L'ESSENTIEL

La mission « Administration générale et territoriale de l'État », pilotée par le ministère de l'intérieur, poursuit trois objectifs : garantir aux citoyens l'exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques, assurer la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire et mettre en oeuvre les politiques publiques au niveau local.

Le montant des crédits du budget général demandés au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 s'élève à 4,71 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), en baisse de 15,8 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, et à 4,96 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en hausse de 6,5 %.

Le schéma d'emplois présente, pour sa part, une inversion de tendance, passant de la création de 361 emplois équivalents temps plein (ETP) en LFI pour 2024 à la suppression d'un emploi équivalent temps plein pour 2025.

Ces évolutions masquent cependant une évolution hétérogène des crédits qui composent les trois programmes de la mission :

le programme 354 « Administration territoriale de l'État », qui supporte 58 % des crédits de la mission et comprend notamment les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI), voit ses crédits en augmentation (+ 4,29 % en AE, + 3,19 % en CP), afin de permettre le renouvellement des marchés pluriannuels liés aux fluides et aux énergies, ainsi que des opérations de mise à niveau et de rénovation énergétique des bâtiments ;

le programme 232 « Vie politique », qui finance l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections et ne représente que 2 % des moyens budgétaires de la mission, connaît une chute de ses crédits (- 61,84 % en AE, - 61,08 % en CP) du fait de l'absence d'échéance électorale connue au moment du dépôt du projet de loi de finances ;

le budget du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », auquel sont rattachés les moyens du pilotage des fonctions support, la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère et les cultes, diminue fortement en autorisations d'engagement (- 31,06 % en AE, + 20,85 % en CP) et représente 40 % des crédits de la mission. Cette réduction s'explique principalement par l'absence de renouvellement des engagements liés aux projets immobiliers structurants du ministère, lesquels sont entrés dans leur phase de construction.

La rapporteure Cécile Cukierman s'est attachée, cette année, à examiner les progrès accomplis et les moyens alloués au programme interministériel « France identité numérique », destiné à promouvoir une identité numérique souveraine. Lors de visites dans les départements d'Eure-et-Loir et du Rhône, elle a échangé avec des représentants d'une trentaine de communes ayant expérimenté la certification de l'identité numérique, en abordant notamment les difficultés rencontrées dans le cadre de la dématérialisation complète des procurations de vote lors des élections européennes et législatives de 2024.

Dans le contexte budgétaire incertain que traverse la France, la commission des lois mesure pleinement les efforts consentis pour préserver les moyens alloués à l'administration territoriale de l'État, permettant ainsi de ne pas revenir sur la dynamique engagée au cours des deux dernières années. Sur la base de ce constat, et sur proposition de sa rapporteure, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

I. DES DYNAMIQUES BUDGÉTAIRES CONTRASTÉES ENTRE LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES DE LA MISSION

Évolution par programme des crédits de la mission
« Administration générale et territoriale de l'État »
(en euros)

Programme ou mission

Autorisation d'engagement
Crédits de paiement

Évolution des crédits

LFI 2024
1(*)

PLF 2025

Variation
(en pourcentages)

P354 - Administration territoriale de l'État

2 633 243 134
2 583 169 626

2 746 226 114
2 665 652 606

+ 4,29
+ 3,19

P232 - Vie politique

257 725 252
257 621 749

98 342 852
100 262 544

- 61,84
- 61,08

P216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

2 704 633 509
1 816 328 223

1 864 686 630
2 195 028 476

- 31,06
+ 20,85

Mission « Administration générale et territoriale de l'État »

5 595 601 895
4 657 119 598

4 709 255 596
4 960 943 626

- 15,84
+ 6,52

Source : projet annuel de performance pour 2025

A. DES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES PRINCIPALEMENT COMMANDÉES PAR LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES

La répartition des crédits de la mission met en exergue la part prépondérante des dépenses immobilières, dont les fluctuations exercent une influence majeure sur l'évolution du budget global.

Ainsi, en ce qui concerne le programme 354 « Administration territoriale de l'État », la progression à hauteur de 113 millions d'euros des crédits en autorisations d'engagement (AE) est presque exclusivement attribuable à une hausse de 70,5 millions d'euros des dépenses immobilières. En particulier :

· Les dépenses des occupants progressent de 44,10 millions d'euros, en raison du renouvellement des marchés d'électricité et de gaz pour une durée de deux ans ;

· Les dépenses des propriétaires connaissent une hausse
de 26,40 millions d'euros pour financer les travaux de rénovation énergétique.

Pour le programme 216, la réduction de 839,9 millions d'euros par rapport à 2024 des crédits en AE s'explique exclusivement par la non-reconduction en 2025 des engagements pris dans le cadre du marché de construction du nouveau site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Ce projet représentait en 2024 un montant de 1 001,57 millions d'euros en AE.

En revanche, les crédits de paiement du programme augmentent de 378,7 millions d'euros. Des paiements importants sont en effet prévus en 2025 du fait des travaux de construction du site de la DGSI (139,4 millions d'euros) et de la livraison, en fin d'année, de l'installation « Universeine » (296,5 millions d'euros), qui accueillera, sur le site du village olympique à Saint-Denis, les services d'administration centrale du ministère de l'Intérieur.

Évolution des dépenses immobilières par programme
(en euros)

Programme ou mission

Autorisation d'engagement
Crédits de paiement

Évolution des dépenses immobilières

Contribution des dépenses immobilières à la variation du budget total
(en pourcentages)

LFI 2024
2(*)

PLF 2025

Variation
(en pourcentages)

P354 - Administration territoriale de l'État

354 490 858
313 342 475

424 947 014
354 918 309

+ 19,88
+ 13,27

+ 2,68
+ 1,61

P216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

1 171 361 703
321 131 698

211 819 621
653 740 770

- 81,92
+ 103,57

- 35,48
+ 18,31

Mission « Administration générale et territoriale de l'État »

1 525 852 561
634 474 173

636 766 635
1 008 659 079

- 58,27
+ 58,98

- 16,66
+ 11,76

Source : commission des lois, d'après les données du ministère de l'intérieur

Le ministère de l'intérieur reste toutefois confronté à des difficultés structurelles qui freinent la bonne exécution des projets immobiliers. Le déficit chronique de conducteurs d'opérations et de spécialistes techniques, exacerbé par la volatilité du marché de l'emploi dans le bâtiment, conduit à des retards, nécessitant un recours accru à des prestataires extérieurs. Ces contraintes, amplifiées par la priorité accordée aux jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), ont ralenti l'ensemble des opérations. En 2024, 22 des 34 opérations immobilières portées par le programme 216 accusent des dépassements de délai.

Avec la fin des JOP, une relance des chantiers en attente devient possible, mais les retards accumulés mettent en évidence la nécessité d'une meilleure articulation des priorités. Pour tenter de répondre au défaut de gouvernance, le ministère a mis en place en 2023 un conseil d'administration de l'immobilier ministériel. Son impact réel reste à mesurer alors que la stratégie immobilière du programme 216 se réduit, cette année encore, au financement de projets structurants au détriment de l'entretien des sites existants.

B. LE DIFFICILE RESPECT, DANS LA CONJONCTURE ACTUELLE, DES AMBITIONS DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Le cadre budgétaire contraint érode les capacités à maintenir la trajectoire initialement prévue par la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) pour la période 2023-2027.

En particulier, le programme 216 souffre d'un recul notable par rapport aux ambitions affichées. En 2025, les autorisations d'engagement seront inférieures de 15 % aux prévisions. L'écart s'explique notamment par la consolidation des économies de 85 millions d'euros issues du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

Par ailleurs, la trajectoire prévue par la Lopmi pour renforcer la filière numérique, avec la volonté de créer 310 postes d'ici 2027, marque un sérieux ralentissement. En 2025, aucune création d'emploi n'est prévue, contrastant avec les 50 postes initialement annoncés.

Comparaison des écarts entre les prévisions de la Lopmi
et les lois de finances pour 2024 et 2025
(en millions d'euros)

Programme

Autorisations d'engagement
Crédits de paiement

Lopmi pour 2024

LFI 2024

Écart 2024
(en %)

Lopmi pour 2025

PLF 2025

Écart 2025
(en %)

P354 - Administration territoriale de l'État

2 074
2 021

2 633
2 583

+ 27
+ 28

2 103
2 050

2 141
2 090

+ 2
+ 2

P216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

2 811
1 850

2 705
1 816

- 4
- 2

1 885
2 399

1 603
1 933

- 15
- 19

Mission « Administration générale et territoriale de l'État »

4 885
3 872

5 596
4 657

+ 15
+ 20

3 988
4 449

3 744
4 023

- 6
- 10

Source : commission des lois, d'après les données du ministère de l'intérieur et de la Lopmi

Le budget du programme 354, dédié à l'administration territoriale de l'État, connaît, pour sa part, une légère hausse par rapport aux prévisions initiales de la Lopmi. Les crédits de paiement atteignent 2 090 millions d'euros en 2025, contre une prévision de 2 050 millions d'euros. Toutefois, ces crédits restent concentrés sur des dépenses de fonctionnement dans un contexte de hausse durable des prix de l'énergie, sans traduire de véritables avancées en matière d'investissements ou de créations de postes.

C. DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX ÉLECTIONS DIFFICILEMENT PILOTABLES

1. Une volatilité des crédits en fonction des échéances électorales connues

Les crédits alloués au programme 232 « Vie politique » présentent une forte volatilité, intrinsèquement liée au calendrier électoral. En 2025, leur diminution est significative, avec une baisse de 61,84 % en autorisations d'engagement et de 61,08 % en crédits de paiement.

En l'absence d'élections nationales en 2025, l'enveloppe consacrée à l'organisation des élections est ainsi réduite à 22,3 millions d'euros (- 87 % par rapport à la loi de finances initiale de 2024), destinés à financer la tenue d'élections partielles, ainsi que la maintenance des outils informatiques électoraux.

Cependant, les prévisions budgétaires de l'action reposent sur la seule prise en compte des scrutins certains à la date du dépôt du projet de loi de finances, n'incluant dès lors pas l'organisation des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, initialement prévues pour mai 2024 et reportées au plus tard à fin novembre 20253(*).

Par ailleurs, l'organisation d'élections législatives anticipées a conduit à un substantiel ajustement en cours d'exercice des crédits alloués en 20244(*), qui seront en partie reportés sur 20255(*). Ils seront principalement dédiés au remboursement des dépenses de campagne des candidats aux élections législatives estimé à 40,86 millions d'euros.

Ces scrutins, dont le coût total est estimé à 171,5 millions d'euros, soit 7 millions de plus que pour les élections législatives de 2022, ont été marqués par une augmentation significative de certains postes de dépenses du fait des délais réduits.

Estimations du coût des échéances électorales
(en millions d'euros)

Élections

Prévision 2024

Prévisions 2025

Programme 232

Transfert MEAE
6(*)

Programme 232

Européennes 2024

156,28

5,81

/

Législatives 2024

135,33

4,46

31,71

Provinciales en Nouvelle-Calédonie

/

/

1,75
(budgété en LFI 2024)

Source : commission des lois, d'après les données du ministère de l'intérieur

Le programme 232 finance, en outre, le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), autorité administrative indépendante dont le budget est également conditionné par le calendrier électoral. Ainsi, pour 2025, les dépenses de personnel diminuent de 4 %.

L'activité de la CNCCFP se caractérise, en effet, par une double temporalité, du fait d'un contrôle régulier des comptes des partis politiques et d'un contrôle fluctuant des comptes de campagne des candidats.

Cette nature hybride impose une gestion différenciée des ressources humaines, avec l'importante mobilisation d'emplois temporaires pour répondre aux besoins ponctuels mais intenses des périodes électorales. Comme le souligne le président de la Commission lors de son audition, ce modèle pose des difficultés de recrutement en raison de la courte durée des contrats, limités généralement à six mois.

Lors des élections législatives anticipées de 2024, ces recrutements ont pu être réalisés dans le cadre du plafond d'emplois prévu par la loi de finances pour 2024 (55 ETPT), en raison de plusieurs vacances de poste dans les métiers informatiques.

2. Les précédentes élections mettent en exergue certaines difficultés de financement de la vie politique

L'organisation de trois scrutins nationaux en 2024, dont deux non prévus et organisés dans des délais restreints, a mis en lumière des insuffisances concernant, d'une part, les règles de financement de l'organisation des élections par les communes et, d'autre part, les règles encadrant les comptes de campagne des candidats.

En premier lieu, l'État octroie aux collectivités, à la suite des scrutins, une dotation couvrant une partie des frais d'assemblée électorale. Le calcul de cette compensation repose sur des bases forfaitaires établies en 2006 : 44,73 euros par bureau de vote et 0,10 euro par électeur inscrit. Malgré une inflation moyenne de 2 % par an depuis cette date, ces paramètres n'ont jamais été révisés, conduisant à un écart grandissant entre les dotations versées et les coûts réels.

Cette inadéquation est illustrée par la situation rencontrée par la municipalité de Boulogne-Billancourt, entendue par la rapporteure, qui fait état de frais d'organisation des élections européennes de 2024 qui s'élèvent à 200 000 euros, tandis que la dotation de l'État se limite à 15 000 euros. L'Association des Petites Villes de France (APVF), dans un courrier daté du 10 juillet 2024, a également alerté le ministre de l'intérieur sur le caractère dérisoire des compensations versées dans le cadre des deux tours des élections législatives anticipées. Ces exemples soulignent la nécessité, à tout le moins, de revaloriser les taux forfaitaires permettant le calcul des frais d'assemblée électorale.

En second lieu, les candidats et leurs mandataires financiers ont également pu être confrontés à des difficultés de respect des règles de financement des comptes de campagne, notamment concernant l'ouverture d'un compte bancaire dans un délai contraint.

En application de l'article L. 52-6-1 du code électoral, l'établissement bancaire doit fournir, en cas de refus d'ouverture d'un compte, une attestation justifiant sa décision et informer le mandataire de la possibilité de saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne, dans un délai d'un jour ouvré, un autre établissement de crédit. Or, comme le souligne le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques7(*) dans ses précédents rapports d'activité, les banques omettent fréquemment de fournir des lettres explicites de refus d'ouverture de compte, ce qui retarde la possibilité pour les mandataires financiers de faire valoir leur droit auprès de la Banque de France.

Si l'article L. 52-6-1 dispose que le silence pendant un délai de quinze jours équivaut à un refus implicite, ce délai s'avère peu compatible avec des campagnes électorales d'une durée inférieure à trois semaines. Lors des précédentes élections législatives de 2024, le médiateur a ainsi été saisi à 139 reprises de difficultés liées à l'ouverture d'un compte.

Saisines du médiateur du crédit au cours des élections 2024

Élections

Difficultés liées à l'ouverture ou au fonctionnement d'un compte bancaire

Difficultés liées à un prêt bancaire

Total

Européennes 2024

3

1

4

Législatives anticipées 2024

139

3

142

Source : CNCCFP

Une réduction du délai de formation d'un refus implicite serait ainsi pertinente pour offrir aux candidats un accès rapide et effectif à leurs droits, particulièrement dans des contextes où le temps constitue une ressource critique.

II. RENFORCER LA PRÉSENCE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES : UN BILAN ET DES AMBITIONS À CONFORTER

A. UNE STABILITÉ DES MOYENS QUI NE DOIT PAS COMPROMETTRE LES AVANCÉES RÉALISÉES

Après une période marquée par la suppression de 4 700 équivalents temps plein (ETP) dans les préfectures entre 2010 et 2020, une démarche de renforcement du réseau territorial a été amorcée par la Lopmi, fruit de la création de 143 nouveaux emplois sur deux ans. À cela se sont ajoutées des créations de postes supplémentaires pour soutenir les politiques publiques prioritaires8(*). Au total, ce sont donc 204 emplois qui ont été créés sur la période 2023-2024. L'évolution du taux d'administration par département, comptabilisant le nombre d'agents pour 1 000 habitants, témoigne de cette dynamique positive.

Évolution entre 2015 et 2024 du taux d'administration des départements
(sous-préfectures comprises)9(*)

Pour l'année 2025, le plafond d'emplois est fixé à 29 448,09 équivalents temps plein travaillé (ETPT), avec une diminution de 182,34 ETPT. Cette baisse s'explique en grande partie par les mesures d'économies de 22 millions d'euros mises en oeuvre au cours de l'année 2024, avec, d'une part, l'imposition d'un délai de vacance de trois semaines avant le remplacement de certains postes et, d'autre part, le renoncement au recrutement de 55 des 77 experts de haut niveau et de 21 des 45 agents destinés aux PFRH initialement prévues par la loi de finances pour 2024.

La diminution du plafond n'affecte toutefois pas le nombre d'emplois réels, qui devrait rester stable entre 2024 et 2025. Seule la suppression d'un ETP liée à la fin d'un projet temporaire à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Mayotte est prévue.

Consciente des contraintes budgétaires actuelles, la rapporteure tient à souligner que la stabilisation prévue des effectifs pour 2025 doit demeurer temporaire et ne pas marquer un renoncement à la dynamique engagée, visant à la création de 350 emplois d'ici 2027. Des moyens humains supplémentaires sont, en effet, indispensables pour permettre à l'administration déconcentrée de continuer à remplir, sans entrave, les missions prioritaires qui lui sont confiées.

B. UN RENFORCEMENT TANGIBLE DE L'ANCRAGE TERRITORIAL

Le renforcement des effectifs prévu dans le cadre de la Lopmi est destiné à accompagner la mise en oeuvre effective des principales missions des préfectures. La rapporteure relève, à cet égard, des avancées en faveur d'un meilleur ancrage territorial des services déconcentrés, tant auprès des populations qu'auprès des acteurs locaux. Elle souligne néanmoins l'existence de fragilités persistantes, en particulier du fait d'un retard dans l'appropriation de ces nouvelles missions et de moyens humains encore insuffisamment consolidés.

1. Les relations avec les élus : mieux relier les territoires

Lors de son audition par la rapporteure, Jean-François Debat, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), a souligné une attention accrue des services déconcentrés envers les collectivités. Selon une enquête réalisée fin 2023 par le ministère de l'intérieur sur l'application du référentiel « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 », la majorité des préfectures ont, en effet, mené des actions pour valoriser et mieux mobiliser les services et agences dédiés à l'appui territorial.

En particulier, 79 préfectures interrogées ont indiqué avoir intensifié le recours à l'expertise technique des directions départementales interministérielles. En outre, 55 préfectures ont mis en oeuvre des actions locales pour rendre plus lisible l'offre d'ingénierie des services déconcentrés de l'État.

Cette ambition de simplification et de proximité administrative a été réaffirmée par le décret n° 2024-97 du 8 février 2024 relatif au rôle du délégué territorial de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Désormais, le préfet de département, agissant en qualité de délégué territorial de l'ANCT, est habilité à décider de la mise en oeuvre de certaines prestations d'ingénierie proposées par l'Agence, dans les limites d'une enveloppe financière. Il peut ainsi instruire les demandes et conclure les conventions avec les collectivités, favorisant une approche plus adaptée à leurs besoins spécifiques.

Toutefois, le retard accumulé a eu des conséquences sur le déploiement de l'expertise de l'État dans les territoires. Comme l'a mis en évidence l'AMF et l'ont confirmé des observations de terrain en Eure-et-Loir, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont, dans de nombreux cas, suppléé l'État déconcentré dans l'accompagnement et le conseil aux territoires. Les services offerts par les préfectures, peinant à démontrer leur plus-value, ne sont en conséquence plus spontanément sollicités par les collectivités.

Dans ce contexte, la rapporteure tient à mettre en avant l'initiative des préfectures du Loiret et de l'Essonne, qui ont instauré un guichet unique d'ingénierie territoriale en partenariat avec le conseil départemental. En privilégiant une logique de complémentarité plutôt que de duplication des efforts, ce dispositif contribue à améliorer la pertinence et l'efficacité des services proposés aux communes.

2. L'accueil du public et le réseau France Services : bâtir des services au plus près des citoyens

À ce jour, 41 sous-préfectures (+ 5 depuis août 2023) et 5 préfectures (+ 4 depuis août 2023) ont obtenu le label France Services, illustrant une sensible avancée dans la structuration de l'accueil de proximité.

Compte tenu du volume de démarches que représentent les demandes de titres sécurisés, le ministère de l'intérieur se positionne, par ailleurs, parmi les principaux financeurs du Fonds National France Services (FNFS). Pour l'année 2024, sa contribution représente 13,92 % du montant total, soit 7,04 millions d'euros contre 5,05 millions d'euros en 2023. Cette participation est prévue pour atteindre 7,16 millions d'euros en 2025.

Par ailleurs, la modernisation de l'accueil du public a pris une nouvelle forme avec l'implantation des Points d'Accueil Numériques (PAN) dans toutes les préfectures et 145 sous-préfectures. Ces dispositifs, qui ont permis d'accompagner 336 000 usagers en 2023, témoignent d'un effort pour combler les inégalités d'accès induites par la dématérialisation des démarches administratives.

Cependant, cette montée en puissance se heurte à une réalité organisationnelle contraignante. La réduction des effectifs au fil des ans, malgré les apports de la Lopmi, a intensifié la charge de travail sans offrir de véritables marges de manoeuvre. Huit sous-préfectures ne sont toujours pas en mesure de recevoir les usagers. La moitié des sous-préfectures opèrent avec moins de 10 équivalents temps plein (ETP).

Aussi, l'exigence de la présence continue de deux agents au sein d'un espace France Services reste un frein majeur, obligeant un tiers des sous-préfectures labellisées à recourir à des partenariats externes pour disposer de personnels.

C. UNE ACTION DE L'ÉTAT À COORDONNER : RAVIVER LES RÉFLEXIONS SUR LA GESTION MANAGÉRIALE

Les dernières lois de déconcentration avaient pris position en faveur d'un recentrage de l'administration territoriale autour du préfet. Poursuivant cet objectif, le secrétaire général du ministère de l'intérieur, entendu par la rapporteure, a annoncé une révision d'ici la fin de l'année du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets10(*), afin de renforcer leurs capacités d'action.

Aux prémices de cette ambition, la circulaire du 22 décembre 2021, qui autorise les préfets de région à redéployer jusqu'à 3 % des effectifs régionaux, soit 2 000 postes sur les 64 000 que compte l'administration territoriale de l'État, est perçue par les préfets entendus par la rapporteure comme un outil utile et prometteur pour adapter l'administration aux priorités locales. Dans les Bouches-du-Rhône, une vingtaine d'emplois sont ainsi réaffectés chaque année selon Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

La réforme des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) constitue également, selon l'association du corps préfectoral (ACPHFMI), un « levier de simplification de la coordination interministérielle », favorisant une plus grande efficience dans le déploiement des politiques publiques et rompant avec une gestion cloisonnée en « silos ».

Toutefois, cette réforme, malgré sa stabilisation, nécessite encore des ajustements, notamment en matière d'interopérabilité des outils informatiques. Des progrès substantiels sont également attendus dans les domaines de l'action sociale et de l'harmonisation des régimes indemnitaires. La rapporteure considère, à cet égard, que la réflexion sur l'action territoriale de l'État ne peut se faire sans renouer le dialogue avec les agents.

Si des rencontres de l'administration territoriale de l'État ont été ouvertes en février 2024, l'annulation de la plupart des ateliers nationaux qui y étaient associés, en raison de la dissolution, appelle à relancer une dynamique de réflexion et de concertation collective sur l'organisation et la gestion managériale de l'État territorial.

III. LE DÉPLOIEMENT DE L'IDENTITÉ NUMÉRIQUE RÉGALIENNE ET DE LA PROCURATION DÉMATÉRIALISÉE : 2025, UNE ANNÉE CHARNIÈRE

A. APRÈS UN DÉPLOIEMENT PROMETTEUR, L'ADOPTION MASSIVE DE L'IDENTITÉ NUMÉRIQUE REQUIERT UNE IMPULSION DÉCISIVE

Lancé en 2020, le projet d'une identité numérique régalienne est porté par le programme interministériel « France Identité Numérique ». Son déploiement repose sur un budget global de 76 millions d'euros, financé à la fois par France Titres, dont les crédits sont portés par le programme 354, et, jusqu'en 2024, par le fonds de transformation de l'action publique.

En 2024, l'identité numérique a atteint un état opérationnel, marqué par la généralisation de l'application France Identité en février, suivie de l'expérimentation de la dématérialisation complète des procurations de vote lors des élections européennes et législatives de juin et juillet.

Dernière année de déploiement du programme, l'année 2025 sera déterminante pour consolider les avancées, maîtriser les flux de demandes, et optimiser l'organisation des services d'état civil. Ces efforts seront d'autant plus nécessaires dans le cadre des échéances électorales de 2026 et en préparation du renouvellement généralisé des cartes nationales d'identité, prévu à l'horizon 2033.

Dans ce contexte, la rapporteure insiste sur la nécessité de porter une attention immédiate et approfondie aux problématiques soulevées par cette transformation numérique de l'état civil et de la procédure électorale. Après un déploiement prometteur, l'adoption massive de l'identité numérique requiert une impulsion décisive

1. Une identité numérique activée par le biais d'une application de téléphonie mobile

Depuis la généralisation de l'application France Identité en février 2024, plus de 1,2 million de citoyens ont adopté une identité numérique régalienne. La nouvelle carte nationale d'identité électronique (CNIe), en étant dotée d'une puce lisible par un téléphone, a été spécialement conçue pour servir de support physique à son activation.

Sur la base de ces données, l'application France Identité offre la possibilité de :

· s'authentifier avec FranceConnect et FranceConnect+  à 1 800 services administratifs ;

· présenter une carte numérique et produire un justificatif d'identité à usage unique, garantissant la fiabilité des données, à la différence d'une simple photocopie d'identité ;

· présenter un permis de conduire numérique lors de contrôles par les forces de l'ordre ;

· donner procuration grâce à une identité numérique certifiée.

2. Une utilité sous-estimée et pourtant essentielle à l'aune de l'intensification des interactions numériques

Le déploiement de l'identité numérique sécurisée en France entre dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement européen de 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques11(*), dit règlement « elDAS ». Il répond donc à un impératif pour la France, alors que 17 États européens disposaient déjà en 2020 d'une identité numérique régalienne, et s'impose au regard de trois enjeux :

· La nécessité d'une souveraineté numérique et d'une maîtrise des données, actée par le livre blanc de la sécurité intérieure, publié en 2020, qui appelait à un renforcement de « la contribution du ministère de l'Intérieur à la protection de la vie numérique et technologique de la Nation ». De fait, l'identité numérique garantie par l'État constitue une alternative souveraine aux services d'identification proposés par les grandes plateformes numériques privées, consommateurs de données personnelles ;

· La lutte contre la montée des fraudes en ligne et des usurpations d'identité, en offrant une solution fiable pour garantir l'identité des utilisateurs ;

· La simplification et l'accessibilité des services publics, en facilitant les démarches d'identification et d'authentification, tout en permettant l'accès à des services dits « sensibles » (procuration de vote, demande d'aide sociale etc.) qui nécessitent communément un déplacement physique à des fins de vérification d'identité.

Sur le plan budgétaire, le programme « France identité numérique » estimait à son lancement la possibilité d'économies à hauteur de 27,7 millions d'euros après l'horizon 2023, du fait de la mutualisation des coûts de sécurisation de l'identification des usagers pour l'ensemble des administrations. Au-delà du périmètre public, l'étude EY réalisée en septembre 2019 pour le compte de la Direction générale des Entreprises (DGE) évalue la valeur du marché de l'identité numérique en France à un milliard d'euros sur un horizon de dix ans, soulignant son potentiel fortement stratégique.

3. Des ajustements juridiques et pratiques indispensables pour parachever sa diffusion

Le programme France Identité Numérique dispose pour 2025 de 17,65 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20,23 millions d'euros en crédits de paiement. Ces moyens visent à développer de nouvelles attestations numériques (pour la carte grise ou la carte européenne d'assurance maladie, entre autres), tout en finalisant le déploiement de l'identité numérique auprès des mairies, entreprises et usagers.

Des ajustements juridiques et une meilleure coordination entre les parties prenantes sont, en effet, encore nécessaires pour transformer France Identité en une solution réellement universelle.

· Sur le plan juridique, le justificatif d'identité numérique, bien qu'utilisable pour l'inscription sur les listes électorales depuis avril 202412(*), n'est pas accepté lors d'autres démarches, comme la justification de l'identité de l'électeur le jour du scrutin. Cette restriction, perçue comme paradoxale, met en évidence la nécessité d'une harmonisation des usages afin de renforcer l'intérêt de ce dispositif et son adoption par les citoyens.

France Identité s'attache, à cet égard, à renforcer l'acceptation de l'attestation numérique au moyen d'expérimentations ciblées, comme celle menée avec la SNCF, permettant une vérification de l'identité des voyageurs via un QR code.

En tout état de cause, la reconnaissance de l'attestation numérique ne pourra être atteinte de manière cohérente qu'à travers une révision de l'ensemble des textes réglementaires définissant les pièces acceptées pour justifier d'une identité. Compte tenu de l'existence, dans un premier décompte, de plus d'une cinquantaine d'arrêtés de ce type, la rapporteure appelle, par cohérence, à une modification d'ensemble de ces derniers par l'intermédiaire d'un même véhicule réglementaire.

· Par ailleurs, un équilibre délicat est à trouver entre gestion des titres et promotion de l'identité numérique. Le développement de l'identité numérique dépend en effet de la bonne délivrance de la nouvelle carte nationale d'identité électronique (CNIe), que près de 60 % des Français ne possèdent pas encore.

Pour encourager le recours à l'identité numérique, Anne-Gaëlle Baudouin, directrice de France Titres, a annoncé en octobre la possibilité, à partir de janvier 2025, de renouveler gratuitement les cartes nationales d'identité délivrées entre 2016 et 2022 afin de bénéficier de cette fonctionnalité. Cette mesure vise également à anticiper l'échéance d'août 2031, à compter de laquelle les anciennes cartes nationales d'identité, même encore valides, ne seront plus reconnues dans l'Union européenne.

Si cette évolution marque une étape importante dans la modernisation des documents d'identité, la rapporteure appelle à faire preuve d'une vigilance accrue pour éviter une saturation des services d'état civil, à l'image de la précédente crise de délivrance des titres. Elle note toutefois que les projections pour 2025 prévoient la délivrance de 8,2 millions nouvelles cartes d'identité, un chiffre qui, bien que significatif, semble gérable, notamment en tenant compte des ajustements mis en oeuvre par de nombreux services d'état civil à la lumière des enseignements tirés de la dernière crise.

· À plus long terme, le principal défi résidera dans l'établissement d'un lien de confiance avec les citoyens. Des préoccupations persistent concernant la fiabilité du dispositif, en particulier s'agissant de la gestion des données personnelles et du risque de dérives vers une surveillance généralisée, alimentant ainsi une certaine méfiance.

Face à ces enjeux, la rapporteure souligne l'importance des travaux menés avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil)13(*). De fait, l'identité numérique régalienne a été accueillie « très favorablement » par la Cnil puisqu'elle permet d'améliorer la sécurité des procédures en ligne et de lutter contre la fraude documentaire. La Commission relève, par ailleurs, que seules les données dites « pivot » (nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance et sexe) ainsi que l'adresse de courrier électronique de l'usager sont transmises au téléservice « FranceConnect ». Ces travaux constituent une base solide pour rassurer les citoyens.

Dans ce contexte, il est essentiel de relancer une campagne de communication claire et ciblée, qui explique les avantages concrets de l'identité numérique pour les citoyens et les administrations. En parallèle, valoriser les garanties techniques et juridiques intégrées au dispositif pourrait contribuer à dissiper les inquiétudes et à renforcer l'adhésion des usagers.

B. LA PROCURATION ENTIÈREMENT DÉMATÉRIALISÉE : TRANSFORMER L'ESSAI À L'APPROCHE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES DE 2026

L'identité numérique trouve une de ses applications majeures dans la dématérialisation complète des procurations de vote.

Le dispositif a été inauguré lors des élections européennes du 9 juin 202414(*), avant d'être reconduit pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 202415(*). Il a permis aux électeurs d'établir une procuration sans déplacement physique dans un commissariat de police, une brigade de gendarmerie ou un tribunal, sous réserve :

· de posséder une carte nationale d'identité électronique (CNIe) ;

· d'avoir fait certifier son identité numérique auprès d'une mairie volontaire équipée pour cette démarche.

Lors des élections européennes, 15 159 procurations entièrement dématérialisées ont été établies. Ce chiffre a significativement augmenté pour les élections législatives, atteignant 86 845 procurations, soit 3,31 % de l'ensemble des procurations enregistrées pour ces scrutins. Dès lors, un total de 102 004 procurations a été établi grâce à une identité numérique certifiée sur l'année 2024.

Cette montée en puissance, malgré des conditions d'accès qui tendaient a priori à limiter l'usage à un nombre réduit de concitoyens, met en lumière une forte attente des citoyens à l'égard de ce type de dispositif, alors que la procédure traditionnelle d'établissement d'une procuration est fréquemment perçue comme fastidieuse.

Pour les services de l'État, la suppression d'une vérification de l'identité par une autorité habilitée pourrait permettre 3,8 millions d'euros d'économies entre 2024 et 2028, correspondant à 98 125 heures de travail, soit 61,33 équivalents temps plein16(*). D'autres coûts annexes, tels que les économies liées à l'envoi postal ou au traitement administratif dans les mairies, restent, par ailleurs, à évaluer.

En outre, la dématérialisation totale des procurations contribue, tout comme la dématérialisation partielle introduite par la téléprocédure « Maprocuration », à réduire les dysfonctionnements liés au traitement des procurations papier, qui représentaient encore 25 % des procurations de vote établies en 2024. Actuellement, les procurations sous format papier doivent être transmises par courrier recommandé à la commune, une procédure rendue d'autant plus fragile depuis l'allongement en 2023 des délais de distribution postale. Ces retards peuvent empêcher l'enregistrement des procurations papiers par les mairies dans les temps impartis, compromettant ainsi leur validité et la sécurité juridique du scrutin17(*).

1. Une démarche reposant sur une certification de l'identité numérique, répondant aux exigences de sécurité les plus élevées.

Du fait de la sensibilité de l'opération, l'établissement d'une procuration entièrement dématérialisée nécessite de faire certifier en mairie l'identité numérique établie avec l'application France Identité. Concrètement, cette certification consiste en une comparaison par un agent municipal des empreintes du demandeur avec celles contenues dans le titre.

La mise en oeuvre de cette certification a mobilisé un partenariat étroit entre les préfectures et les communes. En novembre 2023, trois départements pilotes (Hauts-de-Seine, Eure-et-Loir et Rhône) ont pu expérimenter le fonctionnement de la procédure de certification en mairie, avant généralisation en février 2024. À ce jour, plus de 1 700 mairies proposent, sur la base du volontariat, ce service de certification de l'identité numérique. Elles représentent 50 % des communes dotées d'un dispositif de recueil.

Au cours d'une audition de la municipalité de Boulogne-Billancourt et de déplacements dans le Rhône et l'Eure-et-Loir, la rapporteure a pu constater et souhaite saluer l'engagement remarquable des mairies pour la mise à disposition de ce nouveau service à leurs administrés. Cette motivation a permis d'atteindre des résultats largement supérieurs aux objectifs initiaux, qui prévoyaient de couvrir les dix plus grandes villes de France et trois communes par département.

Pour les communes, la procédure de certification présente l'avantage d'être rapide à réaliser, nécessitant deux à cinq minutes, et de s'appuyer sur les équipements existants de prise d'empreintes.

Conformément au décret n° 2024-792 du 12 juillet 2024, le financement de l'acte a été intégré au calcul de la dotation pour les titres sécurisés, composée d'un forfait fixe par dispositif de recueil et d'une part variable liée au nombre de demandes de titres enregistrées par station. Chaque certification numérique compte pour 10 % d'une demande classique de passeport ou de CNI. Pour autant, les trente communes consultées soulignent que ce modèle ne prend pas en compte le temps nécessaire d'explication du dispositif aux usagers. En effet, si la démarche technique ne dépasse généralement pas quelques minutes, une grande partie des usagers se présentent en mairie sans avoir téléchargé l'application ni effectué les démarches préalables, ce qui impose un temps d'assistance supplémentaire de la part des agents municipaux. L'AMF déplore ainsi un financement « déséquilibré » au détriment des mairies volontaires.

Les communes interrogées ont, pour autant, relevé un dialogue fluide avec les services préfectoraux et un bon accompagnement de la part de France Titres. La phase expérimentale, achevée en février 2024, a permis à l'agence de former les agents municipaux sur place. Depuis la généralisation, des webinaires et des kits de déploiement ont été mis à disposition des mairies.

Seuls des incidents mineurs ont été observés par les communes et les préfectures entendues, liées principalement à une mauvaise compréhension du processus par certains usagers qui tentaient d'établir une procuration avant la validation de la certification.

Au 29 octobre 2024, 173 421 certifications d'identité numérique ont été réalisées, avec une augmentation de 59 % sur les quatre derniers mois. Ces chiffres illustrent la montée en puissance du dispositif, bien qu'il reste, à ce stade, limité dans son utilisation concrète en dehors de la gestion des procurations. La rapporteure recommande de renforcer les usages associés à cette certification afin d'en accroître la popularité. Ce dispositif pourrait devenir le socle de nombreuses démarches administratives sensibles, notamment dans le cadre du développement de FranceConnect+, dont la connexion via un compte France Identité certifié est possible depuis juillet 2024.

2. Un recours à la procuration dématérialisée qui ne peut que s'amplifier

Fort de la réussite des expérimentations menées lors des élections européennes et législatives, le Gouvernement prévoit une généralisation de la dématérialisation des procurations de vote à l'ensemble des élections, conformément aux engagements pris lors du huitième comité interministériel de la transformation publique du 23 avril 2024.

Cette annonce justifie d'intensifier dès à présent le recours à la certification de son identité numérique, de manière à mieux répartir la charge de travail pour les mairies en amont des élections municipales de 2026. L'année 2025 sera, en ce sens, une période de lissage.

Les représentants des communes rencontrées ont, en effet, unanimement souligné l'existence d'un important « effet élection » sur les demandes de certification de l'identité numérique. À Boulogne-Billancourt, ces demandes ont été plus de 20 fois supérieures en juin 2024 par rapport aux autres mois. Sur les 434 certifications effectuées par la mairie de Caluire-et-Cuire (Rhône, 44 000 habitants), 68 % ont été réalisées en juin.

Évolution des demandes de CNIe et de certification numérique dans la commune de Boulogne-Billancourt entre septembre 2023 et octobre 2024

Source : commission des lois, selon les données de la commune de Boulogne-Billancourt

Pour faciliter une montée en charge progressive, France Titres annonce d'ici 2025 la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure tenant à proposer en mairie la certification de l'identité numérique lors de la remise de la CNIe. Cette initiative s'inscrit dans l'objectif ambitieux d'atteindre une dématérialisation de 60 % des procurations d'ici 2028.

Cette transition devra être accompagnée d'une communication continue de France Titres à destination des usagers. Plusieurs communes entendues ont, en effet, souligné l'inconstance de la communication officielle concernant le dispositif de certification, les laissant fréquemment responsables de l'information locale. Pour combler ce manque, la commune de Tremblay-les-Villages (Eure-et-Loir), comptant 2 300 habitants, a indiqué avoir produit elle-même des brochures à destination des nouveaux titulaires de CNIe.

3. La nécessité d'envisager dès à présent les difficultés que poseraient un usage massif

La popularisation de la procuration de vote entièrement dématérialisée ne saurait être pleinement réussie sans des mesures d'encadrement visant à préserver la solennité du vote, à garantir la sincérité du scrutin et à prévenir toute forme de fracture numérique.

· Les facilités offertes par les démarches numériques, bien que salutaires et largement attendues, comportent le risque d'encourager des comportements de dernière minute. Lors des élections législatives de 2024, 600 000 procurations sur les 3,4 millions ont été établies dans les deux jours précédant le scrutin. Ces chiffres, déjà significatifs, reflètent une tendance de nature à s'amplifier avec la possibilité d'établir une procuration en seulement quelques clics.

Les mairies et les préfectures consultées ont unanimement attiré l'attention de la rapporteure sur les difficultés logistiques liées à cet afflux tardif. La gestion des procurations le jour même du scrutin est décrite comme suscitant « un profond inconfort »18(*), source de tensions et de risques d'erreurs dans leur prise en compte. Ces difficultés sont d'autant plus criantes dans les petites communes, au sein desquelles le temps passé à vérifier les procurations et à contacter la préfecture ou les forces de l'ordre mobilise des ressources humaines pourtant limitées. Le représentant de l'AMF, Jean-François Debat, regrettait à raison lors de son audition le passage « d'une rigidité complète de la procédure électorale, caractérisée par l'établissement d'une liste électorale le 31 décembre de l'année précédente, à une quasi-dérégulation, dans le cadre de laquelle les listes sont validées dix jours avant le scrutin et les procurations sont reçues le jour même ».

Plus fondamentalement, la rapporteure tient à insister sur le caractère éminemment solennel du vote, qui ne saurait en aucun cas être réduit à une formalité administrative. Acte civique par excellence, il engage chaque citoyen et constitue le principal vecteur de participation à la vie politique. Dès lors, permettre un usage impulsif de la procuration de vote reviendrait à banaliser un acte qui doit rester réfléchi et pleinement conscient.

Face à ces constats, l'instauration d'un délai limite pour l'établissement des procurations apparaît comme une mesure de bon sens. Elle serait en accord avec les autres exigences temporelles de la procédure électorale, sachant que l'article L. 47 A du code électoral prévoit que la campagne électorale prend fin la veille du scrutin. Un tel délai, fixé au jeudi ou vendredi précédant le vote, contribuerait à la bonne organisation du scrutin en réduisant les risques de dysfonctionnements. De fait, cet encadrement temporel, loin de remettre en cause l'exercice du droit de vote, tendrait au contraire à en assurer le respect dans des conditions optimales.

· Par ailleurs, si la dématérialisation des procurations repose sur une certification renforcée à renouveler tous les cinq ans, elle n'est pas exempte de risques à long terme. L'absence de vérification directe par une autorité habilitée emporte le risque d'apparition de pratiques abusives dans l'utilisation des procurations, notamment en facilitant l'exposition des personnes vulnérables aux pressions de tiers.

Consciente de ce risque, la rapporteure recommande d'inclure systématiquement, dans le courriel de validation de la procuration, une mention rappelant que le mandant conserve l'entière maîtrise de son droit de vote, lui permettant, à ce titre, de l'exercer avant son mandataire le jour du scrutin. Par ailleurs, une analyse approfondie a posteriori des tendances en matière de procurations, par sexe, âge et territoire, permettrait de détecter d'éventuelles anomalies, telles que des procurations systématiques ou des déséquilibres marqués entre certaines catégories de la population.

· Enfin, le développement de la procuration dématérialisée, qui nécessite par ailleurs un téléphone de dernière génération19(*), ne peut être envisagé sans une réflexion sur la fracture numérique.

Les communes qui ont expérimenté la certification numérique ont unanimement souligné les difficultés rencontrées pour intégrer les populations les plus éloignées des outils numériques, souvent les plus précaires, en dépit des efforts de sensibilisation. Les agents municipaux, aujourd'hui en première ligne pour pallier ces inégalités, ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour répondre aux besoins des usagers.

Un effort particulier doit être consenti pour recruter davantage de conseillers numériques, capables d'accompagner les citoyens dans cette transition. Or, la diminution de plus de 50 % du budget dédié aux conseillers numériques France Services prévue dans le projet de loi de finances pour 2025 menace, par sa brutalité, de fragiliser profondément le dispositif.

À plus long terme, une simple « aide au clic », qui ne s'accompagne pas d'une véritable refonte des conditions d'accueil, demeura insuffisante pour assurer un accès effectif au service public. À cet égard, la rapporteure déplore que la généralisation d'un dispositif d'assistance renforcée, tel que le « point d'accueil numérique augmenté » (PAN +), ne figure pas parmi les priorités du gouvernement.

La rapporteure souhaite rappeler, en définitive, l'outil puissant que constitue la dématérialisation de cette procédure pour revitaliser la participation des citoyens à la vie politique. Ce faisant, son accompagnement doit s'élever à la hauteur des enjeux évoqués.

Réunie le 26 novembre 2024, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 26 NOVEMBRE 2024

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoire de l'État ». - Les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 dédiés à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » trahissent des évolutions budgétaires essentiellement techniques, sans avancée stratégique. La baisse de 16 % des autorisations d'engagement (AE) et l'augmentation des crédits de paiement (CP) de 7 % s'expliquent, en effet, principalement par les échéances liées à divers projets immobiliers.

Pour le programme 216, consacré à la conduite et au pilotage des politiques de l'intérieur, cette évolution résulte exclusivement de l'absence de reconduction des engagements financiers pris pour le nouveau site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen, qui entre désormais dans sa phase de construction. En conséquence, l'importante hausse des crédits de paiement est destinée à l'exécution des travaux sur ce site, ainsi que la livraison du projet Universeine à Saint-Denis.

Par ailleurs, le programme 354, dédié à l'administration territoriale de l'État, enregistre une sensible progression de ses crédits, à hauteur de 4 % en autorisations d'engagement, justifiée principalement par le renouvellement pluriannuel des marchés d'électricité et de gaz, ainsi que les travaux de rénovation et d'entretien du patrimoine immobilier.

Une fois ces dépenses immobilières isolées, le budget de la mission affiche une stabilité d'ensemble. Si cette situation peut sembler rassurante en apparence, elle ne saurait être satisfaisante au regard des ambitions portées par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Ce texte prévoyait un dynamisme budgétaire accru pour renforcer l'administration territoriale de l'État d'ici à 2027, et c'est précisément cet élan qui semble manquer aujourd'hui. Alors que le schéma d'emploi est diminué d'un équivalent temps plein (ETP) dans le projet de loi transmis, j'attends avec intérêt l'amendement visant à renforcer les moyens humains de l'administration territoriale de l'État annoncé par le ministre de l'intérieur, lors de son audition devant notre commission.

À défaut, cette stabilisation ne peut être considérée que comme un pis-aller. Car la question demeure pendante, année après année : comment assurer, dans ce contexte, une présence de l'État à la hauteur des attentes dans nos territoires ?

Face à la résurgence de la crise agricole, la secrétaire générale de la préfecture du Rhône me signalait le besoin urgent, pour les agriculteurs, de services publics de proximité, auxquels la préfecture tentait de répondre par l'expérimentation d'un guichet d'accueil spécialisé. De même, la crise des délivrances de titres a lourdement éprouvé les mairies équipées de dispositifs de recueil, générant une surcharge telle que la préfecture a créé un groupe de travail pour les épauler. Enfin, les inondations récentes en Eure-et-Loir ont, une fois de plus, mis en lumière les fortes attentes exprimées à l'égard des préfectures dans la gestion des crises locales. Ces exemples sont issus de mes récents déplacements, mais ne sauraient être exhaustifs.

Certes, des avancées significatives sont à saluer. Le développement des maisons France Services, avec neuf nouvelles labellisations en un an dans le réseau préfectoral, témoigne de cette volonté de constituer un ancrage territorial, tout comme la réappropriation par le préfet de département de certaines décisions en matière d'ingénierie territoriale, appuyée depuis février 2024 par l'utilisation d'une enveloppe déconcentrée de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Toutefois, des fragilités persistent du fait d'un retard dans l'appropriation de ces nouvelles missions et de ressources humaines encore insuffisantes.

À moyens constants, il est, par ailleurs, impératif de repenser l'organisation même de l'État territorial. Son action est aujourd'hui trop souvent illisible, diluée dans une multiplicité d'agences échappant à l'autorité directe du préfet. Les réorganisations récentes, à l'image des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD), ont nécessité des ajustements importants de la part des agents, sans toujours clarifier les responsabilités ni améliorer les conditions de travail. Si les rencontres de l'administration territoriale de l'État, engagées en février 2024, constituaient une belle opportunité en la matière, leur potentiel a été bridé par l'annulation de la plupart des ateliers nationaux à la suite de la dissolution. Il devient dès lors impératif de raviver une dynamique de concertation collective, indispensable pour adapter l'organisation de l'État territorial aux besoins actuels.

Sur un autre point, cette année, les enjeux budgétaires liés à l'organisation des élections, bien que parfois relégués au second plan, méritent une attention toute particulière.

Le programme 232 « Vie politique » enregistre une baisse de crédits de 61 %, en raison d'un calendrier électoral allégé. Toutefois, ces prévisions reposent uniquement sur les scrutins certains au moment du dépôt du PLF, ne prenant ainsi pas en compte le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, l'organisation des élections législatives anticipées a entraîné en 2024 un ajustement en cours d'exercice, abondé par le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Un tiers de ces dépenses ne sera toutefois exécuté qu'au cours de l'année 2025, impliquant un report substantiel des crédits.

Dans un contexte où les coûts électoraux demeurent largement incompressibles - et parfois imprévisibles ! -, les récents projets de simplification des processus et des outils offrent des perspectives prometteuses. Ainsi, la dématérialisation complète des procurations de vote, expérimentée lors des élections européennes et législatives de 2024, retient, cette année, toute mon attention.

Rappelons-le, en 2012, le traitement des procurations représentait, selon l'inspection générale de l'administration, l'équivalent d'une année de travail pour 737 agents de police et de gendarmerie, engendrant un coût de 47 millions d'euros. Il s'agissait du deuxième poste de dépenses pour l'État. L'expérimentation de la dématérialisation, menée en 2024, a apporté une réponse concrète à cet état de fait.

La procuration dématérialisée repose sur deux conditions : détenir une carte nationale d'identité format carte bancaire et avoir activé son identité numérique, d'une part, et avoir fait certifier cette identité numérique auprès d'une mairie volontaire, d'autre part.

La dématérialisation des procurations poursuit ainsi l'ambition plus vaste qu'est celle du déploiement de l'identité numérique régalienne. Ce projet porté par le programme France Identité numérique, doté de 76 millions d'euros et financé principalement par la présente mission, vise à offrir aux citoyens une solution sécurisée pour attester de leur identité en ligne. Fondé sur la nouvelle carte nationale d'identité et l'application France Identité, opérationnelle depuis 2024, il permettra une économie estimée à 27,7 millions d'euros grâce à la mutualisation des systèmes d'authentification. Mais l'enjeu dépasse largement le cadre financier. Le Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020 appelait, rappelons-le, à une alternative souveraine face aux solutions d'identification proposées par les grandes plateformes numériques privées, qui collectent massivement les données personnelles. Ce dispositif est donc non seulement un gage de simplification des démarches, mais également une réponse directe aux enjeux de lutte contre l'usurpation d'identité et de souveraineté numérique.

Toutefois, le succès de l'identité numérique repose sur une délivrance fluide de la carte nationale d'identité électronique, encore non détenue par 60 % des Français. Pour accélérer son adoption, la gratuité du renouvellement des cartes émises entre 2016 et 2022, prévue dès janvier 2025, est une avancée notable. Mais cette mesure exige une vigilance accrue pour éviter de saturer les services d'état civil déjà éprouvés par une crise récente, dont j'ai détaillé les tenants dans mon précédent avis budgétaire.

Enfin, le déploiement de la procuration dématérialisée requiert, au-delà de la simple détention d'une identité numérique, une action supplémentaire pour certifier celle-ci en mairie. Concrètement, cela consiste à comparer les empreintes de l'usager à celles qui ont été enregistrées sur son titre. Lors de mes visites dans les départements d'Eure-et-Loir et du Rhône, j'ai eu l'occasion d'échanger avec plus d'une trentaine d'élus et d'agents municipaux engagés dans cette expérimentation. Leur implication mérite d'être soulignée. Ce partenariat étroit entre préfectures et communes a permis de dépasser largement les objectifs initiaux : aujourd'hui, plus de 1 700 mairies proposent ce service.

Grâce à ces actions, lors des deux dernières élections, 102 004 procurations ont été établies sans déplacement physique. Fort de ce succès, le Gouvernement ambitionne de généraliser ce dispositif pour les prochains scrutins, avec l'objectif audacieux de porter à 60 % le taux de procurations entièrement dématérialisées d'ici à 2028.

Cet objectif, aussi louable soit-il, nécessite toutefois d'anticiper les défis majeurs qu'il engendre, sur lesquels je tiens à attirer l'attention de la commission dans les limites imposées par l'exercice d'un simple avis budgétaire.

Un premier point de réflexion concerne l'absence actuelle d'un délai fixé par le code électoral pour l'établissement des procurations, sujet sur lequel les représentants des deux préfectures visitées et l'ensemble des trente communes entendues m'ont alertée. Ce vide juridique a déjà révélé ses limites, notamment lors des élections législatives de 2024, où 18 % des procurations ont été établies dans les deux jours précédant les scrutins, engendrant une pression logistique considérable sur les mairies et les préfectures. La possibilité d'établir une procuration en quelques clics ne peut qu'exacerber ce phénomène. Il est donc impératif d'instaurer un délai limite, par exemple fixé au vendredi minuit. Une telle mesure permettrait non seulement de garantir une organisation électorale fluide, mais aussi de renforcer la solennité du vote.

Historiquement conçue comme une mesure dérogatoire, rigoureusement encadrée pour prévenir toute banalisation, la procuration ne peut devenir une alternative de convenance, adoptée par facilité ou impulsion, au détriment du vote en personne.

Par ailleurs, l'usage généralisé de la dématérialisation des procurations pourra soulever des questions quant à la sincérité du vote. La validation en personne par une autorité habilitée offre des garanties essentielles quant à la libre volonté du mandant. En l'absence de ce contrôle direct, des abus risquent de survenir, notamment envers les électeurs les plus vulnérables, exposés à des pressions de tiers. Il est, dès lors, crucial de faire preuve d'une vigilance renforcée, sachant que la certification d'une identité numérique demeure valide durant cinq ans.

Enfin, la fracture numérique demeure un obstacle majeur à l'accessibilité de ce nouveau service. Les communes ayant expérimenté la certification numérique ont souligné les défis rencontrés pour intégrer ces publics éloignés, et ce malgré la mobilisation des agents municipaux. Dans ce contexte, la réduction de plus de 50 % du budget consacré aux conseillers numériques prévue dans le PLF pour 2025 compromet gravement la capacité des collectivités à offrir un soutien adapté. Une simple aide au clic ne saurait, par ailleurs, suffire. Il est impératif d'envisager une refonte des dispositifs d'accompagnement pour garantir une égalité d'accès au service public.

Pour conclure, si le PLF pour 2025 assure une certaine stabilisation des crédits de la mission, il doit être vu comme une étape transitoire et ne doit en aucun cas signifier un renoncement aux ambitions de la Lopmi. La présence de l'État dans les territoires, la clarification de ses missions et l'accompagnement des mutations numériques nécessitent des engagements plus ambitieux. À cet égard, je rappelle que la commission des lois émet depuis plusieurs années un avis défavorable sur cette mission. Pour autant, compte tenu du contexte budgétaire actuel et du nouveau socle commun, je vous propose d'émettre un avis favorable - chacun l'interprétera à sa guise - à l'adoption de ces crédits, tout en rappelant notre vigilance. En effet, le succès des missions de l'État passe inévitablement par un État territorial fort et renforcé, dans le respect de la libre administration des collectivités locales.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je vous remercie pour ce travail pertinent, et nous sommes quelque peu surpris par cet avis favorable critique.

Dans le cadre du plan France ruralités, certains personnels de préfecture, dont des secrétaires généraux adjoints, sont chargés des questions de ruralité jusqu'en 2027. Dans mon département, nous avons apprécié l'accompagnement d'un cadre de la préfecture pour traiter les dossiers qui concernent les territoires ruraux. Quelles sont les perspectives après cette date ? J'ai cru comprendre qu'ils n'avaient pas forcément vocation à poursuivre cette mission dans les départements les plus ruraux, faute de moyens. Avez-vous eu des échanges avec l'administration centrale sur ce sujet ?

M. Éric Kerrouche. - Je remercie la rapporteure de sa présentation. Je ne m'attendais pas non plus à un avis favorable...

Sur le fond, cette mission est portée avant tout par une hausse des crédits de paiement consacrés à l'immobilier. Toutefois, comme vous l'avez rappelé, ceux-ci sont en recul par rapport à la trajectoire pluriannuelle définie par la Lopmi.

Concernant le programme 354, à l'instar des PLF pour 2023 et 2024, les grandes promesses de réarmement de l'administration territoriale ne sont pas tenues. La hausse des crédits repose, pour l'essentiel, sur des dépenses d'investissement, mais l'évolution des effectifs est pratiquement nulle. Notre commission et la délégation aux collectivités territoriales soulignent depuis plusieurs années le retrait territorial de l'État, un constat corroboré par la Cour des comptes dans son rapport publié en mai 2022.

Je rappelle que le PLF pour 2024 annonçait pour cette mission 232 ETP supplémentaires, une hausse inédite, même si, en conservant ce rythme, il fallait vingt-deux ans pour revenir aux effectifs de 2012. Or, ce PLF prévoit un schéma d'emploi nul, marquant une nette pause dans le réarmement humain des préfectures et des sous-préfectures, qui constituent le coeur de l'organisation territoriale de l'État.

Or, la politique territoriale doit garantir le service de proximité et une action publique efficace, comme le relève votre rapport. Cela nécessite donc des moyens humains, notamment en matière de contrôle de légalité ou de délivrance et de renouvellement des titres d'identité, à plus forte raison avec les nouvelles contraintes créées par la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ces services qui subissent déjà une forte pression risquent donc d'être embolisés à un moment où leur productivité serait souhaitable. C'est pourquoi nous déposerons un amendement visant à augmenter les moyens humains des services dédiés à l'instruction des titres sécurisés, à la lutte contre la fraude documentaire et à la gestion des étrangers en France.

À cet égard, l'audition de France Titres à laquelle j'ai procédé a montré les limites de son organisation : le plafond d'emplois fixé induit le recours à des contractuels, ce qui est source d'inefficacité, alors même que cette agence a une mission essentielle pour notre Nation.

Concernant le programme 232, la baisse des crédits est légitimée par le fait qu'aucune élection ne sera normalement organisée en 2025 - en tout cas à ce stade. Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie pose néanmoins question.

Toutefois, nous déplorons que le Gouvernement n'engage pas une réflexion sur le financement démocratique de la vie politique. La dotation destinée à prendre en charge le coût des élections pour les communes est gelée depuis 2006 : selon les chiffres de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), elle ne couvrirait au total que 15 % du coût réel d'un scrutin. Dans son rapport publié en septembre 2024, la Cour des comptes souligne le manque d'informations fiables à ce sujet et recommande que l'État se livre à une réelle réévaluation de ces coûts, car il serait normal que les dépenses engagées par les communes soient compensées à due proportion, cette mission relevant éminemment du fonctionnement de l'État.

S'agissant du programme 216, deux projets à Saint-Ouen et Saint-Denis expliquent la hausse des crédits dédiés aux investissements immobiliers ainsi qu'à des équipements de vidéosurveillance. Ces investissements n'appellent pas de commentaire particulier. Rappelons cependant, comme je l'ai fait la semaine dernière dans le cadre de la mission « Pouvoirs publics », que certains loyers sont exorbitants dès lors qu'il s'agit de l'État.

Enfin, la baisse des crédits de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) nous semble malvenue, d'autant que le Parlement a adopté une loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes. Aussi, nous déposerons un amendement ayant pour objet d'octroyer plus de crédits au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Considérant que l'importance des programmes immobiliers est contrebalancée par la faiblesse des investissements en ressources humaines, nous nous abstiendrons sur cette mission. Cette abstention n'est aucunement une validation de la trajectoire retenue, car le schéma d'emplois nous semble défaillant.

M. François Bonhomme. - Je souscris à la nécessité d'améliorer la présence territoriale de l'État ainsi que le lien entre le préfet et les maires pour la délivrance de certains titres. En la matière, le contrat d'objectifs et de performance signé entre France Titres et l'État devrait déjà permettre certaines améliorations.

La sécurisation des opérations de vote est un sujet qui me préoccupe particulièrement et pour lequel nous devons agir dès maintenant. Comme nous l'avons constaté lors du dernier scrutin, le risque de confusion concernant la réception et la validité des procurations de vote existe, ce qui peut placer les maires dans une position désagréable. Je ne suis pas opposé à la dématérialisation des procurations, à condition qu'elle soit sécurisée et qu'elle ne vienne pas modifier le déroulement des opérations de vote le jour J.

Il convient aussi, me semble-t-il, de veiller à en contenir le nombre dans des proportions raisonnables. Pour que le vote reste un moment solennel et essentiel de la vie publique, les procurations doivent rester l'exception. Il ne faudrait pas, par convenance ou facilité, qu'elles se multiplient à l'excès.

M. Olivier Bitz. - Notre commission avait émis l'an dernier un avis défavorable sur cette mission, pour des crédits d'engagement pourtant plus importants... À titre personnel, je me félicite de cette appréciation de plus en plus objective de la difficulté à mener des politiques publiques avec les moyens disponibles. Vous avez décidé, cette année, de voir le verre à moitié plein, ce dont je me réjouis.

Sur le fond, je veux vous faire part de deux sujets d'inquiétude majeurs.

Le premier porte sur les moyens humains des préfectures et des sous-préfectures, car il n'y aura pas de prolongement de la décentralisation sans une déconcentration efficace, au plus près des réalités territoriales. Or, cette année encore, nous sommes loin du compte.

Les moyens de l'État étant principalement concentrés au niveau des préfectures de région, les préfectures de département m'apparaissent en voie de « sous-préfectoralisation », les sous-préfectures ayant de leur côté vu l'essentiel de leurs moyens humains partir vers les préfectures, notamment pour l'exercice du contrôle de légalité, qui s'éloigne ainsi des réalités territoriales.

Nous devons donc faire preuve de vigilance pour éviter que les grandes administrations régionales ne dictent au préfet de département la ligne à conduire. Ce dernier doit conserver son rôle de régulation.

Le sujet des conseillers numériques m'inquiète également beaucoup. Le plan Préfectures nouvelle génération a fait basculer l'ensemble des procédures administratives du côté de la dématérialisation, mais, compte tenu de la baisse des crédits, nos concitoyens seront-ils tous en mesure d'accéder aux procédures et de faire valoir leurs droits ?

La Défenseure des droits s'en est inquiétée dans un rapport publié en février 2022. Nous ne pouvons pas continuer à ce niveau de dématérialisation si nous laissons nos concitoyens sans assistance. Certes, les conseillers France Services, ou encore les secrétaires de mairie en milieu rural, aident souvent nos concitoyens à accomplir leurs démarches, mais le recul des crédits m'inquiète sincèrement. L'illectronisme n'est pas forcément une question d'âge ; les nouvelles générations peuvent aussi rencontrer des difficultés pour accéder aux procédures administratives dématérialisées. De surcroît, en milieu rural, ces difficultés peuvent se cumuler avec des difficultés de mobilité.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - La question des personnels, quels qu'ils soient, est centrale. Les référents ruralité - nommés dans 78 départements - sont maintenus, mais l'enjeu principal reste la présence d'agents qualifiés dans les sous-préfectures et les préfectures pour mettre en oeuvre la politique voulue par l'exécutif et accompagner les acteurs locaux. Le transfert à des agences d'un nombre croissant de politiques de l'État explique aussi pour partie la baisse des effectifs, mais on voit aujourd'hui que les préfectures sont contraintes de créer des postes pour coordonner l'ensemble des politiques menées sur un territoire donné...

Je ne doute pas que ce sujet animera nos débats sur le projet de loi de finances, et au-delà. Il est possible de faire des choix politiques différents pour renforcer la présence dans les sous-préfectures et les préfectures, soit en redéployant des moyens existants, soit en créant de nouveaux postes. J'observe néanmoins que la tendance à percevoir certaines sous-préfectures comme des lieux délaissés se résorbe, preuve que l'on commence à s'interroger au sein du Gouvernement sur une présence plus équilibrée de l'État dans les territoires.

S'agissant des conseillers numériques, le défi est de les mettre en lien avec les actions menées à l'échelle des collectivités. L'accès au numérique, ce n'est pas seulement savoir se connecter, c'est aussi maîtriser les différents usages qui lui sont associés. Si France Titres, conformément à la volonté gouvernementale, multiplie les procédures dématérialisées, l'accompagnement de nos concitoyens sera indispensable.

La question de la sécurisation de ces opérations se pose aussi, notamment quand c'est la secrétaire de mairie qui aide un usager en faisant à sa place sa demande de carte grise. Cette aide informelle rend par ailleurs la fracture numérique plus difficilement mesurable.

Les frais d'assemblée électorale constituent un sujet important. Lorsqu'une commune prévoit un budget pour une élection à un tour, mais qu'il y en a finalement deux, puis une nouvelle élection législative partielle, les coûts peuvent devenir exorbitants. Il faudrait mener une réflexion approfondie avec l'AMF et le ministère de l'intérieur à ce sujet.

La question de la gestion des procurations est essentielle elle aussi. On a allégé les formalités, mais plus on les allège, plus nos concitoyens se saisissent de cette possibilité.

Après la dissolution, nous avons été surpris par l'explosion du nombre de demandes de procurations et par la participation très élevée. Je ne sais pas ce qu'il en sera à l'avenir, mais imaginons, en 2026, à l'occasion des élections municipales, des résultats très serrés au premier tour entre deux ou trois listes dans une commune. Le scrutin pourrait être perturbé par un afflux de procurations dématérialisées le samedi après-midi. Or aucun doute ne doit être permis sur la sincérité du scrutin. Le résultat d'une élection n'est acceptable par nos concitoyens que si l'ensemble des opérations sont parfaitement sécurisées.

Nous ne pouvons pas passer du bus loué le matin pour aller faire voter les gens au bus loué le soir pour s'assurer que toutes les procurations ont été faites à la maison de retraite... nous savons tous que ces pratiques ont existé. Pour obtenir l'adhésion de nos concitoyens à ces nouvelles démarches dématérialisées, je suis convaincue que la sécurisation doit être maximale. Depuis trois décennies, année après année, nous avons réduit le nombre de scrutins invalidés, notamment pour cause d'irrégularités grossières. Cette tendance ne doit pas s'inverser.

Par ailleurs, voilà maintenant quatre-vingts ans que notre pays a accordé le droit de vote aux femmes, et il serait dommage d'assister à une hausse massive de procurations dématérialisées des électrices au profit des électeurs... Nous devons aussi être vigilants face à des problèmes plus récents comme la radicalisation ou le communautarisme. Il sera difficile de légiférer sur ces questions, mais nous devons en avoir conscience et agir collectivement pour empêcher les dérives.

C'est pourquoi nous militons tous - y compris les services déconcentrés de l'État -pour poser, dès 2026, une limite temporelle à l'autorisation de procuration afin de sécuriser et fluidifier le processus.

Je conclurai en soulignant que la critique peut toujours s'exercer de façon positive, mes chers collègues. À l'avenir, si des gouvernements d'autres bords politiques devaient être nommés, j'ose croire que cette dynamique d'accompagnement constructif du projet de loi de finances demeurerait !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

AUDITION DE M. BRUNO RETAILLEAU, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

MARDI 12 NOVEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour nos finances publiques.

Pour autant, nos politiques publiques, et singulièrement celles dont vous avez la responsabilité au sein du Gouvernement, nécessitent des moyens budgétaires adéquats pour atteindre les objectifs assignés. Nous aimerions vous entendre évoquer ce difficile équilibre et les trois missions budgétaires qui ressortissent de votre portefeuille : « Immigration, asile et intégration », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. - Ce projet de budget a été préparé dans une période difficile. En quelques semaines, il a fallu l'établir dans un contexte de dérapage des finances publiques historiquement très élevé, dont il porte la marque.

Cependant, un budget ne résulte pas seulement de choix comptables ou techniques, mais aussi de choix politiques. Avec Michel Barnier, nous assumons de faire des économies, mais il ne s'agit pas de sacrifier l'urgence sécuritaire à l'urgence budgétaire. Procéder à un tel sacrifice aurait été démocratiquement discutable et économiquement préjudiciable.

D'abord, cela aurait été démocratiquement discutable puisque notre pays est confronté à une hyperviolence. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les vingt minutes et une attaque avec arme toutes les heures. De plus, un millier d'agressions sont signalées chaque jour par nos compatriotes. Derrière ces chiffres, il y a des existences amputées, des corps brisés et parfois des vies volées.

Par ailleurs, chaque semaine, j'essaie d'appeler les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers qui ont été blessés pendant leur service. Ceux qui risquent leur vie pour protéger celles de nos compatriotes méritent le respect. Ils méritent aussi que l'on mette des moyens à leur disposition.

Ensuite, le sacrifice de l'urgence sécuritaire aurait aussi été économiquement préjudiciable. Si la sécurité des Français n'a pas de prix, les insécurités, elles, ont un coût. À ce titre, le Sénat avait estimé à 1 milliard d'euros au moins le coût collectif entraîné par les émeutes de l'été 2023. La Cour des comptes évalue à 1,8 milliard d'euros le coût de la lutte contre l'immigration illégale. Depuis 2017, l'indice d'attractivité de la France a baissé en raison de l'insécurité croissante, ce qui pèse aussi sur nos finances. Ainsi, pour remettre de l'ordre dans les comptes, il faut rétablir l'ordre, aussi bien dans la rue qu'à nos frontières ; c'est ce que demande l'immense majorité de nos concitoyens.

Le budget du ministère de l'intérieur servant cet objectif, il est préservé et renforcé. Avec 24,1 milliards d'euros, dont 15,06 milliards d'euros dédiés aux dépenses de personnel et 9,5 millions d'euros aux dépenses de fonctionnement et d'investissement, il respecte la trajectoire financière prévue dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Ce budget est renforcé puisqu'il augmente de 750 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. De plus, un amendement budgétaire visera à augmenter de 125 millions d'euros les crédits de paiement (CP) et de 150 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE), notamment en ce qui concerne l'immigration et la police. Cette augmentation se répartit ainsi : 225 millions d'euros pour la masse salariale et 527 millions d'euros pour le fonctionnement et l'investissement, qui viseront notamment à renforcer le numérique.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », qui englobe la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière, l'augmentation s'élève à 587 millions d'euros, sans tenir compte de l'amendement budgétaire que je vais présenter.

Pour cette mission, j'ai retenu plusieurs orientations. D'abord, au titre de la masse salariale, je souhaite respecter tous les engagements pris en 2022 dans le cadre des protocoles de modernisation des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales, qui avaient fait l'objet d'un accord unanime avec les organisations syndicales. Il s'agit d'un engagement de l'État vis-à-vis de ces dernières et de nos personnels.

En matière immobilière, l'objectif est d'abord de poursuivre la mise en oeuvre des grands projets structurants qui sont en cours, parmi lesquels la création d'hôtels des polices à Nice et Valenciennes. Nous reprendrons également l'entretien du parc domanial de la gendarmerie nationale grâce à de nouvelles opérations de réhabilitation, notamment pour les casernes de Babylone à Paris et de Chauny dans l'Aisne, ou pour le site de Saint-Astier.

Au-delà, il nous faut poursuivre la réflexion pour analyser les conditions de recours à des marchés de partenariat avec le privé, notamment dans le cadre de grandes opérations à venir, comme celle de la réhabilitation du site de Satory, qui coûtera plusieurs centaines de millions d'euros. Le modèle patrimonial de la gendarmerie est à bout de souffle ; on ne peut plus continuer ainsi.

En matière numérique, il est indispensable que policiers et gendarmes disposent des équipements nécessaires pour être efficaces au moment de leurs interventions. Ces équipements incluent des caméras-piétons, des drones, des moyens de lutte anti-drones, mais également des systèmes d'information adaptés à leur métier au quotidien. Ils croulent sous des procédures de plus en plus importantes et le recours à l'intelligence artificielle pourrait leur simplifier la tâche. L'expérience des usagers a déjà été améliorée grâce au numérique, puisque la plainte en ligne a été généralisée il y a quelques semaines, sur l'ensemble du territoire national, après avoir fait l'objet d'une expérimentation. Les travaux vont se poursuivre, par exemple sur la numérisation de la procédure pénale, qui permettra de gagner beaucoup de temps administratif et de soulager policiers et gendarmes.

Au titre de la sécurité civile, l'État maintiendra son engagement dans le cadre des pactes capacitaires, à hauteur de 45 millions d'euros. Il faut aussi conforter les colonnes de renfort, notamment pour la lutte contre les grands feux. Un effort significatif de 13 millions d'euros sera fourni en ce sens. Par ailleurs, nous devons entreprendre une réflexion sur le renouvellement de la flotte, composée d'appareils différents, notamment de types Canadair, Beechcraft ou Dash. Nous dépenserons 100 millions d'euros en 2025 et 500 millions en cinq ans, pour renouveler la flotte des hélicoptères EC 145. De plus, nous louons certains moyens aériens, ce dont nous ne pourrons sans doute pas nous passer ; il faut de l'agilité en la matière. La question de l'état de la flotte à l'horizon de quinze ou vingt ans est posée.

Enfin, les crédits alloués à la sécurité routière permettront de suivre les orientations fixées par le comité interministériel de la sécurité routière de juillet 2023 : éduquer, prévenir et sanctionner. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) permet à des collectivités d'installer des radars automatiques et l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) bénéficiera de 13 millions d'euros supplémentaires. La question se posera de savoir ce qui reviendra à l'État et aux collectivités.

J'en viens à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et je tiens à l'idée que mon ministère n'est pas seulement celui des sécurités, mais aussi celui de l'administration territoriale de l'État.

En la matière, je plaide pour que l'État déconcentré s'organise autour des préfets de département, qui doivent assurer l'autorité d'une même voix pour l'ensemble des services de l'État. L'administration de l'État territorial est à l'os et, là encore, des questions patrimoniales se posent. Les crédits augmenteront de 300 millions d'euros et nous soutiendrons les moyens consacrés à l'immobilier, à hauteur de plus de 30 millions d'euros. Des créations de postes auront également lieu.

En matière d'immobilier, deux grands projets concernent le ministère. En premier lieu, la construction du siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) va commencer à Saint-Ouen, pour un coût de 1,2 milliard d'euros. En plus de dix ans, les effectifs de la DGSI ont doublé. Au moment des attaques terroristes, nous avons pris conscience de l'existence de trous dans la raquette en matière de renseignement. Un effort national a été fourni et la DGSI doit absorber plus de 5 000 collaborateurs.

En second lieu, l'administration centrale du ministère s'installera à Saint-Denis, dans l'ensemble immobilier Universeine, qui accueillera 2 700 agents. Cette opération aura un coût de presque 300 millions d'euros. Il s'agit d'un projet assez vertueux puisqu'un certain nombre de structures qui visaient à accueillir les athlètes pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques seront réutilisées.

Enfin, la transformation numérique reste centrale, notamment avec l'ouverture du service du Réseau Radio du Futur. En matière d'hébergement numérique, il faudra privilégier des solutions souveraines autant que possible.

J'en viens à la mission « Immigration, asile et intégration », dont les crédits ont d'abord beaucoup diminué. J'ai donc indiqué au Premier ministre qu'il fallait aligner nos objectifs et nos moyens, même si aucune mission ne doit être à l'abri des économies.

Cette baisse a été envisagée en raison d'une décroissance prévisionnelle du nombre d'Ukrainiens accueillis. En effet, nous accueillions 96 000 Ukrainiens en 2022 et nous estimons que ce chiffre sera inférieur à 40 000 en 2025.

De plus, nous souhaitons rationaliser la gestion des places d'hébergement. Ces dernières sont largement occupées par des publics qui ne devraient pas y avoir accès, comme les déboutés du droit d'asile. En conséquence, le public que nous sommes censés accueillir ne peut pas l'être. De la même manière, l'hébergement d'urgence, qui relève de la compétence de ma collègue Valérie Létard, est désormais occupé à 70 % ou 80 % par des étrangers en situation irrégulière, ce qui pose d'énormes problèmes. Toute la chaîne d'hébergement rencontre des difficultés, qu'il faudra progressivement résoudre.

Je confirme que nous ouvrirons de nouvelles places dans les centres de rétention administrative (CRA), puisque nous visons l'objectif de 3 000 places en 2027. De plus, 29 nouveaux équivalents temps plein (ETP) seront attribués à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), permettant notamment de réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Cela entraînera des économies s'agissant de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA). Enfin, le déploiement des espaces « France asile » permettra également de réaliser des économies, notamment en termes de transport.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Le projet de budget, tel qu'il nous est transmis, mentionne une baisse de 60 millions d'euros des crédits fléchés vers la lutte contre l'immigration irrégulière.

Vous venez d'indiquer, comme vous l'avez déjà fait à l'Assemblée nationale, que le budget de la mission serait sans doute revalorisé, ce dont on peut se réjouir. Pouvez-vous donner des précisions quant aux montants et à l'affectation de ces crédits supplémentaires ?

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'efficacité d'une politique publique ne se mesure pas toujours au montant des budgets investis, tout le monde ici en a conscience. Néanmoins, la mission « Immigration, asile et intégration » connaît pour l'instant une baisse prévisionnelle et j'espère avoir une bonne nouvelle dans quelques minutes. Cette diminution s'élève à 35 millions d'euros en AE et à 110 millions d'euros en CP. Par ailleurs, nous avons réintégré à la mission les crédits consacrés aux Ukrainiens. Globalement, il s'agit d'un effort de 300 millions d'euros.

D'abord, le budget consacré à l'hébergement des demandeurs d'asile baisse de 71 millions d'euros ; 6 500 places ne seraient plus financées. Je m'interroge sur la soutenabilité d'une telle baisse. En effet, non seulement nous financerons 6 500 places en moins, mais les places réservées aux Ukrainiens seront également financées sur cette ligne. Avec une prévision de 5 % de demandeurs d'asile en plus pour l'année prochaine - certains experts évoquent même 6 % ou 7 % -, l'objectif n'est-il pas trop ambitieux ?

En ce qui concerne les crédits dédiés à l'ADA, le budget prévoit 47 millions d'euros en moins. Comme il s'agit d'une dépense obligatoire, les crédits seront certainement ajustés au cours de l'année. Cependant, je m'interroge là aussi sur la soutenabilité de l'effort demandé.

Enfin, j'en viens aux CRA. Avec la diminution de 47 millions d'euros des CP et de 115 millions d'euros des AE, l'objectif de créer 3 000 places en 2027 n'est-il pas compromis ? De façon plus générale, je m'interroge sur la gestion des CRA. En effet, le profil des personnes retenues change et il s'agit beaucoup plus qu'avant de personnes troublant l'ordre public. De même, la durée de rétention progresse puisque nous sommes passés en une année de 29 à 33,3 jours en moyenne. Je m'interroge donc sur les moyens octroyés aux policiers, dont ce n'est pas le métier d'intervenir dans les CRA, mais aussi sur la nature de la rétention en CRA et sur des vulnérabilités, en matière de bâtiment et de formation des agents.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances sur la mission « Immigration, asile et intégration ». - Vous l'avez dit, une partie des places d'hébergement existantes ne sont pas occupées par ceux qui devraient les occuper. Nous sommes aussi confrontés à une autre problématique puisque 2 000 logements posent question quant à leur état, si bien qu'ils n'entrent plus dans la comptabilisation des places. Ainsi, sur les 6 500 logements qui disparaîtraient, 4 000 ne sont pas occupés par les bonnes personnes ou sont dans un tel état qu'ils ne sont pas occupés ; le différentiel est faible. Des consignes ont été données aux préfets pour faire le point sur cette situation dans l'ensemble des départements. L'impact budgétaire ne serait pas aussi élevé qu'on le pense si les choses étaient faites dans les règles, avec la diligence souhaitée.

En ce qui concerne l'intégration, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoit une obligation de résultat. Il ne s'agira plus seulement, pour les étrangers en situation régulière, d'être assidus à leurs cours de français et d'accepter de participer à quatre journées consacrées à nos valeurs civiques, pour accéder à des titres de séjours longs, mais de bien de réussir des examens. Pour le moment, le travail nécessaire n'a pas été accompli. Or on constate un échec dans l'apprentissage du français comme dans l'enseignement de nos valeurs civiques. Il s'agit d'une question non pas de moyens, mais de volonté. Aujourd'hui, les documents faisant état de nos valeurs ressemblent à des catalogues de droits, mais n'évoquent pas les devoirs. Il faut rappeler l'importance de la laïcité et de l'égalité entre les hommes et les femmes. Cette question pèsera certainement davantage dans le budget suivant et j'y serai attentive.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » sur le programme « Sécurité civile ». - Je souhaiterais évoquer deux points d'inquiétude quant aux moyens nationaux de la sécurité civile, présentés au sein du programme 161.

La semaine dernière, je me suis rendue sur la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes pour échanger sur les enjeux liés à la flotte nationale. Aussi, je souhaiterais aujourd'hui compléter ces échanges en abordant la problématique de la disponibilité des moyens aériens pour la lutte contre les feux de forêt. En 2024, la saison des feux a été d'une intensité modérée, notamment grâce à la réactivité des acteurs de la sécurité civile et à l'efficacité de notre doctrine opérationnelle. Toutefois, au cours de l'été, des inquiétudes quant à la faible disponibilité des moyens aériens ont interrogé la capacité de notre flotte à assurer la même efficacité si, à l'avenir, des feux plus importants devaient survenir. Quelle est votre position sur ces enjeux de disponibilité de nos aéronefs, qui sont vieillissants ? Quelles conclusions tirez-vous des difficultés observées à assurer le maintien en condition opérationnelle ? Comment assurer la capacité de la flotte à faire face à une saison de feux de forêt dont l'intensité serait similaire à celle de 2022 ? Ces interrogations ne sont pas sans lien avec le projet de renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau, dont j'espère que vous direz un mot.

J'en viens aux inondations exceptionnelles survenues dans plusieurs départements au cours de l'année 2024 et aux drames subis ces derniers jours par nos voisins espagnols. Alors que la multiplication des épisodes de fortes pluies et des risques de crues est inévitable pour les années à venir, comment anticipez-vous les besoins accrus en matière d'investissement dans le matériel et la formation des acteurs de la sécurité civile ? Comment le ministère entend-il répondre en termes budgétaires à ces risques naturels qui vont croissants et qui préoccupent nombre de nos concitoyens ?

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurités ». - On peut se réjouir que les budgets de la police et de la gendarmerie soient en légère augmentation et que des crédits supplémentaires soient ouverts dès cette année pour tenir les promesses faites aux policiers et aux gendarmes en contrepartie de leur engagement pendant les jeux Olympiques.

Toutefois, le PLF prévoit un schéma d'emploi nul pour la gendarmerie, ce qui constitue un renoncement important par rapport aux 500 ETP supplémentaires prévus par la Lopmi pour 2025, tandis que les objectifs opérationnels, eux, sont maintenus inchangés, avec la création de 239 brigades et de 7 escadrons. Est-il réaliste de faire beaucoup plus avec moins de militaires que prévu - à moins qu'il y ait un rattrapage d'ici à 2027 ? Mais cela semble difficile à envisager au vu des besoins très importants constatés sur d'autres postes de dépenses, je pense notamment à l'indispensable rénovation du parc immobilier.

S'agissant de la police, ce PLF marque un coup d'arrêt concernant l'investissement, et en particulier le renouvellement du parc automobile. Il est vrai qu'il avait été arrêté avec l'annulation de crédits dès le début de l'année 2024. Or les voitures sont un outil de travail quotidien. Leur dégradation affecte les conditions de travail des policiers, mais aussi la conduite des opérations. Mais je sais que vous héritez de cette situation. Pouvez-vous nous assurer que les crédits prévus seront bien engagés, contrairement à 2024 ? Cela a-t-il été identifié comme une priorité pour les années à venir ? Car c'en est une.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Merci pour vos propos ; nous sommes nombreux à souhaiter un État déconcentré fort incarné par le préfet. Les deux dernières années ont été jalonnées par diverses annonces en faveur de l'administration territoriale de l'État.

Concrètement, ont été lancées en février dernier les rencontres de l'administration territoriale de l'État, mais la dissolution a eu raison de ces ateliers, pourtant essentiels. Le programme « Missions prioritaires des préfectures » arrive dans sa dernière année, envisagez-vous reprendre ces travaux ? Irez-vous au-delà de la simple préservation des effectifs ? Relancerez-vous ce dialogue ?

Je souhaite également aborder d'autres actions et projets portés par les crédits de la mission budgétaire « Administration générale et territoriale de l'État » que sont le programme France identité numérique et l'organisation des élections. Le projet d'identité numérique régalienne repose sur trois impératifs fondamentaux : le besoin de souveraineté face aux initiatives des acteurs privés, la garantie de sécurité et la lutte contre la fraude documentaire ainsi que la simplification des démarches pour les usagers. À cet égard, les premiers résultats des procurations de vote entièrement dématérialisées sont encourageants et témoignent de l'adhésion croissante de nos concitoyens, plus de 100 000 électeurs en ayant bénéficié lors des élections de juin 2024.

Néanmoins, le cadre légal de la procédure électorale apparaît encore insuffisamment adapté : le justificatif d'identité numérique n'est pas reconnu comme preuve d'identité le jour du scrutin. Alors que les communes font déjà état de difficultés dans la gestion des procurations reçues le jour même des élections, la généralisation des procurations dématérialisées ne fera qu'aggraver le problème. Seriez-vous favorable à une évolution réglementaire fixant une date limite pour l'établissement des procurations ?

Habituellement, la commission des lois rejette les crédits de cette mission non pas par principe, mais pour attirer l'attention du ministre sur la nécessité d'un État territorial fort, notamment les sous-préfectures. Il semblerait que la majorité évolue vers un vote favorable, lequel n'en attirera pas moins votre attention pour qu'aucun territoire ne soit oublié.

M. Bruno Retailleau, ministre. - L'amendement budgétaire décidé par le Premier ministre abondera la mission « Immigration, asile et intégration » de 56 millions d'euros en AE et de 34 millions d'euros en CP. Dans ce budget difficile, chacun est amené à réaliser des économies, mais ces crédits supplémentaires étaient nécessaires. Nous essayons par ailleurs d'optimiser au maximum, en nous ajustant à la décroissance du nombre d'Ukrainiens accueillis et en mettant en place un pilotage de l'hébergement beaucoup plus volontariste. Je constate que certaines préfectures de région y parviennent bien mieux que d'autres - il y a des marges de progression.

Pour faire baisser nos dépenses d'ADA, nous envisageons de recruter 29 ETP à l'Ofpra, qui devraient concourir à réduire la durée des procédures ; les premiers espaces France asile à Cergy-Pontoise, à Toulouse puis à Metz permettront également d'économiser trois semaines de délai de traitement et de nombreux frais de transport.

Il faut tenir sur l'objectif de 3 000 nouvelles places en CRA. Sur les 34 millions de nouveaux crédits de paiement, une bonne part y est consacrée. Mais c'est moins une question de crédits que de lourdeur des procédures. J'ai donc prévu une équipe dédiée au sein de mon ministère pour accélérer cette mise en oeuvre. Le CRA de Nice comporte une quarantaine de places qu'on pourrait étendre à 140, mais il nous faut négocier avec la ville de Nice.

La durée moyenne de placement a augmenté, pour atteindre 33 jours. Le problème principal pour augmenter le nombre de places sera le personnel. Ce ne sont pas des postes attractifs. À Lyon, ce sont des gendarmes mobiles, mais ce n'est pas leur métier. Souvent, ce sont des agents de la police aux frontières. Il importe de procéder à des externalisations sur les tâches non régaliennes, comme pour la restauration. Mais je n'ai pas de réponse définitive pour le moment concernant cette question.

Nous voulons être très volontaristes sur l'immigration, en articulant notre action autour de trois piliers.

D'abord, une action très en avant, au niveau international, via des accords bilatéraux. Mardi dernier, nous avons signé avec le Kazakhstan un accord conforme au droit européen - il n'a rien à voir avec l'accord italo-albanais - permettant d'y renvoyer des étrangers dès lors qu'on établit des preuves de transit ou de séjour. Cela pourrait concerner les plus de 83 000 Afghans présents en France. Un binôme formé par un ambassadeur et un représentant du ministère de l'intérieur sera chargé de développer ces accords.

Ensuite, nous défendons une réponse européenne, avec une application anticipée du pacte sur la migration et l'asile et la création des centres d'attente qu'il prévoit. Les demandes d'asile de ressortissants de pays ayant un taux de protection de moins de 20 % seront traitées plus rapidement. Je suis heureux de constater, lors des réunions européennes, un consensus pour la refonte de la directive « Retour », mal nommée, puisqu'elle empêche précisément les retours. Ursula von der Leyen nous a confirmé qu'elle considérait cette refonte comme une question urgente.

Enfin, nous déploierons une stratégie au niveau national, avec deux circulaires et un projet de loi qui reprendra les dispositions qui avaient été censurées par le Conseil Constitutionnel pour des raisons de forme.

Nous ne pouvons plus accepter le désordre migratoire. Nous devons mieux mobiliser les outils existants, par exemple la libération conditionnelle-expulsion, par laquelle la peine peut être réduite à condition d'un retour volontaire dans le pays d'origine. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les CRA pour gérer une politique de retour. D'où les politiques de réadmission que je mène, par exemple avec le Maroc.

Madame Ciuntu, effectivement, une partie des places d'hébergement ne sont pas disponibles ; plus de 4 000 places sont occupées par des publics qui ne devraient pas les occuper. Nous serons déterminés sur cette question aussi.

Effectivement, la loi de janvier dernier transforme l'obligation de moyens en obligation de résultat. Nous sommes en phase de préparation des marchés publics pour la réforme des dispositifs d'apprentissage de la langue et d'instruction civique. Pour la langue, nous étudions la possibilité d'un enseignement à distance. Je crois que la mise en concurrence de l'appel d'offres nous permettra de faire des économies.

Nîmes est une belle base d'entretien de notre flotte d'aéronefs de lutte contre l'incendie, malheureusement vieillissante. Il y a deux ans, la Président de la République avait pris l'engagement de renouveler quatre appareils. Deux commandes ont été passées avec un cofinancement européen. Nous aurons donc à payer moins en 2025 qu'en 2024.

Nous avons besoin de redimensionner la flotte : nos moyens sont insuffisants. Nous allons continuer à renouveler notre parc d'hélicoptères à hauteur de 100 millions d'euros.

Nous allons relancer, le 25 novembre, le Beauvau de la sécurité civile avec l'ensemble des partenaires. Je tiens à préserver le modèle français, qui présente le meilleur rapport entre le coût et la qualité, caractérisé par la mixité des statuts, la complémentarité et l'ajout de moyens nationaux si besoin. Mais cela implique qu'on ne nous demande pas d'appliquer aux volontaires la directive Travail. Les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas des salariés !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce sont des collaborateurs occasionnels du service public.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Eux-mêmes tiennent à ce statut de volontaire. Nous louons aussi en saison d'autres appareils, pour un coût de 30 millions d'euros : dix hélicoptères bombardiers d'eau et six avions légers de type Air Tractor.

Concernant mon retour d'expérience sur les inondations, cela n'a rien à voir avec les inondations qui ont eu lieu à Valence : nous avons une culture des risques. Après la tempête Xynthia, j'avais présidé au Sénat une commission d'enquête qui avait montré à l'époque que notre culture des risques était proche de zéro ; mais les progrès ont été immenses.

Cette culture repose sur la chaîne du risque depuis l'amont - la prévision, avec Météo France, puis FR-Alert - jusqu'à l'aval, que doivent préparer les plans communaux de sauvegarde. Les maires doivent se prêter à des exercices très concrets, tels que le repérage des personnes grabataires à secourir en priorité. J'incite les associations départementales d'élus à guider les maires dans ce domaine.

Madame Dumont, les pactes capacitaires avec les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont fondamentaux : les appels d'offres sur toute la France permettent d'obtenir une baisse des coûts de l'ordre de 30 % et un matériel interopérable : cela facilite le soutien entre départements lors des grands feux.

À ce propos, le jour même de la catastrophe à Valence, j'ai proposé à mon homologue espagnol l'envoi de 200 à 250 sapeurs-pompiers, mais il a refusé dans un premier temps. Il m'a ensuite demandé l'envoi d'une cinquantaine d'entre eux. Je compte réunir les autres ministres de l'intérieur européens pour créer un état-major capable de gérer les très grandes crises de manière coordonnée - aujourd'hui, les choses se font en bilatéral.

Monsieur Leroy, nous aurons bien 238 nouvelles brigades, soit une de moins que prévu, dont 57 restent à déployer. J'ai demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) un calendrier précis, afin de pouvoir envoyer aux maires un engagement écrit sur la date de création de chaque brigade.

Le calendrier de création nécessite, vous avez raison, des emplois supplémentaires, notamment l'an prochain. Ce sera mon combat. J'ai la masse salariale, mais Bercy bloque sur le schéma d'emploi. Je tiens à ce qu'on respecte les engagements pris.

S'agissant des investissements dans la police, monsieur Leroy, des crédits seront engagés pour acheter 1 600 voitures de police.

Le principal problème porte sur l'immobilier : en quinze ans, on est passé de loyers à hauteur de 300 millions d'euros à 600 millions d'euros ! Comme l'État n'avait pas assez de crédits pour investir, il a demandé aux collectivités et aux bailleurs sociaux de le faire à sa place. Mais le modèle a ses limites : les loyers cannibalisent les crédits. Nous ne sommes plus capables de remettre à niveau notre patrimoine immobilier. Les partenariats public-privé (PPP) ont du sens pour de grands projets comme Satory. J'ai demandé au DGGN de me proposer un plan de sortie.

Madame Cukierman, si les rencontres ont eu lieu, elles n'ont effectivement donné lieu à aucune restitution. J'ai souhaité une reprise des rencontres en décembre. C'est fondamental pour les services déconcentrés. J'ai également souhaité une augmentation des effectifs dans les préfectures et sous-préfectures : nous suivrons la trajectoire de cette année, avec une centaine de créations de postes.

Vous m'indiquez que le cadre normatif des procurations dématérialisées n'est pas satisfaisant. Mais cela relève de la loi : il faudra que le Sénat y pourvoie.

Concernant la date limite, cela relève du domaine réglementaire. Je vais y réfléchir. À quel délai pensiez-vous ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Je ne demande pas une réponse tout de suite. De nombreuses communes nous disent qu'il est difficile de gérer un afflux de procurations après 18 heures le vendredi...

M. Bruno Retailleau, ministre. - Je compte sur la commission des lois du Sénat pour me faire des propositions sur ce point, madame la présidente.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Monsieur le ministre, ayant été le rapporteur de la Lopmi au Sénat, je me réjouis que vous soyez parvenu à en conserver les équilibres fondamentaux. Lors de sa première année d'exécution, une loi d'orientation est toujours formidable, mais, dès la deuxième année, il faut lutter pour que des crédits programmés ne soient pas supprimés. En l'occurrence, vous avez préservé l'essentiel, même si je souscris aux remarques formulées par Henri Leroy.

Par ailleurs, votre prédécesseur, Gérald Darmanin, m'avait demandé de me pencher sur le sujet de l'immobilier, dont vous avez dit quelques mots. Celui-ci s'était mué en père Noël, faisant la tournée des mairies pour annoncer que des casernes de gendarmerie seraient construites à toute allure, mais nous voyons bien que les choses ne se passent pas ainsi.

La gestion du patrimoine locatif est un vrai sujet, en particulier pour ce qui concerne la gendarmerie. Selon un diagnostic que j'ai réalisé, celle-ci compte 1,1 million de mètres carrés de locaux, dont environ la moitié sont domaniaux et l'autre moitié sont en location. Or, à l'évidence, la gendarmerie n'a pas la compétence pour gérer une telle masse locative. Il convient donc de s'interroger sur l'éventualité d'en confier la gestion à des professionnels, par exemple à Action Logement. De même, nous devons nous poser la question de la création d'une foncière logement pour plus d'efficience.

J'ai bien compris que vous étiez conscient du problème, qui, à terme, est explosif d'un point de vue budgétaire, en témoignent les disparités de loyer entre police, gendarmerie et préfectures. Aussi, qu'envisagez-vous pour le résoudre ?

M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, de manière générale, j'ai noté que vos prévisions se fondaient sur l'application d'une politique volontariste, reposant notamment sur les préfets, en vue de réaliser des économies. Pourtant, une telle politique n'a toujours pas été mise en oeuvre et le budget à venir risque de compliquer la tâche à quiconque souhaite le faire.

Je vous rappelle que les préfectures souffrent déjà d'un manque criant de personnel pour traiter les dossiers, qui allonge les délais d'attente. Pourtant, 350 suppressions de postes dans les préfectures et les sous-préfectures sont prévues dans le budget pour 2025. Les conséquences seront lourdes - elles le sont même déjà - pour la justice administrative.

Je reviendrai sur les propos de certains de mes collègues sur l'asile et l'immigration. Voilà la photographie de ce qui est prévu concernant l'hébergement : 6 179 places d'accueil en moins ; une réduction de 71 millions d'euros par rapport à 2024. De nombreux demandeurs d'asile vont ainsi se retrouver dans des structures d'hébergement d'urgence de droit commun, dormir dans la rue ou payer des marchands de sommeil.

De plus, les crédits alloués à l'exercice du droit d'asile ont également diminué de 16 %, ce qui affectera essentiellement les cours de français. Cela semble totalement paradoxal, compte tenu des nouvelles exigences requises en matière linguistique pour obtenir un titre de séjour depuis l'adoption de la dernière loi relative à l'immigration.

Pour ce qui est de l'intégration par la formation professionnelle, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) perdra des effectifs en 2025, son budget s'élevant à 275 millions d'euros, contre 281 millions d'euros en 2023. Cette structure joue pourtant un rôle majeur pour que les primo-arrivants s'intègrent par l'emploi et veille à la bonne exécution du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Par ailleurs, les demandeurs d'asile sont dans l'impossibilité de signer un contrat de travail, ils se voient refuser une régularisation et la dotation relative à l'ADA diminue de 16 % après avoir déjà diminué de 10 % en 2024. Dès lors, ils n'ont d'autre choix que de travailler au noir, sans protection salariale ni couverture santé, alors qu'ils aspirent à travailler ou le fond déjà.

L'Ofpra bénéficie certes de 29 postes supplémentaires, mais lors des auditions que nous avions menées pour préparer l'examen de la loi relative à l'immigration, les fonctionnaires de cette structure ainsi que ceux de l'Ofii nous avaient alerté sur le manque criant de personnel formé. Il est attendu des espaces « France asile » qu'ils résolvent les problèmes et diminuent les délais, mais des délais plus courts signifient également moins de temps pour monter un dossier. La diminution des délais n'est pas une fin en soi : il faut avant tout que les demandes soient traitées correctement. Pour l'heure, nous n'avons aucune garantie à cet égard.

Enfin, monsieur le ministre, j'ai visité quatre CRA rien qu'en 2024. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que l'on ne peut pas compter que sur les CRA pour mener la politique de retour, car le profil des retenus a changé. Ces derniers sont désormais majoritairement des personnes qui sortent de prison et ont vocation à y retourner, faisant de ces structures des centres de détention, dont les bâtiments comme le personnel sont inadaptés à la situation. Dès lors, comment expliquer l'effort financier accordé à ces structures, qui sera inefficace faute d'avoir au préalable repensé leur rôle en matière de politique de retour ?

Monsieur le ministre, vous étiez à Marseille avec Didier Migaud vendredi dernier, le 8 novembre, pour aborder la question de la lutte contre le narcotrafic, que vous érigez en grande cause nationale. Pouvez-vous me donner des éléments chiffrés sur les efforts réels qui seront consacrés par l'État à cette grande cause nationale ?

Mme Corinne Narassiguin. - Je m'associe aux questions de Guy Benarroche.

Monsieur le ministre, vous insistez sur la nécessité de tenir l'objectif de 3 000 places dans les CRA à l'horizon 2027, mais je n'ai toujours pas compris comment vous comptiez vous y prendre d'un point de vue budgétaire. Il me semble pour le moins optimiste de compter uniquement sur une accélération des procédures, sachant que nous avons avant tout un problème d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui n'est pas seulement dû aux laissez-passer consulaires.

Les frais d'éloignement sont en baisse de 11,6 %, ce qui signifie qu'il y aura plus de personnes en CRA et moins de moyens pour les éloigner. Je ne comprends pas la logique.

Tous types d'hébergements confondus, la réduction capacitaire concernerait ensuite 9 000 places, alors que nous comptons déjà 6 000 personnes sans domicile fixe en France.

Compte tenu de l'incertitude géopolitique, il semble hasardeux de miser sur une éventuelle résolution de la guerre en Ukraine occasionnant une baisse de réfugiés ukrainiens. Par ailleurs, vous avez mentionné l'éloignement des ressortissants afghans ; nous devrions plutôt nous préparer à accueillir massivement des femmes afghanes. Le sous-financement de l'accueil demeure un énorme problème.

En ce qui concerne l'intégration, l'article 20 de la dernière loi relative à l'immigration, que vous avez largement inspiré, fait l'objet d'un problème d'application. Celui-ci impose des obligations de résultat en matière d'apprentissage de la langue française. Or les crédits de l'action n° 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, du programme 104 baissent de 45 %. Les moyens d'enseignement du français étaient déjà insuffisants avec le durcissement des exigences linguistiques pour l'obtention d'un titre de séjour. Nous ne voyons pas comment nous pourrons atteindre les objectifs de cette loi.

Par ailleurs, vous avez annoncé vouloir supprimer la circulaire Valls. J'aimerais obtenir des explications à ce sujet, d'autant que nous attendons toujours l'actualisation de la liste des métiers en tension, qui est nécessaire pour appliquer la loi du 26 janvier 2024.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, vous dites vouloir allonger de manière très importante la durée maximale de rétention administrative, pour la porter à 210 jours. Comment comptez-vous procéder avec un budget en baisse ? Peut-être ne pensez-vous pas le faire dès l'année prochaine ?

En ce qui concerne les OQTF, je vous repose la question que j'ai posée la semaine dernière à Othman Nasrou en séance publique, qui n'a pas su me répondre : pourquoi les préfectures ne demandent-elles pas la délivrance des laissez-passer consulaires dès lors que la personne concernée est détenue et fait l'objet, comme c'était le cas du meurtrier présumé de la jeune Philippine, d'une interdiction du territoire français (ITF) prononcée par une juridiction ?

Par ailleurs, la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions a autorisé jusqu'au 31 mars 2025 l'expérimentation, dans des circonstances très spécifiques, d'une vidéosurveillance algorithmique, sans reconnaissance faciale. Avant une éventuelle pérennisation, un comité d'évaluation, présidé par Christian Vigouroux, doit émettre ses conclusions d'ici au 31 décembre 2024.

J'ai noté que le préfet de police, faisant preuve d'une forme de clairvoyance qui ne m'étonne pas de sa part, a annoncé dès le 25 septembre que le bilan était positif et qu'il était favorable à une pérennisation de l'expérimentation. Vous en avez fait de même le 2 octobre. Permettez-moi donc de m'assurer que vous avez bien l'intention de tenir compte des conclusions du comité d'évaluation...

Enfin, comme vous recherchez des crédits, vous pourriez réaliser des économies sur le logiciel d'analyse vidéo Briefcam, qui a fait l'objet d'une inspection conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale de la police nationale (IGPN). Celui-ci a coûté 1,287 million d'euros alors qu'il n'a été utilisé que 177 fois par la police et 386 fois par la gendarmerie en huit ans. Une rationalisation des achats réalisés par le ministère de l'intérieur serait opportune.

M. Hussein Bourgi. - Monsieur le ministre, je vous remercie des informations que vous avez bien voulu nous communiquer.

Lorsque nous avons adopté la Lopmi, l'annonce de la création de plus de 200 nouvelles brigades de gendarmerie avait suscité un grand enthousiasme chez les maires. Depuis lors, des informations contradictoires circulent : selon certaines, une crise des vocations nous empêcherait de trouver des volontaires pour s'engager dans la gendarmerie ; selon d'autres, plus plausibles, les délais de formation des nouveaux gendarmes retarderaient leur déploiement.

À l'aune des nouvelles orientations budgétaires, l'enthousiasme a fait place à la perplexité. Les maires comme les gradés de la gendarmerie sont dans l'expectative et se demandent si le foncier réservé par les premiers servira un jour aux seconds. Il serait utile que vous fixiez un cap pour déterminer ce qui sera fait d'ici à la fin du quinquennat pour restaurer la confiance des différents acteurs, que je sens s'étioler sur le terrain.

Par ailleurs, année après année, et en particulier à l'occasion des grands incendies survenus il y a deux ans, vos prédécesseurs se sont engagés à augmenter nos capacités dans le domaine du matériel aérien tout en nous indiquant que nous devions travailler en bonne intelligence avec nos partenaires européens pour passer des commandes groupées. Combien de pays se sont-ils engagés à passer commande ? Pour acquérir combien d'engins ? Avez-vous l'espoir, à court ou moyen terme, que ces avions soient effectivement commandés ?

M. Christophe Chaillou. - Tout d'abord, monsieur le ministre, en ce qui concerne les centres de rétention administrative, je ne peux que me joindre aux propos de plusieurs de mes collègues. Dans mon département du Loiret, un centre récemment ouvert compte vingt places vacantes, à cause du manque de personnel. Vous avez raison de souligner les difficultés à convaincre des agents de rejoindre ces centres pour accomplir des missions pas nécessairement enthousiasmantes. En conséquence, de jeunes policiers sont mobilisés alors qu'ils seraient plus utiles dans le domaine public. Nous devons collectivement nous interroger sur l'adéquation entre les moyens que nécessitent les CRA et leur efficacité.

Ensuite, de nombreuses promesses ont été faites en matière d'immobilier pour les gendarmeries. Des bailleurs ont d'ores et déjà engagé des fonds et attendent, comme les élus, que des décisions fermes soient prises. J'ai en tête des exemples précis sur lesquels je vous transmettrai des informations.

Enfin, les loyers dus au titre des gendarmeries seront-ils, comme promis, versés en décembre ? Pour la commune de Dampierre-en-Burly, dans mon département, ils représentent 200 000 euros.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Monsieur Daubresse, la trajectoire de la Lopmi était ambitieuse et croyez-moi, c'est déjà un tour de force de la respecter en 2025.

Vous connaissez bien les questions de logement. Pour les gendarmeries, je ne vois que des avantages à ce que nous trouvions des solutions innovantes. Aussi, j'ai demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale, le général d'armée Hubert Bonneau, d'y réfléchir en ne s'interdisant aucune piste, y compris en questionnant le recours à des partenariats public-privé ou encore à des solutions privées.

Vos propositions méritent d'être expertisées. Je n'ai aucune doctrine, aucun préjugé sur la question. Il est problématique que des gendarmes et leur famille soient parfois logés dans des casernes au niveau de confort insuffisant. Nous devons y réfléchir en profondeur et n'écarter aucune solution. Je demanderai au général Bonneau de vous contacter.

Monsieur Benarroche, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ne perd pas 300 agents ; nous allons même augmenter les effectifs au-delà d'une centaine de postes en 2025. Je me bats pour cela et je tiens absolument à obtenir gain de cause.

Sur la mission « Immigration, asile et intégration », la baisse des crédits de l'Ofii provient de la baisse des crédits européens, à hauteur de plus de 41 millions d'euros. Nous avons choisi de compenser cette baisse pour moitié en crédits de paiement pour 2025. Pour le reste, nous aiderons l'opérateur à trouver des solutions pour mener à bien ses missions. Je m'y suis engagé auprès de son directeur.

Sur la question de l'hébergement, je dois encore vous préciser que les occupations indues représentent 17 % des places disponibles. Il convient donc de les réduire.

Pour mieux intégrer, il faut lutter contre l'immigration irrégulière. Nous ne pouvons plus recevoir un demi-million d'étrangers par an - 327 000 primo-délivrances d'un titre de séjour, 137 000 demandeurs d'asile, 35 000 régularisations, auxquels s'ajoutent, selon les chiffres de mon ministère, 60 000 à 70 000 personnes en situation irrégulière -, soit l'équivalent d'une ville comme Lyon. Nous sommes dépassés par le nombre.

Lors de la réunion du dernier conseil Justice et Affaires intérieures, vingt-sept ministres de l'intérieur de gouvernements de tous bords, aussi bien conservateurs de droite que socio-démocrates de gauche, se sont tous exprimés et je n'ai senti aucune différence de perception sur l'immigration. En clair, la politique européenne en matière d'immigration fait désormais consensus, alors qu'elle provoquait jadis des divisions, en témoigne la lettre adressée aux États membres par Ursula Von der Leyen le 14 octobre dernier. Au reste, le consensus existe aussi en France, à en croire les enquêtes d'opinions et y compris parmi les électeurs de gauche.

Par ailleurs, nous avons abordé la question des contrats d'intégration républicaine. Nous allons produire un effort sans précédent sur le programme Agir - Accompagnement global et individualisé des réfugiés - pour accompagner individuellement 25 000 personnes vers l'emploi.

Sur l'intégration, 372 millions d'euros de crédits ont été consommés en 2024, et nous proposons 370 millions pour 2025. Comme moi, vous avez dirigé de grandes collectivités territoriales. Vous savez qu'il faut regarder ce qui est réellement dépensé pour comparer ce qui est comparable.

Les CRA sont bien sûr des centres fermés et il est hors de question d'assumer la politique des retours uniquement au travers de ces structures. Madame de La Gontrie, il convient d'anticiper davantage, ce qui n'est pas toujours simple. J'ai demandé un dialogue accru entre les procureurs et les juges des libertés.

Le délai de 210 jours ne s'appliquera pas à tout le monde. Je pense en particulier aux criminels sexuels en risque de récidive. Pour le cas du meurtrier de Philippine, la transmission du laissez-passer consulaire s'est jouée à un jour près, alors que le délai de 90 jours n'était pas écoulé. Voilà l'écueil que je veux éviter.

Pour ce qui concerne la lutte contre le narcotrafic, ceux qui connaissent la question savent qu'en matière de police judiciaire, un renfort de 25 enquêteurs est considérable. En outre, nous avons créé il y a quelques mois une unité d'investigation nationale pour tenir compte de l'aspect tentaculaire des enquêtes. La question des moyens est en quelque sorte subsidiaire : si les bonnes stratégies ne sont pas mises en oeuvre, tous les moyens du monde ne donneront aucun résultat. Et la stratégie que nous avons présentée avec mon collègue garde des sceaux permet de changer de cadre, d'avoir une véritable rupture. Face au narcobanditisme et à la criminalité organisée, nous voulons faire ce que nous avons fait contre le terrorisme, en modifiant un certain nombre de normes juridiques et en mobilisant de nouveaux outils. Certes, comme je l'ai indiqué à Marseille - la DZ Mafia est en train de polluer de nombreuses villes de France -, ce sera long : il faudra peut-être dix ans à quinze ans pour obtenir les résultats souhaités.

Madame Narassiguin, j'ai déjà évoqué les CRA. Souhaitez-vous que j'insiste sur un point en particulier ?

Mme Corinne Narassiguin. - Comment allez-vous financer les places supplémentaires et, surtout, traiter la question de l'éloignement avec des budgets en baisse ?

M. Bruno Retailleau, ministre. - Nous allons mobiliser Frontex. Récemment, deux vols groupés organisés par Frontex sont partis en Géorgie et en Albanie ; nous avions négocié les escortes avec les pays d'origine. Cette méthode change tout, et elle nous permettra de mieux contrôler le budget de l'éloignement.

Vous avez évoqué l'article 20 de loi du 26 janvier 2024. Sur le CIR, certains pays font de l'apprentissage en ligne. Othman Nasrou est en train de travailler sur le dossier.

Voilà quelques mois, nous nous sommes opposés sur le fait de savoir s'il fallait accorder un droit opposable à la régularisation. La majorité sénatoriale a très largement voté contre, de même que l'Assemblée nationale ensuite. Nous souhaitons donc remplacer la circulaire Valls, car le cadre législatif a changé.

D'une part, le champ d'application n'est plus le même : jadis, étaient concernés tous les métiers confondus ; aujourd'hui, il s'agit des métiers en tension. Des concertations sont menées dans chaque région ; les résultats nous en seront communiqués. La future circulaire devra prendre en compte cette nouvelle réalité.

D'autre part, le contrôle des conditions d'éligibilité diffère également. Auparavant, le préfet régularisait les personnes qui avaient un travail. Mais nous voulons démanteler des filières de travail clandestin. Il est trop facile de tirer les salaires vers le bas. Je rappelle qu'il y a pratiquement un demi-million d'étrangers en situation régulière au chômage. Je ne veux pas qu'il soit plus facile d'être régularisé en ayant trouvé un travail après être entré frauduleusement que de demander un titre de séjour parfaitement régulier. La circulaire Valls est donc obsolète. Le contrôle doit également porter sur l'intégration et le respect des principes républicains.

Madame de La Gontrie, les 210 jours en CRA ne concernent pas tous les publics. Il s'agit d'éviter les récidives en matière de crimes sexuels. Mais, en effet, lorsque nous gardons certaines personnes plus longtemps, cela bloque des places. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'anticiper, notamment lorsqu'un juge des libertés et de la détention décide d'une libération. C'est le sens des accords bilatéraux que nous concluons avec les pays d'origine, en particulier des grandes plaques continentales d'où proviennent les flux migratoires - je pense à l'Afrique, à l'Asie, etc. -, ainsi qu'avec les pays de séjour ou de transit.

Je suis très favorable à la vidéosurveillance augmentée, en rappelant que la loi ne permet pas de l'utiliser pour procéder à de la reconnaissance faciale. Le droit prévoit sept ou huit critères d'utilisation. Je crois savoir que vous allez mettre en place une mission d'information sur le sujet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Aux termes de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il revient au Gouvernement de remettre un rapport avant le 31 décembre.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Mais je vous confirme que nous avons décidé la mise en place une mission d'information, dont Marie-Pierre de La Gontrie et Françoise Dumont sont les rapporteurs. Elle rendra ses conclusions avant le mois de mars.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Et, pour le Gouvernement, la commission Vigouroux rendra ses conclusions, je pense, d'ici à la fin de l'année.

J'ai participé voilà quelques semaines à un G7 des ministres de l'intérieur consacré aux outils numériques. D'autres pays démocratiques sont confrontés aux mêmes problèmes et font appel aux mêmes technologies que nous. Certes, nous avons un certain nombre de contraintes juridiques que d'autres n'ont pas. Essayons de voir comment tirer le meilleur parti de ces nouvelles technologies sans, évidemment, porter atteinte aux libertés publiques.

Monsieur Bourgi, sur les brigades de gendarmerie, il y a des informations contradictoires ; il faut un cap. J'ai demandé au général Bonneau de m'indiquer ce qui est tenable. Une fois que j'aurai ses conclusions, j'apporterai ma pierre à l'édifice, en informant par écrit les maires des engagements de l'État, des délais et du calendrier.

Sur les incendies, le problème est que l'Europe part, une fois de plus, en ordre dispersé. Les Canadairs sont hors de prix : plus de 50 millions d'euros. C'est une question de souveraineté en matière de sécurité civile. Dans les années 2000, Michel Barnier a été à l'initiative d'un embryon de travail communautaire en la matière. Je souhaite que la France fasse preuve de volontarisme et réunisse les ministres chargés de la sécurité civile, afin de pouvoir faire des commandes publiques groupées, par exemple en nous inspirant du pacte capacitaire.

Monsieur Chaillou, une somme de 1 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros à 300 millions d'euros au titre des loyers de la gendarmerie, a été négociée et obtenue en loi de fin de gestion. N'hésitez pas à communiquer à mon cabinet le nom de la commune que vous avez évoquée. En tout état de cause, les loyers pourront être honorés. Je le rappelle, à l'origine, il y avait une sous-budgétisation ; puis, avec les jeux Olympiques et les événements survenus en Nouvelle-Calédonie, la cigale se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, nous vous remercions de vos réponses.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

France Titres (ex-Agence nationale des titres sécurisés)

· Mme Anne-Gaëlle Baudouin, directrice

· M. Bruno Jacquet, secrétaire général

· M. Florent Tournois, directeur de projet, chargé du programme « Identité numérique »

Ministère de l'intérieur

· M. Didier Martin, secrétaire général

· M. Pierre Molager, sous-directeur de l'administration territoriale de l'État

Municipalité de Boulogne-Billancourt

· Mme Christine Lavarde, conseiller municipal

· M. Alban Cadin, directeur général des services

Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur

· M. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet de la zone de défense et de sécurité Sud, préfet des Bouches-du-Rhône, président

· M. Éric Freysselinard, préfet, conseiller aux affaires intérieures auprès de l'ambassadeur de France à Madrid, vice-président délégué

· M. Emmanuel Aubry, préfet de la Sarthe, vice-président

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

· M. Jean-Philippe Vachia, président

· Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

· M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, membre associé du Bureau

· Mme Judith Mwendo, conseillère technique

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 14 novembre 2024 : Chartres (Eure-et-Loir)

Préfecture d'Eure-et-Loir

· Mme Agnès Bonjean, secrétaire générale, sous-préfète de Chartres

· Mme Françoise Tollier, directrice des relations avec les collectivités locales

· Mme Claire Hérissé, chef du bureau du contentieux interministériel et des titres

Table ronde avec les agents municipaux des 14 communes d'Eure-et-Loir ayant expérimenté la certification de l'identité numérique.

Vendredi 15 novembre 2024 : Lyon (Rhône)

Préfecture du Rhône

· Mme Vanina Nicoli, secrétaire générale, préfète déléguée pour l'égalité des chances

· Mme Catherine Méric, directrice des affaires juridiques et de l'administration locale

· M. Nordine Saoudi, directeur du centre d'expertise et de ressources titres (CERT) de Lyon

Table ronde avec les élus et agents municipaux de 15 communes du Rhône ayant expérimenté la certification de l'identité numérique.


* 1 Montants identiques à ceux prévus par le projet de loi de finances pour 2023.

* 2 Montants identiques à ceux prévus par le projet de loi de finances pour 2023.

* 3 Loi organique n° 2024-1026 du 15 novembre 2024 visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 4 Fin septembre 2024, le programme 232 a été abondé par le programme 552 « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) » en hors titre 2 et par le programme 551 « provision relative aux rémunérations publiques » en titre 2 pour faire face aux dépenses obligatoires jusqu'à fin novembre (indemnités électorales versées aux metteurs sous pli, remboursement d'une partie des comptes de campagne des candidats et paiement des frais d'assemblée électorale engagés par les communes).

* 5 Ce faisant, l'article 51 du projet de loi de finances pour 2025 prévoit une dérogation au plafond fixé par l'article 15 de la LOLF, qui limite le report des crédits de paiement disponibles en fin d'année à 3 % des crédits initiaux inscrits sur un même programme.

* 6 La mesure de transfert entrant correspond à la rétrocession des crédits au programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », piloté par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 7 Le médiateur du crédit aux candidats et partis politiques a été désigné le 3 août 2018, en application de l'article 28 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Il est chargé « de concourir, en facilitant le dialogue entre, d'une part, les candidats à un mandat électif et les partis et groupements politiques et, d'autre part, les établissements de crédit et les sociétés de financement, au financement légal et transparent de la vie politique ».

* 8 Il s'agit de 22 experts de haut niveau (EHN) pour des missions spécialisées ; 24 postes dédiés au pilotage régional des ressources humaines via des plateformes RH (PFRH) et 15 postes pour renforcer l'évaluation de l'encadrement supérieur.

* 9 Sur la base de 100 départements (les données étant manquantes pour Mayotte).

* 10 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements.

* 11 Règlement (UE) n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/C.

* 12 L'arrêté du 22 avril 2024 modifiant divers arrêtés relatifs aux pièces permettant de justifier de son identité en matière électorale, publié au Journal officiel du 23 avril 2024, a modifié le I de l'article 4 de l'arrêté du 16 novembre 2018 pris en application des articles R. 5, R. 6 et R. 60 du code électoral.

* 13 Délibération n° 2021-151 du 9 décembre 2021 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'État autorisant la création d'un moyen d'identification électronique dénommé « Service de garantie de l'identité numérique » et abrogeant le décret n° 2019-452 du 13 mai 2019 autorisant la création d'un moyen d'identification électronique dénommé « Authentification en ligne certifiée sur mobile ».

* 14 Décret n° 2023-1389 du 29 décembre 2023 relatif à la dématérialisation complète de l'établissement d'une procuration pour l'élection des représentants au Parlement européen et portant modification de diverses dispositions du droit électoral.

* 15 Décret n° 2024-527 du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale.

* 16 Données du ministère de l'intérieur fournies à la rapporteure, calculées sur la base d'un taux de dématérialisation progressive, de 2 % pour les élections européennes de 2024 à 60 % pour les élections régionales et départementales de 2028.

* 17 En cas de contentieux électoral, le juge de l'élection peut, pour apprécier l'influence de cette anomalie sur les résultats du scrutin, ajouter les procurations non reçues aux suffrages obtenus par les candidats battus et prononcer, dans ce cadre, l'annulation du scrutin (CE, 21 janvier 2002, n° 236117 ; CE, 24 août 2009, n°326396 et 327060 ; v. également CE, 5 octobre 2021, n° 450786).

* 18 Selon la secrétaire générale de la préfecture d'Eure-et-Loir.

* 19 L'application nécessite un téléphone disposant au minimum du système d'exploitation Android 8 ou iOS 16 (excluant ainsi les versions antérieures à l'iPhone 8) et de la technologie Near Field Communication (NFC).

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