'émissions de CO2 et il y a donc une forte marge de progression dans ce domaine ; c'est aujourd'hui le bâtiment qui mobilise la plus grande part de ce dispositif.

S'agissant du thème de l'adaptation à un réchauffement de 4°, je serais presque tentée de vous suggérer de faire un séminaire avec votre collègue Ronan Dantec qui est le premier à revendiquer les + 4° et qui est le premier à dire que notre décision d'adaptation à + 4° est enfin une décision digne d'un Gouvernement qui prend ses responsabilités et regarde les yeux grands ouverts la question du dérèglement climatique. Je souligne que ce réchauffement de 4° n'est pas celui de la planète ; Jean-Jouzel, que vous citez, raisonne au niveau du Giec dont le sixième rapport prévoit + 2,7° de réchauffement planétaire. La trajectoire de + 4° que nous utilisons au titre de l'adaptation en France dérive de ce + 2,7° global, compte tenu des trajectoires qui sont annoncées par le Giec. C'est donc la réalité de l'action mondiale, à date, sachant que l'Europe prévoit d'atteindre la neutralité climatique en 2050. Ainsi, vous ne pouvez pas mettre sur le même plan + 4° à l'échelle de la planète, ce qui serait effectivement un scénario épouvantable, et + 4° à l'échelle de la France qui se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale au risque de nourrir la confusion et le climatoscepticisme d'un certain nombre de personnes. Il faut donc faire attention au discours que l'on tient, d'autant que notre choix de prendre comme hypothèse + 4° a donné lieu - de mémoire de ministre depuis six ans - à un des seuls avis unanimes de la part du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Nous avons donc mené un travail sérieux, scientifique, et j'aimerais qu'on le salue en rendant hommage à ceux qui y ont contribué. Par ailleurs, la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie ont été élaborées conformément à une trajectoire de baisse des émissions de 50 % à l'horizon 2030, conformément au Pacte vert européen qui est un des plus ambitieux au monde, à présent que le Royaume-Uni a baissé sa trajectoire pour la ramener au niveau européen. Vous me dites que cette trajectoire a du plomb dans l'aile mais j'affirme que nous la respectons : l'Europe baisse ses émissions de gaz à effet de serre de 8,6 %. Je suis désolée de vous dire que je ne fais pas partie des oiseaux de mauvais augure mais, au contraire, de ceux qui se battent pour progresser. Les premiers ne font pas avancer le « schmilblick » : leur attitude nourrit l'anxiété dans la population et cela conduit à 'une forme de découragement, que nous constatons constamment sur le terrain. Je pense qu'il ne faut pas tenir ce discours pessimiste car la transition écologique doit être désirable et populaire. Dire qu'on va tout rater et que l'on n'est pas sur la bonne trajectoire, c'est catastrophique et ce n'est pas une façon de mobiliser les gens.

Vous me demandez si je suis plutôt Jean Jouzel ou Patrick Pouyané : dans ce débat, j'avais pris parti pour Jean Jouzel car ce dernier porte la voix du Giec, c'est-à-dire la vision scientifique. Qui plus est, ce n'est pas la vision d'un scientifique isolé puisque le rapport du Giec fait la méta-analyse de toutes les analyses disponibles dans le monde, reprend les plus sérieuses, les consolide et les met à la disposition des décideurs pour faire en sorte que chacun nous puisse nous en servir sans avoir à relire toute la documentation scientifique produite sur la planète. C'est donc un travail de consolidation qui ne prend pas parti, contrairement à ce qu'on peut entendre : c'est un travail de photographie de ce qu'on sait scientifiquement le mieux, avec un risque d'évoluer dans deux, trois ou quatre ans, parce qu'on aura des faits scientifiques complémentaires qui nous permettront d'évoluer. On ne peut donc pas être contre Jean Jouzel et on doit constater qu'il pose le problème.

Ensuite, dans l'action, je suis la ministre qui a obtenu, à la COP28, la rédaction du « transitioning away from fossil fuels » : je peux vous dire que j'ai fortement pesé dans cette rédaction qui a nécessité le rejet préalable du texte initial proposé un fameux lundi par les Émirats arabes unis. L'initiative de l'introduction de ce passage sur la transition hors des énergies fossiles dans l'accord revient peut-être à cinq ministres européens et autant de ministres extra-européens. Sans cette dizaine de personnes, cette rédaction ne figurerait pas dans le texte final. Je le dis de manière très simple mais, à titre professionnel, c'est un des sujets dont je suis assez fière.

Monsieur le sénateur Duffourg, la conférence sur l'eau sera lancée au moment de l'anniversaire de la loi sur l'eau, autour du 16 décembre prochain, avec une déclinaison territoriale qui a vocation à travailler bassin par bassin dans les mois qui suivront, plutôt au premier semestre 2025 ou jusqu'en septembre - octobre de la même année.

Ensuite, le sujet des retenues collinaires est bien sur la table, en lien avec le plan eau ainsi qu'avec tout le travail de simplification que nous avons mené face à la crise agricole : il s'agit de parvenir à être plus efficace dans les dispositifs de protection, de mise à disposition et de régulation de l'eau.

Mme Marta de Cidrac, présidente. - Madame la ministre, merci beaucoup pour ces deux heures et demie d'échanges pour une première audition dans vos nouvelles fonctions au sein du Gouvernement. On vous connaissait par le passé sur les questions d'énergie et nous sommes ravis de pouvoir continuer à travailler avec vous sur les sujets environnementaux ainsi que sur la transition écologique. Un certain nombre des questions sont restées en suspens, nous ne manquerons pas de revenir vers vous pour continuer nos discussions.

Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat
avec les territoires et de la décentralisation
(Mercredi 13 novembre 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Madame la ministre, vous connaissez le lien singulier et fort qui unit le Sénat aux territoires, ainsi que la capacité des sénateurs à se faire les relais des préoccupations des élus locaux. Aussi, alors que votre audition s'inscrit dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, ne soyez pas étonnée que nos interrogations ne se limitent pas à la sphère budgétaire.

Lors de votre audition du 29 octobre dernier devant nos homologues de l'Assemblée nationale, vous avez insisté sur l'impérieuse nécessité qu'aucun territoire ne se sente abandonné ; nous partageons cet objectif. L'État doit se rapprocher des territoires et trouver le moyen de répondre aux demandes d'accompagnement des élus des communes les plus rurales.

C'est pour nous l'occasion de faire un point sur une réforme à laquelle nous sommes très attentifs, celle du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), devenu France Ruralités Revitalisation (FRR). Il conviendra aussi de nous arrêter sur l'action que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour dynamiser les territoires, en tenant compte de leurs singularités, mais aussi pour faire mûrir et accompagner les projets de développement.

D'abord, la question du zonage du dispositif FRR nous tient particulièrement à coeur. Dès 2019, notre collègue Rémy Pointereau a insisté sur la nécessité de réviser les critères de classement des communes en ZRR, afin de tenir compte des fragilités des territoires ruraux avec davantage de justesse. Ce travail prolongé en 2023 a donné lieu au dépôt d'une proposition de loi, en mai de la même année. Comme vous le savez, la loi de finances pour 2024 a réformé le dispositif des ZRR, ce qui a eu pour effet malheureux d'écarter près de 2 200 communes qui en bénéficiaient, alors que le Sénat avait alerté à de nombreuses reprises sur les effets de bord d'une telle réforme. Le PLF pour 2025 procède à leur réintégration, ce que nous saluons unanimement.

Néanmoins, à la lecture de l'article 27 du PLF, nous constatons que l'intégration de ces « communes rattrapées » n'est prévue qu'à titre dérogatoire et transitoire, jusqu'en 2027. Quelles raisons ont justifié une telle décision ? Pourquoi ne pas avoir choisi une révision des critères de classement, plutôt qu'une mesure qui semble faire office de rustine ? Ainsi, vous auriez pu assurer une meilleure sécurité juridique du dispositif et permettre aux communes concernées de s'inscrire dans le temps long.

À propos des crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », dont vous avez la responsabilité, qui accueillent les crédits liés aux espaces France services, un rapport paru en septembre dernier de la Cour des comptes a souligné les réussites de ce dispositif et la satisfaction de nos concitoyens à leur égard. Toutefois, la Cour estime aussi que le réseau pourrait davantage tenir compte des spécificités des territoires et gagnerait à mieux connaître les publics qui les composent. Quelles mesures sont envisagées pour répondre à ce besoin toujours grandissant de proximité ?

Le tour d'horizon des dossiers composant votre portefeuille serait incomplet si nous n'évoquions pas le fonds vert. Les élus locaux apprécient la mécanique de ce fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, en raison de la facilité d'accès aux crédits mobilisables et de la gestion déconcentrée par le préfet, qui garantit un versement des sommes par un tiers ayant une bonne connaissance du territoire. Sa dynamique ne se dément pas cette année, avec plus de 12 000 dossiers déposés par les collectivités et près de 5 000 projets financés. Cependant, les autorisations d'engagement (AE) ont drastiquement chuté, jusqu'à 1 milliard d'euros, au lieu des 2,5 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Le montant du fonds a diminué en cours de gestion en raison des gels et annulations de crédits de 500 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP.

J'aimerais connaître votre sentiment quant à l'avenir de cette enveloppe, qui participe à la transition concrète des territoires, grâce à des projets d'adaptation et d'atténuation qui prennent différentes formes : prévention des inondations, recyclage des friches, rénovation des bâtiments publics, renaturation ou encore adaptation au recul du trait de côte. En gardant à l'esprit l'intérêt indéniable des sommes mobilisées et la puissance de l'effet de levier de ce type de soutien public, quels choix serez-vous prête à faire au nom de la rigueur budgétaire ?

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. - Je suis très heureuse d'intervenir devant votre commission, monsieur le président, et mesure bien le lien singulier et fort qui existe entre le Sénat et nos territoires.

L'action territoriale de l'État est essentielle au développement des territoires et doit être préservée, y compris dans des périodes de forte contrainte budgétaire. Je n'insisterai pas sur le contexte particulier dans lequel ce PLF a été élaboré. Nous devons fournir un effort budgétaire exceptionnel, qui exige un sursaut collectif de toutes les composantes de l'action publique.

J'en viens à la réforme du dispositif des ZRR et au rattrapage des 2 168 communes sortantes. Ma prédécesseure avait proposé des modifications et Gabriel Attal avait procédé à un arbitrage en juin dernier. Ce n'est pas à vous que je vais expliquer que ce qu'un texte de loi a fait, seul un texte de loi peut le modifier. Aussi, le PLF 2025 a été l'outil législatif retenu pour réintégrer les 2 168 communes concernées.

Pour l'immense majorité des communes classées en FRR, le zonage s'étend jusqu'à 2030. Pour autant, les 2 168 communes réintégrées ne le sont que jusqu'à la fin de l'exercice 2027, avec un effet rétroactif pour 2024. Le Gouvernement sera vigilant et étudiera les différentes propositions en la matière. Pour autant, je rappelle qu'il s'agit de communes qui ne répondent pas aux critères adoptés par la représentation nationale.

Je rappelle que ce PLF prévoit également l'application d'un régime de zonage intégral pour les communes créées au 1er janvier 2024, parmi lesquelles une au moins est classée en FRR. Les autres sont considérées comme rurales selon la grille communale de densité de l'Insee. Cette précision est importante compte tenu des débats que vous aviez eus sur le sujet.

L'aménagement du territoire repose sur la contractualisation comme sur l'expertise et l'appui. Il constitue le ferment du rôle de l'État au plus proche de nos concitoyens, un soutien quotidien aux collectivités, aux élus et à ceux qui vivent dans notre pays.

D'abord, nous menons une démarche contractuelle et partenariale. Le programme « Impulsion et coordination des politiques d'aménagement du territoire » porte la part de mon ministère pour les contrats de plan État-régions (CPER) et les contrats pour la réussite de la transition énergétique (CRTE). L'extinction des paiements des contrats de précédentes générations conduit à une réduction budgétaire qui rend cette part minoritaire. Le programme 112 comprend également une partie des financements consacrés aux pactes territoriaux. L'État initie des actions dédiées à des espaces territoriaux particuliers sur la base de problématiques spécifiques, comme dans le cas de l'engagement pour le renouveau du bassin minier.

Notre action repose aussi sur une démarche d'expertise et d'appui aux citoyens, aux élus et aux collectivités, qui passe par les moyens de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Vous avez évoqué la proximité, qui est au coeur des programmes portés par mon ministère. L'État a développé plusieurs dispositifs dont la proximité est assurée par les espaces France services. Ce modèle d'accès aux services publics place la quasi-totalité de nos concitoyens à moins de vingt minutes d'un lieu où ils sont accompagnés et écoutés. Ce dispositif compte onze opérateurs, et bientôt douze, puisqu'au 1er janvier 2025, l'Urssaf s'y joindra. Ces opérateurs sont directement impliqués dans plus de 2 800 établissements et plus d'un million de contacts sont établis chaque mois, pour un taux de satisfaction supérieur à 85 %. Nous avons donc atteint notre objectif pour 2026 en termes de nombre de contacts ; je le souligne, car il est rare que nous dépassions nos objectifs.

Nous consacrons 65 millions d'euros à ce dispositif vital, dans l'esprit de service qui nous anime. Nous ajouterons 5 000 euros de fonctionnement par maison et valorisons particulièrement les zones rurales, dans lesquelles les maisons des communes classées FRR recevront encore 5 000 euros supplémentaires, ce qui portera leur budget à un total de 50 000 euros.

Un système d'évaluation régulière est mis en place, qui permet d'évaluer les maisons dans leur environnement, grâce à des échanges menés avec les élus des territoires. Ce système nous permet de savoir si nous répondons bien à l'objectif premier de ce dispositif : la proximité avec nos concitoyens.

Les personnels font l'accueil et les missions sont ensuite effectuées par les représentants des différents organismes, qui sont en lien avec les maisons France services.

La notion de proximité avec les élus repose aussi sur une offre forte en matière d'ingénierie. Aucun territoire ne doit se sentir exclu de l'appui technique ou privé du développement de son projet en raison d'un manque de moyens. C'est la vocation de l'offre de services dont l'ANCT est l'intermédiaire, qui opère les rapprochements nécessaires avec d'autres établissements publics compétents, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Je peux aussi évoquer l'appel d'offres passé par l'ANCT, qui permet l'accès à certaines prestations d'ingénierie.

Il existe aussi des dispositifs d'accompagnement adaptés aux territoires pour permettre de territorialiser l'action publique de l'État. Ainsi, « Villages d'avenir » regroupe 1 500 projets portés par des communes de moins de 3 500 habitants dans 95 départements et animés par 120 chefs de projet au premier trimestre 2024, pour un coût de 8 millions d'euros.

Le dispositif « Petites villes de demain » regroupe plus de 1 600 collectivités, rurales pour la plupart, engagées pour cinq ans, jusqu'en 2026. Sur la durée du mandat, près de 3 milliards d'euros sont financés par l'État ou ses agences. Dans ce cadre, 1 187 collectivités ont signé une opération de revitalisation des territoires et plus de 900 chefs de projet sont financés par l'État et ses partenaires, à hauteur de 75 %.

Le programme « Action coeur de ville » permet de soutenir les communes de 10 000 à 100 000 habitants dans le cadre d'une politique partenariale décentralisée et déconcentrée, qui déploie des aides en matière d'ingénierie et d'investissement, pour rénover les logements, les commerces et les espaces publics. Le dispositif mobilise des partenaires tels qu'Action Logement, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ou encore la Banque des territoires. Ce programme bénéficie à 245 communes et plus de 9,2 milliards d'euros ont déjà été engagés. Ainsi, 275 000 logements sont subventionnés, notamment à travers MaPrimeRénov' ; 30 000 logements sont réhabilités ou construits par Action Logement ; plus de 500 locaux commerciaux sont soutenus par le fonds de restructuration des locaux d'activité, dans 51 villes. De plus, 233 villes sont couvertes par une opération de revitalisation des territoires et près de 1 000 dossiers sont soutenus par le fonds vert, pour un financement s'élevant à 400 millions d'euros.

Enfin, le programme « Territoires d'industrie », qui constitue le volet territorial de la politique industrielle, repose sur l'accompagnement des bassins d'emploi les plus industriels dans leur stratégie de développement. Nous en comptons 183, qui associent 603 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et représentent plus de 2 millions d'emplois.

Ensuite, l'État accompagne l'investissement des collectivités. Le PLF prévoit le maintien des montants de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Vous avez évoqué, monsieur le président, l'évolution du fond vert. Nous poursuivons toujours l'objectif d'accélérer la transition énergétique des territoires en accompagnant les collectivités territoriales. Le PLF pour 2025 acte un montant de 2,5 milliards d'euros. À cet égard, je me permets de rappeler que le gel du début de l'année avait arrêté le programme à 2 milliards d'euros. Au titre de l'exercice 2023, 1,7 milliard d'euros ont été consommés.

Je mets aussi en avant le puissant effet levier du fond vert - 1 euro pour 7 euros. Ce programme très important obtient des résultats démontrés en termes d'impact écologique. À titre d'exemple, les économies d'énergie s'élèvent à 50 % pour la rénovation des bâtiments publics et des écoles.

Par ailleurs, la DETR est de plus en plus utilisée pour soutenir des projets de verdissement. Il nous faudra peut-être mener une réflexion sur ces différentes dotations et sur un possible fléchage grandissant vers des démarches environnementales. En 2025, je souhaite d'ailleurs commencer ces travaux de rapprochement avec les autres dotations de l'État, parce que nous savons combien aider les collectivités dans leurs démarches de verdissement est essentiel. À cet égard, je rappelle le rôle des préfets et des sous-préfets pour guider les élus vers les dispositifs les plus appropriés.

Pour en revenir aux espaces France services, quelques statistiques permettent un retour d'expérience sur leur utilisation. Ainsi, un visiteur sur cinq a mené des démarches liées à sa retraite auprès de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA). Près d'un visiteur sur cinq s'est également préoccupé de ses titres d'identité et de voyage avec l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), 17 % d'entre eux ont échangé avec la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et 13 % ont compté sur la caisse d'allocations familiales (CAF) et France Travail pour leurs démarches de solidarité et d'insertion. Enfin, 12 % ont été en rapport avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour évoquer leurs impôts.

Je suis très vigilante quant à l'évaluation de la performance de ces structures par ses usagers. Il ne s'agit pas de nous contenter du succès rencontré, mais bien de poursuivre dans cette voie pour répondre au mieux aux demandes des élus et de nos concitoyens.

Nos partenaires ont aussi envie de s'impliquer ; je pense notamment à La Poste et à la SNCF.

Enfin, j'ouvre la réflexion sur la notion d'échange entre les collectivités et les différentes strates. Ce type d'échange existe déjà en matière de cofinancement, mais pourrait se développer dans le domaine de l'accompagnement technique. En matière d'ingénierie, l'État local est souvent animateur et il doit conserver ce rôle. Je connais les liens entre les collectivités et je pense qu'il est important de faciliter la manière dont on peut travailler ensemble, notamment dans les démarches de simplification et d'économie qu'il nous faudra mettre en oeuvre.

À ce titre, nous aurons peut-être à travailler ensemble sur des questions évoquées depuis des années, comme celle des instructions uniques pour certains dossiers, qui éviterait aux collectivités d'avoir à en remplir plusieurs pour un même projet.

Nous devons être innovants, trouver le bon niveau de soutien pour les élus comme pour les collectivités. Je m'inscris à vos côtés dans cette démarche, qui participe de la volonté de dialogue du Gouvernement.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la politique des territoires. - En ma qualité de rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la politique des territoires, je m'intéresse particulièrement à quatre enjeux de ce projet de loi de finances.

Le premier enjeu est celui du budget accordé au fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour sa section locale. Pour rappel, ce fonds sert à financer des projets portés par les collectivités locales et les acteurs locaux, dans l'objectif de dynamiser le développement des territoires et de réduire les disparités régionales. Entre la loi de finances initiale pour 2024 et le PLF 2025, le montant de la section locale du FNADT dégringole de près de 84 %, passant de 134 millions à 21 millions d'euros. Or les montants contractualisés dans le cadre des CPER sont considérables, atteignant près d'un milliard d'euros pour la période 2021-2027, sans compter les montants qui doivent encore être décaissés pour les contrats de précédentes générations. Je m'interroge sur cette diminution sèche et quelque peu sévère ; comment la justifiez-vous ?

Le soutien et le financement des opérateurs du programme 112, notamment de l'ANCT, constituent le deuxième enjeu. À cet égard, les crédits alloués à cet opérateur diminuent, passant de 81,5 millions à 64 millions d'euros, soit une baisse de 21 %. Je salue ce réalisme budgétaire et reconnais la nécessité de faire mieux, ou à tout le moins aussi bien, avec des moyens inférieurs. Ces efforts budgétaires nécessaires relèvent de notre responsabilité de parlementaires.

À ce propos, je profite de cette intervention pour recueillir votre ressenti sur le sujet des agences et de leur multiplication. Dans mon précédent avis budgétaire, j'avais qualifié ce phénomène d'« archipellisation ». Quel est votre point de vue sur ce sujet essentiel de rationalisation et de bonne gestion des deniers publics ?

J'en viens au troisième enjeu : les crédits destinés au plan « Marseille en grand ». Je me concentrerai sur les 56,8 millions d'euros de crédits ouverts au sein du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs gouvernements », au titre du financement du volet « école » de ce plan massif, estimé à 5 milliards d'euros d'investissement. La Cour des comptes, dans un rapport accablant paru le 21 octobre dernier, fait état d'un suivi lacunaire par l'État et se révèle particulièrement critique quant à la mise en oeuvre du plan. Ce plan a-t-il encore un avenir, alors que les dépenses budgétaires sont de plus en plus contraintes ? Ne faudrait-il pas réfléchir à une rationalisation des crédits destinés à ce volet au sein du PLF pour 2025 ?

Enfin, je souhaite abonder dans le sens de notre président sur la réforme des ZRR. L'article 27 de la première partie du PLF a été voté par les députés, mais amendé au bénéfice d'une prolongation du dispositif jusqu'en 2030 plutôt que jusqu'en 2027, comme vous l'aviez prévu. Certes, cette première partie a été rejetée et il revient au Sénat de procéder à l'examen de l'article dans sa version initiale. Cette réforme ne faisant visiblement pas l'unanimité, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, quelles pistes envisagez-vous pour le futur ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Effectivement, les crédits alloués au FNADT connaissent une baisse importante. Pour autant, les moyens d'intervention sont préservés pour les programmes de l'ANCT, France Services, « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain ». Les enveloppes locales du FNADT baissent de manière transitoire. Une extinction progressive des précédents contrats de plan est en cours et les paiements sont lissés. Je me permets de rappeler que les crédits du FNADT sont sous-exécutés, ce qui tient notamment au temps nécessaire à la réalisation et aux paiements.

En ce qui concerne l'« archipellisation » des agences, je partage votre analyse. Le Premier ministre a donné consigne à chacun des ministres de procéder à une analyse de coût-bénéfice pour chacune des agences relevant de son domaine de responsabilité. L'objectif est bien de travailler à une rationalisation. En parallèle, le sujet des normes se pose. Avec Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, nous avons confié une mission à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, pour approfondir le rapport sur le coût du millefeuille administratif. Il s'agit d'apprécier les normes non pas en termes de ce qu'elles pourraient potentiellement produire, mais du coût qu'elles pourraient générer. L'objectif est de pouvoir proposer rapidement des trains de mesures de suppression de normes. Gilles Carrez, le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ne manque jamais de rappeler que, bien que le Conseil soit régulièrement consulté, le Gouvernement passe régulièrement outre son avis. Il y a là une source d'économies non négligeable.

En ce qui concerne le plan « Marseille en grand », je voudrais d'abord rappeler que le rapport de la Cour des comptes procédait d'une photographie prise à la fin du mois de décembre 2023. Le jour de la remise de ce rapport, j'étais à Marseille, avec le préfet Christophe Mirmand, et nous avons fait un point global sur ce dossier.

Ce plan comprend la rénovation de 188 écoles sur 478 en fonctionnement, ce qui représente 40 % des établissements ! Marseille fait face à un problème d'indignité des conditions d'accueil des enfants dans les écoles. Les écoles sont de la compétence de la mairie. Il a fallu un peu de temps pour travailler avec la ville de Marseille. Les travaux sont planifiés jusqu'en 2028, avec un objectif de 81 écoles livrées, soit 43 % de l'objectif. Sur la première livraison de 14 écoles, 10 ont été livrées - 6 en septembre et 4 d'ici au mois de décembre. En 2025 seront livrées les 4 dernières écoles de la première étape ; l'appel d'offres pour les 31 écoles de la deuxième phase de ce chantier se poursuivra. En 2026 et 2027, nous verrons la livraison de ces 31 écoles et le début des chantiers pour les 36 écoles de la troisième phase.

Nous avons considérablement avancé sur ce chantier avec l'arrivée en outre d'une sous-préfète en milieu d'année. Je suis consciente de l'importance de ce programme et de la nécessité d'une coordination pour le mener à bien. Au-delà des écoles, le transport et le logement sont des sujets majeurs. Le Premier ministre a souhaité que nous revisitions l'ensemble des différents chantiers, preuve de notre vigilance dans le suivi de ce dossier.

M. Jacques Fernique. - Madame la ministre, certes, un sursaut collectif s'impose face à l'état de nos finances publiques. Mais l'effort imposé aux collectivités me semble disproportionné. De manière directe ou indirecte, si l'on cumule les 5 milliards d'euros prélevés sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le fonds de précaution, le gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la fraction reversée de la TVA, la saignée concernant le Fonds vert et les subventions d'investissement, sans compter les baisses de crédit aux missions locales ou encore aux contrats aidés, la moitié des économies de 25 milliards d'euros du PLF sera supportée par les collectivités.

Cela soulève la consternation parmi les élus, à tous les niveaux des collectivités. Madame la ministre, comment assumez-vous les deux traductions concrètes pour nos territoires de cette restriction d'ampleur ? Je pense, premièrement, à la détérioration des services publics locaux qui va en résulter, avec des problématiques impossibles d'arbitrage pour les élus locaux ; deuxièmement, à la récession qu'entraînera cette lourde atteinte à l'investissement local. L'activité économique et l'emploi dans les territoires vont souffrir de cette décision, et les investissements de la transition écologique décentralisée en pâtiront aussi. Comment animer le partenariat avec les territoires quand on les envisage comme des variables d'ajustement budgétaire de l'État ?

Dans ce contexte budgétaire hostile, ne pensez-vous pas qu'il convient de donner davantage de liberté aux territoires en charge des mobilités, de manière à ce qu'ils puissent actionner le levier du versement mobilité (VM) pour le dispositif du contrat rural Île-de-France, et que la promesse d'équité territoriale puisse progresser pour les transports du quotidien ?

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports routiers. - Je souhaite évoquer les mobilités du quotidien, sujet prioritaire de votre ministère si j'en crois vos récentes déclarations, ainsi que celles de François Durovray, entendues il y a deux semaines par notre commission.

Lors de votre audition à l'Assemblée nationale le 29 octobre dernier, vous avez annoncé une réflexion en cours sur de possibles évolutions du versement mobilité. Les débats sur le PLF ont fait émerger de nombreuses options : déplafonner le VM ou en rehausser le plafond pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales de province ; permettre aux régions de bénéficier du VM ; contribuer au développement des services express régionaux métropolitains (Serm) en tant qu'AOM régionale, ou mettre en place des services de mobilité se substituant aux comités de communes non saisis de la compétence mobilité ; ou bien encore, déplafonner le cumul entre VM et versement mobilité additionnel (VMA) au bénéfice des syndicats mixtes SRU.

Aucune de ces pistes, comme on le sait, n'a passé le cap de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement s'est dit ouvert à l'idée de flécher une part du VM vers les régions pour financer les Serm. Cette proposition ne semble pas faire l'unanimité, notamment parmi les intercommunalités qui y voient un risque de perte de marge de manoeuvre pour le prélèvement du VM sur leur propre tissu économique.

Comment envisageriez-vous l'articulation d'un VM régional avec le VM actuel prélevé par les AOM locales ?

D'autres recettes pourraient être fléchées vers les régions ; je pense au produit des recettes du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, comme l'avait préconisé le Sénat, ou encore aux recettes tirées des concessions autoroutières. Que pensez-vous de ces pistes de financement ?

À cette liste, j'ajoute l'écotaxe sur les poids lourds. Celle-ci peut être mise en place depuis le 1er janvier dernier par les régions susceptibles de subir un report significatif du trafic de poids lourds du fait de l'instauration d'une écocontribution sur un territoire limitrophe. La nécessité de doter les régions de ressources financières dédiées au transport, neutres pour le budget de l'État, ne justifierait-elle pas de rouvrir le débat sur une généralisation de l'écotaxe ?

Je souhaite évoquer la problématique des mobilités en zones peu denses. Entre la baisse de 60 % des autorisations d'engagement allouées au fonds vert en 2025, l'amputation des moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et les 5 milliards d'euros d'économies demandées aux collectivités territoriales, le contexte budgétaire ne fera que fragiliser encore davantage la capacité des petites collectivités à développer des projets de mobilité.

Dans quelques semaines, nous fêterons le cinquième anniversaire de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), qui avait fixé l'objectif de mettre fin aux zones blanches de la mobilité. Ne serait-il pas temps d'aller au bout de cette ambition, en permettant aux AOM des zones rurales de disposer d'une ressource pérenne, à l'abri des aléas budgétaires, pour développer leur offre de mobilité ?

Le VM peut sembler un outil tout indiqué. Or, comme vous le savez, de nombreuses communautés de communes sont dans l'impossibilité de prélever cette ressource, la loi conditionnant la possibilité de lever le VM au fait d'organiser des services réguliers de transport public de personnes, ce qui est rarement pertinent en zones peu denses. Quel regard portez-vous sur l'idée d'élargir la possibilité de lever le VM dans les communautés de communes en prenant en compte un bouquet de mobilité comprenant notamment le covoiturage et le transport à la demande ?

À défaut, et dans l'hypothèse où les régions se verraient autorisées à lever le VM, celles-ci pourraient-elles jouer un rôle pour soutenir les projets de mobilité des communautés de communes AOM qui n'ont pas la possibilité d'utiliser cet outil ou n'ont pas les ressources fiscales pour le faire ?

Enfin, je souhaite aborder le sujet du leasing social, dont la reconduction en 2025 a été annoncée par le Gouvernement. Les contours de cette reconduction restent flous. En 2024, selon des chiffres publiés récemment, le leasing social aurait majoritairement bénéficié - à plus de 60 % - aux déciles de revenus 4 et 5, alors que la cible annoncée portait sur les ménages les plus modestes.

Des articles de presse ont dénoncé le fait que des étudiants de grandes écoles de commerce en stage, bien qu'issus de milieux aisés, aient pu bénéficier du dispositif. Avez-vous connaissance de ces effets d'aubaine et comment entendez-vous les corriger ?

Allez-vous mettre à profit cette première expérience pour cibler plus efficacement les ménages précaires, notamment dans les zones périurbaines et rurales où la dépendance à la voiture est plus forte ? Pour cela, quel regard portez-vous sur l'idée d'étendre le leasing social aux véhicules électriques d'occasion, plus abordables et dont le marché commence à se développer ? Selon les derniers chiffres, 28 000 voitures électriques d'occasion ont été vendues au premier trimestre 2024.

M. Simon Uzenat. - L'objectif principal de votre gouvernement est la réduction du déficit. Celui-ci, pour une large part, a été creusé par vos récents prédécesseurs. Si les collectivités ont une part marginale de responsabilité concernant la dette, elles n'en ont aucune concernant le déficit. Ces dernières années, nous avons réduit leur autonomie financière et fiscale, en compensant cette réduction par des dotations de l'État. Il y a une forme de malhonnêteté à déclarer aujourd'hui que ces dotations pèsent sur le budget de l'État.

Sur le programme 112, les chiffres sont édifiants, en cohérence avec la démarche globale de programmation budgétaire de votre gouvernement, avec une diminution de 37,6 % des crédits, soit une baisse de 150 millions d'euros en AE par rapport à 2024. En coupant une bonne partie des crédits alloués aux collectivités, celles-ci vont, par la force des choses, moins investir. Cela implique des besoins moindres en ingénierie. Il y a une forme de cohérence dans le dispositif, mais pour autant les questions et les inquiétudes demeurent.

Concernant l'ANCT, la baisse de 18 millions d'euros de ses crédits correspond à une diminution de plus de 20 %, alors même que les besoins d'accompagnement des collectivités, en particulier des petites communes, restent très importants.

Je ne vais pas m'étendre sur le dispositif France Ruralités Revitalisation ; les questions ont été posées. Je partage le besoin de visibilité pour les collectivités, notamment celles qui ne seront concernées que jusqu'en 2027.

Sur le dispositif « Villages d'avenir », j'ai entendu des discours volontaristes, mais des interrogations demeurent en fonction des réalités locales. Dans le Morbihan, le chef de projet devait être recruté en février dernier ; au bout de quelques semaines, il s'est retiré et son remplaçant n'est arrivé qu'au mois de novembre.

On observe une baisse de 80 % des crédits concernant les tiers lieux. Nous serons nombreux, dans les prochains jours, à nous mobiliser pour défendre la cause de ces espaces indispensables, notamment dans les territoires ruraux. Cette chute brutale par rapport aux crédits de 2024 n'est pas compréhensible et met en danger de nombreux projets.

Au sujet du dispositif « Territoires d'industrie », nous avons été nombreux à réagir à la crise qui semble se profiler, avec de nombreux plans sociaux annoncés. Comment entendez-vous mobiliser ce dispositif qui a bénéficié de 70 millions d'euros au titre du fonds vert, dans le contexte actuel des suppressions d'emplois en cascade ?

Beaucoup de choses ont été dites également sur France services. Le chiffre donné sur le nombre de contacts témoigne de cette diminution de la couverture en services publics, en particulier dans les territoires ruraux. Nos concitoyens expriment le besoin légitime de trouver des interlocuteurs. Nous prenons note de la hausse de la participation de l'État, à hauteur de 5 000 euros par espace, auxquels s'ajoutent 10 000 euros dans les zones FRR. Mais cette participation reste insuffisante au regard des besoins de ce dispositif en ruralité, alors même que les 12 opérateurs inclus sont exclusivement nationaux et que ces services sont assurés et financés par l'État.

J'ai eu l'occasion de vous interroger sur les contrats de plan État-région (CPER) mercredi dernier lors des questions d'actualité au Gouvernement et vous aviez exprimé quelques inquiétudes sur les crédits de paiement pour 2025. Qu'en est-il précisément ? Sur les CPER, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et, plus globalement, le sujet de la transition écologique, des interrogations demeurent. C'est un peu le brouillard dans la répartition des rôles entre vous et Mme Pannier-Runacher ; a priori, vous auriez la main sur le fonds vert ; pour d'autres dispositifs, ce serait votre collègue. Pour les territoires ruraux, la lisibilité n'est pas évidente.

Sur les crédits consommés dans le cadre du fonds vert, les élus ont entendu les signaux envoyés dès le début de l'année 2024 ; dans beaucoup de territoires, ils n'ont pas jugé opportun de déposer des projets. La DETR et la DSIL, comme vous le reconnaissez, permettent de financer également des projets orientés parfois par les préfectures. Sur ce niveau de consommation du fonds vert, il convient donc d'être prudent.

Concernant les CPER, je vous ai déjà interrogée sur ces ressources attendues par les collectivités régionales ; je pense notamment au VMA déplafonné et à la taxe de séjour additionnelle.

Enfin, vous demandez un effort aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) et aux chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), alors même que ce sont des interlocuteurs précieux pour les commerces ruraux. Qu'en est-il précisément ?

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - Mon interrogation porte sur les politiques de l'habitat, qui revêtent un caractère stratégique au moment où notre pays traverse une crise du logement et dans un contexte d'économies budgétaires exigées des collectivités locales.

Je souhaite notamment évoquer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS). Je m'interroge d'abord sur les communes nouvelles. Une commune inscrite dans le décret consacré aux zones tendues, en se groupant avec d'autres communes qui ne sont pas inscrites, perd ce statut, et les communes nouvelles ne sont pas intégrées dans le décret. Des pistes pourraient être explorées afin que cela ne soit pas un frein à la création de communes nouvelles. Une cohérence géographique préside à la création d'une commune nouvelle. Ces communes peuvent avoir en partage des difficultés liées au marché local de l'habitat. Pour autant, toutes les communes historiques devenant communes déléguées n'étaient pas préalablement inscrites dans le décret sur les zones tendues.

Je m'interroge ensuite sur les intercommunalités. Aujourd'hui, le produit de la THRS est perçu par les communes. Les EPCI ne peuvent pas activer ce levier fiscal, alors même qu'ils mènent des politiques de l'habitat à l'échelon local particulièrement ambitieuses, et qu'ils sont le support des programmes locaux de l'habitat. Il est essentiel, à l'échelle des bassins de vie, que des stratégies communautaires puissent être menées à bien avec les moyens financiers afférents. Un amendement a été déposé à l'Assemblée nationale, visant à ce que les EPCI puissent percevoir le produit de la THRS. Hélas, il n'a pas prospéré, ce qui place des intercommunalités dans une situation délicate. Ainsi de Granville Terre et Mer, dans le département de la Manche, dont les recettes fiscales liées à l'économie de production sont faibles. Son économie s'articule principalement autour des services, et notamment du tourisme. Les économies exigées dans le cadre du PLF 2025 obligent cet EPCI à trouver 1,5 million d'euros pour équilibrer son budget de l'année prochaine. Aussi, percevoir la THRS sur un territoire soumis à une vague croissante de résidences secondaires serait une bouffée d'oxygène budgétaire, et permettrait de retrouver des moyens d'action en matière d'aménagement du territoire. Madame la ministre, êtes-vous prête à ouvrir la discussion pour que nous puissions trouver des solutions sur ces points particuliers ?

Mme Marta de Cidrac. - Vous avez évoqué un rapprochement entre les différentes dotations, notamment la DSIL et la DETR. Vous souhaitez parvenir à une forme de simplification, avec une souplesse pour les différentes enveloppes. Ces dotations sont aujourd'hui des soutiens vitaux pour de nombreuses communes. Si l'idée peut paraître séduisante, l'expérience a souvent montré que ce genre de mouvement a souvent pour effet, sous couvert de rationalisation, de réduire les montants alloués aux communes. Et à en juger par les tendances du PLF 2025, nous avons quelques raisons de nous inquiéter. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?

Je vous alerte également sur la logique de péréquation, renforcée dans ce PLF. Dans mon département, cette logique met à mal les finances de nombreuses communes. Aussi, juger la richesse d'une commune sur son potentiel fiscal et non sur ses moyens réels me semble un biais problématique, vécu comme une injustice, d'autant qu'il n'existe aucune contrepartie pour les communes concernées.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - Je souhaitais vous interroger sur les évolutions du fonds vert, mais vous avez déjà répondu. En dépit de l'intérêt porté par les collectivités, la dotation de ce fonds diminue, passant de 2,5 à 1 milliard d'euros en AE. Nous partageons la nécessité de redresser la trajectoire budgétaire de notre pays, mais ce dispositif apportait des résultats. Sa souplesse d'utilisation, notamment, était appréciée des élus.

En matière d'investissement pour l'adaptation au changement climatique, il est important d'avoir de la prévisibilité. Or, les gels et les annulations de crédits envoient un mauvais signal. Comment envisagez-vous de soutenir les élus locaux dans leurs actions en faveur de l'environnement et de la biodiversité, de sorte que ce soutien soit plus lisible et à l'abri des aléas budgétaires dans les prochaines années ?

Sans diminuer l'enveloppe, on peut diminuer les frais de gestion, réduire le nombre d'interlocuteurs, disposer d'une programmation pluriannuelle des investissements. Il existe des tensions au niveau des ressources humaines dans nos communes, et notamment les communes rurales, concernant les secrétaires de mairie. Nous devons réfléchir à une simplification du montage des dossiers.

Dans mon département de la Mayenne, les élus ruraux font preuve d'une gestion rigoureuse des finances publiques, et les nouvelles contraintes budgétaires sont mal ressenties. Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir et reconnaître les collectivités locales vertueuses ? Envisagez-vous des mécanismes de financement ou d'accompagnement spécifiques pour les territoires ayant une gestion exemplaire ?

Dans la mesure où vous êtes en charge de la décentralisation et du renforcement des pouvoirs locaux, comment envisagez-vous de renforcer les compétences locales afin d'avoir davantage d'autonomie et d'efficacité dans nos territoires ? Avec quelles nouvelles ressources comptez-vous financer cela ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - En aucun cas le Gouvernement n'a présenté les collectivités territoriales comme responsables de la situation financière du pays. Dans le contexte que nous connaissons, il leur a simplement demandé de participer au rétablissement des comptes publics, d'abord pour atteindre la marche de 5 % de déficit en 2025, puis pour suivre la trajectoire jusqu'en 2028.

Hier, j'ai revu les différents chiffres avec André Laignel et David Lisnard. Pour les prélèvements, nous prendrons en compte les dépenses exécutées, et non les prévisions établies à partir des dépenses arrêtées au 30 juillet, lesquelles, selon la DGCL elle-même, se révèlent toujours fausses.

Vous m'interrogez sur la déclinaison des 5 milliards d'euros d'économies demandées. Le budget qui vous est transmis est une version zéro, puisque nous repartons de la version initiale du projet de loi déposé, que le Gouvernement amendera. Nous avons beaucoup travaillé avec les représentants des collectivités : 3 milliards d'euros seront financés par un prélèvement de 2 % sur les recettes réelles de fonctionnement des collectivités dont le budget est de plus de 40 millions d'euros, 800 millions d'euros par la rétroactivité du FCTVA et 1,2 milliard d'euros par le gel de la TVA.

Je ne dis pas que le Gouvernement n'évoluera pas sur le prélèvement : nous devrons en discuter avec le Sénat, même si le chiffre en bas de page doit rester le même : il faut faire des économies. Le Premier ministre aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet dans les jours qui viennent.

Monsieur Jacquin, le Gouvernement accepterait de travailler avec vous sur le VM, sauf sur un point : nous nous sommes engagés à ce que le versement soit lié à l'investissement dans le réseau dans une logique de décarbonation. Effectivement, monsieur Fernique, nous ne nous arrêterons pas à l'Île-de-France. Une réflexion est ouverte sur la hausse du plafond de la taxe sur la carte grise. Même chose, concernant les départements, sur le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) à 4,5 %, même si je sais que les recettes de DMTO par habitant n'ont rien à voir dans les Alpes Maritimes et dans les Ardennes...

Il y a déjà des écotaxes : le Grand Est a ainsi fait le choix de reprendre le réseau routier national et de financer son entretien par une écotaxe.

Pour revenir une seconde sur le VM, il faut associer les entreprises aux choix des investissements, de manière à ce que les aménagements aient un lien avec les déplacements de leurs salariés - c'est le fondement de ce prélèvement.

Je suis aussi favorable que vous, monsieur Jacquin, aux mobilités en zone peu dense. J'ai agi en ce sens dans la communauté urbaine que je présidais...

M. Olivier Jacquin. - Effectivement : très belle réalisation !

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Merci ! Vous parlez d'un bouquet ; en tant que champenoise, je parlerais plutôt d'une grappe, mais l'idée est la même : articuler différentes solutions, du transport à la demande au covoiturage. Ce que l'on constate, c'est que dès lors qu'il y a une offre, elle est utilisée. Il faut donc sortir du dilemme entre la poule et l'oeuf et se lancer. Dans ce domaine, le plan France ruralités représente 30 millions d'euros par an sur trois ans et 75 dossiers de mobilités acceptés en 2024.

Les exonérations liées aux zones FRR s'appliquent aux entreprises créées ou reprises entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2029. Les communes sont classées jusqu'au 31 décembre 2027. Après cette date, les entreprises créées avant cette date bénéficieront des exonérations pendant cinq ans, puis de manière dégressive pendant trois ans.

Monsieur Uzenat, l'ANCT a recruté 120 chefs de projets entre fin décembre 2023 et fin avril 2024, et il y a eu effectivement quelques cas d'expériences malheureuses, comme celle que vous signalez dans le Morbihan... Mais pour la majorité, les chefs de projet sont mobilisés, ayant en charge entre 22 et 25 projets.

Les crédits d'ingénierie passent de 40 millions à 20 millions d'euros, mais sont maintenus pour Villages d'avenir et Territoires d'industrie. Le fonctionnement sera assez souple entre le cabinet du ministre de l'économie, celui de l'emploi et le mien pour répondre aux besoins territoire par territoire.

Vous parlez à raison de bassins de vie vécus : selon les territoires, la fermeture d'une entreprise n'a pas forcément toujours les mêmes conséquences. Je suis sensibilisée à la situation d'une partie de notre pays
- les cartes de l'ANCT sont extrêmement claires là-dessus - où 1 300 bassins de vie vécus dépendent d'une seule entreprise : quand elle ferme, les conséquences sont bien connues.

Comment s'articulent les CPER et les CRTE ? Il me semble que les élus ont un référent : le sous-préfet, voire le préfet. Aussi, avant de parler d'une grande vague de décentralisation, monsieur Chevrollier, parlons de déconcentration. Les maires nous le disent : ils s'adressent au sous-préfet et au préfet ce qui simplifie considérablement leur vie.

Madame de Cidrac, le rapprochement entre la DSIL et la DETR n'en est qu'au stade de la réflexion et elle n'est envisagée qu'à budget constant et dans la concertation. Nous pourrions entamer ces réflexions sur la simplification en début d'année 2025. On nous demande par exemple un retour aux seuils de marchés publics simplifiés de la période du covid, dans une logique de dossier unique et non pour faire des économies.

Comme vous, monsieur Chevrollier, j'attache une grande importance aux secrétaires de mairie. Je n'ai pas grand-chose à vous répondre sur le moment sur un éventuel bonus pour les communes vertueuses, même si je comprends votre logique.

M. Hervé Gillé. - Je salue à mon tour la décision de sécuriser dans le PLF les 2 168 communes qui sortent du dispositif France ruralités. Mais pourquoi s'arrêter en 2027, et non en 2029 ?

Il y a des effets de bord : certains maires ou présidents d'intercommunalités sont confrontés à des critères peu adaptés à leur territoire - c'est tout l'enjeu de la différenciation. Peut-être faudrait-il que les préfets puissent les adapter ?

Les nouveaux critères FRR ne prennent pas suffisamment en compte les communes rurales dites sous influence localisée dans une aire d'attraction d'une ville de plus de 50 000 habitants. Ajouter ce critère permettrait de tenir compte de la réalité périurbaine, cette zone trop souvent négligée, quoique vulnérable, prise entre les défis du développement urbain et les contraintes du rural. Ainsi, nous ne nous contenterions pas de réparer ce qui est dégradé, mais nous pourrions prévenir les dégradations futures. Il y a eu des contacts avec Françoise Gatel sur le sujet. Cela vous semble-t-il possible ?

Les maisons France services ont été évaluées par la Cour des comptes, mais je n'ai pas l'impression qu'un référentiel commun d'évaluation existe.

Je vois bien ce que pourrait apporter un déplafonnement du versement mobilité aux régions. Cela pourrait aider à cofinancer les services express régionaux métropolitains ; mais quid des infrastructures plus lourdes, comme les lignes à grande vitesse (LGV) ? Cela remettrait encore plus en cause l'esprit de la loi d'orientation des mobilités.

M. Cédric Chevalier. - Un sujet hautement sensible dans les collectivités est le zéro artificialisation nette (ZAN). Je crois savoir qu'il l'est particulièrement dans la communauté urbaine que vous avez présidée. J'ai cru comprendre, d'après les propos du Premier ministre, que des évolutions seraient possibles sans remettre en cause l'esprit de la loi : pourriez-vous nous donner vos pistes ? Envisagez-vous de desserrer l'étau sur l'agenda, de prendre en compte les spécificités des territoires, de donner un peu d'agilité ou d'apporter une forme de reconnaissance aux communes ayant été vertueuses par le passé en matière de consommation foncière ?

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport sur la formation des élus locaux : seuls 3 % d'entre eux se forment chaque année, d'après la Caisse des dépôts (CDC), qui gère le dispositif. Leur nombre est passé de 46 000 en 2021 à 11 338 aujourd'hui. Il faut dire que c'est une usine à gaz. Quelles pistes avez-vous pour la simplifier ? Les formations sont financées par les cotisations obligatoires perçues par la CDC, mais cet argent reste immobilisé - visiblement, il n'est pas perdu pour tout le monde...

Mme Christine Herzog. - Le PLF pour 2025 prévoit une réduction du FCTVA de 800 millions d'euros, son taux passant de 16,4 % à 14,85 %. Cette baisse massive et brutale de la principale aide de l'État à l'investissement local frappera toutes les collectivités : il faut que le Gouvernement la reconsidère. Par ailleurs, il serait judicieux pour les petites communes de réduire le différé de remboursement de deux ans à un an. Enfin, pouvez-vous nous dire si le seuil de 100 000 euros pour les marchés publics de travaux sera pérennisé après le 31 décembre prochain ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - Si l'on ajoute les 5 milliards d'euros de prélèvements, la baisse du FCTVA, la stagnation des dotations qui ne prennent pas en compte l'inflation, nous ne sommes pas loin d'une ponction de 10 milliards d'euros sur les collectivités, accusées par l'ex-ministre des finances d'être responsables du déficit public, alors que leurs dettes ne représentent que 8 % de celles de l'État et qu'elles sont tenues de voter leur budget en équilibre, elles... Cette situation injuste ne sera pas sans répercussions sur l'économie puisqu'elles réalisent plus de 60 % des équipements publics du pays.

Les diminutions importantes de MaPrimeRénov' et du Fonds vert vont porter un coup très sérieux à l'isolation des logements et des bâtiments publics. Or, nous savons que réduire les gaz à effet de serre ne coûterait que le quart du coût des dommages résultant des catastrophes climatiques, soit un retour sur investissement d'au moins quatre pour un.

Les départements subissent la double peine, avec la baisse des DMTO et l'augmentation de leurs dépenses sociales, notamment au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). En Dordogne, les enfants bénéficiant de l'ASE sont passés de 1 000 il y a dix ans à 1 700. Les départements sont devenus dépendants des aléas de l'économie puisqu'ils ne récupèrent qu'une part de la TVA.

Fallait-il supprimer la taxe d'habitation, qui rapportait plus de 20 milliards d'euros ? L'application du coefficient correcteur depuis sa suppression a des conséquences sur nos territoires ruraux. En Dordogne, les montants de la taxe foncière transférés par le département aux communes dépassent en volume ceux de la suppression de la taxe d'habitation : en 2023, ce sont 57 millions d'euros que le département paie aux communes urbaines parce qu'elles avaient une taxe d'habitation plus élevée que celle des communes rurales. C'est regrettable, car c'est de l'argent des contribuables locaux de mon département qui était légitimement destiné à financer des équipements et des services sur leurs territoires. Ne faut-il pas prévoir un aménagement ?

Enfin, fallait-il supprimer l'ISF, qui aurait produit les 5 milliards d'euros prélevés demain sur les collectivités ?

M. Philippe Tabarot. - Il est légitime que le Gouvernement cherche à réduire les déficits. Nous abordons ce PLF dans un esprit de responsabilité. Nous acceptons qu'il y ait plus d'impôts sur les transports, mais ces recettes seront-elles fléchées vers leur financement ? Nous devons être vigilants quand l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) a moins de ressources, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est réduite vers les transports, la SNCF assujettie à plus de versements et le secteur aérien lourdement taxé ; enfin, les taxes au tonnage sont dans le viseur, avec une atteinte au pavillon français...

Je voulais également vous interroger sur les zones à faibles émissions (ZFE)...

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Elles ne relèvent pas de mon ministère.

M. Philippe Tabarot. - S'agissant des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), nus avons du mal à distinguer votre domaine de compétences et celui d'Agnès Pannier-Runacher. Deux métropoles, Paris et Lyon, vont interdire au 1er janvier 2025 la circulation des très nombreux véhicules portant la vignette Crit'air 3. À Paris, ces véhicules pourraient entrer quelques jours par an dans la zone grâce à un « pass 24 heures »
- nous sommes encore dans une « folie normative » qui se conjugue, dans le cas de l'agglomération parisienne, au mépris social et pousse les collectivités territoriales à prendre des initiatives malheureuses pour s'en sortir. Je connais la position de l'ancienne présidente du Grand Reims que vous êtes sur les ZFE.... Pourriez-vous nous en dire davantage à ce propos ?

M. Ronan Dantec. - Sur le ZAN, le Sénat a fait oeuvre utile en facilitant l'application. Mais jeter par-dessus bord ses grands principes, ce n'est pas la même chose. Alors que Malaga subit les mêmes épreuves que Valence, ce n'est pas le moment de bétonner encore plus la surface agricole utile !

Dans cette période politique troublée, avec des majorités changeantes, respecter le travail du Sénat me semble être un élément de stabilité. Je pense, par exemple, à l'excellent travail de Didier Mandelli sur le partage de la valeur des énergies renouvelables. Or les décrets d'application n'ont jamais été publiés, semble-t-il en raison d'un blocage de Bercy. Il ne s'agit pourtant pas de l'argent de l'État, et cela donnerait un peu d'air aux collectivités. Si vous pouviez en retrouver la trace, nous pourrions ainsi créer de la recette pour elles.

De même, nous avons voté cinq ou six fois de manière consensuelle une dotation climat pour les collectivités. La dernière fois, c'était 200 millions d'euros dans le cadre du fonds vert pour la mise en oeuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCET), donc fléchés sur des crédits de fonctionnement. Le ministre Christophe Béchu s'était engagé devant le Parlement à appliquer cette décision, alors qu'auparavant, les ministres étaient restés évasifs et nous n'avions pas été satisfaits en commission mixte paritaire (CMP). Mais là encore, l'enveloppe a été abandonnée au printemps, en dépit du travail transpartisan du Sénat. Même si le fonds vert est réduit, pourrait-on imaginer de réactiver ce dispositif ? Encore une fois, pourriez-vous retrouver la trace de ce que nous avions voté ici unanimement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Concernant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, le choix avait été fait en 2023 de l'échelle communale, pour que la prise en compte du marché immobilier résidentiel soit la plus fine possible. Je n'ai pas de meilleure réponse à vous apporter.

Il existe bel et bien un cadre commun d'évaluation des maisons France services : celui de l'Afnor, reposant sur les horaires, le nombre de personnes présentes, la signalétique, le nombre d'usagers par jour ou le taux de finalisation des demandes - il est intéressant de noter que ce dernier est de 96 %, ce qui est loin d'être négligeable. Il y a eu 900 maisons France services évaluées par l'Afnor.

M. Hervé Gillé. - Pourrions-nous avoir communication de cette évaluation ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je ne vois pas ce qui s'y opposerait.

Concernant les FRR, monsieur Gillé, tout le monde connaît le cas de La Réole, dans votre département de Gironde. Pourquoi trois ans ? Parce que nous réintégrons là des communes qui ne devraient plus bénéficier de ces dotations : nous organisons donc une sortie en sifflet à partir de 2027 pour ces 2 168 communes, contre 2030 pour les autres communes. Je comprends bien votre volonté : vous vous dites, pourquoi ne pas en réintégrer une 2 169e en utilisant un autre critère ? Mais dans ce cas, il faudrait le prendre en compte pour tout le monde, ce qui suppose une réouverture de ce dossier difficile. C'est pour cela que nous ne sommes pas allés plus loin, même si je sais qu'il y a des communes soumises à des effets de seuil.

Monsieur Chevallier, le Gouvernement ne veut pas faire « le grand soir du ZAN », ni casser sa dynamique, monsieur Dantec. La cible, 2050, est importante, de même que l'étape intermédiaire de 2031. Pas plus tard qu'hier soir, les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc me présentaient leurs travaux publiés cet après-midi, qui comprend des analyses très intéressantes sur les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) et les projets d'envergure nationale ou européenne (Pene). J'ouvre ces discussions avec intérêt, mais aussi beaucoup de prudence. Dès qu'on agit sur les volumes, il faut être vigilant ; c'est d'autant plus vrai qu'il faut trouver un équilibre avec les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) en cours d'adoption. Il faut donc assouplir sans remettre en cause.

Sur la fiscalité des transports, il n'est pas question de modifier les compétences. Les LGV relevant de la compétence nationale, il n'est pas question de mobiliser pour elles du versement mobilité.

Faut-il flécher des recettes vers les transports, monsieur Tabarot ? Ce n'est pas forcément une bonne idée : la TICPE, par exemple, a vocation à diminuer, voire à s'éteindre, alors qu'on a besoin de recettes stables. Le versement mobilité est étroitement lié à l'organisation de la desserte pour les salariés des entreprises - c'est pour cela qu'il faut que les élus se concertent avec elles.

Madame Varaillas, vous me dites 10 milliards, mais je vous réponds 5, car nous n'additionnons pas les mêmes choses. Mais nous sommes d'accord sur les allocations individuelles de solidarité : elles rendent la situation des départements complexe. Le Premier ministre a beaucoup travaillé avec votre assemblée sur ce sujet.

Effectivement, le coefficient correcteur peut parfois induire que des territoires ruraux paient pour des territoires urbains ; mais il est malgré tout intéressant d'avoir une compensation pérenne et dynamique qui évolue comme les bases fiscales. Pour avoir fait cet exercice dans un territoire mi-urbain, mi-rural, je peux témoigner que l'investissement fait par les urbains dans les territoires ruraux est loin d'être négligeable.

S'agissant de la taxe d'habitation, je pense que nous devons réfléchir sur l'utilisation des services publics : nous savons tous que beaucoup de concitoyens ne participent pas du tout à l'effort collectif. Je n'ai cependant pas de doute sur le fait qu'ils auraient aimé avoir plus de revenus, et ainsi, devenir imposables...

Mme Marie-Claude Varaillas. - Absolument !

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je le sais : ma communauté d'agglomération compte 43 % de logements sociaux. Pour autant, on peut imaginer une participation symbolique. En tout cas, on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur le sujet.

Pas plus tard qu'hier, nous réfléchissions à une réforme des critères de la DGF ; mais il faut reconnaître que c'est plus difficile en période de disette budgétaire.

J'ai bien noté que nous gagnerions à être plus limpides sur les périmètres de nos compétences respectives, avec la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher.

À Reims, nous avions fait le choix d'interdire la circulation des véhicules polluants jusqu'au Crit'air 3, ce qui a produit des effets - mais il est vrai que seule une partie de la ville était soumise à cette interdiction. Madame Herzog, je peux difficilement vous répondre, mais peut-être cela pourrait-il faire l'objet d'un amendement au PLF ?

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.

Examens en commission
Crédits relatifs aux « paysages, à l'eau et à la biodiversité »
et à l'« expertise, l'information géographique et la météorologie »
(Mercredi 20 novembre 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous entamons ce matin le traditionnel cycle d'examen automnal des avis budgétaires de notre commission, qui s'achèvera la semaine prochaine. Cette séquence budgétaire nous permettra d'examiner huit rapports pour avis, retraçant non seulement les crédits, mais également et surtout les politiques publiques thématiquement liées aux compétences socles de notre commission, à savoir l'aménagement du territoire, les transports et l'environnement.

Les circonstances dans lesquelles notre commission, et plus globalement le Sénat, examine le projet de loi de finances cette année, sont particulières, à double titre. Premièrement, le texte que nous examinons cette année est atypique par rapport aux années précédentes. Le 12 novembre dernier, l'Assemblée nationale a rejeté la première partie du projet de loi de finances. Conformément au cadre organique, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion dans une Assemblée si la première partie n'a pas été adoptée. Le rejet de la première partie a donc immédiatement mis fin à la discussion à l'Assemblée nationale. Contrairement aux années précédentes, c'est le texte initial déposé par le Gouvernement que nous examinerons en séance publique à partir du lundi 25 novembre prochain pour la première partie, puis du lundi 2 décembre pour la deuxième partie.

Deuxièmement, le contexte budgétaire dans lequel s'inscrit l'examen de ce projet de loi de finances est également particulier en raison de la dégradation marquée de nos finances publiques. Le déficit public devrait atteindre 6,1 % du PIB en 2024. Face à cette situation, afin de rassurer nos partenaires européens concernant notre trajectoire budgétaire, le Gouvernement s'est fixé l'objectif de ramener ce déficit sous la barre des 5 % du PIB dès 2025. Les ressources et les crédits prévus par ce PLF visent à atteindre cet objectif, ce qui conduira à modifier substantiellement les équilibres et les engagements budgétaires qui ont été pris ces dernières années. C'est donc dans ces conditions très singulières que nos rapporteurs pour avis ont travaillé.

Je ne crois pas inutile de rappeler brièvement les règles de la discussion budgétaire et l'esprit des rapports pour avis. Comme vous le savez, l'examen du projet de loi de finances se décompose en deux parties, la première consacrée principalement aux recettes et aux conditions générales de l'équilibre financier et la seconde relative aux dépenses et aux moyens des politiques publiques. C'est au sein de cette partie que les crédits sont regroupés en missions, en programmes et en actions selon la finalité de la dépense, conformément à la nomenclature établie par la LOLF (loi organique relative aux lois de finances). Les missions correspondent aux grandes politiques publiques de l'État, les programmes sont l'unité de l'autorisation parlementaire des dépenses afin de définir le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques : ils constituent une enveloppe globale et limitative de crédits, relevant d'un seul ministère. Les programmes regroupent un ensemble cohérent d'actions qui permettent de préciser la destination prévue des crédits et d'améliorer la lisibilité des dépenses budgétaires en fonction de leur finalité.

Les rapports pour avis de notre commission n'ont pas vocation à doublonner les rapports spéciaux. Les commissaires des finances s'inscrivent dans une approche budgétaire, financière et comptable afin d'analyser les crédits des missions budgétaires. Ils s'intéressent à l'ingénierie du projet de loi de finances, en visant l'exhaustivité des mouvements et des crédits. Notre démarche à nous est transversale et thématique : nous sommes plus enclins à interroger la pertinence des politiques publiques climatiques et environnementales, à expertiser la cohérence des trajectoires de décarbonation, à évaluer les stratégies de développement et d'évolution des infrastructures de transport et à porter un regard critique sur les stratégies budgétaires et sectorielles d'adaptation au changement climatique. C'est ainsi que les rapporteurs pour avis concentrent leur travail d'analyse sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui regroupe une partie substantielle des crédits affectés aux champs de compétence de notre commission. Les rapporteurs s'intéressent également aux missions « Cohésion des territoires », « Économie » et « Relations avec les collectivités territoriales », supports du financement de stratégies d'aménagement du territoire, mais également à toutes les autres missions susceptibles d'héberger des crédits intéressant notre commission.

Voilà, mes chers collègues, les quelques informations de cadrage dont je voulais vous faire part avant la présentation par Guillaume Chevrollier des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - Il me revient l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, mobilité et développement durables ».

Disons-le d'emblée, l'exercice 2025 marque, pour la première fois depuis dix ans, une rupture dans la trajectoire de progression continue des crédits budgétaires consacrés à la biodiversité. Dans le projet de loi de finances soumis à notre examen, le Gouvernement a fait le choix de mettre à contribution la majorité des opérateurs de l'État pour participer au redressement des comptes publics : la mission Écologie n'échappe pas à cette logique. La stratégie nationale pour la biodiversité 2030 fera ainsi face à un « trou d'air », avec une diminution de moitié des dotations budgétaires consacrées à la mise en oeuvre des mesures prévues.

L'an dernier, nous avions salué le doublement des crédits consacrés à la préservation des espaces naturels et au renforcement de la résilience hydrique, à la suite du « plan eau ». Un examen attentif de l'exécution en 2024, avec les mises en réserve, les gels, les surgels et les annulations de crédits, fait néanmoins ressortir que les opérateurs de la transition écologique n'ont en réalité pas profité de cette ambition inscrite en loi de finances initiale l'année dernière. En d'autres termes, les moyens nouveaux n'ont pas été versés à l'OFB et aux parcs nationaux à la hauteur de l'approbation parlementaire : les dotations versées aux opérateurs sont largement restées virtuelles. Au lieu des 512 millions d'euros de crédits votés au titre du programme 113, seuls 385 millions d'euros ont été attribués, soit à peine 75 % des crédits de paiement autorisés.

Cette mise en perspective conduit à relativiser la réduction en 2025 des moyens budgétaires consacrés à l'eau et à la biodiversité. La rigueur budgétaire a en réalité commencé dès février 2024, alors que nous avions approuvé une ambition budgétaire inédite à la suite de la SNB et du nouveau cadre mondial pour la biodiversité adopté lors de la COP15 à Montréal. Le programme 113 proposé à notre approbation s'élève à 445,6 millions d'euros en CP, soit une baisse de 13 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2024... ou une hausse de 15 % par rapport aux montants effectivement décaissés - même si 2025 se caractérisera certainement par des gels et des mises en réserve. Ces écarts entre l'autorisation parlementaire et la réalisation effective en fin d'exercice me conduisent à penser que la prévisibilité budgétaire est préférable à des évolutions erratiques et non anticipées. Les opérateurs que j'ai entendus en audition m'ont tous indiqué qu'il était indispensable de garder un cap cohérent et lisible en faveur de la préservation de la biodiversité : les évolutions budgétaires doivent pouvoir être anticipées, faute de quoi il sera plus difficile d'atteindre les objectifs environnementaux que nous nous sommes assignés. L'inscription dans le temps long est nécessaire pour piloter les politiques de préservation de la biodiversité et renforcer notre résilience hydrique. Plutôt que des doublements de crédits ensuite annulés à bas bruit, il est préférable que les moyens alloués à la transition écologique progressent de façon régulière et soutenable pour les finances publiques.

En valeur absolue, les opérateurs sont globalement épargnés par la trajectoire de restriction budgétaire, avec un maintien des schémas d'emplois, sauf pour les agences de l'eau qui perdent 3 ETPT. Cette situation pourrait néanmoins évoluer, le Gouvernement ayant déposé un amendement à l'Assemblée nationale réduisant de 166 ETPT le plafond d'emplois de la mission, sans que soit connue la ventilation entre programmes. On constate également une augmentation des subventions pour charges de service public, de 15 millions d'euros pour l'OFB, de 1,5 million d'euros pour les parcs nationaux et une stabilisation pour les autres opérateurs. Cette progression est cependant neutralisée par les évolutions de la masse salariale, du fait des mesures décidées au niveau national - protection sociale complémentaire, revalorisation du quasi-statut de l'environnement, hausse du compte d'affection spéciale Pensions - ainsi qu'en raison du glissement vieillesse-technique.

L'essentiel de l'effort budgétaire est ainsi concentré sur les stratégies nationales (biodiversité, aires protégées, etc.) plutôt que sur les opérateurs. La baisse des dotations conduira cependant à des effets de bord, qui priveront les opérateurs de dotations complémentaires : ainsi, au lieu d'une dotation de 39,5 millions d'euros pour la mise en oeuvre de la SNB, l'OFB bénéficiera uniquement d'une augmentation de 10 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public.

Deux points de vigilance ont retenu mon attention au cours des huit auditions que j'ai menées. En premier lieu, le relèvement de 175 millions d'euros du plafond de recettes des agences de l'eau n'aura pas lieu en 2025, comme prévu par le « plan eau », mais seulement en 2026. En outre, un amendement du Gouvernement prévoit un prélèvement exceptionnel de 130 millions d'euros dans la trésorerie des agences, sans considérer les restes à payer et les engagements pris pour soutenir les investissements des collectivités, ce qui limitera leur capacité d'intervention à un moment où la résilience hydrique de notre pays doit être prioritaire. Il s'agit d'un détournement du principe selon lequel l'eau paye l'eau, susceptible de générer des retards de paiement, une diminution des acomptes, des tensions sur la trésorerie des agences de l'eau qui limiteront leur capacité à soutenir les collectivités les plus dépendantes des aides. Cette situation est en outre susceptible de conduire à une érosion du consentement à payer des usagers de l'eau qui siègent dans les comités de bassin. De leur côté, les parcs nationaux font face à une saturation croissante de leur dotation budgétaire par leur masse salariale : dix parcs sur onze consacrent entre 80 % et 98 % de leur dotation à la rémunération de leur personnel, ce qui obère leur capacité à investir dans la protection des milieux et à atteindre l'objectif des 10 % du territoire sous protection forte.

Face à cette nouvelle donne budgétaire, les opérateurs devront faire preuve d'agilité et d'inventivité pour renforcer l'efficience de leur action, à travers des mesures de rationalisation et d'économies, pour « faire aussi bien avec moins ». La forte diminution des crédits consacrés à la SNB 2030 conduira ainsi l'OFB à renforcer les mutualisations des fonctions supports avec les parcs nationaux et à augmenter le nombre de projets communs, portés par plusieurs établissements publics. Les parcs nationaux devront quant à eux rechercher plus activement des financements extérieurs, auprès des collectivités territoriales, de l'Union européenne, des acteurs privés et du mécénat. Si 2025 constitue une année de transition budgétaire pour renforcer l'efficacité de l'action environnementale, il faudra que le ministère de la transition écologique soit vigilant afin d'accompagner les opérateurs face aux risques budgétaires et de trésorerie auxquels ils pourraient être confrontés en cours d'année. L'agilité budgétaire des opérateurs ne réglera cependant pas tout : il est illusoire de penser que l'on pourra à terme atteindre nos objectifs environnementaux sans les moyens adéquats. Après le nécessaire effort de réduction du déficit public, les prochains exercices budgétaires devront renouer avec une trajectoire budgétaire plus conforme aux enjeux environnementaux. N'oublions pas que les politiques d'adaptation coûtent bien moins chères que les dépenses de réparation : les épisodes météorologiques extrêmes l'ont dramatiquement montré...

J'en viens désormais aux crédits du programme 159 relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie, qui portent les moyens budgétaires et humains pour le Cerema, l'IGN et Météo-France. À titre liminaire, je voudrais insister sur l'importance croissante de ces opérateurs de l'expertise et de la donnée. La décision politique dans un monde qui se complexifie du fait du changement climatique implique de plus en plus de données et de paramètres à suivre - cartographiques, météorologiques et les modélisations qui en découlent. La data est devenue une composante à part entière de la compréhension et de l'élaboration des stratégies d'adaptation face aux changements rapides qui bouleversent nos habitudes et nos certitudes en matière d'aménagement du territoire. Ces données de Météo-France ou de l'IGN sont stratégiques à un double titre : elles permettent d'affiner la compréhension des défis climatiques qui affectent le territoire et d'éviter les phénomènes de mal-adaptation. L'action publique environnementale doit se nourrir de toute l'expertise publique disponible, pour renforcer la résilience des territoires et anticiper les défis auxquels doivent se préparer l'État et les collectivités territoriales.

Rappelons que ces opérateurs ont été confrontés à une évolution structurelle de leur modèle économique, du fait de la mise à disposition gratuite des données publiques en 2021, non compensée financièrement par l'État, alors que dans le même temps les coûts de production, de stockage et de diffusion des données augmentaient. Cet arrêt de la monétisation des données qu'ils produisent a nettement réduit la capacité de ces établissements publics à trouver des ressources extra-budgétaires. En conséquence, ils dépendent plus étroitement de l'évolution de leur subvention pour charges de service public et sont moins en mesure de faire face aux restrictions budgétaires. Ainsi, pour le prochain PLF, l'IGN voit ses moyens réduits de 7 ETPT et fera face à un déficit de financement de 15 millions d'euros des missions statutaires par la subvention pour charges de service public. Météo-France bénéficiera d'une augmentation de 2 millions d'euros de sa subvention, mais elle sera entièrement neutralisée par la hausse des dépenses de personnel du fait des mesures salariales décidées au niveau national. La gratuité des données météorologiques engendre en outre un manque à gagner annuel estimé à 3 millions d'euros.

2025 constituera donc une année charnière pour ces opérateurs qui participent à l'amont de la décision publique, à l'heure où les défis qui touchent à la production de données publiques de qualité et souveraines sont accrus par la révolution de l'intelligence artificielle, qui constituera vraisemblablement un puissant levier de croissance, avec des prévisions plus précises et fiables ainsi que des cartographies plus régulières et approfondies du territoire. Il est regrettable que la soutenabilité des champions français en la matière soit le fait de l'argent public, à travers les dotations budgétaires et les conventionnements avec les directions centrales. La capacité de ces opérateurs à investir dans la recherche et le développement est essentielle pour que la France reste dans la « course à la donnée souveraine ». La participation de l'ensemble des établissements publics à l'effort de redressement des comptes publics est évidemment légitime, mais j'appellerai toutefois le Gouvernement à la vigilance quant à la préservation de notre capacité à disposer d'une expertise et d'une connaissance publique à la hauteur des enjeux environnementaux, indispensable notamment au déploiement du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3).

En résumé, 2025 se caractérisera par un creux dans l'ambition des stratégies environnementales financées par des dotations budgétaires, avec une forte baisse des crédits destinés au déploiement de la SNB et une ponction contre-productive dans la trésorerie des agences de l'eau. L'effort de redressement de nos comptes publics exige cependant un effort de tous les opérateurs pour redresser la trajectoire insoutenable de notre endettement. Les directeurs généraux des structures m'ont indiqué qu'ils feront preuve d'agilité et d'inventivité pour continuer à remplir aussi bien leurs missions et déployer les stratégies environnementales en tentant d'en réduire le moins possible l'ambition. Une fois que nous aurons regagné des marges de manoeuvre budgétaire et une trajectoire de dépenses soutenables par rapport aux recettes, il faudra cependant veiller à ce que les crédits de l'eau, de la biodiversité et de l'expertise soient à la hauteur des défis environnementaux qui sont face à nous.

Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits inscrits aux programmes 113 et 159.

M. Hervé Gillé. - Je suis surpris par le contenu du rapport et par la position qu'il défend. Accepter la situation actuelle, alors que le « plan eau » a défini des objectifs et des stratégies qui concernaient notamment les agences de l'eau, me semble incohérent.

Le rapporteur a souligné, dans ses constats que je partage, qu'un effort sera consenti au niveau de la biodiversité, en particulier sur la protection des aires d'alimentation de captage ; cependant, les opérateurs vont devoir rester en rase campagne s'agissant de la mise en oeuvre de leur propre stratégie : comment peut-on se satisfaire de cette évolution budgétaire ? Ce n'est pas acceptable.

Le douzième programme d'intervention des agences de l'eau souffre de cette consolidation financière à venir ; de plus, aujourd'hui, on ne répond absolument pas aux besoins fixés par les plans pluriannuels d'investissements. Le prélèvement de 130 millions d'euros dans la trésorerie des agences de l'eau est également une aberration si l'on veut conduire une stratégie à court, moyen et long terme. La réponse actuelle, fortement limitée par la crise budgétaire à laquelle nous faisons face, n'est absolument pas satisfaisante eu égard aux priorités. On constate ainsi des attitudes paradoxales : on nous annonce une grande conférence sur l'eau début 2025 mais on ne crée pas les conditions permettant d'accompagner l'ensemble des acteurs à tous les niveaux.

Vous avez tous voté le rapport de la mission d'information La gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement et je regrette vivement qu'aucune de ses préconisations et orientations n'ait été reprise. Il est regrettable que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ne relaye pas mieux les conclusions des travaux de notre mission d'information. Nous avons conduit, avec Rémy Pointereau, un travail en bonne intelligence en essayant de trouver une forme de consensus sur un sujet délicat et nous y sommes parvenus. Pourtant, les propositions que nous avions formulées ne font l'objet d'aucune traduction dans l'avis budgétaire ou sous forme d'amendement. Par conséquent, à titre personnel, et je pense que ce sera également la position de mon groupe politique, je voterai contre ce rapport qui n'est pas acceptable en l'état.

La problématique de l'eau monte en puissance à tous les niveaux et cela concerne en particulier le secteur industriel ainsi que la problématique des prélèvements. On dit que la protection des aires d'alimentation de captage est urgente et prioritaire, mais nous ne faisons que différer nos réponses. Gouverner, c'est prévoir : face à une crise budgétaire, il est inacceptable de se contenter d'appliquer le rabot budgétaire indistinctement, sans prioriser les sujets consensuels. Cette absence de traduction budgétaire des recommandations de notre rapport d'information est complètement paradoxale et, pour cette raison, je ne peux sincèrement pas voter ce rapport.

M. Jacques Fernique. - On a bien compris la tonalité du rapport qui s'inscrit dans la nouvelle donne budgétaire : plusieurs remarques du rapporteur vont en effet dans ce sens. Les politiques de la transition écologique sont particulièrement affectées et il est clair que la trajectoire budgétaire qui se profile n'est pas celle de la planification écologique. Or l'agilité et l'inventivité des acteurs ou des opérateurs ne pourront pas compenser les réductions de moyens. Au-delà des éléments de langage, la réalité est que les crédits de la stratégie nationale de biodiversité sont divisés par deux et on voit mal comment le « plan eau » pourrait atteindre ses objectifs avec un budget réduit.

Le rapport qui vient de nous être présenté ne cache pas ce « creux dans l'ambition », selon l'expression du rapporteur. À mon sens, c'est plus qu'un creux : on s'enfonce dans l'ornière et on patinera sur place. Je pense qu'on ne prend pas la juste mesure du coût de l'inaction qui, dans ces domaines, serait catastrophique.

J'ai eu beau consulter depuis hier soir l'application informatique Demeter qui nous permet de prendre connaissance des amendements proposés par le rapporteur, je n'en ai trouvé aucun. On sait que le débat budgétaire ne s'est pas déroulé dans des conditions normales et donc que le projet de loi de finances qui nous est proposé est une version assez abrupte, qui nécessite à l'évidence - même si on accepte l'idée qu'il faut faire des économies - des ajustements ; or je n'en vois aucun ce matin. Je comprends la posture politique qui conduit à accepter cette rigueur budgétaire, mais je ne crois pas qu'il soit responsable de la part de notre commission du développement durable de renoncer de cette façon à répondre aux défis environnementaux.

Marie-Claude Varaillas. - Je partage entièrement les propos du rapporteur sur le manque de crédits alloués au programme 113 ; cependant, ses prises de position contredisent ses constats. C'est pourquoi je souscris totalement aux remarques de mon collègue Hervé Gillé. Je tiens à alerter sur les difficultés qui s'annoncent, tout particulièrement pour les opérateurs, et le défi du transfert de compétences en matière d'eau et d'assainissement que nous devrons relever avec des agences de l'eau qui vont, une fois de plus, être ponctionnées, cette fois-ci à hauteur de 130 millions d'euros, c'est-à-dire un montant considérable. Par conséquent, nous voterons également contre ce rapport.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Merci, chers collègues, pour vos observations et votre soutien quant aux constats que je tire des évolutions budgétaires prévisibles à l'heure où nous parlons. L'avis budgétaire permet de présenter une situation en prenant en compte deux principaux éléments de contexte. D'une part, au sein de cette commission, nous partageons des objectifs communs autour d'une stratégie nationale de biodiversité ambitieuse et la nécessité de la mise en oeuvre effective d'un « plan eau » dans nos territoires. D'autre part, nous héritons d'une situation budgétaire exceptionnellement préoccupante.

Le constat, c'est qu'il y a tout de même des moyens qui sont mis sur la table et seront déployés dans les territoires. L'approche est moins ambitieuse que celle de la loi de finances adoptée l'année dernière mais n'oublions pas que les moyens autorisés par le Parlement n'ont pas été intégralement déployés, tant s'en faut. À moyens constants, il faut reconnaître que des investissements significatifs sont consentis. Compte tenu de la situation budgétaire que vous connaissez, je propose en responsabilité l'adoption de ces crédits, même si effectivement il y aura un « trou d'air », avec un coût de l'inaction qui sera, j'en suis fermement convaincu, plus élevé que les mesures d'adaptation, avec des risques de mal-adaptation. Il faudra - et le Gouvernement a indiqué que telle était son intention - à l'issue du budget 2025, redonner une ligne d'horizon au pays, garantir une mise en oeuvre effective des objectifs et redonner de la lisibilité sur la base d'une vraie trajectoire évitant les à-coups. Cette dernière observation vaut tout autant pour les politiques environnementales que pour les politiques liées aux infrastructures : il ne faut pas fonctionner par à-coups ; j'en conviens, mais ce n'est pas à l'échelle d'un seul exercice budgétaire qu'on parviendra à régler tous les problèmes. Aujourd'hui, nous faisons face à une situation budgétaire exceptionnelle, et c'est à l'aune de celle-ci que je motive mon avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Jean-François Longeot, président. - Avec mon groupe, je voterai ce rapport. Parmi les objections qui ont été soulevées, une d'entre elles me gêne un peu : on essaie de faire croire que la difficulté serait imputable à la mauvaise volonté de la part de notre commission. Or tel n'est pas du tout le sujet : nous sommes toutes et tous responsables, dans nos diverses fonctions, de la gestion et de la résolution de situation budgétaire problématiques que nous connaissons. De ce point de vue, je trouve que le rapport de notre collègue Guillaume Chevrollier fait preuve d'une très grande honnêteté intellectuelle ; en effet, on pourrait toujours essayer de faire croire qu'on va rajouter des crédits ici ou là, mais on crée des déceptions en disant à celles et ceux qui nous entendent « vous n'avez pas à vous inquiéter, on s'occupe de tout » pour ensuite se heurter à la réalité. Bien entendu, j'aimerais aussi que les moyens augmentent pour faire plus, éviter de ponctionner les agences de l'eau... Cependant, nous avons tous été des élus locaux et nous avons été contraints de faire des choix budgétaires face à un manque de ressources. Ainsi, j'estime que ce rapport de bon sens prend vraiment en compte la situation globale et je l'approuve.

M. Hervé Gillé. - Personnellement, je pense quand même que notre commission devrait défendre certaines positions. On peut très bien avoir des positionnements politiques différenciés en fonction des enjeux : je le comprends parfaitement et nos débats sont toujours marqués du respect mutuel de nos divergences tout en essayant autant que possible de nous accorder sur des stratégies partagées pour faire avancer des sujets importants. Je suis d'avis qu'une commission doit défendre des idées qui peuvent prendre diverses formes, soit des amendements d'appel, soit des amendements qui expriment différentes préférences politiques, tout en promouvant les priorités affichées par la commission. À cet égard, le fait qu'aucun amendement ne soit proposé par le rapport me conduit personnellement à m'interroger. Un comportement budgétairement responsable ne doit pas empêcher de défendre des positions prises par la commission, tout particulièrement sur le sujet de l'eau, éminemment prioritaire, qui monte en puissance sur le territoire national.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai bien compris votre propos mais on peut aussi avoir une position politiquement cohérente avec les orientations de l'institution sénatoriale en prenant en compte ce que nous disent le rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, ainsi que le Président Larcher : cette cohérence me paraît tout aussi logique que la position que vous défendez.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Paysages, eau et biodiversité » et « Expertise, information géographique et météorologie ».

Crédits relatifs à la « transition énergétique et au climat »
(Mercredi 27 novembre 2024)

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. -- J'ai le plaisir de vous présenter ce matin le fruit de mes travaux en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. Cet avis portera, comme à l'accoutumée, sur trois thèmes : le verdissement des finances publiques, en lien avec mes collègues rapporteurs Guillaume Chevrollier et Pascal Martin ; le développement des énergies renouvelables ; la rénovation énergétique des bâtiments.

Commençons par le verdissement des finances publiques. La grande nouveauté en la matière de ce projet de loi de finances pour 2025 est la première remise au Parlement par le Gouvernement de la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. La loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a prévu le dépôt d'une telle stratégie, alors qu'un changement de méthode est aujourd'hui nécessaire pour assurer un soutien financier à la hauteur des besoins de la transition écologique.

Force est de constater que le bilan de ce premier exercice est mitigé. Élaboré par la seule direction générale du Trésor, le rapport remis ne résulte pas d'un travail interministériel. Il indique que si le secteur privé aligne sa part d'investissement bas carbone d'ici 2027 avec le public, et si le public poursuit la hausse tendancielle de sa part, les investissements bas carbone pourraient progresser de 63 milliards d'euros d'ici 2027. Les leviers qui pourraient conduire à cette augmentation de l'investissement privé ne sont pas détaillés, il s'agit donc d'un scénario plutôt que d'une stratégie politique pluriannuelle. Je forme le voeu qu'une réflexion soit engagée pour assurer qu'en 2026 le Gouvernement réponde pleinement à la demande du Parlement en remettant une stratégie de financement étayée et crédible.

Pour la cinquième fois, le « budget vert » de l'État nous a également été remis. En 2025, les dépenses favorables à l'environnement s'élèvent à 42,6 milliards d'euros, soit une hausse d'environ 2 milliards d'euros par rapport à 2024. Les dépenses défavorables s'établissent elles à 8,1 milliards, en baisse de 1,5 milliard d'euros. Ce verdissement apparent doit cependant être nuancé. Il s'explique en réalité par la baisse du prix de l'énergie, qui conduit à la fois à la hausse mécanique du soutien aux énergies renouvelables et à la baisse des dispositifs exceptionnels de soutien aux consommateurs.

Enfin, pour la première fois, les collectivités territoriales devront elles aussi réaliser un « budget vert » en 2025 pour l'exercice 2024, qui retracera l'impact environnemental de leurs dépenses d'investissement. Notre commission avait dénoncé l'année dernière l'introduction de cette nouvelle annexe obligatoire, considérée comme prématurée. Les premiers retours des associations de collectivités territoriales confirment ce constat : si la mise en oeuvre d'un « budget vert » est bien avancée dans les collectivités territoriales les plus importantes, elle apparaît plus difficile dans les plus petites collectivités territoriales, un assouplissement du calendrier apparaît nécessaire. Le « budget vert » est un outil d'analyse qui peut être pertinent, l'État doit inciter les collectivités à le mettre en oeuvre en proposant un accompagnement approprié. Je regrette toutefois que le Gouvernement ait fait le choix d'en faire une obligation, ajoutant une nouvelle contrainte réglementaire aux collectivités territoriales.

J'en viens au deuxième thème de cet avis budgétaire : le développement des énergies renouvelables. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une augmentation considérable des dépenses liées au service public de l'énergie, qui passent de 4,8 milliards d'euros en 2024 à 6,6 milliards d'euros en 2025. Ce service, qui vise à titre principal à soutenir les producteurs d'énergies renouvelables, augmente mécaniquement en raison de la diminution du prix de l'énergie : le Gouvernement compense la différence entre le prix de l'énergie et le prix de vente de ces énergies renouvelables. Plus le prix de l'énergie est faible, plus ce différentiel est donc élevé. Malgré le caractère mécanique de cette hausse, une réflexion sur ces dépenses est, je pense, nécessaire dans le contexte budgétaire que nous connaissons, sans bien sûr remettre en cause le soutien aux énergies renouvelables. Dans le cadre de son audition, la Commission de régulation de l'énergie -- la CRE -- a ainsi fait part de pistes d'évolutions pour permettre de suspendre le soutien à la production lorsque l'énergie atteint des prix négatifs. Je forme le voeu que cette réflexion aboutisse à une réforme effective du dispositif.

Le soutien aux énergies renouvelable passe également par la pleine application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (loi « Aper »), promulguée l'année dernière. Le dispositif des zones d'accélération des énergies renouvelables en particulier, qui visait à permettre aux maires de garder la main sur la planification territoriale des énergies renouvelables, a pris du retard. Elles devaient être définies avant la fin de l'année 2023, très peu de communes ont pourtant pu tenir cette échéance. Ces retards sont largement imputables au défaut d'accompagnement des services de l'État, qui ont tardivement transmis aux élus les documents nécessaires à cet exercice de planification.

Je souhaite enfin aborder la situation particulière du Fonds Chaleur. Porté par l'Ademe, ce Fonds finance des projets de collectivités territoriales et d'entreprises visant à développer l'usage de la chaleur renouvelable, issue de la biomasse, de la géothermie ou encore de la valorisation de déchets. La chaleur représente 43 % de la consommation d'énergie finale, dont seulement environ un quart est d'origine renouvelable. Le développement de la chaleur renouvelable constitue un enjeu majeur pour l'atteinte de nos objectifs climatiques, mais aussi pour l'indépendance énergétique de la France et le pouvoir d'achat des Français : 60 % de la chaleur consommée provient d'importations, principalement de gaz et de fioul. Développer la chaleur renouvelable réduit donc notre dépendance à la variation du prix de l'énergie.

Les collectivités territoriales en sont bien conscientes, spécifiquement depuis la crise énergétique de l'hiver 2022. Les candidats au Fonds Chaleur sont ainsi particulièrement nombreux : le portefeuille de projets s'élève à 1,5 milliard d'euros, pour 820 millions d'euros de crédits ouverts en 2024. C'est la raison pour laquelle notre commission avait défendu l'année dernière un amendement portant le Fonds Chaleur à 1 milliard d'euros, qui n'avait malheureusement pas été adopté.

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit toutefois une diminution de 35 % des autorisations d'engagement du Fonds, qui passent de 820 millions d'euros en 2024 à 540 millions d'euros en 2025. Ce coup de rabot risque de porter un frein à l'investissement des collectivités territoriales, en faisant de 2025 une année blanche pour la décarbonation de la chaleur. Le dispositif est pourtant particulièrement efficace. Le coût d'abattement du Fonds Chaleur, c'est-à-dire les Fonds publics nécessaires pour réduire d'une tonne par an les émissions de CO2, est l'un des plus faibles existants : il est trois fois moins coûteux de réduire les émissions de gaz à effet de serre par le Fonds Chaleur que par la rénovation énergétique des bâtiments. La troisième programmation pluriannuelle de l'énergie -- PPE 3 -- en cours de concertation, prévoit un objectif de doublement de la consommation de chaleur renouvelable d'ici 2035. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement qui augmente les crédits du Fonds Chaleur à hauteur de 280 millions d'euros, afin que les moyens accordés à la politique de développement de la chaleur renouvelable soient en adéquation avec les objectifs ambitieux du Gouvernement.

J'aborderai enfin le dernier thème de cet avis budgétaire : la rénovation énergétique des bâtiments. 2024 est une année particulière pour MaPrimeRénov', le principal dispositif de soutien public à la rénovation énergétique des bâtiments. Au 1er janvier dernier, la prime a été réorganisée autour de deux piliers, afin d'accroître l'efficacité des aides versées.

Le pilier « performance », dédié aux travaux de rénovation d'ampleur du bâtiment, est soumis à une obligation de moyens et de résultats, ce qui encourage les ménages à privilégier des rénovations performantes. Le bénéfice de ces aides est, de surcroît, conditionné à une assistance par un Accompagnateur Rénov' public ou privé, agréé par l'Anah. Cet accompagnement -- qui fait l'objet d'une aide spécifique -- devait être de nature à renforcer la cohérence des travaux engagés, tout en limitant les risques de fraude. Par ailleurs, l'accroissement substantiel du taux et du plafond de prise en charge, progressifs en fonction du niveau de revenu, contribue à réduire le « reste à charge » des ménages aux revenus médians et modestes.

Le pilier « efficacité » consacré au remplacement des modes de chauffage était conditionné, pour les habitats individuels, à la présentation d'un diagnostic de performance énergétique (DPE). Aussi, les propriétaires de passoires thermiques ne pouvaient plus bénéficier de ce pilier et étaient obligatoirement réorientés vers le pilier « performance ».

Le 15 mai 2024, à la suite des premiers signes de ralentissement de la demande de rénovation énergétique et des contestations par le secteur du bâtiment, les conditions pour bénéficier des aides à la rénovation par geste ont été assouplies jusqu'à la fin de l'année pour permettre aux ménages souhaitant effectuer un geste unique de travaux de bénéficier d'une aide forfaitaire, qui n'est plus conditionnée à un DPE. Le Gouvernement a ensuite annoncé la prolongation de cet ajustement pour 2025.

L'année 2024, marquée par une réforme et un revirement, a donc été particulièrement instable, ce qui explique une sous-consommation élevée des crédits : sur 4 milliards d'euros de crédits ouverts par la loi de finances initiale, seuls 1,7 milliard d'euros ont été consommés au 30 septembre 2024. Le PLF pour 2025 prévoit une diminution conséquente des crédits dédiés à MaPrimeRénov', qui passeraient de 4 milliards d'euros en 2024 à 2,5 milliards en 2025. Le Gouvernement justifie cette baisse par la sous-consommation observée, qui s'explique cependant très largement par la situation particulière de l'année 2024. La stabilité des règles de MaPrimeRénov' prévue pour 2025, qui apparaît en effet nécessaire, pourrait contribuer à augmenter la demande pour le dispositif, peut-être même au-delà des crédits ouverts.

L'analyse de la consommation des crédits de MaPrimeRénov' fait ressortir les deux piliers précédemment évoqués. Au 30 septembre 2024, 70 000 demandes de rénovation d'ampleur ont été enregistrées, soit une augmentation de 30 % par rapport à la même période en 2023. À l'inverse, 170 000 dossiers de demandes de rénovation par geste ont été déposés, soit une diminution de 50 %. Ce report de la rénovation par geste vers la rénovation d'ampleur correspond à l'effet recherché par la réforme. Il s'inscrit également dans la logique de montée en puissance de la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3), actuellement en cours de concertation : l'objectif fixé est d'atteindre 400 000 rénovations d'ampleur par an de maisons individuelles d'ici 2030.

Pourtant, j'ai pu le constater dans mon territoire en Saône-et-Loire que la prise en charge de cette montée en puissance des rénovations d'ampleur était loin d'être évidente. Tout d'abord, des retards dans l'instruction des dossiers de rénovations d'ampleur ont été relevés, en raison de l'augmentation rapide des demandes. Par ailleurs, les Accompagnateurs Rénov' ne jouent pas toujours le rôle qui leur est attribué : alors qu'on nous avait promis un accompagnement sur mesure, qui devait permettre au foyer d'effectuer les travaux adaptés à la situation du demandeur et à son logement, certains acteurs agréés se contentent de collecter les différentes aides disponibles et vont parfois même jusqu'à conseiller aux particuliers des aides qui ne sont pas adaptées. Je comprends que l'Anah a souhaité assurer le plus rapidement possible un maillage complet du territoire en agréant un grand nombre d'Accompagnateurs, il est cependant nécessaire d'assurer que cet accompagnement reste toujours de qualité. Enfin, j'ai pu constater les doutes de certains acteurs du terrain quant à l'effectivité du saut de classe énergétique que doivent permettre en théorie les rénovations d'ampleur effectuées. Cette question mériterait, je pense, un examen plus approfondi de la part de l'Anah.

En définitive, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique, inscrits au projet de loi de finances pour 2025, en dépit de réserves relatives à la fois au financement de la décarbonation de la chaleur et au financement de la rénovation énergétique des bâtiments.

M. Saïd Omar Oili. -- Les collectivités d'outre-mer disposent, comme la Corse, de programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) spécifiques, en tant que zones non interconnectées (ZNI). L'article 203 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit la prise en compte des spécificités de l'outre-mer dans le droit de l'énergie. Je souhaite savoir si des moyens supplémentaires sont prévus en outre-mer pour le bilan des PPE actuelles et l'élaboration des nouvelles programmations.

M. Hervé Gillé. -- Concernant le « budget vert » des collectivités territoriales, je ne partage pas la position du rapporteur. L'obligation d'élaboration d'un « budget vert » est nécessaire pour comparer le niveau d'investissement « vert » des collectivités territoriales.

Concernant les zones d'accélération des énergies renouvelables, je rappelle que c'est la majorité sénatoriale qui a souhaité que le débat ait lieu dans un cadre communal. Nous avions, pour notre part, souhaité que la planification soit effectuée dans le cadre d'un projet territorial, à l'échelle des communautés de communes, voire d'un syndicat mixte de territoire. Je crois que nous avions raison. Au-delà des problèmes liés aux services d'instruction de l'État que vous avez évoqués, beaucoup de communes ont été dans l'impossibilité de réaliser la planification à leur échelle.

Concernant le Fonds Chaleur, nous partageons la position du rapporteur.

Je souhaite enfin évoquer la rénovation énergétique des bâtiments. J'ai le sentiment qu'on crée les conditions pour limiter le recours à ces aides, en complexifiant les dispositifs à outrance. Il est dramatique d'en arriver là, compte tenu des enjeux de cette politique.

M. Didier Mandelli. -- Je souhaite réagir aux propos de Hervé Gillé relatifs aux zones d'accélération des énergies renouvelables, en tant que rapporteur de la loi « Aper ». Nous avons en effet donné la main aux communes, mais en leur laissant la possibilité d'intégrer cette démarche de planification dans le contexte de l'intercommunalité.

M. Jean-Pierre Corbisez. -- J'aimerais intervenir sur le sujet de MaPrimeRénov'. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est responsable de la sous-consommation des crédits en la matière. Le demandeur doit, dans le cas de travaux de rénovation énergétique, avancer le montant des travaux, les aides n'arrivent qu'ensuite après de longs délais d'instruction. L'existence de démarches administratives particulières a pu être justifiée par l'existence de fraudes à la rénovation énergétique, qui ne semblent plus aujourd'hui d'actualité.

M. Ronan Dantec. -- Je salue la position du rapporteur sur le Fonds chaleur, qui constitue en effet un dispositif particulièrement efficace.

Je pense que, concernant MaPrimeRénov', il est en effet nécessaire de tout remettre à plat. L'erreur majeure a été de ne pas accompagner les classes moyennes, qui sont pourtant les plus concernées par la prime, en ciblant spécifiquement les classes les plus défavorisées. Une remise à plat de l'ensemble du système de l'électricité est également nécessaire, en raison de l'évolution majeure des prix de l'électricité. Les deux systèmes sont ainsi aujourd'hui à bout de souffle.

Je souhaite évoquer la question du partage de la valeur, prévue par la loi « Aper ». Le décret d'application de la loi en la matière n'est toujours pas paru, ce qui nuit aux efforts de planification territoriale des énergies renouvelables.

Je déplore de nouveau la diminution des crédits de l'Agence française de développement (AFD). Dans le budget de l'État, c'est la subvention à l'AFD qui constitue la dépense la plus efficace en termes de réduction des émissions de CO2. Aujourd'hui, l'Afrique contribue plus au réchauffement climatique que l'Europe. Nous devons intégrer l'aide au développement à la réflexion sur l'impact environnemental du budget de l'État.

Enfin, je rappelle qu'une réflexion est nécessaire sur le devenir du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Les recettes de cette taxe diminuent tendanciellement en raison de la baisse des émissions de gaz à effet de serre nationales, nous devons réfléchir à des recettes alternatives.

M. Simon Uzenat. -- J'alerte sur le rythme extrêmement lent de décarbonation des sites industriels les plus émetteurs. Les efforts ne doivent pas se limiter à ces grands sites, nous devons accompagner nos petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que nos très petites entreprises (TPE) sur le territoire. C'est l'un des leviers majeurs d'accélération de la transition écologique, que nous devons prendre en compte dans la discussion budgétaire.

M. Clément Pernot. -- Je souhaite intervenir sur des difficultés relatives à l'implantation des énergies renouvelables. Les promesses financières de porteurs de projets aux maires sont source de discorde entre les communes, qui se disputent ces ressources nouvelles, et au sein même des communes, en raison de conflits d'usage, relatifs notamment à l'agriculture.

Mme Marie-Claude Varaillas. -- Je partage la réflexion de Clément Pernot. Nous devons également sérieusement nous pencher sur la nécessité d'appliquer le plus en amont possible la raison impérative d'intérêt public majeure (RIIPM) aux projets d'énergies renouvelables, afin de ne pas mettre en difficulté les collectivités territoriales.

Présidence de M. Philippe Tabarot, vice-président --

Mme Denise Saint-Pé. -- Dans le cadre de la définition des zones d'accélération des énergies renouvelables, la problématique du raccordement au réseau électrique a malheureusement été oubliée. Au moment de la réalisation des travaux, les porteurs de projets ont voulu reporter sur les collectivités territoriales la charge du raccordement. Ce report de charge peut freiner le développement des énergies renouvelables.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. -- Concernant les territoires ultra-marins, nous avons constaté durant nos auditions que l'élaboration des PPE est plus avancée en outre-mer qu'en métropole, c'est certainement un exemple qui doit nous inspirer. Il serait d'ailleurs souhaitable de se déplacer en outre-mer pour constater ces avancées.

Concernant le « budget vert » des collectivités territoriales, nous partageons le même objectif, tout en privilégiant des moyens différents pour les atteindre. Je pense que l'incitation aurait dû être privilégiée avant d'en arriver à la contrainte. On impose parfois des obligations aux collectivités territoriales avant d'avoir fourni le mode d'emploi.

Concernant les zones d'accélération des énergies renouvelables, nous avons recherché l'acceptabilité locale, la commune nous est apparue comme le niveau le plus pertinent pour assurer cette acceptabilité. Les débats autour de la planification menés dans les territoires ont permis, je pense, cette sensibilisation à l'intérêt des énergies renouvelables.

Concernant MaPrimeRénov', je pense que l'idée de la réforme d'encourager les rénovations d'ampleur plutôt que les rénovations monogestes était pertinente. Un certain nombre de paramètres du dispositif doivent cependant être revus. Notre commission pourrait engager une réflexion à ce sujet au cours de l'année 2025. L'accompagnement des demandeurs n'est peut-être pas toujours adapté. L'Accompagnateur Rénov' propose parfois des travaux qui ne sont pas en adéquation avec les besoins du logement. Des évolutions sont nécessaires, tout en garantissant la stabilité nécessaire au succès du dispositif.

Concernant l'AFD, je pense qu'il faut sortir des caricatures pour reconnaître la qualité du travail effectué par cet acteur. C'est un système vertueux. L'évaluation précise de l'impact carbone des politiques publiques n'est en effet pas toujours effectuée sérieusement.

La décarbonation de l'industrie, évoquée par Simon Uzenat, pourrait également faire l'objet d'un regard particulier de la commission, puisqu'il s'agit d'un pan important de la transition écologique.

Je salue l'expertise de Denise Saint-Pé quant aux réseaux électriques. L'absence de prise en compte par les zones d'accélération des énergies renouvelables du raccordement constitue effectivement une limite du dispositif.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 42

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. -- L'amendement, cosigné par Pascal Martin, vise à accroître les moyens du Fonds Chaleur à hauteur de 300 millions en autorisations d'engagement et 10 millions d'euros en crédits de paiement.

L'amendement n°  II-266 est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, sous le bénéfice de l'adoption de son amendement.

Crédits relatifs à la « prévention des risques »
(Mercredi 27 novembre 2024)

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la prévention des risques. - Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter ce matin mon avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, réparti sur la mission « écologie, développement et mobilités durables » pour ce PLF pour 2025.

Je dirai d'abord un mot sur la dynamique générale d'évolution des crédits budgétaires affectés à ces politiques, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques.

On note une évolution notable de la maquette budgétaire concernant les crédits alloués à la sûreté nucléaire. La fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a été traduite budgétairement par la création d'un nouveau programme 235 nommé « sûreté nucléaire et radioprotection » regroupant l'ensemble des crédits qui étaient jusqu'alors éclatés entre le programme 181 pour l'ASN, les programmes 172 et 190 rattachés à la mission « recherche et enseignement supérieur » pour les crédits de l'IRSN. Ce nouveau programme apporte la lisibilité budgétaire que j'appelle de mes voeux depuis plusieurs années.

S'agissant des crédits budgétaires à proprement parler, malgré le contexte budgétaire fortement contraint, le Gouvernement n'a pas procédé, et je m'en félicite, à d'importantes coupes budgétaires dans les crédits du programme 181 « prévention des risques ». Au contraire, les crédits du programme sont, en neutralisant l'effet sortie des crédits destinés à l'ASN - désormais regroupés au sein d'un nouveau programme 235 -, en légère hausse de 25 millions d'euros. Hausse qui est due à l'augmentation des crédits de l'Agence de la transition écologique (Ademe) à hauteur de 29,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Une analyse par actions révèle que seule l'action 1 relative à la prévention des risques technologiques et industriels connait une diminution d'environ 5 millions d'euros dans ce budget. Hormis cela, les actions qui financent la prévention des risques d'origine naturelle, les crédits destinés au financement de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ainsi que les crédits destinés au « Fonds Barnier » sont strictement égaux aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale pour 2024.

S'agissant du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « Fonds Barnier », son montant pour 2025 devrait atteindre les 300 millions d'euros de CP au bénéfice d'un amendement du Gouvernement annoncé lors de la présentation du troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3), fin octobre dernier. J'appelle toutefois l'attention du Gouvernement sur le fait que le montant du « Fonds Barnier » n'est pas aligné avec les montants réels perçus au titre des recettes du prélèvement sur la garantie « CatNat » qui abonde depuis 2021 le budget général. En d'autres termes, 150 millions d'euros payés par nos concitoyens sur leur contrat d'assurance financent des actions de l'État lesquelles, en théorie, ne relèvent pas nécessairement du périmètre de la prévention des risques.

Enfin, j'aimerais évoquer l'architecture même du programme 181. L'intitulé du programme : « prévention des risques » apparaît de plus en plus en décalage avec les missions qui sont effectivement financées. Sur les 1,3 milliard d'euros demandés en CP, seuls 400 millions d'euros sont directement destinés à la politique de prévention des risques. Les 900 millions restants financent la subvention pour charge de services publics de l'Ademe. Or, cette agence ne concourt que faiblement à la prévention des aléas dans la mesure où seuls 40 millions d'euros, soit 4,4 % des 900 millions d'euros, financent une mesure de « mise en sécurité des sites pollués à responsables défaillants ». La montée en puissance de l'Ademe au sein du programme ces dernières années a « cannibalisé » la cohérence globale des crédits destinés à la prévention des risques. Ce programme devient un réceptacle inadapté à la bonne lisibilité des financements de cette politique majeure qu'est la prévention des risques.

Voilà pour l'évolution des crédits. J'en viens désormais à l'évocation de deux thématiques dont j'estime opportun de vous faire part.

Première thématique, la prévention des risques industriels, naturels et l'intensification des aléas dans une société à + 4°C.

J'avais évoqué l'année dernière le défi d'attractivité du métier d'inspecteur des installations classées. Pour la direction générale de la prévention des risques (DGPR), ce défi est globalement relevé, ce que je salue. Mais les défis auxquelles les installations industrielles dangereuses sont confrontées sont toujours immenses. J'évoquerai deux risques à cet égard.

D'abord, j'identifie le risque de cyberattaques qui tend à s'intensifier. La DGPR m'a indiqué que plusieurs sites avaient fait l'objet d'attaques ciblées, parfois sur des structures non critiques telles que des éoliennes, mais qui pourraient devenir dramatiques dans certains cas : je vous laisse imaginer les risques qui pourraient advenir d'une paralysie d'une installation classée « Seveso seuil haut ». Je pense que l'inclusion de ce risque dans la culture de gestion de crises des établissements dangereux gagnerait à être renforcée.

Je voudrais également évoquer le risque que l'on qualifie de « Natech ». Ce dernier se caractérise par une succession d'aléas, susceptibles d'emporter un risque industriel. À cet égard, une inondation ou de fortes chaleurs peuvent être l'élément déclencheur d'un risque industriel, ce que ne prennent pas en compte aujourd'hui les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Dès lors, il convient d'élargir la focale des menaces qui pèsent sur les installations classées, en passant d'une logique de risque intrinsèque et délimité au risque global. Le risque naturel ne cesse pas là où commence le risque industriel, ils peuvent même se cumuler. La Cour des comptes dans un rapport de novembre 2023 consacré aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) avait estimé que notre connaissance était encore trop faible. Je salue donc le programme d'équipement prioritaire de recherche (PEPR) qui a été lancé en 2024 pour inclure davantage ce risque. J'en viens désormais aux risques naturels.

Le risque inondation et le risque relatif au retrait-gonflement des argiles (RGA) appellent également une vigilance constante. Notre commission a récemment investi ces deux sujets dans le cadre des travaux conduits par la mission d'information des rapporteurs Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux qui a conclu ses travaux par un rapport d'information nourri adopté à l'unanimité en septembre dernier et d'un avis sur la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le RGA de Christine Lavarde, en octobre dernier. Nous avons tous conscience du mur qui se dresse devant nous, il faudra faire preuve de résilience pour le surmonter. J'estime à cet égard que la consécration de lignes budgétaires propres, sous la forme d'actions au programme 181, permettant de mesurer les efforts consentis pour ces deux risques serait une avancée utile. Je sais que cette idée était portée par l'ancien Gouvernement.

Enfin, j'évoquerai succinctement un risque émergent, alors que le PNACC 3 a été récemment adopté, le cas de risque d'origine glaciaire et périglaciaire (ROGP) me semble être symptomatique de la recrudescence des risques auxquels nous allons être confrontés dans une société à + 4°C. Je vous l'accorde, l'avalanche, la chute de séracs, l'éboulement d'une paroi rocheuse sont longtemps restés des risques cantonnés aux aventuriers des chemins escarpés et aux alpinistes ; mais ils sont aujourd'hui susceptibles de concerner les habitants de vallées entières, dans les Alpes tout spécialement. La rupture d'un lac glaciaire contenu sous forme de poche d'eau pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les habitants en aval, il en va de même pour le décrochement de pans de montagne avec le dégel du permafrost. Les conséquences sur la vie humaine sont sérieuses ainsi que me l'indiquait la DGPR lors de mes travaux préparatoires. Ce risque est susceptible d'entrer prochainement dans le champ des risques éligibles au Fonds Barnier. La ministre Agnès Pannier-Runacher a présenté, jeudi dernier, un plan d'action interministériel pour la période 2024-2026 sur ce risque ROGP.

Deuxième thématique enfin : l'avenir de la sûreté nucléaire et les moyens de la future ASNR.

En 2024, nous avons engagé une réforme majeure dans le domaine de la sûreté nucléaire en décidant de fusionner l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Cette fusion, prévue à compter du 1er janvier 2025, marque une étape importante dans l'organisation de la régulation nucléaire en France.

Si cette réforme répond à un besoin d'attractivité et de relance de notre modèle nucléaire, elle soulève néanmoins des interrogations cruciales. Ces interrogations portent tant sur les moyens alloués que sur les capacités de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), à remplir ses missions.

Lors des débats ayant précédé cette décision, la communauté scientifique et les experts ont exprimé des inquiétudes. Ils craignent notamment que cette réorganisation ne se traduise par une rationalisation excessive et une réduction des capacités de recherche, pourtant indispensables pour maintenir un haut niveau de sûreté.

Par ailleurs, les travaux de préfiguration de l'ASNR et les auditions des parties prenantes, dont l'ASN et l'IRSN, ont mis en évidence un écart budgétaire préoccupant : le montant prévu au projet de loi de finances pour 2025, soit 138,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP), reste inférieur aux besoins estimés à 158,1 millions d'euros. Cet écart de 19,4 millions d'euros pourrait fragiliser le fonctionnement de la nouvelle autorité.

Il est important de rappeler que 90 % des dépenses d'intervention prévues sont incompressibles, incluant des postes essentiels comme le versement de la paie des agents, les frais immobiliers, le fonctionnement des installations de recherche ou encore la mise en oeuvre d'un système comptable opérationnel dès le 1er janvier 2025. L'absence de marge de manoeuvre rend encore plus pressante la nécessité de trouver des solutions durables.

Parmi ces solutions, l'obtention d'un rescrit fiscal permettant à l'ASNR d'être assujettie à la TVA, et non redevable, a été identifiée comme une piste. Ce mécanisme permettrait de réduire certaines dépenses, mais, à ce jour, ce rescrit fiscal n'a pas encore été obtenu, nous attendons une réponse de la DGPR prochainement.

Aussi, dans l'incertitude dans laquelle nous sommes placés, je vous propose un amendement d'un montant de 19,4 millions d'euros destinés à couvrir les besoins réels de l'ASNR au 1er janvier prochain. Il met en jeu la crédibilité de la réforme et la réussite de la première année de l'autorité que l'on sait charnière en situation de fusion d'établissements. La sûreté nucléaire ne saurait être sacrifiée sur l'autel d'une rationalisation budgétaire malvenue.

Voilà, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part sur ce projet de budget pour 2025.

En conséquence, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 181, sous réserve de l'amendement que j'ai déposé.

Je vous remercie.

M. Saïd Omar Oili. - Je salue les propos de Pascal Martin, mais je suis surpris qu'il n'aborde pas la question des territoires d'outre-mer. À Mayotte, nous sommes de plus en plus souvent touchés par des cyclones intenses et des phénomènes volcaniques, mais vous n'en faites pas mention dans votre rapport. Plus étonnant encore, j'ai pu consulter l'organigramme de la DGPR et seule une « mission d'appui aux politiques publiques de préventions des risques » est prévue pour les territoires d'outre-mer. Ces territoires sont régulièrement qualifiés de chances pour la République, mais les moyens mis à disposition des populations sont insuffisants.

M. Ronan Dantec. - Je partage l'analyse du rapporteur Martin qui pointe du doigt les limites des modalités de financement du régime des catastrophes naturelles. Les recettes de la taxe « CatNat » sur les contrats d'assurance abondent en effet le budget général, au détriment d'un financement orienté sur la prévention des risques, ce qui pose des questions de lisibilité.

Au nom du groupe GEST nous a l'intention de déposer un amendement identique à celui de Madame Christine Lavarde, rapporteur au nom de la commission des finances pour garantir que l'argent de l'assurance reste à l'assurance ! Je rejoins notre collègue de Mayotte sur la question du risque dans les territoires ultramarins où, en matière de prévention des risques, les enjeux sont essentiels ; la baisse importante du budget de l'Agence française de développement (AFD) qui finance des actions dans les territoires ultramarins est également un sujet de préoccupation. J'ai un point de désaccord avec l'amendement du rapporteur. Ce dernier gage les recettes pour l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) sur les crédits de l'Office français de la biodiversité (OFB). Or, ce dernier sera demain l'un des grands acteurs de la gestion du risque. Parler du risque en déshabillant l'OFB est une contradiction que je ne peux m'empêcher de relever.

M. Sébastien Fagnen. - Concernant l'ASNR, je rejoins ce qui a été dit par Ronan Dantec. Nos craintes exprimées lors de l'examen de la loi du 21 mai 2024 sur l'avenir de la sûreté nucléaire semblent se confirmer. Les précautions prises par le ministre d'alors, Christophe Béchu, nous assurant que les crédits de l'ASNR seraient au rendez-vous semblent caduques. Je rejoins les remarques qui ont été précédemment formulées sur les crédits amputés sur l'OFB pour donner les moyens à la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Même si l'amendement ouvre de premières pistes, le financement ne peut pas être pérenne et se faire au détriment de l'OFB. On peut nourrir des inquiétudes quant au bon fonctionnement de cette future entité au 1er janvier 2025. Nous nous abstiendrons sur cet amendement, car c'est un geste à l'égard des salariés de l'IRSN qui aujourd'hui encore se battent pour faire en sorte que les moyens idoines soient alloués.

M. Michaël Weber. - J'abonde dans le sens des propos de Sébastien Fagnen et Ronan Dantec. On peut se satisfaire de rechercher des moyens supplémentaires en faveur de l'ASNR, mais je regrette le montage financier de cet amendement. Je ne voudrais pas que le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » devienne le nouveau gage tabac. Toute inaction climatique a un coût et tout ce qui n'aura pas été investi aujourd'hui pour lutter contre les effets du dérèglement climatique se paiera d'autant plus cher dans les années à venir. À notre sens, cet amendement aurait pu être gagé sur le programme 345 « Service public de l'énergie », par exemple sur le soutien à l'injection de biométhane représentant 1,2 milliard d'euros. Je propose que notre groupe s'abstienne sur ce sujet.

Mme Nicole Bonnefoy. -Je voudrais à mon tour remercier le rapporteur pour son travail et dire que même si ce programme connait des crédits stables, avec toutes les limites précisées par Sébastien Fagnen et Michaël Weber, notre groupe s'abstiendra à la fois sur l'amendement et sur le rapport, en raison de la diminution drastique des moyens consacrés à la planification écologique que nous considérons comme prioritaire, j'en veux pour exemple de la diminution des moyens de l'OFB et ceux du fonds vert à hauteur de 1 milliard d'euros. Compte tenu de l'urgence à réaliser une véritable planification écologique, nous ne pouvons que nous abstenir sur le rapport qui nous est présenté aujourd'hui.

Mme Marie-Claude Varaillas. - J'irai dans le même sens que mes collègues. Le rapport de Pascal Martin est très sérieux, mais je trouve insuffisants les crédits de l'ADEME qui est mise au régime sec en 2025. Le « Fonds Barnier » fonctionne un peu comme le « plafond mordant » des agences de l'eau. Dans mon département, le risque falaise est considérable et augmente avec le changement climatique. Ce risque génère des coûts très importants pour les collectivités territoriales. Le préfet propose que ce risque soit pris en charge dans le cadre de la Dotation d'Équipement des Territoires Ruraux (DETR), mais ce qui sera consacré aux falaises, ne servira pas à d'autres projets. L'État se décharge, c'est un transfert vers les collectivités territoriales. Le fonctionnement du « Fonds Barnier » ne peut pas nous satisfaire. Quant au nucléaire, la relance est un chantier inédit. Nous ne sommes pas d'accord avec la fusion pour des raisons de transparence, mais nous savons aussi qu'elle va nécessiter 100 000 emplois dans les prochaines années. Nous nous abstiendrons sur le rapport et sur l'amendement.

Mme Nadège Havet. - Par solidarité avec mon collègue qui parlait des territoires d'outre-mer et au vu des problématiques de ceux-ci, nous nous abstiendrons également.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la prévention des risques. - Le « Fonds Barnier » intègre déjà les risques cyclonique et volcanique dans les territoires ultramarins. Je ne pouvais pas aborder tous les sujets dans mon avis et j'ai fait le choix d'orienter cette année mon approche sur des risques émergents : les risques d'origine glaciaire et périglaciaire (ROGP), le risque « Natech » ou encore le risque de cyberattaques. Il n'y a aucune volonté de ma part d'écarter les risques des territoires ultramarins. Concernant le « Fonds Barnier », il y a une incohérence à ce qu'une partie des fonds récoltés sur les contrats d'assurance viennent abonder le budget général. Concernant l'amendement que je propose sur l'ASNR, notre collègue Marie-Claude Varaillas nous a invités à ne pas refaire le débat, la loi a été votée et promulguée il y a quelques mois. L'amendement que je propose vise à donner les moyens nécessaires à l'ASNR pour qu'elle puisse assurer ses dépenses d'intervention qui sont essentiellement des dépenses contraintes. Il est effectivement gagé sur l'action 7 du programme 113, mais il est important de souligner qu'il est explicitement suggéré que le Gouvernement puisse lever le gage. J'entends votre volonté d'abstention sur cet amendement et la regrette, car il s'agit de donner les moyens à cette future autorité. Qu'il y ait eu fusion ou pas, les travaux qui sont devant nous dans le cadre de la refonte complète du programme nucléaire sont considérables. Au cours de mes auditions, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ainsi que le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ont unanimement insisté sur la nécessité de donner à l'ASNR les moyens pour mener à bien la fusion. Nous ne pouvons pas badiner avec l'avenir de la sûreté nucléaire.

M. Ronan Dantec. - Le problème est d'avoir gagé l'amendement sur les crédits finançant l'OFB. Changer le gage aurait permis à mon groupe de voter l'amendement et vraisemblablement d'obtenir l'unanimité. Comme le proposait Mickaël Weber nous pouvons prendre quelques millions d'euros sur le biométhane.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la prévention des risques. - Encore une fois, cet amendement est proposé dans l'hypothèse où le rescrit fiscal ne nous serait pas communiqué par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) avant l'examen de la mission en séance publique.

M. Hervé Gillé. - La proposition de Ronan Dantec est très honnête. Nous sommes d'accord avec le dispositif proposé par votre amendement, mais c'est son fléchage sur les ressources de l'OFB qui n'est pas satisfaisant. En l'état, nous ne pouvons que nous abstenir sur l'amendement. Tout ce qui est afférent au nucléaire, doit être financé par le nucléaire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 42

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement vise à accroître les moyens de l'Autorité de sûreté nucléaire à hauteur de 19,4 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'amendement n°  II-257 est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques, sous le bénéfice de l'adoption de son amendement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Paysages, eau et biodiversité -
Expertise, information géographique et météorologie
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis

§ Personnes entendues

Mercredi 23 octobre 2024

- Météo-France : Mmes Virginie SCHWARZ, Présidente-Directrice générale et Jeanne STRAUSZ, secrétaire générale.

- Office national des forêts (ONF) : Mmes Valérie METRICH HECQUET, directrice générale et Claire THOLANCE, adjointe à la directrice.

Mardi 5 novembre 2024

- Agences de l'eau : MM. Loïc OBLED, directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, Xavier MORVAN, directeur général de l'agence de l'eau Rhin-Meuse, Frédéric CHAUVEL, directeur général adjoint de l'agence de l'eau Seine-Normandie et Mme Aude WITTEN, directrice générale adjointe de l'agence de l'eau Adour-Garonne.

- Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : Mme Sylvie ESCANDE-VILBOIS, directrice de la mission performance et M. Damien LAMOTTE, sous-directeur de la coordination, de l'appui, de la stratégie et du pilotage des politiques de protection et de la restauration des écosystèmes.

- Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) : MM. Sébastien SORIANO, directeur général, Philippe GERBE, secrétaire général et Stéphane VALOIS, secrétaire général adjoint.

- Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) : M. Pascal BERTEAUD, directeur général et Mme Catherine MALIGNE, directrice de cabinet.

Mardi 12 novembre 2024

- Office français de la biodiversité (OFB) : MM. Olivier THIBAULT, directeur général et Denis CHARISSOUX, directeur général délégué ressources.

- Parcs nationaux de France : M. Xavier EUDES, directeur du parc national de la Vanoise et président du collectif des Parcs nationaux, Mme Melina ROTH, directrice du Parc national des Pyrénées, M. Philippe PUYDARRIEUX, directeur du Parc national de forêts et Mme Blandine DESCAMPS-JULIEN, déléguée du collectif des Parcs nationaux.

Transition énergétique et climat -
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis

§ Personnes entendues

Mardi 5 novembre 2024

- Association Amorce : M. Nicolas GARNIER, délégué général.

- Commission de régulation de l'énergie : M. Rachid BOUABANE-SCHMITT, secrétaire général et Mme Gwenaëlle POT, chargée des relations institutionnelles.

- CLER - Réseau pour la transition énergétique : Mme Isabelle GASQUET, responsable projet efficacité énergétique et M. Damien BARBOSA, chargé de campagne du collectif Rénovons.

Mercredi 6 novembre 2024

- Syndicat des énergies renouvelables (SER) : MM. Jules NYSSEN, président et Alexandre DE MONTESQUIOU, directeur associé.

Jeudi 7 novembre 2024

- Agence nationale de l'habitat (Anah) : MM. Grégoire FRÈREJACQUES, directeur général adjoint, Mathieu PRZYBYLSKI, directeur de cabinet et Antonin VALIÈRE, responsable des relations institutionnelles.

- I4CE - Institute for Climate Economics : Mme Louise KESSLER, directrice de programme et M. Damien DEMAILLY, directeur de la stratégie et de la communication.

Mardi 12 novembre 2024

- Réseau Action Climat - France : Mme Emeline NOTARI, responsable politiques climat.

- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies : MM. Charles-Antoine GAUTIER, directeur général et David BEAUVISAGE, directeur général adjoint.

Vendredi 15 novembre 2024

- Direction générale de l'énergie et du climat : Mme Sophie MOURLON, directrice générale.

§ Contributions écrites

- Énergies & Avenir

- Fédération des agences locales de l'énergie et du climat (Flame)

- Fédération des services énergie environnement (Fedene)

- France gaz renouvelables

- Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (FNADE)

- Industries du Génie Numérique Énergétique et Sécuritaire (IGNES)

- Vattenfall

Prévention des risques -
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis

§ Personnes entendues

Mardi 5 novembre 2024

- Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) : M. Alban BRUNEAU, président, Mme Delphine FAVRE, déléguée générale et M. Gilles BROCARD, conseiller technique.

- Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) MRaymond COINTE, directeur général et Mme Laurène ZANATTA, chargée de mission auprès du directeur général.

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : M. Jean-Christophe NIEL, directeur général, Mme Karine HERVIOU, directrice générale adjointe chargée du pôle sûreté des installations et des systèmes nucléaires, M. Patrice DESCHAMPS, directeur adjoint de la stratégie et Mme Emmanuelle MUR, responsable des relations institutionnelles - Direction de la stratégie.

- Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction de la prévention des risques (DGPR) : Mme Régine ENGSTRÖM, adjointe au directeur, MM. Louis LOUBRIAT, chef du bureau de l'action territoriale du Service des risques naturels et Christophe JOSSERON, chef du département des affaires générales.

Mercredi 6 novembre 2024

- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : MM. Bernard DOROSZCZUK, président et Daniel DELALANDE, directeur général adjoint.

Mardi 12 novembre 2024

- Agence de la transition écologique (ADEME) : Mme Patricia BLANC, directrice générale déléguée.

LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html

ANNEXE -
LISTE DES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISISON DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Amendement présenté par M. Pascal Martin
 

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2025

 

SECONDE PARTIE

MISSION ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

II-257

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n°s 143, 144, 145, avis 148)

27 NOVEMBRE 2024

 
 

A M E N D E M E N T

présenté par

C

 

G

 

M. Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 42 (CRÉDITS DE LA MISSION)

État B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Infrastructures et services de transports

 

 

 

 

Affaires maritimes, pêche et aquaculture

 

 

 

 

Paysages, eau et biodiversité

 

19 400 000

 

19 400 000

Expertise, information géographique et météorologie

 

 

 

 

Prévention des risques

 

 

 

 

Énergie, climat et après-mines

 

 

 

 

Service public de l'énergie

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

dont titre 2

 

 

 

 

Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires

 

 

 

 

Sûreté nucléaire et radioprotection

dont titre 2

19 400 000

 

19 400 000

 

TOTAL

19 400 000

19 400 000

19 400 000

19 400 000

SOLDE

0

0

OBJET

Cet amendement vise à répondre à l'expression des besoins estimés pour les dépenses de fonctionnement de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a fait état d'un besoin de financement au titre des dépenses de fonctionnement et d'investissement de la future autorité de 158 millions d'euros, soit une somme supérieure au montant de 138,1 millions d'euros alloué par le projet de loi de finances pour 2025.

Pour l'IRSN, l'expression des besoins s'est appuyée sur les exercices précédents en lien avec la démarche de « soutenabilité » identifiée par la Cour des comptes dans son dernier contrôle de l'établissement afin d'assurer un cadre pérenne à la relance du nucléaire et pour prendre en compte les coûts liés à la fusion. S'agissant de l'ASN, les besoins exprimés répondent à la couverture du périmètre des nouvelles missions de l'ASNR, intégrant le transfert des coûts relatifs à la dosimétrie et les activités de la direction de l'expertise nucléaire de défense vers le Commissariat à l'énergie atomique et au ministère des armées.

Ce décalage entre les besoins exprimés par le responsable du programme 235 et les crédits effectivement ouverts repose sur l'hypothèse de la perception par la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection d'environ 20 millions d'euros de recettes supplémentaires. Ces recettes résulteraient pour la future ASNR, contrairement à l'IRSN aujourd'hui, d'une exonération totale de TVA sur ses acquisitions et de l'absence de collecte de TVA. Cette possibilité demeure à ce stade hypothétique puisqu'elle suppose que le statut de la future autorité administrative indépendante soit aligné sur le régime de l'ancienne autorité administrative indépendante qu'est l'ASN et qu'ainsi les conditions d'assujettissement soient plus favorables que celles retenues pour l'IRSN, qui était un établissement public industriel et commercial.

Un rescrit sur cette question a été demandé à l'administration fiscale, ce dernier devrait être transmis fin novembre. En l'absence de la transmission dudit rescrit, il apparaît nécessaire de garantir les besoins exprimés pour le bon fonctionnement de la future autorité. Il en résulte la réussite de la fusion des établissements et la mise en oeuvre effective des missions de l'établissement au 1er janvier 2025.

L'article 40 de la constitution et l'article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) interdisant aux parlementaires d'augmenter les crédits de la mission, la mesure est gagée sur les crédits de l'action 07 « Gestions des milieux et biodiversité » du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ».

Il est suggéré que le Gouvernement puisse lever le gage prévu pour compenser la dépense.

Amendement présenté par MM. Fabien Genet et Pascal Martin
 

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2025

 

SECONDE PARTIE

MISSION ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

II-266

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n°s 143, 144, 145, avis 148)

27 NOVEMBRE 2024

 
 

A M E N D E M E N T

présenté par

C

 

G

 

MM.  GENET et Pascal MARTIN

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

_________________

ARTICLE 42 (CRÉDITS DE LA MISSION)

État B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Infrastructures et services de transports

 

 

 

 

Affaires maritimes, pêche et aquaculture

 

 

 

 

Paysages, eau et biodiversité

 

 

 

 

Expertise, information géographique et météorologie

 

 

 

 

Prévention des risques

300 000 000

 

10 000 000

 

Énergie, climat et après-mines

 

 

 

 

Service public de l'énergie

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

dont titre 2

 

300 000 000

 

10 000 000

Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires

 

 

 

 

Sûreté nucléaire et radioprotection

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

300 000 000

300 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

OBJET

La chaleur représente 43 % de la consommation d'énergie finale, dont seulement environ un quart est d'origine renouvelable. Le fonds Chaleur, porté par l'ADEME, finance des projets de collectivités territoriales et d'entreprises visant à développer l'usage de la chaleur renouvelable issue de la biomasse, de la géothermie ou encore de la valorisation de déchets. Le développement de la chaleur renouvelable constitue en effet un enjeu majeur pour l'atteinte des objectifs climatiques, mais aussi pour l'indépendance énergétique de la France et le pouvoir d'achat des Français : 60 % de la chaleur consommée provient d'importations, principalement de gaz et de fioul.

Le dispositif est plébiscité par les collectivités territoriales, spécifiquement depuis la crise énergétique de 2022. Les candidats au fonds Chaleur sont ainsi particulièrement nombreux : le portefeuille de projets candidats au fonds s'élève à 1,5 milliard d'euros, pour 820 millions d'euros de crédits ouverts en 2024 en autorisations d'engagement.

Le PLF 2025 prévoit une diminution de 35 % des autorisations d'engagement du fonds, qui passeraient de 820 millions d'euros en 2024 à 540 millions d'euros 2025. Ce coup de rabot risque de porter un frein à l'investissement des collectivités territoriales, en créant une année blanche pour la décarbonation de la chaleur.

Le présent amendement vise à maintenir les crédits du fonds, en augmentant les autorisations d'engagement du fonds à hauteur de 300 millions d'euros et les crédits de paiement à hauteur de 10 millions d'euros.

Ce montant est cohérent avec la recommandation n°22 de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique des bâtiments, qui appelait à porter les crédits du fonds Chaleur à 1 milliard d'euros.

Cette mesure se traduirait par une hausse de l'action 12 « Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) » du programme 181 « Prévention des risques ».

L'article 40 de la Constitution et l'article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) interdisant aux parlementaires d'augmenter les crédits de la mission, la mesure est gagée sur les crédits de l'action 07 « Pilotage, support, audit et évaluations » du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». L'objectif est que le Gouvernement puisse lever le gage engagé pour compenser la dépense.


* 1 V. Dumoulin et M. Gravier-Bardet (IGEDD), J-P. de Saint Martin, S. Repetti-Deiana, B. Kerhuel et G. Bianquis (IGF), Le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030, novembre 2022.

* 2 Pour en savoir plus, consulter le rapport d'information L'accord de Kunming-Montréal : une partition que les États doivent dès à présent mettre en musique, déposé le 15 février 2023, sous le numéro 357 (2022-2023).

* 3 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 4 Une mission a été confiée à l'IGEDD sur l'adéquation entre les moyens des parcs nationaux et leurs missions, dont les conclusions sont attendues pour le début de l'année 2025.

* 5 Pour l'IGN, l'intelligence artificielle permettra notamment un meilleur suivi des surfaces artificialisées, le déploiement d'un jumeau numérique de la France ou encore une connaissance plus fine des évolutions de la ressource forestière à travers l'inventaire forestier national.

* 6 Compte rendu de l'audition par la CATDD de M. Jean Pisani-Ferry et Mme Selma Mahfouz, coauteurs du rapport sur Les Incidences économiques de l'action pour le climat

* 7 Les six objectifs environnementaux sont « Atténuation climat », « Adaptation climat », « Eau », « Déchets », « Pollutions », « Biodiversité ».

* 8Fédération nationale des collectivités concédantes et régie (FNCCR) et AMORCE.

* 9 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), 25 septembre 2024, « Le défi de l'adaptation des territoires face aux inondations : simplifier l'action, renforcer la solidarité » de Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux au nom de la Commission des finances et de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

* 10 Rapport d'information n° 603 (2023-2024), 15 mai 2024, « Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles » de Christine Lavarde au nom de la Commission des finances.

* 11 Les risques d'origines glaciaire et périglaciaire regroupent les phénomènes émergents amplifiés par le changement climatique : accélération des évolutions des glaciers (poches d'eau, lacs, rupture ou effondrement d'une partie du glacier), des terrains et parois tenus par le gel (pergélisol). Dans certains cas, ces phénomènes peuvent atteindre des zones habitées localisées en aval.

* 12 Loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

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