- AVANT-PROPOS
- I. UN BUDGET EN RUPTURE AVEC LA TRAJECTOIRE
PRÉSENTÉE L'AN DERNIER
- II. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR
OPÉRATEUR
- A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE
ANNÉE MARQUÉE PAR LES JOP
- B. ARTE FRANCE : UNE AMBITION
EUROPÉENNE
- C. RADIO FRANCE : LE MÉDIA AUDIO DU
SERVICE PUBLIC
- D. FRANCE MÉDIAS MONDE : DES ENJEUX
GÉOPOLITIQUES
- E. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL : LA
MÉMOIRE DU SERVICE PUBLIC
- F. TV5 MONDE : UNE OUVERTURE DE LA
GOUVERNANCE AUX PAYS AFRICAINS
- A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE
ANNÉE MARQUÉE PAR LES JOP
- I. UN BUDGET EN RUPTURE AVEC LA TRAJECTOIRE
PRÉSENTÉE L'AN DERNIER
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- ANNEXE
AVANT-PROPOS
Les crédits de l'audiovisuel public pour 2025 sont stables à 4 029 M€ (+ 0,1 % par rapport au PLF 2024). Toutefois, le gouvernement a annoncé, après le dépôt du projet de loi de finances, qu'il souhaitait réduire les dépenses de l'État de 5 Md€ supplémentaires, dont 50 M€ prélevés sur l'audiovisuel public. Si un amendement est adopté en ce sens, les crédits de l'audiovisuel public s'établiront alors à 3 979 M€, en baisse de 1,2 % par rapport au PLF 2024 (mais stable à + 0,1 % par rapport aux ressources réellement versées en 2024).
Ces crédits sont inscrits, cette année, au sein d'une mission budgétaire. Le compte de concours financier, alimenté depuis 2022 par une fraction de TVA, a été supprimé, n'étant plus compatible avec l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), du fait de l'absence de lien entre la nature de la ressource et la mission de service public des organismes de l'audiovisuel public. Le rétablissement du compte de concours financier suppose l'adoption définitive de la proposition de loi organique adoptée par le Sénat le 23 octobre 2024.
Dans le PLF, la mission « Audiovisuel public » comporte 30 M€ au titre du programme de transformation, créé l'an dernier pour inciter les opérateurs à engager des rapprochements. Ce programme n'a été que très partiellement exécuté par le gouvernement cette année. Les opérateurs n'ont pas pu bénéficier de la visibilité dont ils ont besoin, en termes financiers, pour mener leur action. Le rapporteur souhaite la suppression du programme de transformation. La ministre s'y est engagée lors de son audition par la commission.
Enfin, pour mener à bien la transformation de l'audiovisuel public « par le haut », le rapporteur appelle de ses voeux la poursuite de l'examen de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, adoptée par le Sénat le 13 juin 2023, dont l'Assemblée nationale s'apprêtait à débattre avant sa dissolution le 9 juin 2024.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du PLF pour 2025.
I. UN BUDGET EN RUPTURE AVEC LA TRAJECTOIRE PRÉSENTÉE L'AN DERNIER
A. UN MANQUE DE PRÉVISIBILITÉ DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE
En loi de finances initiale pour 2024, les crédits du programme de transformation s'élevaient à 69 M€. Or, au cours de l'année, seuls 19 M€ ont été perçus à ce titre par les entreprises de l'audiovisuel public. Il manque donc 50 M€. Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a d'abord annulé 20 M€ de crédits. Puis le versement du solde a été interrompu à partir du mois de mai 2024 (30 M€ ont été « suspendus »). Le gouvernement invoque la réforme en cours de la gouvernance pour justifier le report de ces crédits dédiés à la transformation des entreprises. Cette annulation s'est toutefois aussi inscrite dans le plan de la réduction des dépenses de l'État. Le décret précité de février 2024 a, en effet, annulé au total 10 Md€ de crédits au sein de l'ensemble des missions budgétaires de l'État, sur le fondement de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui permet de telles annulations dans la limite de 1,5 % des crédits ouverts.
UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2024 NON CONFORME AU VOTE DU PARLEMENT
Par conséquent, le programme de transformation a servi de support à des mécanismes de régulation budgétaire, ce qui appelle plusieurs remarques.
D'une part, l'existence de ce programme ne permet pas au Parlement d'avoir entièrement la main sur la répartition des crédits entre les entreprises. L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement (...) approuve la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques retracées au compte de concours financiers ». Le programme est l'unité de l'autorisation parlementaire. La répartition par actions n'est indiquée que pour information. Cette répartition est, in fine, à la main du responsable de programme au sein du ministère.
D'autre part, le versement des crédits de transformation dépend d'un mécanisme de conditionnalité qui rend leur exécution incertaine. Le gouvernement a manifestement tiré parti de ce nouveau programme pour procéder à des régulations budgétaires, au-delà même du décret pris en février. Le versement de 30 M€ a été suspendu sans préavis. Le statut de ces crédits suspendus est incertain. Ils pourraient être reportés ou, plus vraisemblablement, annulés en loi de finances de fin de gestion.
Enfin, le financement par affectation d'un montant déterminé d'une imposition de toute nature, telle que la TVA, doit normalement assurer une prévisibilité des crédits tout au long de l'année. Le montant voté ne doit pouvoir être modifié que par une nouvelle loi de finances. Cette stabilité est la condition de l'indépendance de l'audiovisuel public et de la capacité des entreprises à engager des actions à moyen terme.
B. UN MANQUE DE VISIBILITÉ PLURIANNUELLE QUI PÉNALISE LES ENTREPRISES
UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE EN RUPTURE AVEC
LES PRÉVISIONS
(CRÉDITS, EN M€)
Compte tenu de la situation budgétaire du pays et de la nécessaire réduction des dépenses de l'État, le projet de loi de finances pour 2025 rompt avec la trajectoire haussière proposée par le gouvernement l'an dernier.
Conjointement avec le projet de loi de finances pour 2024, le ministère de la culture avait, en effet, proposé l'an dernier une trajectoire pluriannuelle des crédits, qui anticipait sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM) alors en cours d'élaboration. Le principe d'une telle trajectoire avait été salué par l'ensemble des acteurs. Cette trajectoire pouvait constituer un repère dans le contexte d'une stratégie qui demeurait, néanmoins, peu claire, s'agissant des orientations et du mode de financement et de gouvernance de l'audiovisuel public.
Dans le PLF pour 2025, les crédits de l'audiovisuel public sont inférieurs de 81,5 M€ à la trajectoire. Ce manque à gagner serait de 131,5 M€ si l'on tient compte de la volonté du gouvernement de diminuer les crédits 2025 de 50 M€ par amendement. Cette réduction supplémentaire revient à « socler » (ou pérenniser) les non-versements de 2024 (qui s'élèvent également à 50 M€).
Le manque de visibilité pluriannuelle se traduit par l'absence de contrats d'objectifs et de moyens (COM) crédibles. Le Parlement a en effet été saisi, le 18 juin 2024, de projets de COM pour quatre entreprises (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel). Ces projets de COM portent sur la période 2024-2028. Ils sont fondés sur la trajectoire haussière fixée l'an dernier. Si les objectifs de ces COM conservent leur intérêt et leur pertinence, la capacité des entreprises à les mettre en oeuvre au rythme envisagé est remise en cause. Une réflexion doit être menée, conjointement avec ces entreprises, sur la nature des économies à réaliser par rapport aux actions prévues et souvent, déjà engagées sur le fondement des projets de COM.
II. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEUR
A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE ANNÉE MARQUÉE PAR LES JOP
Dans le PLF 2025, France Télévisions bénéficie de crédits d'un montant de 2 567 M€ dont 53,8 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), et 18,2 M€ au titre du programme de transformation. Dans le cadre des économies envisagées, le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 2 531,6 M€.
Un effort de 35,5 M€ serait donc demandé à France Télévisions. Sa dotation serait ainsi sensiblement inférieure aux prévisions du COM ; et en légère baisse, seulement, par rapport aux crédits versés en 2024.
L'année 2024 a été marquée pour France TV par le succès des Jeux olympiques et paralympiques qui ont été couverts de façon continue par l'ensemble des antennes du groupe. 24,4 millions de téléspectateurs ont suivi la cérémonie d'ouverture, ce qui est la meilleure audience historique de la télévision française. 96 % de la population de 4 ans et plus ont suivi les Jeux olympiques et 80 % ont suivi les Jeux paralympiques. Les coûts d'acquisition sont amortis par le groupe sur quatre exercices comptables et partiellement compensés par les recettes publicitaires et par des économies sur les programmes.
Au cours de l'année 2024, France TV a poursuivi les coopérations engagées entre les différentes entités du service public de l'audiovisuel, notamment Radio France. Un directeur de projet ICI et un directeur de projet Franceinfo ont été nommés en avril. Les Jeux ont été l'occasion de synergies nouvelles. Le rapprochement France 3-France Bleu et la mise en oeuvre de l'ambition numérique nécessitent toutefois un pilotage unifié, appelant la réforme de la gouvernance initiée par le Sénat en 2023. Les coopérations « par le bas » trouvent aujourd'hui leurs limites. Pour que la réforme de la gouvernance soit un succès, elle devra engendrer à terme une réduction - et non une augmentation - des coûts.
L'effort demandé à France TV, amplifié par l'inflation du coût des programmes, implique de dégager de nouveaux leviers d'économies ou d'identifier des priorités parmi les objectifs figurant dans le projet de COM. Le budget des programmes de France TV (927 M€ en 2024 pour le programme national) doit être autant que possible sanctuarisé. Ce budget porte notamment le financement de la création audiovisuelle et cinématographique (520 M€ en 2024) mais aussi l'engagement de France TV aux côtés de la filière des programmes de flux, afin de faire émerger de nouveaux formats français exportables, ainsi que la demande de projet de COM du groupe. France TV contribue à un écosystème de 60 000 emplois.
B. ARTE FRANCE : UNE AMBITION EUROPÉENNE
Dans le PLF 2025, Arte France bénéficie de 300,9 M€, dont 1,9 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux et 2,8 M€ au titre du programme de transformation. Le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 298 M€. Le contrat d'objectifs et de moyens d'Arte France court jusqu'au 31 décembre 2024. Cette temporalité particulière résulte de la spécificité d'Arte, chaîne franco-allemande. Le projet de groupe 2025-2028 a été récemment adopté au niveau du groupement européen d'intérêt économique (GEIE) d'Arte. Le nouveau COM d'Arte France en résultera prochainement. Le financement d'Arte étant paritaire, la branche allemande recalibrera ses financements en fonction de ceux de la branche française. Tout effort demandé à Arte se traduit donc par une « double peine ». Par ailleurs, l'adoption définitive de la PPLO initiée au Sénat sur le financement de l'audiovisuel public est particulièrement importante pour Arte, dont le traité fondateur, signé entre la France et les Länder allemands en 1990, pose le principe d'une « société de télévision commune et indépendante à vocation culturelle ».
L'objectif d'Arte est de devenir une plateforme de référence dans toute l'Europe, ce qui implique l'acquisition de droits et un investissement dans le multilinguisme des programmes. Arte multiplie, par ailleurs, les coproductions européennes. L'ambition européenne d'Arte doit être conciliée avec un certain nombre de dépenses contraintes liées à l'inflation des coûts de diffusion, au projet immobilier engagé par la chaîne et par ses engagements auprès des sociétés de droits d'auteur. Dans un contexte où la cohésion européenne est mise à l'épreuve, disposer d'une chaîne comme Arte, fédérant un projet culturel européen autour des deux acteurs centraux que sont la France et l'Allemagne, est un atout essentiel et un vecteur d'influence.
C. RADIO FRANCE : LE MÉDIA AUDIO DU SERVICE PUBLIC
Dans le PLF 2025, Radio France bénéficie de 666,2 M€ dont 28,8 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux et 6,1 M€ au titre du programme de transformation. Le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 659,6 M€.
Au cours de l'année 2024, France Bleu a poursuivi le rapprochement avec France 3, notamment à l'occasion des élections législatives, tout en faisant la transition avec la marque « ICI ». Une campagne de communication doit prochainement accompagner l'abandon progressif de la marque « France Bleu » au profit de celle-ci. Un schéma immobilier commun pluriannuel est, par ailleurs, en projet. Le rapprochement des deux pôles de Franceinfo se poursuit également.
Dans le domaine numérique, l'objectif est de rendre accessible l'ensemble des contenus de l'audiovisuel public au sein d'une plateforme unique. Radio France insiste toutefois sur la spécificité du media audio qui ne se consomme pas de la même façon que le média vidéo. La BBC propose, par exemple, des accès différenciés pour l'audio (BBC Sounds) et la vidéo (BBC iPlayer).
Comme pour les autres entités de l'audiovisuel public, la diminution de l'ambition, au plan budgétaire, aura nécessairement un impact sur les projets en cours. Radio France indique que les projets concernés par cet impact sont notamment les rapprochements immobiliers, l'éducation aux médias et certains développements numériques.
D. FRANCE MÉDIAS MONDE : DES ENJEUX GÉOPOLITIQUES
Dans le PLF 2025, France Médias Monde bénéficie de 304,9 M€, dont 30,8 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux et 2 M€ au titre du programme de transformation. Le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 301,9 M€.
France Médias Monde (FMM) regroupe Radio France internationale (RFI), France 24 et la radio arabophone Monte Carlo Doualiya (MDC). Ces médias sont en première ligne face à la dégradation du contexte international. FMM souligne, d'une part, son faible coût relatif (7 % du budget de l'audiovisuel public) eu égard à son rôle crucial en tant que média mondial français, indépendant, incarnant la liberté d'informer et les valeurs démocratiques, alors que la sphère informationnelle est devenue un champ de luttes d'influences sans merci. Les principaux concurrents de FMM (Deutsche Welle, BBC World Service) disposent de budgets supérieurs d'environ 50 %. Les médias américains et russes disposent de moyens encore bien supérieurs (la Russie dépenserait environ 1,4 milliard de dollars en 2025 pour mettre en oeuvre sa politique informationnelle au niveau mondial).
D'après FMM, la diminution de l'ambition des COM risque d'avoir un impact sur sa capacité à déployer son plan de transformation numérique. La capacité de FMM de maintenir ses fréquences FM au Sénégal pourrait également être remise en cause. Le contexte budgétaire va à l'encontre des préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur les ingérences étrangères (juillet 2024), qui a appelé à renforcer les moyens de FMM pour lutter contre la désinformation.
E. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL : LA MÉMOIRE DU SERVICE PUBLIC
Dans le PLF 2025, l'INA bénéficie de 105,8 M€, dont 5,4 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux et 0,8 M€ au titre du programme de transformation. Le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 104,7 M€. Ce contexte budgétaire risque de conduire à une nouvelle dégradation de la trésorerie de l'INA. La loi de finances de fin de gestion 2023 a en effet alloué à l'INA une dotation exceptionnelle de 6,3 M€ qui a permis de restaurer la situation de trésorerie de l'établissement qui était critique depuis 2021. L'INA regrette que, contrairement aux autres entreprises de l'audiovisuel public, il n'ait pas bénéficié au cours des derniers exercices de dotations en capital de la part de l'État.
Le non-versement des crédits de transformation impacte quatre projets prioritaires ayant pour ambition d'augmenter la « découvrabilité » des contenus notamment grâce à l'intelligence artificielle.
F. TV5 MONDE : UNE OUVERTURE DE LA GOUVERNANCE AUX PAYS AFRICAINS
Dans le PLF 2025, TV5 Monde bénéficie de 84,2 M€, dont 2 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux et 2 M€ au titre du programme de transformation. Le gouvernement souhaiterait ramener le montant total de ces crédits à 83,4 M€. Ce montant représente 67 % des ressources de la chaîne (124 M€). Comme pour Arte, la diminution des ambitions de la France en termes budgétaires risque d'entraîner une diminution des contributions des autres partenaires.
TV5 Monde est la chaîne multilatérale de la francophonie. Elle fut en 2024 la seule chaîne internationale à diffuser les JOP en Afrique. Un effort particulier est réalisé à destination de la jeunesse, avec l'extension de Tivi5 au Maghreb-Moyen-Orient. L'année 2025 sera la première du plan stratégique 2025-2028 qui doit être prochainement adopté. La chaîne est actuellement en discussion avec 7 pays africains en vue d'une adhésion éventuelle (Bénin, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gabon, Congo, RDC, Sénégal), qui permettrait de développer la chaîne en Afrique. TV5 Monde souhaite, en outre, moderniser son identité visuelle et ses programmes.
La stagnation de la dotation française à TV5 Monde a d'ores et déjà entraîné des économies sur le sous-titrage (IA), l'arrêt de deux magazines et une réduction de la distribution en Allemagne.
*
* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 13 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2025.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, je souhaite tout d'abord saluer la présence parmi nous de Mme Evelyne Corbière Naminzo, qui remplace M. Gérard Lahellec, devenu membre de la commission des affaires économiques.
Nous commençons aujourd'hui notre marathon budgétaire par l'examen des travaux de Cédric Vial consacrés à l'audiovisuel. Nous examinerons successivement son rapport pour avis sur les crédits alloués aux sociétés de l'audiovisuel public dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, puis, dans un second temps, son rapport d'information, en application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM) de ces mêmes sociétés pour la période 2024-2028.
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Les crédits de l'audiovisuel public pour 2025 sont stables, à un peu plus de 4 milliards d'euros. Toutefois - la ministre nous l'a confirmé en audition -, le Gouvernement souhaite prélever 50 millions d'euros sur ce budget, avant son adoption, dans le cadre de la politique de réduction des dépenses de l'État.
Si cette diminution des crédits est votée, le budget de l'audiovisuel public sera en baisse de 1,2 % par rapport à la loi de finances pour 2024, mais stable par rapport aux ressources réellement versées cette année. En effet, une partie des crédits que nous avons votés l'an dernier n'a pas été versée - j'y reviendrai.
Par ailleurs, les crédits de l'audiovisuel public sont inscrits, dans ce PLF, au sein d'une mission budgétaire. Cela signifie que ces crédits seront budgétisés, au moins l'année prochaine, si la proposition de loi organique (PPLO) portant réforme du financement de l'audiovisuel public que nous avons adoptée le 23 octobre dernier n'est pas définitivement adoptée avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025.
La modification de la loi organique est d'autant plus nécessaire que cette année 2024 s'est caractérisée par une exécution budgétaire incomplète. Ce sera mon premier point.
Nous avions voté, l'an dernier, 69 millions de crédits inscrits au sein d'un nouveau programme, dit « de transformation ». Seuls 19 millions d'euros ont été perçus à ce titre par les entreprises : il manque donc 50 millions d'euros. 20 millions d'euros ont été annulés par le décret du 21 février 2024, qui a annulé, au total, 10 milliards d'euros de dépenses de l'État. Mais 30 millions d'euros ont été purement et simplement suspendus, sans préavis, alors que les entreprises avaient commencé à engager les dépenses correspondantes. Le programme de transformation a ainsi servi de support à des mécanismes de régulation budgétaire.
La ministre a promis de supprimer ce programme, ce qui me paraît souhaitable, pour deux raisons. D'une part, la loi de 1986 dispose que le Parlement approuve la répartition des crédits entre organismes. Or la répartition des crédits au sein de ce programme transversal peut être modifiée par l'exécutif. D'autre part, le versement des crédits de transformation dépend d'un mécanisme de conditionnalité qui donne la main au Gouvernement sur leur exécution.
Le financement par une fraction de TVA, que nous appelons de nos voeux, doit précisément permettre d'assurer un minimum de prévisibilité aux entreprises, au moins sur l'année. C'est la condition de leur indépendance et de leur capacité à engager des actions à moyen terme.
À ces incertitudes est venu s'ajouter un manque de visibilité pluriannuelle - c'est mon deuxième point. Compte tenu de la situation budgétaire du pays et de la nécessaire réduction des dépenses de l'État, le projet de loi de finances pour 2025 rompt avec la trajectoire haussière proposée par le Gouvernement l'an dernier. Le principe d'une telle trajectoire avait pourtant été salué par l'ensemble des acteurs. J'y reviendrai dans mon propos sur les contrats d'objectifs et de moyens : que la trajectoire soit haussière ou baissière, il me semble important qu'une trajectoire financière crédible assure un horizon aux entreprises.
Pour préciser les choses, dans le PLF pour 2025, les crédits de l'audiovisuel public sont inférieurs de 81,5 millions d'euros à la trajectoire publiée fin 2023 - et le seront de 131,5 millions d'euros si la réduction supplémentaire de 50 millions d'euros est adoptée.
J'en viens, pour terminer, à l'analyse par opérateur. En conséquence du non-versement des crédits de transformation, deux opérateurs au moins ont indiqué que leur budget 2024 serait probablement en déficit : Radio France et France Médias Monde (FMM). Ces budgets sont en cours de bouclage, dans un contexte d'incertitudes sur l'avenir des crédits suspendus, avec 30 millions d'euros qui pourraient être annulés en loi de finances de fin de gestion.
Pour 2025, la réduction supplémentaire de crédits de 50 millions d'euros sera principalement absorbée par France Télévisions, à hauteur de 35 millions d'euros. Pour cette raison, France TV sera le seul opérateur dont les crédits pourraient décroître légèrement l'an prochain. Tous les autres connaîtront une stabilité de leurs crédits par rapport à l'exécution 2024.
Au cours de cette année, France Télévisions et Radio France ont poursuivi, à petits pas, l'approfondissement de leur coopération. Un directeur de projet ICI et un directeur de projet France Info ont notamment été nommés en avril.
Mais, comme notre commission le rappelle régulièrement, le rapprochement entre France 3 et France Bleu et la mise en oeuvre de l'ambition numérique nécessitent un pilotage unifié, appelant la réforme de la gouvernance que nous avons initiée en 2023 en adoptant la proposition de loi du président Laurent Lafon. Pour que cette réforme soit un succès, nous devrons veiller à ce qu'elle engendre, à terme, une réduction - et non une augmentation - des coûts.
S'agissant de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), la nouvelle trajectoire budgétaire risque de conduire à une nouvelle dégradation de la trésorerie, qui avait bénéficié, l'an dernier, d'une dotation exceptionnelle de 6,3 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion.
Enfin, je dirai quelques mots de nos opérateurs tournés vers l'international, qui sont des vecteurs d'influence à préserver.
France Médias Monde est en première ligne dans la bataille de l'information et la lutte contre la désinformation. FMM est engagée dans un certain nombre de projets de développement au Sénégal, au Liban et en Europe centrale et orientale, financés par le Quai d'Orsay. La mise en oeuvre de ces projets pourrait être ralentie pour des raisons budgétaires.
Arte France poursuit son objectif de devenir une plateforme de référence dans toute l'Europe, ce qui implique l'acquisition de droits et un investissement dans le multilinguisme des programmes. Dans un contexte où la cohésion européenne est mise à l'épreuve, disposer d'une chaîne comme Arte, fédérant un projet culturel européen autour des deux acteurs centraux que sont la France et l'Allemagne, est un atout essentiel.
Enfin, TV5 Monde, chaîne de la francophonie, souhaite se moderniser et se développer en Afrique, où l'adhésion de sept pays africains est en cours de négociation.
En conclusion, la stabilité des crédits de l'audiovisuel public est plutôt une bonne nouvelle dans le contexte budgétaire que nous connaissons. L'adoption prochaine, je l'espère, de la PPLO devrait permettre de recréer le compte de concours financiers, transformé en mission budgétaire dans ce PLF.
C'est pourquoi je vous propose un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la commission des finances des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ». - Merci pour cette invitation, qui me rappelle de bons souvenirs au sein de cette commission... Je tiens à saluer le travail du rapporteur pour avis, dont je partage les analyses. La première partie du budget n'ayant pas été votée à l'Assemblée nationale, le tempo s'accélère pour le Sénat.
Je vois, dans ce texte, deux bonnes nouvelles : deux amendements du Gouvernement prévoient le retour, d'une part, de 10 millions d'euros pour le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER), et, d'autre part, de 20 millions d'euros d'aides à la presse. Mais il faut que l'effort budgétaire soit partagé par tous, qu'il soit juste et défendable. Les crédits de l'audiovisuel ont fait l'objet d'une ponction de 50 millions d'euros, et je ne sais pas si ce sera la dernière.
Aujourd'hui, comme le souligne M. le rapporteur général, il convient de préférer les économies à l'augmentation de la pression fiscale. Eu égard à l'état actuel des finances publiques, des efforts peut-être plus importants que ceux qui étaient prévus seront demandés. Il faudra chercher, en responsabilité, le point d'équilibre le moins douloureux possible, celui qui permettra à tous d'avancer. Puisque le problème principal n'est toujours pas résolu, il est temps qu'une vraie réforme aboutisse afin que l'audiovisuel bénéficie des financements correspondant aux missions qui lui seront confiées.
Mme Sylvie Robert. - Merci aux deux rapporteurs. Je commencerai par une remarque sur la méthode, qui me semble bien singulière : on se penche sur les crédits affectés à l'audiovisuel public, alors que, parallèlement, la navette sur les modalités de son financement se poursuit. Quoi qu'il en soit, j'espère que la PPLO sera votée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale.
Nous avons effectivement appris l'annulation de 50 millions d'euros de crédits et la suppression pure et simple des crédits de transformation. Nous sommes favorables à leur réintégration dans le montant affecté à l'audiovisuel public. Mme la ministre nous a rassurés à ce sujet.
Monsieur le rapporteur spécial, nous comprenons tout à fait que l'audiovisuel public prenne sa part dans l'effort d'assainissement de nos comptes publics, mais ce secteur a déjà été mis à contribution, puisqu'il sort à peine de plusieurs cycles de réductions budgétaires - près de 196 millions d'euros ont été retirés entre 2019 et 2022, ce qui n'est pas négligeable compte tenu des autres précédents. Les missions qui lui sont attribuées sont toujours plus importantes. Certaines sociétés pourraient même présenter un résultat d'exploitation déficitaire en 2024 et 2025.
Il faut réfléchir à moyen terme au modèle économique de notre audiovisuel public, s'interroger sur l'indépendance et la plus grande capacité d'investissement, et, partant, sur la prévisibilité. D'autres pays européens, à commencer par le Royaume-Uni, s'attellent à ces questionnements.
Enfin, lorsque l'on fragilise l'audiovisuel public, d'autres filières, comme celle de la création, sont touchées.
Pour toutes ces raisons, de méthode et de fond, nous ne suivrons pas le rapporteur pour avis et voterons contre l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel public.
Mme Monique de Marco. - Je souscris tout à fait aux propos de Sylvie Robert. J'avais cru comprendre que le projet de budget de l'audiovisuel public s'élevait à plus de 4 milliards d'euros. Je conçois qu'il faille consentir des efforts et trouver un point d'équilibre, mais, dans la perspective d'une diminution de 50 millions d'euros, dont 35 millions d'euros concerneraient France Télévisions, nous sommes très inquiets pour la création française. Ces crédits manquants vont notamment amputer les moyens du cinéma.
C'est pourquoi nous ne suivrons pas le rapporteur pour avis et voterons contre l'adoption des crédits.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci aux deux rapporteurs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'audiovisuel public a souffert d'un déficit continu depuis 2017 et a dû vivre au gré des changements gouvernementaux et ministériels. Tout cela a été préjudiciable à la trajectoire globale de l'audiovisuel public et à la réforme que le Sénat appelle de ses voeux depuis 2015.
J'avais déjà suggéré, lors de l'examen de la proposition de loi organique, de réfléchir au modèle économique de l'audiovisuel public. Cela inclut d'examiner l'ensemble des recettes constitutives de ce budget, notamment la part de la publicité dans le budget global de France Télévisions. Qu'est devenue la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce) ? Elle a été votée par le Parlement en 2009 pour compenser la suppression de la ressource publicitaire après 20 heures et éviter le recours aux parrainages et autres subterfuges. Et, jusqu'à preuve du contraire, elle n'a pas été abrogée ! Il y a peut-être là une clef pour compléter le budget fragilisé de l'audiovisuel pour 2025.
Chacun doit faire des efforts, et aucune entreprise n'en est exempte. Je remercie M. le rapporteur pour avis d'avoir souligné la situation particulière de l'INA, d'Arte, ainsi que de France Médias Monde, fragilisée dans ses missions à l'international et dans sa lutte contre la désinformation. Par ailleurs, il existe un gap entre la trajectoire des COM et le projet de loi de finances pour 2025. Quelle réponse peut-on y apporter ?
Il faut se pencher sérieusement sur un projet global pour l'audiovisuel public, qui réaffirme ses missions et s'interroge sur la bonne gouvernance et le modèle économique ad hoc en vue de les financer. Les propositions sont parfois incohérentes et continuent d'inquiéter les personnels du secteur.
M. Jérémy Bacchi. - Le budget proposé pourrait sembler honorable compte tenu de la stabilité globale des crédits. Toutefois, ceux qui ont été votés l'an passé n'ont pas été exécutés, puisque 50 millions d'euros ont été annulés ou suspendus en cours d'exercice.
Par ailleurs, lors de la négociation des COM, l'État s'était engagé à relever sensiblement le budget en 2025. On aurait pu croire que, après des années de casse, l'horizon s'éclaircirait. Mais non ! Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025 sont inférieurs de plus de 80 millions d'euros à la trajectoire prévue. Et les COM sont désormais caducs.
La réduction des moyens de l'audiovisuel public ne s'accompagne pas d'une adaptation de ses missions. Si le projet annuel de performance indique que le projet de COM des différents établissements devra être réinterrogé à l'aune du niveau de dotations retenues dans la loi de finances de 2025, les objectifs assignés demeurent pour l'instant inchangés, alors même que les moyens permettant de les atteindre sont diminués. En définitive, il est demandé au secteur de faire autant avec moins.
Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas le rapporteur pour avis et voterons contre l'adoption des crédits.
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis. - Il faut faire mieux avec moins, monsieur Bacchi, conformément au discours de politique générale du Premier ministre !
M. Jérémy Bacchi. - J'essaie de m'y faire !
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis. -
Merci à tous pour ces remarques. Nous sommes dans une situation un peu particulière par rapport à l'an dernier. Mais, rappelez-vous, nous étions alors nombreux à déplorer le manque de sérieux du Gouvernement. Aujourd'hui, tout le monde constate que l'on avait raison. L'exercice est faussé, car les chiffres sont en forte baisse par rapport à une trajectoire imaginaire. Par rapport à la situation que l'on connaît, la diminution existe, mais est limitée.
Je comprends la position de principe de mes collègues de gauche, mais les 50 millions d'euros, s'ils apparaissent dans le débat, ne figurent pas dans le texte que je rapporte. Votre avis défavorable ne porte donc pas sur la baisse. Mais, vous avez raison, chers collègues : cette orientation existe ; j'en ai parlé. Le PLF est une base de travail, qui sera suivie de la discussion budgétaire au Sénat.
Madame Morin-Desailly, la Toce n'est plus affectée aujourd'hui. Le produit est utile à quelqu'un, mais pas nécessairement à celui qui était initialement visé. Pour ce qui concerne la publicité, l'année 2024 est particulière : en raison des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), le budget publicitaire a été exceptionnel ; de plus, les coûts engendrés par les JOP étaient amortissables sur plusieurs années. Un retour à la normale sera observé en 2025.
Les entreprises comprennent très bien les efforts qui leur sont demandés. Encore faut-il que ceux-ci soient proportionnés et acceptables au regard des objectifs fixés.
Compte tenu des budgets de l'INA ou de France Médias Monde, ces efforts représentent pour eux des sommes importantes. C'est la raison pour laquelle l'économie envisagée de 50 millions d'euros serait concentrée sur France Télévisions. 35 millions d'euros, cela paraît énorme, mais c'est 1,2 % du budget de France Télévisions.
Sylvie Robert a relevé l'impact éventuel sur la création. C'est un risque modéré. Le budget des programmes au niveau national représente à peu près 900 millions d'euros pour France Télévisions. Sur un budget de 3 milliards d'euros, le groupe sera-t-il capable de faire porter l'effort à 100 % sur les fonctions support hors création ? La facilité serait de faire porter toutes les économies sur la création, ce qui serait une erreur : si l'on finance un audiovisuel public, c'est d'abord pour diffuser des programmes. Ce n'est donc pas sur eux que doit peser la majeure partie des mesures de régulation. C'est au groupe, en lien avec le ministère, de trouver les bons équilibres.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le prélèvement de 50 millions d'euros ne figure pas dans les crédits de la mission. Néanmoins, l'inscription de ces crédits au sein d'une mission signifie qu'ils sont budgétisés.
Comme l'a souligné à juste titre Catherine Morin-Desailly, la Toce et la publicité sont liées. Disons-le, la Toce a subi un kidnapping ! C'est la raison pour laquelle Bercy fait toujours preuve de bienveillance en ce qui concerne les plafonds de publicité. De la publicité sur le service public, c'est de l'argent en moins pris sur le budget général ; voilà, de manière navrante, quels sont les équilibres. Nous essaierons toutefois d'exhumer le rendement de la Toce.
Mme Catherine Morin-Desailly. - J'ai été rapporteure de la loi qui a créé la Toce en 2009. La ressource publicitaire avait été supprimée moyennant une compensation par cette taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Il y a donc un vrai kidnapping.
Ce financement a subrepticement été diminué, puis il a disparu, mais jamais aucun ministre n'a réexpliqué le modèle économique et de financement de l'audiovisuel public. Puisque nous avons voté ce texte, il nous revient de rappeler avec force que nous sommes toujours sur cette base. C'est une question de principe.
M. Max Brisson. - On bricole avec l'audiovisuel public depuis des années. On a été de décision unilatérale en décision unilatérale, sans avoir pu poser aucune approche globale. À force de fragiliser le système, sans le remplacer par un autre, on a abouti à une situation qui n'est plus durable.
Notre commission doit redire clairement au Gouvernement qu'elle attend que l'on redéfinisse les missions de l'audiovisuel public, le cadre dans lequel elles s'exercent et le nombre de supports qui les porteront. Il est grand temps, sinon nous aurons de plus en plus de difficulté à exprimer un avis.
Je suis d'accord avec Sylvie Robert : le calendrier qui nous est imposé n'est pas le bon. Tout cela manque de cohérence.
Mme Sylvie Robert. - Très bien !
M. Cédric Vial, rapporteur. -L'audiovisuel public pose plusieurs questions. Quid tout d'abord de son financement ? C'est ce que nous examinerons dans le cadre du projet de loi de finances. Quid également de ses objectifs ? Pourquoi a-t-on besoin d'un service public de l'audiovisuel en France, et quelles missions lui assigne-t-on ? Ce sont essentiellement les COM qui doivent traduire cette ambition de la Nation. Quid ensuite de l'indépendance de ces médias ? C'est la question que pose la proposition de loi organique en cours d'examen. Quid enfin de l'organisation et de la gouvernance ? C'est le débat qu'ouvre la proposition de loi du président Laurent Lafon, votée au Sénat. Voilà les quatre questions que nous devons nous poser parallèlement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2025.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
MARDI 15 OCTOBRE 2024
- France Télévisions : Mme Delphine ERNOTTE CUNCI, présidente-directrice générale, M. Christophe TARDIEU, secrétaire général, Mme Livia SAURIN, secrétaire générale adjointe, M. Olivier ROGER, directeur de cabinet.
- Arte France : MM. Bruno PATINO, président du directoire, et Frédéric BÉREYZIAT, directeur général en charge des ressources.
MERCREDI 16 OCTOBRE 2024
Institut national de l'audiovisuel (INA) : MM. Laurent VALLET, président-directeur général, et Mathieu DE SEAUVE, secrétaire général, et Mmes Agnès CHAUVEAU, directrice générale déléguée, et Déborah MÜNZER, directrice de cabinet, conseillère à la présidence pour les relations institutionnelles et extérieures.
JEUDI 17 OCTOBRE 2024
- France Médias Monde : Mme Marie-Christine SARAGOSSE, présidente-directrice générale, MM. Roland HUSSON, directeur général en charge du pôle ressources, et Corentin MASCLET, chargé de relations institutionnelles et communication transverse.
- Radio France : Mme Sibyle VEIL, présidente-directrice générale, M. Charles-Emmanuel BON, secrétaire général, Mme Marie MESSAGE, directrice générale adjointe, en charge de la production, des moyens et des organisations.
MERCREDI 23 OCTOBRE 2024
Ministère de la culture - Direction générale des médias et des industries culturelles : Mme Florence PHILBERT, directrice générale, M. Louis BENON, chef du bureau du secteur de l'audiovisuel public, et Mme Armelle BOUCHER, adjointe au chef du bureau du secteur de l'audiovisuel public.
JEUDI 31 OCTOBRE 2024
TV5 Monde : Mme Kim YOUNES, présidente-directrice générale, M. Thomas DEROBE, secrétaire général.
ANNEXE
Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture
MARDI 5 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Nous accueillons Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire de l'automne. Je dis traditionnelle, mais peut-être ne devrais-je pas, car il s'agit pour vous d'une première à ce ministère, dans la mesure où vous avez été nommée le 11 janvier dernier. Madame la ministre, votre vaste domaine de compétences recouvre un champ allant du patrimoine aux jeux vidéo, en passant par le spectacle vivant et le cinéma. Chacun de ces secteurs exprime des attentes fortes, et de nombreux défis d'ampleur sont à relever.
Les crédits de votre ministère s'élèvent à 4,7 milliards d'euros, soit environ 6 % des dépenses du budget général. En y adjoignant les crédits liés à l'audiovisuel public et aux grands opérateurs comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), près de 10 milliards d'euros sont consacrés à la culture sous ses différentes expressions. Je donne ces chiffres à titre illustratif, tant la situation peut encore évoluer.
Le ministre des comptes publics a ainsi annoncé que les 10 millions d'euros d'économie prévus sur les radios associatives ne seraient finalement pas prélevés, tandis que les projets d'amendements du Gouvernement font état de 100 millions d'euros d'économies supplémentaires sur les missions « Culture » et « Livre et industries culturelles ». L'audiovisuel public, quant à lui, subirait 50 millions d'euros d'économies, et des ajustements sont attendus sur le programme dédié au patrimoine.
Nous sommes conscients aussi bien de la situation budgétaire de notre pays que des conditions dans lesquelles ce projet de loi de finances (PLF) a été élaboré. Vous pourrez cependant nous aider à y voir plus clair sur les crédits que le Gouvernement souhaite affecter au domaine culturel.
En matière patrimoniale, vous avez fait récemment des propositions remarquées sur le financement du patrimoine religieux et des musées, en préconisant la mise en place d'un droit d'entrée touristique pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, et d'une tarification différenciée pour les visiteurs non européens de certains monuments et musées. S'il est vrai que ces pratiques ont déjà cours chez plusieurs de nos proches voisins, leur mise en application au sein de nos frontières pourrait se heurter à plusieurs obstacles. Comment, madame la ministre, avez-vous l'intention de concrétiser ces annonces ?
La commission de la culture poursuit, par ailleurs, ses travaux relatifs aux restitutions d'oeuvres d'art, sujet sur lequel plusieurs de ses membres sont engagés de longue date. À l'occasion d'un récent déplacement en Côte d'Ivoire, nous avons constaté la forte attente des autorités ivoiriennes concernant la restitution du « tambour parleur » Djidji Ayôkwé, à laquelle la France s'est engagée en 2021. Nous avons observé l'investissement opérationnel et financier des autorités ivoiriennes, mais aussi des instances de coopération françaises, afin de préparer son retour dans le cadre d'un projet muséal très abouti. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur votre approche de ce dossier ?
Le domaine des industries culturelles, entendu au sens large, appelle également toute votre attention. Vous nous informerez des contours du projet de loi annoncé dans le cadre des États généraux de l'information (EGI), qui devra assurer un subtil équilibre entre les exigences démocratiques liées à l'information et la situation économique des acteurs. Michel Laugier, qui connaît bien les sujets relatifs à la presse, vous interrogera sans doute sur le sujet de France Messagerie, toujours pas réglé après des années d'atermoiements.
En matière de démocratisation culturelle, l'actualité est dominée par votre annonce d'une réforme du pass Culture. Notre commission a toujours considéré que ce dispositif ne pouvait constituer l'alpha et l'oméga de la politique de l'État en la matière. Nous accueillons donc favorablement votre volonté de refonte. Cependant, nous sommes aussi conscients des obstacles opérationnels auxquels celle-ci peut se heurter. À quel stade se trouve aujourd'hui votre projet de réforme ? Comment comptez-vous procéder pour le mener à bien ? Le Parlement y sera-t-il associé ?
Enfin, nous venons d'adopter la proposition de loi organique (PPLO) sur le financement de l'audiovisuel public, qui sera examinée le 19 novembre prochain à l'Assemblée nationale. Nous espérons un vote conforme qui permettrait de réintroduire dans le PLF le compte de concours financier (CCF) « Avances à l'audiovisuel public », transformé dans le texte initial en mission ministérielle.
Les moyens alloués pour l'audiovisuel public sont en deçà de la trajectoire financière prévue par les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés publiques. Nous nous interrogeons sur la crédibilité de ces contrats dans le contexte budgétaire actuel, et nous nous demandons si votre ministère travaille d'ores et déjà sur des COM révisés, plus réalistes, en fonction des dernières annonces financières ? Ou bien attendez-vous la réforme de la gouvernance que nous appelons de nos voeux ?
Voilà les nombreux sujets sur lesquels nous attendons des précisions. Mes collègues auront sans doute également des questions sur d'autres thèmes. Depuis votre prise de fonction, vous avez bien compris que notre commission était pour vous un allié précieux mais résolument exigeant, qui garde la mémoire tant de ses travaux que de vos annonces.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Il arrive parfois, comme je l'avais déclaré lors de ma nomination, que l'on considère le ministère de la culture comme un ministère du loisir. À mes yeux, il s'agit d'un ministère fondamental, pour ne pas dire régalien, qui incarne l'idéal républicain et joue un rôle essentiel pour réduire les inégalités et permettre à l'ensemble de nos concitoyens de prendre part à la vie en société.
Ce budget a été débattu dans un contexte difficile pour nos finances publiques. Une première réduction budgétaire avait été annoncée il y a quelques mois de cela, avant le changement de gouvernement. L'État se doit d'être exemplaire, et le ministère de la culture doit prendre sa part dans les efforts demandés. À ce titre, je me réjouis de défendre devant vous un texte proposant un budget stabilisé à un niveau historique pour le ministère de la culture : 4,45 milliards d'euros. Depuis l'élection du Président de la République en 2017, le budget de la culture a augmenté de plus d'un milliard d'euros. Cela nous permet aujourd'hui de préserver dans tous les secteurs les moyens et l'action du ministère.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier. Comme vous l'avez précisé dans votre introduction, vous êtes pour moi un soutien précieux et vous avez la mémoire de tout ; en espérant que ce soit toujours le cas, afin que les engagements puissent être tenus.
Je commence mon tour d'horizon par la mission « Culture ». Dans le secteur de la création artistique, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 1,041 milliard d'euros, dont plus de la moitié - 550 millions d'euros environ - sera consacrée au secteur subventionné en région. Lors des annulations de crédits en février dernier, j'avais indiqué que pas un euro ne manquerait au spectacle vivant dans les territoires, et cela a été le cas. L'État a répondu présent pour soutenir ces structures avec des crédits consacrés au spectacle vivant, hors opérateurs nationaux, en hausse de 45 millions d'euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d'euros en 2024 dans le cadre du plan « Mieux produire, mieux diffuser ».
Après une première année, le bilan est très positif. Aux 9 millions d'euros du ministère de la culture s'est ajoutée la participation à hauteur de 12,5 millions d'euros des collectivités. Le partenariat entre l'État et les collectivités est donc encourageant. Ce plan a fait naître de nombreux projets créatifs, et nous allons poursuivre notre double effort collectif : mieux produire, avec des mutualisations à opérer afin de maîtriser les coûts de production ; et mieux diffuser, notamment avec des séries plus longues.
L'objectif de mieux travailler avec les élus et les collectivités s'incarne pleinement dans les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle (CTEAC) dont je suis à l'initiative. Le premier contrat a été signé dans le département de la Charente-Maritime il y a quelques semaines. Je tiens à valoriser le travail remarquable effectué par les collectivités en leur donnant de la visibilité, mais aussi en les incitant à s'engager aux côtés de l'État et des acteurs culturels.
En toute transparence, l'État ne pourra pas améliorer seul la situation financière du spectacle vivant. Ces dernières années, la seule réponse est venue de l'État, qui n'a cessé d'augmenter le niveau de financement de son soutien. Dans un contexte difficile, je sauvegarde le budget dédié à la création artistique, mais cette mobilisation de l'État ne suffira pas.
Il s'agit à la fois de convaincre les collectivités de poursuivre leur engagement et d'inciter le secteur à réfléchir aux leviers à sa disposition ; je pense notamment à la politique tarifaire. Je reste attachée à des prix bas pour certains publics, mais nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant, sans quoi ce modèle sera menacé. Cet été, j'ai reçu l'ensemble des représentants du spectacle vivant afin de pouvoir avancer sur ces questions. Encore une fois, l'État va continuer de prendre toute sa part, mais il ne peut être le seul à assumer ses responsabilités. Je sais que le sujet est essentiel pour le Sénat, et je remercie Karine Daniel pour sa compétence et sa vigilance sur le sujet.
Enfin, les moyens dédiés aux festivals sont également reconduits à hauteur de 32 millions d'euros.
La démocratisation culturelle et l'accès aux métiers de la culture constituent une priorité de ma politique, avec un budget s'élevant à 807 millions d'euros. Nous ferons en sorte, dans la suite des discussions, de ne renoncer à aucun dispositif. Je souhaite évoquer ici la réforme du pass Culture. Comme je l'ai exprimé lors de ma première audition, ce pass Culture me semblait favoriser la reproduction sociale, notamment pour ce qui concerne la part individuelle. Les publics qui en avaient le plus besoin n'étaient pas touchés, comme cela m'a été confirmé par une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et par un rapport de la Cour des comptes.
Le pass Culture doit être un instrument pour faire accéder à la culture ceux qui en sont les plus éloignés, notamment en milieu rural - c'est tout le sens du plan Culture et Ruralité - et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville où, trop souvent, ce dispositif est dévoyé en n'étant qu'un simple instrument de consommation culturelle.
La part individuelle du pass Culture sera réformée en profondeur. Florence Philbert, en sa qualité de directrice générale des médias et des industries culturelles (MIC), aura pour mission de suivre l'évolution de cette réforme à partir des cinq orientations suivantes : une prise en compte des conditions de ressources des jeunes éligibles au pass ; une part réservée au spectacle vivant, ce qui n'était pas le cas jusque-là ; une meilleure articulation entre la part collective, qui bénéficie à 90 % à des enfants accédant pour la première fois à la culture ou à un équipement culturel, et la part individuelle, qui intervient plus tard ; une meilleure éditorialisation et médiation pour davantage intéresser les publics, les spectacles proposés relevant trop du listing ; et enfin, de nouvelles fonctionnalités ouvertes à un large public - je pense notamment à la géolocalisation.
J'ai diligenté deux missions afin d'assurer ces nouveaux développements sans mettre en danger le secteur du livre. En effet, le pass Culture a été beaucoup utilisé dans les librairies, non seulement pour les mangas mais aussi pour l'achat de livres nécessaires aux études supérieures. Il convient donc de ne pas se priver d'un tel accès à la culture, qui apporte par ailleurs un soutien au réseau des librairies indépendantes.
J'ai fait évoluer l'application avec de nouvelles fonctionnalités comme la géolocalisation. Pour d'autres fonctionnalités, nous avons lancé une expérimentation dans la région Grand Est ; un retour d'expérience devrait intervenir rapidement.
Certains diront que cette réforme entérine des économies, mais je ne vois pas les choses ainsi. Elle vise une meilleure utilisation des deniers publics pour un plus large accès à la culture, notamment pour ceux qui en sont éloignés.
Le 11 juillet dernier, j'ai lancé le plan Culture et Ruralité. Financé pour les trois prochaines années, il dispose dès cette année d'une enveloppe de 34 millions d'euros. La ruralité concerne 22 millions d'habitants, soit un tiers de la population française, et je tiens à ce que celle-ci ne soit pas un impensé de nos politiques culturelles. On retrouve le financement de ce plan dans le budget 2025, avec 14 millions d'euros qui s'ajoutent aux 20 millions mobilisables dès maintenant, et sans doute un complément à venir que je vous détaillerai ultérieurement.
Comme je l'avais déjà exprimé lors de ma première audition devant votre commission, le patrimoine est une autre priorité très claire ; je sais que Sabine Drexler est très engagée sur ce sujet. Dans le texte initial, les crédits connaissaient une légère augmentation pour un total annuel de 1,2 milliard d'euros. Avec ce budget, nous nous donnons les moyens de poursuivre les grands chantiers déjà lancés. Il s'agit, le plus souvent, d'un enjeu de sécurité et de remise aux normes après un drame, comme pour la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes qui va bénéficier d'un financement de 6 millions d'euros. Nous financerons également l'extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, avec un investissement à hauteur de 17,7 millions d'euros.
Un sujet concerne le Centre Pompidou. Celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune restauration d'ampleur depuis son ouverture en 1977, et les travaux représentent un coût de 29 millions d'euros pour le ministère l'année prochaine.
Parmi les autres projets importants pour la revitalisation de nos territoires, on peut évoquer la restauration de l'abbaye-prison de Clairvaux pour 14,3 millions d'euros, ou encore le programme de valorisation du château de Gaillon en Normandie pour 4,3 millions d'euros. La seule sécurisation du site de Clairvaux requiert 3 millions d'euros par an.
Le budget consacré à la restauration des monuments historiques connaît une baisse. Il s'agit d'un point d'inquiétude sur lequel je reviendrai à la fin de mon propos. Les besoins de notre patrimoine, déjà importants, sont aggravés par l'inflation et le « mur d'investissements » auquel nous faisons face avec un budget à son plus haut niveau historique. Mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation elle-même exceptionnelle.
Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », je souhaite poursuivre l'accompagnement des acteurs d'un secteur en pleine mutation. Je sais que votre commission suit cela de près. Au coeur des grandes mutations numériques, les industries culturelles françaises ont plus que jamais besoin de notre soutien en faveur de la diversité, du renouvellement et de la création.
Je remercie Jérémy Bacchi pour son travail sur le cinéma. La pertinence de nos modalités de soutien au cinéma a été reconnue, puisque les taxes du CNC ne seront pas plafonnées ; cela a été notre crainte, et ce ne sera pas le cas. Notre opérateur disposera donc de la totalité de ses moyens opérationnels, soit environ 780 millions d'euros en 2025. Ce budget, alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, notamment les plateformes américaines, permettra de financer des mesures en faveur de la diffusion, comme j'ai pu l'annoncer dernièrement à Lyon.
Je me réjouis également que ce texte préserve les différents crédits d'impôt pour le cinéma, l'audiovisuel, les tournages internationaux ou encore les jeux vidéo, dans un contexte de compétition fiscale internationale. Après évaluation, il s'avère que ces crédits rapportent 6 à 7 euros d'activité en France pour 1 euro de dépense fiscale.
Concernant le secteur du jeu vidéo, quelque 200 studios ont bénéficié du crédit d'impôt, ce qui a permis à notre industrie de retrouver sa croissance. En dix ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé, et le nombre d'emplois est passé de 3 500 en 2010 à 14 000 aujourd'hui.
C'est un enjeu de cohérence de nos politiques ; on ne peut pas, dans le cadre du plan France 2030, investir 300 millions d'euros dans nos studios et nos écoles pour les vider ensuite en provoquant la délocalisation des tournages. Des studios et des lieux de tournage ont ainsi bénéficié de cet engagement. Pour exemple, le dernier film de Jacques Audiard, dont l'action se déroule en Amérique du Sud, a été tourné en studio en région parisienne.
Je salue le travail de Michel Laugier concernant la presse et les médias. L'État maintient son soutien de 365,7 millions d'euros et préserve les crédits de 26 millions d'euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité. Sur le sujet des radios associatives, j'ai reçu l'ensemble des représentants et je leur ai indiqué que l'on trouverait une solution ; c'est le cas, notamment concernant la baisse de 10 millions d'euros. Nous avons obtenu du ministre en charge des comptes publics qu'un amendement du Gouvernement puisse corriger cela dans le courant de la discussion de la loi de finances.
Sur le sujet de l'audiovisuel public, je sais pouvoir compter sur la vigilance de Cédric Vial. Comme vous le savez, avant la dissolution de la précédente Assemblée nationale, je soutenais une réforme ambitieuse, fondée sur votre proposition de loi, monsieur le président. Les raisons qui motivaient cette réforme n'ont pas disparu, et mon constat reste le même. En revanche, nous devons prendre en compte le nouveau contexte politique. Je reste à l'écoute de toutes les sensibilités pour avancer non seulement sur le mode de financement mais aussi sur la gouvernance.
Le financement de l'audiovisuel est prévu dans le cadre du budget général. Je souhaite toutefois que ce texte initial soit amendé avant la fin de l'année, afin d'éviter une budgétisation. L'objectif est d'assurer la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur. Grâce au vote de la proposition de loi organique (PPLO) des sénateurs Vial, Morin-Desailly, Karoutchi, Lafon et Hugonet, une première partie du chemin a été effectuée. Cette réforme du financement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, est liée à celle de la gouvernance.
Concernant le budget de l'audiovisuel public, une mesure d'économie par rapport à 2024, de l'ordre de 50 millions d'euros, va être mise en oeuvre. Cela ne manquera pas de susciter des passions. Mais après avoir étudié le sujet avec les acteurs du secteur, je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Il convient pour cela de travailler ensemble et en toute transparence.
Avant de conclure, je souhaite revenir sur le sujet du patrimoine. Dans certains endroits du territoire, les monuments historiques constituent le premier accès à la culture, et c'est pourquoi nous avons fait en sorte dans ce budget, comme pour chacun des volets de notre politique culturelle, de préserver l'essentiel. Nous connaissons cependant actuellement une situation exceptionnelle. L'état de notre patrimoine est alarmant, et sa dégradation s'avère extrêmement rapide : notre pays compte 45 000 monuments historiques et, parmi eux, 20 % se trouvent en mauvais état et 5 % en état de péril. Cela signifie que plus de 2 000 monuments risquent de disparaître dans les prochains mois ; voilà la réalité.
Je suis particulièrement attachée au patrimoine religieux ; il ne s'agit pas d'une affaire cultuelle ou confessionnelle, mais d'un enjeu culturel, et davantage encore. À l'heure où l'on se demande comment intéresser notre jeunesse à ce qui fonde une Nation, nous devrions tous nous battre pour défendre un tel patrimoine. On a vu également la mobilisation pour Notre-Dame de Paris après l'incendie. Sur les 15 000 édifices religieux protégés au titre des monuments historiques, 4 000 sont actuellement en danger. Le plus souvent, ils sont localisés dans des zones rurales, loin de toute attention médiatique. Je le redis : cela n'est pas acceptable.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, dans la continuité de l'effort porté par le Président de la République qui a notamment permis de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans et de lancer le loto du patrimoine : à mon initiative, le Gouvernement va présenter un amendement qui ajoutera 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement au budget du ministère de la culture en 2025, afin de répondre à cette urgence patrimoniale. Cela n'était pas encore acquis après mon audition à l'Assemblée nationale ; aujourd'hui, la décision est prise.
Le PLF pour 2025 prévoit un budget historique pour notre patrimoine, avec 7 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'an passé. Mais le chiffre s'avère en trompe-l'oeil, car le « mur d'investissements » est devant nous. Avec cet amendement, nous changeons la donne et faisons du patrimoine la grande priorité du Gouvernement. C'est un enjeu de cohésion nationale, et cela a beaucoup de sens que le ministère de la culture porte un tel projet. Dans un pays divisé, le patrimoine renvoie à l'essentiel, il est ce qui peut nous rassembler. Un pays qui ne s'engage pas pour son patrimoine ne se préoccupe pas de son avenir.
Pour le moment, nous n'avons effectué aucun fléchage précis de ces crédits supplémentaires ; nous prendrons le temps de réfléchir à leur répartition. Seront en tous cas concernés en premier lieu les monuments historiques dans tous nos territoires, et en particulier dans la ruralité. Les trois priorités de ma politique sont l'accès à la culture, le souci de la ruralité et le patrimoine. Cet amendement permettra notamment un effort supplémentaire de 55 millions d'euros pour les monuments historiques en région, en plus de ce que prévoyait déjà le budget 2025. À cela s'ajoute une enveloppe de 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires, avec une attention spécifique - à hauteur de 8 millions d'euros - pour les petits musées qui fonctionnent souvent avec les moyens du bord et méritent beaucoup plus d'attention. Dans les communes rurales, ces petits musées s'avèrent souvent des lieux culturels beaucoup plus larges, de même que les librairies.
D'autres équipements en région, comme les centres de conservation et d'études archéologiques (CCEA), maillons essentiels de notre politique archéologique, vont recevoir des financements attendus depuis des années.
Depuis ma prise de fonction, je me suis efforcée de reconnaître le rôle primordial des collectivités. Rapidement, j'ai réuni le Conseil national des territoires pour la culture (CTC), qui porte les deux tiers de la dépense culturelle dans notre pays, tout en renforçant l'exemplarité du rôle de l'État. Aujourd'hui plus que jamais, l'État et les collectivités doivent avancer ensemble aux côtés des acteurs culturels.
Au-delà des investissements majeurs et nécessaires pour nos territoires, le Gouvernement aura une attention particulière pour les besoins les plus impérieux de nos grands établissements. Le Centre Pompidou s'avère, à ce titre, un exemple édifiant ; quand on entretient mal un monument emblématique pendant 40 ans, on en paye le prix à un moment donné. Alors que le budget pour 2025 intégrait la prise en charge des travaux du Centre Pompidou, plusieurs établissements majeurs se trouvaient confrontés à une année blanche en matière de financement de leurs investissements. La situation s'avérait problématique, notamment pour le château et domaine de Versailles qui a entamé il y a plusieurs années une démarche vertueuse de schéma directeur afin de planifier ses besoins de restauration et de remise aux normes. Aussi, pour le château et le domaine de Versailles, mais aussi pour ceux de Fontainebleau et Chambord, ainsi que pour le mobilier national, le palais de la Porte-Dorée et d'autres établissements encore - nous sommes en train d'établir la liste -, cet amendement permettra d'être à la hauteur de la situation.
Les besoins d'investissement concernent l'ensemble des champs du ministère. Un théâtre ou un conservatoire à moderniser constituent un patrimoine à l'adresse des générations futures. Cet amendement en tiendra compte. J'aurai une attention particulière pour la filière liée à la sauvegarde de notre patrimoine ; je pense à ces petites entreprises qui ont fait de la restauration des monuments un savoir-faire d'exception, que le monde entier nous envie. Au moment où s'achève le chantier de Notre-Dame de Paris, il était normal que nous offrions d'autres perspectives à cette filière, alors que les besoins sont criants.
Je voulais vous annoncer le principe de cet amendement en souhaitant que la représentation nationale soutienne le Gouvernement dans cet effort sans précédent. Là encore, l'État ne pourra subvenir seul aux besoins du patrimoine au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle, en complément de cet effort, j'ai proposé plusieurs pistes : la tarification de l'entrée de Notre-Dame de Paris, qui pourrait dégager 75 millions d'euros afin de financer la restauration de l'ensemble du patrimoine religieux en région ; ou encore des tarifs différenciés au sein des grands opérateurs recevant plus de 60 % de publics étrangers.
Ces pratiques existent ailleurs, et nous devons les examiner avec lucidité pour faire face aux besoins de notre patrimoine. Pour récupérer ces fonds, nous n'avons notamment pas besoin, comme j'ai pu l'entendre, de remettre en cause la loi de 1905. Je suis à votre disposition pour les questions.
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, merci pour ces annonces et notamment pour ces 300 millions d'euros de crédits supplémentaires en faveur du patrimoine. Si vous faites des annonces de ce type chaque fois que vous venez au Sénat, nous vous réinviterons plus souvent !
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public. - Ma première question porte sur l'effort supplémentaire demandé aux sociétés audiovisuelles publiques, qui représente environ 50 millions d'euros. Cette somme correspond à 1,5 % du budget des sociétés audiovisuelles publiques. L'effort peut être soutenable si la répartition s'établit correctement et si les discussions avec les organismes publics sont bien menées. Avez-vous aujourd'hui une idée de la répartition de cette somme entre les différents organismes ? Concernant France Télévisions, par exemple, l'effort portera-t-il sur les programmes, sachant qu'il faudrait alors revoir certains engagements pris par le groupe, ou bien sur les fonctions support ? Irez-vous jusqu'à ce degré de détail, ou indiquerez-vous seulement un montant d'économies à réaliser ?
Je souhaite également évoquer les COM. Nous devons rendre un avis la semaine prochaine sur le sujet. De ces COM il ne reste plus que le principe d'un contrat, car les objectifs ne sont plus atteignables, et les moyens ne sont plus disponibles. Je m'interroge donc sur l'avenir de ces COM. Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment entendre notre avis la semaine prochaine ? Ou ces COM seront-ils prochainement modifiés ?
Les crédits de transformation sont, à ce stade, toujours prévus dans le budget. Selon la loi de 1986, le Parlement vote les montants et affecte les crédits aux sociétés publiques. Ces crédits, aujourd'hui, ne sont pas affectés à chaque société publique. Si la PPLO était votée par l'Assemblée nationale, il serait judicieux que les crédits de transformation soient réintégrés à la dotation de chaque organisme de l'audiovisuel public.
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Je vous remercie d'avoir trouvé une solution concernant les 10 millions d'euros pour les radios associatives. Allez-vous en profiter pour lancer une réforme des procédures d'attribution ? À mon sens, ce serait opportun.
Lors de votre précédente audition, vous vous étiez engagée à lancer le chantier des aides à la presse. Je comprends que la dissolution ait pu constituer un frein à cette réforme. Comptez-vous toutefois avancer dans le sens souhaité aussi bien par la commission que par les conclusions des EGI, demandant une plus grande conditionnalité de ces aides ?
La dissolution de l'Assemblée nationale a également décalé le rendu des travaux confiés à Sébastien Soriano sur les suites à donner au rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur la distribution de la presse. Ce dossier, crucial pour le secteur, trouvera-t-il enfin sa conclusion en 2025 ? Le prélèvement de 9 millions d'euros sur les crédits dédiés à la modernisation de la presse devait s'achever en 2022, puis 2024, mais celui-ci figure toujours dans le PLF pour 2025...
Le débat sur la proposition de loi de Sylvie Robert a souligné la nécessité d'une réflexion autour de l'évolution de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. Le texte annoncé lors des EGI sera-t-il l'occasion de revenir sur cette loi, notamment pour mieux définir les titres éligibles ?
Enfin, même si ces crédits ne figurent pas tout à fait dans le périmètre du programme, je constate que le projet de Maison du dessin de presse, annoncé par le Président de la République en janvier 2020, est au point mort. Aucune dotation n'est prévue. Ce projet est-il abandonné, retardé ou revu à la baisse ?
Mme Karine Daniel, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Vous avez fait du renforcement des services publics culturels en milieu rural un des axes majeurs de votre politique. Parmi les 23 mesures annoncées, trois concernent plus particulièrement le secteur de la création : l'aide à l'embauche temporaire d'artistes par les mairies, les associations et les cafés ; le soutien aux festivals en ruralité ; et le développement du réseau des artothèques. Vous avez évoqué les crédits de manière globale. Pouvez-vous nous indiquer les modalités de mise en oeuvre pour chacune de ces mesures ?
Concernant le plan Culture et Ruralité, vous avez évoqué la question des tiers lieux, dont 34 % se situent en milieu rural. Où en sommes-nous sur ce sujet très attendu dans les communes rurales ?
Pour la mise en oeuvre de ce plan Culture et Ruralité, les directions régionales des affaires culturelles (Drac) sont en première ligne. Or, nous observons aujourd'hui une certaine dévitalisation des Drac. Se pose donc la question de la gestion déconcentrée de ces crédits. De façon prosaïque, cela peut consister à mettre de l'essence dans les voitures pour aller voir les opérateurs dans les territoires. De nombreux retours invitent à une meilleure décentralisation ; je pense, par exemple, à la gouvernance du plan « Mieux produire, mieux diffuser » et à son articulation avec les collectivités territoriales.
Dans ce PLF pour 2025, les collectivités subissent d'importantes coupes budgétaires ; annoncées à 5 milliards d'euros, nous les évaluons plutôt à 10 milliards. Elles ne seront pas sans conséquence sur les projets culturels, les investissements et le fonctionnement.
Je souhaite également revenir sur le sujet de la filière musicale. La semaine dernière, le président du Centre national de la musique (CNM) a dressé un tableau contrasté. Malgré de beaux succès, une partie de la filière connaît des difficultés, avec notamment un problème de viabilité économique des salles. On a évoqué les scènes de musiques actuelles (Smac), d'autres salles connaissent des difficultés ; j'ai une pensée particulière pour les personnels et les bénévoles de trois salles qui ont fermé : l'Entonnoir à Besançon, l'Arrosoir à Chalon-sur-Saône et la Péniche Cancale à Dijon. De son côté, le K'fé Quoi à Forcalquier a pu être repris, mais sur un format plus restreint.
Je laisse Sonia de La Provôté évoquer le sujet des festivals. Nous aurons également un point d'attention sur le sujet de l'enseignement supérieur artistique, notamment dans les écoles d'art territoriales.
Où en est le plan global de réforme que vous aviez annoncé en mars dernier, à la suite du diagnostic confié à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et à la direction générale de la création artistique (DGCA) ?
Du reste, le pass Culture retiendra toute notre attention lors de l'examen du budget. Nous organiserons une table ronde consacrée à ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes au dispositif.
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Votre plan en faveur de la ruralité suscite de fortes attentes dans les territoires. Je me félicite que vous y associiez la mise en valeur du patrimoine de nos campagnes, y compris religieux. Ce patrimoine souvent modeste et parfois ignoré n'en demeure pas moins constitutif de nos paysages.
Comme chaque année, nos auditions budgétaires soulèvent des questions sur les critères d'éligibilité aux dispositifs fiscaux profitant au patrimoine, notamment le dispositif Malraux. Celui-ci semble créer des effets d'aubaine et, dans certains cas, il encourage la spéculation immobilière dans les centres anciens déjà très attractifs, où la valeur de revente des immeubles réhabilités couvre largement les frais engagés. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le contexte budgétaire exige une rigueur accrue dans l'évaluation de l'efficacité des mesures financées par des fonds publics. Travaillez-vous actuellement à améliorer le ciblage de ce dispositif ?
Nous le savons, le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas adapté aux spécificités du bâti patrimonial ancien. L'ajustement de sa méthodologie serait nécessaire pour permettre une évaluation plus juste de la performance énergétique. Bien que la prise de conscience progresse sur ce point, le DPE continue d'inquiéter, car il a de lourdes conséquences sur les possibilités de mise en location, sur la valeur marchande des biens et, même aujourd'hui, sur la possibilité pour les propriétaires d'obtenir des prêts pour leurs travaux de rénovation. Le temps presse : les effets néfastes et non anticipés du DPE sont déjà visibles. Dans ce contexte, pourriez-vous préciser le contenu des annonces faites par le Premier ministre et votre ministère pour assurer l'adaptation du DPE au bâti patrimonial ancien ?
Il est aujourd'hui nécessaire de
s'inquiéter du sort réservé au bâti vernaculaire,
qui ne fait l'objet d'aucune protection alors qu'il participe à
l'attractivité de nos régions, surtout les plus reculées.
Ce patrimoine, parfois méconnu mais si riche, dit tant de choses sur
notre pays. Pourtant
- j'insiste -, il est menacé par des
rénovations inadaptées et des destructions qui
s'accélèrent. Pour faire obstacle à ce saccage
patrimonial, il est urgent de réfléchir collectivement aux moyens
d'assurer son identification, voire de réaliser son inventaire complet,
afin qu'il figure dans les documents d'urbanisme. Il en va ainsi en
matière de protection de la biodiversité : chaque
particularité floristique ou faunistique est prise en compte pour
favoriser une urbanisation durable et respectueuse. Envisagez-vous d'identifier
et d'inventorier ce patrimoine ?
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je me réjouis que le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ait été finalement épargné par les mesures d'économie, en dépit d'un prélèvement de 450 millions d'euros sur ses réserves, cette somme étant destinée à couvrir des engagements comptables.
Le 14 février dernier, le Sénat a adopté l'ambitieuse proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Savez-vous si elle pourra être inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Je rappelle qu'elle contient des dispositions précieuses pour sanctionner les producteurs qui ne lutteraient pas efficacement contre les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage.
Par ailleurs, la directive sur les médias audiovisuels (SMA) doit être réexaminée par la Commission européenne en 2025. Cela nécessitera un fort engagement de la part de la France. Dans ce contexte, il serait très utile qu'un président du CNC puisse être rapidement nommé ; la vacance de poste depuis juin dernier peut se révéler très pénalisante. Avez-vous des informations à nous communiquer sur ce sujet ?
Enfin, le 25 septembre dernier, l'Autorité de la concurrence s'est saisie « d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition d'oeuvres cinématographiques ». De sa décision dépend, en réalité, tout l'équilibre de la chronologie des médias, pilier du financement de notre cinéma. Quelles options ont été mises sur la table et comptez-vous vous associer à cette procédure ?
Mme Sonia de La Provôté. - La programmation, le calendrier et l'attractivité des festivals de l'été dernier ont été parasités par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et la phase électorale qui a suivi la dissolution de l'Assemblée nationale.
Finalement, selon les syndicats et les professionnels du milieu, la fréquentation a été plutôt bonne. Pourtant, le bilan budgétaire de ces festivals est plutôt mauvais, voire moins bon que celui de l'année dernière, ce pour plusieurs raisons.
D'abord, l'inflation a affecté les frais de déplacement des artistes, entre autres. Ensuite, l'application des réglementations environnementales est complexe et coûteuse. Résultat : à la fin de l'été, 50 % des festivals étaient en situation déficitaire - le déficit moyen oscillant entre 75 000 et 100 000 euros - et 14 % d'entre eux annonçaient ne pas pouvoir se dérouler l'année prochaine.
Le modèle économique des festivals est un vrai sujet. À cet égard, nous avions alerté le Gouvernement sur la nécessité de maintenir et de faire évoluer le fonds festival, compte tenu des besoins nouveaux et de cette période particulière où les contraintes s'accumulent.
Le ministère envisage-t-il d'évaluer la situation actuelle ? Il conviendrait d'abonder le fonds festival, vu l'aggravation des besoins ces dernières années. Voir disparaître les festivals, c'est voir disparaître l'accès à la culture dans tous les territoires.
Mme Rachida Dati, ministre. - Nous souhaitons revoir les contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public tout en maintenant trois priorités : la proximité, le numérique et la jeunesse, la qualité de l'information. D'ailleurs, ce sont elles qui motivent la réforme de la gouvernance. Pour rappel, lorsque le président Lafon et moi-même avions discuté de la création d'une holding, voire d'une fusion de l'audiovisuel public, c'était en maintenant ces trois priorités.
Nous aimerions trouver un créneau à l'Assemblée nationale pour discuter d'une réforme de la gouvernance, afin de mener en parallèle la réforme du financement et celle de la gouvernance, mais l'incertitude demeure.
Lors de l'examen de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que les crédits de transformation devaient être intégrés aux dotations de base des sociétés.
Vous m'avez interrogé sur la répartition des 50 millions d'euros d'économies demandées à l'audiovisuel public : France Télévisions en assumera la plus grande part, à hauteur de 10 millions d'euros de plus.
Le budget de la culture est compris entre 8 milliards et 9 milliards d'euros, la moitié étant réservée aux sociétés de l'audiovisuel public. Dès lors, les économies qui leur sont demandées sont inférieures à leur poids dans ce budget.
In fine, c'est bien au Parlement qu'il reviendra de décider des affectations de crédits et des mesures d'économie. Nous pourrons en discuter ensemble, ainsi qu'avec les sociétés concernées.
M. Cédric Vial. - Allez-vous indiquer aux sociétés de l'audiovisuel public les domaines dans lesquels elles doivent réaliser des coupes budgétaires ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Pour tout vous dire, nous en discutons toujours. Je ne veux pas imposer des mesures dont la mise en oeuvre serait difficile : je préfère la concertation. En effet, les économies doivent être les plus consensuelles possible, surtout qu'elles ont été annoncées tardivement.
Quelques mots sur les droits voisins, qui sont un sujet autant national qu'européen. Nous souhaitons traduire législativement les conclusions des États généraux de l'information, qui sont d'une très grande qualité, en identifiant les titres concernés.
Dans le même esprit, nous pourrions compléter ou renforcer la protection du secret des sources des journalistes, dans la continuité de la loi du 4 janvier 2010 que j'avais défendue en tant que garde des Sceaux.
Par ailleurs, la situation de France Messagerie demeure fragile. Aussi, j'ai demandé que la mission Soriano sur la distribution de la presse, interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, soit relancée. En attendant qu'elle rende ses conclusions, nous avons maintenu l'aide à la distribution au même niveau qu'auparavant.
M. Laurent Lafon, président. - Quid du projet de création d'une Maison du dessin de presse ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Je suis en train de négocier les aspects budgétaires. Pour les journalistes, notamment, la maison du dessin de presse n'a de sens que si elle permet d'exposer des caricatures. Sur ce point, les discussions ont été vives.
En tant que ministre de la culture, je considère que l'engagement pris pour la création de cette institution doit être tenu. Encore faut-il trouver des financements. Il est par ailleurs nécessaire de tenir compte des enjeux de sécurité.
Je suis prête à discuter du contrôle sur les attributions de fréquences et à revoir les critères. Toutefois, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) accomplit déjà très bien ses missions.
Par ailleurs, ce serait une très bonne chose d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Or, pour l'heure, il n'y a pas de fenêtre d'inscription. Ainsi, le Gouvernement prendra ses responsabilités : dans la mesure où cette proposition de loi contient des dispositions très intéressantes, nous pourrons les reprendre à notre compte dans un projet de loi.
La chronologie des médias est fixée non plus pour cinq ans, mais pour trois ans. Les acteurs se plaignent de devoir procéder à des renégociations en permanence, le nouveau délai impliquant de discuter de la chronologie seulement dix-huit mois après qu'elle a été fixée. En réalité, c'est un débat de nature législative. Doit-on maintenir ce délai ? La chronologie convient-elle bien à tout le monde aujourd'hui ? Certains acteurs apprécient de mener des renégociations sur un temps court, compte tenu de l'évolution du paysage cinématographique. D'autres préfèrent une chronologie plus longue, pour disposer de suffisamment de retours et de bilans.
Depuis mon entrée en fonction, j'ai découvert le sens de l'anticipation et l'énergie dont font preuve tous les agents du CNC. Cette institution accomplit un excellent travail, avec des résultats assez spectaculaires, ne serait-ce que sur la dernière année.
Je vous renvoie au bilan du cinéma sur l'attractivité de l'économie française : le CNC fonctionne très bien et doit fonctionner encore mieux. D'où la nécessité de procéder à la nomination de son président, ce qui ne saurait tarder.
Parlons des festivals. Aujourd'hui, il en existe partout en France, dans les communes de 600 habitants comme dans celles qui en comptent 1 million. Il existe des divergences quant aux financements, aux partenaires et aux thématiques, mais les festivals font tous l'objet du même engouement. Ils garantissent un véritable accès à la culture puisqu'ils sont souvent gratuits.
Notre plan en faveur de la ruralité, d'un montant de 100 millions d'euros sur trois ans, permettra de financer de façon pérenne les festivals. Plus de 200 événements festifs seront déclinés : festivals, « villages en fête », fanfares, etc. Chaque territoire utilisera les fonds alloués pour organiser ces événements comme il le souhaite.
En outre, 200 résidences d'artistes seront organisées. En ce domaine, il y a eu une forte demande, puisqu'il est question de la mobilité des artistes dans les zones rurales.
Quant au CNC, il soutiendra près de 150 circuits itinérants. Du reste, les artothèques seront comprises dans les financements.
Les tiers-lieux ont également été intégrés au plan en faveur de la ruralité, avec un développement d'ampleur. Ils sont essentiels en ce qu'ils permettent de transformer les bâtis patrimoniaux rénovés mais non utilisés en lieux d'exposition, de projection, de rencontres ou de débats.
J'ai mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), qui sont très utiles en zone rurale.
Bref, notre plan comporte des mesures pour chaque secteur de la culture : cinéma, festivals, patrimoine, événements festifs, résidences d'artistes, etc.
L'éducation artistique et culturelle (EAC) en fait aussi partie. Je serai honnête avec vous : même si nous finançons des associations, des artistes et des formations, il n'y a pas de ligne politique en ce domaine. Je serais donc bien en peine de dresser le bilan de l'EAC. Je peux vous indiquer les montants que nous y avons alloués, mais je ne saurais vous dire quels volets ont été développés, pour quels objectifs
L'EAC est désormais de plus en plus intégrée aux programmes pédagogiques. La part collective du pass Culture y participe. J'ai ainsi été particulièrement émue de voir des enfants découvrir des oeuvres alors qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans un musée, même si celui-ci est situé à 40 mètres de leur domicile. L'articulation de la part collective et de la part individuelle du pass Culture est donc essentielle pour accompagner le cheminement des jeunes vers la culture.
Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale considère que l'EAC relève davantage du ministère de la culture, si bien que nous n'avons pas la même ligne en la matière. Il conviendrait de définir une politique publique cohérente à destination des enfants.
En résumé, les crédits alloués par le ministère en faveur de l'EAC ne sont pas négligeables. Il reste à définir une politique cohérente, faute de quoi nous serons condamnés à faire du saupoudrage via la distribution de subventions. On ne peut pas parler d'accès à la culture sans indiquer, au préalable, à quoi sert la politique que nous conduisons. L'EAC est une noble mission : elle doit avoir un sens et c'est ensemble que nous devons la bâtir.
Autre sujet : nous sommes en train de revoir les dispositifs fiscaux applicables au patrimoine en raison d'effets d'aubaine, voire d'effets de rente. Nous souhaitons également faciliter la tâche des propriétaires privés qui possèdent un patrimoine historique : cela leur coûte très cher d'entretenir ou de rénover leur bien, alors même qu'ils permettent au public d'y accéder. Nous travaillons donc à réduire certains dispositifs fiscaux et à en amplifier d'autres. En ce qui concerne en particulier le dispositif Malraux, nous pouvons unifier le taux de réduction d'impôts, mais aussi rehausser le taux pour les immeubles en site patrimonial qui sont insalubres ou en ruines. Nous souhaitons le rehausser à 50 %, à la condition que des travaux de rénovation énergétique soient menés. Sur ce sujet, je n'ai pas gagné le combat vis-à-vis de Bercy, mais sachez que c'est la solution qui est défendue par le ministère de la culture.
Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, nous nous étions engagés à la mise en place d'une disposition relative au DPE du bâti ancien avant le 31 décembre prochain, et cet engagement sera respecté.
Le Président de la République nous avait demandé de recenser l'ensemble de biens du patrimoine et d'inciter, via les directions régionales des affaires culturelles (Drac), à leur classement. L'État et les collectivités devraient y contribuer. Voilà qui permettra de sauvegarder le patrimoine, y compris privé.
Le fonds festival a été préservé, mais les zones rurales sont tout de même en fragilité.
Il faut que nous engagions une réflexion sur le modèle économique du spectacle vivant. À cet égard, j'ai demandé à la mission consacrée à ce sujet, lancée avant la dissolution, de reprendre ses travaux. Tous les représentants du spectacle vivant, quelle que soit leur tendance, s'accordent à dire que la pérennisation du financement est un problème majeur. On finance souvent des structures, mais on ne finance plus de projets.
Quant aux écoles d'art, il n'y a aucun désengagement de notre part, comme en matière de patrimoine. Le ministère ne possède toutefois ni direction de la formation ni direction de l'enseignement, ce qui rend difficile l'observation fine de ces écoles. Il en existe 99 à ce jour : 41 écoles nationales et 58 écoles territoriales, auxquelles s'ajoutent des préparatoires publiques. J'ai demandé qu'on procède au recensement de l'ensemble des écoles d'art et qu'on réalise une cartographie. Il n'y a pas de mystère : les écoles d'État sont souvent situées en milieu urbain, d'où le fait qu'elles ne soient pas forcément accessibles au plus grand nombre. Certaines écoles, telles que les Beaux-Arts ou l'École du Louvre, sont également fortement marquées par un phénomène de reproduction sociale. D'autres ne comptent pratiquement aucun élève boursier. Dans les écoles d'art payantes, les élèves n'ont pas accès aux bénéfices du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), comme les repas dans les restaurants universitaires ou les bourses.
Soyez assurés que nous allons préserver et renforcer les écoles d'art, mais que nous mènerons aussi une évaluation, car nous n'avons pas de contrôle sur les résultats de certaines écoles qui bénéficient pourtant de financements très importants de la part de l'État. Je précise que nous avons par ailleurs relancé l'apprentissage et l'alternance, qui étaient pratiquement inexistants dans les actions menées par le ministère.
M. Laurent Lafon, président. - Je vais maintenant donner successivement la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui ont souhaité s'exprimer dans le cadre de la présente audition.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Quel bonheur de vous entendre ainsi parler du pass Culture, madame la ministre ! Dès le départ, Sylvie Robert, Sonia de La Provôté, Pierre Ouzoulias et moi-même avions animé un groupe de travail sur ce sujet. Il aura fallu user quatre ministres pour entendre la cinquième nous dire, sans haine ni violence, et avec une certaine diplomatie, ce que nous affirmons depuis six ans déjà.
Par ailleurs, la condition sine qua non de la réussite de l'EAC se trouve dans les territoires, notamment les communes. À 35 kilomètres de Paris, je vous invite à visiter l'une des communes d'Île-de-France qui a été pionnière en ce domaine, dès lors qu'elle a été labellisée à 100 %.
Vous verrez à quel point le dispositif en place est performant. Il repose sur le travail des communes, comme la majorité de la culture dans notre pays.
Enfin, qui, à Bercy, en veut au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FESR) ? Ce budget, monté en quinze jours, est un document martyr que le Sénat s'efforcera d'améliorer. Toutefois, l'amputer de 10 millions d'euros, sans même prendre attache avec le ministère de la culture, ne relève pas du hasard : c'est une décision insupportable, madame la ministre ! Avez-vous des informations sur ce sujet ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Au sein de la commission des finances, Vincent Éblé et moi-même avons coécrit un rapport d'information sur le pass Culture. D'ailleurs, je me félicite que vous ayez repris nos recommandations, madame la ministre.
Je prends acte de votre volonté de reformater ce dispositif. Vous n'avez pas manqué d'évoquer l'écueil de la reproduction sociale, à juste titre. Pour ma part, je souhaiterais insister sur un deuxième écueil, celui du manque d'offre culturelle pour les jeunes habitants des zones rurales ou périurbaines.
Je viens d'une bourgade rurale où, dans un rayon de 20 kilomètres, il n'y a ni salle de spectacle, ni cinéma, ni théâtre, ni librairie digne de ce nom. Quant aux musées, ils sont situés encore plus loin, à au moins 40 kilomètres.
Je crois beaucoup au pass Culture. Il conviendrait toutefois d'ajouter un volet transport et mobilités à destination des jeunes qui sont éloignés de l'offre culturelle.
Mme Anne Ventalon. - Dans la période de disette économique que nous connaissons, il faut saluer les crédits alloués à la culture pour l'année 2025 et la stabilité annoncée. Néanmoins, les chantiers qui vous attendent sont de taille.
Je me félicite de votre engagement de faire de 2025 l'année du patrimoine. Les 300 millions d'euros que vous avez annoncés permettront de répondre à l'impérieuse nécessité de sécuriser, de restaurer et de valoriser le patrimoine, cher à l'ensemble des Français.
Je m'interroge sur la collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes, lancée en septembre 2023 à l'initiative du Président de la République. En un an, celle-ci totalise près de 12 millions d'euros de dons auprès de la Fondation du patrimoine : nous sommes très loin de l'objectif de collecter 200 millions d'euros d'ici à 2027.
Ce premier bilan décevant doit nous amener à élaborer, ensemble, une nouvelle politique patrimoniale. Comment pourrions-nous rassurer et accompagner les élus locaux - eux aussi soumis à de fortes contraintes budgétaires - dans l'entretien et la valorisation du patrimoine communal, notamment religieux, sans politique claire et de long terme ?
Les attentes des maires sont très fortes. Les conclusions des États généraux du patrimoine religieux seront rendues prochainement et contribueront à l'élaboration collective d'un plan adéquat.
Au demeurant, vous avez précisé vos annonces récentes concernant l'accès payant des visiteurs à la cathédrale Notre-Dame de Paris, une fois les travaux de rénovation achevés. Selon vous, la loi du 9 décembre 1905 n'est pas un obstacle à ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?
Quel que soit l'avis de chacun, la question du financement de notre patrimoine mérite d'être posée. Pensez-vous que l'entrée payante de Notre-Dame de Paris s'inscrit bien dans la mission de service public et d'ouverture culturelle de la cathédrale, ou privilégiez-vous une autre forme de financement pour préserver son accès libre, en tenant compte des valeurs historiques et symboliques qu'elle incarne pour notre patrimoine national ?
Enfin, j'ai un doute sur la possibilité de financer de façon significative et pérenne la restauration des édifices religieux en milieu rural. Comment pouvez-vous concrètement garantir que les recettes seront reversées dans les territoires qui en ont le plus besoin ?
Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous saluons votre ténacité et tous les efforts que vous déployez pour défendre un budget de la culture solide, madame la ministre.
Je vous remercie d'avoir soutenu notre proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Nous espérons qu'elle puisse suivre son cours assez rapidement, dans le cadre de la navette parlementaire.
Par ailleurs, je me réjouis du maintien des crédits d'impôt pour le cinéma. Cela fera la grande satisfaction des régions, qui financent la production cinématographique. C'est un système donnant-donnant avec le CNC.
Vous avez affirmé qu'un pays qui ne s'occupe pas de son patrimoine ne s'occupe pas de son avenir. Or, ces dernières années, l'État et les collectivités ont fait le maximum pour investir dans le patrimoine, en particulier religieux. On peut se satisfaire d'une vraie prise de conscience et d'un effort réel, ce dont témoignent les colloques qui ont été organisés au Sénat et les rapports rédigés par plusieurs de nos collègues.
Cependant, nous devrions taper davantage à la porte de l'Union européenne. En 2023, Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même avons écrit un rapport d'information révélant que la compétence en matière de culture n'est pas revendiquée par l'Union européenne. Pourtant, les traités ne s'y opposent pas. Dans une logique de subsidiarité, mais surtout de complémentarité, l'Union européenne pourrait faire usage de cette compétence. À cet égard, nous avions formulé plusieurs propositions et même sollicité la commissaire Mariya Gabriel, dans l'espoir que l'Union européenne ouvre enfin la porte d'un financement direct affecté à la sauvegarde du patrimoine.
De même, les programmes Europe créative sont essentiels et pourraient être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine.
Par ailleurs, dans quelle mesure les collectivités seront-elles affectées par votre plan en faveur de la ruralité ? Pour rappel, elles verront leur budget amputé de 5 milliards d'euros, voire de 10 milliards.
Les collectivités ont déjà été privées de tout levier fiscal en raison de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation. Elles se trouvent prises dans un effet de ciseaux, alors qu'elles accompagnent 80 % des structures du spectacle vivant.
Les collectivités s'efforcent d'opérer les choix les moins douloureux possible, à l'heure où tout le maillage territorial est affaibli, au risque de se désagréger.
Au Sénat, nous défendons les collectivités territoriales. Vous avez raison, nous devons réfléchir au modèle économique du spectacle vivant. Toutefois, les collectivités vont se trouver dans une impasse budgétaire cette année.
Enfin, vous revendiquez l'ambition louable de faire du Centre national de la musique (CNM) l'équivalent du CNC. Cependant, comparaison ne vaut pas raison : le spectacle vivant, en particulier la musique, est hautement subventionné, à hauteur de 80 %, ce qui n'est pas le cas du secteur du cinéma. Cela suscite donc quelques inquiétudes.
Va-t-on complètement « agenciariser » le secteur de la musique ? Le cas échéant, le ministère de la culture ne jouerait plus son rôle de structuration avec les collectivités territoriales, à moins que vous ne conserviez la direction de la musique.
Mme Sylvie Robert. - Je me réjouis que les crédits de transformation soient intégrés aux crédits de base des sociétés d'audiovisuel public. Ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement : en 2024, un certain nombre d'entre eux ont été annulés, voire non versés, dès lors qu'ils étaient suspendus à la réforme de la gouvernance. Ces crédits de transformation vont-ils être finalement versés aux sociétés ?
Vu les 50 millions d'euros d'économies qui pèseront essentiellement sur France Télévisions, l'équation va être très complexe ; nous aurons quelques difficultés à accepter les trajectoires annoncées. Les économies de 200 millions d'euros annoncées sur quatre ans sont-elles réelles ?
Au demeurant, je suis très intéressée par votre plan en faveur de la ruralité. Pour autant, de nombreuses questions posées par mes collègues démontrent qu'il n'y a pas forcément de transparence dans la façon dont il sera déployé dans les territoires.
Nous aimerions en savoir plus sur la manière dont ce plan sera déployé dans les territoires. S'agira-t-il de crédits déconcentrés aux Drac, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes ? Elles n'ont pas toujours les moyens de procéder à des expertises notamment dans les communes très rurales, isolées, où il est difficile de se déplacer et d'accompagner les élus. Quelle sera la méthode pour définir les crédits octroyés : ceux-ci seront-ils définis de manière centralisée, en fonction des besoins du terrain ou selon d'autres critères, tels que le nombre d'habitants, etc. ?
Demain, avec Else Joseph et Monique de Marco, nous rendrons les conclusions de notre rapport sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP. Nos auditions ont révélé un nombre important d'atteintes à la liberté de la création. Cela pose la question de l'effectivité de la loi. Avez-vous été alertée sur ce sujet ? Envisagez-vous d'intervenir pour essayer de comprendre ce qui se passe ?
Mme Monique de Marco. - Une baisse des crédits de l'audiovisuel public de 50 millions est envisagée l'année prochaine. Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, une holding devrait être créée. Quel sera son financement ? Bénéficiera-t-elle de moyens spécifiques ? Des crédits supplémentaires sont-ils prévus ou bien la réforme se fera-t-elle à moyens constants ?
Le Centre national de la musique a été créé en 2020. Il a pour vocation d'être le centre de toutes les musiques et de garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Lors de son audition, M. Thiellay, son président, nous a indiqué que la taxe streaming avait rapporté moins que prévu, en raison de diverses réticences ou de difficultés d'application. La taxe sur la billetterie constitue la principale source de financement du CNM. Son produit est amené à croître dans les prochaines années, comme l'indique le contrat pluriannuel d'objectifs et de performances du CNM. Le montant affecté au CNM est plafonné à 50 millions aujourd'hui, mais les recettes issues de cette taxe dépassent cette somme. Comptez-vous déplafonner cette taxe ?
Mme Laure Darcos. - Je me réjouis de vos propos sur le crédit d'impôt en faveur du cinéma et des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica), mais chaque année Bercy et les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat cherchent à le réduire. Nous devrons donc être vigilants sur le sujet. L'an passé, avec Sylvie Robert, nous avons bataillé sur cette question et le vote s'est joué à deux voix !
Les grandes plateformes, comme Amazon, se masquent derrière le secret des affaires pour ne pas révéler leur chiffre d'affaires et donc se soustraire à leurs obligations de financement de la création cinématographique.
Amazon va contourner la loi qui l'oblige à facturer au minimum 3 euros chaque livraison de livres, puisque ses clients pourront bénéficier d'une livraison gratuite s'ils récupèrent leur commande dans un des 2 500 points de retrait situés dans un endroit qui vend également des livres. C'est très grave, car cela aggravera la situation des libraires. Il importe que les frais de port soient les mêmes pour Amazon et les libraires indépendants.
Mme Else Joseph. - Vous avez évoqué un recentrage du pass Culture. L'année dernière nous nous étions interrogés sur l'opportunité d'une ouverture du dispositif au patrimoine. Qu'en pensez-vous ?
Dans le cadre de notre mission d'évaluation des dispositions de la loi LCAP, nous avons pu constater que les Drac étaient dans une situation de grande fragilité. Leur mission d'expertise et de soutien en matière d'ingénierie est pourtant cruciale pour les collectivités.
L'année dernière, avec Catherine Morin-Desailly, nous avons rédigé un rapport intitulé : Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner. La compétence de notre pays dans ce domaine est reconnue dans le monde. Comment comptez-vous développer ce volet de notre politique culturelle au niveau international ? Envisagez-vous d'accroître la collaboration avec le ministère des affaires étrangères sur ce sujet ?
M. Adel Ziane. - Je partage les inquiétudes de Catherine Morin-Desailly. Les villes sont en première ligne sur les questions culturelles. Elles constituent des leviers puissants pour faire rayonner la culture dans les territoires. Or il est question d'opérer une ponction sur leurs budgets.
Vous souhaitez que 2025 soit l'année du patrimoine. Nous nous en réjouissons. Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen présenteront demain le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les architectes des bâtiments de France. Nos auditions ont confirmé l'importance de leur rôle. Vous avez évoqué une enveloppe de 300 millions d'euros pour le patrimoine. Il y a urgence. Les professionnels de la restauration et du secteur des monuments historiques ont besoin de savoir dès maintenant comment l'année 2025 se passera, comment ces crédits seront utilisés.
Vous avez mentionné les grands travaux dans les musées parisiens, en particulier au centre Pompidou. Vous avez aussi évoqué des pistes de financement, comme des tarifs différenciés pour les touristes étrangers. La France accorde la gratuité des collections permanentes des musées nationaux aux jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l'Union européenne, mais certains pays européens, comme l'Italie ou l'Espagne, ne pratiquent pas cette gratuité. Comment comptez-vous avancer sur cette question pour trouver de nouveaux financements pour les musées ?
Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques restent stables, à 9,7 millions d'euros. Les grands musées parisiens ont la capacité de lever des fonds et de recourir au mécénat, mais pour les établissements en région, c'est plus difficile et ces crédits semblent bien faibles pour leur permettre d'enrichir leurs collections.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - J'avais alerté le Président de l'Arcom, lors de son audition le 16 octobre par notre commission, sur la coupe budgétaire de plus de 10 millions d'euros prévue par le projet de loi de finances 2025 des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Consciente des conséquences dramatiques de cette baisse pour nos radios associatives, vous avez tenu à réagir rapidement, madame la ministre, à la suite à mon intervention et de celle des syndicats. Je tiens à vous remercier.
La semaine dernière vous avez ainsi annoncé lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale que la baisse annoncée de 35 % des crédits de ce fonds n'aurait pas lieu. Je me réjouis donc sincèrement de cette bonne nouvelle qui a été perçue comme une véritable marque de reconnaissance par les radios associatives. Toutefois, le Gouvernement n'a pas précisé les modalités de l'annulation de cette baisse. Dans la mesure où le fonds de soutien à l'expression radiophonique est également financé par le plan Culture et Ruralité, qui est inclus dans la mission « Culture » du PLF, le Gouvernement pourrait-il envisager une augmentation du budget de ce plan ? Cette annulation sera-t-elle préservée en cas de recours à l'article 49.3 ?
Enfin, les radios associatives s'interrogent sur l'avenir. Pouvez-vous les rassurer en leur affirmant que la question ne se posera pas à nouveau l'année prochaine ? Ce fonds est au coeur de leur modèle économique. Il contribue à hauteur de 40 % à leur budget. On comprend leurs inquiétudes. Je ne doute pas une seule seconde, madame la ministre, de votre engagement à leur côté.
M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à mon tour à vous remercier d'avoir convaincu vos collègues de Bercy de renoncer au projet de réduction de près d'un tiers des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont l'annonce avait mis en émoi les radios associatives. Cette subvention est en effet vitale pour leur équilibre financier et pour les emplois.
Je vous remercie aussi pour la priorité que vous accordez au patrimoine. Je voudrais insister sur la nécessaire sauvegarde du patrimoine religieux remarquable, qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, mais qui est très emblématique de nos territoires, notamment ruraux. Dans la situation que l'on connaît actuellement, cette sauvegarde ne peut pas être une priorité des collectivités : l'État doit venir à leur aide pour assurer les travaux les plus urgents. C'est pourquoi je soutiens votre proposition visant à instaurer un droit d'entrée pour les touristes. La recette escomptée de 75 millions sera-t-elle déconcentrée dans les Drac, afin que cet argent ruisselle un peu dans tous les territoires ? En flécherez-vous une partie vers ce patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit ?
2025 sera l'année du patrimoine. Ne pourriez-vous pas demander aux préfets, grâce à a la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de mettre un accent particulier sur les questions relatives au patrimoine pour aider les collectivités qui connaissent des difficultés financières ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous présenterons demain, avec Pierre-Jean Verzelen, les conclusions de notre rapport sur les architectes des bâtiments de France (ABF). Nous mettons en lumière le sous-effectif des ABF, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas toujours exercer leurs missions de conseil et d'accompagnement auprès des élus locaux. Nous préconisons le recrutement d'un ABF supplémentaire par département, pour faire face à la hausse du nombre d'avis qu'ils doivent rendre, puisque ces derniers ont augmenté de 63 % entre 2013 et 2023. Nous plaiderons en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances. Qu'en pensez-vous ? Je soutiens à cet égard les propos d'Anne Ventalon, qui avait corédigé avec Pierre Ouzoulias un rapport sur l'état du patrimoine religieux.
Nous soulignons également le manque d'ingénierie juridique et technique des communes rurales pour entretenir et valoriser leur patrimoine. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des collectivités dans ce domaine ?
Vous avez annoncé l'octroi de 300 millions supplémentaires pour le programme 175. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements. L'un d'eux vise à augmenter de 2 millions les crédits du fonds incitatif et partenarial, qui joue un rôle précieux pour soutenir les petites communes, dotées de faibles ressources, dans leur politique de restauration du patrimoine. Un autre amendement prévoit la création d'un fonds de 6 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien et la valorisation du patrimoine local. Quel regard porterez-vous sur ces différents amendements ?
Nous avons été interpellés par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques sur un autre amendement qui prévoit la suppression de l'affichage publicitaire sur les monuments pendant les travaux de restauration. Cela aurait un impact sur le financement des projets de restauration. Quel est votre avis sur cet amendement ?
Comment expliquer la baisse de 10 ETP pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ?
Enfin, je rejoins entièrement les propos de Sabine Drexler sur le DPE pour le bâti ancien.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Décloisonner la culture dans tous les territoires et pour tous les publics est l'un des axes majeurs de votre politique. Le 11 juillet dernier, vous avez ainsi annoncé le plan Culture et Ruralité.
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été supprimé par le dernier projet de loi de finances. Ce fonds, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, finançait de nombreux projets culturels pour les scolaires. Faute de financement, de nombreuses communes n'auront plus d'autre choix que d'opter pour la semaine des quatre jours et d'abandonner de nombreux projets culturels. La ministre de l'éducation s'est engagée, sans autre précision, à mettre en place une aide spécifique aux communes rurales. Votre ministère est-il associé à ces travaux ? Les projets menés sur le temps périscolaire pourraient-ils bénéficier du plan Culture et Ruralité ou d'un autre dispositif de votre ministère ?
L'entretien du patrimoine de proximité est le point noir du budget de la culture. Les besoins de fonctionnement et d'investissement dépassent le montant de la dotation budgétaire. Ce domaine mériterait un plan Marshall. Le rapport sénatorial Patrimoine religieux en péril : la messe n'est pas dite paru en juillet 2023 indique qu'entre 2 500 et 5 000 édifices sont menacés d'être abandonnés, vendus ou détruits d'ici à 2030.
Vous nous invitez à bâtir une nouvelle politique patrimoniale. Mais la première mesure ne devrait-elle pas de réfléchir aux prescriptions des architectes des bâtiments de France, dont les exigences peuvent parfois conduire à l'abandon des projets de restauration ? On ne peut avoir en effet les mêmes exigences pour nos églises rurales que pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Par ailleurs, beaucoup de communes rurales ne connaissent pas le fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine. Ne faudrait-il pas améliorer la communication à ce sujet ?
M. Pierre-Antoine Levi. - Je salue, madame la ministre, votre effort budgétaire en faveur de l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances pour 2025, puisque 47,6 millions d'euros sont prévus pour soutenir les opérations de terrain : 33,4 millions pour le fonds national d'archéologie préventive et 14,2 millions pour accompagner les collectivités dans les diagnostics. Néanmoins, certaines communes rurales rencontrent encore de grosses difficultés pour mener à bien des projets d'intérêt général, tels que la construction de maisons de santé, en raison du niveau du reste à charge des fouilles préventives qu'elles doivent acquitter. Dans ce contexte, ne serait-il pas possible de moduler les taux d'intervention du fonds d'archéologie préventive pour tenir compte à la fois de la fragilité financière des communes et de la nature des projets, notamment quand ils répondent à des enjeux de services publics ?
Mme Rachida Dati, ministre. - C'est à l'échelon local que l'on sait le mieux quelles sont les actions les plus pertinentes en matière d'éducation artistique et culturelle (EAC). Nous continuerons à attribuer des labels 100 % EAC, mais dans un souci de cohérence et en évitant le saupoudrage qui a pu être pratiqué parfois. Sinon, personne n'est content. Les élus locaux sont déçus et, finalement, la politique culturelle en pâtit. Ce label doit s'inscrire dans une collaboration avec les collectivités.
Nous sommes d'accord sur le pass Culture. Le dispositif était complexe : on ne savait pas comment y accéder. L'utilisateur devait déjà connaître l'activité culturelle qu'il recherchait. Rien n'était proposé spontanément. En somme, on pouvait aller voir un spectacle à la Comédie française avec ce pass, à la condition de connaître déjà l'existence du pass, le titre du spectacle et l'existence de la Comédie française ! Ce n'est pas le rôle que je souhaitais assigner à ce pass, notamment dans sa partie individuelle. Or l'articulation entre les parties collective et individuelle me semble capitale.
J'avoue que je n'ai pas essayé de comprendre pourquoi il était prévu de supprimer le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Mais chacun sait dans quelles conditions le budget a été élaboré. Ce n'est pas la seule erreur que j'ai pu rattraper in extremis : par exemple, il était prévu de supprimer des postes dans un établissement qui était en travaux, car celui-ci avait été considéré à tort comme étant fermé définitivement. La suppression du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale était un loupé, que j'ai corrigé : je l'avais indiqué avant même mon audition à l'Assemblée nationale, car je connais l'importance des radios associatives, qui sont très implantées dans les territoires et très imprégnées des problématiques locales.
Je me suis posée, comme vous, la question comme vous de savoir s'il fallait intégrer une part relative à la mobilité dans le pass Culture. J'y ai renoncé, car cela reviendrait à amputer à due proportion la part consacrée à l'accès à la culture. C'est pourquoi nous avons préféré travailler avec les collectivités, notamment avec les régions, qui ont la compétence transport. Dans des endroits où le transport est compliqué, des expérimentations de covoiturage culturel ont vu le jour, notamment durant la période des festivals. Il est donc intéressant de financer des associations qui réalisent un tel covoiturage. De même, on pourrait aussi utiliser le transport scolaire pour emmener les enfants à une activité culturelle. La question de la mobilité est sensible, car elle soulève un sujet de responsabilité pénale pour le transport, notamment pour le personnel de l'éducation nationale.
La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes a permis de récolter 12 millions d'euros. Les petites souscriptions sont très utiles pour financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, car ce patrimoine ne bénéficie pas de subventions. Cette collecte a eu du mal à démarrer. L'objectif était de récolter 200 millions d'euros en 4 ans. Nous en sommes loin. C'est pourquoi nous cherchons à revoir les modalités de cette souscription. Les Français veulent savoir ce qu'ils financent. C'est d'ailleurs pour cela que le loto du patrimoine marche bien, ou que les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ont été nombreux. Nous sommes donc en train de revoir les modalités de cette souscription afin de mieux identifier le patrimoine que l'on souhaite financer.
J'en viens à la politique de tarifs différenciés. Je voulais pratiquer des tarifs différenciés entre les Français et les étrangers, mais on doit traiter à l'identique les citoyens français et les ressortissants des pays de l'Union européenne, même s'il est vrai que tous les pays européens ne respectent pas cette exigence de réciprocité. Cette politique de tarifs différenciés visera donc les ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Les recettes permettront de financer évidemment les établissements visités, mais elles pourront aussi être redistribuées le cas échéant pour financer le patrimoine sur tout le territoire.
Les droits d'entrée à Notre-Dame de Pa ris pourraient être collectés par le Centre des monuments nationaux. Une partie des 75 millions perçus seraient reversés au diocèse de Paris et le reste serait redistribué sur les territoires pour financer la rénovation du patrimoine. On n'a pas besoin de toucher à la loi de 1905. C'est faire preuve de mauvaise foi que de prétendre le contraire !
Pour répondre à votre question sur le désengagement de l'État en matière culturelle et sur la baisse des dotations pour les collectivités, je trouve que l'État finance beaucoup en la matière et ne se désengage pas. Certaines collectivités ont fait le choix politique de réduire des subventions culturelles. L'État et le ministère de la culture ne se désengagent pas. Les crédits augmentent. Ce n'est pas un affichage ou un système de vases communicants entre les différentes dotations, c'est un choix politique que nous faisons. Ensuite, comme je l'ai dit lorsque j'ai annoncé la mise en oeuvre d'un tarif différencié à Notre-Dame, nous devons être innovants, sinon on sera obligé de multiplier les taxes, les impôts et finalement de fermer la boutique ! Il serait possible aussi d'imaginer, en lien avec la Banque des territoires l'octroi de prêts à taux zéro pour les petites communes. Les avances des Drac pourraient être plus importantes et être négociées plus en amont d'un projet. Le plan Culture et Ruralité renforce l'appui en maîtrise d'ouvrage des Drac.
Ce plan consiste, pour l'essentiel, en un financement déconcentré, mais celui-ci est décidé en proximité. Ce plan n'a pas été décidé au niveau central. Nous nous sommes appuyés sur les près de 50 000 contributions que nous avons reçues - 35 000 nous ont été adressées de manière très formalisée, les autres par mail - de la part de tous les acteurs : élus ruraux, associations, collectifs, acteurs culturels, etc.
La diversité de notre territoire national fait la richesse et la beauté de notre pays. Gap et Briançon, ce n'est pas la région parisienne. Les enjeux varient selon les lieux. Nous avons donc essayé de faire du sur-mesure. Les crédits déconcentrés varieront en fonction du plan qui a été élaboré : selon les endroits et les demandes des communes, on financera des résidences d'artistes, des festivals, des actions patrimoniales, etc.
Les unités départementales de l'architecture et du patrimoine sont en sous-effectif. Je considère que ces services sont sous-dimensionnés et c'est l'objet d'un combat que je mène avec Bercy. J'essaie d'y pallier avec le plan Culture et Ruralité. Si ce plan fonctionne et si l'on fait la preuve de sa pertinence pour les Udap, les ABF ou l'accompagnement en maîtrise d'ouvrage et en ingénierie, je ne vois pas comment il serait possible, au terme des trois ans, de revenir en arrière. Je me sers donc de ce plan pour obtenir à terme une pérennisation de ces dispositifs, qui, j'y insiste, n'ont pas été conçus uniquement de manière centralisée.
En ce qui concerne le CNM, je ne veux pas non plus affaiblir ce qui fonctionne aujourd'hui. La question du plafonnement des taxes est un sujet. Le rendement de la taxe streaming n'est pas encore très élevé, mais il faudra à terme que l'on parvienne à rehausser les plafonds. Nous pouvons y arriver, même si, vous avez raison, l'écosystème du cinéma n'est pas le même que celui de la musique. La musique est beaucoup plus subventionnée que le cinéma. J'aimerais toutefois que le Centre national de la musique devienne un genre de CNC à terme et qu'il fonctionne davantage en autonomie. On peut aussi réfléchir à l'articulation entre le CNM et la direction générale de la création artistique du ministère de la culture. Le CNM a été créé il y a quatre ans, ce qui est récent. Mais je vous rejoins et nous pourrons nous battre ensemble pour relever les plafonds des taxes affectées.
J'ai saisi le médiateur du livre à la suite des annonces d'Amazon.
En ce qui concerne les crédits de transformation de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que je souhaitais, comme vous, qu'ils soient intégrés dans les dotations de base. La réforme a été décalée dans le temps : les crédits de 2024 seront versés en 2025 et ceux de 2025 le seront en 2026.
J'annoncerai un plan avant la fin du mois sur la liberté de création. L'enjeu dépasse la création artistique. Il s'agit d'une liberté fondamentale.
M. Laurent Lafon, président. - Vous avez indiqué que la billetterie de Notre-Dame de Paris serait gérée par le CMN. Cela signifie-t-il que les projets qui ne seraient pas gérés par cet organisme ne pourraient pas bénéficier de ces fonds ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Il s'agit de précisions que l'on doit encore apporter. On aurait pu confier la collecte au diocèse avant de redistribuer les crédits ensuite, mais il semble plus judicieux de charger le CMN de la collecte. Notre-Dame sera dotée d'une billetterie. Des billets gratuits pourront donc être délivrés. La billetterie peut ainsi être utilisée pour la contribution que vous évoquez. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif nouveau à imaginer. Il serait possible de le mettre en oeuvre très rapidement si le diocèse est d'accord.
Enfin, j'indique que je souhaite avoir votre aide pour développer notre expertise culturelle à l'international. Vous avez raison : le ministère de la culture ne se vend pas très bien à l'international. Pourtant, à chaque fois que je me déplace à l'étranger, je suis sollicitée pour obtenir un soutien en matière d'expertise architecturale, archéologique, muséale ou patrimoniale. Je viens ainsi de signer avec le Kazakhstan un accord en la matière. D'autres pays sont intéressés par notre expertise : l'Inde, certains pays africains, etc. Nous sommes très sollicités sur cet aspect-là, qui constitue un élément majeur pour notre rayonnement. Or le ministère de la culture est assez en retrait sur cette question. Nous ne travaillons pas assez avec le ministère des Affaires étrangères, même si je ne sais pas si c'est le rôle du Quai d'Orsay de « vendre » notre expertise. Le ministère de la culture pourrait s'emparer de cette question pour mieux mettre en valeur notre expertise à l'international. Tous les accords que nous avons signés en ce domaine l'ont été parce que nous avons été sollicités par les autres pays. D'une manière générale, une demande existe sur les opérateurs de la culture, sur le mobilier national ou sur les céramiques de Sèvres, mais il nous appartient aussi de pousser ces sujets.
M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie.