EXAMEN EN COMMISSION
M. Alain Milon, président. - Nous passons enfin à la mission « Santé », dont Florence Lassarade est rapporteure pour avis.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la mission « Santé ». - En 2026, le budget consacré à la mission « Santé » devrait s'élever à 1,672 milliard d'euros, en hausse de 12,8 %. En réalité, à périmètre constant, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 affiche une stabilité des crédits dédiés à la mission, soit 1,43 milliard d'euros. Deux observations peuvent être formulées à cet égard. D'une part, le PLF pour 2026 confirme la trajectoire du net resserrement budgétaire de cette mission, déjà constatée l'année dernière. D'autre part, les prévisions budgétaires relatives aux dépenses de l'aide médicale de l'État (AME) sont manifestement sous-évaluées. En l'état, et sans réforme de fond du dispositif, elles peuvent être qualifiées d'insincères.
Je vais revenir sur chacune de ces observations, mais à titre liminaire, je vous rappellerai que la mission « Santé » est constituée de trois programmes.
Le programme 183, essentiellement consacré au financement de l'AME, concentre près des trois quarts des crédits de la mission, soit 1,216 milliard d'euros.
Le programme 204, qui comprend diverses actions relatives à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, représente cette année 213,8 millions d'euros, soit environ 13 % du montant des crédits de la mission.
Le programme 379, enfin, constitue un réceptacle de crédits européens dédiés au soutien du volet investissement du Ségur de la santé. Ces crédits sont intégralement reversés par l'État à la sécurité sociale ; 242 millions d'euros transiteront par ce programme en 2026, soit 14,5% des crédits de la mission.
Seuls les crédits de ce dernier programme sont véritablement en hausse dans le PLF pour 2026. Toutefois, ils ne correspondent pas à un effort financier de l'État, seulement à un enregistrement comptable de crédits européens délégués à la France. Je ne m'attarderai donc pas davantage sur ce mécanisme financier, par ailleurs en voie d'achèvement.
Je me concentrerai sur la présentation des seuls programmes 183 et 204, qui reflètent les choix budgétaires du Gouvernement. La reconduction quasi à l'identique de leurs crédits de paiement (CP) par rapport à 2025 emporte deux conséquences.
En premier lieu, elle inscrit dans la durée la contraction des moyens alloués à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, puisque la dernière loi de finances avait déjà réduit de 22 % le montant des crédits du programme 204.
En second lieu, elle confirme la déconnexion entre les crédits ouverts pour financer l'AME et la réalité des dépenses constatées. Il en résulte que la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale s'accentue rapidement. En 2025, 243 millions d'euros de dette supplémentaire auront été constitués si la réserve de précaution n'est pas dégelée ; c'est l'équivalent de 20 % du montant des crédits annuels consacrés à l'AME.
Je détaillerai le contenu et les enjeux de ces deux programmes.
Commençons par le programme 183. J'ai indiqué que l'AME concentrait près des trois quarts des dépenses de la mission ; c'est même 85 % du total des crédits si l'on met à part le programme 379 relatif au reversement des fonds européens.
Depuis 2009, les dépenses d'AME ont progressé de 6 % par an en moyenne, et de 40 % entre 2021 et 2025. Les déterminants de la dépense d'AME soutiennent cette dynamique haussière. D'une part, le nombre de bénéficiaires continue de progresser ; il devrait croître de 4 % en 2026. D'autre part, la dépense moyenne par consommant, bien que très inférieure à celle de l'ensemble des assurés, est, elle aussi, en augmentation. Les dépenses d'AME connaissent donc une hausse sensible et continue.
En 2025 comme en 2026, la programmation budgétaire de ces dépenses apparaît clairement décorrélée de la dynamique du coût réel de l'AME. La parfaite stabilité des CP ouverts relève de l'affichage politique et l'on ne peut s'en satisfaire. Soit il existe une volonté de contenir la dépense d'AME et il faut la soutenir par des mesures appropriées de maîtrise de dépenses ; soit il conviendrait de doter le programme de moyens suffisants pour éviter l'accumulation d'une dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale. En effet, l'AME n'est pas une dépense limitative, car elle correspond à une prestation : les soins nécessaires sont dispensés, en ville comme à l'hôpital, même si le plafond des crédits autorisés est dépassé.
Lors de l'examen du dernier PLF, j'avais soutenu, avec l'aval de la commission, un amendement visant à contribuer à une meilleure maîtrise des dépenses d'AME. Cet amendement, inspiré de ce que pratiquent d'autres pays européens et du rapport Évin-Stefanini, prévoyait d'élargir le recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour les soins non urgents programmés. Aujourd'hui, ce régime n'est appliqué qu'au cours des neuf premiers mois d'admission à l'AME et ne concerne que certains actes, par exemple les interventions de la cataracte, la pose d'implants cochléaires ou d'une prothèse de genou. Il pourrait être étendu dans le temps, au-delà des neuf premiers mois, à d'autres actes, par exemple l'appareillage auditif et optique ou la pose de prothèses dentaires.
Le Sénat avait adopté cet amendement en première lecture, lors de l'examen du PLF pour 2025, mais il n'avait pas été repris dans le texte adopté par la commission mixte paritaire. Je vous propose de le déposer à nouveau, conjointement avec le rapporteur spécial de la commission des finances, Vincent Delahaye. L'accord préalable, qui constitue un dispositif classique de maîtrise des dépenses dans le droit de la sécurité sociale, contribuerait assurément à un meilleur contrôle des dépenses d'AME, sans pour autant constituer une barrière à l'accès aux soins. Une telle mesure permettrait de reconnecter les prévisions budgétaires avec les crédits consacrés au programme et de réaliser des économies substantielles. Comme l'année dernière, tirant les conséquences de cette réforme de fond du dispositif, je vous proposerai également de déposer un amendement visant à minorer les crédits de l'AME de 200 millions d'euros.
Venons-en à présent au programme 204, bien moins significatif financièrement, mais qui n'en recouvre pas moins quelques enjeux sensibles.
Les coupes budgétaires entérinées par la loi de finances de 2025 seront maintenues en 2026. Ces baisses de crédits sont d'ailleurs appelées à se poursuivre jusqu'en 2028 au moins, puisque le Gouvernement prévoit encore de diminuer les crédits du programme de 6 % en 2027 et de 3 % en 2028. Au total, entre 2024 et 2028, le programme aura perdu plus du quart de ses financements. L'analyse est simple : dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, le financement des actions liées à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins n'est pas jugé prioritaire.
L'exercice de contraction des crédits trouve pourtant ses limites lorsque même les dépenses incompressibles font l'objet d'un sous-financement chronique. La direction générale de la santé (DGS) alerte ainsi, compte tenu de l'exécution budgétaire en 2025 et des prévisions pour 2026, sur l'insuffisante provision de crédits pour couvrir certaines dépenses, notamment celles de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) liées à la prise en charge des victimes de la Dépakine. En l'absence de rallonge budgétaire, un rééchelonnement des paiements aux victimes devrait être envisagé, conduisant à un allongement des délais d'indemnisation. La situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna est également préoccupante : malgré une dotation abondée à hauteur de 56,6 millions d'euros en 2026, les besoins structurels de financement de l'agence excèdent toujours le montant des crédits délégués, alors même qu'elle doit engager un plan d'apurement de sa dette.
De nombreuses autres actions du programme sont en souffrance. Les financements alloués aux partenariats associatifs sont globalement réduits, tandis que ceux consacrés à la gestion des crises et alertes sanitaires pourraient s'avérer insuffisants, ce qui nécessitera de dégager des financements complémentaires.
En revanche, une priorité se dessine au sein du programme pour 2026 : il s'agit du financement des missions de l'Institut national du cancer (Inca). Ainsi, la dotation de l'Institut devrait être augmentée de 9,6 millions d'euros en 2026, dont 4,6 millions d'euros seront délégués par transfert de ressources existantes pour financer la centralisation de l'ensemble des registres locaux du cancer, en lien avec la loi du 30 juin 2025 visant à mettre en place un registre national des cancers. Nous pouvons collectivement nous réjouir de l'aboutissement de ce texte, déposé au Sénat au printemps 2023 et dont nous avons attendu l'examen par l'Assemblée nationale pendant deux ans. La subvention pour charges de service public de l'Inca sera par ailleurs relevée de 5 millions d'euros, compte tenu de l'épuisement progressif de ses réserves de trésorerie et de l'insuffisance de la subvention qui lui était allouée ces dernières années. Ces crédits doivent permettre de poursuivre l'expérimentation du programme de dépistage organisé du cancer du poumon, dont le coût est évalué à 1,8 million d'euros en 2026.
La conduite de l'ensemble de ses missions par l'Inca, dans le respect des crédits qui lui sont alloués, devra s'accompagner de nouvelles mesures d'efficience qui seront fixées par le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP).
La mission « Santé » subira donc de nouveau, en 2026, le poids de la contrainte budgétaire. Ce contexte nous impose, en responsabilité, une forte hiérarchisation des postes de dépense et des efforts budgétaires importants.
C'est pourquoi, au soutien du principe de sincérité budgétaire, je vous proposerai d'adopter les crédits de cette mission sous réserve de l'adoption concomitante de deux amendements tendant à mieux maîtriser les dépenses d'AME, déjà soutenus par la commission et adoptés par le Sénat l'année dernière.
Mme Anne Souyris. - Je suis inquiète de constater que l'on s'en prend de nouveau à l'AME, dont les crédits restent pourtant modérés.
La progression de 6 % au cours des dernières années des dépenses d'AME est d'abord due - vous l'avez souligné - à la hausse du nombre de ses bénéficiaires. Cette hausse tient elle-même au fait que moins de personnes sont régularisées, ce qui équivaut aussi à un nombre moindre de cotisants.
À chaque fois que l'on pose une condition supplémentaire à l'accès aux soins, comme cela nous est encore proposé, on prend le risque d'augmenter le taux de non-recours à l'AME, lequel atteint déjà près de 50 % des personnes éligibles.
Vous attirez par ailleurs notre attention sur la diminution des crédits alloués à la prévention. C'est également un mauvais signal, car il est permis de considérer la prévention comme étant, en définitive, la source d'économies futures.
La mise en place d'un registre national des cancers serait en revanche une bonne nouvelle. Néanmoins, à l'aune de ce que j'ai pu entendre à ce sujet, il est à craindre que, faute de moyens suffisants, la centralisation du registre sous l'autorité de l'Inca ne se traduise par la collecte des seules données, jugées représentatives, des principales agglomérations de notre pays. Or les déterminants environnementaux ne sont pas partout les mêmes.
M. Daniel Chasseing. - Les personnes qui se rendent à l'hôpital pour des problèmes de santé urgents y sont toujours prises en charge au titre de l'AME : compte tenu de la stabilité des crédits du programme 183, c'est l'hôpital qui sera davantage mis à contribution. Il faut rappeler que ces crédits, qui représentent 85 % du budget total de la mission « Santé », ont tout de même augmenté de 40 % entre 2021 et 2025 ; ce n'est pas rien. Je souscris à la proposition d'élargir le recours à l'accord préalable de l'assurance maladie, la pose de prothèses ou d'implants cochléaires ne m'apparaissant du reste pas relever de la catégorie des interventions médicales dont le caractère d'urgence est le plus marqué.
Sur le programme 204, je suis d'accord avec la proposition d'augmenter la dotation de l'Inca au bénéfice, notamment, du dépistage du cancer du poumon.
Mme Nadia Sollogoub. - Au sujet de l'AME, s'agit-il bien de proposer, par voie d'amendement, de supprimer 200 millions d'euros de crédits au dispositif ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - Tout à fait.
Mme Nadia Sollogoub. - Pour avoir accompagné des acteurs comme le Samu social ou Emmaüs Solidarité au cours de la préparation de mon propre rapport pour avis sur les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » pour 2026, je ne pourrai personnellement pas voter un tel amendement.
Par ailleurs, les propos de notre collègue Anne Souyris sur la tenue d'un registre national des cancers m'alertent. Lorsque j'ai rapporté sur le projet de texte visant à créer ce registre national, Norbert Ifrah, président de l'Inca qui doit en assurer le pilotage, n'y était pas du tout favorable. Je serai pour ma part attentive à ce que l'on respecte bien l'esprit de la loi.
Mme Laurence Rossignol. - Les mêmes choix reviennent chaque année au sujet de l'AME. Ils sont constitutifs d'une erreur tant en politique de santé qu'en politique de prévention. Ils portent davantage la marque d'une posture sur l'immigration que celle d'une réelle approche des questions de santé. Du reste, au regard des perspectives nationales en matière de natalité, on ferait bien de réfléchir autrement aux questions d'immigration et d'intégration pour les années et les décennies à venir, plutôt que d'agiter des drapeaux rouges dans des amendements qui font apparaître le Sénat comme une institution sempiternellement hostile aux droits sociaux des personnes étrangères vivant en France.
En ce qui concerne les politiques de prévention, nous espérerions plus et mieux. J'attire cependant votre attention sur le fait qu'elles ne s'inscrivent pas uniquement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ou dans la mission « Santé » du PLF - bien plus d'ailleurs dans le premier que dans la seconde. Elles se déploient parmi l'ensemble des politiques publiques, et il nous appartient de nous efforcer de rendre ces politiques cohérentes entre elles. Elles jouent en particulier tout leur rôle dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, sur des sujets tels que les produits manufacturés ou trop sucrés, ou les substances addictives.
Mme Céline Brulin. - Je n'insisterai pas sur les désaccords de fond que nous avons sur l'AME. En revanche, devons-nous déduire de votre double proposition d'élargissement du recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour certains soins urgents non programmés et de réduction de 200 millions d'euros des crédits de l'AME, que le premier entraînerait une diminution dans la même proportion des dépenses d'AME ? De prime abord, il paraît surprenant que les implants cochléaires, les opérations de la cataracte ou la pose de prothèses pour des bénéficiaires de l'AME représentent un tel montant. Vous soulignez que la stabilité des crédits de l'AME correspond à un affichage politique ; je me demande si votre amendement n'encourt pas la même critique.
Je me retrouve beaucoup plus dans vos propos sur la prévention et l'insuffisance des crédits de l'Oniam, laquelle, forcément, se traduira par des retards d'indemnisation pour un certain nombre de victimes.
M. Martin Lévrier. - De mémoire, l'AME correspondait à un panier de soins autorisés. Sauf à ce que je me trompe dans cette approche du dispositif, quel est alors l'intérêt d'avoir recours à l'accord préalable de l'assurance maladie et n'est-ce pas une inutile complexification de ce dispositif ? Le plus simple serait, soit de revoir le panier de soins, s'il existe effectivement, soit, dans le cas contraire, de l'imposer afin d'éclaircir la situation et de couper court aux débats idéologiques sur un sujet qui devrait être circonscrit au seul enjeu sanitaire.
M. Bernard Jomier. - Abordons en effet l'AME sous l'angle des questions de santé : la procédure de l'accord préalable est déjà en place. Les implants cochléaires sont même soumis à une double condition pour les bénéficiaires du dispositif : celle de l'accord préalable, mais aussi celle d'une durée de résidence minimale sur le territoire.
La liste des actes soumis à accord préalable - qui relève d'ailleurs du niveau réglementaire - a été considérablement allongée ces dernières années. Le rapport Évin-Stefanini l'a souligné, le dispositif de l'AME est aujourd'hui le plus contrôlé des dispositifs sociaux. Son taux de fraude est aussi le plus bas. On peut toujours vouloir élargir encore cette liste, mais, de toute façon, les actes médicaux concernés obtiennent des autorisations, car ils sont nécessaires pour la santé des personnes.
D'où le chiffre de 200 millions d'euros sort-il ?
J'entends régulièrement dire que tout le monde doit consentir à des efforts budgétaires. Mais quel sens cela peut-il bien avoir à l'échelle individuelle ? Cela signifie-t-il que l'on ne prendra plus en charge un certain nombre d'actes médicaux ? Lesquels ? Je suis partisan d'économiser les deniers tant de l'État que de la sécurité sociale et de faire la chasse aux dépenses inutiles ; mais quels sont donc les actes médicaux inutiles ? Nous n'avons en la matière plus de marge d'économies et les dépenses d'AME augmentent parce que le taux de recours, quoiqu'encore très faible, progresse et que la population croît.
Les professionnels de santé font d'ailleurs front commun pour s'opposer aux réductions arbitraires de l'AME, parce que cette dernière touche à des valeurs qui sont pour eux essentielles.
Ne mêlons pas la question des flux migratoires à celle de l'accès à des soins de santé. Même si cela a pu être le cas par le passé, il n'y a plus de soins de confort pris en charge dans l'AME ! La mesure que vous proposez n'a pas de sens ; elle n'est qu'un signal politique. Si elle devait être mise en oeuvre, elle provoquerait, à terme, des dégâts du point de vue de la prévention et de l'accès à la santé.
Mme Corinne Imbert. - Vous avez souligné la baisse des crédits consacrés à la prévention. Certes, comme le rappelait notre collègue Laurence Rossignol, les actions de prévention ne relèvent pas uniquement de la mission « Santé ». Cependant, pensez-vous que l'on se donne les moyens d'atteindre, en particulier, l'objectif toujours affirmé par le Gouvernement d'éradiquer le sida à l'horizon 2030 ?
Par ailleurs, le dispositif de prise en charge par l'Oniam des victimes de la Dépakine existe depuis plusieurs années déjà et je m'attendais plutôt à un ralentissement de ses besoins de crédits. Vous semblez, au contraire, évoquer une nécessaire augmentation. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?
Mme Marion Canalès. - J'attire votre attention sur le parcours de soins précoces du programme Pegase visant à limiter les conséquences délétères de la maltraitance et de la négligence sur les enfants protégés. Si la ministre, lors de l'examen du PLFSS, n'a pas manqué d'en rappeler l'utilité et l'engagement du Gouvernement à le soutenir, nombre d'acteurs du programme expriment leur incompréhension devant les coupes opérées sur les moyens qui leur sont véritablement alloués. Le montant des prestations qu'ils peuvent servir est ainsi divisé par trois, le logiciel spécifique dont ils devaient bénéficier n'est plus financé et l'équipe de gouvernance nationale n'est pas renouvelée. Issu de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2018, le programme Pegase a été beaucoup mis en avant, a fait ses preuves et avait vocation à être généralisé. Il suscite désormais de vives inquiétudes quant à son avenir.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - Sur le programme 183 et l'AME, certains d'entre vous évoquent une forme d'insistance pour en réduire les moyens.
Actuellement, le modèle français est l'un des plus généreux d'Europe. On ne requiert l'accord préalable de l'assurance maladie que pendant les neuf premiers mois de présence sur le territoire national pour certains actes. Dans d'autres pays, dont l'Allemagne, ce régime d'autorisation préalable est permanent et s'étend à la rééducation physique, à la psychothérapie, aux soins à domicile, à l'acquisition de fauteuils roulants ou à certains traitements dentaires. Il ne me semblerait pas aberrant que nous introduisions dans notre propre panier de soins nécessitant l'accord préalable les actes de masso-kinésithérapie prescrits en ville, l'appareillage auditif et optique, la pose des prothèses dentaires, l'hospitalisation à domicile ou les soins médicaux et de réadaptation.
L'économie de 200 millions d'euros se fonderait d'abord sur ce régime d'autorisation préalable. En outre, le Gouvernement envisage aussi la possibilité d'une vérification d'identité au moyen de documents comportant une photographie, car, pour l'heure, rien n'existe en ce sens.
Madame Brulin, le coût total de l'AME s'élève à 1,38 milliard d'euros en 2025...
Mme Céline Brulin. - Tel n'est pas l'objet de la question que je vous ai posée. Je vous demande si l'élargissement du recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour certains soins entraînerait une économie d'un montant équivalent à celui de la réduction des crédits de l'AME que vous proposez.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'économie permise pourrait tendre vers ce niveau si nous appliquions le mécanisme de façon rigoureuse, ce que je souhaite. Nous pourrions en débattre longtemps encore sans nous mettre d'accord. Nous reprendrons la discussion en séance publique.
Au sujet de la prévention, nous avons dû convaincre Norbert Ifrah de l'intérêt du registre national des cancers. Cela a représenté un travail de longue haleine. De nombreux registres du cancer existent en France, mais ils restent dispersés. Nous n'avons pas, à l'inverse des pays anglo-saxons, de culture de l'évaluation.
L'élaboration d'un registre national véritablement complet requiert un personnel nombreux et un travail méticuleux pour collecter l'ensemble des données disponibles. Y parvenir selon un rythme progressif prendrait apparemment une dizaine d'années, pour un coût de 6 à 8 millions d'euros. Réaliser ce registre beaucoup plus rapidement représenterait en revanche un coût de 60 millions d'euros selon les données qui nous ont été communiquées. Je serai attentive au suivi de cet effort, parce que nous avons sans conteste besoin d'une base de données de cette nature, à même de contribuer efficacement à la prévention des cancers ou à leur prise en charge suffisamment en amont, pour que les chances de guérison soient élevées.
Pour vous répondre sur les victimes de la Dépakine, nous observons une forte progression des retombées de l'utilisation de ce médicament par les femmes pendant la grossesse et le barème de l'Oniam a par ailleurs fait l'objet d'une revalorisation en 2025. Des études évaluent actuellement les effets de la prise de ce traitement par les deux parents avant la conception de l'enfant.
En ce qui concerne le sida, nous ne disposons toujours pas de vaccin, mais les jeunes, moins alarmés que les générations précédentes sur cette maladie et tranquillisés par l'existence d'un traitement, ne se protègent plus. Dans ces conditions, et à moins de trouver un vaccin, nous ne serons pas débarrassés du sida en 2030. Il nous faut rester attentifs à l'effort de prévention ainsi qu'aux crédits qui leur sont affectés.
La question de la prise en charge des enfants protégés et du programme Pegase me semble, pour sa part, sortir du cadre de la présente mission.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'amendement n° II-1412 propose de minorer de 200 millions d'euros les crédits alloués à l'AME. Il tire les conséquences de l'extension, prévue par l'amendement n° II-1413, du régime de l'accord préalable de l'assurance maladie pour la prise en charge, au titre de l'AME, des frais relatifs aux prestations programmées non urgentes dont la liste est définie à l'article R.251-3 du code de l'action familiale et des familles. Il s'appuie aussi sur le projet de décret du Gouvernement, qui devrait être prochainement publié, de mieux encadrer les justificatifs d'identité acceptés pour bénéficier de l'AME.
L'amendement n° II-1412 est adopté.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'amendement n° II-1413 vise à élargir le recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour la prise en charge dans le cadre de l'AME des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes, dont la liste est fixée par décret. Cet accord préalable est actuellement nécessaire pour certains actes au cours des neuf premiers mois d'admission à l'AME. Il est proposé d'appliquer ce régime de façon permanente et d'élargir la liste des actes concernés par voie réglementaire.
L'amendement n° II-1413 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».