AVANT-PROPOS

Les industries culturelles ont su s'adapter pendant une crise pandémique qui se trouve désormais derrière elles et sont maintenant revenues dans une forme de normalité. Pour autant, la numérisation toujours plus avancée des modes de consommation les pousse, à des degrés divers, à faire évoluer leurs modèles économiques. La pandémie a cependant souligné leur contribution non seulement à la croissance, mais également au bien-être général de la population, peut-être encore plus sensible dans la période actuelle. À ce titre, les avancées obtenues par le Sénat sur le financement du Centre national de la musique (CNM) dans la loi de finances pour 2024, ou bien la poursuite du soutien au secteur du jeu vidéo, sont autant de facteurs encourageants pour le futur, car ils marquent l'engagement constant des pouvoirs publics.

I. DES INDUSTRIES CULTURELLES EN PROGRESSION EN 2023

A. UN MARCHÉ DES INDUSTRIES CULTURELLES EN PROGRESSION

Entre 2022 et 2023, les industries culturelles ont connu une progression de 6 %, avec un chiffre d'affaires qui s'établit à 15 milliards d'euros.

Cette croissance, plus de six fois supérieure à celle du PIB, illustre une nouvelle fois l'intérêt grandissant des Français pour les oeuvres culturelles dans une période pourtant pleine d'incertitudes.

La progression n'est cependant pas uniforme. Si l'édition, moins touchée en 2022 par la crise pandémique, affiche une croissance modeste de 1,2 %, le cinéma, en phase de rattrapage, progresse de 22 %1(*).

De manière générale, les dépenses en programmes audiovisuels des Français croissent de 7 %, avec une dépense annuelle moyenne par foyer de 384 €.

Sources : bilan annuel du CNC pour l'audiovisuel, SNE pour l'édition

B. UN BUDGET STABLE, AU PRIX DU DÉCALAGE OU DE L'ABANDON D'UN PROJET PRÉSIDENTIEL

Les crédits du programme « Livre et industries culturelles » demeurent stables en euros courants, avec une très légère baisse de 0,4 % dans le projet de loi de finances pour 2025. Ils s'établissent ainsi à 357,9 millions d'euros.

La Bibliothèque nationale de France (BnF), qui représente à elle seule 70 % des crédits du programme, connait cependant une progression de 2 %, soit 4,7 millions d'euros (voir infra).

Compte tenu de cette hausse, la stabilité est obtenue en partie par la légère diminution des crédits consacrés aux autres opérateurs du programme :

- la Bibliothèque publique d'information (BPI), qui perd 1,6 million d'euros dévolus à son relogement, qu'elle devra donc assumer sur son fonds de roulement ;

- le Centre national du livre (CNL), dont les crédits de fonctionnement diminuent de 440 000 euros ;

- le Centre national de la musique (CNM), dont la dotation baisse de 1,3 million d'euros (voir infra).

Quel avenir pour la Maison du dessin de presse ?

Le projet de loi de finances pour 2025 semble acter le report sine die de la Maison du dessin de presse, annoncée par le Président de la République en janvier 2020 et dont l'ouverture était prévue en 2026. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait en effet l'ouverture de 12,6 millions d'euros de crédits de paiement en 2025 et 2026 pour mener à bien ce projet. Les documents budgétaires ne mentionnent plus dorénavant, de manière laconique, que l'année 2027, sans qu'aucun crédit dédié n'y soit associé. Interrogée sur ce sujet lors de son audition devant la commission le 5 novembre 2024, la ministre a simplement souligné les difficultés du projet, liées aussi bien au financement qu'aux contenus à exposer, avec la question des caricatures.

II. LE CNM A-T-IL TROUVÉ SON RYTHME ?

A. UN ANNIVERSAIRE SOUS TENSION

1. Cinq ans, déjà !

Hasard du calendrier, la commission a entendu le Président du Centre national de la musique (CNM) le 30 octobre 20242(*), soit cinq ans jour pour jour après la promulgation de la loi de 2019 qui l'a créé et lui a fixé des objectifs particulièrement ambitieux.

Le CNM regroupe en son sein plusieurs leviers d'action précédemment assurés par différents acteurs publics et privés. Sa création a mis fin à la forme d'injustice dont souffrait le secteur de la musique qui, à la différence du cinéma avec le CNC ou du livre avec le CNL, ne disposait jusqu'à présent pas d'un organisme dédié où faire converger les débats relatifs à la musique enregistrée et au spectacle.

Les avis sur les projets de lois de finances des années précédentes ont accompagné et analysé le lancement du Centre, ainsi que les incertitudes budgétaires qui ont longtemps plané sur lui.

2. Un budget complexe à établir

La lecture du budget du CNM est particulièrement complexe, en raison des incertitudes qui entourent les prévisions de recettes, d'une part, et de reports de crédits d'un montant particulièrement élevé (37,9 millions d'euros en 2024, soit le quart du budget), d'autre part.

Pour l'essentiel, les ressources pérennes du CNM reposent sur une dotation de l'État et sur des taxes affectées.

Dans le projet de loi de finances pour 2025, la subvention s'inscrit en baisse de 1,3 million d'euros par rapport à 2024 pour s'établir à 25,65 millions d'euros, ce qui constitue la première diminution financière depuis la création du Centre.

Les deux taxes affectées devraient représenter en moyenne dans les années à venir d'après le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2024-2028 les deux tiers des ressources du CNM :

- la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés, qui représente 3,5 % du prix du billet ;

- la taxe sur l'écoute en ligne, dite taxe « streaming », qui frappe la consommation de musique par abonnement ou financée par la publicité.

B. DES RESSOURCES FISCALES QUI INTERROGENT

L'évolution du produit de ces deux taxes présentent aujourd'hui un certain degré d'incertitude qui nuit à la trajectoire financière du CNM.

1. La taxe sur les spectacles : quel plafonnement ?

Les fonds collectés par cette taxe sont redistribués aux acteurs de la filière selon une clé de répartition héritée de l'ancien Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) et arrêtée à l'article 45 du Règlement général des aides du CNM :

- 65 % sous la forme de droit de tirage pour contribuer, dans un délai de trois ans, à la production d'un nouveau spectacle, ce qui assure au redevable, sous réserve d'être affilié au CNM, de récupérer 65 % des sommes qu'il a versées au titre de la taxe ;

- 35 % en aides sélectives, destinées au financement des programmes et actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz.

Initialement estimée à 32 millions d'euros en 2024, son montant devrait finalement s'avérer très nettement supérieur pour atteindre 50 millions d'euros, ce qui témoigne des excellents résultats du spectacle vivant.

Depuis 2016, le niveau de la taxe est plafonné à 50 millions d'euros, montant alors très éloigné de son rendement. L'article 33 du projet de loi de finances pour 2025 confirme ce niveau.

Le rendement de la taxe pourrait cependant être supérieur au plafond dès 2025. Au-delà de ce seuil, les sommes collectées sont affectées au budget général.

En cas de dépassement, ce mécanisme pose deux questions :

- d'une part, il revient à créer une forme de taxe additionnelle supportée par le seul secteur du spectacle vivant ;

- d'autre part, il pose un problème quant à l'affectation des taxes collectées après le dépassement. En effet, pour les spectacles qui auraient lieu une fois le plafond atteint, il n'y aurait plus de droit de tirage à hauteur de 65 %, puisque le CNM ne recevrait pas les sommes correspondantes, à moins que le Centre ne prélève sur ses autres ressources pour maintenir l'équité.

Dans ce contexte, il pourrait être opportun de réfléchir suivant deux axes :

- du côté du CNM, et comme cela a été exprimé par son Président lors de son audition devant la commission, à un réexamen des aides automatiques, au moins de leur niveau, en modifiant l'article 45 de son Règlement pour privilégier les aides sélectives ;

- du côté des pouvoirs publics, à un rehaussement ou à une suppression du plafond de 50 millions d'euros.

2. La taxe streaming : encore un effort !

Le sujet de la création d'une taxe sur les écoutes en ligne a été porté par la commission de la culture de longue date, lors de l'examen des crédits, mais également par l'intermédiaire de la mission confiée en 2023 à l'ancien rapporteur pour avis Julien Bargeton, qui plaidait pour cette solution. La commission a également consacré au financement du CNM une table ronde le 19 octobre 20223(*), qui avait permis de mesurer les oppositions à cette proposition d'une partie de la profession.

Finalement, à l'initiative du Sénat, qui a adopté un amendement conjoint des commissions de la culture et des finances, l'article 53 de la loi de finances pour 2024 a bien créé la taxe streaming, affectée au CNM.

La commission, qui a soutenu cette initiative, se réjouit donc tout particulièrement de voir ce dispositif ambitieux enfin promulgué.

Sa mise en place pour l'exercice 2024 a cependant posé plusieurs difficultés.

Tout d'abord, et comme il était prévisible, elle a été reçue avec une certaine hostilité par les plateformes de streaming. Spotify en particulier a augmenté au mois de mai le prix de son abonnement pour répercuter le prix de la taxe sur les consommateurs. Le prix a cependant été également augmenté dans d'autres pays qui n'ont pas mis en place de taxation spécifique. La plateforme a également publiquement annoncé des désinvestissements en France.

Ensuite, la circulaire d'application n'a toujours pas été publiée par le ministère des comptes publics, ce qui crée une incertitude sur ses modalités de mise en oeuvre.

Enfin, et au moins en partie en conséquence, le rendement est moindre qu'espéré. Initialement estimée à 18 millions d'euros, puis à 15 millions dans le budget du CNM, elle devrait finalement s'établir à un peu moins de 10 millions d'euros en 2024.

Depuis sa création il y a cinq ans, le CNM a consacré une bonne partie de son temps à créer et conforter les moyens budgétaires nécessaires pour mener les actions de soutien au secteur qui lui sont assignées par la loi. Pour la commission, il serait temps que ces questions soient enfin définitivement résolues en 2025 pour que le Centre puisse consacrer son temps et son énergie à ses missions premières.

III. L'ÉDITION : TOUJOURS PAS D'ACCORD ENTRE AUTEURS ET ÉDITEURS

A. UN SECTEUR DE L'ÉDITION EN PHASE D'ATTERRISSAGE

Le chiffre d'affaires du secteur de l'édition est resté quasiment stable entre 2022 et 2023, avec une progression d'un peu plus de 1 %. La légère baisse des ventes a été compensée par la hausse de 2,6 % du prix du livre.

Si les ventes de la catégorie littérature progressent de 5 % en 2023, on note pour la première fois une baisse significative des ventes de bandes dessinées, en particulier des mangas (- 17 %).

Les années à venir pourraient bénéficier des nouveaux programmes scolaires, ce secteur étant par nature très cyclique et représentant 10 % des ventes.

Évolution du chiffre d'affaires et des ventes de livre

(en millions d'euros et d'exemplaires)

Un contournement de la loi du 30 décembre 2021 par Amazon ?

Disposition phare de l'article 1er la loi du 30 décembre 2021, l'interdiction de la gratuité de livraison pour les livres doit permettre aux librairies de lutter à armes égales contre les plateformes de vente en ligne. Amazon, qui a beaucoup combattu cette mesure, a cependant imaginé en novembre 2024 une forme de contournement. Le texte prévoit en effet la gratuité si l'ouvrage est retiré « dans un commerce de vente au détail de livre », afin de faciliter le « click and collect ». La société américaine a choisi d'interpréter cette facilité de manière très large, en proposant le retrait dans les commerces, notamment les grandes surfaces, qui proposent des livres à la vente. Sans préjuger de la décision qui sera prise dans le cadre d'une démarche contentieuse, cette interprétation ne semble en rien conforme à la volonté du législateur, qui cherchait précisément à protéger les librairies.

Nouveautés publiées

Comme l'ont relevé les précédents rapports pour avis, le marché du livre est marqué depuis plusieurs années par une forme de surproduction, qui nuit à l'accessibilité des oeuvres en limitant leur exposition.

Après un pic en 2019, avec près de 45 000 nouveautés publiées, on observe un mouvement général de repli, avec un peu moins de 37 000 nouveautés en 2023, soit une baisse de 18 % en 5 ans.

B. UNE ÉTUDE QUI MET LE FEU AUX POUDRES

Le rapporteur pour avis avait évoqué dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2024 la complexité des relations entre les auteurs et les éditeurs, largement structurées par les dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI). Ce dernier a déjà été réformé en 2014, puis en 2021 avec la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs4(*).

Une nouvelle mission de médiation a depuis lors abouti à l'accord du 20 décembre 2022 entre auteurs et éditeurs, qui doit permettre des avancées en matière de transparence et d'équilibre contractuel.

Cependant, si les progrès ont été notables, ils n'ont pas concerné la question centrale de la rémunération. La ministre de la Culture a donc chargé ses services d'accompagner, durant l'année 2023, le dialogue entre auteurs et éditeurs sur des thématiques pouvant donner lieu à un meilleur encadrement des pratiques de rémunération.

Les difficultés liées à un encadrement de la rémunération des auteurs

La question de la rémunération rassemble plusieurs problématiques, comme la sécurisation et l'encadrement des sommes versées à l'auteur en amont de la publication (minimum garanti), la systématisation de la progressivité des taux de rémunération des auteurs, les modalités de rémunération applicables aux ventes de livres à l'étranger et aux ventes de livres soldés ou encore les prestations supplémentaires confiées aux auteurs en lien avec la production de l'oeuvre ou sa promotion, telles que la rédaction d'une quatrième de couverture ou la présence d'un auteur sur un salon.

Les organisations professionnelles ne sont pas parvenues à s'accorder sur l'ensemble des thématiques débattues.

Certains sujets ont ainsi divisé au sein même des organismes représentants les auteurs, comme le régime des minima garantis. Certains défendent l'idée que les minima garantis doivent être considérés comme la contrepartie d'une prestation commandée par l'éditeur et que les rapports entre auteur et éditeur relèvent successivement de deux cadres contractuels : d'une part celui du contrat de louage d'ouvrage ou de commande et, d'autre part, celui du contrat d'édition.

En février 2024, le Syndicat national des éditeurs (SNE) a rendu publiques les conclusions d'une étude sur le partage de la valeur ajoutée entre auteurs et éditeurs5(*) qui a suscité une forte controverse avec les auteurs. Ces derniers considèrent que l'étude est biaisée, car elle n'aborde pas les gains de la diffusion-distribution, pour l'essentiel détenue par les grands groupes, et ne renseigne pas sur la disparité des conditions de rémunération des auteurs.

Selon l'étude du SNE, les éditeurs et les auteurs se répartissent 49 % de la valeur du livre. Selon l'étude :

- les droits d'auteur représentent 24,8 % de cette fraction ;

- la part des éditeurs s'établit à 17,8 %, dont 12,9 % de frais de structure ;

- le résultat d'exploitation des éditeurs serait de 4,9 % avant impôt.

Les organisations d'auteurs et de détaillants ont donc demandé au ministère de la culture la réalisation d'une nouvelle étude permettant d'éclairer ces aspects du secteur. La ministre y a répondu favorablement lors du Festival du livre de Paris 2024 et les conclusions sont attendues pour 2025.

La commission note que les progrès ont été modestes en 2024, et que de nombreuses incompréhensions subsistent entre les éditeurs et des auteurs eux-mêmes divisés. Il souhaite que 2025 permette d'aboutir enfin sur la question centrale de la rémunération, sur une base objectivée et partagée par tous.

IV. LA DIFFICILE GESTION DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

A. LE SOUTIEN CONSTANT DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À SON PREMIER OPÉRATEUR

En 2025, la dotation de la BnF progresse de 4,74 millions d'euros, pour s'établir à 251,6 millions d'euros pour le fonctionnement et l'investissement. La BnF est le premier opérateur du ministère de la culture, et représente 70 % des crédits du programme.

Comme les rapports pour avis l'indiquent depuis des années, les dépenses de l'établissement sont très dépendantes d'éléments exogènes, comme la hausse des prix de l'énergie ou du point d'indice de la fonction publique. L'État a cependant accompagné la BnF à la fois sur son fonctionnement courant et ses investissements, avec une dotation qui aura progressé de 16 % entre 2021 et 2025.

Une fréquentation record

La BnF a enregistré en 2023 un niveau de fréquentation qui efface le précédent record de 2019, avec 1,5 million de visiteurs sur l'ensemble des sites. Ce succès est particulièrement celui de la salle Ovale du Quadrilatère Richelieu, dont l'accès est gratuit depuis sa réouverture en septembre 2022, et qui attire en moyenne 1 200 visiteurs par jour. Il a été tout particulièrement mis à l'honneur durant la visite d'État du roi Charles III en France en septembre 2023, et durant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Cependant, dans les années à venir, la BnF aura à faire face à un mur d'investissement pour l'entretien de son patrimoine, en particulier du site François Mitterrand, qui représente un ensemble de 200 000 m², dont 54 000 pour les salles de lecture et un hectare de jardin-forêt.

Ainsi, le remplacement du système de sécurité incendie demandé par la Préfecture de police de Paris, pour un coût de 12 millions d'euros, le remplacement des éclairages, pour 10 millions d'euros, celui des 57 ascenseurs pour 10 millions d'euros ou encore le renouvellement des armoires de climatisation, pèsera de manière très significative sur les finances de la BnF au moins jusqu'en 2030.

B. DEUX GRANDS PROJETS POUR LA BNF

Après l'achèvement des travaux du Quadrilatère Richelieu pour un coût total de 247,6 millions d'euros, les deux principaux chantiers de la BnF dans les années à venir sont la construction du centre de stockage d'Amiens et la mise en oeuvre du dépôt légal numérique.

1. Le centre de stockage d'Amiens

Annoncée en novembre 2021, la construction du nouveau centre de stockage situé à Amiens devrait s'échelonner entre 2026 et 2029.

Le coût total du projet a été évalué à 96,2 millions d'euros, qui se répartissent entre les différents partenaires. Les dernières estimations font cependant état d'un surcout prévisible compris entre 10 et 15 % du budget initial.

2. La mise en place du dépôt légal numérique

L'expérimentation du dépôt légal des documents numériques constitue un très important chantier de la BnF. L'article 5 de la loi du 30 décembre 2021 visant à améliorer l'économie du livre et à renforcer l'équité entre ses acteurs instaure le dépôt légal des documents numériques : livres numériques, musique, vidéo, multimédia et sons dématérialisés, et aussi photographies, cartes, plans et partitions numériques.

Quatre ans après l'adoption de la loi, les modalités et les dispositions techniques de ce nouveau dépôt légal ne seront cependant pas fixées au mieux avant le premier semestre 2025. Les travaux techniques préparatoires ont toutefois été engagés afin de concevoir les outils de collecte les plus efficients possible pour assurer cette nouvelle mission.

La gestion de la BnF demeure donc particulièrement complexe, tributaire tout à la fois de charges sur lesquelles l'établissement n'a que peu de maitrise, et maitre d'oeuvre de grands projets qui s'étalent sur plusieurs années. L'engagement de l'État demeure essentiel pour continuer à faire vivre l'héritière de la bibliothèque du Roi, fondée en 1368, ce qui en fait l'une des plus anciennes institutions françaises.

V. LA FIN DE L'EUPHORIE DANS LE JEU VIDÉO ?

A. UN SECTEUR ENCORE DYNAMIQUE EN 2023

En 2023, le marché du jeu vidéo a atteint un niveau historique, avec 6,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires, en progression de 10 % par rapport à 2022. Ces résultats exceptionnels confirment la force du cycle entamé en 2020 avec la période de confinement.

Chiffre d'affaires du jeu vidéo depuis 2013

(en milliards d'euros)

 
 

Notes : données du Syndicat des éditeurs de logiciel de loisirs (SELL) tenant compte des ventes de matériels dédiés au jeu

La très forte progression du marché des consoles de jeu est principalement portée par la fin de la pénurie de composants électroniques, qui a créé des goulets d'étranglement dans la production et la disponibilité des consoles de nouvelle génération, en particulier la PS5 de Sony. Les jeux vendus sur console sont désormais très largement dématérialisés, avec 65 % des ventes.

Les ventes sur le marché du PC sont en recul de 8,5 %, essentiellement en raison de la fin d'un cycle d'équipement des ménages, notamment en écrans dédiés. Les ventes de jeux sont en progression, à 98 % en format dématérialisé.

Le marché du jeu sur mobile connait une progression de 5 % en 2023. Il dépasse ainsi son niveau historique de 2020, année où le confinement avait largement bénéficié à cette pratique.

Au-delà des chiffres de ventes, le profil des jeux vendus sur chacun de ces supports est différent. Alors que les joueurs de consoles privilégient très largement les jeux d'action, d'aventure et de sport (avec notamment les simulations de football), les joueurs PC plébiscitent les jeux de rôle et de stratégie. La pratique est sensiblement différente dans l'écosystème mobile, avec des jeux plus rapides et conviviaux, à 99 % gratuits, et qui génèrent des revenus par les achats dans le jeu et la publicité.

Le jeu vidéo est devenu la première industrie culturelle, et une pratique très largement partagée par l'ensemble de la population.

Cette évolution des pratiques culturelles, véritable révolution des loisirs, s'étend sur un large champ, qui va des jeux de stratégie complexe au « casual gaming » pratiqués quelques minutes par jour sur son téléphone, l'un n'excluant pas l'autre.

Chez certains publics, notamment les plus jeunes, l'usage insuffisamment contrôlé du jeu vidéo est cependant susceptible de développer des phénomènes de dépendance, comme le souligne l'association e-enfance6(*), qui met en garde contre le caractère hautement addictif de certains jeux.

La commission estime qu'il est essentiel que le monde du jeu vidéo prenne la pleine mesure de sa nouvelle responsabilité et oeuvre à la mise en place de pratiques plus vertueuses.

B. DES NUAGES QUI S'AMONCELLENT EN 2024

Habitué à battre année après année des records de vente, le secteur du jeu vidéo semble cependant traversé par le doute depuis le début de l'année 2024.

L'atmosphère à la Paris Games Week, qui s'est tenue du 27 au 31 octobre derniers, était ainsi plus pessimiste qu'à l'accoutumée, notamment en raison des déboires du studio français Ubisoft et au-delà, de nombreux studios indépendants.

Si cette situation peut s'expliquer par le traditionnel « milieu de cycle », avec des matériels désormais installés chez les consommateurs, elle révèle également un véritable changement structurel dans l'économie du jeu vidéo.

· Tout d'abord, l'industrie semble se diriger vers une période que l'on ne peut pas encore qualifier de récession, mais a minima de normalisation. Les retards dans les productions durant la période de confinement ont été rattrapés, mais se sont traduits par un nombre de sorties très élevé en 2024, notamment de jeux à très fort budget (« blockbusters ») que le marché n'a pas été en mesure d'absorber malgré sa croissance.

· Ensuite, les coûts de production ont connu une très forte croissance, en raison de l'inflation d'une part, de l'ambition des développeurs d'autre part. Cependant, le jeu vidéo partage avec les industries culturelles la caractéristique d'être très concentré sur quelques titres qui rencontrent un grand succès. Dès lors, plusieurs studios ont enregistré des échecs lourds de conséquences quand des dizaines, voire des centaines de millions d'euros ont été dépensés pour la création et le marketing. Ainsi, entre 10 et 13 000 licenciements ont été constatés dans l'industrie en 2024.

· Enfin, l'industrie du jeu vidéo est entrée dans une phase de concentration, dont a témoigné de manière spectaculaire le rachat par Microsoft de l'éditeur Activision Blizzard pour 75 milliards de dollars, finalisé en octobre 2023, et qui s'est traduit dès janvier par 1 900 emplois supprimés.

L'année 2025 sera marquée par deux événements attendus par la profession : l'arrivée de la nouvelle console Nintendo et la sortie du très attendu nouvel opus de la saga GTA de l'éditeur Rockstar, dont le coût de développement est estimé à deux milliards de dollars7(*).

Dans ce contexte, la commission souligne qu'il est essentiel que la France, particulièrement active en matière de création et qui dispose de studios mondialement reconnus, demeure dans le peloton de tête de cette industrie. À ce titre, il est essentiel de préserver le principal outil d'attractivité de notre pays qui est le crédit d'impôt jeu vidéo, actuellement borné à 2026.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Je vais présenter cette année le rapport consacré au programme « Livre et industries culturelles » en l'absence du rapporteur Mikaele Kulimoetoke. Comme certains d'entre vous l'ont souligné, cette situation n'est pas satisfaisante car aucune audition n'a pu être conduite au nom de la commission sur ces sujets structurants. Je le regrette tout comme vous.

Après une période marquée par une pandémie qui a fait vaciller leur modèle, les industries culturelles rentrent dans une phase de normalisation. Elles n'en ont pas moins été profondément marquées par l'accélération de la numérisation des échanges, qui remet en cause, par bien des aspects, leur équilibre traditionnel.

L'heure est cependant plutôt aux bonnes nouvelles.

Entre 2022 et 2023, les industries culturelles, dans lesquelles j'inclus la musique enregistrée, l'édition, la vidéo et le jeu vidéo, ainsi que l'audiovisuel et le cinéma, ont progressé de 6 %, soit 6 fois plus vite que le PIB. Il s'agit donc d'un secteur dynamique, qui représente 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Au-delà des chiffres, je vois dans cet attrait des Français peut-être un moyen d'échapper à une actualité nationale et internationale un peu sombre.

Les différents secteurs qui composent les industries culturelles bénéficient cependant inégalement de cette croissance.

Grand vainqueur de l'année, le cinéma, qui progresse de 22 %, ce qui n'est pas si surprenant après une année 2022 très compliquée. Je renvoie bien sûr à l'excellent rapport que notre collègue Jérémy Bacchi a présenté la semaine dernière en commission.

Sur la seconde marche du podium de la croissance, on trouve le jeu vidéo, sur lequel je reviendrai dans quelques instants, qui s'impose plus que jamais comme la première industrie culturelle, en progression de 6 %. Enfin, je mentionne la musique enregistrée, qui affiche une belle progression de 5,2 %, signe de la vitalité de la création française.

Je ne m'étendrai pas outre mesure sur les crédits budgétaires, qui à vrai dire évoluent fort peu. Le budget affiche une légère baisse de 0,4 %, résultat des efforts des opérateurs comme la Bibliothèque publique d'information, la BPI, le Centre national du livre, le CNL, et le Centre national de la musique, le CNM, sur lequel je reviendrai également dans quelques instants.

Finalement, le plus intéressent est ce qui ne figure pas dans ce budget, ou devrais-je dire, ce qui n'y figure plus, à savoir les 12,6 millions d'euros qui devaient être inscrits pour la Maison du dessin de presse. Notre collègue Michel Laugier a interrogé la ministre de la culture à ce sujet le 5 novembre dernier, et sa réponse a été pour le moins évasive, trahissant une gêne que je vois fondée non seulement sur des considérations budgétaires, mais également de fond : faut-il exposer des caricatures, au risque de créer des polémiques et des enjeux d'ordre public ? Le projet semble en tout cas repoussé aux calendes grecques.

J'en viens maintenant à quelques coups de projecteur sur certaines thématiques d'actualité.

Je vais commencer par le Centre national de la musique.

Nous avons entendu son président Jean-Philippe Thiellay en commission le 30 octobre dernier, soit 5 ans jour pour jour après la promulgation de la loi d'origine parlementaire qui l'a créée.

C'est bien sûr une grande satisfaction pour nous de voir cette institution que nous avons littéralement mise au monde conforter sa place dans le monde de la musique. Après des années de pandémie qui, paradoxalement, lui ont été très favorables et ont permis au CNM de faire la preuve de son efficacité et de sa compétence, les temps sont cependant venus pour lui de rentrer dans une forme de normalité et de poser soigneusement les bases pour les années à venir.

Cependant, et à notre grand regret, le Centre joue toujours d'une certaine manière en défense, avec beaucoup de temps consacré au développement de ses ressources. Le Président Thiellay nous a ainsi longuement parlé des taxes qui lui sont affectées et qui représentent les deux tiers de ses ressources. Elles posent toutes deux des difficultés.

D'une part, la taxe sur le streaming, dont vous vous rappelez qu'elle a été adoptée de haute lutte et à notre initiative l'année dernière. Comme cela était prévisible, elle connait un démarrage un peu plus lent qu'escompté, avec des recettes qui devraient s'établir à un peu moins de 10 millions d'euros contre 18 dans l'estimation initiale.

Le fait est qu'elle a suscité une forte incompréhension dans la profession, comme l'avait laissé présager la violence des échanges lors de la table ronde devant la commission le 19 octobre 2022. Il faudra probablement attendre 2025 pour se faire une idée correcte de son rendement, et pour que les cicatrices soient pleinement refermées.

D'autre part, la taxe sur les spectacles.

Héritière de la taxe affectée au Centre national de la chanson, son fonctionnement est un peu particulier, puisque 65 % du montant versé est crédité sur un compte qui permet au producteur de monter un nouveau spectacle, les 35 % restants étant affectés à des aides sélectives. Or, et il faut nous en réjouir, le spectacle connait un succès croissant, à tel point que le rendement de cette taxe est bien meilleur qu'escompté. Initialement fixé à 32 millions d'euros en 2024, il devrait se rapprocher, voire dépasser les 50 millions.

Cela est donc une excellente nouvelle pour le CNM, mais pose une vraie difficulté car ce montant de 50 millions est également celui auquel la taxe est plafonnée.

Dès lors, au-delà de 50 millions, les producteurs ne peuvent plus compter sur un retour de 65 %, ce qui pose une question d'équité. Le secteur se trouverait de surcroit frappé d'une imposition qui lui serait propre.

Face à cette situation, il n'existe que deux solutions :

- ou bien le principe du plafonnement à ce niveau est maintenu, et dans ce cas, le CNM doit rapidement configurer différemment la structure de la taxe, en abaissant par exemple le taux de retour et en aménageant une réserve de précaution ;

- ou bien en déplafonnant cette taxe au-delà de 50 millions d'euros, voire en supprimant purement et simplement le plafond dans la première partie de la loi de finances.

Je formule maintenant le souhait, que nous partageons tous ici, je crois, que le CNM, puisse maintenant consacrer son énergie et son temps non plus à conforter ses financements, mais à s'insérer de manière durable dans l'écosystème musical et à soutenir la création française.

J'en viens maintenant au monde de l'édition.

Si les industries culturelles sont florissantes, l'édition parait en 2023 un peu en retrait, avec une croissance de 1,2 %. Cela n'est pas surprenant tant ce marché est cyclique, avec notamment la forte influence des changements de programmes scolaires, qui représentent 10 % des ventes.

Je voudrais attirer votre attention sur trois points.

Premier point, les efforts faits par les éditeurs pour limiter la véritable crise de surproduction qui frappe le secteur. Elle a déjà été longuement évoquée dans les rapports pour avis, et constitue une caractéristique de l'édition. Or il semble bien que la profession revienne peu à peu à une pratique plus sage. Ainsi, après un pic de 45 000 nouveautés en 2019, l'année 2023 n'a vu « que » 37 000 nouveautés, soit une baisse de 18 % en 5 ans.

Deuxième point, qui va tout particulièrement intéresser notre collègue Laure Darcos, la récente décision de la société Amazon d'interpréter de manière très libérale la loi du 30 décembre 2021, adoptée à l'initiative de notre commission. En proposant de retirer gratuitement les livres dans les centres commerciaux qui disposent d'un petit étal de livres, Amazon met un sérieux coup de canif dans les finalités de cette loi, qui, je le rappelle, a pour objectif de protéger les libraires des conséquences des actions prédatrices d'Amazon. La ministre, interrogée sur ce point, a indiqué suivre de près ce dossier et avoir saisi le médiateur du livre. Des actions contentieuses devraient suivre, et je les soutiens pleinement pour que non seulement le texte, mais aussi l'esprit de la loi soit respecté.

Troisième et dernier sujet sur l'édition, la question toujours complexe des relations entre auteurs et éditeurs.

Le rapporteur avait fait état l'année dernière des avancées sur de nombreux sujets, comme la reddition des comptes, en vous indiquant qu'il restait maintenant sur la table le sujet le plus inflammable, la question de la rémunération. Le Syndicat des éditeurs a cherché à objectiver la situation en publiant en février dernier une étude sur la répartition de la valeur, qui montre que les droits d'auteurs représentent environ le quart du prix du livre et que la part des éditeurs s'établit à 17,8 %, dont 12,9 % de frais de structure.

Or ces conclusions, qui semblent aller dans le sens d'un statu quo en soulignant l'équilibre du partage de la valeur, n'ont pas été appréciées par les auteurs, qui ont immédiatement dénoncé le caractère biaisé de l'étude, car elle n'aborderait pas les gains issus de la diffusion ainsi que les disparités de rémunération entre auteurs. Face à cette fronde, la ministre a annoncé lors du Festival du livre de Paris le lancement d'une nouvelle étude, dont les conclusions seront rendues publiques d'ici la fin de l'année.

En un mot, mes chers collègues, ce dossier n'a pas vraiment avancé cette année, sauf en créant un peu plus de tension entre les éditeurs et les auteurs. Il faudra être attentifs aux conclusions de ce rapport, d'autant plus que le résultat nécessitera certainement des modifications législatives, comme les accords déjà passés entre les auteurs et les éditeurs.

Je vais maintenant aborder le plus important poste budgétaire : la bibliothèque nationale de France (BnF).

À elle seule, elle représente 70 % des crédits du programme, avec une dotation de 251,6 millions d'euros.

Je note d'ailleurs que les crédits de la BnF ont progressé de 16 % depuis 2021, année où notre ancien collègue Julien Bargeton, alors rapporteur pour avis, avait émis un « cri d'alarme » sur les finances de l'établissement.

Le paradoxe de la BnF est que sa capacité d'initiative est de fait bridée, malgré son budget, par des éléments sur lesquels elle n'a que faiblement la main, comme la masse salariale ou bien les travaux d'entretien indispensables. Elle va ainsi devoir affronter dans les années à venir un véritable « mur d'investissement », avec des travaux très conséquents sur le site François Mitterrand, qui se détériore plus vite que prévu. Je souligne cependant le record historique de fréquentation en 2023, avec 1,5 million de visiteurs, 400 000 pour la salle Ovale du Quadrilatère Richelieu, qui a d'ailleurs été mis à l'honneur lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Dans les années à venir, la BnF est confrontée à deux chantiers :

- d'une part, la construction du centre de stockage à Amiens, pour lequel les travaux débuteront en 2026. Les travaux doivent s'achever en 2029, pour un coût initialement estimé à 96,2 millions d'euros. Comme c'est souvent le cas dans ce type d'opération, il faudra cependant sans doute revoir à la hausse l'enveloppe prévue de 10 à 15 % pour permettre le bon déroulement de ce chantier emblématique ;

- d'autre part, la mise en place du dépôt légal numérique, tel que prévu à l'article 5 de la loi « Darcos ». Il s'agit, comme nous l'avions souligné à l'époque, d'un chantier juridiquement et techniquement très complexe, à tel point que ses modalités d'application, 4 ans après l'adoption de la loi, ne sont pas prévues avant le premier semestre 2025.

Il nous faudra donc suivre avec attention l'évolution de la situation de la BnF, confrontée à la dégradation de son patrimoine et maitresse d'oeuvre sur de grands projets structurants.

J'en viens enfin avant de conclure au secteur du jeu vidéo, qui n'avait pas été abordé l'année dernière.

Avec un chiffre d'affaires de 3,7 milliards d'euros pour les logiciels et 6,1 milliards en comptant les achats de matériels, le jeu vidéo est la première industrie culturelle du pays.

Il a connu une progression tout compris de 10 % en 2023, ce qui est exceptionnel. Depuis 2013, sa taille a plus que doublé. 72 % des Français de plus de 10 ans jouent à un jeu vidéo, que ce soit sur console, ordinateur, ou sur téléphone portable.

La pratique s'est donc profondément enracinée et n'est plus réservée à un public de jeunes joueurs.

Le jeu vidéo bénéficie d'un seul dispositif d'aide, sous la forme d'un crédit d'impôt que nous avons toujours défendu, et qui s'élève à environ 70 millions d'euros.

Cependant, loin de ce discours triomphaliste, l'ambiance à la dernière Paris Games Week en octobre était plutôt morose. De fait, la presse s'est largement faite l'écho des difficultés du secteur, en particulier celles de la plus grande société française Ubisoft. L'année 2024 devrait donc signer la fin de la croissance explosive du jeu vidéo.

Je voudrais nuancer ce point de vue avec trois éléments :

- tout d'abord, le jeu vidéo rentre enfin dans une période de normalisation. 2023 a été exceptionnelle, avec de très nombreuses sorties qui avaient été décalées après la pandémie, et la disponibilité des nouvelles consoles de Sony et Microsoft. 2024 et 2025 ne devraient pas bénéficier de ces « boost » et enregistrer une activité plus normale ;

- ensuite, les coûts de production ont explosé ces dernières années, avec des développements pour plusieurs centaines de millions de dollars.

Or il s'agit aussi d'une industrie où le succès est très concentré sur quelques titres. Dès lors, il suffit que la production d'un studio ne rencontre pas le succès escompté pour le voir en grande difficulté. On estime ainsi dans le monde à environ 13 000 les licenciements cette année ;

- enfin, et en conséquence, le secteur est entré en phase de concentration, ce dont a témoigné de manière spectaculaire le rachat du studio Blizzard par Microsoft pour 75 milliards de dollars.

L'année 2025 pourrait cependant réserver de bonnes surprises, avec la sortie de la nouvelle console de Nintendo et du nouvel opus de la saga « GTA », dont le coût de développement est estimé à plus d'un milliard d'euros.

En résumé, je voudrais souligner que dans le domaine du jeu vidéo, la France dispose d'une expertise mondialement reconnue, de studios de taille mondiale, et de formations d'excellence - il n'y a pas tant que cela de domaines dans le numérique où nous brillons autant. Cela rend d'autant plus nécessaire la poursuite de notre soutien, somme toute modeste au secteur.

En conclusion de cette présentation, mes chers collègues, les industries culturelles se portent relativement bien, même si des difficultés perdurent comme dans le domaine des librairies par exemple. Il nous appartient de continuer à soutenir ces secteurs qui représentent à la fois une activité économique très significative, mais offrent également à tous culture et évasion !

Je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme « Livre et industries culturelles » pour 2025.

Mme Else Joseph. - Ce programme pose la question fondamentale de notre rapport à la lecture, dans un contexte croissant de numérisation des échanges et de l'accès aux contenus. Dans ce cadre, nous devons accorder une grande attention à la question des bibliothèques, qui est étroitement liée à celle des collectivités territoriales. Je rappelle en effet que ce sont ces dernières qui font l'acquisition des ouvrages pour les bibliothèques. Or ces établissements sont pour beaucoup de nos concitoyens le premier accès à la culture. Ainsi, je rejoins pleinement les objectifs de la politique d'extension des horaires d'ouverture, qui ne doit cependant pas être réservée aux grandes villes. J'attends donc beaucoup du plan en faveur de la ruralité annoncé par la ministre.

Les libraires sont également des acteurs majeurs de la vie culturelle et il faut trouver des moyens de les encourager à ouvrir dans les territoires ruraux. De manière générale, il faut donner non seulement le goût de la lecture aux plus jeunes mais également sensibiliser aux métiers du livre et de la culture.

Je me réjouis de la hausse de la fréquentation de la BnF et de la BPI. La BnF est cependant, comme vous le disiez, confrontée à un mur d'investissements et je souhaiterais savoir si la hausse des entrées lui permettra d'y faire face. Je me félicite du succès des dispositifs d'accessibilité de la lecture pour les personnes en situation de handicap et j'insiste sur la nécessité de développer un accès numérique à la presse ancienne.

Enfin, en ce qui concerne le CNM, et dans la lignée du rapport de notre ancien collègue Julien Bargeton, je souhaite que le Centre, enfin assuré dans ses financements, puisse mener à bien ses missions.

Mme Sylvie Robert. - Je vais revenir sur le CNM, encore confronté à la question de la sécurisation de son financement. Il est urgent de fixer le cadre réglementaire afin d'assurer en particulier le bon rendement de la taxe streaming. Mais il faut également nous interroger sur le plafonnement de la taxe sur les spectacles. Mon groupe va déposer un amendement pour y mettre un terme. Il me parait cohérent que le produit de cette taxe, qui s'avère meilleur qu'initialement estimé, abonde les crédits du CNM. Je renouvelle par ailleurs ma préoccupation sur la concentration dans le secteur musical, alertée par les principaux acteurs. J'attire également l'attention sur la pratique, de plus en plus répandue, de la tarification « dynamique », qui consiste à faire évoluer le prix du billet en fonction de l'évolution de la demande. Nous en avons vu un exemple récent avec les concerts du groupe Oasis en Angleterre. Il nous faut absolument éviter qu'un tel système soit mis en place dans notre pays.

Je suis également préoccupée par la situation des festivals de musique, surtout les plus petits, qui sont fragilisés par la hausse des coûts et notamment celle du cachet des artistes.

En ce qui concerne le livre, je suis, comme Else Joseph, inquiète des conséquences pour les budgets d'acquisition des bibliothèques de la situation financière des collectivités territoriales. Dans beaucoup de cas, les bibliothèques acquièrent dorénavant des livres d'occasion, ce qui pose évidemment des questions en termes de droits d'auteur. Enfin, j'attends des précisions, que l'on ne m'a toujours pas communiquées, sur le plan en faveur de la ruralité, dont le montant réservé aux bibliothèques me parait pour l'heure extrêmement faible. Mon groupe s'abstiendra sur les crédits de ce programme, sous réserve de l'adoption d'un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées au CNM.

M. Pierre-Antoine Levi. - Mes chers collègues, nous devons rester vigilants sur l'évolution des crédits de ce programme dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

Plusieurs éléments paraissent positifs, comme le maintien du soutien aux grands établissements publics, en particulier la BnF qui voit ses moyens renforcés de 4,7 M€, ou le CNL, qui conserve sa capacité d'intervention. Nous saluons l'ambition maintenue en faveur de la lecture publique avec le développement des contrats départementaux de lecture et le soutien aux bibliothèques départementales.

S'agissant des industries culturelles, je me félicite de la création de la taxe streaming, qui témoigne de l'adaptation de nos outils de financements aux mutations numériques.

Nous partageons également le diagnostic de faire évoluer le pass Culture, notamment avec une modulation selon les ressources et l'orientation d'une part de ces dépenses vers le spectacle vivant. Je souligne cependant à ce sujet trois points de vigilance : l'accompagnement des petites librairies indépendantes, le maintien d'une liberté de choix suffisante pour les jeunes, et enfin le soutien aux librairies en zones rurales qui doit demeurer une priorité absolue.

Pour finir, je voudrais mettre l'accent sur deux enjeux. D'une part, celui de la réduction des emplois des opérateurs avec 82 ETP en moins qui devra être accompagnée. D'autre part, l'accompagnement de la transition numérique du secteur avec les 1,8 M€ consacré à la découvrabilité des contenus culturels francophones, qui devra faire l'objet d'une évaluation de son efficacité. Le groupe UC votera en faveur des crédits de ce programme.

Mme Laure Darcos. - Je dénonce bien entendu le contournement de la loi du 30 décembre 2021 au sujet de laquelle j'ai dû subir des attaques personnelles. J'ai demandé aux grands acteurs de la filière des études fiables pour dénoncer les propos mensongers de la société Amazon, qui nous accuse d'avoir augmenté le prix des livres dans les zones rurales. La position de cette société qui, je le rappelle, gagne de l'argent avec les frais de port me parait témoigner de sa volonté d'exercer une position monopolistique sur ce marché.

En ce qui concerne les livres d'occasion, je vous alerte sur un amendement qui a pu vous être communiqué par un représentant des auteurs et qui vise à imposer une taxe sur ces ouvrages. Cette taxe pose de graves difficultés juridiques, d'une part car elle ne frapperait que les acteurs du commerce en ligne, ce qui constitue une rupture d'égalité, d'autre part, car il n'est pas possible d'affecter les ressources ainsi dégagées au profit des auteurs et des éditeurs. Je renvoie d'ailleurs à une étude récente de la Sofia qui montre que les acheteurs de livres d'occasion sont surtout les plus grands lecteurs et que les acquisitions concernent avant tout certains genres comme le polar. Nous devrons mener un travail collectif pour parvenir à trouver un équilibre satisfaisant avec les auteurs.

Je ne suis pas surprise par ailleurs par les difficultés de mise en place du dépôt légal numérique. Il existe en particulier une difficulté identifiée de longue date dans la délimitation des tâches avec l'INA. Notre groupe votera en faveur des crédits du programme.

M. Pierre Ouzoulias. - L'examen de ce programme est pour nous l'occasion d'aborder une grande diversité de secteurs qui obéissent à des logiques différentes. Nous sommes très inquiets de la nouvelle offensive d'Amazon qui devrait, j'en suis persuadé, s'amplifier avec l'élection de Donald Trump. La France est isolée dans son combat pour la souveraineté culturelle et je suis très inquiet pour toutes ces industries.

Je voudrais insister sur la question cruciale de l'intelligence artificielle. Cette technologie se nourrit en moissonnant des contenus pourtant protégés par les droits d'auteur et il me semble que nous pourrions envisager un système de droits voisins. Il nous faut en particulier défendre les éditeurs scientifiques afin de préserver la diversité des publications.

Je regrette l'absence de politique interministérielle en faveur du livre. On n'observe à ce sujet aucune synergies entre les ministères. Sur le pass Culture, je rappelle l'importance de la médiation. Comme vous le savez, des départements ont cessé d'abonder ces dispositifs dont les objectifs étaient remplis par le pass Culture. Si ce dernier venait à être profondément réformé, on pourrait ne pas retrouver ce même niveau de subvention. Mon groupe s'abstiendra sur les crédits de ce programme, sous réserve de l'adoption d'un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées au CNM.

Mme Monique de Marco. - Je regrette à mon tour l'absence du rapporteur, qui ne nous a pas permis de participer à des auditions. Si les industries culturelles se portent bien, je note cependant que le budget est en baisse. Ainsi le CNM a vu sa subvention diminuer alors même que la taxe streaming qui devait rapporter 15 M€ devrait finalement s'établir à un peu moins de 10 M€. Je suis très favorable à un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées. Je suis inquiète pour le sort des bibliothèques en milieu rural, il est nécessaire que la ministre mène une vraie politique en faveur de la lecture publique. Je suis également circonspecte sur l'amendement qui nous est proposé sur les livres d'occasion.

Mme Laure Darcos. - Je précise d'ailleurs que le premier vendeur de livres d'occasion en ligne, après Amazon est Emmaüs.

Mme Monique de Marco. - Cela conforte mes préventions sur cette initiative. Il existe toute une économie autour du livre d'occasion. Notre groupe s'abstiendra sur ces crédits.

M. Jean-Gérard Paumier. - Le programme que nous examinons affiche des crédits relativement stables. Je tiens à souligner le défi posé par le monde numérique, en particulier les plateformes de streaming, à notre modèle culturel, ce qui se perçoit notamment avec les stratégies déployées pour échapper à la taxe sur le streaming. Cette préoccupation s'étend à la question de la diffusion de l'information, désormais souvent relayée par les réseaux sociaux. Dernier sujet pour le futur, la question loin d'être résolue des liens entre l'intelligence artificielle et le respect des droits d'auteur.

Je déplore que le rapport des Français à la lecture se dégrade, ce qui se constate avec la faiblesse du marché de l'édition, selon une étude du CNL, 30 % des jeunes ne lisent pas du tout, ce qui constitue un vrai sujet d'inquiétudes. Je suggère une mission d'information qui pourrait, dans quelques départements, nous aider à appréhender l'accès aux livres et à la lecture, en particulier dans le monde rural. Mon groupe votera en faveur des crédits du programme.

M. Laurent Lafon, président. - Je renouvelle mes regrets sur la façon dont l'examen des crédits de ce programme a dû être mené. Je partage les préoccupations exprimées sur la place des bibliothèques ainsi que sur celle des librairies. Le secteur du livre demeure fragile et doit pouvoir compter sur nos politiques publiques. Je note cependant que le phénomène de fermeture des librairies semble stoppé avec plus de créations que de suppressions. C'est un signal très positif car nous connaissons tous l'importance des librairies dans l'animation des centres-villes et des centres-bourgs. Je demeure également vigilant sur les conséquences de la réforme du pass Culture. Il constitue un élément important de l'équilibre économique de certains acteurs, dont les libraires, et l'impact de changements le concernant ne doit pas être sous-estimé. Il constitue également un outil qui a pris une grande importance pour l'accès à la lecture des jeunes. Contrairement à ce qui a pu être dit au moment du lancement, ils n'achètent pas que des mangas...

En ce qui concerne la BnF, je précise que la hausse de sa fréquentation ne pourra pas compenser la progression de ses coûts. L'établissement est confronté à de vrais enjeux en matière d'investissements. Ainsi le centre de stockage d'Amiens devrait entrainer des surcoûts pour un montant qui reste à arrêter. Plus important encore, le site François Mitterrand doit faire l'objet de lourds travaux, notamment pour assurer son isolation thermique ou encore pour faire évoluer ses infrastructures techniques et informatiques.

En ce qui concerne le CNM, je distingue deux sujets. D'une part sur la taxe streaming, il faudrait savoir pourquoi son rendement s'avère très inférieur à ce qui était prévu. Nous ne pouvons nous satisfaire sans explication d'un tel écart. D'autre part, nous aurons un débat sur le plafonnement de la taxe sur le spectacle, tout en gardant à l'esprit qu'il est en général difficile dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances de supprimer un plafond. Ce sujet est à vrai dire nouveau, car, les recettes de cette taxe étaient jusqu'à présent très en dessous de 50 M€. Je suis également préoccupé de la situation des festivals, car peu d'entre eux ne sont pas en déficit. Cette situation repose à mon avis sur plusieurs facteurs, dont la hausse du cachet des artistes mais également le nombre de festivals sur lequel on pourrait également s'interroger.

Sur le livre d'occasion, la question de la mise en place d'une taxation pose la question de la rémunération des auteurs, sur un modèle qui n'est pas sans évoquer celui de la copie privée. Il me semble par ailleurs que certaines personnes peu scrupuleuses revendent les livres d'occasion déposés dans les boîtes à livres...

Je me félicite tout comme vous de la préservation des moyens des grands opérateurs. Sur la loi « Darcos », la stratégie de contournement d'Amazon me parait relativement claire, toutefois j'y vois également une remise en cause plus profonde de notre système de régulation, en particulier, la loi sur le prix unique du livre. Sur l'intelligence artificielle, si je partage les inquiétudes de Pierre Ouzoulias, je m'interroge sur la pertinence de la mise en place d'un système de droits voisins dont nous n'ignorons pas les failles. Bruno Patino que nous auditionnerons dans quelques semaines pourra utilement nous éclairer sur ce point. Enfin, j'attends tout comme vous des précisions sur le plan en faveur de la ruralité annoncé par la ministre.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au Livre et aux industries culturelles au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Aucune audition n'a pu être menée dans le cadre de la préparation de cet avis.

ANNEXE

Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture

MARDI 5 NOVEMBRE 2024

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous accueillons Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire de l'automne. Je dis traditionnelle, mais peut-être ne devrais-je pas, car il s'agit pour vous d'une première à ce ministère, dans la mesure où vous avez été nommée le 11 janvier dernier. Madame la ministre, votre vaste domaine de compétences recouvre un champ allant du patrimoine aux jeux vidéo, en passant par le spectacle vivant et le cinéma. Chacun de ces secteurs exprime des attentes fortes, et de nombreux défis d'ampleur sont à relever.

Les crédits de votre ministère s'élèvent à 4,7 milliards d'euros, soit environ 6 % des dépenses du budget général. En y adjoignant les crédits liés à l'audiovisuel public et aux grands opérateurs comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), près de 10 milliards d'euros sont consacrés à la culture sous ses différentes expressions. Je donne ces chiffres à titre illustratif, tant la situation peut encore évoluer.

Le ministre des comptes publics a ainsi annoncé que les 10 millions d'euros d'économie prévus sur les radios associatives ne seraient finalement pas prélevés, tandis que les projets d'amendements du Gouvernement font état de 100 millions d'euros d'économies supplémentaires sur les missions « Culture » et « Livre et industries culturelles ». L'audiovisuel public, quant à lui, subirait 50 millions d'euros d'économies, et des ajustements sont attendus sur le programme dédié au patrimoine.

Nous sommes conscients aussi bien de la situation budgétaire de notre pays que des conditions dans lesquelles ce projet de loi de finances (PLF) a été élaboré. Vous pourrez cependant nous aider à y voir plus clair sur les crédits que le Gouvernement souhaite affecter au domaine culturel.

En matière patrimoniale, vous avez fait récemment des propositions remarquées sur le financement du patrimoine religieux et des musées, en préconisant la mise en place d'un droit d'entrée touristique pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, et d'une tarification différenciée pour les visiteurs non européens de certains monuments et musées. S'il est vrai que ces pratiques ont déjà cours chez plusieurs de nos proches voisins, leur mise en application au sein de nos frontières pourrait se heurter à plusieurs obstacles. Comment, madame la ministre, avez-vous l'intention de concrétiser ces annonces ?

La commission de la culture poursuit, par ailleurs, ses travaux relatifs aux restitutions d'oeuvres d'art, sujet sur lequel plusieurs de ses membres sont engagés de longue date. À l'occasion d'un récent déplacement en Côte d'Ivoire, nous avons constaté la forte attente des autorités ivoiriennes concernant la restitution du « tambour parleur » Djidji Ayôkwé, à laquelle la France s'est engagée en 2021. Nous avons observé l'investissement opérationnel et financier des autorités ivoiriennes, mais aussi des instances de coopération françaises, afin de préparer son retour dans le cadre d'un projet muséal très abouti. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur votre approche de ce dossier ?

Le domaine des industries culturelles, entendu au sens large, appelle également toute votre attention. Vous nous informerez des contours du projet de loi annoncé dans le cadre des États généraux de l'information (EGI), qui devra assurer un subtil équilibre entre les exigences démocratiques liées à l'information et la situation économique des acteurs. Michel Laugier, qui connaît bien les sujets relatifs à la presse, vous interrogera sans doute sur le sujet de France Messagerie, toujours pas réglé après des années d'atermoiements.

En matière de démocratisation culturelle, l'actualité est dominée par votre annonce d'une réforme du pass Culture. Notre commission a toujours considéré que ce dispositif ne pouvait constituer l'alpha et l'oméga de la politique de l'État en la matière. Nous accueillons donc favorablement votre volonté de refonte. Cependant, nous sommes aussi conscients des obstacles opérationnels auxquels celle-ci peut se heurter. À quel stade se trouve aujourd'hui votre projet de réforme ? Comment comptez-vous procéder pour le mener à bien ? Le Parlement y sera-t-il associé ?

Enfin, nous venons d'adopter la proposition de loi organique (PPLO) sur le financement de l'audiovisuel public, qui sera examinée le 19 novembre prochain à l'Assemblée nationale. Nous espérons un vote conforme qui permettrait de réintroduire dans le PLF le compte de concours financier (CCF) « Avances à l'audiovisuel public », transformé dans le texte initial en mission ministérielle. 

Les moyens alloués pour l'audiovisuel public sont en deçà de la trajectoire financière prévue par les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés publiques. Nous nous interrogeons sur la crédibilité de ces contrats dans le contexte budgétaire actuel, et nous nous demandons si votre ministère travaille d'ores et déjà sur des COM révisés, plus réalistes, en fonction des dernières annonces financières ? Ou bien attendez-vous la réforme de la gouvernance que nous appelons de nos voeux ?

Voilà les nombreux sujets sur lesquels nous attendons des précisions. Mes collègues auront sans doute également des questions sur d'autres thèmes. Depuis votre prise de fonction, vous avez bien compris que notre commission était pour vous un allié précieux mais résolument exigeant, qui garde la mémoire tant de ses travaux que de vos annonces.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Il arrive parfois, comme je l'avais déclaré lors de ma nomination, que l'on considère le ministère de la culture comme un ministère du loisir. À mes yeux, il s'agit d'un ministère fondamental, pour ne pas dire régalien, qui incarne l'idéal républicain et joue un rôle essentiel pour réduire les inégalités et permettre à l'ensemble de nos concitoyens de prendre part à la vie en société.

Ce budget a été débattu dans un contexte difficile pour nos finances publiques. Une première réduction budgétaire avait été annoncée il y a quelques mois de cela, avant le changement de gouvernement. L'État se doit d'être exemplaire, et le ministère de la culture doit prendre sa part dans les efforts demandés. À ce titre, je me réjouis de défendre devant vous un texte proposant un budget stabilisé à un niveau historique pour le ministère de la culture : 4,45 milliards d'euros. Depuis l'élection du Président de la République en 2017, le budget de la culture a augmenté de plus d'un milliard d'euros. Cela nous permet aujourd'hui de préserver dans tous les secteurs les moyens et l'action du ministère.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier. Comme vous l'avez précisé dans votre introduction, vous êtes pour moi un soutien précieux et vous avez la mémoire de tout ; en espérant que ce soit toujours le cas, afin que les engagements puissent être tenus.

Je commence mon tour d'horizon par la mission « Culture ». Dans le secteur de la création artistique, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 1,041 milliard d'euros, dont plus de la moitié - 550 millions d'euros environ - sera consacrée au secteur subventionné en région. Lors des annulations de crédits en février dernier, j'avais indiqué que pas un euro ne manquerait au spectacle vivant dans les territoires, et cela a été le cas. L'État a répondu présent pour soutenir ces structures avec des crédits consacrés au spectacle vivant, hors opérateurs nationaux, en hausse de 45 millions d'euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d'euros en 2024 dans le cadre du plan « Mieux produire, mieux diffuser ».

Après une première année, le bilan est très positif. Aux 9 millions d'euros du ministère de la culture s'est ajoutée la participation à hauteur de 12,5 millions d'euros des collectivités. Le partenariat entre l'État et les collectivités est donc encourageant. Ce plan a fait naître de nombreux projets créatifs, et nous allons poursuivre notre double effort collectif : mieux produire, avec des mutualisations à opérer afin de maîtriser les coûts de production ; et mieux diffuser, notamment avec des séries plus longues.

L'objectif de mieux travailler avec les élus et les collectivités s'incarne pleinement dans les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle (CTEAC) dont je suis à l'initiative. Le premier contrat a été signé dans le département de la Charente-Maritime il y a quelques semaines. Je tiens à valoriser le travail remarquable effectué par les collectivités en leur donnant de la visibilité, mais aussi en les incitant à s'engager aux côtés de l'État et des acteurs culturels.

En toute transparence, l'État ne pourra pas améliorer seul la situation financière du spectacle vivant. Ces dernières années, la seule réponse est venue de l'État, qui n'a cessé d'augmenter le niveau de financement de son soutien. Dans un contexte difficile, je sauvegarde le budget dédié à la création artistique, mais cette mobilisation de l'État ne suffira pas.

Il s'agit à la fois de convaincre les collectivités de poursuivre leur engagement et d'inciter le secteur à réfléchir aux leviers à sa disposition ; je pense notamment à la politique tarifaire. Je reste attachée à des prix bas pour certains publics, mais nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant, sans quoi ce modèle sera menacé. Cet été, j'ai reçu l'ensemble des représentants du spectacle vivant afin de pouvoir avancer sur ces questions. Encore une fois, l'État va continuer de prendre toute sa part, mais il ne peut être le seul à assumer ses responsabilités. Je sais que le sujet est essentiel pour le Sénat, et je remercie Karine Daniel pour sa compétence et sa vigilance sur le sujet.

Enfin, les moyens dédiés aux festivals sont également reconduits à hauteur de 32 millions d'euros.

La démocratisation culturelle et l'accès aux métiers de la culture constituent une priorité de ma politique, avec un budget s'élevant à 807 millions d'euros. Nous ferons en sorte, dans la suite des discussions, de ne renoncer à aucun dispositif. Je souhaite évoquer ici la réforme du pass Culture. Comme je l'ai exprimé lors de ma première audition, ce pass Culture me semblait favoriser la reproduction sociale, notamment pour ce qui concerne la part individuelle. Les publics qui en avaient le plus besoin n'étaient pas touchés, comme cela m'a été confirmé par une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et par un rapport de la Cour des comptes.

Le pass Culture doit être un instrument pour faire accéder à la culture ceux qui en sont les plus éloignés, notamment en milieu rural - c'est tout le sens du plan Culture et Ruralité - et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville où, trop souvent, ce dispositif est dévoyé en n'étant qu'un simple instrument de consommation culturelle.

La part individuelle du pass Culture sera réformée en profondeur. Florence Philbert, en sa qualité de directrice générale des médias et des industries culturelles (MIC), aura pour mission de suivre l'évolution de cette réforme à partir des cinq orientations suivantes : une prise en compte des conditions de ressources des jeunes éligibles au pass ; une part réservée au spectacle vivant, ce qui n'était pas le cas jusque-là ; une meilleure articulation entre la part collective, qui bénéficie à 90 % à des enfants accédant pour la première fois à la culture ou à un équipement culturel, et la part individuelle, qui intervient plus tard ; une meilleure éditorialisation et médiation pour davantage intéresser les publics, les spectacles proposés relevant trop du listing ; et enfin, de nouvelles fonctionnalités ouvertes à un large public - je pense notamment à la géolocalisation.

J'ai diligenté deux missions afin d'assurer ces nouveaux développements sans mettre en danger le secteur du livre. En effet, le pass Culture a été beaucoup utilisé dans les librairies, non seulement pour les mangas mais aussi pour l'achat de livres nécessaires aux études supérieures. Il convient donc de ne pas se priver d'un tel accès à la culture, qui apporte par ailleurs un soutien au réseau des librairies indépendantes.

J'ai fait évoluer l'application avec de nouvelles fonctionnalités comme la géolocalisation. Pour d'autres fonctionnalités, nous avons lancé une expérimentation dans la région Grand Est ; un retour d'expérience devrait intervenir rapidement.

Certains diront que cette réforme entérine des économies, mais je ne vois pas les choses ainsi. Elle vise une meilleure utilisation des deniers publics pour un plus large accès à la culture, notamment pour ceux qui en sont éloignés.

Le 11 juillet dernier, j'ai lancé le plan Culture et Ruralité. Financé pour les trois prochaines années, il dispose dès cette année d'une enveloppe de 34 millions d'euros. La ruralité concerne 22 millions d'habitants, soit un tiers de la population française, et je tiens à ce que celle-ci ne soit pas un impensé de nos politiques culturelles. On retrouve le financement de ce plan dans le budget 2025, avec 14 millions d'euros qui s'ajoutent aux 20 millions mobilisables dès maintenant, et sans doute un complément à venir que je vous détaillerai ultérieurement.

Comme je l'avais déjà exprimé lors de ma première audition devant votre commission, le patrimoine est une autre priorité très claire ; je sais que Sabine Drexler est très engagée sur ce sujet. Dans le texte initial, les crédits connaissaient une légère augmentation pour un total annuel de 1,2 milliard d'euros. Avec ce budget, nous nous donnons les moyens de poursuivre les grands chantiers déjà lancés. Il s'agit, le plus souvent, d'un enjeu de sécurité et de remise aux normes après un drame, comme pour la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes qui va bénéficier d'un financement de 6 millions d'euros. Nous financerons également l'extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, avec un investissement à hauteur de 17,7 millions d'euros.

Un sujet concerne le Centre Pompidou. Celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune restauration d'ampleur depuis son ouverture en 1977, et les travaux représentent un coût de 29 millions d'euros pour le ministère l'année prochaine.

Parmi les autres projets importants pour la revitalisation de nos territoires, on peut évoquer la restauration de l'abbaye-prison de Clairvaux pour 14,3 millions d'euros, ou encore le programme de valorisation du château de Gaillon en Normandie pour 4,3 millions d'euros. La seule sécurisation du site de Clairvaux requiert 3 millions d'euros par an.

Le budget consacré à la restauration des monuments historiques connaît une baisse. Il s'agit d'un point d'inquiétude sur lequel je reviendrai à la fin de mon propos. Les besoins de notre patrimoine, déjà importants, sont aggravés par l'inflation et le « mur d'investissements » auquel nous faisons face avec un budget à son plus haut niveau historique. Mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation elle-même exceptionnelle.

Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », je souhaite poursuivre l'accompagnement des acteurs d'un secteur en pleine mutation. Je sais que votre commission suit cela de près. Au coeur des grandes mutations numériques, les industries culturelles françaises ont plus que jamais besoin de notre soutien en faveur de la diversité, du renouvellement et de la création.

Je remercie Jérémy Bacchi pour son travail sur le cinéma. La pertinence de nos modalités de soutien au cinéma a été reconnue, puisque les taxes du CNC ne seront pas plafonnées ; cela a été notre crainte, et ce ne sera pas le cas. Notre opérateur disposera donc de la totalité de ses moyens opérationnels, soit environ 780 millions d'euros en 2025. Ce budget, alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, notamment les plateformes américaines, permettra de financer des mesures en faveur de la diffusion, comme j'ai pu l'annoncer dernièrement à Lyon.

Je me réjouis également que ce texte préserve les différents crédits d'impôt pour le cinéma, l'audiovisuel, les tournages internationaux ou encore les jeux vidéo, dans un contexte de compétition fiscale internationale. Après évaluation, il s'avère que ces crédits rapportent 6 à 7 euros d'activité en France pour 1 euro de dépense fiscale.

Concernant le secteur du jeu vidéo, quelque 200 studios ont bénéficié du crédit d'impôt, ce qui a permis à notre industrie de retrouver sa croissance. En dix ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé, et le nombre d'emplois est passé de 3 500 en 2010 à 14 000 aujourd'hui.

C'est un enjeu de cohérence de nos politiques ; on ne peut pas, dans le cadre du plan France 2030, investir 300 millions d'euros dans nos studios et nos écoles pour les vider ensuite en provoquant la délocalisation des tournages. Des studios et des lieux de tournage ont ainsi bénéficié de cet engagement. Pour exemple, le dernier film de Jacques Audiard, dont l'action se déroule en Amérique du Sud, a été tourné en studio en région parisienne.

Je salue le travail de Michel Laugier concernant la presse et les médias. L'État maintient son soutien de 365,7 millions d'euros et préserve les crédits de 26 millions d'euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité. Sur le sujet des radios associatives, j'ai reçu l'ensemble des représentants et je leur ai indiqué que l'on trouverait une solution ; c'est le cas, notamment concernant la baisse de 10 millions d'euros. Nous avons obtenu du ministre en charge des comptes publics qu'un amendement du Gouvernement puisse corriger cela dans le courant de la discussion de la loi de finances.

Sur le sujet de l'audiovisuel public, je sais pouvoir compter sur la vigilance de Cédric Vial. Comme vous le savez, avant la dissolution de la précédente Assemblée nationale, je soutenais une réforme ambitieuse, fondée sur votre proposition de loi, monsieur le président. Les raisons qui motivaient cette réforme n'ont pas disparu, et mon constat reste le même. En revanche, nous devons prendre en compte le nouveau contexte politique. Je reste à l'écoute de toutes les sensibilités pour avancer non seulement sur le mode de financement mais aussi sur la gouvernance.

Le financement de l'audiovisuel est prévu dans le cadre du budget général. Je souhaite toutefois que ce texte initial soit amendé avant la fin de l'année, afin d'éviter une budgétisation. L'objectif est d'assurer la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur. Grâce au vote de la proposition de loi organique (PPLO) des sénateurs Vial, Morin-Desailly, Karoutchi, Lafon et Hugonet, une première partie du chemin a été effectuée. Cette réforme du financement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, est liée à celle de la gouvernance.

Concernant le budget de l'audiovisuel public, une mesure d'économie par rapport à 2024, de l'ordre de 50 millions d'euros, va être mise en oeuvre. Cela ne manquera pas de susciter des passions. Mais après avoir étudié le sujet avec les acteurs du secteur, je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Il convient pour cela de travailler ensemble et en toute transparence.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur le sujet du patrimoine. Dans certains endroits du territoire, les monuments historiques constituent le premier accès à la culture, et c'est pourquoi nous avons fait en sorte dans ce budget, comme pour chacun des volets de notre politique culturelle, de préserver l'essentiel. Nous connaissons cependant actuellement une situation exceptionnelle. L'état de notre patrimoine est alarmant, et sa dégradation s'avère extrêmement rapide : notre pays compte 45 000 monuments historiques et, parmi eux, 20 % se trouvent en mauvais état et 5 % en état de péril. Cela signifie que plus de 2 000 monuments risquent de disparaître dans les prochains mois ; voilà la réalité.

Je suis particulièrement attachée au patrimoine religieux ; il ne s'agit pas d'une affaire cultuelle ou confessionnelle, mais d'un enjeu culturel, et davantage encore. À l'heure où l'on se demande comment intéresser notre jeunesse à ce qui fonde une Nation, nous devrions tous nous battre pour défendre un tel patrimoine. On a vu également la mobilisation pour Notre-Dame de Paris après l'incendie. Sur les 15 000 édifices religieux protégés au titre des monuments historiques, 4 000 sont actuellement en danger. Le plus souvent, ils sont localisés dans des zones rurales, loin de toute attention médiatique. Je le redis : cela n'est pas acceptable.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, dans la continuité de l'effort porté par le Président de la République qui a notamment permis de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans et de lancer le loto du patrimoine : à mon initiative, le Gouvernement va présenter un amendement qui ajoutera 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement au budget du ministère de la culture en 2025, afin de répondre à cette urgence patrimoniale. Cela n'était pas encore acquis après mon audition à l'Assemblée nationale ; aujourd'hui, la décision est prise.

Le PLF pour 2025 prévoit un budget historique pour notre patrimoine, avec 7 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'an passé. Mais le chiffre s'avère en trompe-l'oeil, car le « mur d'investissements » est devant nous. Avec cet amendement, nous changeons la donne et faisons du patrimoine la grande priorité du Gouvernement. C'est un enjeu de cohésion nationale, et cela a beaucoup de sens que le ministère de la culture porte un tel projet. Dans un pays divisé, le patrimoine renvoie à l'essentiel, il est ce qui peut nous rassembler. Un pays qui ne s'engage pas pour son patrimoine ne se préoccupe pas de son avenir.

Pour le moment, nous n'avons effectué aucun fléchage précis de ces crédits supplémentaires ; nous prendrons le temps de réfléchir à leur répartition. Seront en tous cas concernés en premier lieu les monuments historiques dans tous nos territoires, et en particulier dans la ruralité. Les trois priorités de ma politique sont l'accès à la culture, le souci de la ruralité et le patrimoine. Cet amendement permettra notamment un effort supplémentaire de 55 millions d'euros pour les monuments historiques en région, en plus de ce que prévoyait déjà le budget 2025. À cela s'ajoute une enveloppe de 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires, avec une attention spécifique - à hauteur de 8 millions d'euros - pour les petits musées qui fonctionnent souvent avec les moyens du bord et méritent beaucoup plus d'attention. Dans les communes rurales, ces petits musées s'avèrent souvent des lieux culturels beaucoup plus larges, de même que les librairies.

D'autres équipements en région, comme les centres de conservation et d'études archéologiques (CCEA), maillons essentiels de notre politique archéologique, vont recevoir des financements attendus depuis des années.

Depuis ma prise de fonction, je me suis efforcée de reconnaître le rôle primordial des collectivités. Rapidement, j'ai réuni le Conseil national des territoires pour la culture (CTC), qui porte les deux tiers de la dépense culturelle dans notre pays, tout en renforçant l'exemplarité du rôle de l'État. Aujourd'hui plus que jamais, l'État et les collectivités doivent avancer ensemble aux côtés des acteurs culturels.

Au-delà des investissements majeurs et nécessaires pour nos territoires, le Gouvernement aura une attention particulière pour les besoins les plus impérieux de nos grands établissements. Le Centre Pompidou s'avère, à ce titre, un exemple édifiant ; quand on entretient mal un monument emblématique pendant 40 ans, on en paye le prix à un moment donné. Alors que le budget pour 2025 intégrait la prise en charge des travaux du Centre Pompidou, plusieurs établissements majeurs se trouvaient confrontés à une année blanche en matière de financement de leurs investissements. La situation s'avérait problématique, notamment pour le château et domaine de Versailles qui a entamé il y a plusieurs années une démarche vertueuse de schéma directeur afin de planifier ses besoins de restauration et de remise aux normes. Aussi, pour le château et le domaine de Versailles, mais aussi pour ceux de Fontainebleau et Chambord, ainsi que pour le mobilier national, le palais de la Porte-Dorée et d'autres établissements encore - nous sommes en train d'établir la liste -, cet amendement permettra d'être à la hauteur de la situation.

Les besoins d'investissement concernent l'ensemble des champs du ministère. Un théâtre ou un conservatoire à moderniser constituent un patrimoine à l'adresse des générations futures. Cet amendement en tiendra compte. J'aurai une attention particulière pour la filière liée à la sauvegarde de notre patrimoine ; je pense à ces petites entreprises qui ont fait de la restauration des monuments un savoir-faire d'exception, que le monde entier nous envie. Au moment où s'achève le chantier de Notre-Dame de Paris, il était normal que nous offrions d'autres perspectives à cette filière, alors que les besoins sont criants.

Je voulais vous annoncer le principe de cet amendement en souhaitant que la représentation nationale soutienne le Gouvernement dans cet effort sans précédent. Là encore, l'État ne pourra subvenir seul aux besoins du patrimoine au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle, en complément de cet effort, j'ai proposé plusieurs pistes : la tarification de l'entrée de Notre-Dame de Paris, qui pourrait dégager 75 millions d'euros afin de financer la restauration de l'ensemble du patrimoine religieux en région ; ou encore des tarifs différenciés au sein des grands opérateurs recevant plus de 60 % de publics étrangers.

Ces pratiques existent ailleurs, et nous devons les examiner avec lucidité pour faire face aux besoins de notre patrimoine. Pour récupérer ces fonds, nous n'avons notamment pas besoin, comme j'ai pu l'entendre, de remettre en cause la loi de 1905. Je suis à votre disposition pour les questions.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, merci pour ces annonces et notamment pour ces 300 millions d'euros de crédits supplémentaires en faveur du patrimoine. Si vous faites des annonces de ce type chaque fois que vous venez au Sénat, nous vous réinviterons plus souvent !

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public. - Ma première question porte sur l'effort supplémentaire demandé aux sociétés audiovisuelles publiques, qui représente environ 50 millions d'euros. Cette somme correspond à 1,5 % du budget des sociétés audiovisuelles publiques. L'effort peut être soutenable si la répartition s'établit correctement et si les discussions avec les organismes publics sont bien menées. Avez-vous aujourd'hui une idée de la répartition de cette somme entre les différents organismes ? Concernant France Télévisions, par exemple, l'effort portera-t-il sur les programmes, sachant qu'il faudrait alors revoir certains engagements pris par le groupe, ou bien sur les fonctions support ? Irez-vous jusqu'à ce degré de détail, ou indiquerez-vous seulement un montant d'économies à réaliser ?

Je souhaite également évoquer les COM. Nous devons rendre un avis la semaine prochaine sur le sujet. De ces COM il ne reste plus que le principe d'un contrat, car les objectifs ne sont plus atteignables, et les moyens ne sont plus disponibles. Je m'interroge donc sur l'avenir de ces COM. Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment entendre notre avis la semaine prochaine ? Ou ces COM seront-ils prochainement modifiés ?

Les crédits de transformation sont, à ce stade, toujours prévus dans le budget. Selon la loi de 1986, le Parlement vote les montants et affecte les crédits aux sociétés publiques. Ces crédits, aujourd'hui, ne sont pas affectés à chaque société publique. Si la PPLO était votée par l'Assemblée nationale, il serait judicieux que les crédits de transformation soient réintégrés à la dotation de chaque organisme de l'audiovisuel public.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Je vous remercie d'avoir trouvé une solution concernant les 10 millions d'euros pour les radios associatives. Allez-vous en profiter pour lancer une réforme des procédures d'attribution ? À mon sens, ce serait opportun.

Lors de votre précédente audition, vous vous étiez engagée à lancer le chantier des aides à la presse. Je comprends que la dissolution ait pu constituer un frein à cette réforme. Comptez-vous toutefois avancer dans le sens souhaité aussi bien par la commission que par les conclusions des EGI, demandant une plus grande conditionnalité de ces aides ?

La dissolution de l'Assemblée nationale a également décalé le rendu des travaux confiés à Sébastien Soriano sur les suites à donner au rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur la distribution de la presse. Ce dossier, crucial pour le secteur, trouvera-t-il enfin sa conclusion en 2025 ? Le prélèvement de 9 millions d'euros sur les crédits dédiés à la modernisation de la presse devait s'achever en 2022, puis 2024, mais celui-ci figure toujours dans le PLF pour 2025...

Le débat sur la proposition de loi de Sylvie Robert a souligné la nécessité d'une réflexion autour de l'évolution de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. Le texte annoncé lors des EGI sera-t-il l'occasion de revenir sur cette loi, notamment pour mieux définir les titres éligibles ?

Enfin, même si ces crédits ne figurent pas tout à fait dans le périmètre du programme, je constate que le projet de Maison du dessin de presse, annoncé par le Président de la République en janvier 2020, est au point mort. Aucune dotation n'est prévue. Ce projet est-il abandonné, retardé ou revu à la baisse ?

Mme Karine Daniel, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Vous avez fait du renforcement des services publics culturels en milieu rural un des axes majeurs de votre politique. Parmi les 23 mesures annoncées, trois concernent plus particulièrement le secteur de la création : l'aide à l'embauche temporaire d'artistes par les mairies, les associations et les cafés ; le soutien aux festivals en ruralité ; et le développement du réseau des artothèques. Vous avez évoqué les crédits de manière globale. Pouvez-vous nous indiquer les modalités de mise en oeuvre pour chacune de ces mesures ?

Concernant le plan Culture et Ruralité, vous avez évoqué la question des tiers lieux, dont 34 % se situent en milieu rural. Où en sommes-nous sur ce sujet très attendu dans les communes rurales ?

Pour la mise en oeuvre de ce plan Culture et Ruralité, les directions régionales des affaires culturelles (Drac) sont en première ligne. Or, nous observons aujourd'hui une certaine dévitalisation des Drac. Se pose donc la question de la gestion déconcentrée de ces crédits. De façon prosaïque, cela peut consister à mettre de l'essence dans les voitures pour aller voir les opérateurs dans les territoires. De nombreux retours invitent à une meilleure décentralisation ; je pense, par exemple, à la gouvernance du plan « Mieux produire, mieux diffuser » et à son articulation avec les collectivités territoriales.

Dans ce PLF pour 2025, les collectivités subissent d'importantes coupes budgétaires ; annoncées à 5 milliards d'euros, nous les évaluons plutôt à 10 milliards. Elles ne seront pas sans conséquence sur les projets culturels, les investissements et le fonctionnement.

Je souhaite également revenir sur le sujet de la filière musicale. La semaine dernière, le président du Centre national de la musique (CNM) a dressé un tableau contrasté. Malgré de beaux succès, une partie de la filière connaît des difficultés, avec notamment un problème de viabilité économique des salles. On a évoqué les scènes de musiques actuelles (Smac), d'autres salles connaissent des difficultés ; j'ai une pensée particulière pour les personnels et les bénévoles de trois salles qui ont fermé : l'Entonnoir à Besançon, l'Arrosoir à Chalon-sur-Saône et la Péniche Cancale à Dijon. De son côté, le K'fé Quoi à Forcalquier a pu être repris, mais sur un format plus restreint.

Je laisse Sonia de La Provôté évoquer le sujet des festivals. Nous aurons également un point d'attention sur le sujet de l'enseignement supérieur artistique, notamment dans les écoles d'art territoriales.

Où en est le plan global de réforme que vous aviez annoncé en mars dernier, à la suite du diagnostic confié à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et à la direction générale de la création artistique (DGCA) ?

Du reste, le pass Culture retiendra toute notre attention lors de l'examen du budget. Nous organiserons une table ronde consacrée à ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes au dispositif.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Votre plan en faveur de la ruralité suscite de fortes attentes dans les territoires. Je me félicite que vous y associiez la mise en valeur du patrimoine de nos campagnes, y compris religieux. Ce patrimoine souvent modeste et parfois ignoré n'en demeure pas moins constitutif de nos paysages.

Comme chaque année, nos auditions budgétaires soulèvent des questions sur les critères d'éligibilité aux dispositifs fiscaux profitant au patrimoine, notamment le dispositif Malraux. Celui-ci semble créer des effets d'aubaine et, dans certains cas, il encourage la spéculation immobilière dans les centres anciens déjà très attractifs, où la valeur de revente des immeubles réhabilités couvre largement les frais engagés. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le contexte budgétaire exige une rigueur accrue dans l'évaluation de l'efficacité des mesures financées par des fonds publics. Travaillez-vous actuellement à améliorer le ciblage de ce dispositif ?

Nous le savons, le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas adapté aux spécificités du bâti patrimonial ancien. L'ajustement de sa méthodologie serait nécessaire pour permettre une évaluation plus juste de la performance énergétique. Bien que la prise de conscience progresse sur ce point, le DPE continue d'inquiéter, car il a de lourdes conséquences sur les possibilités de mise en location, sur la valeur marchande des biens et, même aujourd'hui, sur la possibilité pour les propriétaires d'obtenir des prêts pour leurs travaux de rénovation. Le temps presse : les effets néfastes et non anticipés du DPE sont déjà visibles. Dans ce contexte, pourriez-vous préciser le contenu des annonces faites par le Premier ministre et votre ministère pour assurer l'adaptation du DPE au bâti patrimonial ancien ?

Il est aujourd'hui nécessaire de s'inquiéter du sort réservé au bâti vernaculaire, qui ne fait l'objet d'aucune protection alors qu'il participe à l'attractivité de nos régions, surtout les plus reculées. Ce patrimoine, parfois méconnu mais si riche, dit tant de choses sur notre pays. Pourtant
- j'insiste -, il est menacé par des rénovations inadaptées et des destructions qui s'accélèrent. Pour faire obstacle à ce saccage patrimonial, il est urgent de réfléchir collectivement aux moyens d'assurer son identification, voire de réaliser son inventaire complet, afin qu'il figure dans les documents d'urbanisme. Il en va ainsi en matière de protection de la biodiversité : chaque particularité floristique ou faunistique est prise en compte pour favoriser une urbanisation durable et respectueuse. Envisagez-vous d'identifier et d'inventorier ce patrimoine ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je me réjouis que le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ait été finalement épargné par les mesures d'économie, en dépit d'un prélèvement de 450 millions d'euros sur ses réserves, cette somme étant destinée à couvrir des engagements comptables.

Le 14 février dernier, le Sénat a adopté l'ambitieuse proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Savez-vous si elle pourra être inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Je rappelle qu'elle contient des dispositions précieuses pour sanctionner les producteurs qui ne lutteraient pas efficacement contre les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage.

Par ailleurs, la directive sur les médias audiovisuels (SMA) doit être réexaminée par la Commission européenne en 2025. Cela nécessitera un fort engagement de la part de la France. Dans ce contexte, il serait très utile qu'un président du CNC puisse être rapidement nommé ; la vacance de poste depuis juin dernier peut se révéler très pénalisante. Avez-vous des informations à nous communiquer sur ce sujet ?

Enfin, le 25 septembre dernier, l'Autorité de la concurrence s'est saisie « d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition d'oeuvres cinématographiques ». De sa décision dépend, en réalité, tout l'équilibre de la chronologie des médias, pilier du financement de notre cinéma. Quelles options ont été mises sur la table et comptez-vous vous associer à cette procédure ?

Mme Sonia de La Provôté. - La programmation, le calendrier et l'attractivité des festivals de l'été dernier ont été parasités par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et la phase électorale qui a suivi la dissolution de l'Assemblée nationale.

Finalement, selon les syndicats et les professionnels du milieu, la fréquentation a été plutôt bonne. Pourtant, le bilan budgétaire de ces festivals est plutôt mauvais, voire moins bon que celui de l'année dernière, ce pour plusieurs raisons.

D'abord, l'inflation a affecté les frais de déplacement des artistes, entre autres. Ensuite, l'application des réglementations environnementales est complexe et coûteuse. Résultat : à la fin de l'été, 50 % des festivals étaient en situation déficitaire - le déficit moyen oscillant entre 75 000 et 100 000 euros - et 14 % d'entre eux annonçaient ne pas pouvoir se dérouler l'année prochaine.

Le modèle économique des festivals est un vrai sujet. À cet égard, nous avions alerté le Gouvernement sur la nécessité de maintenir et de faire évoluer le fonds festival, compte tenu des besoins nouveaux et de cette période particulière où les contraintes s'accumulent.

Le ministère envisage-t-il d'évaluer la situation actuelle ? Il conviendrait d'abonder le fonds festival, vu l'aggravation des besoins ces dernières années. Voir disparaître les festivals, c'est voir disparaître l'accès à la culture dans tous les territoires.

Mme Rachida Dati, ministre. - Nous souhaitons revoir les contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public tout en maintenant trois priorités : la proximité, le numérique et la jeunesse, la qualité de l'information. D'ailleurs, ce sont elles qui motivent la réforme de la gouvernance. Pour rappel, lorsque le président Lafon et moi-même avions discuté de la création d'une holding, voire d'une fusion de l'audiovisuel public, c'était en maintenant ces trois priorités.

Nous aimerions trouver un créneau à l'Assemblée nationale pour discuter d'une réforme de la gouvernance, afin de mener en parallèle la réforme du financement et celle de la gouvernance, mais l'incertitude demeure.

Lors de l'examen de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que les crédits de transformation devaient être intégrés aux dotations de base des sociétés.

Vous m'avez interrogé sur la répartition des 50 millions d'euros d'économies demandées à l'audiovisuel public : France Télévisions en assumera la plus grande part, à hauteur de 10 millions d'euros de plus.

Le budget de la culture est compris entre 8 milliards et 9 milliards d'euros, la moitié étant réservée aux sociétés de l'audiovisuel public. Dès lors, les économies qui leur sont demandées sont inférieures à leur poids dans ce budget.

In fine, c'est bien au Parlement qu'il reviendra de décider des affectations de crédits et des mesures d'économie. Nous pourrons en discuter ensemble, ainsi qu'avec les sociétés concernées.

M. Cédric Vial. - Allez-vous indiquer aux sociétés de l'audiovisuel public les domaines dans lesquels elles doivent réaliser des coupes budgétaires ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Pour tout vous dire, nous en discutons toujours. Je ne veux pas imposer des mesures dont la mise en oeuvre serait difficile : je préfère la concertation. En effet, les économies doivent être les plus consensuelles possible, surtout qu'elles ont été annoncées tardivement.

Quelques mots sur les droits voisins, qui sont un sujet autant national qu'européen. Nous souhaitons traduire législativement les conclusions des États généraux de l'information, qui sont d'une très grande qualité, en identifiant les titres concernés.

Dans le même esprit, nous pourrions compléter ou renforcer la protection du secret des sources des journalistes, dans la continuité de la loi du 4 janvier 2010 que j'avais défendue en tant que garde des Sceaux.

Par ailleurs, la situation de France Messagerie demeure fragile. Aussi, j'ai demandé que la mission Soriano sur la distribution de la presse, interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, soit relancée. En attendant qu'elle rende ses conclusions, nous avons maintenu l'aide à la distribution au même niveau qu'auparavant.

M. Laurent Lafon, président. - Quid du projet de création d'une Maison du dessin de presse ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Je suis en train de négocier les aspects budgétaires. Pour les journalistes, notamment, la maison du dessin de presse n'a de sens que si elle permet d'exposer des caricatures. Sur ce point, les discussions ont été vives.

En tant que ministre de la culture, je considère que l'engagement pris pour la création de cette institution doit être tenu. Encore faut-il trouver des financements. Il est par ailleurs nécessaire de tenir compte des enjeux de sécurité.

Je suis prête à discuter du contrôle sur les attributions de fréquences et à revoir les critères. Toutefois, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) accomplit déjà très bien ses missions.

Par ailleurs, ce serait une très bonne chose d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Or, pour l'heure, il n'y a pas de fenêtre d'inscription. Ainsi, le Gouvernement prendra ses responsabilités : dans la mesure où cette proposition de loi contient des dispositions très intéressantes, nous pourrons les reprendre à notre compte dans un projet de loi.

La chronologie des médias est fixée non plus pour cinq ans, mais pour trois ans. Les acteurs se plaignent de devoir procéder à des renégociations en permanence, le nouveau délai impliquant de discuter de la chronologie seulement dix-huit mois après qu'elle a été fixée. En réalité, c'est un débat de nature législative. Doit-on maintenir ce délai ? La chronologie convient-elle bien à tout le monde aujourd'hui ? Certains acteurs apprécient de mener des renégociations sur un temps court, compte tenu de l'évolution du paysage cinématographique. D'autres préfèrent une chronologie plus longue, pour disposer de suffisamment de retours et de bilans.

Depuis mon entrée en fonction, j'ai découvert le sens de l'anticipation et l'énergie dont font preuve tous les agents du CNC. Cette institution accomplit un excellent travail, avec des résultats assez spectaculaires, ne serait-ce que sur la dernière année.

Je vous renvoie au bilan du cinéma sur l'attractivité de l'économie française : le CNC fonctionne très bien et doit fonctionner encore mieux. D'où la nécessité de procéder à la nomination de son président, ce qui ne saurait tarder.

Parlons des festivals. Aujourd'hui, il en existe partout en France, dans les communes de 600 habitants comme dans celles qui en comptent 1 million. Il existe des divergences quant aux financements, aux partenaires et aux thématiques, mais les festivals font tous l'objet du même engouement. Ils garantissent un véritable accès à la culture puisqu'ils sont souvent gratuits.

Notre plan en faveur de la ruralité, d'un montant de 100 millions d'euros sur trois ans, permettra de financer de façon pérenne les festivals. Plus de 200 événements festifs seront déclinés : festivals, « villages en fête », fanfares, etc. Chaque territoire utilisera les fonds alloués pour organiser ces événements comme il le souhaite.

En outre, 200 résidences d'artistes seront organisées. En ce domaine, il y a eu une forte demande, puisqu'il est question de la mobilité des artistes dans les zones rurales.

Quant au CNC, il soutiendra près de 150 circuits itinérants. Du reste, les artothèques seront comprises dans les financements.

Les tiers-lieux ont également été intégrés au plan en faveur de la ruralité, avec un développement d'ampleur. Ils sont essentiels en ce qu'ils permettent de transformer les bâtis patrimoniaux rénovés mais non utilisés en lieux d'exposition, de projection, de rencontres ou de débats.

J'ai mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), qui sont très utiles en zone rurale.

Bref, notre plan comporte des mesures pour chaque secteur de la culture : cinéma, festivals, patrimoine, événements festifs, résidences d'artistes, etc.

L'éducation artistique et culturelle (EAC) en fait aussi partie. Je serai honnête avec vous : même si nous finançons des associations, des artistes et des formations, il n'y a pas de ligne politique en ce domaine. Je serais donc bien en peine de dresser le bilan de l'EAC. Je peux vous indiquer les montants que nous y avons alloués, mais je ne saurais vous dire quels volets ont été développés, pour quels objectifs

L'EAC est désormais de plus en plus intégrée aux programmes pédagogiques. La part collective du pass Culture y participe. J'ai ainsi été particulièrement émue de voir des enfants découvrir des oeuvres alors qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans un musée, même si celui-ci est situé à 40 mètres de leur domicile. L'articulation de la part collective et de la part individuelle du pass Culture est donc essentielle pour accompagner le cheminement des jeunes vers la culture.

Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale considère que l'EAC relève davantage du ministère de la culture, si bien que nous n'avons pas la même ligne en la matière. Il conviendrait de définir une politique publique cohérente à destination des enfants.

En résumé, les crédits alloués par le ministère en faveur de l'EAC ne sont pas négligeables. Il reste à définir une politique cohérente, faute de quoi nous serons condamnés à faire du saupoudrage via la distribution de subventions. On ne peut pas parler d'accès à la culture sans indiquer, au préalable, à quoi sert la politique que nous conduisons. L'EAC est une noble mission : elle doit avoir un sens et c'est ensemble que nous devons la bâtir.

Autre sujet : nous sommes en train de revoir les dispositifs fiscaux applicables au patrimoine en raison d'effets d'aubaine, voire d'effets de rente. Nous souhaitons également faciliter la tâche des propriétaires privés qui possèdent un patrimoine historique : cela leur coûte très cher d'entretenir ou de rénover leur bien, alors même qu'ils permettent au public d'y accéder. Nous travaillons donc à réduire certains dispositifs fiscaux et à en amplifier d'autres. En ce qui concerne en particulier le dispositif Malraux, nous pouvons unifier le taux de réduction d'impôts, mais aussi rehausser le taux pour les immeubles en site patrimonial qui sont insalubres ou en ruines. Nous souhaitons le rehausser à 50 %, à la condition que des travaux de rénovation énergétique soient menés. Sur ce sujet, je n'ai pas gagné le combat vis-à-vis de Bercy, mais sachez que c'est la solution qui est défendue par le ministère de la culture.

Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, nous nous étions engagés à la mise en place d'une disposition relative au DPE du bâti ancien avant le 31 décembre prochain, et cet engagement sera respecté.

Le Président de la République nous avait demandé de recenser l'ensemble de biens du patrimoine et d'inciter, via les directions régionales des affaires culturelles (Drac), à leur classement. L'État et les collectivités devraient y contribuer. Voilà qui permettra de sauvegarder le patrimoine, y compris privé.

Le fonds festival a été préservé, mais les zones rurales sont tout de même en fragilité.

Il faut que nous engagions une réflexion sur le modèle économique du spectacle vivant. À cet égard, j'ai demandé à la mission consacrée à ce sujet, lancée avant la dissolution, de reprendre ses travaux. Tous les représentants du spectacle vivant, quelle que soit leur tendance, s'accordent à dire que la pérennisation du financement est un problème majeur. On finance souvent des structures, mais on ne finance plus de projets.

Quant aux écoles d'art, il n'y a aucun désengagement de notre part, comme en matière de patrimoine. Le ministère ne possède toutefois ni direction de la formation ni direction de l'enseignement, ce qui rend difficile l'observation fine de ces écoles. Il en existe 99 à ce jour : 41 écoles nationales et 58 écoles territoriales, auxquelles s'ajoutent des préparatoires publiques. J'ai demandé qu'on procède au recensement de l'ensemble des écoles d'art et qu'on réalise une cartographie. Il n'y a pas de mystère : les écoles d'État sont souvent situées en milieu urbain, d'où le fait qu'elles ne soient pas forcément accessibles au plus grand nombre. Certaines écoles, telles que les Beaux-Arts ou l'École du Louvre, sont également fortement marquées par un phénomène de reproduction sociale. D'autres ne comptent pratiquement aucun élève boursier. Dans les écoles d'art payantes, les élèves n'ont pas accès aux bénéfices du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), comme les repas dans les restaurants universitaires ou les bourses.

Soyez assurés que nous allons préserver et renforcer les écoles d'art, mais que nous mènerons aussi une évaluation, car nous n'avons pas de contrôle sur les résultats de certaines écoles qui bénéficient pourtant de financements très importants de la part de l'État. Je précise que nous avons par ailleurs relancé l'apprentissage et l'alternance, qui étaient pratiquement inexistants dans les actions menées par le ministère.

M. Laurent Lafon, président. - Je vais maintenant donner successivement la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui ont souhaité s'exprimer dans le cadre de la présente audition.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Quel bonheur de vous entendre ainsi parler du pass Culture, madame la ministre ! Dès le départ, Sylvie Robert, Sonia de La Provôté, Pierre Ouzoulias et moi-même avions animé un groupe de travail sur ce sujet. Il aura fallu user quatre ministres pour entendre la cinquième nous dire, sans haine ni violence, et avec une certaine diplomatie, ce que nous affirmons depuis six ans déjà.

Par ailleurs, la condition sine qua non de la réussite de l'EAC se trouve dans les territoires, notamment les communes. À 35 kilomètres de Paris, je vous invite à visiter l'une des communes d'Île-de-France qui a été pionnière en ce domaine, dès lors qu'elle a été labellisée à 100 %.

Vous verrez à quel point le dispositif en place est performant. Il repose sur le travail des communes, comme la majorité de la culture dans notre pays.

Enfin, qui, à Bercy, en veut au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FESR) ? Ce budget, monté en quinze jours, est un document martyr que le Sénat s'efforcera d'améliorer. Toutefois, l'amputer de 10 millions d'euros, sans même prendre attache avec le ministère de la culture, ne relève pas du hasard : c'est une décision insupportable, madame la ministre ! Avez-vous des informations sur ce sujet ?

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Au sein de la commission des finances, Vincent Éblé et moi-même avons coécrit un rapport d'information sur le pass Culture. D'ailleurs, je me félicite que vous ayez repris nos recommandations, madame la ministre.

Je prends acte de votre volonté de reformater ce dispositif. Vous n'avez pas manqué d'évoquer l'écueil de la reproduction sociale, à juste titre. Pour ma part, je souhaiterais insister sur un deuxième écueil, celui du manque d'offre culturelle pour les jeunes habitants des zones rurales ou périurbaines.

Je viens d'une bourgade rurale où, dans un rayon de 20 kilomètres, il n'y a ni salle de spectacle, ni cinéma, ni théâtre, ni librairie digne de ce nom. Quant aux musées, ils sont situés encore plus loin, à au moins 40 kilomètres.

Je crois beaucoup au pass Culture. Il conviendrait toutefois d'ajouter un volet transport et mobilités à destination des jeunes qui sont éloignés de l'offre culturelle.

Mme Anne Ventalon. - Dans la période de disette économique que nous connaissons, il faut saluer les crédits alloués à la culture pour l'année 2025 et la stabilité annoncée. Néanmoins, les chantiers qui vous attendent sont de taille.

Je me félicite de votre engagement de faire de 2025 l'année du patrimoine. Les 300 millions d'euros que vous avez annoncés permettront de répondre à l'impérieuse nécessité de sécuriser, de restaurer et de valoriser le patrimoine, cher à l'ensemble des Français.

Je m'interroge sur la collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes, lancée en septembre 2023 à l'initiative du Président de la République. En un an, celle-ci totalise près de 12 millions d'euros de dons auprès de la Fondation du patrimoine : nous sommes très loin de l'objectif de collecter 200 millions d'euros d'ici à 2027.

Ce premier bilan décevant doit nous amener à élaborer, ensemble, une nouvelle politique patrimoniale. Comment pourrions-nous rassurer et accompagner les élus locaux - eux aussi soumis à de fortes contraintes budgétaires - dans l'entretien et la valorisation du patrimoine communal, notamment religieux, sans politique claire et de long terme ?

Les attentes des maires sont très fortes. Les conclusions des États généraux du patrimoine religieux seront rendues prochainement et contribueront à l'élaboration collective d'un plan adéquat.

Au demeurant, vous avez précisé vos annonces récentes concernant l'accès payant des visiteurs à la cathédrale Notre-Dame de Paris, une fois les travaux de rénovation achevés. Selon vous, la loi du 9 décembre 1905 n'est pas un obstacle à ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?

Quel que soit l'avis de chacun, la question du financement de notre patrimoine mérite d'être posée. Pensez-vous que l'entrée payante de Notre-Dame de Paris s'inscrit bien dans la mission de service public et d'ouverture culturelle de la cathédrale, ou privilégiez-vous une autre forme de financement pour préserver son accès libre, en tenant compte des valeurs historiques et symboliques qu'elle incarne pour notre patrimoine national ?

Enfin, j'ai un doute sur la possibilité de financer de façon significative et pérenne la restauration des édifices religieux en milieu rural. Comment pouvez-vous concrètement garantir que les recettes seront reversées dans les territoires qui en ont le plus besoin ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous saluons votre ténacité et tous les efforts que vous déployez pour défendre un budget de la culture solide, madame la ministre.

Je vous remercie d'avoir soutenu notre proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Nous espérons qu'elle puisse suivre son cours assez rapidement, dans le cadre de la navette parlementaire.

Par ailleurs, je me réjouis du maintien des crédits d'impôt pour le cinéma. Cela fera la grande satisfaction des régions, qui financent la production cinématographique. C'est un système donnant-donnant avec le CNC.

Vous avez affirmé qu'un pays qui ne s'occupe pas de son patrimoine ne s'occupe pas de son avenir. Or, ces dernières années, l'État et les collectivités ont fait le maximum pour investir dans le patrimoine, en particulier religieux. On peut se satisfaire d'une vraie prise de conscience et d'un effort réel, ce dont témoignent les colloques qui ont été organisés au Sénat et les rapports rédigés par plusieurs de nos collègues.

Cependant, nous devrions taper davantage à la porte de l'Union européenne. En 2023, Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même avons écrit un rapport d'information révélant que la compétence en matière de culture n'est pas revendiquée par l'Union européenne. Pourtant, les traités ne s'y opposent pas. Dans une logique de subsidiarité, mais surtout de complémentarité, l'Union européenne pourrait faire usage de cette compétence. À cet égard, nous avions formulé plusieurs propositions et même sollicité la commissaire Mariya Gabriel, dans l'espoir que l'Union européenne ouvre enfin la porte d'un financement direct affecté à la sauvegarde du patrimoine.

De même, les programmes Europe créative sont essentiels et pourraient être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine.

Par ailleurs, dans quelle mesure les collectivités seront-elles affectées par votre plan en faveur de la ruralité ? Pour rappel, elles verront leur budget amputé de 5 milliards d'euros, voire de 10 milliards.

Les collectivités ont déjà été privées de tout levier fiscal en raison de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation. Elles se trouvent prises dans un effet de ciseaux, alors qu'elles accompagnent 80 % des structures du spectacle vivant.

Les collectivités s'efforcent d'opérer les choix les moins douloureux possible, à l'heure où tout le maillage territorial est affaibli, au risque de se désagréger.

Au Sénat, nous défendons les collectivités territoriales. Vous avez raison, nous devons réfléchir au modèle économique du spectacle vivant. Toutefois, les collectivités vont se trouver dans une impasse budgétaire cette année.

Enfin, vous revendiquez l'ambition louable de faire du Centre national de la musique (CNM) l'équivalent du CNC. Cependant, comparaison ne vaut pas raison : le spectacle vivant, en particulier la musique, est hautement subventionné, à hauteur de 80 %, ce qui n'est pas le cas du secteur du cinéma. Cela suscite donc quelques inquiétudes.

Va-t-on complètement « agenciariser » le secteur de la musique ? Le cas échéant, le ministère de la culture ne jouerait plus son rôle de structuration avec les collectivités territoriales, à moins que vous ne conserviez la direction de la musique.

Mme Sylvie Robert. - Je me réjouis que les crédits de transformation soient intégrés aux crédits de base des sociétés d'audiovisuel public. Ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement : en 2024, un certain nombre d'entre eux ont été annulés, voire non versés, dès lors qu'ils étaient suspendus à la réforme de la gouvernance. Ces crédits de transformation vont-ils être finalement versés aux sociétés ?

Vu les 50 millions d'euros d'économies qui pèseront essentiellement sur France Télévisions, l'équation va être très complexe ; nous aurons quelques difficultés à accepter les trajectoires annoncées. Les économies de 200 millions d'euros annoncées sur quatre ans sont-elles réelles ?

Au demeurant, je suis très intéressée par votre plan en faveur de la ruralité. Pour autant, de nombreuses questions posées par mes collègues démontrent qu'il n'y a pas forcément de transparence dans la façon dont il sera déployé dans les territoires.

Nous aimerions en savoir plus sur la manière dont ce plan sera déployé dans les territoires. S'agira-t-il de crédits déconcentrés aux Drac, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes ? Elles n'ont pas toujours les moyens de procéder à des expertises notamment dans les communes très rurales, isolées, où il est difficile de se déplacer et d'accompagner les élus. Quelle sera la méthode pour définir les crédits octroyés : ceux-ci seront-ils définis de manière centralisée, en fonction des besoins du terrain ou selon d'autres critères, tels que le nombre d'habitants, etc. ?

Demain, avec Else Joseph et Monique de Marco, nous rendrons les conclusions de notre rapport sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP. Nos auditions ont révélé un nombre important d'atteintes à la liberté de la création. Cela pose la question de l'effectivité de la loi. Avez-vous été alertée sur ce sujet ? Envisagez-vous d'intervenir pour essayer de comprendre ce qui se passe ?

Mme Monique de Marco. - Une baisse des crédits de l'audiovisuel public de 50 millions est envisagée l'année prochaine. Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, une holding devrait être créée. Quel sera son financement ? Bénéficiera-t-elle de moyens spécifiques ? Des crédits supplémentaires sont-ils prévus ou bien la réforme se fera-t-elle à moyens constants ?

Le Centre national de la musique a été créé en 2020. Il a pour vocation d'être le centre de toutes les musiques et de garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Lors de son audition, M. Thiellay, son président, nous a indiqué que la taxe streaming avait rapporté moins que prévu, en raison de diverses réticences ou de difficultés d'application. La taxe sur la billetterie constitue la principale source de financement du CNM. Son produit est amené à croître dans les prochaines années, comme l'indique le contrat pluriannuel d'objectifs et de performances du CNM. Le montant affecté au CNM est plafonné à 50 millions aujourd'hui, mais les recettes issues de cette taxe dépassent cette somme. Comptez-vous déplafonner cette taxe ?

Mme Laure Darcos. - Je me réjouis de vos propos sur le crédit d'impôt en faveur du cinéma et des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica), mais chaque année Bercy et les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat cherchent à le réduire. Nous devrons donc être vigilants sur le sujet. L'an passé, avec Sylvie Robert, nous avons bataillé sur cette question et le vote s'est joué à deux voix !

Les grandes plateformes, comme Amazon, se masquent derrière le secret des affaires pour ne pas révéler leur chiffre d'affaires et donc se soustraire à leurs obligations de financement de la création cinématographique.

Amazon va contourner la loi qui l'oblige à facturer au minimum 3 euros chaque livraison de livres, puisque ses clients pourront bénéficier d'une livraison gratuite s'ils récupèrent leur commande dans un des 2 500 points de retrait situés dans un endroit qui vend également des livres. C'est très grave, car cela aggravera la situation des libraires. Il importe que les frais de port soient les mêmes pour Amazon et les libraires indépendants.

Mme Else Joseph. - Vous avez évoqué un recentrage du pass Culture. L'année dernière nous nous étions interrogés sur l'opportunité d'une ouverture du dispositif au patrimoine. Qu'en pensez-vous ?

Dans le cadre de notre mission d'évaluation des dispositions de la loi LCAP, nous avons pu constater que les Drac étaient dans une situation de grande fragilité. Leur mission d'expertise et de soutien en matière d'ingénierie est pourtant cruciale pour les collectivités.

L'année dernière, avec Catherine Morin-Desailly, nous avons rédigé un rapport intitulé : Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner. La compétence de notre pays dans ce domaine est reconnue dans le monde. Comment comptez-vous développer ce volet de notre politique culturelle au niveau international ? Envisagez-vous d'accroître la collaboration avec le ministère des affaires étrangères sur ce sujet ?

M. Adel Ziane. - Je partage les inquiétudes de Catherine Morin-Desailly. Les villes sont en première ligne sur les questions culturelles. Elles constituent des leviers puissants pour faire rayonner la culture dans les territoires. Or il est question d'opérer une ponction sur leurs budgets.

Vous souhaitez que 2025 soit l'année du patrimoine. Nous nous en réjouissons. Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen présenteront demain le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les architectes des bâtiments de France. Nos auditions ont confirmé l'importance de leur rôle. Vous avez évoqué une enveloppe de 300 millions d'euros pour le patrimoine. Il y a urgence. Les professionnels de la restauration et du secteur des monuments historiques ont besoin de savoir dès maintenant comment l'année 2025 se passera, comment ces crédits seront utilisés.

Vous avez mentionné les grands travaux dans les musées parisiens, en particulier au centre Pompidou. Vous avez aussi évoqué des pistes de financement, comme des tarifs différenciés pour les touristes étrangers. La France accorde la gratuité des collections permanentes des musées nationaux aux jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l'Union européenne, mais certains pays européens, comme l'Italie ou l'Espagne, ne pratiquent pas cette gratuité. Comment comptez-vous avancer sur cette question pour trouver de nouveaux financements pour les musées ?

Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques restent stables, à 9,7 millions d'euros. Les grands musées parisiens ont la capacité de lever des fonds et de recourir au mécénat, mais pour les établissements en région, c'est plus difficile et ces crédits semblent bien faibles pour leur permettre d'enrichir leurs collections.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - J'avais alerté le Président de l'Arcom, lors de son audition le 16 octobre par notre commission, sur la coupe budgétaire de plus de 10 millions d'euros prévue par le projet de loi de finances 2025 des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Consciente des conséquences dramatiques de cette baisse pour nos radios associatives, vous avez tenu à réagir rapidement, madame la ministre, à la suite à mon intervention et de celle des syndicats. Je tiens à vous remercier.

La semaine dernière vous avez ainsi annoncé lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale que la baisse annoncée de 35 % des crédits de ce fonds n'aurait pas lieu. Je me réjouis donc sincèrement de cette bonne nouvelle qui a été perçue comme une véritable marque de reconnaissance par les radios associatives. Toutefois, le Gouvernement n'a pas précisé les modalités de l'annulation de cette baisse. Dans la mesure où le fonds de soutien à l'expression radiophonique est également financé par le plan Culture et Ruralité, qui est inclus dans la mission « Culture » du PLF, le Gouvernement pourrait-il envisager une augmentation du budget de ce plan ? Cette annulation sera-t-elle préservée en cas de recours à l'article 49.3 ?

Enfin, les radios associatives s'interrogent sur l'avenir. Pouvez-vous les rassurer en leur affirmant que la question ne se posera pas à nouveau l'année prochaine ? Ce fonds est au coeur de leur modèle économique. Il contribue à hauteur de 40 % à leur budget. On comprend leurs inquiétudes. Je ne doute pas une seule seconde, madame la ministre, de votre engagement à leur côté.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à mon tour à vous remercier d'avoir convaincu vos collègues de Bercy de renoncer au projet de réduction de près d'un tiers des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont l'annonce avait mis en émoi les radios associatives. Cette subvention est en effet vitale pour leur équilibre financier et pour les emplois.

Je vous remercie aussi pour la priorité que vous accordez au patrimoine. Je voudrais insister sur la nécessaire sauvegarde du patrimoine religieux remarquable, qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, mais qui est très emblématique de nos territoires, notamment ruraux. Dans la situation que l'on connaît actuellement, cette sauvegarde ne peut pas être une priorité des collectivités : l'État doit venir à leur aide pour assurer les travaux les plus urgents. C'est pourquoi je soutiens votre proposition visant à instaurer un droit d'entrée pour les touristes. La recette escomptée de 75 millions sera-t-elle déconcentrée dans les Drac, afin que cet argent ruisselle un peu dans tous les territoires ? En flécherez-vous une partie vers ce patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit ?

2025 sera l'année du patrimoine. Ne pourriez-vous pas demander aux préfets, grâce à a la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de mettre un accent particulier sur les questions relatives au patrimoine pour aider les collectivités qui connaissent des difficultés financières ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Nous présenterons demain, avec Pierre-Jean Verzelen, les conclusions de notre rapport sur les architectes des bâtiments de France (ABF). Nous mettons en lumière le sous-effectif des ABF, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas toujours exercer leurs missions de conseil et d'accompagnement auprès des élus locaux. Nous préconisons le recrutement d'un ABF supplémentaire par département, pour faire face à la hausse du nombre d'avis qu'ils doivent rendre, puisque ces derniers ont augmenté de 63 % entre 2013 et 2023. Nous plaiderons en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances. Qu'en pensez-vous ? Je soutiens à cet égard les propos d'Anne Ventalon, qui avait corédigé avec Pierre Ouzoulias un rapport sur l'état du patrimoine religieux.

Nous soulignons également le manque d'ingénierie juridique et technique des communes rurales pour entretenir et valoriser leur patrimoine. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des collectivités dans ce domaine ?

Vous avez annoncé l'octroi de 300 millions supplémentaires pour le programme 175. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements. L'un d'eux vise à augmenter de 2 millions les crédits du fonds incitatif et partenarial, qui joue un rôle précieux pour soutenir les petites communes, dotées de faibles ressources, dans leur politique de restauration du patrimoine. Un autre amendement prévoit la création d'un fonds de 6 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien et la valorisation du patrimoine local. Quel regard porterez-vous sur ces différents amendements ?

Nous avons été interpellés par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques sur un autre amendement qui prévoit la suppression de l'affichage publicitaire sur les monuments pendant les travaux de restauration. Cela aurait un impact sur le financement des projets de restauration. Quel est votre avis sur cet amendement ?

Comment expliquer la baisse de 10 ETP pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ?

Enfin, je rejoins entièrement les propos de Sabine Drexler sur le DPE pour le bâti ancien.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Décloisonner la culture dans tous les territoires et pour tous les publics est l'un des axes majeurs de votre politique. Le 11 juillet dernier, vous avez ainsi annoncé le plan Culture et Ruralité.

Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été supprimé par le dernier projet de loi de finances. Ce fonds, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, finançait de nombreux projets culturels pour les scolaires. Faute de financement, de nombreuses communes n'auront plus d'autre choix que d'opter pour la semaine des quatre jours et d'abandonner de nombreux projets culturels. La ministre de l'éducation s'est engagée, sans autre précision, à mettre en place une aide spécifique aux communes rurales. Votre ministère est-il associé à ces travaux ? Les projets menés sur le temps périscolaire pourraient-ils bénéficier du plan Culture et Ruralité ou d'un autre dispositif de votre ministère ?

L'entretien du patrimoine de proximité est le point noir du budget de la culture. Les besoins de fonctionnement et d'investissement dépassent le montant de la dotation budgétaire. Ce domaine mériterait un plan Marshall. Le rapport sénatorial Patrimoine religieux en péril : la messe n'est pas dite paru en juillet 2023 indique qu'entre 2 500 et 5 000 édifices sont menacés d'être abandonnés, vendus ou détruits d'ici à 2030.

Vous nous invitez à bâtir une nouvelle politique patrimoniale. Mais la première mesure ne devrait-elle pas de réfléchir aux prescriptions des architectes des bâtiments de France, dont les exigences peuvent parfois conduire à l'abandon des projets de restauration ? On ne peut avoir en effet les mêmes exigences pour nos églises rurales que pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Par ailleurs, beaucoup de communes rurales ne connaissent pas le fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine. Ne faudrait-il pas améliorer la communication à ce sujet ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je salue, madame la ministre, votre effort budgétaire en faveur de l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances pour 2025, puisque 47,6 millions d'euros sont prévus pour soutenir les opérations de terrain : 33,4 millions pour le fonds national d'archéologie préventive et 14,2 millions pour accompagner les collectivités dans les diagnostics. Néanmoins, certaines communes rurales rencontrent encore de grosses difficultés pour mener à bien des projets d'intérêt général, tels que la construction de maisons de santé, en raison du niveau du reste à charge des fouilles préventives qu'elles doivent acquitter. Dans ce contexte, ne serait-il pas possible de moduler les taux d'intervention du fonds d'archéologie préventive pour tenir compte à la fois de la fragilité financière des communes et de la nature des projets, notamment quand ils répondent à des enjeux de services publics ?

Mme Rachida Dati, ministre. - C'est à l'échelon local que l'on sait le mieux quelles sont les actions les plus pertinentes en matière d'éducation artistique et culturelle (EAC). Nous continuerons à attribuer des labels 100 % EAC, mais dans un souci de cohérence et en évitant le saupoudrage qui a pu être pratiqué parfois. Sinon, personne n'est content. Les élus locaux sont déçus et, finalement, la politique culturelle en pâtit. Ce label doit s'inscrire dans une collaboration avec les collectivités.

Nous sommes d'accord sur le pass Culture. Le dispositif était complexe : on ne savait pas comment y accéder. L'utilisateur devait déjà connaître l'activité culturelle qu'il recherchait. Rien n'était proposé spontanément. En somme, on pouvait aller voir un spectacle à la Comédie française avec ce pass, à la condition de connaître déjà l'existence du pass, le titre du spectacle et l'existence de la Comédie française ! Ce n'est pas le rôle que je souhaitais assigner à ce pass, notamment dans sa partie individuelle. Or l'articulation entre les parties collective et individuelle me semble capitale.

J'avoue que je n'ai pas essayé de comprendre pourquoi il était prévu de supprimer le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Mais chacun sait dans quelles conditions le budget a été élaboré. Ce n'est pas la seule erreur que j'ai pu rattraper in extremis : par exemple, il était prévu de supprimer des postes dans un établissement qui était en travaux, car celui-ci avait été considéré à tort comme étant fermé définitivement. La suppression du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale était un loupé, que j'ai corrigé : je l'avais indiqué avant même mon audition à l'Assemblée nationale, car je connais l'importance des radios associatives, qui sont très implantées dans les territoires et très imprégnées des problématiques locales.

Je me suis posée, comme vous, la question comme vous de savoir s'il fallait intégrer une part relative à la mobilité dans le pass Culture. J'y ai renoncé, car cela reviendrait à amputer à due proportion la part consacrée à l'accès à la culture. C'est pourquoi nous avons préféré travailler avec les collectivités, notamment avec les régions, qui ont la compétence transport. Dans des endroits où le transport est compliqué, des expérimentations de covoiturage culturel ont vu le jour, notamment durant la période des festivals. Il est donc intéressant de financer des associations qui réalisent un tel covoiturage. De même, on pourrait aussi utiliser le transport scolaire pour emmener les enfants à une activité culturelle. La question de la mobilité est sensible, car elle soulève un sujet de responsabilité pénale pour le transport, notamment pour le personnel de l'éducation nationale.

La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes a permis de récolter 12 millions d'euros. Les petites souscriptions sont très utiles pour financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, car ce patrimoine ne bénéficie pas de subventions. Cette collecte a eu du mal à démarrer. L'objectif était de récolter 200 millions d'euros en 4 ans. Nous en sommes loin. C'est pourquoi nous cherchons à revoir les modalités de cette souscription. Les Français veulent savoir ce qu'ils financent. C'est d'ailleurs pour cela que le loto du patrimoine marche bien, ou que les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ont été nombreux. Nous sommes donc en train de revoir les modalités de cette souscription afin de mieux identifier le patrimoine que l'on souhaite financer.

J'en viens à la politique de tarifs différenciés. Je voulais pratiquer des tarifs différenciés entre les Français et les étrangers, mais on doit traiter à l'identique les citoyens français et les ressortissants des pays de l'Union européenne, même s'il est vrai que tous les pays européens ne respectent pas cette exigence de réciprocité. Cette politique de tarifs différenciés visera donc les ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Les recettes permettront de financer évidemment les établissements visités, mais elles pourront aussi être redistribuées le cas échéant pour financer le patrimoine sur tout le territoire.

Les droits d'entrée à Notre-Dame de Pa ris pourraient être collectés par le Centre des monuments nationaux. Une partie des 75 millions perçus seraient reversés au diocèse de Paris et le reste serait redistribué sur les territoires pour financer la rénovation du patrimoine. On n'a pas besoin de toucher à la loi de 1905. C'est faire preuve de mauvaise foi que de prétendre le contraire !

Pour répondre à votre question sur le désengagement de l'État en matière culturelle et sur la baisse des dotations pour les collectivités, je trouve que l'État finance beaucoup en la matière et ne se désengage pas. Certaines collectivités ont fait le choix politique de réduire des subventions culturelles. L'État et le ministère de la culture ne se désengagent pas. Les crédits augmentent. Ce n'est pas un affichage ou un système de vases communicants entre les différentes dotations, c'est un choix politique que nous faisons. Ensuite, comme je l'ai dit lorsque j'ai annoncé la mise en oeuvre d'un tarif différencié à Notre-Dame, nous devons être innovants, sinon on sera obligé de multiplier les taxes, les impôts et finalement de fermer la boutique ! Il serait possible aussi d'imaginer, en lien avec la Banque des territoires l'octroi de prêts à taux zéro pour les petites communes. Les avances des Drac pourraient être plus importantes et être négociées plus en amont d'un projet. Le plan Culture et Ruralité renforce l'appui en maîtrise d'ouvrage des Drac.

Ce plan consiste, pour l'essentiel, en un financement déconcentré, mais celui-ci est décidé en proximité. Ce plan n'a pas été décidé au niveau central. Nous nous sommes appuyés sur les près de 50 000 contributions que nous avons reçues - 35 000 nous ont été adressées de manière très formalisée, les autres par mail - de la part de tous les acteurs : élus ruraux, associations, collectifs, acteurs culturels, etc.

La diversité de notre territoire national fait la richesse et la beauté de notre pays. Gap et Briançon, ce n'est pas la région parisienne. Les enjeux varient selon les lieux. Nous avons donc essayé de faire du sur-mesure. Les crédits déconcentrés varieront en fonction du plan qui a été élaboré : selon les endroits et les demandes des communes, on financera des résidences d'artistes, des festivals, des actions patrimoniales, etc.

Les unités départementales de l'architecture et du patrimoine sont en sous-effectif. Je considère que ces services sont sous-dimensionnés et c'est l'objet d'un combat que je mène avec Bercy. J'essaie d'y pallier avec le plan Culture et Ruralité. Si ce plan fonctionne et si l'on fait la preuve de sa pertinence pour les Udap, les ABF ou l'accompagnement en maîtrise d'ouvrage et en ingénierie, je ne vois pas comment il serait possible, au terme des trois ans, de revenir en arrière. Je me sers donc de ce plan pour obtenir à terme une pérennisation de ces dispositifs, qui, j'y insiste, n'ont pas été conçus uniquement de manière centralisée.

En ce qui concerne le CNM, je ne veux pas non plus affaiblir ce qui fonctionne aujourd'hui. La question du plafonnement des taxes est un sujet. Le rendement de la taxe streaming n'est pas encore très élevé, mais il faudra à terme que l'on parvienne à rehausser les plafonds. Nous pouvons y arriver, même si, vous avez raison, l'écosystème du cinéma n'est pas le même que celui de la musique. La musique est beaucoup plus subventionnée que le cinéma. J'aimerais toutefois que le Centre national de la musique devienne un genre de CNC à terme et qu'il fonctionne davantage en autonomie. On peut aussi réfléchir à l'articulation entre le CNM et la direction générale de la création artistique du ministère de la culture. Le CNM a été créé il y a quatre ans, ce qui est récent. Mais je vous rejoins et nous pourrons nous battre ensemble pour relever les plafonds des taxes affectées.

J'ai saisi le médiateur du livre à la suite des annonces d'Amazon.

En ce qui concerne les crédits de transformation de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que je souhaitais, comme vous, qu'ils soient intégrés dans les dotations de base. La réforme a été décalée dans le temps : les crédits de 2024 seront versés en 2025 et ceux de 2025 le seront en 2026.

J'annoncerai un plan avant la fin du mois sur la liberté de création. L'enjeu dépasse la création artistique. Il s'agit d'une liberté fondamentale.

M. Laurent Lafon, président. - Vous avez indiqué que la billetterie de Notre-Dame de Paris serait gérée par le CMN. Cela signifie-t-il que les projets qui ne seraient pas gérés par cet organisme ne pourraient pas bénéficier de ces fonds ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Il s'agit de précisions que l'on doit encore apporter. On aurait pu confier la collecte au diocèse avant de redistribuer les crédits ensuite, mais il semble plus judicieux de charger le CMN de la collecte. Notre-Dame sera dotée d'une billetterie. Des billets gratuits pourront donc être délivrés. La billetterie peut ainsi être utilisée pour la contribution que vous évoquez. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif nouveau à imaginer. Il serait possible de le mettre en oeuvre très rapidement si le diocèse est d'accord.

Enfin, j'indique que je souhaite avoir votre aide pour développer notre expertise culturelle à l'international. Vous avez raison : le ministère de la culture ne se vend pas très bien à l'international. Pourtant, à chaque fois que je me déplace à l'étranger, je suis sollicitée pour obtenir un soutien en matière d'expertise architecturale, archéologique, muséale ou patrimoniale. Je viens ainsi de signer avec le Kazakhstan un accord en la matière. D'autres pays sont intéressés par notre expertise : l'Inde, certains pays africains, etc. Nous sommes très sollicités sur cet aspect-là, qui constitue un élément majeur pour notre rayonnement. Or le ministère de la culture est assez en retrait sur cette question. Nous ne travaillons pas assez avec le ministère des Affaires étrangères, même si je ne sais pas si c'est le rôle du Quai d'Orsay de « vendre » notre expertise. Le ministère de la culture pourrait s'emparer de cette question pour mieux mettre en valeur notre expertise à l'international. Tous les accords que nous avons signés en ce domaine l'ont été parce que nous avons été sollicités par les autres pays. D'une manière générale, une demande existe sur les opérateurs de la culture, sur le mobilier national ou sur les céramiques de Sèvres, mais il nous appartient aussi de pousser ces sujets.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie.


* 1 Voir à ce sujet l'avis budgétaire de Jérémy Bacchi pour la commission.

* 2 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20241028/cult.html#toc3

* 3  https://videos.senat.fr/video.3039626_634f951450b4a.table-ronde-sur-la-situation-du-centre-national-de-la-musique-

* 4 Issue d'une proposition de loi de la sénatrice Laure Darcos.

* 5 https://www.sne.fr/actu/le-partage-de-la-valeur-entre-auteurs-et-editeurs-une-etude-economique-du-sne/

* 6 https://e-enfance.org/informer/jeux-video/laddiction-aux-jeux-video/

* 7 GTA 5, sortie en 2005, aurait rapporté plus de huit milliards de dollars.

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