EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen des rapports pour avis d'Alexandra Borchio Fontimp, Stéphane Piednoir et Jacques Grosperrin, consacrés respectivement aux crédits de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'enseignement scolaire et au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis des crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - J'interviens pour la première fois en qualité de rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la recherche, prenant la suite de notre collègue Laurence Garnier, que je remercie pour la qualité de son travail et de nos échanges sur un enjeu aussi complexe que fondamental pour notre pays.
Comme vous le savez, la politique publique de recherche fait l'objet depuis 2020 d'une programmation pluriannuelle qui couvre la période 2021-2030. Notre commission avait salué ce réarmement budgétaire tant attendu après des années de sous-investissement chronique, tout en émettant des réserves à la fois sur la durée de cette programmation et sur son niveau d'intensité. Celles-ci trouvent une résonance certaine aujourd'hui avec le budget de la recherche qui nous est proposé pour 2025.
Je le dis d'emblée avec beaucoup de conviction - étant élue des Alpes-Maritimes, un département où l'enseignement supérieur et la recherche occupent une place prépondérante grâce notamment à la technopole de Sophia-Antipolis et à l'université Côte d'Azur labellisée « Initiative d'excellence » (Idex) : la recherche constitue la source principale de progrès économique, social et culturel, le socle de l'excellence académique, et le meilleur gage de compétitivité pour notre pays. C'est donc un investissement d'avenir sur lequel il n'est pas possible de transiger. La France ne peut se permettre de prendre à nouveau du retard dans un contexte international très concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, la dynamique de réinvestissement engagée par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR) doit être sanctuarisée. Et justement, dans un contexte de contrainte globale pesant sur les finances publiques, le secteur de la recherche est préservé des coupes budgétaires. Le programme 172, qui est son principal financeur, progressera d'une soixantaine de millions d'euros en 2025 pour atteindre 8,3 milliards d'euros. Sur la période 2020-2025, son enveloppe annuelle aura augmenté de 1,4 milliard d'euros, reflet d'un réel effort budgétaire.
Toutefois, compte tenu de l'effort de maîtrise financière collectivement demandé, la programmation prévue par la LPR ne pourra pas être tenue dans son intégralité. Entre le programme 172 et le programme 150 - dont parlera mon collègue Stéphane Piednoir -, le budget proposé concrétise une cinquième « marche » de 154 millions d'euros, soit près d'un tiers de celle qui est prévue par la LPR. Autrement dit, celle-ci va continuer à produire ses effets, mais avec une intensité moindre que celle qui est programmée. Après quatre années de respect de la trajectoire, cette inflexion de dynamique inquiète fortement les acteurs de la recherche, qui m'ont tous dit craindre un « retour en arrière ».
J'entends les déceptions qui s'expriment et les doutes qui s'installent. C'est pourquoi je crois nécessaire que la clause de revoyure, qui aurait dû être activée en 2023, le soit très rapidement par le nouveau ministre. Ce rendez-vous doit être l'occasion de dresser un bilan exhaustif de la LPR, de faire le point sur la trajectoire au regard des aléas conjoncturels qui l'affectent et surtout, de rassurer le monde de la recherche de l'engagement commun du Gouvernement et du Parlement à poursuivre la dynamique de réinvestissement public.
Ce cadre général posé, je souhaite insister sur trois aspects de ce budget 2025.
Le premier concerne la priorité qui est donnée à la préservation des mesures de revalorisation des métiers de la recherche. Je souscris pleinement à ce choix pour trois raisons : d'abord, le décrochage de la France en termes de niveau de rémunération de ses personnels de recherche n'est pas acceptable ; ensuite, le besoin de revalorisation est amplifié par le contexte inflationniste qui absorbe une part des augmentations salariales permises par la LPR ; enfin, il s'agit d'une question de respect de l'engagement pris à l'égard des organisations représentatives du personnel signataires du protocole « RH » du 12 octobre 2020.
Pour poursuivre sur ce volet « emploi », je regrette que le financement du dispositif des chaires de professeur junior (CPJ) ne soit, à ce jour, pas assuré pour 2025. Alors que cette nouvelle voie de recrutement est en plein déploiement avec de premiers résultats satisfaisants, son « gel » constituerait un mauvais signal à la fois pour la confiance en la parole donnée par l'État et pour l'attractivité de la recherche française aux yeux de profils scientifiques bien spécifiques.
J'appelle donc le nouveau le ministère à ne pas faire de 2025 une année blanche pour les CPJ. Comme l'ont suggéré plusieurs opérateurs de recherche, une solution intermédiaire consisterait à « basculer » les postes de CPJ non pourvus en 2024 sur 2025, ce qui permettrait de maintenir le dispositif avec un calibrage moins ambitieux que celui qui est prévu initialement.
Le deuxième sujet que je souhaite soulever concerne la situation financière des grands opérateurs nationaux de recherche. Malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, ceux-ci verront leur subvention versée depuis le programme 172 progresser, à hauteur d'une dizaine de millions d'euros pour l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et d'une trentaine de millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Leurs dirigeants, que j'ai reçus, sont évidemment satisfaits de l'absence de « coup de rabot », mais tous m'ont alertée sur le niveau de leur subvention respective qui ne permet pas de couvrir les dépenses de masse salariale induites par les mesures de revalorisation « fonction publique » de 2022 et de 2023 et par la mesure « CAS Pensions » prévue pour 2025.
À la sollicitation de leurs fonds de roulement et de leurs trésoreries, pourraient succéder des mesures d'économies de fonctionnement, voire des restrictions budgétaires sur des programmes d'investissement et sur certaines activités de recherche. L'Inrae envisage ainsi de redimensionner à la baisse ses investissements dans la rénovation énergétique, et l'Inserm de réduire la voilure de son plan d'équipement immobilier, voire de diminuer ses dotations à certaines unités de recherche. Il me semble que nous atteignons là un stade très critique qui doit collectivement nous interroger...
Troisième problématique de ce budget, les moyens dédiés à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Comme vous le savez, sa montée en charge financière grâce à la LPR a deux effets très significatifs : l'augmentation du taux de succès aux appels à projets, qui est aujourd'hui de 25,2 % ; le relèvement du préciput, qui atteint les 30 %, avec une clef de répartition profitant à l'ensemble des parties prenantes aux projets de recherche.
Le PLF pour 2025 poursuit la trajectoire d'augmentation du budget d'intervention de l'ANR, mais dans une proportion inférieure à celle qui était prévue par la LPR. Je veux souligner un autre constat : l'ANR fait face à un décalage entre les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP), dont le niveau ne « suit » pas. Elle chiffre ainsi à 210 millions d'euros son besoin en CP supplémentaires pour honorer les engagements pris jusqu'en 2024. Un travail est en cours avec le ministère pour tenter de rectifier le tir. Il me semble que notre commission pourrait intercéder auprès du ministre pour garantir un budget soutenable à l'ANR en 2025.
Au-delà de ce panorama budgétaire, j'ai souhaité profiter de cet avis pour m'intéresser à trois sujets plus structurels, qui concernent l'organisation de notre écosystème de recherche. Sans les détailler - je vous renvoie pour cela à mon rapport écrit -, je tiens à partager quelques remarques sur chacun d'entre eux.
La gouvernance, tout d'abord, avec le déploiement depuis le début de cette année de sept agences de programmes pilotées par les grands opérateurs de recherche. Si cette première phase d'installation semble s'être globalement bien déroulée, j'appelle à la vigilance sur un point particulier : les agences de programmes ne doivent pas devenir des monopoles pour les organismes nationaux de recherche (ONR) pilotes ; leur mission première est d'assurer une meilleure coordination entre les acteurs, sans en exclure certains ou se substituer à d'autres.
La simplification de la recherche, ensuite, avec la mise en place de mesures expérimentales sur 17 sites universitaires. Il me semble indispensable de poursuivre, voire amplifier, ce chantier, lancé par la précédente ministre : il devient urgent de redonner du temps et du sens à la recherche et d'alléger les contraintes administratives qui pèsent sur nos chercheurs - je crois que le nouveau ministre en est pleinement convaincu.
La collaboration entre la recherche publique et le secteur privé, enfin, avec l'annonce d'un travail sur « un pacte public-privé pour la recherche », initiative dont je me réjouis. Malgré une réelle évolution des mentalités, une méconnaissance mutuelle, voire une certaine défiance persiste entre ces « deux mondes », qui ont pourtant tant à gagner d'une coopération plus poussée.
J'espère que le Sénat sera associé à la concertation souhaitée par le ministre, car je crois beaucoup aux synergies qui peuvent naître, dans nos territoires, entre les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche et ceux de la sphère économique. Les opérateurs de recherche que j'ai auditionnés se disent d'ailleurs convaincus du bien-fondé et de la nécessité d'une telle démarche.
Tels sont les constats et remarques dont je souhaitais vous faire part dans le cadre de l'examen de ce projet de budget de la recherche pour 2025. Je vous propose de donner un avis favorable, assorti des points des vigilances que j'ai mentionnés.
M. Stéphane Piednoir. - Je vous félicite, madame la rapporteure, pour la maîtrise dont vous faites preuve dans ce premier exercice du genre. Votre rapport est approfondi et balaie l'ensemble des sujets.
Vous avez évoqué la poursuite de la LPR. Chacun se souvient des débats que nous avons eus lors de l'examen de ce texte et de la volonté du Sénat de concentrer les moyens sur un délai plus court de sept ans, au lieu des dix ans retenus. Nous en sommes à la cinquième année... Autrement dit, nous serions presque à la fin du parcours et tous les crédits auraient déjà été consommés !
Les mesures salariales ont été préservées en dépit du contexte budgétaire, c'est une bonne chose En revanche, la clause de revoyure, qui devait avoir lieu en 2023, mériterait d'être activée - a fortiori sur un délai de dix ans. Cela fait partie des sujets que nous devons soutenir auprès du nouveau ministre de la recherche.
Je partage votre constat sur l'arrêt provisoire des CPJ, qui pourrait devenir définitif. Cette forme originale de recrutement a pourtant montré son utilité dans nombre d'universités.
Concernant les opérateurs de recherche, je suis étonné de la variation à la hausse qui figure sur le tableau, concomitamment à une volonté d'économie envisagée par ces mêmes opérateurs sur certains postes budgétaires. J'y vois une sorte de schizophrénie, et ceux-ci risquent in fine de ne pas échapper au « coup de rabot » général dans le PLF. Avez-vous examiné en détail le fonds de roulement de chacun ? Qu'en est-il de l'augmentation prévue dans le programme 172 ?
J'en viens au décalage entre les AE et les CP de l'ANR. Est-ce une pratique commerciale ? J'ai du mal à identifier la manoeuvre qui la sous-tend.
Enfin, sur les agences de programme, vous avez parlé de monopole. C'est ainsi que le vivent les opérateurs non désignés comme pilotes. Quid de la simplification de la recherche ? Pourra-t-on un jour parler sereinement du nombre de tutelles maximum autorisées pour un programme de recherche ? Quand il existe sept tutelles différentes, les chercheurs eux-mêmes ne savent plus pour qui ils travaillent. Il y va de la lisibilité à l'étranger de notre recherche française.
Eu égard au travail réalisé par la rapporteure, nous suivrons son avis favorable.
M. David Ros. - Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), je remercie la rapporteure de la teneur des différentes auditions et du temps accordé à chacun pour poser toutes les questions nécessaires. J'ai aussi apprécié que nos débats s'enrichissent de nouveaux acteurs.
Je partage totalement son diagnostic, complété par les réserves de Stéphane Piednoir. En revanche, en cette période de fortes contraintes budgétaires, je n'aboutis pas du tout à la même conclusion. Lors de son audition devant notre commission l'année dernière, la ministre nous avait fait part d'une année d'efforts remarquables de la part des différents acteurs concernés, qui sont extrêmement raisonnables et responsables. Or une deuxième année exceptionnelle devient du quotidien, qui fait prendre énormément de retard sur la programmation de la LPR. Je rejoins mes collègues sur la clause de revoyure : elle est nécessaire, même à la baisse. C'est une question de lisibilité. Et la morosité ambiante n'est pas bon signe pour la suite...
Le groupe donnera un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche.
Mme Laure Darcos. - À mon tour de saluer le travail de la rapporteure. J'ai regardé attentivement la LPR, et comme David Ros, je suis très inquiète de l'absence de clause de revoyure et de cette tendance à baisser certains moyens de l'ANR. Nous avions accepté que la programmation dure dix ans, à condition que les premières années soient davantage abondées. Cela fut le cas seulement pour deux exercices. Aujourd'hui, malgré les succès d'appels à projets de plus en plus importants de l'ANR, l'avenir s'assombrit.
Je déplore également la possible disparition des CPJ, qui commençaient à trouver leur rythme de croisière et ont apporté une vision différente du recrutement au sein des universités et des organismes de recherche.
Je vous remercie de vos propos sur les agences de programmes, qui ne doivent pas se substituer aux établissements de recherche. J'avais posé la question au ministre lors d'une audition, et il nous avait donné des assurances à ce sujet.
Vous n'avez rien dit des sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), qui sont très inquiètes car elles risquent de disparaître. Or il s'agit d'un levier important au moment où les projets de recherche doivent passer à la pré-industrialisation.
Je m'interroge aussi sur le crédit d'impôt recherche (CIR). À l'heure des économies, je suggère de revoir les crédits d'impôts des très grosses entreprises et de continuer à abonder ceux des PME-TPE, qui en ont le plus besoin.
Nous suivrons l'avis de la rapporteure, mais resterons critiques au moment de la discussion en séance publique.
M. Pierre Ouzoulias. - La recherche étant un monde complexe, je remercie la rapporteure pour la qualité de son travail.
Je partage son point de vue : la recherche est source de progrès, à la fois pour l'innovation technologique et la connaissance. Il est fondamental de ne pas dissocier ces deux éléments.
Certes, les crédits relatifs à la recherche ne diminuent pas, mais le budget ne respecte pas les engagements de la LPR, et il y a là un souci majeur.
Une telle disparité entre les AE et les CP attribués à l'ANR porte à croire qu'une partie de ces autorisations sera gelée ou annulée à la fin de l'année. Nous verrons cela fin 2025, mais nous connaissons le fonctionnement de Bercy.
Un certain nombre de dispositifs importants de la LPR sont aujourd'hui mis sous le boisseau.
Je souhaite notamment une analyse qualitative sur les CPJ. Le projet initial consistait à faire venir en France les grands noms de la recherche à l'étranger ; ce que j'ai observé ne correspond pas à cela. Ces chaires ont plutôt nourri une forme de localisme, en permettant à des présidents d'université d'embaucher en interne, sans tenir compte des critères habituels de recrutement.
Par ailleurs, je partage les propos du président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, concernant l'ANR et les crédits européens. La différence entre les deux dispositifs d'appels à projets tient au préciput : non pas que les chercheurs choisissent la facilité, mais leur administration préfère les diriger vers l'ANR, qui rapporte le préciput, plutôt que vers des crédits européens, qui ne leur rapportent rien. Sans doute faut-il repenser la coordination entre ces dispositifs.
Un amendement de la commission des finances prévoit un redimensionnement du CIR, aux dépens, notamment, du dispositif pour les jeunes docteurs. S'il venait à être adopté, ce serait catastrophique. En supprimant la prime pour les jeunes docteurs, on aggraverait le problème fondamental de la recherche française. On ne peut plus accepter que, chaque année, le nombre de docteurs diminue de 5 %. La France est en train de décrocher par rapport aux autres pays.
Il y a dans notre pays un problème dans la manière de coordonner la recherche et l'innovation. Cela est dû à la structure industrielle de la France, avec des PME faiblement représentées ; en Allemagne, ces dernières sont les plus demandeuses en innovation et recherche, et elles ont noué avec les universités des liens qui n'existent pas dans notre pays.
Les chercheurs ont changé d'état d'esprit par rapport au secteur privé. Il s'agit maintenant de favoriser une meilleure écoute du côté de l'industrie.
Nous avons devant nous un grand chantier de simplification. Le Président de la République n'a toujours pas désigné de candidat pour la fonction de président du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Nous aurons à auditionner le candidat choisi. J'invite à profiter de cette future audition pour remettre sur la table le sujet de l'évaluation excessive qui encombre les chercheurs. Le système est ubuesque, il faut poser les choses à nouveaux frais.
Au moment de donner l'avis de notre groupe, je suis sincèrement partagé. Je souscris à l'ambition affichée par la rapporteure pour la recherche, mais je ne peux admettre le détricotage de la LPR. Il faut une loi de programmation de la défense pour protéger notre souveraineté ; il en va de même pour la recherche, qui contribue à la défense de notre souveraineté et de la rationalité dans un monde de plus en plus irrationnel ! Dans la mesure où les engagements de la LPR ne sont pas respectés, je ne serai pas favorable à l'adoption des crédits du programme.
Mme Mathilde Ollivier. - Je partage les constats de la rapporteure, mais diverge sur la conclusion. À quoi bon voter des objectifs dans le cadre d'une LPR si, ensuite, les réalisations ne suivent pas ? Alors que ces objectifs étaient une augmentation de 501 millions d'euros du budget pour 2025, la version actuelle du PLF ne prévoit qu'une augmentation de 169 millions d'euros, avec, notamment, un manque de 288 millions d'euros sur le programme 172 consacré au financement de la recherche.
Manquent également 150 millions d'euros pour compenser les mesures salariales décidées en 2023, notamment la revalorisation du point d'indice. Cela contraindra un certain nombre d'organismes et d'universités à piocher dans leur fonds de roulement. Après plusieurs années d'efforts importants, leur situation budgétaire risque d'être encore compliquée.
La situation de l'ANR est préoccupante. Le décalage entre les AE et les CP interroge quant à la trajectoire et la réalisation des objectifs.
Je m'inquiète également des conséquences sur les fonds propres des universités et m'interroge sur la place des entreprises privées dans les investissements de ces mêmes universités, avec le développement des contrats de mécénat. Nous souhaitons, en France, une recherche indépendante et reconnue comme telle par le public. Cette part croissante des entreprises privées me semble problématique pour l'indépendance de notre recherche.
Enfin, il faut revoir notre approche concernant le CIR. Nous apportons un soutien trop important aux grandes entreprises par rapport aux PME qui, pourtant, portent de nombreux investissements pour la recherche. Le soutien aux doctorants permet d'effectuer le lien entre public et privé. À moyen terme, ces derniers intègreront le monde de l'entreprise. Si l'on souhaite que notre écosystème de la recherche et de l'innovation soit à la hauteur des besoins et des enjeux en Europe, il est nécessaire d'encourager la croissance de la recherche privée.
En conséquence, je ne suis pas favorable à l'adoption des crédits du programme.
M. Jean Hingray. - Je félicite la rapporteure pour ce rapport, qui permet de mettre en perspective les évolutions nationales avec des exemples à l'échelle locale. Même si tout n'est pas parfait dans ce budget - je pense notamment au gel des CPJ -, nous suivrons son avis.
Je relève des notes d'optimisme, autour du rapprochement entre secteurs public et privé, entre recherche et monde industriel. Je m'étonne du chiffre présenté sur les opérateurs, qui ne semblent pas concernés par les mesures d'économies. Je m'interroge également sur le fait que ne soit pas évoqué l'amendement du rapporteur spécial de la commission des finances, concernant le financement de la recherche par les fonds européens.
M. Bernard Fialaire. - Si l'on peut se réjouir de l'augmentation du budget dans le contexte actuel, de nombreux investissements restent encore à réaliser, notamment en matière de simplification.
Je partage les réflexions sur le CIR et l'intérêt de se focaliser sur les PME.
Alors que les investissements de l'État dans la recherche progressent, on observe un retard dans l'engagement du secteur privé. Nous devons mieux analyser et encourager les investissements privés dans la recherche.
Je ne souhaite pas forcément de clause de revoyure pour ce budget. Cette année, l'exercice est particulier, et nous ignorons ce qu'il en restera après les débats en séance publique. Nous allons soutenir une augmentation, sans aucune garantie quant au résultat. Peut-être aurons-nous à revoir notre position.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis. - Le ton de ma présentation se voulait réaliste plus qu'enjoué. Sans être alarmiste, j'ai conscience des enjeux et, dans un contexte de récession budgétaire, je reste vigilante. Mais, comme l'a exprimé Jean Hingray, cela aurait pu être pire et il convient de rester positif.
Concernant le fonctionnement des unités de recherche et des laboratoires, je m'engage à poursuivre nos échanges avec le ministère sur le dossier de la simplification Il existe sans doute un nombre trop important d'organismes de tutelle.
Je fais de la clause de revoyure une priorité. En séance, j'interpellerai le ministre à ce sujet, afin que nous puissions rapidement mener un bilan de la LPR et faire le point sur la poursuite de la programmation.
Concernant la situation financière des ONR, comme je l'ai évoqué dans ma présentation, leurs subventions pour charges de service publics augmentent, mais à un niveau qui ne couvre pas les surcoûts de masse salariales et d'énergie. Ils sont donc contraints, depuis plusieurs années déjà, à puiser dans leur trésorerie.
Lors de son audition, j'avais interrogé le ministre sur les Satt. Il s'était montré rassurant, indiquant que les crédits pour 2025 s'élèveraient à hauteur de 45 millions d'euros.
Comme plusieurs d'entre vous, je crois nécessaire d'avoir une réflexion sur les possibles évolutions du CIR, pour qu'il s'adresse davantage aux PME notamment. Le ministre s'est positionné sur une conditionnalité du dispositif. Ouvrons le débat !
Concernant le financement de l'ANR, on observe effectivement un décalage entre les AE et les CP. La réalisation ne suit pas les engagements ; il manque 210 millions d'euros pour honorer les engagements pris jusqu'en 2024. Nous avons conscience du problème et poursuivons nos échanges sur le sujet avec le ministère pour rectifier le tir.
La future audition du candidat à la présidence du Hcéres a été évoquée. Le sujet de l'évaluation des travaux de recherche est effectivement l'une des dimensions du chantier de la simplification. À l'occasion de cette audition, nous pourrons approfondir le sujet avec l'intéressé.
Enfin, concernant l'amendement du rapporteur spécial des finances, il n'appartient pas à notre commission de l'examiner. Nous aurons le débat en séance, mais sachez que je suis favorable à un outil facilitant l'accès de nos chercheurs aux fonds européens.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
MARDI 29 OCTOBRE 2024
Udice : M. Michel DENEKEN, président, Mme Raphaëlle VIALLET, responsable des études.
MARDI 5 NOVEMBRE 2024
- Agence nationale de la recherche (ANR) : Mme Claire GIRY, présidente-directrice générale, M. Vincent COTTET, directeur général délégué à l'administration et au budget, Mme Cécile SCHOU, conseillère relations institutionnelles.
- INRAE : MM. Louis-Augustin JULIEN, directeur général délégué aux ressources, Jean-Baptiste HERVOUET, directeur du financement et des achats, et Marc GAUCHÉE, conseiller du P-DG pour les relations parlementaires et institutionnelles.
MERCREDI 6 NOVEMBRE 2024
Institut Pasteur : Mme Yasmine BELKAID, directrice générale, M. François ROMANEIX, directeur général adjoint, Mme Anna MAURETTE, cheffe de cabinet, Mme Margot PROVOT, responsable des affaires publiques.
JEUDI 7 NOVEMBRE 2024
- CEA : Mme Marie-Astrid RAVON-BERENGUER, secrétaire générale, M. Thibault TAILLANDIER, chargé d'affaires publiques et institutionnelles.
- INSERM : M. Didier SAMUEL, président-directeur général, M. Damien ROUSSET, directeur général délégué à l'administration, Mme Anne-Sophie ETZOL, responsable des relations institutionnelles.
- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : M. Philippe BURDET, directeur de la stratégie financière, de l'immobilier et de la modernisation (DSFIM), Mme Elsa CORTIJO, directrice exécutive de l'agence climat, biodiversité et sociétés durables, M. Frédéric VILLIERAS, directeur de la mission pour les programmes nationaux, Mme Marie-Pauline GACOIN, directrice de cabinet, M. Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.
- INRIA : Mme Sandrine MAZETIER, directrice générale déléguée à l'appui aux politiques publiques.
JEUDI 14 NOVEMBRE 2024
ANSES : Mme Agathe DENÉCHÈRE, directrice générale adjointe en charge des affaires générales, M. Gilles SALVAT, directeur général délégué Pôle recherche et référence, Mme Sarah AUBERTIE, Chargée des relations institutionnelles.