AVANT-PROPOS

Dans un contexte de restriction budgétaire affectant l'ensemble des secteurs de l'économie et de la société, la stabilisation des crédits consacrés par l'État à la création artistique, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture en 2025 suscite un soulagement tout relatif. En effet, ce statu quo budgétaire doit être mis en perspective des répercussions qu'aura la ponction pratiquée par l'État dans les recettes des collectivités territoriales : comme l'ensemble des autres compétences partagées, la culture risque d'en faire les frais.

Face au désengagement d'ores et déjà annoncé de collectivités de tous échelons, la rapporteure craint un choc budgétaire majeur pour le service public de la culture. Celui ci viendrait frapper un secteur déjà confronté depuis plusieurs années à une grave crise financière, devenue systémique. Alors qu'une politique publique structurante et porteuse d'une vision stratégique serait nécessaire pour répondre aux défis de la création artistique, le ministère de la Culture multiplie les plans et programmes, à l'instar de « Mieux produire, mieux diffuser » et de « Culture et ruralité », dont la pertinence interroge.

La situation de l'enseignement supérieur artistique ne prête guère plus à l'optimisme, les écoles d'art et les écoles d'architecture étant toujours confrontées à d'importantes difficultés structurelles, malgré les aides ponctuelles débloquées par l'État ces dernières années. Le « plan global » de réforme annoncé par la ministre en début d'année pour les écoles d'art territoriales tarde à voir le jour.

La commission accueille favorablement le projet de refonte du pass Culture qu'elle a toujours considéré comme un outil au service de la démocratisation culturelle et non comme une politique publique à part entière. Dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme, elle entend faire valoir un redimensionnement stratégique et budgétaire du dispositif.

I. I. LA STABILISATION DES BUDGETS CONSACRÉS PAR L'ÉTAT À LA CRÉATION ARTISTIQUE, LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN SOULAGEMENT VITE EFFACÉ PAR LE COUP DE RABOT ANNONCÉ DANS LES FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Après avoir dépassé le milliard d'euros en 2023 et continué de croître en 2024, les crédits du programme 131 « Création » se stabilisent en 2025 pour atteindre 1,06 Md€ en autorisations d'engagement (AE) et 1,04 Md€ en crédits de paiement (CP), soit respectivement une hausse de 3,2 % et une baisse de 0,14 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2024.

Les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » s'élèvent en 2025 à 857,7 M€ en AE et 807,5 M€ en CP, soit respectivement une hausse de 3,39 % et une baisse de 2,05 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Dans le contexte de maîtrise des finances publiques, la reconduction de la masse budgétaire de ces deux programmes à un niveau proche de celui de l'année dernière a été accueillie avec un certain soulagement par les acteurs de la culture qui redoutaient, après la coupe de 96 M€ en début d'année dans le programme « Création », une « seconde lame budgétaire » à l'automne.

Cette satisfaction, somme toute relative puisque le budget ne prend nullement en compte l'inflation qui percute largement le secteur culturel, a vite été ternie par l'annonce d'une ponction de 5 Md€ sur les recettes des collectivités territoriales, premiers financeurs des politiques culturelles. La direction générale de la création artistique (DGCA) reconnaît elle-même que le budget du programme « Création » a été construit sur l'hypothèse d'une participation financière stable, voire légèrement en baisse, des collectivités territoriales. Ce scénario n'est plus d'actualité, dès lors que tous les niveaux de collectivités seront affectés par les mesures d'économies demandées par l'État.

Prises dans leur globalité, les dépenses publiques culturelles sont aujourd'hui portées principalement par les communes et intercommunalités (80 %) et, dans une moindre mesure, par les régions (12 %) et les départements (9 %). Plus de la moitié de ces dépenses est consacrée au soutien à la création artistique et aux activités culturelles, tandis qu'un peu plus d'un tiers porte sur la conservation et la diffusion du patrimoine.

La création artistique, historiquement le pré carré du ministère de la culture, a vu une implication croissante des collectivités territoriales. Celles-ci apportent désormais près des trois quarts des financements du secteur, l'État n'étant plus qu'un financeur minoritaire.

Le soutien à la création artistique pâtit depuis plusieurs années de la fragilisation financière globale de ses contributeurs majoritaires.

Les réformes fiscales successives1(*), la non-indexation sur l'inflation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) due par l'État et les transferts de compétences sans compensation de charges affaiblissent les recettes des collectivités et amputent les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de leurs politiques de soutien et de développement à la culture. Voyant leurs marges budgétaires se restreindre, elles sont amenées à faire des arbitrages, au cours desquels la culture peut constituer une variable d'ajustement.

La coupe budgétaire dans les recettes des collectivités territoriales, qui serait selon certaines estimations d'une ampleur bien plus importante que les 5 milliards d'euros annoncés, change considérablement la donne budgétaire pour le secteur culturel.

II. UNE ASPHYXIE BUDGÉTAIRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI MENACE TOUT LE SYSTÈME DE FINANCEMENT ET DE GOUVERNANCE DE LA COMPÉTENCE CULTURELLE PARTAGÉE

Les politiques culturelles constituent une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Comparativement à une répartition obligatoire des compétences entre les différents échelons territoriaux, la compétence partagée présente l'avantage :

 de garantir aux élus locaux, de tous niveaux de collectivités, une marge d'intervention - qui est fonction de leur degré de volonté politique - et une souplesse d'organisation permettant d'adapter l'action culturelle aux spécificités de chaque territoire ;

 d'inciter aux partenariats de projets et aux financements croisés, contribuant ainsi au dynamisme de la vie culturelle locale.

L'inconvénient d'un tel système partenarial réside dans le fait que si l'une des collectivités se désengage - pour raison budgétaire ou par choix politique -, elle entraîne dans son sillon toutes les autres.

La restriction budgétaire imposée par l'État va retomber en cascade sur l'ensemble des collectivités territoriales qui, confrontées à l'aggravation de l'effet de ciseau de leurs finances, seront tentées ou contraintes de se recentrer sur leurs compétences obligatoires.

La rapporteure lance une alerte : compte tenu de l'étau budgétaire qui se resserre sur les collectivités territoriales, l'ensemble des compétences partagées est en danger. En 2025, la culture pourrait être la première touchée, notamment en l'absence de volonté politique forte pour préserver ce secteur qui, rappelle-t-elle, est un puissant levier anti-crise.

D'ores et déjà, des collectivités de toutes tailles ont annoncé leur moindre engagement dans le domaine culturel, ce qui va se traduire par des réductions voire des suppressions de subventions aux opérateurs, des retraits de participation à des projets culturels locaux co-construits, des désengagements financiers d'équipements structurants, des renoncements à investir. Les montants concernés pourraient varier d'une dizaine de milliers d'euros à plusieurs millions d'euros, selon la taille des collectivités concernées. Cette fragilisation sans précédent de l'ensemble du tissu culturel à l'échelle des territoires pourrait entraîner la fermeture de lieux, l'annulation d'évènements, la disparition d'associations et de compagnies et, par conséquence, la suppression de milliers d'emplois.

Même si, à ce stade, aucune évaluation ni cartographie nationale de ce phénomène n'est disponible, tous les signaux émanant du terrain sont au rouge. L'ensemble des interlocuteurs auditionnés par la rapporteure, qu'il s'agisse des professionnels de la culture ou des représentants des collectivités territoriales, a unanimement souligné la menace qui pèse sur les budgets culturels. La DGCA, qui dit partager cette inquiétude générale, a indiqué à la rapporteure être en train de procéder à un exercice d'observation le plus précis possible de la situation.

Ces défections annoncées à tous les niveaux ébranlent l'ensemble de l'édifice de la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Ce faisant, ce sont tous les pans des politiques publiques culturelles (création artistique, enseignement supérieur artistique, éducation artistique et culturelle...) qui sont menacés et, plus largement, la place de la culture dans la société qui est remise en question.

Avec cette fragilisation sans précédent du socle financier et coopératif des politiques culturelles dans les territoires, la rapporteure estime qu'un point de rupture est atteint.

III. UN SECTEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE DÉJÀ TRÈS FRAGILISÉ ET SOUFFRANT D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE SANS VISION STRATÉGIQUE

A. LA CRISE SYSTÉMIQUE DU SECTEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE

Cette conjonction budgétaire inédite intervient dans un contexte déjà très préoccupant pour le secteur de la création : le cumul de « chocs » qu'il a subi ces dernières années l'a progressivement plongé dans une grave crise financière, devenue aujourd'hui systémique car affectant toute son économie.

Sorties fragilisées de l'épisode sanitaire, en dépit du soutien financier de l'État et du retour des publics, les structures culturelles sont depuis trois ans très durement touchées par la crise inflationniste. La forte hausse de leurs dépenses énergétiques s'est répercutée sur d'autres postes budgétaires comme le transport, l'hébergement ou la maintenance des équipements. Leurs dépenses de personnels ont également progressé sous l'effet des mesures de revalorisation salariale. L'augmentation généralisée des coûts fixes, que le niveau des subventions publiques ne permet pas de compenser, a fait basculer un nombre croissant de structures dans une situation déficitaire. Pour les plus fragiles d'entre elles, l'enjeu aujourd'hui est leur survie financière.

Fin 2023, deux tiers des salles de musiques actuelles (SMAC), label dont l'économie est particulièrement fragile, étaient en déficit. À l'initiative de la rapporteure, leur ligne budgétaire a été spécifiquement augmentée l'année dernière (+ 3,68 M€ en LFI 2024), ce qui a permis de réduire le phénomène d'étranglement induit par l'inflation et le différentiel de subventionnement par rapport à d'autres labels. Le besoin de financement manquant est évalué à 2,72 M€.

Face à la détérioration de leurs finances, les établissements sont contraints de redimensionner leur programmation à la baisse, ce qui se traduit par la suppression d'un certain nombre de représentations, la réduction du nombre de nouvelles créations, l'accompagnement de projets artistiques de moindre envergure, la diminution du volume des actions artistiques et culturelles à destination des publics - autant d'arbitrages difficiles qui mettent à mal leurs missions en faveur de la diversité de l'offre artistique et de la démocratisation de la culture. Cette contraction de l'activité programmatique a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des vagues de départs et des suppressions de postes.

La seule marge de manoeuvre des établissements repose sur les tarifs de billetterie, mais ce levier est limité, d'une part, parce qu'il ne permet pas de lever des sommes importantes - les recettes de billetterie ne couvrent en général que 20 à 30 % des recettes globales -, d'autre part, parce qu'il doit être actionné avec prudence - le maintien de tarifs modérés ou, à tout le moins, différenciés est nécessaire pour garantir l'accès de tous aux pratiques culturelles.

Certaines collectivités territoriales ont tenté d'amortir cet enchaînement récessif par des aides exceptionnelles aux structures culturelles. Dans la configuration budgétaire qui s'annonce, elles risquent de n'être plus en capacité de le faire.

B. UNE POLITIQUE MINISTÉRIELLE PEU STRUCTURANTE

Ces dernières années, l'action du ministère en direction du secteur de la création a surtout consisté en un lancement successif de programmes, de plans, de fonds. Si la rapporteure ne remet pas en cause les constats ayant présidé à leur élaboration ni les réflexions nécessaires qu'ils suscitent sur l'évolution du modèle économique du secteur, elle s'interroge sur la pertinence d'une telle approche fragmentée qui s'apparente plus à du saupoudrage de crédits qu'à une politique publique cohérente et structurante.

Le programme « Mieux produire, mieux diffuser » 

2024 a été marquée par le lancement du programme « Mieux produire, mieux diffuser », destiné, d'une part, à aider les établissements à reconstituer leurs marges artistiques, d'autre part, à refonder le système de production et de diffusion en développant les coopérations et les mutualisations. Le dispositif repose sur un effet de levier : les crédits prévus par l'État sont délégués aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui les répartissent entre les structures labellisées ou conventionnées, lesquelles s'engagent dans la mise en oeuvre du plan à condition de bénéficier d'un soutien complémentaire des collectivités territoriales.

Malgré la communication du ministère sur le mode de financement « 1 euro État, 1 euro collectivités », cette première année s'est caractérisée par une mobilisation plus forte des collectivités que celle attendue. Aux 8,7 M€ accordés par l'État (sur les 9 millions budgétés), les collectivités ont répondu par un effort de 12,5 M€, pour 254 structures bénéficiaires.

En 2025, le ministère prévoit de reconduire sa participation à l'identique (9 M€) pour les structures déjà bénéficiaires. Il n'y aura, en revanche, pas de nouveaux entrants dans le dispositif. La contribution des collectivités territoriales sera, quant à elle, tributaire des arbitrages budgétaires à venir. Il est donc à craindre que le double pilier de financement du programme soit fortement ébranlé par la diminution des budgets culturels territoriaux.

Le plan « Culture et ruralité »

Faisant suite à la concertation nationale lancée par le ministère et intitulée « Printemps de la ruralité », le plan « Culture et ruralité », présenté en juillet dernier, vise à renforcer la place de la culture dans les territoires ruraux et à améliorer l'accès de leurs habitants à l'offre culturelle.

S'articulant autour de 4 axes principaux2(*), il est composé de 23 mesures, dont plusieurs concernent plus spécifiquement le secteur de la création comme le soutien aux pratiques culturelles festives des territoires, l'aide aux festivals en ruralité pour le déploiement d'actions tout au long de l'année, le développement d'un réseau de 100 artothèques, la facilitation de l'embauche temporaire d'artistes par les cafés, mairies et lieux polyvalents en zone rurale... 15 de ces mesures seront mises en oeuvre par l'administration centrale ou ses opérateurs, 8 par les DRAC, en lien avec l'ensemble des acteurs des territoires ruraux (collectivités, associations, structures culturelles...).

L'enveloppe budgétaire globale annoncée s'élève à 98 M€ sur trois ans. Le ministère indique que, d'ici la fin de l'année, 19 des 23 mesures seront lancées pour 20,5 M€ engagés. Leur déploiement se poursuivra en 2025 pour un montant prévu de 14 M€.

Pour la rapporteure, ce plan a le mérite de mettre un coup de projecteur sur les dynamiques artistiques et culturelles à l'oeuvre dans les territoires ruraux, trop souvent reléguées au second plan, voire ignorées. Elle regrette cependant une certaine forme de condescendance à considérer la culture en milieu rural sous le prisme principal des « villages en fête » (dénomination de l'une des mesures).

Lui ont également été remontées plusieurs carences dans le démarrage du dispositif : l'insuffisante information des maires ruraux sur son existence et ses modalités, alors qu'ils sont censés être des partenaires privilégiés, l'absence d'un véritable portage politique qui permettrait de le rendre concrètement perceptible dans les territoires, les incertitudes sur la capacité des collectivités - au premier chef les départements - à en être des relais, notamment sur le plan de l'ingénierie culturelle, compte tenu de leur situation budgétaire très dégradée.

Le fonds d'innovation territoriale (FIT)

Lancé en 2022, le FIT a été mis en place par le ministère pour soutenir des projets culturels innovants, ancrés dans les territoires et engagés dans une dynamique de participation des citoyens. Le fonds s'appuie sur les DRAC, qui sont invitées chaque année à identifier puis à transmettre des projets à l'administration centrale, en fonction de critères prédéfinis. Les principaux critères de sélection sont : la présence d'un caractère innovant, l'inscription dans un partenariat avec une ou plusieurs collectivités territoriales, l'intégration d'un objectif de participation ou de co-construction avec des habitants, ainsi que l'inscription dans un territoire rural ou un quartier prioritaire de la politique de la ville.

En 2022, le budget engagé pour soutenir des projets dans ce cadre s'élevait à 4,2 M€. En 2023 et 2024, l'enveloppe dédiée au FIT a été portée à 5 M€. 150 projets ont été soutenus en 2022, un peu plus de 200 en 2023 et 2024.

La rapporteure note de fortes disparités dans la répartition territoriale des crédits. Elle s'interroge également sur le caractère peu innovant d'un certain nombre de projets soutenus, contrairement à la cible initialement visée.

Comme l'année 2025 marquera la fin d'un premier cycle pour le FIT - le subventionnement de la majeure partie des projets prenant fin en 2024 (projets soutenus en 2022 pour trois ans ou en 2023 pour deux ans) -, la rapporteure souhaite qu'elle soit mise à profit pour dresser un bilan exhaustif de ce fonds, mission qui pourrait être confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC).

Acteurs incontournables du déploiement de ces dispositifs au niveau territorial, tant en termes d'observation des besoins, de gestion des crédits déconcentrés que d'animation du réseau culturel local, les DRAC sont dans une situation très préoccupante sur le plan de leurs moyens humains, qui ne leur permet pas d'assurer pleinement leurs missions. Leurs conseillers « création » sont peu nombreux et extrêmement mobilisés, la fusion des régions ayant considérablement développé leur périmètre d'intervention, sans que leur répartition globale ne soit toujours harmonisée. Comparaison particulièrement révélatrice, les effectifs de la plus grande DRAC de France, celle d'Ile de France, sont moins importants que ceux de la société anonyme simplifiée (SAS) qui gère le pass Culture.

C. LES FESTIVALS : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET CULTUREL À RÉINVENTER

Alors que l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) avait suscité beaucoup d'inquiétudes sur l'édition 2024 des festivals, les résultats du baromètre établi par le ministère montrent que leur impact direct a été très limité : 98 % des festivals ont eu lieu comme prévu et 10 % des festivals répondants ont signalé avoir rencontré des perturbations liées aux JOP. Compte tenu de ces effets très circonscrits, il n'est pas prévu de mettre en place des mesures compensatoires comme cela avait été un temps envisagé.

En revanche, ce même baromètre confirme la situation de fragilisation économique des festivals : 48 % se déclarent déficitaires à l'issue de l'édition 2024 et parmi ceux dont le taux de remplissage est supérieur à 90 %, 44 % sont déficitaires. Les difficultés économiques constituent la première cause d'annulation.

Malgré une fréquentation en hausse et de bons taux de remplissage, les recettes de billetterie (en hausse pour 41 % des festivals) ne permettent plus de couvrir les augmentations des coûts techniques, artistiques et de sécurité auxquels les festivals font face depuis plusieurs années. Les subventions des collectivités territoriales, premiers partenaires des festivals, sont dépendantes de la santé financière de ces dernières ; elles ont baissé pour 28 % des festivals et sont en hausse pour 21 % d'entre eux. Le secteur se dit d'ailleurs très inquiet des conséquences des restrictions budgétaires qui s'annoncent pour 2025 dans les territoires.

Le baromètre confirme aussi l'incidence croissante des aléas climatiques sur les festivals, qui sont désormais la deuxième cause de difficultés derrière celles de nature financière, provoquant des changements de lieux, de dates, des annulations partielles ou totales. À cette exposition croissante aux risques climatiques, viennent s'ajouter l'évolution des pratiques festivalières, particulièrement perceptible depuis la crise sanitaire, de nouvelles obligations réglementaires (comme celles découlant du décret « Son »), la prise en compte de l'enjeu de l'éco-responsabilité, autant de problématiques qui montrent la nécessité de réinterroger le modèle des festivals.

Ayant consacré une table ronde à ce sujet avec les représentants du secteur, la rapporteure rappelle que le festival est, par essence, une économie du risque (risque programmatique, risque climatique...), qui mérite de ce fait un accompagnement des pouvoirs publics. Elle souligne également le rôle structurant des festivals dans la vie culturelle des territoires, notamment en milieu rural où des expériences festivalières novatrices voient le jour.

La DGCA a indiqué à la rapporteure qu'une évaluation complète de la politique des festivals menée par le ministère depuis 2022 sera conduite par l'IGAC en 2025. Elle a aussi annoncé l'ouverture d'une concertation sur l'avenir des festivals, en réponse à la demande des organisations professionnelles. Plusieurs réunions de travail sont d'ores et déjà programmées pour le début de l'année prochaine. La rapporteure, qui accueille très favorablement cette initiative, appelle le ministère à y associer étroitement les collectivités territoriales.

IV. UN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES PERSISTANTES

A. LES ÉCOLES SUPÉRIEURES D'ART : UN « PLAN GLOBAL » DE RÉFORME QUI TARDE À SE CONCRÉTISER

Très majoritairement financées par les collectivités (à hauteur de plus de 80 %) à l'origine de leur création, les écoles d'art territoriales, qui délivrent le même diplôme national que les écoles nationales d'art, sont faiblement accompagnées par l'État, en dépit de la progression de ses dotations ces dernières années. La part de l'État dans leur financement s'établit en moyenne à 12 % et connaît d'importants écarts selon les écoles (part variant de 2 % à 37 %).

Ces écoles sont victimes d'un effet ciseaux, sous l'effet d'une augmentation de leurs charges (augmentation du point d'indice et du glissement vieillesse-technicité, hausse du coût de l'énergie, inflation, recrutements induits par les nouvelles missions et par l'alignement sur les exigences de l'enseignement supérieur) et d'une tendance à la baisse des subventions des collectivités territoriales. Auparavant en régie directe, leur transformation au début des années 2010 en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) a eu pour effet de distendre les liens que les collectivités territoriales entretenaient avec elles.

S'ajoute à ces difficultés financières des problèmes structurels relatifs, en particulier :

Ø au statut des enseignants de ces écoles, à la fois incompatible avec les obligations du schéma Licence-Master-Doctorat, notamment en matière de recherche, et incohérent avec le caractère professionnalisant de ces écoles ;

Ø aux difficultés de gestion des ressources humaines rencontrées par ces établissements ;

Ø aux enjeux d'articulation de ces écoles avec l'écosystème professionnel ;

Ø à la non-exonération des droits d'inscription des étudiants boursiers, faute de moyens dédiés pour en assurer la prise en charge.

Début 2023, les alertes lancées par les écoles supérieures d'art territoriales, faisant état du risque qu'un tiers d'entre elles termine l'année en déficit, ont poussé le ministère à débloquer une enveloppe d'urgence de 2 M€, répartie entre les écoles selon plusieurs critères (notamment gravité de la situation de l'établissement, convergence des dotations vers la moyenne de 1 700 euros par étudiant, prise en compte du niveau de soutien financier des collectivités territoriales). Parallèlement, le ministre a commandé un rapport à Pierre Oudart pour dresser un diagnostic complet de leur situation. Constatant que ces écoles « n'ont jamais été, depuis près de quinze années, vraiment défendues sur le plan budgétaire au sein de l'appareil de l'État », ce rapport évoque plusieurs pistes d'évolution qui nécessiteraient d'abonder le budget du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de 6 M€, notamment une compensation totale ou partielle par l'État des droits d'inscription versés par les étudiants boursiers et un plan pluriannuel de refinancement de ces écoles.

Interrogée par la rapporteure sur la suite donnée à ces recommandations, la direction générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) indique qu'« en l'état actuel, la mise en oeuvre de ces mesures ne peut être envisagée ». À ce jour, la seule mesure budgétaire notable est le « soclage » en 2024 de l'aide d'urgence de 2 M€, obtenue en gestion 2023. Pour 2025, la subvention de fonctionnement versée à ces écoles est reconduite à hauteur de 21,5 M€ en CP.

Au début de l'année, la nouvelle ministre a annoncé « un plan global » de réforme des écoles supérieurs d'art territoriales. La rapporteure constate que celui-ci tarde à se concrétiser, le ministère n'étant encore que dans une phase de diagnostic :

un projet de cartographie de l'offre de formation publique et privée en art dans les 13 régions académiques de métropole a été engagé ; il est en cours pour les régions Hauts-de-France et Occitanie ;

une enquête annuelle sur les moyens humains, matériels et financiers des écoles est également en cours ;

en revanche, la mission confiée à l'IGAC et à la DGCA pour objectiver la situation financière de ces écoles n'a pas encore été engagée, alors que le rendu de ses travaux était initialement prévu pour la fin de cette année.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement visant à accroître de 1,6 M€ les crédits de l'État en faveur de ces écoles au titre de la compensation de l'exonération des étudiants boursiers du paiement des frais d'inscription. Cette mesure vise à mettre fin à l'inégalité de traitement subie par ces étudiants par rapport à ceux des autres établissements de l'enseignement supérieur.

B. LES ÉCOLES SUPÉRIEURES D'ARCHITECTURE DANS L'ATTENTE DE LA NOUVELLE STRATÉGIE NATIONALE DE L'ARCHITECTURE

À la suite du mouvement de grève national survenu début 2023, les écoles supérieures d'architecture (ENSA) ont vu leurs moyens financiers renforcés ces deux dernières années : courant 2023, 3 M€ supplémentaires leur ont été accordés pour des mesures en faveur de la vie étudiante ; en LFI 2024, près de 15 M€ en mesures nouvelles leur ont été octroyés (augmentation des bourses, des subventions de fonctionnement, des investissements courants...). De nouveaux postes d'enseignants et de personnels administratifs ont également été créés et une 21ème école nationale verra le jour au 1er janvier 2025 sur l'île de la Réunion.

Même si ces mesures ont été bien accueillies par les ENSA, leur ampleur n'est pas de nature à leur apporter les marges de manoeuvre suffisantes pour faire face à l'augmentation de leurs charges (masse salariale, prestations extérieures, frais immobiliers). Une dizaine d'entre elles sont aujourd'hui en situation déficitaire.

Pour 2025, une légère baisse (- 0,45 M€ en AE et CP) de leurs dotations en fonds propres est à signaler.

L'année 2025 sera également marquée par une nouvelle stratégie nationale de l'architecture (SNA), près de dix ans après la première, l'objectif étant de l'actualiser au regard des nouveaux défis économiques et sociétaux. La rapporteure appelle le ministère à intégrer pleinement l'enseignement supérieur et la recherche en architecture à cette nouvelle stratégie, qui doit être l'occasion de donner un cap stratégique aux ENSA.

V. LA RÉFORME DU PASS CULTURE : LE NÉCESSAIRE REDIMENSIONNEMENT STRATÉGIQUE ET BUDGÉTAIRE DU DISPOSITF

A. UN DISPOSITIF PLÉBISCITÉ PAR LES JEUNES, MAIS QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS DE SERVICE PUBLIC

Si la part individuelle du pass Culture répond aux objectifs quantitatifs qui lui ont été assignés, sa capacité à réduire les inégalités d'accès à la culture chez les jeunes et à diversifier leurs pratiques culturelles n'est pas probante. Tel est le constat sur lequel se rejoignent deux récents travaux d'évaluation menés à un an d'écart, le premier par la commission des finances du Sénat3(*), le second par l'IGAC.

RÉPARTITION DES ACHATS PAR SECTEUR SELON LEUR MONTANT

Sur le plan budgétaire, la part individuelle du pass Culture a capté une large part des augmentations de crédits du programme 361, dont il représente désormais 25 %.

Le PLF 2025 prévoit une dotation stable à 210,5 M€ de crédits (AE = CP).

B. LA RÉFORME EN PRÉPARATION : UNE OCCASION À SAISIR POUR FAIRE DU PASS CULTURE UN OUTIL AU SERVICE DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE

Dans un contexte de remise en question croissante du pass Culture, la ministre a annoncé, début octobre, une réforme « en profondeur » du dispositif. Estimant qu'il « reste encore, trop souvent, un instrument de consommation culturelle et de reproduction sociale », elle a indiqué que deux défis restaient à relever : diversifier les publics et diversifier leurs pratiques culturelles.

Selon les informations transmises à la rapporteure par la DG2TDC, qui travaille en liaison avec la SAS pass Culture et les différents services des ministères concernés, les objectifs de la réforme et ses modalités envisagées sont les suivants, étant précisé que la publication des textes réglementaires est prévue d'ici la fin de l'année pour une entrée en vigueur avant le printemps 2025 :

Objectifs principaux de la réforme

- Maintenir les progrès de l'appropriation du dispositif par les jeunes

- Favoriser les jeunes issus de milieux les plus modestes

- Soutenir la diversité de leurs parcours culturels, notamment dans le domaine du spectacle vivant

- Respecter les nouvelles contraintes budgétaires

Modalités à l'étude

- Réduction du versement des dotations à deux tranches d'âge (15 ou 16 ans, puis 18 ans)

- Baisse du montant de la part individuelle (amenée de 300 € à 200 € ou 150 €)

- Création d'une dotation de 50 € à 100 € soumise à condition de ressources (« Coup de pouce Culture »)

- Création d'une enveloppe de 50 € réservée à des pratiques culturelles de découverte

La rapporteure a souhaité organiser une table ronde réunissant l'ensemble des parties prenantes au pass Culture (jeunes usagers, représentants des secteurs professionnels, SAS pass Culture), afin de recueillir leur avis sur le dispositif actuel et les modalités de la réforme à venir. De ces échanges nourris et constructifs, il en ressort les éléments suivants :

Ø le pass Culture, dans son volet individuel, repose sur le libre choix des jeunes, principe auquel tous se sont dits très attachés, mais qui n'exclut pas un accompagnement par des tiers (entourage, professionnels de la culture...) pour les guider dans leurs choix et susciter leur curiosité ;

Ø il existe une utilisation collective de la part individuelle, qui révèle un effet d'entraînement entre jeunes ;

Ø la gratuité de certaines offres culturelles sur la plateforme a un réel effet incitatif ;

Ø l'écart entre les montants du pass à 15, 16 et 17 ans et son montant à 18 ans est trop important : un lissage serait nécessaire ;

Ø l'option d'une modulation du montant de la part individuelle en fonction du milieu social est globalement jugée intéressante ;

Ø l'option d'une enveloppe exclusivement dédiée à certaines pratiques culturelles n'est pas bien reçue : elle va à l'encontre du principe de la liberté de choix des jeunes et ne garantit pas à elle seule une diversification des pratiques ;

Ø la médiation culturelle est déterminante pour susciter l'intérêt des jeunes à s'ouvrir à de nouvelles pratiques ;

Ø le pass Culture, dans son volet collectif, n'est pas bien connu des jeunes : la communication mérite d'être renforcée ;

Ø l'usage de la part collective mériterait d'être concerté voire co-géré avec les jeunes.

Partageant ces constats et appréciations, la rapporteure insiste aussi sur la nécessité de travailler le continuum entre la part individuelle et la part collective, et les moyens permettant de faciliter l'accès aux infrastructurelles culturelles des jeunes qui en sont éloignés.

Elle juge enfin indispensable l'intégration de la SAS pass Culture sur la liste des opérateurs de l'État. Son coût de fonctionnement, de 12 % de son budget total, représente une somme non négligeable (30 M€), qui justifie un contrôle par la représentation nationale de l'évolution de son budget et de ses emplois.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 27 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de notre collègue Karine Daniel sur les crédits consacrés à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture.

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits de la création, de la transmission et de la démocratisation de la culture. - Les deux programmes de la mission « Culture » dont j'ai la charge, le programme « Création » et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » voient, en 2025, leur dotation budgétaire respective reconduite à un niveau proche de celui de 2024 : 1,04 milliard d'euros pour le premier, 807,5 millions d'euros pour le second.

Ce statu quo budgétaire a été accueilli avec un certain soulagement par les acteurs de la culture qui redoutaient, après la coupe de 96 millions d'euros en début d'année dans le programme « Création », une « seconde lame budgétaire » à l'automne. Ce soulagement a cependant vite été balayé par l'annonce d'une ponction sur les recettes des collectivités territoriales, au titre de leur participation à l'effort budgétaire national. Or, comme vous le savez, les collectivités sont aujourd'hui les premiers financeurs des politiques culturelles. Pour le seul secteur de la création, le financement provient aux trois quarts des collectivités et à un quart seulement de l'État.

Lors de son audition, la direction générale de la création artistique (DGCA) a elle-même reconnu que la stabilité budgétaire du programme « Création » a été construite sur une hypothèse de participation stable, au pire légèrement en baisse, des collectivités territoriales. Ce scénario n'est plus d'actualité avec le coup de rabot dans leurs recettes. Celui-ci va en effet avoir des répercussions en cascade sur l'ensemble des collectivités qui seront tentées ou contraintes de se recentrer sur leurs compétences obligatoires. Il faut donc s'attendre, dans les territoires, à des baisses ou des suppressions de subventions aux acteurs culturels, des retraits de participation à des projets culturels locaux, des désengagements financiers d'équipements structurants, des renoncements à investir, avec, pour conséquences, la fermeture de lieux, l'annulation d'évènements, la disparition d'associations et de compagnies, la suppression d'emplois.

D'ores et déjà, des collectivités de toute taille ont annoncé leur moindre engagement en faveur de la culture. Comment ne pas citer un exemple que je connais bien, celui de la région Pays de la Loire, où les coupes s'élèveraient à 73 % du budget, avec des effets catastrophiques sur l'ensemble du secteur. Je pense aussi au département du Nord, qui a indiqué ne plus être en mesure de financer le dispositif Collège au cinéma. En audition, notre collègue Laure Darcos a également mentionné le cas de son département, l'Essonne, qui ne serait plus en capacité de financer le festival « Essonne en scène ». Les exemples se multiplient au fur et à mesure de l'examen du budget des collectivités, et certaines d'entre elles ont décidé de décaler leur vote.

Même si, à ce stade, aucune évaluation précise de cette tendance n'est disponible - la DGCA m'a dit y travailler -, tous les signaux émanant du terrain sont au rouge, comme nous l'ont confirmé les représentants des collectivités territoriales que nous avons entendus. Ces défections annoncées à tous les niveaux ébranlent l'ensemble de l'édifice de la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Ce sont tous les pans des politiques publiques culturelles - création artistique, enseignement supérieur artistique, éducation artistique et culturelle - qui sont menacés et, plus largement, la place de la culture dans la société qui est remise en question. Je crois que nous atteignons là un point de rupture qui doit collectivement nous conduire à nous interroger.

Un tel choc sur le service public culturel viendrait s'ajouter à ceux qu'il a successivement subis ces dernières années. Après l'épisode sanitaire, le contexte inflationniste a plongé le secteur de la création dans une grave crise financière devenue systémique. Comme la DGCA l'a elle-même reconnu, le niveau des subventions publiques ne permet pas de compenser la hausse des charges du secteur. Fin 2023, 45 % des structures labellisées étaient en déficit, et cette situation s'est dégradée en 2024.

Face à la détérioration de leurs finances, les établissements sont contraints de redimensionner leur programmation à la baisse - au cours de la saison 2023-2024, plus d'un spectacle sur quatre a été supprimé -, mettant à mal leurs missions en faveur de la diversité de l'offre artistique et de la démocratisation de la culture. Cette contraction de l'activité programmatique a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par une importante vague de départs et de nombreuses suppressions de postes.

Dans la nouvelle configuration budgétaire qui s'annonce, les collectivités ne seront plus en capacité d'amortir cet enchaînement récessif par des aides exceptionnelles.

Au regard de cet état des lieux très sombre, je vous présenterai tout à l'heure un amendement visant à réabonder le secteur de la création à hauteur de 50 millions d'euros. Pour financer cette revalorisation, je propose de réduire d'autant la dotation à la part individuelle du pass Culture. C'est d'ailleurs l'une des recommandations du rapport d'information de nos collègues Else Joseph, Sylvie Robert et Monique de Marco sur l'évaluation du volet « création » de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP).

Ce cadre budgétaire général posé, je souhaite à présent vous faire part de plusieurs éléments d'analyse sur le secteur de la création.

Le premier concerne l'action menée par le ministère ces dernières années. Celle-ci a surtout consisté en un lancement successif de programmes, de plans, d'outils spécifiques. Je ne remets pas en cause les constats qui ont précédé leur élaboration, ni les réflexions nécessaires qu'ils suscitent sur l'évolution du modèle économique du secteur. Mais je m'interroge sur la pertinence d'une telle approche fragmentée qui s'apparente plus à du saupoudrage de crédits qu'à une politique publique cohérente et structurante.

Je prendrai trois exemples.

Tout d'abord, le programme Mieux produire, mieux diffuser, qui a démarré cette année, poursuit un objectif louable : refonder le système de production et de diffusion en développant les coopérations et les mutualisations. Mais quid de son efficacité concrète ?

Malgré la communication du ministère sur le mode de financement « 1 euro État, 1 euro collectivités », cette première année s'est caractérisée par une mobilisation plus forte des collectivités que celle qui était attendue. Aux 8,7 millions d'euros accordés par l'État, les collectivités ont répondu par un effort de 12,5 millions d'euros, pour 254 structures bénéficiaires.

Pour ces dernières, le ministère prévoit de reconduire en 2025 sa participation à l'identique : en revanche, il n'y aura pas de nouveaux entrants dans le dispositif. Quant à la contribution des collectivités territoriales l'année prochaine, celle-ci sera diminuée. Il me semble qu'il aurait été de meilleure politique d'activer le levier des aides à la création artistique, en les conditionnant par exemple à des objectifs de nombre de représentations, de mutualisations, de soutenabilité écologique.

Ensuite, le plan Culture et ruralité, présenté en juillet dernier par la ministre, a le mérite de mettre un coup de projecteur sur les dynamiques culturelles à l'oeuvre dans les territoires ruraux, trop souvent reléguées au second plan. Je regrette cependant une certaine forme de condescendance à considérer la culture en milieu rural sous le prisme principal des « villages en fête ».

Lors des auditions, m'ont également été remontées plusieurs carences dans le démarrage du dispositif : l'insuffisante information des maires ruraux qui n'ont pas toujours connaissance de ses modalités ni même de son existence ; l'absence d'un véritable portage politique qui permettrait de rendre ce plan concrètement perceptible dans les territoires ; les incertitudes sur la capacité budgétaire des collectivités, notamment des départements, à en être des relais, par exemple sur le plan de l'ingénierie culturelle.

Enfin, le fonds d'innovation territoriale (FIT), lancé en 2022 pour soutenir des projets culturels innovants dans les territoires, et doté d'une enveloppe annuelle de 5 millions d'euros, a permis de financer entre 150 et 200 projets chaque année. Je note cependant de fortes disparités dans la répartition territoriale de ces crédits et le caractère peu innovant de certains projets soutenus. Comme l'année 2025 marquera la fin d'un premier cycle de trois ans pour le FIT, je crois nécessaire que ce dispositif fasse l'objet d'une évaluation complète.

Je terminerai ce volet en disant quelques mots sur la situation des festivals, à laquelle j'ai souhaité consacrer une table ronde. L'impact de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui avait suscité beaucoup d'inquiétudes, a finalement et heureusement été très limité : 98 % des festivals ont eu lieu comme prévu. Le vrai enjeu pour les festivals, c'est l'avenir de leur modèle économique et culturel.

À l'issue de l'édition 2024, 48 % d'entre eux étaient déficitaires, et ce malgré de bons, voire d'excellents taux de remplissage. Cela s'explique par une explosion de leurs coûts techniques, artistiques et relatifs à la sécurité. À ces contraintes budgétaires s'ajoutent celles qui sont liées aux aléas climatiques, à l'évolution des pratiques festivalières, à l'éco-responsabilité, autant de sujets qui appellent une réflexion de fond sur l'ensemble de la filière.

À la demande des organisations professionnelles, le ministère a accepté d'ouvrir une concertation, qui débutera en début d'année prochaine, ce qui est une très bonne chose. J'espère que les collectivités territoriales y seront associées, car elles sont les premiers partenaires des festivals.

J'en viens maintenant à l'enseignement supérieur artistique, qui voit ses crédits stabilisés l'année prochaine.

Pour rappel, le secteur avait fait l'objet de mesures d'aide d'urgence en 2023 et 2024, à la suite des mouvements de grève survenus d'abord dans les écoles nationales d'architecture, puis dans les écoles d'art territoriales. Si ces aides ont permis d'apporter un peu d'oxygène à ces écoles, leur ampleur ne suffit pas à leur redonner de réelles marges de manoeuvre budgétaires.

Le rapport Oudart chiffrait à 6 millions d'euros le besoin de réabondement des écoles d'art territoriales. À ce jour, elles n'ont reçu que 2 millions d'euros supplémentaires. Un plan global de réforme a été annoncé par la ministre en début d'année, mais celui-ci tarde à se concrétiser. Seule une cartographie de l'offre de formation en art sur le territoire est en cours et encore, dans deux régions seulement. La mission de diagnostic confiée à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et à la DGCA pour objectiver la situation financière de ces écoles n'a, quant à elle, toujours pas été engagée.

Afin d'envoyer un signal fort en direction de ces établissements, je vous proposerai un amendement visant à leur accorder 1,6 million d'euros au titre de la compensation de l'exonération de leurs étudiants boursiers du paiement des frais d'inscription. Cette mesure vise à mettre fin à une inégalité de traitement entre étudiants, dénoncée depuis plusieurs années, mais jamais réglée - la ministre nous a répondu sur ce point lors de son audition.

Quant aux écoles nationales d'architecture, elles sont dans l'attente de la nouvelle stratégie nationale de l'architecture, qui devrait être présentée d'ici à la fin de l'année. J'appelle le ministère à les y intégrer pleinement et à profiter de cette occasion pour leur donner enfin un cap stratégique.

Je terminerai par un sujet qui fait couler beaucoup d'encre : la réforme du pass Culture, annoncée par la ministre début octobre.

Deux travaux d'évaluation récents, celui qui a été mené par deux de nos collègues de la commission des finances en 2023 et celui qui a été réalisé par l'Igac en 2024, dressent un même constat : la part individuelle du dispositif répond aux objectifs quantitatifs qui lui ont été assignés, mais sa capacité à réduire les inégalités d'accès à la culture chez les jeunes et à diversifier leurs pratiques culturelles n'est pas avérée. Autrement dit, le pass Culture apparaît comme une plateforme d'achats efficace, mais peine à atteindre ses objectifs de service public.

Sur le plan budgétaire, son volet individuel a capté une large part des augmentations de crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont il représente désormais 25 %. Sa dotation pour l'année prochaine est, pour la première fois, stabilisée, à hauteur de 210,5 millions d'euros. Pour rappel, la part collective du pass Culture ne relève pas de ce programme, mais de la mission « Enseignement scolaire ».

Le projet de réforme entend, pour un coût maîtrisé, recentrer le dispositif sur ses objectifs initiaux.

Concernant la part individuelle, quatre évolutions sont à l'étude : premièrement, la réduction de son versement à deux tranches d'âge au lieu de quatre actuellement ; deuxièmement, la baisse du montant versé à 18 ans, de 300 euros à 200 ou 150 euros ; troisièmement, l'instauration d'un « coup de pouce » de 50 à 100 euros, soumis à condition de ressources ; quatrièmement, la création d'une enveloppe de 50 euros réservée à des pratiques culturelles de découverte.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, j'ai voulu organiser une table ronde réunissant l'ensemble des parties prenantes - jeunes usagers, représentants des secteurs professionnels, société anonyme simplifiée (SAS) pass Culture - pour recueillir leur réaction à ce projet de refonte.

De ces échanges très instructifs, je tire les constats suivants :

- le pass Culture, dans son volet individuel, repose sur le libre choix des jeunes, principe qu'il convient de préserver, même s'il n'exclut pas, bien au contraire, des mesures d'accompagnement par des tiers pour les guider dans leurs choix et susciter leur curiosité ;

- l'écart entre les montants du pass à 15, 16 et 17 ans et son montant à 18 ans est trop important : un lissage pourrait être envisagé, afin que les jeunes s'approprient progressivement l'outil ;

- l'option d'une modulation du montant en fonction des ressources est jugée intéressante, même si elle ne suffira pas à réduire les inégalités sociales d'accès à la culture ;

- l'option d'une enveloppe exclusivement dédiée à certaines pratiques culturelles n'est pas jugée pertinente : elle va à l'encontre du principe de la liberté de choix des jeunes et ne garantit pas à elle seule une diversification des pratiques ;

- le développement de la médiation culturelle est un préalable indispensable pour susciter l'intérêt des jeunes à s'ouvrir à de nouvelles pratiques : ce volet a été jusqu'à présent trop négligé ;

- s'agissant de la part collective du pass, la communication apparaît insuffisante et son usage au sein des établissements scolaires mériterait d'être mieux concerté avec les jeunes.

À ces appréciations, que je partage, j'ajouterai la nécessité de travailler le sujet de l'accès aux infrastructures culturelles pour les jeunes qui en sont les plus éloignés - notamment dans les territoires ruraux - et celui du continuum entre la part individuelle et la part collective.

Enfin, je crois indispensable de procéder à l'intégration de la SAS pass Culture sur la liste des opérateurs de l'État. Son coût de fonctionnement représente une somme non négligeable, de l'ordre de 30 millions d'euros, qui justifie un contrôle par la représentation nationale de l'évolution de son budget et de ses emplois.

Comme vous le savez, nos collègues de la commission des finances ont adopté un amendement visant à limiter le bénéfice de la part individuelle du pass Culture aux seuls élèves boursiers de l'éducation nationale, et à diminuer sa dotation à 125 millions d'euros. Ce ciblage du périmètre des bénéficiaires ne me paraît pas du tout pertinent : quid de l'émancipation culturelle des jeunes non scolarisés ou des jeunes non boursiers, mais éloignés géographiquement de l'offre culturelle ?

Quant au redimensionnement budgétaire proposé, il est complètement disproportionné. Il y a là, me semble-t-il, un manque de finesse dans l'analyse qui appellerait un autre positionnement de notre commission...

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits des programmes 131 et 361.

Mme Else Joseph. - Merci pour ce rapport que j'ai écouté avec attention, d'autant qu'il s'inscrit dans un contexte particulier.

S'agissant du programme « Création », nous nous réjouissons de l'augmentation - même légère - des crédits, qui concernent le spectacle vivant, les arts visuels, mais aussi le soutien à l'emploi et la restructuration des professions du ministère de la culture.

Le volet ruralité est abordé pour la première fois au travers du plan Culture et ruralité, annoncé en juillet dernier. On ne peut que s'en réjouir - mieux vaut tard que jamais ! Ce plan prévoit l'embauche occasionnelle d'artistes dans les communes de moins de 3 500 habitants, le renforcement de la mise à disposition d'un service d'emprunt d'oeuvres d'art à destination des zones rurales, ou l'appui à des festivals hors saison estivale.

Néanmoins, comme cela a été relevé à l'Assemblée nationale, on peut regretter le manque d'ambition des mesures en faveur de la création ou des publics éloignés. Comment accentuer ce soutien en zone rurale ? Comment faciliter le recrutement dans ces territoires et venir en aide aux scènes de musiques actuelles (Smac) ? À l'instar de la rapporteure, je constate un manque de connaissance du dispositif sur le terrain.

J'en viens au théâtre privé et au spectacle vivant.

La nécessité de relever le plafond de la taxe sur les spectacles d'art dramatique et de la taxe sur les spectacles de variétés avait déjà été soulevée. J'ai déposé des amendements en ce sens dans le présent projet de loi de finances (PLF). En outre, un récent rapport de l'Igac a pointé certaines difficultés concernant les aides de l'association pour le soutien du théâtre privé (ASTP). Comment soutenir, dans un cadre transparent, tous les théâtres privés exclus du système actuel ? Comment réformer la gouvernance et l'organisation de l'ASTP ? En bref, comment aboutir à un soutien satisfaisant du théâtre et du spectacle vivant ? Et comment toucher l'ensemble des publics visés ?

Concernant le Centre national de la musique (CNM), l'actualité est dominée par la mise en place de la taxe streaming. Les recettes s'avèrent décevantes par rapport à ce qui avait été annoncé. Le sujet ayant déjà été abordé en commission ces dernières semaines, je ne reviendrai pas sur le bilan de cette taxe, ni sur la manière dont le CNM pourrait continuer à assurer sa mission de soutien à toutes les musiques. Cette année, nous avons constaté des recettes de billetterie importantes, mais des interrogations demeurent sur le financement de la filière.

Je souhaite également évoquer la situation des festivals. Les contraintes s'accentuent, notamment avec la hausse des coûts de l'énergie et les restrictions imposées aux collectivités territoriales en termes de sécurité. Les difficultés conjoncturelles liées, par exemple, à la crise sanitaire ou aux JOP, sont devenues structurelles. Aujourd'hui, c'est la pérennité du modèle économique des festivals qui est en jeu.

Concernant la transmission et la démocratisation des savoirs, la question de la réorientation du pass Culture est centrale. Les années précédentes, nous avions alerté sur le risque que ce dispositif fasse office de carnet de chèques, et nous nous étions interrogés sur les difficultés d'accès pour un certain public. Si les restrictions budgétaires imposent de nouvelles contraintes, elles apportent également une réponse à des extensions de périmètre discutables. Il est possible de préserver les atouts du pass Culture en réorientant celui-ci sur son coeur de cible. Dans le contexte budgétaire actuel, il pourrait jouer un rôle dans la transmission et la démocratisation des savoirs. La politique du chéquier ne résout pas les fractures culturelles, et il s'agit donc de faire évoluer, sans brutalité, ce dispositif. Pour rappel, l'Igac a indiqué que le pass Culture ne remplissait pas son rôle.

Sur l'enseignement supérieur artistique, je me réjouis du renforcement des crédits alloués aux 99 établissements concernés. Je souhaite cependant insister sur la situation des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa). Les crédits, en augmentation cette année, seront maintenus l'année prochaine. Mais cela sera-t-il suffisant pour résoudre les difficultés financières rencontrées par ces écoles ?

En conclusion, nous suivrons l'avis favorable de la rapporteure sur l'adoption des crédits.

Mme Sonia de La Provôté. - Cette année s'avère exceptionnelle en raison à la fois du maintien des crédits du ministère et de la baisse drastique du budget des collectivités territoriales. Le ministère ne jouant pas son rôle d'orientation, de planification et d'accompagnement, les arbitrages au sein des collectivités territoriales auront des conséquences sur le financement des politiques culturelles.

Quelle est la feuille de route du ministère ? Quels sont les choix privilégiés en matière d'accès à la culture ou en matière de festivals ? Doit-on maintenir des structures partout dans les territoires ? La rapporteure soulignait les difficultés des structures publiques financées par les collectivités. Bien que territorialisées, les écoles d'art contribuent à la politique culturelle nationale et concernent le ministère. Le plan Culture et ruralité vient-il en soutien de l'existant ? Ou s'appuie-t-il sur de nouvelles propositions ?

La mise en place du pass Culture a bouleversé l'éducation artistique et culturelle (EAC). Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. Se pose la question du modèle économique et des objectifs du pass Culture. La part individuelle ne sera opérationnelle que si la part collective a réussi sa mission d'accompagnement des jeunes.

Il s'agit de transformer le modèle économique et artistique de la culture. Le sujet du numérique n'est pas évoqué dans ce budget, alors qu'il bouleverse en profondeur le champ culturel. Nous devons relever le défi du maintien des droits culturels, en permettant l'accès à tous à la diversité culturelle, et anticiper les risques de concentration pour des raisons économiques.

Nous soutiendrons ce rapport qui, du point de vue de la politique menée par le ministère, s'avère de transition.

Mme Colombe Brossel. - Nous suivrons l'avis de la rapporteure concernant les crédits et les amendements proposés, notamment celui sur le pass Culture, dispositif qui ne fait pas une politique culturelle. En dépit de la stabilisation des budgets, nous avons parfois l'impression d'avoir affaire à un canard sans tête, avec des évolutions dans certains secteurs qui n'ont toujours pas été mises en oeuvre.

Pour autant, le monde bouge vite. J'en veux pour preuve nos échanges sur le modèle économique des festivals. Les questions, telles que les appréhende le ministère, se posaient ainsi il y a cinq ans ; elles ne correspondent plus à celles du jour ni à celles de demain. Il est heureux que s'engagent des concertations, mais on observe encore un écart entre la mise en place de politiques publiques et leur traduction budgétaire.

À l'examen de ce budget, domine une forme de déception ; et celle-ci semble partagée par les acteurs culturels. La baisse des crédits sur l'EAC passera sous les radars. L'État sera absent au début de la chaîne, et cela illustre l'absence de stratégie culturelle.

Mme Laure Darcos. - En raison de la baisse de leurs recettes, les départements sont contraints de couper dans leurs dépenses qui ne sont pas liées à des compétences obligatoires, et la culture, hélas, est toujours la première concernée.

Par exemple, un festival comme celui d'Essonne en scène, créé en 2019 dans le domaine de Chamarande, commençait à bien fonctionner ; l'année prochaine, si l'on coupe dans le budget culture du département, le festival se déplacera ailleurs. Avec la rapporteure, nous avons échangé sur les décisions effarantes prises par la présidente de la région des Pays de la Loire. On peut comprendre les soucis des collectivités, mais il est inadmissible de prendre des décisions aussi drastiques.

Les collectivités étant en difficulté, tout repose aujourd'hui sur les directions régionales des affaires culturelles (Drac). À la tête de la Drac d'Île-de-France, M. Roturier m'a dit être très inquiet. Ce n'est pas le moment de baisser leurs dotations, alors que nous avons besoin de la compétence de ces services déconcentrés.

Je me pose de nombreuses questions sur le pass Culture. En termes de fonctionnement, comme l'a précisé également la Cour des comptes, les intervenants sont nombreux, et cela devient une usine à gaz.

Les jeunes n'achètent pas seulement des mangas, ils s'ouvrent à la lecture d'autres ouvrages. Le dispositif leur permet également d'assister à des spectacles. Depuis l'origine, je défends la partie mutualisée, qu'il conviendrait de mieux structurer. Il s'agit de toucher les jeunes bien avant 18 ans. Par ailleurs, il m'apparaît dangereux et compliqué de cibler une strate sociale en particulier.

En conclusion, je suivrai l'avis de la rapporteure à la fois sur le budget et sur l'amendement portant sur le pass Culture.

M. Pierre Ouzoulias. - Chaque année, je dépose un amendement de suppression du pass Culture ; ce ne sera pas le cas cette année. Nous voterons l'amendement proposé, le dispositif ayant favorisé l'accès à la lecture. Selon les libraires, 10 % de leur chiffre d'affaires serait lié au pass Culture. Ces derniers voient arriver dans leur librairie des jeunes qui n'y avaient pas mis les pieds auparavant. Certes, ces jeunes peuvent acheter des mangas, mais un travail de médiation est réalisé par les libraires pour les ouvrir à d'autres univers.

Il s'agit de sortir de la doxa imposée par le Président de la République, qui a décidé de confier à des sociétés anonymes des missions relevant des services de l'État. Cela vaut pour le pass Culture comme pour d'autres dispositifs. Nous avons observé une efflorescence de sociétés anonymes, sur lesquelles le Parlement a un droit de regard limité. Il convient d'intégrer cette société dans la liste des opérateurs de l'État, afin que nous puissions retrouver toutes nos compétences de contrôle de son budget et de ses missions.

Par ailleurs, dans la guerre commerciale qui s'annonce avec les États-Unis, nous devons défendre notre modèle d'exception culturelle et, pour cela, présenter le pass Culture comme une aide à la médiation - et non à la consommation. Il s'agit de changer l'esprit du dispositif pour en faire un outil d'accompagnement.

Il convient également de territorialiser le pass Culture. Le plan Culture et ruralité semble intéressant. Mais les Drac, faute de moyens ou par manque d'intérêt pour la ruralité, éprouvent des difficultés à décliner les politiques nationales dans les territoires. Cette difficulté d'interaction entre les Drac et les territoires apparaît plus fortement encore dans les régions fusionnées. Il s'avère ainsi compliqué de mener une politique territoriale dans des régions comme le Grand Est ou la Nouvelle-Aquitaine, où les relais territoriaux sont faibles. En 2016, l'Igac avait rendu un rapport sur le sujet, en demandant la mise en place de conseillers territoriaux afin d'aider les préfets et les maires ; ce dispositif n'a pas été mis en place.

L'action culturelle de notre pays est portée à 75 % par les collectivités. On a le sentiment que les Drac s'échinent à vouloir conduire des politiques qu'elles ne financent plus ou de moins en moins. Et l'on observe des confrontations parfois brutales avec les collectivités qui ne sont plus admissibles. Les Drac doivent accompagner les politiques financées par les collectivités ; un changement de culture est nécessaire.

Nous suivrons la rapporteure, en souhaitant que s'engage une réflexion de fond sur la relation entre le ministère de la culture et les collectivités.

Mme Monique de Marco. - Dans son propos introductif, la rapporteure a dépeint un avenir peu radieux, lié aux conséquences de la baisse des dotations allouées aux collectivités territoriales.

Dans le projet de loi de finances, le budget de la mission « Culture » reconduit le projet négocié par la précédente ministre de la culture, Mme Abdul-Malak, sans que l'actuelle ministre, Mme Dati, n'ait réussi à imprimer des priorités majeures. Si la coupe globale de 204 millions d'euros, initiée par décret en février dernier, n'a hélas ! pas été reconduite, l'absence de prise en compte de l'inflation prévisionnelle pour 2025 entraîne une perte de 74 millions d'euros pour le budget de la culture.

Le plan Culture et ruralité, lancé en juillet dernier, constitue la seule réelle nouveauté de ce budget. Pour rappel, ce plan vise à soutenir le secteur de la création artistique en ruralité : embauche d'artistes pour les petites communes, aides dirigées vers les festivals pour se déployer en ruralité et hors saison, mise en place de services d'artothèque en zones rurales. Le chantier est vaste, mais peu défini.

Le budget, en maintien apparent, cache certaines baisses de crédits, notamment en matière d'enseignement artistique et culturel. Or les établissements de « l'enseignement supérieur Culture » font déjà face à un fonctionnement dégradé.

Dans ce budget, rien n'est prévu pour soutenir le secteur du spectacle vivant, déjà fragilisé en 2020 par l'annulation d'une saison entière en raison du covid, et victime en 2024 d'un plan d'économies faisant fondre les marges artistiques, affectant la variété des programmes, pénalisant la création et le soutien aux artistes les plus en difficulté.

Comme l'indique le rapport d'évaluation du volet « création » de la loi LCAP, l'assèchement de la création menace toutes les politiques publiques culturelles. Cette fragilisation s'aggrave avec la baisse des crédits alloués aux collectivités territoriales.

En dépit de ces coupes, le pass Culture conserve ses crédits et demeure l'un des outils principaux du Gouvernement pour favoriser l'accès à la culture. Ce dispositif, à notre sens, s'avère un outil de reproduction sociale et échoue à diversifier les pratiques culturelles ; mais il peut, si l'on parvient à réorienter ses missions, jouer un rôle de médiation. Je remercie la rapporteure pour l'organisation de la table ronde qui a permis de livrer quelques pistes d'évolution.

Notre groupe votera l'amendement déposé sur le sujet, mais s'opposera à celui de la commission des finances qui prévoit de réserver ce dispositif aux seuls boursiers.

Mme Béatrice Gosselin. - Concernant les festivals, nous arrivons à un point de rupture. Dans le monde rural, il s'agit le plus souvent de festivals associatifs. Les injonctions combinées de la Drac et des services de l'État pour la sécurité entraînent des coûts exorbitants. Afin de perdurer, les festivals ont besoin de lisibilité sur ces contraintes qui s'accumulent d'une année sur l'autre.

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, la ruralité est un enjeu majeur. Le ministère augmente la voilure sur le sujet. Mais sa dynamique à peine lancée, là voici déjà fragilisée par les restrictions budgétaires imposées aux collectivités, lesquelles financent aux trois quarts les politiques culturelles.

Par ailleurs, lorsque le budget culture des régions diminue, l'on sait bien que les arbitrages se font en faveur des grandes villes. Si l'orchestre national des Pays de la Loire (ONPL) est touché, cela aura des conséquences non pas pour Nantes et Angers, mais pour les villes moyennes de la région.

Sur le déploiement du plan Culture et ruralité, les Drac sont configurées pour développer des politiques sectorielles, et non territoriales et transversales. C'est la raison pour laquelle celles-ci connaissent des difficultés pour mettre en oeuvre le plan Culture et ruralité ou le FIT. Nous devons être très vigilants sur le sujet.

Sur le pass Culture, plus qu'à l'orientation sectorielle, nous devons être attentifs aux modes de consommation. Si la consommation des livres était ouverte sur les plateformes numériques, les jeunes ne franchiraient pas la porte des librairies. Or, les libraires profitent de l'occasion pour entamer un dialogue, et les jeunes en repartent souvent avec des ouvrages qu'ils n'étaient pas venus chercher ; nous devons encourager cette démarche.

Sur l'évaluation du dispositif entre la vision défendue par la SAS, naturellement dithyrambique dans son rapport d'activité sur les effets du pass Culture, et celle de l'Igac, très sévère sur le sujet, la vérité se trouve certainement entre les deux. En fonction du calendrier de réforme de la ministre, notre commission pourra apporter sa contribution à la réflexion.

Sur l'amendement concernant le pass Culture et le transfert des crédits correspondants à la création, l'objectif est de soutenir ce secteur et les politiques culturelles déconcentrés du ministère ; la déconcentration me semble un aspect primordial, afin qu'elles bénéficient aux territoires. L'idée est aussi d'apporter un équilibre entre la politique de l'offre, qui doit être soutenue par les pouvoirs publics, et celle de la demande, dont relève le pass Culture.

Article 42

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - L'amendement no 1 concerne les écoles d'art et prévoit un engagement de 1,6 million d'euros à leur profit, afin de couvrir la compensation de l'exonération des frais d'inscription des élèves boursiers. Nous avons échangé avec le ministère sur le sujet. Il s'agit d'un signal important : les écoles d'art ont besoin de cette disposition pour pouvoir engager leur conseil d'administration. Compte tenu de leurs difficultés financières, elles ne peuvent pas exonérer sans avoir l'assurance d'être compensées.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - L'amendement no 2 prévoit une baisse du budget du pass Culture de 50 millions d'euros. Dans le contexte de réforme, il est possible de réduire la voilure du dispositif. Certaines économies peuvent aussi être envisagées au niveau de la SAS pass Culture, dont le budget de fonctionnement atteint 30 millions d'euros. Nous proposons de réaffecter la somme de 50 millions au secteur de la création.

Mme Sylvie Robert. - Il est important de ne pas grever de manière disproportionnée le pass Culture. Au regard de l'enveloppe globale du dispositif, ce montant de 50 millions d'euros ne semble pas excessif. Il s'agit également d'envoyer un signal aux collectivités territoriales. Au-delà de la réaffectation bienvenue sur le secteur de la création, cet amendement permettra de mieux soutenir des programmes engagés par le ministère de la culture lui-même ; je pense notamment au plan « Mieux produire, mieux diffuser ». La situation s'avère critique dans un certain nombre de régions, de départements et de métropoles. Il est important que cette réaffectation s'oriente vers des crédits déconcentrés, de manière que les Drac disposent d'une latitude pour flécher les crédits.

Nos collègues de la commission des finances seront tentés de réaffecter cette somme au budget de l'État. Cela n'aurait aucun effet sur ce dernier, alors que la réaffectation au secteur de la création aurait des conséquences importantes.

M. Max Brisson. - On pourrait souhaiter un dialogue plus constructif avec nos collègues de la commission des finances ; il ne faudrait pas, en effet, que celle-ci remplace la citadelle de Bercy. Cela étant dit, nos collègues doivent s'adapter à un budget construit dans des délais courts et des conditions complexes. La nécessité de présenter un budget qui respecte les équilibres et l'épure fixée par le Premier ministre oblige à un certain nombre d'économies. Si le budget voté par le Sénat ne respecte pas cette épure générale, la réponse sera le recours au 49.3, et nous perdrons alors la main dans la construction budgétaire - or, le Sénat n'y a pas intérêt. C'est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas l'amendement proposé par la rapporteure.

Mme Sonia de La Provôté. - Toutes nos interventions ont rappelé les besoins particuliers des structures culturelles avec, cette année, une mise en danger liée à la baisse drastique des budgets des collectivités. Nombre d'entre elles ont annoncé se concentrer sur leurs compétences obligatoires, ce qui promet une situation difficile pour le secteur de la culture.

En l'état actuel des arbitrages, il est difficile de préciser l'épure générale du budget. Nous y verrons plus clair à l'issue des discussions budgétaires. Néanmoins, nous devons participer à l'effort collectif. Nous pourrions plutôt défendre un amendement prévoyant de flécher les économies réalisées sur le pass Culture, pour une part, vers la création et, pour une autre part, vers le budget de l'État. Nous voterons contre l'amendement de la rapporteure et ferons cette proposition en séance.

M. Pierre Ouzoulias. - La commission des finances a largement réécrit le budget en faveur des collectivités. Nous sommes passés d'une ponction de 5, voire 10 milliards d'euros à 2 ou 3 milliards d'euros. Dans ce mouvement, la commission de la culture peut aussi rééquilibrer en faveur des collectivités le budget de la culture, sachant qu'elles portent 75 % de la politique culturelle. Il n'y a pas d'opposition entre la commission de culture et celle des finances ; au contraire, les deux commissions souhaitent renforcer l'aide apportée aux collectivités.

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Comme les autres rapporteurs pour avis, j'ai échangé avec nos collègues de la commission des finances lors de la présentation du rapport au fond sur les crédits de la mission « Culture ». Je déplore que leur proposition de cibler le pass Culture sur les seuls boursiers et de réduire de 125 millions d'euros son financement n'ait pas été formulée à cette occasion. Pour la bonne compréhension de tous, il me semble important de le signaler.

Un amendement de compromis réaffectant une partie des crédits du pass Culture vers la création et l'autre vers le budget général aurait pu constituer une possibilité. Je n'ai cependant pas reçu les retours permettant d'envisager une unanimité sur une telle initiative. C'est la raison pour laquelle je propose de garder le transfert intégral des économies réalisées sur le pass Culture vers la création, notamment vers les crédits déconcentrés du ministère. Cela me paraît un signal important en direction de ce secteur, qui traverse une grave crise. Par ailleurs, il ne s'agit pas, avec cet amendement, de demander un effort à la culture comme le fait la commission des finances : supprimer 125 millions d'euros au pass Culture revient en effet à retirer cette somme aux filières culturelles. En fléchant les crédits déduits vers la création, mon amendement « reste » à la culture.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2025.

AMENDEMENT DE LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION,
DE LA COMMUNICATION ET DU SPORT
 

PROJET DE LOI DE FINANCES

 

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION CULTURE

1

     

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme Karine DANIEL

_________________

ARTICLE 42

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Patrimoines

       

Création

       

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 600 000

 

1 600 000

 

Soutien aux politiques du ministère de la culture

dont titre 2

 

1 600 000

 

1 600 000

TOTAL

1 600 000

1 600 000

1 600 000

1 600 000

SOLDE

0

0

OBJET

Cet amendement vise à revaloriser de 1,6 million d'euros le montant des crédits alloués par l'État aux écoles supérieures d'art territoriales, afin de leur permettre d'exonérer de frais d'inscription les étudiants boursiers via la compensation de cette mesure.

Alors que les étudiants boursiers des écoles d'art nationales sont, comme ceux inscrits dans un établissement relevant du ministère de l'enseignement supérieur, dispensés des frais d'inscription, l'exonération n'est pas systématique pour les étudiants boursiers des écoles territoriales où elle est laissée à la discrétion du conseil d'administration. Sur 33 écoles d'art territoriales, seules 10 appliquent, de leur propre chef, cette mesure d'exonération. En proie à d'importantes difficultés financières depuis plusieurs années, comme l'a révélé la crise aiguë survenue en 2023, certaines de ces écoles ne sont en effet pas en capacité de mettre en oeuvre cette exonération, faute de compensation.

Les différences de statut ou de tutelle entre les établissements de l'enseignement supérieur, et les inégalités de financement qui peuvent en découler, ne devraient pas avoir de conséquence sur la vie des étudiants et, a fortiori, sur les prestations dont ils bénéficient. En garantissant l'égalité de traitement entre les étudiants boursiers des écoles d'art territoriales et ceux des écoles d'art nationales, cette mesure constitue un signal fort en direction des étudiants de condition modeste et aussi en direction des écoles d'art territoriales, pour lesquelles la ministre a annoncé en début d'année un « plan global » de réforme qui tarde à se concrétiser.

Afin de compenser cette revalorisation, il est proposé de financer cette mesure via un transfert de crédits du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », vers l'action 1 du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

MARDI 12 NOVEMBRE 2024

Ø Ministère de la culture - Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) : MM. Noël CORBIN, délégué général, et Nathan MARCEL-MILLET, chef de cabinet auprès du délégué général.

Ø Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdEA) : M. Cédric LOIRE, co-président, historien d'art, professeur à l'école supérieure d'art de Clermont Métropole, Mme Ulrika BYTTNER, co-présidente, directrice de l'école supérieure d'art et de design Le Havre-Rouen, Mme Maud LE GARZIC, coordinatrice.

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024

Ø  Table ronde de représentants des structures publiques et subventionnées dans le domaine du spectacle vivant :

Les Forces musicales : M. David OLIVERA, vice-président, Mme Gaëlle LE DANTEC, secrétaire générale ;

Profedim (Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique) : M. Nicolas BUCHER, président, Mme Aurélie FOUCHER, déléguée générale ;

- Syndicat national des scènes publiques (SNSP) : M. Frédéric MAURIN, président, Mme Laurence RAOUL, directrice déléguée ;

Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndéac) : M. Vincent MOISSELIN, directeur.

Ø  Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France (DRAC IdF) : M. Laurent ROTURIER, directeur, président de l'association des DRAC de France.

JEUDI 14 NOVEMBRE 2024

Audition commune SMA / France festivals sur la situation et l'avenir des festivals :

Syndicat des musiques actuelles : M. Stéphane KRASNIEWSKI, président, M. Yann RIVOAL, vice-président, Mme Aurélie HANNEDOUCHE, directrice générale ;

France festivals : Mme Alexandra BOBES, directrice, Mme Haude HELLIO, membre du bureau, M. Michel DIAN, membre du bureau, référent ruralité au sein du conseil d'administration.

LUNDI 18 NOVEMBRE 2024

Ø  Ministère de la culture - Direction générale de la création artistique (DGCA) : M. Christopher MILES, directeur général de la création artistique, Mme Carole ROBIN, sous-directrice adjointe des affaires financières et générales.

Ø  Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture : M. Jean-Baptiste DE FROMENT, directeur de l'ENSA Paris-Malaquais, M. Raphaël LABRUNYE, directeur de l'école nationale supérieure d'architecture de Normandie, Mme Agnès BLONDIN, directrice de l'ENSA Toulouse.

Ø  Table ronde de représentants des collectivités territoriales :

Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) : M. Jean-Michel POULLÉ, trésorier, maire adjoint de Malakoff ;

Association des maires ruraux de France (AMRF) M. Bertrand HAUCHECORNE, administrateur, maire de Mareau-Aux-Près ;

Association France urbaine : Mme Anne MISTLER, adjointe à la maire de Strasbourg, en charge des arts et cultures au sein de France urbaine, M. Sébastien TISON, conseiller en charge de la culture, du numérique, de la participation citoyenne et du sport.

JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

Ø  Ékhoscènes : Mmes Malika SÉGUINEAU, directrice générale, et Marie SABOT, membre du bureau, directrice du festival We love green.

Ø  Table ronde sur le pass Culture :

SAS pass Culture : MM. Sébastien CAVALIER, président, et Maxence DANIEL, responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics ;

Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) : M. Pascal GUILLAUME, président, Mme Anne-Claire GOURBIER, déléguée générale ;

Association française des cinémas d'art et d'essai (AFCAE) : M. David OBADIA, délégué général de l'AFCAE ;

Syndicat national de l'édition phonographique (SNP) : Mme Émilie TRÉBOUVIL, secrétaire générale ;

Syndicat national de l'édition (SNE) : M. Renaud LEFEBVRE, délégué général ;

Syndicat Ékhoscènes : Mme Malika SEGUINEAU, directrice générale ;

Syndicat de la librairie française (SLF) : Mme Alexandra CHARROIN SPANGENBERG, présidente, M. Guillaume HUSSON, délégué général ;

représentants des usagers : Mme Lola LE PIOUFLE, responsable fédéral du Syndicat national lycéen (comité de Nantes), Mme Camille PROVOST, membre du FIDL le syndicat lycéen (comité de Nantes), M. Vincent MAGRÉ, professeur de philosophie, accompagné d'élèves du lycée Les Bourdonnières de Nantes.

ANNEXE

Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture

MARDI 5 NOVEMBRE 2024

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous accueillons Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire de l'automne. Je dis traditionnelle, mais peut-être ne devrais-je pas, car il s'agit pour vous d'une première à ce ministère, dans la mesure où vous avez été nommée le 11 janvier dernier. Madame la ministre, votre vaste domaine de compétences recouvre un champ allant du patrimoine aux jeux vidéo, en passant par le spectacle vivant et le cinéma. Chacun de ces secteurs exprime des attentes fortes, et de nombreux défis d'ampleur sont à relever.

Les crédits de votre ministère s'élèvent à 4,7 milliards d'euros, soit environ 6 % des dépenses du budget général. En y adjoignant les crédits liés à l'audiovisuel public et aux grands opérateurs comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), près de 10 milliards d'euros sont consacrés à la culture sous ses différentes expressions. Je donne ces chiffres à titre illustratif, tant la situation peut encore évoluer.

Le ministre des comptes publics a ainsi annoncé que les 10 millions d'euros d'économie prévus sur les radios associatives ne seraient finalement pas prélevés, tandis que les projets d'amendements du Gouvernement font état de 100 millions d'euros d'économies supplémentaires sur les missions « Culture » et « Livre et industries culturelles ». L'audiovisuel public, quant à lui, subirait 50 millions d'euros d'économies, et des ajustements sont attendus sur le programme dédié au patrimoine.

Nous sommes conscients aussi bien de la situation budgétaire de notre pays que des conditions dans lesquelles ce projet de loi de finances (PLF) a été élaboré. Vous pourrez cependant nous aider à y voir plus clair sur les crédits que le Gouvernement souhaite affecter au domaine culturel.

En matière patrimoniale, vous avez fait récemment des propositions remarquées sur le financement du patrimoine religieux et des musées, en préconisant la mise en place d'un droit d'entrée touristique pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, et d'une tarification différenciée pour les visiteurs non européens de certains monuments et musées. S'il est vrai que ces pratiques ont déjà cours chez plusieurs de nos proches voisins, leur mise en application au sein de nos frontières pourrait se heurter à plusieurs obstacles. Comment, madame la ministre, avez-vous l'intention de concrétiser ces annonces ?

La commission de la culture poursuit, par ailleurs, ses travaux relatifs aux restitutions d'oeuvres d'art, sujet sur lequel plusieurs de ses membres sont engagés de longue date. À l'occasion d'un récent déplacement en Côte d'Ivoire, nous avons constaté la forte attente des autorités ivoiriennes concernant la restitution du « tambour parleur » Djidji Ayôkwé, à laquelle la France s'est engagée en 2021. Nous avons observé l'investissement opérationnel et financier des autorités ivoiriennes, mais aussi des instances de coopération françaises, afin de préparer son retour dans le cadre d'un projet muséal très abouti. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur votre approche de ce dossier ?

Le domaine des industries culturelles, entendu au sens large, appelle également toute votre attention. Vous nous informerez des contours du projet de loi annoncé dans le cadre des États généraux de l'information (EGI), qui devra assurer un subtil équilibre entre les exigences démocratiques liées à l'information et la situation économique des acteurs. Michel Laugier, qui connaît bien les sujets relatifs à la presse, vous interrogera sans doute sur le sujet de France Messagerie, toujours pas réglé après des années d'atermoiements.

En matière de démocratisation culturelle, l'actualité est dominée par votre annonce d'une réforme du pass Culture. Notre commission a toujours considéré que ce dispositif ne pouvait constituer l'alpha et l'oméga de la politique de l'État en la matière. Nous accueillons donc favorablement votre volonté de refonte. Cependant, nous sommes aussi conscients des obstacles opérationnels auxquels celle-ci peut se heurter. À quel stade se trouve aujourd'hui votre projet de réforme ? Comment comptez-vous procéder pour le mener à bien ? Le Parlement y sera-t-il associé ?

Enfin, nous venons d'adopter la proposition de loi organique (PPLO) sur le financement de l'audiovisuel public, qui sera examinée le 19 novembre prochain à l'Assemblée nationale. Nous espérons un vote conforme qui permettrait de réintroduire dans le PLF le compte de concours financier (CCF) « Avances à l'audiovisuel public », transformé dans le texte initial en mission ministérielle. 

Les moyens alloués pour l'audiovisuel public sont en deçà de la trajectoire financière prévue par les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés publiques. Nous nous interrogeons sur la crédibilité de ces contrats dans le contexte budgétaire actuel, et nous nous demandons si votre ministère travaille d'ores et déjà sur des COM révisés, plus réalistes, en fonction des dernières annonces financières ? Ou bien attendez-vous la réforme de la gouvernance que nous appelons de nos voeux ?

Voilà les nombreux sujets sur lesquels nous attendons des précisions. Mes collègues auront sans doute également des questions sur d'autres thèmes. Depuis votre prise de fonction, vous avez bien compris que notre commission était pour vous un allié précieux mais résolument exigeant, qui garde la mémoire tant de ses travaux que de vos annonces.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Il arrive parfois, comme je l'avais déclaré lors de ma nomination, que l'on considère le ministère de la culture comme un ministère du loisir. À mes yeux, il s'agit d'un ministère fondamental, pour ne pas dire régalien, qui incarne l'idéal républicain et joue un rôle essentiel pour réduire les inégalités et permettre à l'ensemble de nos concitoyens de prendre part à la vie en société.

Ce budget a été débattu dans un contexte difficile pour nos finances publiques. Une première réduction budgétaire avait été annoncée il y a quelques mois de cela, avant le changement de gouvernement. L'État se doit d'être exemplaire, et le ministère de la culture doit prendre sa part dans les efforts demandés. À ce titre, je me réjouis de défendre devant vous un texte proposant un budget stabilisé à un niveau historique pour le ministère de la culture : 4,45 milliards d'euros. Depuis l'élection du Président de la République en 2017, le budget de la culture a augmenté de plus d'un milliard d'euros. Cela nous permet aujourd'hui de préserver dans tous les secteurs les moyens et l'action du ministère.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier. Comme vous l'avez précisé dans votre introduction, vous êtes pour moi un soutien précieux et vous avez la mémoire de tout ; en espérant que ce soit toujours le cas, afin que les engagements puissent être tenus.

Je commence mon tour d'horizon par la mission « Culture ». Dans le secteur de la création artistique, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 1,041 milliard d'euros, dont plus de la moitié - 550 millions d'euros environ - sera consacrée au secteur subventionné en région. Lors des annulations de crédits en février dernier, j'avais indiqué que pas un euro ne manquerait au spectacle vivant dans les territoires, et cela a été le cas. L'État a répondu présent pour soutenir ces structures avec des crédits consacrés au spectacle vivant, hors opérateurs nationaux, en hausse de 45 millions d'euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d'euros en 2024 dans le cadre du plan « Mieux produire, mieux diffuser ».

Après une première année, le bilan est très positif. Aux 9 millions d'euros du ministère de la culture s'est ajoutée la participation à hauteur de 12,5 millions d'euros des collectivités. Le partenariat entre l'État et les collectivités est donc encourageant. Ce plan a fait naître de nombreux projets créatifs, et nous allons poursuivre notre double effort collectif : mieux produire, avec des mutualisations à opérer afin de maîtriser les coûts de production ; et mieux diffuser, notamment avec des séries plus longues.

L'objectif de mieux travailler avec les élus et les collectivités s'incarne pleinement dans les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle (CTEAC) dont je suis à l'initiative. Le premier contrat a été signé dans le département de la Charente-Maritime il y a quelques semaines. Je tiens à valoriser le travail remarquable effectué par les collectivités en leur donnant de la visibilité, mais aussi en les incitant à s'engager aux côtés de l'État et des acteurs culturels.

En toute transparence, l'État ne pourra pas améliorer seul la situation financière du spectacle vivant. Ces dernières années, la seule réponse est venue de l'État, qui n'a cessé d'augmenter le niveau de financement de son soutien. Dans un contexte difficile, je sauvegarde le budget dédié à la création artistique, mais cette mobilisation de l'État ne suffira pas.

Il s'agit à la fois de convaincre les collectivités de poursuivre leur engagement et d'inciter le secteur à réfléchir aux leviers à sa disposition ; je pense notamment à la politique tarifaire. Je reste attachée à des prix bas pour certains publics, mais nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant, sans quoi ce modèle sera menacé. Cet été, j'ai reçu l'ensemble des représentants du spectacle vivant afin de pouvoir avancer sur ces questions. Encore une fois, l'État va continuer de prendre toute sa part, mais il ne peut être le seul à assumer ses responsabilités. Je sais que le sujet est essentiel pour le Sénat, et je remercie Karine Daniel pour sa compétence et sa vigilance sur le sujet.

Enfin, les moyens dédiés aux festivals sont également reconduits à hauteur de 32 millions d'euros.

La démocratisation culturelle et l'accès aux métiers de la culture constituent une priorité de ma politique, avec un budget s'élevant à 807 millions d'euros. Nous ferons en sorte, dans la suite des discussions, de ne renoncer à aucun dispositif. Je souhaite évoquer ici la réforme du pass Culture. Comme je l'ai exprimé lors de ma première audition, ce pass Culture me semblait favoriser la reproduction sociale, notamment pour ce qui concerne la part individuelle. Les publics qui en avaient le plus besoin n'étaient pas touchés, comme cela m'a été confirmé par une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et par un rapport de la Cour des comptes.

Le pass Culture doit être un instrument pour faire accéder à la culture ceux qui en sont les plus éloignés, notamment en milieu rural - c'est tout le sens du plan Culture et Ruralité - et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville où, trop souvent, ce dispositif est dévoyé en n'étant qu'un simple instrument de consommation culturelle.

La part individuelle du pass Culture sera réformée en profondeur. Florence Philbert, en sa qualité de directrice générale des médias et des industries culturelles (MIC), aura pour mission de suivre l'évolution de cette réforme à partir des cinq orientations suivantes : une prise en compte des conditions de ressources des jeunes éligibles au pass ; une part réservée au spectacle vivant, ce qui n'était pas le cas jusque-là ; une meilleure articulation entre la part collective, qui bénéficie à 90 % à des enfants accédant pour la première fois à la culture ou à un équipement culturel, et la part individuelle, qui intervient plus tard ; une meilleure éditorialisation et médiation pour davantage intéresser les publics, les spectacles proposés relevant trop du listing ; et enfin, de nouvelles fonctionnalités ouvertes à un large public - je pense notamment à la géolocalisation.

J'ai diligenté deux missions afin d'assurer ces nouveaux développements sans mettre en danger le secteur du livre. En effet, le pass Culture a été beaucoup utilisé dans les librairies, non seulement pour les mangas mais aussi pour l'achat de livres nécessaires aux études supérieures. Il convient donc de ne pas se priver d'un tel accès à la culture, qui apporte par ailleurs un soutien au réseau des librairies indépendantes.

J'ai fait évoluer l'application avec de nouvelles fonctionnalités comme la géolocalisation. Pour d'autres fonctionnalités, nous avons lancé une expérimentation dans la région Grand Est ; un retour d'expérience devrait intervenir rapidement.

Certains diront que cette réforme entérine des économies, mais je ne vois pas les choses ainsi. Elle vise une meilleure utilisation des deniers publics pour un plus large accès à la culture, notamment pour ceux qui en sont éloignés.

Le 11 juillet dernier, j'ai lancé le plan Culture et Ruralité. Financé pour les trois prochaines années, il dispose dès cette année d'une enveloppe de 34 millions d'euros. La ruralité concerne 22 millions d'habitants, soit un tiers de la population française, et je tiens à ce que celle-ci ne soit pas un impensé de nos politiques culturelles. On retrouve le financement de ce plan dans le budget 2025, avec 14 millions d'euros qui s'ajoutent aux 20 millions mobilisables dès maintenant, et sans doute un complément à venir que je vous détaillerai ultérieurement.

Comme je l'avais déjà exprimé lors de ma première audition devant votre commission, le patrimoine est une autre priorité très claire ; je sais que Sabine Drexler est très engagée sur ce sujet. Dans le texte initial, les crédits connaissaient une légère augmentation pour un total annuel de 1,2 milliard d'euros. Avec ce budget, nous nous donnons les moyens de poursuivre les grands chantiers déjà lancés. Il s'agit, le plus souvent, d'un enjeu de sécurité et de remise aux normes après un drame, comme pour la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes qui va bénéficier d'un financement de 6 millions d'euros. Nous financerons également l'extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, avec un investissement à hauteur de 17,7 millions d'euros.

Un sujet concerne le Centre Pompidou. Celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune restauration d'ampleur depuis son ouverture en 1977, et les travaux représentent un coût de 29 millions d'euros pour le ministère l'année prochaine.

Parmi les autres projets importants pour la revitalisation de nos territoires, on peut évoquer la restauration de l'abbaye-prison de Clairvaux pour 14,3 millions d'euros, ou encore le programme de valorisation du château de Gaillon en Normandie pour 4,3 millions d'euros. La seule sécurisation du site de Clairvaux requiert 3 millions d'euros par an.

Le budget consacré à la restauration des monuments historiques connaît une baisse. Il s'agit d'un point d'inquiétude sur lequel je reviendrai à la fin de mon propos. Les besoins de notre patrimoine, déjà importants, sont aggravés par l'inflation et le « mur d'investissements » auquel nous faisons face avec un budget à son plus haut niveau historique. Mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation elle-même exceptionnelle.

Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », je souhaite poursuivre l'accompagnement des acteurs d'un secteur en pleine mutation. Je sais que votre commission suit cela de près. Au coeur des grandes mutations numériques, les industries culturelles françaises ont plus que jamais besoin de notre soutien en faveur de la diversité, du renouvellement et de la création.

Je remercie Jérémy Bacchi pour son travail sur le cinéma. La pertinence de nos modalités de soutien au cinéma a été reconnue, puisque les taxes du CNC ne seront pas plafonnées ; cela a été notre crainte, et ce ne sera pas le cas. Notre opérateur disposera donc de la totalité de ses moyens opérationnels, soit environ 780 millions d'euros en 2025. Ce budget, alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, notamment les plateformes américaines, permettra de financer des mesures en faveur de la diffusion, comme j'ai pu l'annoncer dernièrement à Lyon.

Je me réjouis également que ce texte préserve les différents crédits d'impôt pour le cinéma, l'audiovisuel, les tournages internationaux ou encore les jeux vidéo, dans un contexte de compétition fiscale internationale. Après évaluation, il s'avère que ces crédits rapportent 6 à 7 euros d'activité en France pour 1 euro de dépense fiscale.

Concernant le secteur du jeu vidéo, quelque 200 studios ont bénéficié du crédit d'impôt, ce qui a permis à notre industrie de retrouver sa croissance. En dix ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé, et le nombre d'emplois est passé de 3 500 en 2010 à 14 000 aujourd'hui.

C'est un enjeu de cohérence de nos politiques ; on ne peut pas, dans le cadre du plan France 2030, investir 300 millions d'euros dans nos studios et nos écoles pour les vider ensuite en provoquant la délocalisation des tournages. Des studios et des lieux de tournage ont ainsi bénéficié de cet engagement. Pour exemple, le dernier film de Jacques Audiard, dont l'action se déroule en Amérique du Sud, a été tourné en studio en région parisienne.

Je salue le travail de Michel Laugier concernant la presse et les médias. L'État maintient son soutien de 365,7 millions d'euros et préserve les crédits de 26 millions d'euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité. Sur le sujet des radios associatives, j'ai reçu l'ensemble des représentants et je leur ai indiqué que l'on trouverait une solution ; c'est le cas, notamment concernant la baisse de 10 millions d'euros. Nous avons obtenu du ministre en charge des comptes publics qu'un amendement du Gouvernement puisse corriger cela dans le courant de la discussion de la loi de finances.

Sur le sujet de l'audiovisuel public, je sais pouvoir compter sur la vigilance de Cédric Vial. Comme vous le savez, avant la dissolution de la précédente Assemblée nationale, je soutenais une réforme ambitieuse, fondée sur votre proposition de loi, monsieur le président. Les raisons qui motivaient cette réforme n'ont pas disparu, et mon constat reste le même. En revanche, nous devons prendre en compte le nouveau contexte politique. Je reste à l'écoute de toutes les sensibilités pour avancer non seulement sur le mode de financement mais aussi sur la gouvernance.

Le financement de l'audiovisuel est prévu dans le cadre du budget général. Je souhaite toutefois que ce texte initial soit amendé avant la fin de l'année, afin d'éviter une budgétisation. L'objectif est d'assurer la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur. Grâce au vote de la proposition de loi organique (PPLO) des sénateurs Vial, Morin-Desailly, Karoutchi, Lafon et Hugonet, une première partie du chemin a été effectuée. Cette réforme du financement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, est liée à celle de la gouvernance.

Concernant le budget de l'audiovisuel public, une mesure d'économie par rapport à 2024, de l'ordre de 50 millions d'euros, va être mise en oeuvre. Cela ne manquera pas de susciter des passions. Mais après avoir étudié le sujet avec les acteurs du secteur, je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Il convient pour cela de travailler ensemble et en toute transparence.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur le sujet du patrimoine. Dans certains endroits du territoire, les monuments historiques constituent le premier accès à la culture, et c'est pourquoi nous avons fait en sorte dans ce budget, comme pour chacun des volets de notre politique culturelle, de préserver l'essentiel. Nous connaissons cependant actuellement une situation exceptionnelle. L'état de notre patrimoine est alarmant, et sa dégradation s'avère extrêmement rapide : notre pays compte 45 000 monuments historiques et, parmi eux, 20 % se trouvent en mauvais état et 5 % en état de péril. Cela signifie que plus de 2 000 monuments risquent de disparaître dans les prochains mois ; voilà la réalité.

Je suis particulièrement attachée au patrimoine religieux ; il ne s'agit pas d'une affaire cultuelle ou confessionnelle, mais d'un enjeu culturel, et davantage encore. À l'heure où l'on se demande comment intéresser notre jeunesse à ce qui fonde une Nation, nous devrions tous nous battre pour défendre un tel patrimoine. On a vu également la mobilisation pour Notre-Dame de Paris après l'incendie. Sur les 15 000 édifices religieux protégés au titre des monuments historiques, 4 000 sont actuellement en danger. Le plus souvent, ils sont localisés dans des zones rurales, loin de toute attention médiatique. Je le redis : cela n'est pas acceptable.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, dans la continuité de l'effort porté par le Président de la République qui a notamment permis de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans et de lancer le loto du patrimoine : à mon initiative, le Gouvernement va présenter un amendement qui ajoutera 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement au budget du ministère de la culture en 2025, afin de répondre à cette urgence patrimoniale. Cela n'était pas encore acquis après mon audition à l'Assemblée nationale ; aujourd'hui, la décision est prise.

Le PLF pour 2025 prévoit un budget historique pour notre patrimoine, avec 7 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'an passé. Mais le chiffre s'avère en trompe-l'oeil, car le « mur d'investissements » est devant nous. Avec cet amendement, nous changeons la donne et faisons du patrimoine la grande priorité du Gouvernement. C'est un enjeu de cohésion nationale, et cela a beaucoup de sens que le ministère de la culture porte un tel projet. Dans un pays divisé, le patrimoine renvoie à l'essentiel, il est ce qui peut nous rassembler. Un pays qui ne s'engage pas pour son patrimoine ne se préoccupe pas de son avenir.

Pour le moment, nous n'avons effectué aucun fléchage précis de ces crédits supplémentaires ; nous prendrons le temps de réfléchir à leur répartition. Seront en tous cas concernés en premier lieu les monuments historiques dans tous nos territoires, et en particulier dans la ruralité. Les trois priorités de ma politique sont l'accès à la culture, le souci de la ruralité et le patrimoine. Cet amendement permettra notamment un effort supplémentaire de 55 millions d'euros pour les monuments historiques en région, en plus de ce que prévoyait déjà le budget 2025. À cela s'ajoute une enveloppe de 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires, avec une attention spécifique - à hauteur de 8 millions d'euros - pour les petits musées qui fonctionnent souvent avec les moyens du bord et méritent beaucoup plus d'attention. Dans les communes rurales, ces petits musées s'avèrent souvent des lieux culturels beaucoup plus larges, de même que les librairies.

D'autres équipements en région, comme les centres de conservation et d'études archéologiques (CCEA), maillons essentiels de notre politique archéologique, vont recevoir des financements attendus depuis des années.

Depuis ma prise de fonction, je me suis efforcée de reconnaître le rôle primordial des collectivités. Rapidement, j'ai réuni le Conseil national des territoires pour la culture (CTC), qui porte les deux tiers de la dépense culturelle dans notre pays, tout en renforçant l'exemplarité du rôle de l'État. Aujourd'hui plus que jamais, l'État et les collectivités doivent avancer ensemble aux côtés des acteurs culturels.

Au-delà des investissements majeurs et nécessaires pour nos territoires, le Gouvernement aura une attention particulière pour les besoins les plus impérieux de nos grands établissements. Le Centre Pompidou s'avère, à ce titre, un exemple édifiant ; quand on entretient mal un monument emblématique pendant 40 ans, on en paye le prix à un moment donné. Alors que le budget pour 2025 intégrait la prise en charge des travaux du Centre Pompidou, plusieurs établissements majeurs se trouvaient confrontés à une année blanche en matière de financement de leurs investissements. La situation s'avérait problématique, notamment pour le château et domaine de Versailles qui a entamé il y a plusieurs années une démarche vertueuse de schéma directeur afin de planifier ses besoins de restauration et de remise aux normes. Aussi, pour le château et le domaine de Versailles, mais aussi pour ceux de Fontainebleau et Chambord, ainsi que pour le mobilier national, le palais de la Porte-Dorée et d'autres établissements encore - nous sommes en train d'établir la liste -, cet amendement permettra d'être à la hauteur de la situation.

Les besoins d'investissement concernent l'ensemble des champs du ministère. Un théâtre ou un conservatoire à moderniser constituent un patrimoine à l'adresse des générations futures. Cet amendement en tiendra compte. J'aurai une attention particulière pour la filière liée à la sauvegarde de notre patrimoine ; je pense à ces petites entreprises qui ont fait de la restauration des monuments un savoir-faire d'exception, que le monde entier nous envie. Au moment où s'achève le chantier de Notre-Dame de Paris, il était normal que nous offrions d'autres perspectives à cette filière, alors que les besoins sont criants.

Je voulais vous annoncer le principe de cet amendement en souhaitant que la représentation nationale soutienne le Gouvernement dans cet effort sans précédent. Là encore, l'État ne pourra subvenir seul aux besoins du patrimoine au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle, en complément de cet effort, j'ai proposé plusieurs pistes : la tarification de l'entrée de Notre-Dame de Paris, qui pourrait dégager 75 millions d'euros afin de financer la restauration de l'ensemble du patrimoine religieux en région ; ou encore des tarifs différenciés au sein des grands opérateurs recevant plus de 60 % de publics étrangers.

Ces pratiques existent ailleurs, et nous devons les examiner avec lucidité pour faire face aux besoins de notre patrimoine. Pour récupérer ces fonds, nous n'avons notamment pas besoin, comme j'ai pu l'entendre, de remettre en cause la loi de 1905. Je suis à votre disposition pour les questions.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, merci pour ces annonces et notamment pour ces 300 millions d'euros de crédits supplémentaires en faveur du patrimoine. Si vous faites des annonces de ce type chaque fois que vous venez au Sénat, nous vous réinviterons plus souvent !

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public. - Ma première question porte sur l'effort supplémentaire demandé aux sociétés audiovisuelles publiques, qui représente environ 50 millions d'euros. Cette somme correspond à 1,5 % du budget des sociétés audiovisuelles publiques. L'effort peut être soutenable si la répartition s'établit correctement et si les discussions avec les organismes publics sont bien menées. Avez-vous aujourd'hui une idée de la répartition de cette somme entre les différents organismes ? Concernant France Télévisions, par exemple, l'effort portera-t-il sur les programmes, sachant qu'il faudrait alors revoir certains engagements pris par le groupe, ou bien sur les fonctions support ? Irez-vous jusqu'à ce degré de détail, ou indiquerez-vous seulement un montant d'économies à réaliser ?

Je souhaite également évoquer les COM. Nous devons rendre un avis la semaine prochaine sur le sujet. De ces COM il ne reste plus que le principe d'un contrat, car les objectifs ne sont plus atteignables, et les moyens ne sont plus disponibles. Je m'interroge donc sur l'avenir de ces COM. Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment entendre notre avis la semaine prochaine ? Ou ces COM seront-ils prochainement modifiés ?

Les crédits de transformation sont, à ce stade, toujours prévus dans le budget. Selon la loi de 1986, le Parlement vote les montants et affecte les crédits aux sociétés publiques. Ces crédits, aujourd'hui, ne sont pas affectés à chaque société publique. Si la PPLO était votée par l'Assemblée nationale, il serait judicieux que les crédits de transformation soient réintégrés à la dotation de chaque organisme de l'audiovisuel public.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Je vous remercie d'avoir trouvé une solution concernant les 10 millions d'euros pour les radios associatives. Allez-vous en profiter pour lancer une réforme des procédures d'attribution ? À mon sens, ce serait opportun.

Lors de votre précédente audition, vous vous étiez engagée à lancer le chantier des aides à la presse. Je comprends que la dissolution ait pu constituer un frein à cette réforme. Comptez-vous toutefois avancer dans le sens souhaité aussi bien par la commission que par les conclusions des EGI, demandant une plus grande conditionnalité de ces aides ?

La dissolution de l'Assemblée nationale a également décalé le rendu des travaux confiés à Sébastien Soriano sur les suites à donner au rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur la distribution de la presse. Ce dossier, crucial pour le secteur, trouvera-t-il enfin sa conclusion en 2025 ? Le prélèvement de 9 millions d'euros sur les crédits dédiés à la modernisation de la presse devait s'achever en 2022, puis 2024, mais celui-ci figure toujours dans le PLF pour 2025...

Le débat sur la proposition de loi de Sylvie Robert a souligné la nécessité d'une réflexion autour de l'évolution de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. Le texte annoncé lors des EGI sera-t-il l'occasion de revenir sur cette loi, notamment pour mieux définir les titres éligibles ?

Enfin, même si ces crédits ne figurent pas tout à fait dans le périmètre du programme, je constate que le projet de Maison du dessin de presse, annoncé par le Président de la République en janvier 2020, est au point mort. Aucune dotation n'est prévue. Ce projet est-il abandonné, retardé ou revu à la baisse ?

Mme Karine Daniel, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Vous avez fait du renforcement des services publics culturels en milieu rural un des axes majeurs de votre politique. Parmi les 23 mesures annoncées, trois concernent plus particulièrement le secteur de la création : l'aide à l'embauche temporaire d'artistes par les mairies, les associations et les cafés ; le soutien aux festivals en ruralité ; et le développement du réseau des artothèques. Vous avez évoqué les crédits de manière globale. Pouvez-vous nous indiquer les modalités de mise en oeuvre pour chacune de ces mesures ?

Concernant le plan Culture et Ruralité, vous avez évoqué la question des tiers lieux, dont 34 % se situent en milieu rural. Où en sommes-nous sur ce sujet très attendu dans les communes rurales ?

Pour la mise en oeuvre de ce plan Culture et Ruralité, les directions régionales des affaires culturelles (Drac) sont en première ligne. Or, nous observons aujourd'hui une certaine dévitalisation des Drac. Se pose donc la question de la gestion déconcentrée de ces crédits. De façon prosaïque, cela peut consister à mettre de l'essence dans les voitures pour aller voir les opérateurs dans les territoires. De nombreux retours invitent à une meilleure décentralisation ; je pense, par exemple, à la gouvernance du plan « Mieux produire, mieux diffuser » et à son articulation avec les collectivités territoriales.

Dans ce PLF pour 2025, les collectivités subissent d'importantes coupes budgétaires ; annoncées à 5 milliards d'euros, nous les évaluons plutôt à 10 milliards. Elles ne seront pas sans conséquence sur les projets culturels, les investissements et le fonctionnement.

Je souhaite également revenir sur le sujet de la filière musicale. La semaine dernière, le président du Centre national de la musique (CNM) a dressé un tableau contrasté. Malgré de beaux succès, une partie de la filière connaît des difficultés, avec notamment un problème de viabilité économique des salles. On a évoqué les scènes de musiques actuelles (Smac), d'autres salles connaissent des difficultés ; j'ai une pensée particulière pour les personnels et les bénévoles de trois salles qui ont fermé : l'Entonnoir à Besançon, l'Arrosoir à Chalon-sur-Saône et la Péniche Cancale à Dijon. De son côté, le K'fé Quoi à Forcalquier a pu être repris, mais sur un format plus restreint.

Je laisse Sonia de La Provôté évoquer le sujet des festivals. Nous aurons également un point d'attention sur le sujet de l'enseignement supérieur artistique, notamment dans les écoles d'art territoriales.

Où en est le plan global de réforme que vous aviez annoncé en mars dernier, à la suite du diagnostic confié à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et à la direction générale de la création artistique (DGCA) ?

Du reste, le pass Culture retiendra toute notre attention lors de l'examen du budget. Nous organiserons une table ronde consacrée à ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes au dispositif.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Votre plan en faveur de la ruralité suscite de fortes attentes dans les territoires. Je me félicite que vous y associiez la mise en valeur du patrimoine de nos campagnes, y compris religieux. Ce patrimoine souvent modeste et parfois ignoré n'en demeure pas moins constitutif de nos paysages.

Comme chaque année, nos auditions budgétaires soulèvent des questions sur les critères d'éligibilité aux dispositifs fiscaux profitant au patrimoine, notamment le dispositif Malraux. Celui-ci semble créer des effets d'aubaine et, dans certains cas, il encourage la spéculation immobilière dans les centres anciens déjà très attractifs, où la valeur de revente des immeubles réhabilités couvre largement les frais engagés. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le contexte budgétaire exige une rigueur accrue dans l'évaluation de l'efficacité des mesures financées par des fonds publics. Travaillez-vous actuellement à améliorer le ciblage de ce dispositif ?

Nous le savons, le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas adapté aux spécificités du bâti patrimonial ancien. L'ajustement de sa méthodologie serait nécessaire pour permettre une évaluation plus juste de la performance énergétique. Bien que la prise de conscience progresse sur ce point, le DPE continue d'inquiéter, car il a de lourdes conséquences sur les possibilités de mise en location, sur la valeur marchande des biens et, même aujourd'hui, sur la possibilité pour les propriétaires d'obtenir des prêts pour leurs travaux de rénovation. Le temps presse : les effets néfastes et non anticipés du DPE sont déjà visibles. Dans ce contexte, pourriez-vous préciser le contenu des annonces faites par le Premier ministre et votre ministère pour assurer l'adaptation du DPE au bâti patrimonial ancien ?

Il est aujourd'hui nécessaire de s'inquiéter du sort réservé au bâti vernaculaire, qui ne fait l'objet d'aucune protection alors qu'il participe à l'attractivité de nos régions, surtout les plus reculées. Ce patrimoine, parfois méconnu mais si riche, dit tant de choses sur notre pays. Pourtant
- j'insiste -, il est menacé par des rénovations inadaptées et des destructions qui s'accélèrent. Pour faire obstacle à ce saccage patrimonial, il est urgent de réfléchir collectivement aux moyens d'assurer son identification, voire de réaliser son inventaire complet, afin qu'il figure dans les documents d'urbanisme. Il en va ainsi en matière de protection de la biodiversité : chaque particularité floristique ou faunistique est prise en compte pour favoriser une urbanisation durable et respectueuse. Envisagez-vous d'identifier et d'inventorier ce patrimoine ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je me réjouis que le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ait été finalement épargné par les mesures d'économie, en dépit d'un prélèvement de 450 millions d'euros sur ses réserves, cette somme étant destinée à couvrir des engagements comptables.

Le 14 février dernier, le Sénat a adopté l'ambitieuse proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Savez-vous si elle pourra être inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Je rappelle qu'elle contient des dispositions précieuses pour sanctionner les producteurs qui ne lutteraient pas efficacement contre les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage.

Par ailleurs, la directive sur les médias audiovisuels (SMA) doit être réexaminée par la Commission européenne en 2025. Cela nécessitera un fort engagement de la part de la France. Dans ce contexte, il serait très utile qu'un président du CNC puisse être rapidement nommé ; la vacance de poste depuis juin dernier peut se révéler très pénalisante. Avez-vous des informations à nous communiquer sur ce sujet ?

Enfin, le 25 septembre dernier, l'Autorité de la concurrence s'est saisie « d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition d'oeuvres cinématographiques ». De sa décision dépend, en réalité, tout l'équilibre de la chronologie des médias, pilier du financement de notre cinéma. Quelles options ont été mises sur la table et comptez-vous vous associer à cette procédure ?

Mme Sonia de La Provôté. - La programmation, le calendrier et l'attractivité des festivals de l'été dernier ont été parasités par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et la phase électorale qui a suivi la dissolution de l'Assemblée nationale.

Finalement, selon les syndicats et les professionnels du milieu, la fréquentation a été plutôt bonne. Pourtant, le bilan budgétaire de ces festivals est plutôt mauvais, voire moins bon que celui de l'année dernière, ce pour plusieurs raisons.

D'abord, l'inflation a affecté les frais de déplacement des artistes, entre autres. Ensuite, l'application des réglementations environnementales est complexe et coûteuse. Résultat : à la fin de l'été, 50 % des festivals étaient en situation déficitaire - le déficit moyen oscillant entre 75 000 et 100 000 euros - et 14 % d'entre eux annonçaient ne pas pouvoir se dérouler l'année prochaine.

Le modèle économique des festivals est un vrai sujet. À cet égard, nous avions alerté le Gouvernement sur la nécessité de maintenir et de faire évoluer le fonds festival, compte tenu des besoins nouveaux et de cette période particulière où les contraintes s'accumulent.

Le ministère envisage-t-il d'évaluer la situation actuelle ? Il conviendrait d'abonder le fonds festival, vu l'aggravation des besoins ces dernières années. Voir disparaître les festivals, c'est voir disparaître l'accès à la culture dans tous les territoires.

Mme Rachida Dati, ministre. - Nous souhaitons revoir les contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public tout en maintenant trois priorités : la proximité, le numérique et la jeunesse, la qualité de l'information. D'ailleurs, ce sont elles qui motivent la réforme de la gouvernance. Pour rappel, lorsque le président Lafon et moi-même avions discuté de la création d'une holding, voire d'une fusion de l'audiovisuel public, c'était en maintenant ces trois priorités.

Nous aimerions trouver un créneau à l'Assemblée nationale pour discuter d'une réforme de la gouvernance, afin de mener en parallèle la réforme du financement et celle de la gouvernance, mais l'incertitude demeure.

Lors de l'examen de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que les crédits de transformation devaient être intégrés aux dotations de base des sociétés.

Vous m'avez interrogé sur la répartition des 50 millions d'euros d'économies demandées à l'audiovisuel public : France Télévisions en assumera la plus grande part, à hauteur de 10 millions d'euros de plus.

Le budget de la culture est compris entre 8 milliards et 9 milliards d'euros, la moitié étant réservée aux sociétés de l'audiovisuel public. Dès lors, les économies qui leur sont demandées sont inférieures à leur poids dans ce budget.

In fine, c'est bien au Parlement qu'il reviendra de décider des affectations de crédits et des mesures d'économie. Nous pourrons en discuter ensemble, ainsi qu'avec les sociétés concernées.

M. Cédric Vial. - Allez-vous indiquer aux sociétés de l'audiovisuel public les domaines dans lesquels elles doivent réaliser des coupes budgétaires ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Pour tout vous dire, nous en discutons toujours. Je ne veux pas imposer des mesures dont la mise en oeuvre serait difficile : je préfère la concertation. En effet, les économies doivent être les plus consensuelles possible, surtout qu'elles ont été annoncées tardivement.

Quelques mots sur les droits voisins, qui sont un sujet autant national qu'européen. Nous souhaitons traduire législativement les conclusions des États généraux de l'information, qui sont d'une très grande qualité, en identifiant les titres concernés.

Dans le même esprit, nous pourrions compléter ou renforcer la protection du secret des sources des journalistes, dans la continuité de la loi du 4 janvier 2010 que j'avais défendue en tant que garde des Sceaux.

Par ailleurs, la situation de France Messagerie demeure fragile. Aussi, j'ai demandé que la mission Soriano sur la distribution de la presse, interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, soit relancée. En attendant qu'elle rende ses conclusions, nous avons maintenu l'aide à la distribution au même niveau qu'auparavant.

M. Laurent Lafon, président. - Quid du projet de création d'une Maison du dessin de presse ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Je suis en train de négocier les aspects budgétaires. Pour les journalistes, notamment, la maison du dessin de presse n'a de sens que si elle permet d'exposer des caricatures. Sur ce point, les discussions ont été vives.

En tant que ministre de la culture, je considère que l'engagement pris pour la création de cette institution doit être tenu. Encore faut-il trouver des financements. Il est par ailleurs nécessaire de tenir compte des enjeux de sécurité.

Je suis prête à discuter du contrôle sur les attributions de fréquences et à revoir les critères. Toutefois, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) accomplit déjà très bien ses missions.

Par ailleurs, ce serait une très bonne chose d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Or, pour l'heure, il n'y a pas de fenêtre d'inscription. Ainsi, le Gouvernement prendra ses responsabilités : dans la mesure où cette proposition de loi contient des dispositions très intéressantes, nous pourrons les reprendre à notre compte dans un projet de loi.

La chronologie des médias est fixée non plus pour cinq ans, mais pour trois ans. Les acteurs se plaignent de devoir procéder à des renégociations en permanence, le nouveau délai impliquant de discuter de la chronologie seulement dix-huit mois après qu'elle a été fixée. En réalité, c'est un débat de nature législative. Doit-on maintenir ce délai ? La chronologie convient-elle bien à tout le monde aujourd'hui ? Certains acteurs apprécient de mener des renégociations sur un temps court, compte tenu de l'évolution du paysage cinématographique. D'autres préfèrent une chronologie plus longue, pour disposer de suffisamment de retours et de bilans.

Depuis mon entrée en fonction, j'ai découvert le sens de l'anticipation et l'énergie dont font preuve tous les agents du CNC. Cette institution accomplit un excellent travail, avec des résultats assez spectaculaires, ne serait-ce que sur la dernière année.

Je vous renvoie au bilan du cinéma sur l'attractivité de l'économie française : le CNC fonctionne très bien et doit fonctionner encore mieux. D'où la nécessité de procéder à la nomination de son président, ce qui ne saurait tarder.

Parlons des festivals. Aujourd'hui, il en existe partout en France, dans les communes de 600 habitants comme dans celles qui en comptent 1 million. Il existe des divergences quant aux financements, aux partenaires et aux thématiques, mais les festivals font tous l'objet du même engouement. Ils garantissent un véritable accès à la culture puisqu'ils sont souvent gratuits.

Notre plan en faveur de la ruralité, d'un montant de 100 millions d'euros sur trois ans, permettra de financer de façon pérenne les festivals. Plus de 200 événements festifs seront déclinés : festivals, « villages en fête », fanfares, etc. Chaque territoire utilisera les fonds alloués pour organiser ces événements comme il le souhaite.

En outre, 200 résidences d'artistes seront organisées. En ce domaine, il y a eu une forte demande, puisqu'il est question de la mobilité des artistes dans les zones rurales.

Quant au CNC, il soutiendra près de 150 circuits itinérants. Du reste, les artothèques seront comprises dans les financements.

Les tiers-lieux ont également été intégrés au plan en faveur de la ruralité, avec un développement d'ampleur. Ils sont essentiels en ce qu'ils permettent de transformer les bâtis patrimoniaux rénovés mais non utilisés en lieux d'exposition, de projection, de rencontres ou de débats.

J'ai mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), qui sont très utiles en zone rurale.

Bref, notre plan comporte des mesures pour chaque secteur de la culture : cinéma, festivals, patrimoine, événements festifs, résidences d'artistes, etc.

L'éducation artistique et culturelle (EAC) en fait aussi partie. Je serai honnête avec vous : même si nous finançons des associations, des artistes et des formations, il n'y a pas de ligne politique en ce domaine. Je serais donc bien en peine de dresser le bilan de l'EAC. Je peux vous indiquer les montants que nous y avons alloués, mais je ne saurais vous dire quels volets ont été développés, pour quels objectifs

L'EAC est désormais de plus en plus intégrée aux programmes pédagogiques. La part collective du pass Culture y participe. J'ai ainsi été particulièrement émue de voir des enfants découvrir des oeuvres alors qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans un musée, même si celui-ci est situé à 40 mètres de leur domicile. L'articulation de la part collective et de la part individuelle du pass Culture est donc essentielle pour accompagner le cheminement des jeunes vers la culture.

Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale considère que l'EAC relève davantage du ministère de la culture, si bien que nous n'avons pas la même ligne en la matière. Il conviendrait de définir une politique publique cohérente à destination des enfants.

En résumé, les crédits alloués par le ministère en faveur de l'EAC ne sont pas négligeables. Il reste à définir une politique cohérente, faute de quoi nous serons condamnés à faire du saupoudrage via la distribution de subventions. On ne peut pas parler d'accès à la culture sans indiquer, au préalable, à quoi sert la politique que nous conduisons. L'EAC est une noble mission : elle doit avoir un sens et c'est ensemble que nous devons la bâtir.

Autre sujet : nous sommes en train de revoir les dispositifs fiscaux applicables au patrimoine en raison d'effets d'aubaine, voire d'effets de rente. Nous souhaitons également faciliter la tâche des propriétaires privés qui possèdent un patrimoine historique : cela leur coûte très cher d'entretenir ou de rénover leur bien, alors même qu'ils permettent au public d'y accéder. Nous travaillons donc à réduire certains dispositifs fiscaux et à en amplifier d'autres. En ce qui concerne en particulier le dispositif Malraux, nous pouvons unifier le taux de réduction d'impôts, mais aussi rehausser le taux pour les immeubles en site patrimonial qui sont insalubres ou en ruines. Nous souhaitons le rehausser à 50 %, à la condition que des travaux de rénovation énergétique soient menés. Sur ce sujet, je n'ai pas gagné le combat vis-à-vis de Bercy, mais sachez que c'est la solution qui est défendue par le ministère de la culture.

Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, nous nous étions engagés à la mise en place d'une disposition relative au DPE du bâti ancien avant le 31 décembre prochain, et cet engagement sera respecté.

Le Président de la République nous avait demandé de recenser l'ensemble de biens du patrimoine et d'inciter, via les directions régionales des affaires culturelles (Drac), à leur classement. L'État et les collectivités devraient y contribuer. Voilà qui permettra de sauvegarder le patrimoine, y compris privé.

Le fonds festival a été préservé, mais les zones rurales sont tout de même en fragilité.

Il faut que nous engagions une réflexion sur le modèle économique du spectacle vivant. À cet égard, j'ai demandé à la mission consacrée à ce sujet, lancée avant la dissolution, de reprendre ses travaux. Tous les représentants du spectacle vivant, quelle que soit leur tendance, s'accordent à dire que la pérennisation du financement est un problème majeur. On finance souvent des structures, mais on ne finance plus de projets.

Quant aux écoles d'art, il n'y a aucun désengagement de notre part, comme en matière de patrimoine. Le ministère ne possède toutefois ni direction de la formation ni direction de l'enseignement, ce qui rend difficile l'observation fine de ces écoles. Il en existe 99 à ce jour : 41 écoles nationales et 58 écoles territoriales, auxquelles s'ajoutent des préparatoires publiques. J'ai demandé qu'on procède au recensement de l'ensemble des écoles d'art et qu'on réalise une cartographie. Il n'y a pas de mystère : les écoles d'État sont souvent situées en milieu urbain, d'où le fait qu'elles ne soient pas forcément accessibles au plus grand nombre. Certaines écoles, telles que les Beaux-Arts ou l'École du Louvre, sont également fortement marquées par un phénomène de reproduction sociale. D'autres ne comptent pratiquement aucun élève boursier. Dans les écoles d'art payantes, les élèves n'ont pas accès aux bénéfices du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), comme les repas dans les restaurants universitaires ou les bourses.

Soyez assurés que nous allons préserver et renforcer les écoles d'art, mais que nous mènerons aussi une évaluation, car nous n'avons pas de contrôle sur les résultats de certaines écoles qui bénéficient pourtant de financements très importants de la part de l'État. Je précise que nous avons par ailleurs relancé l'apprentissage et l'alternance, qui étaient pratiquement inexistants dans les actions menées par le ministère.

M. Laurent Lafon, président. - Je vais maintenant donner successivement la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui ont souhaité s'exprimer dans le cadre de la présente audition.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Quel bonheur de vous entendre ainsi parler du pass Culture, madame la ministre ! Dès le départ, Sylvie Robert, Sonia de La Provôté, Pierre Ouzoulias et moi-même avions animé un groupe de travail sur ce sujet. Il aura fallu user quatre ministres pour entendre la cinquième nous dire, sans haine ni violence, et avec une certaine diplomatie, ce que nous affirmons depuis six ans déjà.

Par ailleurs, la condition sine qua non de la réussite de l'EAC se trouve dans les territoires, notamment les communes. À 35 kilomètres de Paris, je vous invite à visiter l'une des communes d'Île-de-France qui a été pionnière en ce domaine, dès lors qu'elle a été labellisée à 100 %.

Vous verrez à quel point le dispositif en place est performant. Il repose sur le travail des communes, comme la majorité de la culture dans notre pays.

Enfin, qui, à Bercy, en veut au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FESR) ? Ce budget, monté en quinze jours, est un document martyr que le Sénat s'efforcera d'améliorer. Toutefois, l'amputer de 10 millions d'euros, sans même prendre attache avec le ministère de la culture, ne relève pas du hasard : c'est une décision insupportable, madame la ministre ! Avez-vous des informations sur ce sujet ?

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Au sein de la commission des finances, Vincent Éblé et moi-même avons coécrit un rapport d'information sur le pass Culture. D'ailleurs, je me félicite que vous ayez repris nos recommandations, madame la ministre.

Je prends acte de votre volonté de reformater ce dispositif. Vous n'avez pas manqué d'évoquer l'écueil de la reproduction sociale, à juste titre. Pour ma part, je souhaiterais insister sur un deuxième écueil, celui du manque d'offre culturelle pour les jeunes habitants des zones rurales ou périurbaines.

Je viens d'une bourgade rurale où, dans un rayon de 20 kilomètres, il n'y a ni salle de spectacle, ni cinéma, ni théâtre, ni librairie digne de ce nom. Quant aux musées, ils sont situés encore plus loin, à au moins 40 kilomètres.

Je crois beaucoup au pass Culture. Il conviendrait toutefois d'ajouter un volet transport et mobilités à destination des jeunes qui sont éloignés de l'offre culturelle.

Mme Anne Ventalon. - Dans la période de disette économique que nous connaissons, il faut saluer les crédits alloués à la culture pour l'année 2025 et la stabilité annoncée. Néanmoins, les chantiers qui vous attendent sont de taille.

Je me félicite de votre engagement de faire de 2025 l'année du patrimoine. Les 300 millions d'euros que vous avez annoncés permettront de répondre à l'impérieuse nécessité de sécuriser, de restaurer et de valoriser le patrimoine, cher à l'ensemble des Français.

Je m'interroge sur la collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes, lancée en septembre 2023 à l'initiative du Président de la République. En un an, celle-ci totalise près de 12 millions d'euros de dons auprès de la Fondation du patrimoine : nous sommes très loin de l'objectif de collecter 200 millions d'euros d'ici à 2027.

Ce premier bilan décevant doit nous amener à élaborer, ensemble, une nouvelle politique patrimoniale. Comment pourrions-nous rassurer et accompagner les élus locaux - eux aussi soumis à de fortes contraintes budgétaires - dans l'entretien et la valorisation du patrimoine communal, notamment religieux, sans politique claire et de long terme ?

Les attentes des maires sont très fortes. Les conclusions des États généraux du patrimoine religieux seront rendues prochainement et contribueront à l'élaboration collective d'un plan adéquat.

Au demeurant, vous avez précisé vos annonces récentes concernant l'accès payant des visiteurs à la cathédrale Notre-Dame de Paris, une fois les travaux de rénovation achevés. Selon vous, la loi du 9 décembre 1905 n'est pas un obstacle à ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?

Quel que soit l'avis de chacun, la question du financement de notre patrimoine mérite d'être posée. Pensez-vous que l'entrée payante de Notre-Dame de Paris s'inscrit bien dans la mission de service public et d'ouverture culturelle de la cathédrale, ou privilégiez-vous une autre forme de financement pour préserver son accès libre, en tenant compte des valeurs historiques et symboliques qu'elle incarne pour notre patrimoine national ?

Enfin, j'ai un doute sur la possibilité de financer de façon significative et pérenne la restauration des édifices religieux en milieu rural. Comment pouvez-vous concrètement garantir que les recettes seront reversées dans les territoires qui en ont le plus besoin ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous saluons votre ténacité et tous les efforts que vous déployez pour défendre un budget de la culture solide, madame la ministre.

Je vous remercie d'avoir soutenu notre proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Nous espérons qu'elle puisse suivre son cours assez rapidement, dans le cadre de la navette parlementaire.

Par ailleurs, je me réjouis du maintien des crédits d'impôt pour le cinéma. Cela fera la grande satisfaction des régions, qui financent la production cinématographique. C'est un système donnant-donnant avec le CNC.

Vous avez affirmé qu'un pays qui ne s'occupe pas de son patrimoine ne s'occupe pas de son avenir. Or, ces dernières années, l'État et les collectivités ont fait le maximum pour investir dans le patrimoine, en particulier religieux. On peut se satisfaire d'une vraie prise de conscience et d'un effort réel, ce dont témoignent les colloques qui ont été organisés au Sénat et les rapports rédigés par plusieurs de nos collègues.

Cependant, nous devrions taper davantage à la porte de l'Union européenne. En 2023, Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même avons écrit un rapport d'information révélant que la compétence en matière de culture n'est pas revendiquée par l'Union européenne. Pourtant, les traités ne s'y opposent pas. Dans une logique de subsidiarité, mais surtout de complémentarité, l'Union européenne pourrait faire usage de cette compétence. À cet égard, nous avions formulé plusieurs propositions et même sollicité la commissaire Mariya Gabriel, dans l'espoir que l'Union européenne ouvre enfin la porte d'un financement direct affecté à la sauvegarde du patrimoine.

De même, les programmes Europe créative sont essentiels et pourraient être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine.

Par ailleurs, dans quelle mesure les collectivités seront-elles affectées par votre plan en faveur de la ruralité ? Pour rappel, elles verront leur budget amputé de 5 milliards d'euros, voire de 10 milliards.

Les collectivités ont déjà été privées de tout levier fiscal en raison de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation. Elles se trouvent prises dans un effet de ciseaux, alors qu'elles accompagnent 80 % des structures du spectacle vivant.

Les collectivités s'efforcent d'opérer les choix les moins douloureux possible, à l'heure où tout le maillage territorial est affaibli, au risque de se désagréger.

Au Sénat, nous défendons les collectivités territoriales. Vous avez raison, nous devons réfléchir au modèle économique du spectacle vivant. Toutefois, les collectivités vont se trouver dans une impasse budgétaire cette année.

Enfin, vous revendiquez l'ambition louable de faire du Centre national de la musique (CNM) l'équivalent du CNC. Cependant, comparaison ne vaut pas raison : le spectacle vivant, en particulier la musique, est hautement subventionné, à hauteur de 80 %, ce qui n'est pas le cas du secteur du cinéma. Cela suscite donc quelques inquiétudes.

Va-t-on complètement « agenciariser » le secteur de la musique ? Le cas échéant, le ministère de la culture ne jouerait plus son rôle de structuration avec les collectivités territoriales, à moins que vous ne conserviez la direction de la musique.

Mme Sylvie Robert. - Je me réjouis que les crédits de transformation soient intégrés aux crédits de base des sociétés d'audiovisuel public. Ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement : en 2024, un certain nombre d'entre eux ont été annulés, voire non versés, dès lors qu'ils étaient suspendus à la réforme de la gouvernance. Ces crédits de transformation vont-ils être finalement versés aux sociétés ?

Vu les 50 millions d'euros d'économies qui pèseront essentiellement sur France Télévisions, l'équation va être très complexe ; nous aurons quelques difficultés à accepter les trajectoires annoncées. Les économies de 200 millions d'euros annoncées sur quatre ans sont-elles réelles ?

Au demeurant, je suis très intéressée par votre plan en faveur de la ruralité. Pour autant, de nombreuses questions posées par mes collègues démontrent qu'il n'y a pas forcément de transparence dans la façon dont il sera déployé dans les territoires.

Nous aimerions en savoir plus sur la manière dont ce plan sera déployé dans les territoires. S'agira-t-il de crédits déconcentrés aux Drac, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes ? Elles n'ont pas toujours les moyens de procéder à des expertises notamment dans les communes très rurales, isolées, où il est difficile de se déplacer et d'accompagner les élus. Quelle sera la méthode pour définir les crédits octroyés : ceux-ci seront-ils définis de manière centralisée, en fonction des besoins du terrain ou selon d'autres critères, tels que le nombre d'habitants, etc. ?

Demain, avec Else Joseph et Monique de Marco, nous rendrons les conclusions de notre rapport sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP. Nos auditions ont révélé un nombre important d'atteintes à la liberté de la création. Cela pose la question de l'effectivité de la loi. Avez-vous été alertée sur ce sujet ? Envisagez-vous d'intervenir pour essayer de comprendre ce qui se passe ?

Mme Monique de Marco. - Une baisse des crédits de l'audiovisuel public de 50 millions est envisagée l'année prochaine. Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, une holding devrait être créée. Quel sera son financement ? Bénéficiera-t-elle de moyens spécifiques ? Des crédits supplémentaires sont-ils prévus ou bien la réforme se fera-t-elle à moyens constants ?

Le Centre national de la musique a été créé en 2020. Il a pour vocation d'être le centre de toutes les musiques et de garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Lors de son audition, M. Thiellay, son président, nous a indiqué que la taxe streaming avait rapporté moins que prévu, en raison de diverses réticences ou de difficultés d'application. La taxe sur la billetterie constitue la principale source de financement du CNM. Son produit est amené à croître dans les prochaines années, comme l'indique le contrat pluriannuel d'objectifs et de performances du CNM. Le montant affecté au CNM est plafonné à 50 millions aujourd'hui, mais les recettes issues de cette taxe dépassent cette somme. Comptez-vous déplafonner cette taxe ?

Mme Laure Darcos. - Je me réjouis de vos propos sur le crédit d'impôt en faveur du cinéma et des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica), mais chaque année Bercy et les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat cherchent à le réduire. Nous devrons donc être vigilants sur le sujet. L'an passé, avec Sylvie Robert, nous avons bataillé sur cette question et le vote s'est joué à deux voix !

Les grandes plateformes, comme Amazon, se masquent derrière le secret des affaires pour ne pas révéler leur chiffre d'affaires et donc se soustraire à leurs obligations de financement de la création cinématographique.

Amazon va contourner la loi qui l'oblige à facturer au minimum 3 euros chaque livraison de livres, puisque ses clients pourront bénéficier d'une livraison gratuite s'ils récupèrent leur commande dans un des 2 500 points de retrait situés dans un endroit qui vend également des livres. C'est très grave, car cela aggravera la situation des libraires. Il importe que les frais de port soient les mêmes pour Amazon et les libraires indépendants.

Mme Else Joseph. - Vous avez évoqué un recentrage du pass Culture. L'année dernière nous nous étions interrogés sur l'opportunité d'une ouverture du dispositif au patrimoine. Qu'en pensez-vous ?

Dans le cadre de notre mission d'évaluation des dispositions de la loi LCAP, nous avons pu constater que les Drac étaient dans une situation de grande fragilité. Leur mission d'expertise et de soutien en matière d'ingénierie est pourtant cruciale pour les collectivités.

L'année dernière, avec Catherine Morin-Desailly, nous avons rédigé un rapport intitulé : Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner. La compétence de notre pays dans ce domaine est reconnue dans le monde. Comment comptez-vous développer ce volet de notre politique culturelle au niveau international ? Envisagez-vous d'accroître la collaboration avec le ministère des affaires étrangères sur ce sujet ?

M. Adel Ziane. - Je partage les inquiétudes de Catherine Morin-Desailly. Les villes sont en première ligne sur les questions culturelles. Elles constituent des leviers puissants pour faire rayonner la culture dans les territoires. Or il est question d'opérer une ponction sur leurs budgets.

Vous souhaitez que 2025 soit l'année du patrimoine. Nous nous en réjouissons. Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen présenteront demain le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les architectes des bâtiments de France. Nos auditions ont confirmé l'importance de leur rôle. Vous avez évoqué une enveloppe de 300 millions d'euros pour le patrimoine. Il y a urgence. Les professionnels de la restauration et du secteur des monuments historiques ont besoin de savoir dès maintenant comment l'année 2025 se passera, comment ces crédits seront utilisés.

Vous avez mentionné les grands travaux dans les musées parisiens, en particulier au centre Pompidou. Vous avez aussi évoqué des pistes de financement, comme des tarifs différenciés pour les touristes étrangers. La France accorde la gratuité des collections permanentes des musées nationaux aux jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l'Union européenne, mais certains pays européens, comme l'Italie ou l'Espagne, ne pratiquent pas cette gratuité. Comment comptez-vous avancer sur cette question pour trouver de nouveaux financements pour les musées ?

Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques restent stables, à 9,7 millions d'euros. Les grands musées parisiens ont la capacité de lever des fonds et de recourir au mécénat, mais pour les établissements en région, c'est plus difficile et ces crédits semblent bien faibles pour leur permettre d'enrichir leurs collections.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - J'avais alerté le Président de l'Arcom, lors de son audition le 16 octobre par notre commission, sur la coupe budgétaire de plus de 10 millions d'euros prévue par le projet de loi de finances 2025 des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Consciente des conséquences dramatiques de cette baisse pour nos radios associatives, vous avez tenu à réagir rapidement, madame la ministre, à la suite à mon intervention et de celle des syndicats. Je tiens à vous remercier.

La semaine dernière vous avez ainsi annoncé lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale que la baisse annoncée de 35 % des crédits de ce fonds n'aurait pas lieu. Je me réjouis donc sincèrement de cette bonne nouvelle qui a été perçue comme une véritable marque de reconnaissance par les radios associatives. Toutefois, le Gouvernement n'a pas précisé les modalités de l'annulation de cette baisse. Dans la mesure où le fonds de soutien à l'expression radiophonique est également financé par le plan Culture et Ruralité, qui est inclus dans la mission « Culture » du PLF, le Gouvernement pourrait-il envisager une augmentation du budget de ce plan ? Cette annulation sera-t-elle préservée en cas de recours à l'article 49.3 ?

Enfin, les radios associatives s'interrogent sur l'avenir. Pouvez-vous les rassurer en leur affirmant que la question ne se posera pas à nouveau l'année prochaine ? Ce fonds est au coeur de leur modèle économique. Il contribue à hauteur de 40 % à leur budget. On comprend leurs inquiétudes. Je ne doute pas une seule seconde, madame la ministre, de votre engagement à leur côté.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à mon tour à vous remercier d'avoir convaincu vos collègues de Bercy de renoncer au projet de réduction de près d'un tiers des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont l'annonce avait mis en émoi les radios associatives. Cette subvention est en effet vitale pour leur équilibre financier et pour les emplois.

Je vous remercie aussi pour la priorité que vous accordez au patrimoine. Je voudrais insister sur la nécessaire sauvegarde du patrimoine religieux remarquable, qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, mais qui est très emblématique de nos territoires, notamment ruraux. Dans la situation que l'on connaît actuellement, cette sauvegarde ne peut pas être une priorité des collectivités : l'État doit venir à leur aide pour assurer les travaux les plus urgents. C'est pourquoi je soutiens votre proposition visant à instaurer un droit d'entrée pour les touristes. La recette escomptée de 75 millions sera-t-elle déconcentrée dans les Drac, afin que cet argent ruisselle un peu dans tous les territoires ? En flécherez-vous une partie vers ce patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit ?

2025 sera l'année du patrimoine. Ne pourriez-vous pas demander aux préfets, grâce à a la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de mettre un accent particulier sur les questions relatives au patrimoine pour aider les collectivités qui connaissent des difficultés financières ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Nous présenterons demain, avec Pierre-Jean Verzelen, les conclusions de notre rapport sur les architectes des bâtiments de France (ABF). Nous mettons en lumière le sous-effectif des ABF, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas toujours exercer leurs missions de conseil et d'accompagnement auprès des élus locaux. Nous préconisons le recrutement d'un ABF supplémentaire par département, pour faire face à la hausse du nombre d'avis qu'ils doivent rendre, puisque ces derniers ont augmenté de 63 % entre 2013 et 2023. Nous plaiderons en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances. Qu'en pensez-vous ? Je soutiens à cet égard les propos d'Anne Ventalon, qui avait corédigé avec Pierre Ouzoulias un rapport sur l'état du patrimoine religieux.

Nous soulignons également le manque d'ingénierie juridique et technique des communes rurales pour entretenir et valoriser leur patrimoine. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des collectivités dans ce domaine ?

Vous avez annoncé l'octroi de 300 millions supplémentaires pour le programme 175. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements. L'un d'eux vise à augmenter de 2 millions les crédits du fonds incitatif et partenarial, qui joue un rôle précieux pour soutenir les petites communes, dotées de faibles ressources, dans leur politique de restauration du patrimoine. Un autre amendement prévoit la création d'un fonds de 6 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien et la valorisation du patrimoine local. Quel regard porterez-vous sur ces différents amendements ?

Nous avons été interpellés par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques sur un autre amendement qui prévoit la suppression de l'affichage publicitaire sur les monuments pendant les travaux de restauration. Cela aurait un impact sur le financement des projets de restauration. Quel est votre avis sur cet amendement ?

Comment expliquer la baisse de 10 ETP pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ?

Enfin, je rejoins entièrement les propos de Sabine Drexler sur le DPE pour le bâti ancien.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Décloisonner la culture dans tous les territoires et pour tous les publics est l'un des axes majeurs de votre politique. Le 11 juillet dernier, vous avez ainsi annoncé le plan Culture et Ruralité.

Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été supprimé par le dernier projet de loi de finances. Ce fonds, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, finançait de nombreux projets culturels pour les scolaires. Faute de financement, de nombreuses communes n'auront plus d'autre choix que d'opter pour la semaine des quatre jours et d'abandonner de nombreux projets culturels. La ministre de l'éducation s'est engagée, sans autre précision, à mettre en place une aide spécifique aux communes rurales. Votre ministère est-il associé à ces travaux ? Les projets menés sur le temps périscolaire pourraient-ils bénéficier du plan Culture et Ruralité ou d'un autre dispositif de votre ministère ?

L'entretien du patrimoine de proximité est le point noir du budget de la culture. Les besoins de fonctionnement et d'investissement dépassent le montant de la dotation budgétaire. Ce domaine mériterait un plan Marshall. Le rapport sénatorial Patrimoine religieux en péril : la messe n'est pas dite paru en juillet 2023 indique qu'entre 2 500 et 5 000 édifices sont menacés d'être abandonnés, vendus ou détruits d'ici à 2030.

Vous nous invitez à bâtir une nouvelle politique patrimoniale. Mais la première mesure ne devrait-elle pas de réfléchir aux prescriptions des architectes des bâtiments de France, dont les exigences peuvent parfois conduire à l'abandon des projets de restauration ? On ne peut avoir en effet les mêmes exigences pour nos églises rurales que pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Par ailleurs, beaucoup de communes rurales ne connaissent pas le fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine. Ne faudrait-il pas améliorer la communication à ce sujet ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je salue, madame la ministre, votre effort budgétaire en faveur de l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances pour 2025, puisque 47,6 millions d'euros sont prévus pour soutenir les opérations de terrain : 33,4 millions pour le fonds national d'archéologie préventive et 14,2 millions pour accompagner les collectivités dans les diagnostics. Néanmoins, certaines communes rurales rencontrent encore de grosses difficultés pour mener à bien des projets d'intérêt général, tels que la construction de maisons de santé, en raison du niveau du reste à charge des fouilles préventives qu'elles doivent acquitter. Dans ce contexte, ne serait-il pas possible de moduler les taux d'intervention du fonds d'archéologie préventive pour tenir compte à la fois de la fragilité financière des communes et de la nature des projets, notamment quand ils répondent à des enjeux de services publics ?

Mme Rachida Dati, ministre. - C'est à l'échelon local que l'on sait le mieux quelles sont les actions les plus pertinentes en matière d'éducation artistique et culturelle (EAC). Nous continuerons à attribuer des labels 100 % EAC, mais dans un souci de cohérence et en évitant le saupoudrage qui a pu être pratiqué parfois. Sinon, personne n'est content. Les élus locaux sont déçus et, finalement, la politique culturelle en pâtit. Ce label doit s'inscrire dans une collaboration avec les collectivités.

Nous sommes d'accord sur le pass Culture. Le dispositif était complexe : on ne savait pas comment y accéder. L'utilisateur devait déjà connaître l'activité culturelle qu'il recherchait. Rien n'était proposé spontanément. En somme, on pouvait aller voir un spectacle à la Comédie française avec ce pass, à la condition de connaître déjà l'existence du pass, le titre du spectacle et l'existence de la Comédie française ! Ce n'est pas le rôle que je souhaitais assigner à ce pass, notamment dans sa partie individuelle. Or l'articulation entre les parties collective et individuelle me semble capitale.

J'avoue que je n'ai pas essayé de comprendre pourquoi il était prévu de supprimer le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Mais chacun sait dans quelles conditions le budget a été élaboré. Ce n'est pas la seule erreur que j'ai pu rattraper in extremis : par exemple, il était prévu de supprimer des postes dans un établissement qui était en travaux, car celui-ci avait été considéré à tort comme étant fermé définitivement. La suppression du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale était un loupé, que j'ai corrigé : je l'avais indiqué avant même mon audition à l'Assemblée nationale, car je connais l'importance des radios associatives, qui sont très implantées dans les territoires et très imprégnées des problématiques locales.

Je me suis posée, comme vous, la question comme vous de savoir s'il fallait intégrer une part relative à la mobilité dans le pass Culture. J'y ai renoncé, car cela reviendrait à amputer à due proportion la part consacrée à l'accès à la culture. C'est pourquoi nous avons préféré travailler avec les collectivités, notamment avec les régions, qui ont la compétence transport. Dans des endroits où le transport est compliqué, des expérimentations de covoiturage culturel ont vu le jour, notamment durant la période des festivals. Il est donc intéressant de financer des associations qui réalisent un tel covoiturage. De même, on pourrait aussi utiliser le transport scolaire pour emmener les enfants à une activité culturelle. La question de la mobilité est sensible, car elle soulève un sujet de responsabilité pénale pour le transport, notamment pour le personnel de l'éducation nationale.

La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes a permis de récolter 12 millions d'euros. Les petites souscriptions sont très utiles pour financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, car ce patrimoine ne bénéficie pas de subventions. Cette collecte a eu du mal à démarrer. L'objectif était de récolter 200 millions d'euros en 4 ans. Nous en sommes loin. C'est pourquoi nous cherchons à revoir les modalités de cette souscription. Les Français veulent savoir ce qu'ils financent. C'est d'ailleurs pour cela que le loto du patrimoine marche bien, ou que les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ont été nombreux. Nous sommes donc en train de revoir les modalités de cette souscription afin de mieux identifier le patrimoine que l'on souhaite financer.

J'en viens à la politique de tarifs différenciés. Je voulais pratiquer des tarifs différenciés entre les Français et les étrangers, mais on doit traiter à l'identique les citoyens français et les ressortissants des pays de l'Union européenne, même s'il est vrai que tous les pays européens ne respectent pas cette exigence de réciprocité. Cette politique de tarifs différenciés visera donc les ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Les recettes permettront de financer évidemment les établissements visités, mais elles pourront aussi être redistribuées le cas échéant pour financer le patrimoine sur tout le territoire.

Les droits d'entrée à Notre-Dame de Pa ris pourraient être collectés par le Centre des monuments nationaux. Une partie des 75 millions perçus seraient reversés au diocèse de Paris et le reste serait redistribué sur les territoires pour financer la rénovation du patrimoine. On n'a pas besoin de toucher à la loi de 1905. C'est faire preuve de mauvaise foi que de prétendre le contraire !

Pour répondre à votre question sur le désengagement de l'État en matière culturelle et sur la baisse des dotations pour les collectivités, je trouve que l'État finance beaucoup en la matière et ne se désengage pas. Certaines collectivités ont fait le choix politique de réduire des subventions culturelles. L'État et le ministère de la culture ne se désengagent pas. Les crédits augmentent. Ce n'est pas un affichage ou un système de vases communicants entre les différentes dotations, c'est un choix politique que nous faisons. Ensuite, comme je l'ai dit lorsque j'ai annoncé la mise en oeuvre d'un tarif différencié à Notre-Dame, nous devons être innovants, sinon on sera obligé de multiplier les taxes, les impôts et finalement de fermer la boutique ! Il serait possible aussi d'imaginer, en lien avec la Banque des territoires l'octroi de prêts à taux zéro pour les petites communes. Les avances des Drac pourraient être plus importantes et être négociées plus en amont d'un projet. Le plan Culture et Ruralité renforce l'appui en maîtrise d'ouvrage des Drac.

Ce plan consiste, pour l'essentiel, en un financement déconcentré, mais celui-ci est décidé en proximité. Ce plan n'a pas été décidé au niveau central. Nous nous sommes appuyés sur les près de 50 000 contributions que nous avons reçues - 35 000 nous ont été adressées de manière très formalisée, les autres par mail - de la part de tous les acteurs : élus ruraux, associations, collectifs, acteurs culturels, etc.

La diversité de notre territoire national fait la richesse et la beauté de notre pays. Gap et Briançon, ce n'est pas la région parisienne. Les enjeux varient selon les lieux. Nous avons donc essayé de faire du sur-mesure. Les crédits déconcentrés varieront en fonction du plan qui a été élaboré : selon les endroits et les demandes des communes, on financera des résidences d'artistes, des festivals, des actions patrimoniales, etc.

Les unités départementales de l'architecture et du patrimoine sont en sous-effectif. Je considère que ces services sont sous-dimensionnés et c'est l'objet d'un combat que je mène avec Bercy. J'essaie d'y pallier avec le plan Culture et Ruralité. Si ce plan fonctionne et si l'on fait la preuve de sa pertinence pour les Udap, les ABF ou l'accompagnement en maîtrise d'ouvrage et en ingénierie, je ne vois pas comment il serait possible, au terme des trois ans, de revenir en arrière. Je me sers donc de ce plan pour obtenir à terme une pérennisation de ces dispositifs, qui, j'y insiste, n'ont pas été conçus uniquement de manière centralisée.

En ce qui concerne le CNM, je ne veux pas non plus affaiblir ce qui fonctionne aujourd'hui. La question du plafonnement des taxes est un sujet. Le rendement de la taxe streaming n'est pas encore très élevé, mais il faudra à terme que l'on parvienne à rehausser les plafonds. Nous pouvons y arriver, même si, vous avez raison, l'écosystème du cinéma n'est pas le même que celui de la musique. La musique est beaucoup plus subventionnée que le cinéma. J'aimerais toutefois que le Centre national de la musique devienne un genre de CNC à terme et qu'il fonctionne davantage en autonomie. On peut aussi réfléchir à l'articulation entre le CNM et la direction générale de la création artistique du ministère de la culture. Le CNM a été créé il y a quatre ans, ce qui est récent. Mais je vous rejoins et nous pourrons nous battre ensemble pour relever les plafonds des taxes affectées.

J'ai saisi le médiateur du livre à la suite des annonces d'Amazon.

En ce qui concerne les crédits de transformation de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que je souhaitais, comme vous, qu'ils soient intégrés dans les dotations de base. La réforme a été décalée dans le temps : les crédits de 2024 seront versés en 2025 et ceux de 2025 le seront en 2026.

J'annoncerai un plan avant la fin du mois sur la liberté de création. L'enjeu dépasse la création artistique. Il s'agit d'une liberté fondamentale.

M. Laurent Lafon, président. - Vous avez indiqué que la billetterie de Notre-Dame de Paris serait gérée par le CMN. Cela signifie-t-il que les projets qui ne seraient pas gérés par cet organisme ne pourraient pas bénéficier de ces fonds ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Il s'agit de précisions que l'on doit encore apporter. On aurait pu confier la collecte au diocèse avant de redistribuer les crédits ensuite, mais il semble plus judicieux de charger le CMN de la collecte. Notre-Dame sera dotée d'une billetterie. Des billets gratuits pourront donc être délivrés. La billetterie peut ainsi être utilisée pour la contribution que vous évoquez. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif nouveau à imaginer. Il serait possible de le mettre en oeuvre très rapidement si le diocèse est d'accord.

Enfin, j'indique que je souhaite avoir votre aide pour développer notre expertise culturelle à l'international. Vous avez raison : le ministère de la culture ne se vend pas très bien à l'international. Pourtant, à chaque fois que je me déplace à l'étranger, je suis sollicitée pour obtenir un soutien en matière d'expertise architecturale, archéologique, muséale ou patrimoniale. Je viens ainsi de signer avec le Kazakhstan un accord en la matière. D'autres pays sont intéressés par notre expertise : l'Inde, certains pays africains, etc. Nous sommes très sollicités sur cet aspect-là, qui constitue un élément majeur pour notre rayonnement. Or le ministère de la culture est assez en retrait sur cette question. Nous ne travaillons pas assez avec le ministère des Affaires étrangères, même si je ne sais pas si c'est le rôle du Quai d'Orsay de « vendre » notre expertise. Le ministère de la culture pourrait s'emparer de cette question pour mieux mettre en valeur notre expertise à l'international. Tous les accords que nous avons signés en ce domaine l'ont été parce que nous avons été sollicités par les autres pays. D'une manière générale, une demande existe sur les opérateurs de la culture, sur le mobilier national ou sur les céramiques de Sèvres, mais il nous appartient aussi de pousser ces sujets.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie.


* 1Suppression d'impôts locaux telle que la taxe d'habitation en 2023 et, progressivement, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre 2024 et 2027.

* 2 Valoriser la culture et les initiatives locales, soutenir les acteurs et le maillage culturels de proximité, faciliter la mobilité des artistes, des oeuvres et des publics, accompagner les porteurs de projet par une ingénierie adaptée.

* 3 Le pass Culture face au défi de la diversification des pratiques culturelles, rapport d'information n° 866 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023.

Partager cette page