- AVANT-PROPOS
- I. UN AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE QUI TOUCHE
PARTICULIÈREMENT FRANCE TÉLÉVISIONS
- II. UN PILOTAGE STRATÉGIQUE
INSUFFISANT
- I. UN AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE QUI TOUCHE
PARTICULIÈREMENT FRANCE TÉLÉVISIONS
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- ANNEXE
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N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de
l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet
de loi de finances,
considéré comme rejeté |
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TOME IV Fascicule 1 MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public |
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Par M. Cédric VIAL, Sénateur |
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(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Max Brisson, Michel Savin, Jacques Grosperrin, Mme Marie-Pierre Monier, M. Yan Chantrel, Mme Samantha Cazebonne, M. Jérémy Bacchi, Mmes Laure Darcos, Monique de Marco, M. Bernard Fialaire, vice-présidents ; Mmes Anne Ventalon, Else Joseph, Colombe Brossel, M. Pierre-Antoine Levi, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
AVANT-PROPOS
Les crédits de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,878 Md€ dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, en baisse de 71 M€ (- 1,79 %), après avoir déjà baissé de 78 M€ l'an dernier. Tandis que les médias internationaux (Arte, France Médias Monde et TV5 Monde) ne sont pas impactés par cette baisse, leurs dotations demeurant stables, les trois autres sociétés de l'audiovisuel public contribuent à l'effort de réduction des dépenses publiques avec des dotations en baisse de 65,3 M€ pour France Télévisions (- 2,6 %), de 4,1 M€ pour Radio France (- 0,6 %) et de 1,5 M€ pour l'INA (- 1,4 %).
L'essentiel de cette diminution des crédits porte donc sur le principal opérateur, France Télévisions, auquel il est demandé de réaliser un effort de 146 M€ l'an prochain, chiffre qui inclut non seulement la baisse de la dotation mais aussi la résorption du déficit enregistré cette année et l'évolution tendancielle des charges de l'entreprise. Après avoir annoncé en 2024 une trajectoire financière orientée à la hausse, le gouvernement a finalement opéré un revirement il y a un an lors de l'examen de la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.
Faute pour l'État comme pour les entreprises d'avoir suffisamment anticipé la nécessité de réformes structurelles, l'effort exigé se reportera en grande partie et inévitablement sur le financement de la création.
Le rapporteur appelle à une accélération des réformes structurelles afin d'éviter, autant que possible, que l'effort demandé ne se répercute sur le financement de la création avec des effets multiplicateurs sur le plan économique. Cela suppose de mener enfin à bien la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public et de conclure avec les entreprises des contrats d'objectifs et de moyens (COM) leur garantissant une visibilité pluriannuelle. Ces réformes structurelles sont indispensables. Il serait anormal que l'audiovisuel public ne contribue pas à l'effort de réduction de la dépense publique. Cet effort doit l'inciter à une gestion plus rigoureuse, selon les orientations données tant par la Cour des comptes que par l'Inspection générale des finances.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au sport dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
I. UN AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE QUI TOUCHE PARTICULIÈREMENT FRANCE TÉLÉVISIONS
À l'initiative du rapporteur, la loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l'audiovisuel public prévoit qu' « un montant déterminé d'une imposition de toute nature » peut être « directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ». Cette disposition a permis d'éviter que la suppression, en 2022, de la contribution à l'audiovisuel public ne se traduise par une budgétisation des crédits préjudiciable à l'indépendance du service public de l'audiovisuel. En conséquence, celui-ci continuera à être financé par l'affectation à un compte de concours financier d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) destinée à financer la mission « Avances à l'audiovisuel public ». Ce montant s'élève, en PLF 2026, à 3,878 Md€, en baisse de 71 M€ dont 65,3 M€ prélevés sur la dotation de France Télévisions.
A. UNE BAISSE SIGNIFICATIVE DE LA DOTATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS
1. Une diminution de 65,3 M€ en 2026
L'essentiel de l'effort budgétaire demandé à l'audiovisuel public porte sur le plus gros opérateur, France Télévisions, qui est par ailleurs le premier média de télévision au plan national au regard de son audience, tant linéaire que numérique, et la première source d'information des Français.
Le PLF 2026 prévoit une dotation de 2440,6 M€ pour France Télévisions, en baisse de 65 M€, soit - 2,6 %.
Le projet annuel de performance (PAP), annexé au PLF, prévoit que cette diminution se poursuivra en 2027 et 2028, pour atteindre une baisse cumulée de 167,8 M€ (- 6,7 %).
Source des données : PAP 2026
Lors de son audition au Sénat, Mme Rachida Dati, ministre de la culture, a précisé que l'effort demandé à France Télévisions s'élevait, en réalité, à 146 millions d'euros. Cet effort réel prend en compte, non seulement la baisse de la dotation, mais aussi le glissement tendanciel des charges de la société ainsi que la nécessaire résorption du déficit enregistré en 2025.
2. Une situation financière préoccupante
Dans le rapport1(*) qu'elle a publié en septembre dernier, la Cour des comptes a souligné la lenteur du processus de transformation de France Télévisions et la difficulté à aller plus loin dans l'approfondissement des synergies au sein de l'audiovisuel public.
La Cour alerte sur la fragilité du modèle économique de France Télévisions, qualifié d'impasse et jugé non soutenable dans la durée, dans la mesure où les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Les recettes publicitaires de l'année 2024, portée par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, ne reflètent pas l'évolution réelle du marché publicitaire. Dans un contexte de diminution des concours publics, le groupe prévoit une perte d'exploitation d'environ 44 M€ en 2025.
Dans un rapport2(*) de 2024, l'Inspection générale des finances (IGF) soulignait, elle aussi, la situation critique de France Télévisions, face aux défis de la transformation numérique, qui nécessitent la mise en oeuvre de moyens importants. Comme la Cour des comptes, l'IGF préconisait notamment de faire évoluer l'accord collectif de 2013 « pour plus de polyvalence, l'automatisation de certaines tâches, et la révision de la rémunération et du temps de travail des nouveaux employés ».
« La culture de l'efficience doit devenir centrale chez France Télévisions. Une absence d'économies substantielles serait d'autant plus dommageable que les coupes budgétaires pour équilibrer les comptes porteront alors sur les coûts les plus variables, dont le programme national et le numérique font partie » (Rapport de l'IGF).
B. UN AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DIFFÉRENCIÉ
1. Une diminution des crédits de Radio France et de l'INA
a) Radio France : des économies sur Mouv et France Musique
Le PLF 2026 prévoit une subvention de 648 M€ en faveur de Radio France, en baisse de 4,1 M€ (- 0,6 %). Compte tenu d'une évolution tendancielle des charges de 15 M€, l'effort demandé à la radio publique est, au total, d'environ 20 M€.
Étant donné les mesures déjà prises au cours de la dernière décennie pour maîtriser les charges, l'entreprise estime que cette évolution ne pourra conduire qu'à une aggravation du déficit ou à une réduction du périmètre de son offre.
Les économies dont la mise en oeuvre a été engagée cette année sont les suivantes :
- la suppression de la fréquence de la chaîne Mouv et sa transformation en une radio de flux musical (à la rentrée 2025) uniquement sur support numérique (à la rentrée 2026) pour un gain en année pleine estimé à 0,9 M€ ;
- la permutation des fréquences de France Musique et franceinfo, qui permettra d'améliorer la couverture et la qualité de la diffusion de franceinfo mais s'accompagnera d'économies sur la diffusion de France Musique estimées à 3 M€ en année pleine (à compter de 2027). Cette évolution est actuellement instruite par l'Autorité de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ;
- des suppressions de postes dans le cadre du budget 2025 (- 15 postes) et de l'évolution de Mouv (- 31 postes en année pleine), avec une limitation de l'augmentation mécanique de la masse salariale à 1,3 % par an.
Or, Radio France souhaite poursuivre la modernisation de sa stratégie éditoriale et numérique, notamment en priorisant le public jeune (lancement d'une radio destinée aux enfants en octobre 2025, évolution de Mouv vers le numérique).
b) L'Institut national de l'audiovisuel
L'effort demandé à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) est significatif : en 2026, sa dotation s'élèvera à 103,5 M€, en baisse de 1,5 M€ (- 1,4 %). L'établissement estime l'effort réel à réaliser à environ 10 M€, compte tenu de la hausse de ses charges.
L'établissement, média patrimonial du service public, développe depuis vingt ans ses activités numériques, au travers d'offres gratuites et payantes. La plateforme Madelen met par exemple à disposition plus de 11 000 programmes.
La stratégie de l'INA est triple : enrichissement de l'offre, éditorialisation des contenus et diversification de la distribution. L'INA a conclu des partenariats tant avec des fournisseurs d'accès à internet, que des plateformes numériques (y compris france.tv) ou encore des chaînes Fast3(*) et des fournisseurs de télévision connectée, devenant ainsi un acteur incontournable non seulement pour les professionnels mais aussi vis-à-vis du grand public. L'Institut souhaite aujourd'hui poursuivre les investissements qui ont été engagés dans les technologies, en particulier dans l'intelligence artificielle (IA), malgré la révision à la baisse de la trajectoire de ressources publiques. Il doit, par ailleurs, poursuivre la modernisation de ses sites.
En 2025, les ressources propres de l'Institut devraient atteindre 44 M€. Ces ressources proviennent principalement d'actions de formation, de prestations d'archivage, de cessions de droits, d'activités de production audiovisuelle... En 2024, le chiffre d'affaires réalisé par l'INA auprès des autres organismes de l'audiovisuel public s'élevait à 14,6 M€. L'intégration de l'INA au sein de la future holding de l'audiovisuel public vise à renforcer ces synergies internes à l'audiovisuel public.
Une subvention de 6,3 M€ en fin de gestion 2023 a permis de rehausser la trésorerie de l'INA de manière durable. Celle-ci devrait s'élever à 4,3 M€ à la fin de l'année 2025. L'établissement est confronté au défi de concilier le maintien d'une trésorerie positive et le haut niveau d'investissement nécessaire à l'achèvement des projets en cours et à l'identification de relais de croissance sur d'autres marchés, notamment à l'international.
2. Des subventions stables pour les médias internationaux
a) Arte France : la mutation européenne
La dotation inscrite au PLF 2026 en faveur d'Arte est stable. Elle s'élève à 298,1 M€. L'entreprise souligne la forte inflation à laquelle elle est confrontée, son coût de grille dépendant entièrement des prix du marché (coût de la production et des droits), ce qui entraîne une baisse de sa subvention en termes réels. L'augmentation tendancielle des charges est estimée à 8,6 M€.
Sa situation financière est équilibrée, avec un léger excédent anticipé en 2025, ce qui a permis d'éviter un prélèvement sur les réserves. Les ressources propres d'Arte sont estimées à 1,9 M€, au sein d'un budget qui s'élève à 300 M€.
La dérive des prix freine l'accélération du développement européen d'Arte ainsi que la mise en oeuvre de son plan d'innovation technologique. La plateforme franco-allemande est désormais disponible en sept langues, ce qui a un coût. La chaîne souhaiterait faire passer de 1800 à 5000 le nombre de programmes sous-titrés dans quatre langues, et porter progressivement à 24 le nombre de langues disponibles. Un recours accru à l'IA permettrait d'accélérer ce processus et d'améliorer la découvrabilité des contenus. Un investissement dans le marketing serait, par ailleurs, nécessaire pour faire connaître cette offre nouvelle.
Le rapporteur estime que la mutation européenne d'Arte renforce sa mission fondatrice de promotion d'une identité partagée tout en lui permettant de continuer à occuper un créneau unique en France, en offrant à ses téléspectateurs une véritable perspective européenne.
b) France Médias Monde : un média en première ligne
Le déficit de l'entreprise pour 2025 a pu être limité à 1 M€ grâce à l'augmentation de 2 M€ votée par le Sénat dans le cadre de l'examen de la LFI 2025 et aux évolutions prévues dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG : voir encadré).
Le PLF 2026 comporte une dotation de 303,9 M€ pour France Médias Monde (FMM), identique à celle de 2025. Si cette dotation du compte de concours financier est stable, le complément apporté au titre de l'aide au développement augmente, lui, substantiellement : il passe de 4,25 M€ en 2025 à 14,85 M€ en 2026 (+ 10,6 M€). En outre, un complément de 2 M€ a été apporté à FMM en juillet 2025, afin de déployer des actions d'urgence en Europe orientale et de soutenir le groupe dans ses missions internationales de lutte contre la désinformation.
FMM est donc le seul acteur de l'audiovisuel public dont les concours publics seront en hausse en 2026.
Le financement complémentaire du ministère des affaires étrangères est dédié à la mise en oeuvre de 4 projets spécifiques (voir encadré). En outre, l'augmentation de 10,6 M€ doit permettre à FMM de faire face au glissement incompressible de ses charges, conséquence de son modèle fondé sur la production interne des programmes et donc une masse salariale élevée. Or, il est plus que jamais nécessaire pour cet acteur de maintenir sa position en Afrique, où la censure s'étend et où la concurrence est exacerbée par le désengagement des États-Unis, dans un contexte de coûts de diffusion croissants.
4 projets financés au titre de l'aide au développement
? Une rédaction en ukrainien, basée à Bucarest ;
? Un hub régional de production de contenus en langue arabe basé à Beyrouth ;
? Une offre de contenus numériques panafricains en français, composée de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, permettant d'atteindre les jeunesses africaines, notamment de la bande sahélienne ;
? Un renforcement des contenus numériques de France 24 en français sur ses réseaux sociaux et son site par la création de contenus à Dakar et par le renforcement des offres numériques existantes en langues africaines.
FMM reste confrontée à la nécessité de financer, parallèlement, un accroissement significatif de sa présence numérique, notamment grâce à l'IA qui doit notamment permettre d'améliorer la production de contenus et leur référencement.
Enfin, FMM et son concurrent et partenaire allemand Deutsche Welle portent ensemble un projet de « bouclier informationnel », qui s'inscrit dans les objectifs du « bouclier démocratique européen » annoncé récemment par la Commission européenne. Il s'agit de lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation qui prolifèrent au niveau mondial, en ne laissant pas nos concurrents stratégiques occuper le vide laissé par les Américains dans des zones stratégiques telles que l'Afrique et l'Europe orientale. Parmi les actions envisagées dans ce cadre, sont particulièrement remarquables :
- en Afrique : la relance d'une offre de Radio France Internationale (RFI) en anglais, la production dans des langues africaines non encore couvertes (notamment en Éthiopie), un soutien à des radios fragilisées par le retrait des États-Unis ;
- en Europe : une présence accrue en Moldavie, un renforcement de RFI en russe et le développement d'une offre en arménien, géorgien et turc ;
- la récupération de fréquences suite à l'arrêt de Radio Sawa dans le monde arabe ;
- des actions en Amérique latine et en Asie.
c) TV5 Monde : la mue du média de la francophonie
Le PLF 2026 prévoit, pour TV5 Monde, une subvention stable d'un montant de 84,2 M€. En mars 2025, les États bailleurs ont adopté un nouveau plan stratégique pour la période 2025-2028. L'entreprise a réalisé en 2025 près de 2,2 M€ d'économies structurelles, dégagées par l'arrêt de trois émissions (1,2 M€) et par un recours accru à l'intelligence artificielle pour le sous titrage (0,8 M€) et la réduction de coûts de distribution en Allemagne (0,2 M€). Ces économies ont permis à la chaîne d'investir dans de nouveaux programmes et de renouveler entièrement son plateau ainsi que l'identité visuelle et sonore de la chaîne. En outre, en 2025, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a versé 1,3 M€ pour développer la chaîne jeunesse Tivi5 au Maghreb.
Comme les autres acteurs de l'audiovisuel public, TV5 Monde est confronté à la nécessité de conduire les investissements nécessaires pour réussir sa transformation numérique, dans un contexte de choc inflationniste, et alors que son marché publicitaire africain francophone est de taille limitée (174 M€ par an au total).
En avril 2025, un courriel officiel a été adressé aux chefs d'État de sept pays d'Afrique4(*) afin de formaliser un éventuel processus d'adhésion, qui conduirait à un élargissement de la gouvernance multilatérale de la chaîne. Deux modalités d'adhésion leur ont été ouvertes (individuelle ou groupée). Ce processus a également été étendu au Maroc. Cette démarche a rencontré un accueil favorable de la part des États sollicités, six d'entre eux ayant donné un accord de principe. À ce jour, les discussions les plus avancées concernent le Maroc, la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo.
Actualisation du montant de TVA affecté à l'audiovisuel public en 2025
La LFI 2025 prévoyait d'affecter pour 2025 un montant de TVA de 3 949,2 M€ au financement de l'audiovisuel public. Ce montant de TVA est porté à 3 959,6 M€ en projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) 2025, en hausse de 10,4 M€. Cette hausse vise à compenser les effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Elle se décompose comme suit :
? une hausse de + 9,9 M€ des crédits alloués à FMM ;
? un rehaussement de + 0,7 M€ des moyens de TV5 Monde ;
? une diminution de - 0,2 M€ des concours publics à Arte France dans la mesure où l'entreprise a payé moins de taxe sur les salaires que prévu.
II. UN PILOTAGE STRATÉGIQUE INSUFFISANT
A. LA RÉDUCTION DES BUDGETS : DES CONSÉQUENCES MAL ANTICIPÉES
Les réformes structurelles sont, par nature, lentes à produire des effets. Afin de préserver l'équilibre de leurs comptes, les entreprises de l'audiovisuel public sont donc contraintes de réaliser des économies sur leur offre de programmes, avec des conséquences économiques mal anticipées et peu assumées par le gouvernement, en l'absence d'étude d'impact et faute d'avoir pu aboutir sur la réforme de la gouvernance et sur la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens (COM).
1. Des réformes structurelles qui nécessitent du temps
Pour Radio France, comme pour France Télévisions, la mise en oeuvre des réformes structurelles est lente. Alors que l'IGF et la Cour des comptes avaient déjà souligné, dans leurs rapports respectifs précités, la nécessité de faire évoluer le cadre social de France Télévisions, la dénonciation de l'accord collectif n'a eu lieu qu'en juillet 2025.
Dans son rapport, la Cour des comptes a en effet souligné la nécessité d'une réforme du cadre social de France Télévisions, actuellement très contraignant et inadapté à l'évolution des technologies qui a profondément transformé le métier de journaliste. Si l'accord collectif de 2013 a été dénoncé en juillet dernier par le conseil d'administration de France Télévisions, cette dénonciation n'a fait qu'ouvrir un délai de négociation de plus de deux ans.
De même que pour la télévision publique, la Cour des comptes a souligné, dans un rapport de janvier 2025, la rigidité du cadre social de Radio France, dont la renégociation est là aussi un processus au long cours.
Le rapprochement entre France 3 et France Bleu souffre de la même inertie. Or, ce rapprochement est indispensable, parallèlement à la rénovation du cadre social, dans la mesure où les 44 antennes locales de Radio France représentent plus de 30 % des effectifs et des moyens du groupe.
De la même façon, les réseaux France 3 et Outre-mer représentent une part essentielle de l'activité de France Télévisions, mobilisant plus de la moitié de ses effectifs et un quart de ses charges d'exploitation. Si la proximité est au coeur de la mission de l'audiovisuel public, les évolutions technologiques doivent permettre de plus grandes synergies dans l'offre de contenus mais aussi une plus grande souplesse dans l'organisation des métiers, marquée par une forte rigidité et une absence de polyvalence à l'origine de surcoûts importants.
Pour être efficient, le rapprochement France 3 - France Bleu doit porter non seulement sur le contenu de l'offre mais aussi sur l'organisation des équipes et sur les implantations immobilières.
2. Des conséquences économiques en chaîne
Pour réaliser l'effort de 146 M€ qui lui est demandé, France Télévisions met en place un plan d'économies dont les principales composantes envisagées sont les suivantes (sous toutes réserves) :
- environ 50 M€ d'économies sur le financement de l'audiovisuel ;
- environ 15 M€ d'économies sur le financement des programmes de flux ;
- environ 10 M€ d'économies sur le financement du cinéma ;
- environ 7 M€ d'économies sur l'achat de programmes sportifs.
L'essentiel des gains envisagés résulte d'une diminution du service rendu aux téléspectateurs, les économies structurelles étant difficilement réalisables à court terme. La situation est d'autant plus critique que l'ensemble des éditeurs font face à un risque d'augmentation des coûts de diffusion par l'opérateur Télédiffusion de France (TDF), qui souhaiterait compenser le départ des chaînes payantes de Canal+ de la TNT et la non-réattribution par l'Arcom du multiplex laissé vacant.
Le cahier des charges5(*) de France Télévisions prévoit que l'entreprise doit consacrer chaque année au moins 420 M€ à la production d'oeuvres européennes ou d'expression originale française. En 2024, France Télévisions a signé avec syndicats de l'audiovisuel un accord pérennisant un apport de 440 M€ par an, montant qu'elle ne pourra honorer en raison des économies qui lui sont demandées. Réaliser davantage d'économies nécessiterait une modification du cahier des charges du groupe. Les économies ainsi réalisées auraient une répercussion immédiate sur le secteur de la création, en termes de croissance, d'emploi, de rentrées sociales et fiscales, etc. En 2024, d'après l'Arcom, le groupe France Télévisions est le premier contributeur, représentant 35 % des dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles en France.
S'agissant du cinéma, secteur dans lequel France Télévisions représente 15 % des investissements, une baisse de 10 M€ est évoquée.
Ce contexte rend le secteur audiovisuel français de plus en plus dépendant des dépenses des plateformes américaines. Or, par rapport à ces plateformes, France Télévisions a la particularité de travailler avec un plus grand nombre d'acteurs, de toutes tailles. La remise en cause du financement de France Télévisions fragilise donc l'ensemble du tissu économique.
C'est aussi la position de la France dans le domaine audiovisuel au niveau international qui est remise en cause, avec des conséquences en termes économiques et d'influence culturelle, à l'heure où la puissance culturelle revêt une importance particulière face à nos compétiteurs stratégiques.
B. L'ABSENCE DE LIGNES DIRECTRICES CLAIRES
1. Une réforme de la gouvernance attendue depuis cinq ans
Confronté à l'évolution des usages et à la concurrence croissante des plateformes numériques, l'audiovisuel public a développé ces dernières années des synergies indispensables, notamment au travers du développement des marques franceinfo et Ici, devenues, comme les autres plateformes de l'audiovisuel public, des plateformes de référence.
Le développement de ces synergies se heurtent toutefois aux rigidités héritées de l'histoire des entreprises : ce diagnostic, déjà énoncé en 2015 dans un rapport de la commission, puis à nouveau par la suite, dans le cadre de multiples travaux, est désormais connu et largement partagé. Les coopérations « par le bas » sont insuffisantes et doivent être relancées dans le cadre d'une gouvernance unifiée.
Déposée le 21 avril 2023 par le président Laurent Lafon, la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle a été adoptée par le Sénat en première lecture en juin 2023, puis, après avoir été rejeté à l'Assemblée nationale, en seconde lecture en juillet 2025.
La première partie de ce texte opère un regroupement des entreprises de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et l'INA), au sein d'une structure stratégique légère dénommée France Médias, sans remettre en cause l'identité de chacun des acteurs.
Depuis le dépôt d'un premier projet de loi en ce sens, en décembre 2019, par M. Franck Riester, alors ministre de la culture, cette réforme est continuellement annoncée sans jamais aboutir, ce qui crée un climat d'incertitude, tant dans le cadre des négociations sociales que pour l'élaboration d'une trajectoire financière ou la définition d'orientations stratégiques, qui ne peuvent être arrêtées tant que la question de la gouvernance n'est pas traitée. Dans ces conditions, l'audiovisuel public se trouve contraint d'avancer sans visibilité claire sur son organisation future.
2. Des opérateurs sans visibilité
À l'été 2024, le gouvernement a transmis pour avis au Parlement des projets de COM 2024-2028 comportant une trajectoire financière qui s'est révélée incompatible avec l'effort demandé par la suite à l'audiovisuel public lors de l'examen de la LFI 2025.
Le rapporteur6(*) avait alors jugé que ces projets de COM avaient perdu toute crédibilité, leur trajectoire financière étant obsolète. Il avait suggéré l'élaboration, dans des délais resserrés, de COM de courte durée, dans l'attente de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public.
Suite aux avis défavorables de l'Assemblée nationale et du Sénat, les projets de COM ont été abandonnés, sans qu'aucun cadre pluriannuel ne soit clairement défini. Le PAP annexé au PLF 2026 comprend des prévisions pour les exercices 2027 et 2028 qui ne sont, toutefois, étayées par aucun sous-jacent.
Les sous-jacents du budget 2026 ne sont guère mieux connus : ces orientations, qui figurent dans la lettre-plafond adressée par le Premier Ministre à la ministre de la culture, n'ont été communiquées qu'oralement aux entreprises. Si des pistes d'économies sont actuellement discutées entre les entreprises et le ministère de la culture, il revient à l'État de fixer des orientations et de prendre les mesures réglementaires éventuellement nécessaires à leur mise en oeuvre, sous le contrôle du Parlement.
Le projet de COM d'Arte suit, pour sa part, une temporalité spécifique, tout en subissant les mêmes incertitudes. Ce COM découle du projet de groupe de la chaîne franco-allemande. En octobre 2025, l'assemblée générale d'Arte, regroupant les trois entités du groupe (Arte France, Arte Deutschland et le GEIE7(*) d'Arte), a décidé des objectifs du groupe pour la période 2025-2028. Ces objectifs doivent être déclinés au niveau français par un COM, dont la négociation a démarré en 2024, mais qui s'est heurté, comme pour les autres entreprises de l'audiovisuel public, à la révision de la trajectoire financière.
L'absence de visibilité pluriannuelle constitue un frein important à l'action des entreprises, notamment dans la définition de leurs engagements en termes de contribution à la création mais aussi dans la réalisation des économies structurelles indispensables à la mise en oeuvre d'une trajectoire budgétaire de contribution à l'effort de réduction des dépenses publiques.
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* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 3 décembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 3 DÉCEMBRE 2025
___________
M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de Cédric Vial sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public.
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public. - L'audiovisuel public contribue à construire un référentiel commun dans une société de plus en plus fragmentée. Son existence est d'autant plus légitime que la culture et l'information constituent des vecteurs d'influence déterminants au niveau mondial. Néanmoins, alors que la maîtrise des dépenses publiques est une nécessité, un effort de rationalisation de l'audiovisuel public apparaît nécessaire. Il l'est d'autant plus que la concurrence des acteurs du numérique s'intensifie. Pour y faire face, l'audiovisuel public ne peut demeurer immobile.
Je commencerai par vous livrer quelques chiffres incontournables de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Les crédits de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,878 milliards d'euros, en baisse de 71 millions d'euros, après avoir déjà diminué de 78 millions d'euros l'an dernier.
Les médias internationaux, c'est-à-dire Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde, ne sont pas impactés, bénéficiant de dotations stables, et même en hausse pour France Médias Monde, grâce à un apport du budget de l'aide au développement à hauteur de 10 millions d'euros.
En revanche, les trois autres sociétés de l'audiovisuel public contribuent à l'effort de réduction des dépenses publiques avec des dotations en baisse. Cette baisse est de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions (- 2,6 %) ; de 4,1 millions d'euros pour Radio France (- 0,6 %) ; et de 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA) (- 1,4 %).
L'essentiel de cette diminution des crédits porte donc sur le principal opérateur, France Télévisions, auquel le Gouvernement demande de réaliser un effort de 146 millions d'euros. Ce chiffre prend en compte, non seulement la baisse de la dotation, mais aussi une évolution tendancielle des charges, estimée par le Gouvernement à 37 millions d'euros, mais dont le mode de calcul n'est pas précisé. Il est également tenu compte de la nécessité de résorber le déficit enregistré en 2025, à savoir 44 millions d'euros.
Dans le rapport qu'elle a publié en septembre dernier, la Cour des comptes a souligné la lenteur du processus de transformation de France Télévisions et la difficulté à aller plus loin dans l'approfondissement des synergies au sein de l'audiovisuel public. La Cour alerte sur la fragilité du modèle économique du groupe, qu'elle qualifie d'impasse et juge non soutenable dans la durée, dans la mesure où les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social.
Dans un rapport de 2024, l'inspection générale des finances (IGF) soulignait, elle aussi, la situation critique de France Télévisions, indiquant : « La culture de l'efficience doit devenir centrale chez France Télévisions. Une absence d'économies substantielles serait d'autant plus dommageable que les coupes budgétaires pour équilibrer les comptes porteront alors sur les coûts les plus variables, dont le programme national et le numérique font partie. » Ce constat est plus que jamais d'actualité.
S'agissant des autres acteurs de l'audiovisuel public, du côté de Radio France, étant donné les mesures déjà prises au cours de la dernière décennie, l'entreprise estime que la réduction des crédits ne peut conduire qu'à une aggravation du déficit ou à une réduction du périmètre de l'offre. De fait, Radio France a supprimé la fréquence de sa chaîne Mouv' pour transformer celle-ci en une radio de flux musical sur support numérique, avec un gain estimé en année pleine à 900 000 euros.
Radio France procède également à une permutation des fréquences de France Musique et de Franceinfo, qui s'accompagnera d'économies sur la diffusion de France Musique estimées à 3 millions d'euros en année pleine, c'est-à-dire à compter de 2027.
L'effort demandé à l'INA est significatif, d'autant que cet établissement estime son effort réel à environ 10 millions d'euros, compte tenu de la hausse tendancielle de ses charges. Une subvention accordée en fin de gestion 2023 a permis de rehausser la trésorerie de l'INA de manière durable. Néanmoins, l'établissement est confronté au défi de concilier le maintien d'une trésorerie positive et le haut niveau d'investissement nécessaire à l'achèvement des projets en cours, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). Ces investissements doivent servir à l'identification de relais de croissance à l'international.
S'agissant d'Arte, sa dotation est stable, et sa situation financière est équilibrée. La dérive des prix freine toutefois l'accélération du développement européen d'Arte ainsi que la mise en oeuvre de son plan d'innovation technologique. La mutation d'Arte, d'une chaîne franco-allemande vers une chaîne de dimension européenne, est une évolution intéressante, mais qui mériterait d'être l'objet d'un débat.
Pour France Médias Monde (FMM), la dotation issue du compte de concours financier est stable, mais celle qui est apportée au titre de l'aide au développement augmente de 10,6 millions d'euros. Le financement complémentaire du ministère des affaires étrangères est dédié à la mise en oeuvre de projets spécifiques au plus près des zones de tensions, avec des rédactions placées respectivement à Bucarest, Beyrouth et Dakar. Il s'agit notamment de maintenir la position de FMM en Afrique, où la censure s'étend et où la concurrence est exacerbée par le désengagement des États-Unis, dans un contexte de coûts de diffusion croissants.
FMM reste confrontée à la nécessité de financer, parallèlement, un accroissement significatif de sa présence numérique, notamment grâce à l'IA, qui doit permettre d'améliorer la production de contenus et leur référencement.
Enfin, FMM et son concurrent et partenaire allemand Deutsche Welle portent ensemble un projet de « bouclier informationnel », qui s'inscrit dans les objectifs du « bouclier démocratique européen » annoncé récemment par la Commission européenne.
TV5 Monde est confronté à la nécessité de conduire les investissements nécessaires pour réussir sa transformation numérique, dans un contexte de choc inflationniste, et alors que son marché publicitaire africain francophone est de taille très limitée. La chaîne envisage toujours un élargissement de sa gouvernance. En avril 2025, un courriel officiel a été adressé aux chefs d'État de sept pays d'Afrique en ce sens. À ce jour, les discussions les plus avancées concernent le Maroc, la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo.
J'évoquerai maintenant le pilotage stratégique, que je juge insuffisant.
Tout d'abord, pour Radio France, comme pour France Télévisions, la mise en oeuvre des réformes structurelles est lente. Alors que l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes avaient déjà souligné, dans leurs rapports respectifs, la nécessité de faire évoluer le cadre social de France Télévisions, la dénonciation de l'accord collectif n'a eu lieu qu'en juillet 2025.
L'accord de 2013 est en effet très contraignant, et inadapté à l'évolution des technologies, qui a profondément transformé le métier de journaliste. Sa dénonciation récente ne fait toutefois qu'ouvrir un délai de négociation de plus de deux ans. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu souffre de la même inertie.
Faute d'avoir suffisamment anticipé les réformes structurelles, France Télévisions met aujourd'hui en place, en lien avec le Gouvernement, un plan d'économies, qui risque d'avoir une répercussion immédiate sur le secteur de la création.
En 2024, France Télévisions est en effet le premier contributeur à la production d'oeuvres audiovisuelles. Le groupe public représente 35 % des dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles en France. Une économie de 50 millions d'euros est aujourd'hui envisagée sur ce poste, ce qui impliquerait une modification par l'État du cahier des charges de France Télévisions, qui prévoit un plancher de 420 millions d'euros. S'agissant du cinéma, secteur dans lequel France Télévisions représente 15 % des investissements, une baisse de 10 millions d'euros est évoquée. Enfin, dans le domaine des programmes de flux, c'est une économie de 15 millions d'euros supplémentaire qui serait réalisée. Ces chiffres sont des estimations, sujettes à caution.
Faute d'avoir anticipé les réformes qui s'imposaient, les économies à réaliser sont donc reportées sur tout un tissu économique, qui risque ainsi de dépendre de plus en plus des dépenses des plateformes américaines.
Cette situation résulte aussi d'une absence de lignes directrices claires de la part de l'État.
D'abord, la réforme de la gouvernance est attendue depuis plus de cinq ans. Depuis 2019, cette réforme est continuellement annoncée sans jamais aboutir, ce qui crée un climat d'incertitude, tant dans le cadre des négociations sociales que pour l'élaboration d'une trajectoire financière ou la définition d'orientations stratégiques, qui ne peuvent être arrêtées tant que la question de la gouvernance n'est pas traitée. L'audiovisuel public se trouve contraint d'avancer sans visibilité claire sur son organisation future.
Ensuite, la question des contrats d'objectifs et de moyens (COM) continue à se poser. Suite aux avis défavorables de l'Assemblée nationale et du Sénat, les projets de COM présentés en 2024 ont été abandonnés, sans qu'aucun cadre pluriannuel ne soit clairement défini.
Le PLF comprend des prévisions pour 2027 et 2028 qui ne sont étayées par aucun sous-jacent. Ceux du projet de budget pour 2026 ne sont d'ailleurs guère mieux connus : ces orientations figurent dans la lettre plafond adressée par le Premier ministre à la ministre de la culture. Elles n'ont été communiquées qu'oralement aux entreprises. Or il revient à l'État de fixer des orientations et de prendre les mesures réglementaires éventuellement nécessaires à leur mise en oeuvre, sous le contrôle du Parlement.
En conclusion, une accélération des réformes structurelles me paraît aujourd'hui nécessaire afin d'éviter, autant que possible, que l'effort demandé ne se répercute sur le plan économique avec des effets multiplicateurs.
Ces réformes structurelles sont indispensables. Il serait anormal que l'audiovisuel public ne contribue pas à l'effort de réduction de la dépense publique. Cet effort doit l'inciter à une gestion plus rigoureuse, selon les orientations données tant par la Cour des comptes que par l'Inspection générale des finances.
C'est pourquoi je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2026.
Mme Sylvie Robert. - Je veux tout d'abord remercier le rapporteur. J'ai particulièrement apprécié le temps que nous avons consacré à certaines auditions au regard notamment de la gravité de la situation de l'audiovisuel public, une question sur laquelle je reviendrai, mais aussi de la nécessité de mieux comprendre à la fois l'organisation interne et les choix de ces acteurs. À cet égard, ces auditions ont été, pour moi, très éclairantes.
Je partage le constat du rapporteur sur l'audiovisuel : la situation est alarmante. Or je suis étonnée par l'avis favorable qu'il émet sur les crédits prévus dans le PLF. Est-ce à dire qu'il considérerait - peut-être nous le dira-t-il ?... - qu'il faut « punir » en quelque sorte France Télévisions au motif qu'elle n'aurait pas suffisamment anticipé la situation ? Mais ce n'est pas la bonne solution.
En effet, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cela fait plusieurs années que l'audiovisuel public, singulièrement France Télévisions et Radio France, connaît une diminution de ses moyens. Si nous ne sommes pas arrivés à un point de rupture, la situation de ces grandes maisons de l'audiovisuel public est pour le moins singulière.
S'agissant de France Télévisions, vous l'avez d'ailleurs explicité, l'État ne fait pas preuve de responsabilité. Aujourd'hui, ils ont dénoncé l'accord ; ils n'ont pas de COM et subissent une diminution de leurs moyens. Ils naviguent donc complètement à vue. Ils n'ont aucun outil à leur disposition pour préparer stratégiquement l'avenir.
Comme vous, et je l'ai toujours dit, j'estime qu'il est fondamental d'engager une réforme. Je ne suis pas d'accord, vous le savez bien, sur la réforme de la gouvernance telle qu'elle a été présentée par la ministre de la culture en juillet dernier. Mais cette réforme peut être l'une des voies de passage pour améliorer la situation de l'audiovisuel public, singulièrement sur la question de la polyvalence. L'audiovisuel public se trouve dans une situation budgétaire et sociale difficile, et se retrouve seul face à l'inertie de l'État. Cette situation est absolument inadmissible. J'en déduis qu'il n'est absolument pas considéré comme un secteur stratégique, alors qu'il s'agit, sur le plan international d'un soft power extrêmement puissant, surtout considérant les asymétries réglementaires existant en faveur des plateformes. Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps.
À force de leur demander de faire des économies, c'est la création audiovisuelle qui sera impactée, et l'ensemble de l'écosystème sera touché, ce qui est aussi extrêmement préoccupant.
Avec la suppression de la fréquence de sa chaîne Mouv', Radio France a redéployé l'ensemble de ses compétences : trois personnes, au lieu de trente auparavant ; une personne au service technique, contre sept auparavant. Ils essaient donc de faire des économies.
L'État fait preuve d'une irresponsabilité telle que notre groupe ne peut que donner un avis défavorable sur ces crédits.
Mme Monique de Marco. - Je vous remercie également, monsieur le rapporteur ; le constat que vous dressez est très clair. Cependant, à la fin de votre propos, vous pointez la gestion de l'audiovisuel public. Mais c'est oublier la suppression de la redevance audiovisuelle ! Le Président de la République est donc quelque peu responsable de cette situation. N'oublions pas non plus que, l'an dernier, grâce à votre initiative, nous avons dû trouver une solution de financement via la TVA, afin d'éviter le pire. Nous estimions, pour notre part, qu'il s'agissait d'une solution injuste sur le plan fiscal, qui, de plus, n'assurait pas une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nous avions proposé une contribution progressive, une forme de financement autonome, prévisible et juste, qui nous semble à la hauteur des besoins et de nature à préserver l'indépendance de l'audiovisuel public.
Concernant la réforme de la gouvernance, même si nous estimons, à l'instar de Sylvie Robert, nécessaire d'engager une réforme, nous ne partageons pas l'esprit de la proposition de loi de Laurent Lafon ni celui de la réforme proposée par la ministre Rachida Dati, qui est toujours en suspens.
Les entreprises de l'audiovisuel public sont privées de visibilité budgétaire en raison de la suspension des COM, ce qui pose de graves problèmes. Cette situation rend particulièrement difficile le pilotage des différentes entités et la poursuite des projets de transformation qui s'étendent sur plusieurs années.
Ce projet de loi de finances prévoit une diminution de 1,79 % des crédits affectés à l'audiovisuel public. Trois entreprises sont affectées par ces coupes ; même si les dotations de France Médias Monde et de TV5 Monde sont reconduites, les budgets de ces deux sociétés sont en réalité en baisse, compte tenu de l'inflation estimée à 1,3 %. Vous l'avez dit, France Télévisions est l'opérateur le plus affecté par les coupes budgétaires, avec une diminution de ses crédits de plus de 65 millions d'euros par rapport à 2025. Ces cures d'austérité à répétition ont contraint France Télévisions à présenter un budget 2025 en déficit de 40 millions d'euros.
Cette nouvelle coupe brutale, couplée à un manque de prévisibilité pluriannuelle, aura des conséquences lourdes sur l'attractivité de France Télévisions, notamment pour ce qui concerne le financement de la création et la production audiovisuelle indépendante.
Alors que France Télévisions finance à elle seule un tiers des programmes de fiction, un certain nombre de sociétés de production pourraient disparaître, avec des conséquences pour les auteurs, les scénaristes, les réalisateurs de cinéma, de fiction ou de documentaire, dont certains connaissent déjà une situation de précarité.
La Cour des comptes a qualifié, dans son rapport publié fin septembre, la situation financière de France Télévisions de « critique ». Mais quelles solutions celle-ci peut-elle trouver, si ce n'est de réduire les financements de la création ?
Radio France subit également une coupe de ses crédits à hauteur de 4,1 millions d'euros dans un contexte déjà difficile, tandis que l'INA voit ses crédits diminuer de 1,5 million d'euros. La poursuite des chantiers entamés en matière d'intelligence artificielle va s'en trouver affectée.
En conclusion, notre groupe dénonce fortement cette nouvelle cure d'austérité qui frappe l'audiovisuel public dans un contexte où son indépendance fait déjà l'objet d'attaques de toutes parts. Tout ce qui peut affaiblir ce secteur représente une menace pour notre démocratie, particulièrement au moment où les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle produisent des contenus de désinformation. Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas l'avis du rapporteur.
M. Pierre-Antoine Levi. - Je voudrais tout d'abord féliciter notre rapporteur pour la qualité et la précision de son rapport.
Les chiffres de l'audiovisuel public traduisent une réalité budgétaire : une baisse de 71 millions d'euros, après une baisse de 78 millions d'euros en 2025. Dans un contexte où l'audiovisuel public joue un rôle fondamental pour notre démocratie, cette trajectoire doit s'accompagner d'une transformation profonde de nos opérateurs. Il importe que cette contraction budgétaire soit l'occasion d'une modernisation structurelle et non d'un affaiblissement progressif.
L'analyse de la ministre, confirmée par la Cour des comptes, indique qu'il faudrait procéder à des économies structurelles à hauteur de 140 millions d'euros pour rendre le modèle de France Télévisions viable sur le long terme. Ce constat n'est pas nouveau, mais il prend aujourd'hui une acuité particulière.
Nos opérateurs publics doivent faire face à une double contrainte : d'une part, l'évolution rapide des usages, avec une audience jeune qui se détourne massivement de la télévision linéaire au profit des plateformes numériques ; d'autre part, une concurrence accrue des acteurs privés et des géants du numérique, qui disposent de moyens financiers et technologiques considérables.
Dans ce contexte, maintenir un modèle économique inchangé conduirait à une impasse. Nous partageons donc le constat de la nécessité d'engager une adaptation profonde, une modernisation résolue, un recentrage sur le numérique et le service au territoire.
L'audiovisuel public doit se transformer pour rester pertinent, pour reconquérir les jeunes générations, pour maintenir son ancrage local, qui fait sa force et sa légitimité. Les économies demandées peuvent être l'opportunité de cette transformation, à condition qu'elle soit véritablement structurelle : réorganisation des services, optimisation des moyens, mutualisation des fonctions support, adaptation de l'offre aux nouveaux usages. C'est cette approche que nous appelons de nos voeux.
Toutefois, pour que cette trajectoire budgétaire soit soutenable et efficace, elle doit s'accompagner d'un cadre solide, clair et contrôlable, un cadre dans lequel le Parlement retrouve toute sa capacité d'examen et de pilotage. Nous ne pouvons accepter une gestion des incertitudes où les économies seraient réalisées de façon opaque, sans vision stratégique claire, sans que nous puissions vérifier que les choix opérés préservent l'essentiel, à savoir la qualité des programmes, la diversité de l'offre, l'indépendance éditoriale, la couverture territoriale. C'est pourquoi le contrôle parlementaire doit être renforcé, et non affaibli, dans cette période de transformation.
Tel est précisément l'objet de la proposition de loi portée par le président de notre commission, Laurent Lafon, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Adoptée par le Sénat, cette proposition de loi constitue une réforme institutionnelle majeure destinée à donner une gouvernance rénovée à l'audiovisuel public. Elle vise à clarifier les missions de chaque opérateur, à renforcer le contrôle parlementaire et à garantir l'indépendance éditoriale dans un contexte où celle-ci est régulièrement mise en cause. Il revient maintenant à l'Assemblée nationale de l'examiner, en seconde lecture, pour qu'elle prospère. Nous espérons qu'elle sera rapidement inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale afin que cette réforme structurante soit mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Sans cette réforme de gouvernance, les efforts budgétaires demandés risquent de ne pas produire les effets attendus.
Par ailleurs, je souligne l'urgence de disposer de contrats d'objectifs et de moyens actualisés pour France Télévisions, Radio France et l'INA. Ces documents contractuels sont essentiels : ils fixent les engagements réciproques entre l'État actionnaire et les opérateurs ; ils définissent les priorités stratégiques ; ils établissent les trajectoires financières et programmatiques. Sans COM, sans indicateurs de performance précis portant sur la qualité des programmes, la diversité de l'offre, la modernisation numérique ou la couverture territoriale, nous ne pouvons pas vérifier que les économies réalisées sont bien structurelles et qu'elles permettent effectivement de construire un audiovisuel public plus efficace, plus moderne, plus en phase avec les attentes de nos concitoyens. Le Parlement a besoin de ces outils pour accompagner la transformation en cours et s'assurer qu'elle produit les résultats escomptés.
Dans ce contexte budgétaire exigeant, je relève une note positive : la préservation des crédits d'Arte France et de France Médias Monde. Il est essentiel que l'État continue à soutenir ces entités afin de préserver notre souveraineté audiovisuelle et notre influence sur la scène mondiale. Ces choix de préservation témoignent d'une hiérarchisation des priorités, que nous jugeons pertinente.
Le groupe Union Centriste votera ces crédits, considérant que la trajectoire proposée, si elle est accompagnée des réformes structurelles nécessaires, permettra de construire un audiovisuel public plus fort, plus moderne et plus efficace, tout en restant fidèle à sa mission fondamentale : garantir l'accès de tous à une information libre, diversifiée et de qualité.
Notre vote sera assorti de quatre exigences claires : l'inscription rapide de la proposition de loi Lafon à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale et son adoption définitive ; des COM actualisés et publics pour chaque opérateur concerné ; des indicateurs clairs permettant de mesurer l'impact réel des réformes sur la qualité du service public et l'efficacité de la gestion ; un véritable calendrier de mise en oeuvre des transformations annoncées.
M. Pierre Ouzoulias. - Je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur, car il importe que nous partagions les bilans et les constats. Or, depuis que nous avons commencé à examiner les budgets de la culture, nous nous accordons - malheureusement - sur le constat et sur le bilan. Même si nous divergeons quant aux avis à rendre sur les crédits qui nous sont proposés, le petit-fils de résistant que je suis considère que, en période de crise, il est important de se retrouver sur l'essentiel.
Vous connaissez l'adage : « si l'on n'a pas les moyens de sa politique, on doit élaborer la politique de ses moyens. » En l'occurrence, il n'y a pas de moyens et il n'y a pas de politique. Depuis quelques jours, qu'il s'agisse du budget de la culture ou de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, on constate que la réflexion politique fait défaut. Cela fait une dizaine d'années que le gouvernement est dans l'incapacité de dire clairement - même si la position politique défendue n'est pas la mienne -, ce qu'il attend de l'audiovisuel public.
J'en suis intimement persuadé, en période de crise comme celle que nous vivons actuellement, où tous les fondements de la République sont attaqués, l'audiovisuel public doit servir une cause essentielle, la formation de l'esprit critique du citoyen. Face à l'augmentation des informations non vérifiées, cela doit être le coeur de métier de l'audiovisuel public.
Par ailleurs, je constate que le ministère de la culture se décharge d'un certain nombre de missions qui devraient être les siennes ; je pense à l'aide à la production. Les entreprises de l'audiovisuel public se retrouvent face à des injonctions contradictoires : la direction, les personnels sont perdus, et nous aussi.
Enfin, je suis certain que l'on peut trouver des ressources propres, mais on ne le fait pas pour des raisons politiques. Les opérateurs de l'intelligence artificielle pillent l'audiovisuel public, comme tout le reste d'ailleurs, pour vendre des informations financées au travers de nos impôts. Il faudrait donc à un moment donné que l'État demande une contribution à ces grandes plateformes !
Cessons cette forme d'irénisme considérant que tout ce qu'elles font contribue à développer l'innovation, car c'est faux. À un moment donné, l'État - et l'Europe - doivent leur demander de payer ce qu'elles pillent.
Mme Catherine Belrhiti. - Je remercie le rapporteur de son travail. L'évolution des crédits alloués à l'audiovisuel public dans le cadre du PLF pour 2026 est réellement préoccupante. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » voit ses crédits baisser de 71 millions d'euros ; la dotation à France Télévisions chute de 65,3 millions d'euros.
Ce repli s'inscrit dans une dynamique de baisse continue. Rappelons que les lois de finances initiales de 2024 et 2025 avaient déjà entamé des corrections budgétaires tardives, parfois en cours d'année, ce qui fragilise la visibilité à moyen terme des opérateurs. Ces arbitrages sont lourds de conséquences. France Médias Monde, dont je suis membre du conseil d'administration, joue un rôle essentiel dans notre rayonnement international, avec la diffusion d'informations en plusieurs langues, la couverture des zones de crise et le service d'un journalisme indépendant. Or l'enveloppe de l'audiovisuel public constitue près de 85 % de ses ressources totales. Une contraction budgétaire imposera des choix difficiles : réduction des effectifs, recul du nombre de correspondants à l'étranger, ralentissement du développement numérique ou repli sur des contenus moins coûteux. Autant de menaces réelles pesant sur la qualité et l'indépendance de l'information.
Or l'heure n'est pas à l'austérité, mais à la consolidation. La concurrence des plateformes mondiales, l'accélération des crises internationales et la désinformation renforcent le besoin d'un service public audiovisuel fort, capable de produire des contenus rigoureux, pluriels et accessibles. Réduire les moyens, c'est risquer d'affaiblir durablement notre capacité à remplir ces missions.
Par conséquent, il convient de s'interroger sur le modèle d'information que nous souhaitons. Si l'on veut préserver notre souveraineté culturelle, notre influence diplomatique et la diversité du paysage médiatique français, il faut donner des garanties claires et une visibilité pluriannuelle, prévoir un financement stable à la hauteur des enjeux internationaux.
L'audiovisuel ne doit pas être considéré comme une variable d'ajustement, car, derrière chaque euro retiré, se joue l'avenir de notre influence culturelle, de notre information et de notre voix à l'étranger. Cependant, nous suivrons l'avis du rapporteur.
Mme Laure Darcos. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail et la qualité des auditions, auxquelles j'ai pu en partie assister.
Concernant France Médias Monde, l'audition de sa présidente Marie-Christine Saragosse m'a permis de comprendre les raisons pour lesquelles ils ont exigé de ne pas être concernés par la réforme, notamment au regard des ingérences étrangères. Aujourd'hui, ils consacrent 5 millions d'euros supplémentaires au numérique, pour répondre' aux attaques des Russes et des Chinois, voire des Américains. Dans le cadre du bouclier pour l'information, les sociétés de l'audiovisuel coopèrent pour alerter sur les infox, afin d'essayer de les corriger. FMM ouvre des antennes dans des pays stratégiques, tels que la Moldavie. Ce groupe joue donc un rôle contribuant au soft power de la France.
S'agissant de France Télévisions, je dresse le même constat que mes collègues : le groupe souffre cruellement de ne pas disposer de contrat d'objectifs et de moyens ; c'est d'ailleurs ce que demandait le rapport de la Cour des comptes. Le groupe public ne peut donc pas faire de projections. Delphine Ernotte Cunci l'a souligné, la masse salariale a été réduite de façon drastique : plus de 900 personnes en quatre ans, soit une baisse de 10 % des effectifs.
Or la coupe drastique supplémentaire qui leur est demandée aura bien évidemment une incidence sur la grille des programmes. La diffusion de l'émission « Questions pour un champion » uniquement le week-end, qui avait fait grand bruit à l'époque, a permis de faire 3 millions d'euros d'économies. Il va sans dire que d'autres programmes populaires subiront le même sort.
Enfin, ce qui m'inquiète le plus, ce sont les crédits alloués au cinéma. France Télévisions va devoir faire 10 millions d'euros d'économies au titre des achats et des coproductions.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur ce budget.
M. Max Brisson. - L'État consacre près de 4 milliards d'euros à l'audiovisuel public en l'absence même de contrat d'objectifs et de moyens, ce qui peut paraître surprenant, voire gênant. Face à la réduction des crédits, les responsables des deux grandes entreprises de l'audiovisuel public envisagent-ils un allégement de leurs coûts de fonctionnement et de leurs frais généraux ? Quelles réflexions ont-ils lancées sur le recentrage de leurs missions essentielles ? Il n'y a aucune raison que l'audiovisuel public ne participe pas à l'effort de la Nation pour contribuer au désendettement et à la réduction des déficits. Une véritable réflexion est-elle menée sur les missions de l'audiovisuel public dans le domaine de l'information, de la culture, de l'éducation, du lien social, en termes d'expression des territoires, d'accès à l'information ?
Les crédits ne seront plus abondants. Ce travail de réorganisation ambitieuse est-il lancé de la même manière à France Télévisions et à Radio France ? L'audiovisuel public se prépare-t-il à plus de souplesse, plus d'agilité, plus d'efficacité, pour plus de compétitivité ?
Mme Sonia de La Provôté. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son rapport de qualité. Je souhaite réagir sur les effets de bord de la baisse des crédits, singulièrement sur le cinéma, la création audiovisuelle et l'animation.
La diminution des budgets, qui pèsera en grande partie sur la création, aura un impact économique important sur le secteur de la culture dans son ensemble. En effet, France Télévisions est le premier partenaire des producteurs indépendants, ce qui est un gage de la diversité des films proposés. Ces producteurs travaillent dans tous les territoires, notamment les territoires ultramarins. Tout est lié dans la politique culturelle, l'impact ne sera pas neutre sur le cinéma - sans oublier que les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont également malmenés en ce moment. A-t-on estimé le coût économique de cette décision budgétaire ?
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis. - M. Ouzoulias, vous dites qu'il n'y a ni moyens ni politique, mais ce n'est pas tout à fait exact puisque les moyens, bien qu'en baisse, s'élèvent à près de 4 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.
Certes, la situation est préoccupante, mais un certain nombre de responsables de l'audiovisuel public ont fait preuve d'un manque d'anticipation. Gérer, c'est choisir. Or nous subissons la baisse de moyens sans avoir la possibilité de faire des choix, ce qui rend la situation difficile.
À court terme, cette diminution fera mal. À moyen terme, elle aura des conséquences compliquées. Cependant, à long terme, elle est nécessaire et même existentielle pour l'audiovisuel public.
Mme de Marco affirme qu'affaiblir l'audiovisuel public, c'est affaiblir la démocratie. Je dirais plutôt que ne pas changer l'audiovisuel public, c'est l'affaiblir. Il ne s'agit pas de punir parce que nous considérons que les efforts nécessaires n'ont pas été fournis, mais de contraindre à procéder aux changements nécessaires. Jusqu'à maintenant, les responsables de l'audiovisuel public se demandaient pourquoi ils devaient évoluer alors qu'ils bénéficiaient toujours des mêmes moyens. L'écosystème de l'audiovisuel privé a changé, comme les audiovisuels publics européens. Pourquoi échapperions-nous à la règle ? Le décalage avec le reste de l'écosystème est de plus en plus important.
L'accord collectif de France Télévisions a été dénoncé l'été dernier après la publication d'un rapport de la Cour des comptes, car il contraignait à un cloisonnement des métiers générant des charges considérables, qui empêchent la transformation du secteur.
Les évolutions que nous connaissons auraient dû être anticipées. Les responsables de chaînes nous disent qu'ils ne l'ont pas fait parce qu'ils étaient dans l'incertitude. Certes, il faut reconnaître une responsabilité de l'État, qui n'a pas été clair. Il y a eu une absence de prévision et, pire encore, des signaux contradictoires ont été envoyés, ce qui est catastrophique quand il s'agit de piloter une politique. Néanmoins, les responsables auraient dû prévoir ce qui allait se passer. Ce n'est pas parce qu'on leur promettait des moyens supplémentaires qu'il ne fallait pas faire d'économies. Au contraire, il fallait en faire pour engager une transformation. Tout le monde le paie aujourd'hui.
Je crains que ces responsables ne prennent encore le chemin de la facilité en faisant peser les économies sur les programmes plutôt que sur le structurel. L'État investit environ 2,5 milliards d'euros dans France Télévisions - complétés par des revenus publicitaires s'élevant à 500 millions d'euros -, dans l'objectif de diffuser des programmes. C'est le rôle de la télévision. Or les économies vont être réalisées essentiellement sur les programmes. Ainsi, France Télévisions prévoit une réduction du financement de 50 millions d'euros pour la création audiovisuelle, de 10 millions d'euros pour le cinéma, de 15 millions d'euros pour les émissions de flux et de 7 millions d'euros pour le sport. La baisse atteint 82 millions d'euros alors que la coupe budgétaire prévue par le PLF s'élève à 65 millions d'euros, car il s'agit aussi de combler un déficit auquel les patrons de chaînes se sont habitués, dans la mesure où il était jusqu'à présent compensé par des recapitalisations. Nous les avons prévenus que ce ne serait plus le cas ; il s'agit de bonne gestion. Il ne serait ni moral, ni souhaitable, ni juste que toutes les économies portent sur les programmes. Si les responsables de chaînes ne procèdent pas à des économies structurelles, ils passeront une nouvelle fois à côté des défis qui sont les leurs.
Les projets annuels de performance (PAP) pour les années à venir prévoient une diminution continue des crédits de l'audiovisuel public : de 71 millions d'euros en 2026, de 65 millions d'euros en 2027 et de 44 millions d'euros en 2028. La baisse va se poursuivre, nous sommes dans une logique de diminution, qui nécessitera une réflexion sur les missions essentielles de l'audiovisuel public, laquelle doit être menée par les responsables de chaînes et l'État. On ne pourra pas continuer en rabotant les coûts ; nous avons atteint les limites du système. Il faudra peut-être revoir nos ambitions à la baisse pour pouvoir continuer à 'remplir de façon satisfaisante les missions que l'on décidera de conserver.
La réflexion devra aussi inclure le rôle de l'audiovisuel public à l'international, parfois négligé. Il importe de prendre en compte des enjeux majeurs et croissants, notamment en termes de guerre informationnelle. Il nous faut soutenir France Médias Monde, qui lutte sur ce champ de bataille. Il nous faut aussi répondre aux enjeux en matière de francophonie et de soft power. À cet égard, nous avons besoin d'Arte, de TV5 Monde et de France Médias Monde, mais aussi d'arbitrages forts.
Enfin, à titre personnel, je pense que Radio France a un peu mieux anticipé les enjeux que ne l'a fait France Télévisions, en engageant des réformes et en réalisant des économies. Les coupes budgétaires devraient être un peu moins lourdes à supporter et porter un peu moins sur les programmes. Ils ont fait des choix, comme la transformation de la radio Mouv' en chaîne numérique, qui génère des économies et permet d'éviter de faire peser l'effort sur tout le reste.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2026.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
JEUDI 6 NOVEMBRE 2025
- Cour des comptes : Mmes Jeanne-Marie PROST, conseillère maître en service extraordinaire à la 3ème chambre, et Gwenaëlle SUC, conseillère référendaire à la 3ème chambre, et M. Laurent ROUSSELY, vérificateur à la 3ème chambre.
LUNDI 10 NOVEMBRE 2025
Table ronde des syndicats
- Syndicat des producteurs et créateurs indépendants de programmes audiovisuels (SPECT) : MM. Jérôme CAZA, président, et Vincent GISBERT, délégué général ;
- Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) : Mmes Iris BUCHER, présidente, et Isabelle DEGEORGES, vice-présidente, M. Stéphane LE BARS, délégué général, et Mme Amanda BORGHINO, déléguée générale adjointe ;
- Syndicat de la production indépendante (SPI) : MM. Simon ARNAL, président, Cyrille PÉREZ, vice-président audiovisuel, et Sébastien COLIN, délégué général, et Mme Emmanuelle MAUGER, déléguée générale adjointe.
MERCREDI 12 NOVEMBRE 2025
- Direction générale des médias et des industries culturelles - ministère de la culture (DGMIC) : Mme Florence PHILBERT, directrice générale des médias et des industries culturelles, et M. Louis BENON, chef du bureau du secteur audiovisuel public.
LUNDI 24 NOVEMBRE 2025
- TV5 Monde : Mme Kim YOUNES, présidente-directrice générale, et M. Thomas DEROBE, secrétaire général.
- Arte France : M. Frédéric BÉREYZIAT, directeur général, et Mme Adeline CORNET, secrétaire générale.
- France Médias Monde (FMM) : Mme Marie-Christine SARAGOSSE, présidente-directrice générale, MM. Roland HUSSON, directeur général en charge du pôle Ressources, et Corentin MASCLET, chargé de relations institutionnelles et communication transverse.
- Institut national de l'audiovisuel (INA) : Mmes Agnès CHAUVEAU, présidente-directrice générale par intérim, et Déborah MÜNZER, directrice de cabinet de la présidence, et M. Mathieu DE SEAUVE, secrétaire général.
- France Télévisions (France TV) : Mme Delphine ERNOTTE CUNCI, présidente-directrice générale, MM. Christian VION, directeur général adjoint en charge de la gestion, de la production et des moyens, et Christophe TARDIEU, secrétaire général, Mme Livia SAURIN, secrétaire générale adjointe, et M. Olivier ROGER, directeur de cabinet.
MERCREDI 26 NOVEMBRE 2025
- Radio France : Mmes Sibyle VEIL, présidente-directrice générale, et Marie MESSAGE, directrice générale adjointe, en charge de la production, des moyens et des organisations, et M. Charles-Emmanuel BON, secrétaire général.
ANNEXE
Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture
MARDI 28 OCTOBRE 2025
___________
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.
Madame la ministre, votre domaine de compétence recouvre des secteurs variés, qui ont pour point commun d'exprimer de fortes attentes.
Sur le patrimoine, le projet de loi de finances (PLF) marque une rupture profonde par rapport au dernier exercice budgétaire.
En 2025, les crédits du programme 175 « Patrimoines » avaient été d'abord préservés, puis fortement renforcés par un amendement gouvernemental présenté devant le Sénat. Vous nous indiquiez alors, madame la ministre, que cet abondement était indispensable face au « mur d'investissements » qui s'annonçait, et signait votre volonté de faire du patrimoine votre « grande priorité ».
Dans le projet de loi de finances pour 2026, ce sont ces mêmes crédits qui subissent les plus importantes mesures d'économies au sein de la mission « Culture », avec une diminution de près de 20 % en autorisations d'engagement (AE). La baisse est spectaculaire sur les crédits d'investissement des opérateurs, réduits de moitié.
Nous sommes bien sûr conscients du contexte budgétaire. Néanmoins, l'ampleur de cette baisse a de quoi surprendre, alors que de nombreux chantiers sont en cours, et que le cambriolage du Louvre a mis en évidence la dégradation et l'obsolescence de certains de nos monuments les plus emblématiques. Le projet Louvre - Nouvelle Renaissance doit ainsi être mis en place, notamment dans ses aspects sécuritaires ; la commission de la culture, qui s'est rendue au Louvre ce matin, a pu constater de visu que ses installations de sécurité n'étaient pas adaptées aux enjeux auxquels doit faire face un musée de cette importance au début du XXIe siècle.
Pourriez-vous donc nous préciser, madame la ministre, quels projets et quels chantiers patrimoniaux se trouveront sinon remis en cause, du moins fortement ralentis par ce budget ? Comment envisagez-vous de prendre en compte la problématique de la sécurité, en étendant cette réflexion à l'ensemble des musées français ?
Le domaine des industries culturelles, pris au sens large, appelle également toute votre attention.
Il est à nouveau annoncé un prélèvement de 15 millions d'euros sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), comme l'année dernière. Vous aviez finalement obtenu un maintien de ces crédits ; qu'en sera-t-il cette année ?
Nous observons par ailleurs une baisse de la subvention au Centre national de la musique (CNM) de près de 7 millions d'euros, en contrepartie, il est vrai, d'un rehaussement des plafonds des deux taxes affectées. Pourriez-vous nous préciser votre vision à moyen terme de l'équilibre économique de ce nouvel opérateur ?
Vous évoquerez sans doute également à nouveau le projet de loi issu des États généraux de l'information (EGI), actuellement examiné par le Conseil d'État, et dont le calendrier d'examen reste flou. La question de la réforme de la distribution de la presse est toujours posée, à la suite de la mission Soriano. En attendant, la nouvelle baisse de certaines aides nous interroge, notamment en ce qui concerne le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).
S'agissant du cinéma, une nouvelle ponction, certes limitée, est prévue sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mais ce sont surtout les velléités de diminution des crédits d'impôt qui posent question, du fait de leurs répercussions possibles sur l'industrie cinématographique nationale.
Le secteur de la création artistique continue, quant à lui, de subir les effets du fléchissement généralisé des budgets publics consacrés à la culture, que l'Observatoire des politiques culturelles (OPC) qualifie de « moment de bascule très net ». Selon son baromètre national, près de 50 % des régions, départements, communes et métropoles ont diminué, entre 2024 et 2025, leur budget culturel, et ce quel que soit leur bord politique. Ce contexte budgétaire inédit fragilise et interroge le principe des financements croisés sur lequel sont bâtis de nombreux dispositifs en faveur de la création. Tel est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser, dont vous nous parlerez sans doute, madame la ministre. L'année dernière, vous nous aviez dit vouloir mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant. Un an plus tard, avez-vous avancé sur ce dossier ?
En matière de démocratisation culturelle, cette année est marquée par le déploiement de la réforme de la part individuelle du pass Culture, dont nous avions beaucoup débattu lors de l'examen du PLF pour 2025. Vous nous direz si celle-ci est désormais pleinement opérationnelle et quels en sont les premiers effets sur les comportements des jeunes. Sur le plan budgétaire, l'enveloppe consacrée à cette part individuelle continuera de décroître l'année prochaine. Si ce recalibrage tant stratégique que budgétaire du dispositif était nécessaire, nous nous interrogeons sur le contenu à venir de la politique de démocratisation de l'accès des jeunes à la culture, dont le pass était devenu le dispositif phare, et ce d'autant que sa part collective a été gelée en cours d'année, entraînant l'annulation de certaines actions d'éducation artistique et culturelle.
Enfin, les crédits de l'audiovisuel public poursuivent une trajectoire de décroissance jusqu'en 2028, avec une baisse de 71 millions d'euros l'an prochain, après une diminution déjà significative l'an dernier.
Cet effort, supporté pour une large part par France Télévisions, place les sociétés dans une situation complexe. La Cour des comptes a récemment attiré l'attention sur la fragilité du modèle économique de France Télévisions, qualifié d'impasse. Par ailleurs, la réduction des crédits de l'audiovisuel public peut avoir des conséquences économiques négatives en chaîne dans l'ensemble de la filière audiovisuelle.
Dans ce contexte, les ambitions de l'État demeurent floues, en l'absence de contrats d'objectifs et de moyens (COM). Or, étant donné la réduction des subventions budgétaires, il revient au ministère de préciser la nature des gains d'efficience souhaités. La réforme de la gouvernance adoptée au Sénat en juillet dernier est par ailleurs indispensable.
Mais ces questions, pourtant essentielles, sont parasitées par la polémique sur l'impartialité de l'audiovisuel public. Des garanties doivent être apportées afin de lever toute ambiguïté et de consolider la confiance du public.
Voilà, madame la ministre, quelques-uns des nombreux sujets sur lesquels nous attendons vos explications. Après votre intervention liminaire, vous serez interrogée par nos rapporteurs pour avis, puis par les collègues qui le souhaiteront.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de débuter cette audition majeure relative au budget du ministère de la culture, je souhaite revenir sur le vol spectaculaire qui a eu lieu au musée du Louvre le dimanche 19 octobre. Je souhaite faire le point sur ce cambriolage qui a choqué tous les Français, et même le monde entier, mais aussi les 2 200 agents du musée.
Lors de ce vol, il n'y a pas eu de défaillance interne des dispositifs de sécurité qui étaient installés à cette date : les alarmes ont fonctionné ; les agents ont suivi à la lettre les protocoles qui doivent s'appliquer dans de telles circonstances ; les effectifs prévus étaient en salle. Il est essentiel que soit reconnue la réactivité des agents du Louvre, qui a permis d'alerter les forces de police dans la minute et de mettre en sécurité le public présent dans le musée. Pour autant, le fait que ce vol spectaculaire ait eu lieu représente bel et bien un échec.
Des failles sécuritaires ont bien existé, et il faudra y remédier. C'est tout le sens des trois initiatives que j'ai prises immédiatement.
Le lundi 20 octobre, soit le lendemain du cambriolage, j'ai adressé un télégramme, cosigné avec le ministre de l'intérieur, à l'ensemble des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et aux préfets afin qu'ils exercent immédiatement une vigilance accrue à l'égard des espaces et des oeuvres sensibles, que l'échange d'informations entre les établissements culturels et les forces de sécurité soit renforcé et que soient recensés tous les lieux pouvant contenir des objets de valeur.
Le mardi 21 octobre, j'ai annoncé l'ouverture d'une enquête administrative dont les conclusions, rédigées sur la base de nombreuses auditions et analyses de documents internes, seront rendues mercredi soir prochain.
Le même jour, j'ai annoncé devant l'Assemblée nationale l'ouverture de la mission parlementaire confiée par le Premier ministre, sur ma proposition, à M. Jérémie Patrier-Leitus, dont le rôle sera d'émettre des préconisations rapides sur la manière de mieux sécuriser nos établissements culturels en agissant sur la gouvernance, le process, le pilotage et le financement.
Les conclusions de l'enquête administrative et de la mission parlementaire nous permettront de faire toute la lumière sur les défaillances, les manquements et les responsabilités. Je prendrai en toute transparence les mesures qui s'imposent à cet égard, d'une part, pour sécuriser très rapidement le musée, et, d'autre part, en vue d'instaurer une nouvelle organisation, plus adaptée.
À ce stade, je ne peux pas en dire plus.
J'entends certains demander qu'une tête tombe... Vous comprendrez que l'arbitraire ne peut avoir sa place dans de telles circonstances. Pour autant, les mesures que j'annoncerai seront une réponse aux manquements et aux défaillances constatés. Un tel événement ne peut pas rester sans conséquences, ni sans action immédiate en ce qui concerne les responsabilités.
Je vais désormais aborder le projet de budget du ministère de la culture pour 2026.
Chacun d'entre vous connaît le contexte dans lequel ce projet de budget prend place, et dont j'ai pleinement conscience. Je souhaite avoir avec vous un débat très éclairé sur chacune des missions du ministère de la culture, les enjeux à venir et les défis à relever, qu'il est essentiel d'identifier compte tenu des urgences auxquelles la France est confrontée et de la nécessité de rétablir nos finances publiques.
Dans ce double contexte, le projet de budget pour 2026 maintient un très haut niveau d'ambition pour la culture. Les priorités qu'il porte, que je détaillerai, ainsi que la conduite de l'action du ministère obéiront à la même ambition.
Je considère que la culture est une politique régalienne dans toutes ses dimensions : cohésion, intégration, réduction des inégalités et apprentissage tout au long de la vie des valeurs de la République. La culture française est, d'ailleurs, une valeur républicaine. Ce projet de budget en est la traduction.
Le niveau du budget total du ministère de la culture pour 2026, soit plus de 8,3 milliards d'euros, est supérieur à celui de 2023. Tous les secteurs disposeront des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux que je viens de vous décrire.
S'agissant de la création artistique, les moyens alloués cette année au programme 131 « Création » demeureront à un niveau quasiment équivalent à celui de 2025, avec plus de 1 milliard d'euros de crédits prévus. La moitié de ces crédits, soit 450 millions d'euros, sera consacrée à nos territoires. Il s'agit pour moi d'une priorité constante depuis mon arrivée au ministère de la culture : dans un contexte où les acteurs souffrent du désengagement de certaines collectivités, l'État se doit d'être exemplaire et présent en particulier pour ceux qui sont le plus éloignés de la culture, notamment dans les territoires ruraux. Ces crédits renforceront le plan Culture et ruralité que j'ai lancé dès que j'ai pris mes fonctions : à ce jour, 60 millions d'euros y ont déjà été consacrés, en deux ans.
Les résultats sont tangibles : 70 festivals soutenus dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; 4 millions d'euros consacrés aux projets d'artothèques dans 43 départements, afin que ceux-ci puissent enrichir leurs collections et fassent entrer l'art dans le quotidien de millions de Français ; 240 résidences d'artistes soutenues par les Drac au cours des deux dernières années. Par ailleurs, un tiers de la dotation du programme 131 contribuera au financement des 14 opérateurs nationaux de la création, qui bénéficieront de près de 363 millions d'euros.
Le soutien à l'emploi artistique se poursuivra en 2026. Dans ce contexte où tout peut être remis en cause, j'ai obtenu - et c'est un engagement que j'avais pris devant les organisations syndicales - la prorogation du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Il n'y a donc pas de renoncement quant au soutien à l'emploi pérenne dans le spectacle.
Mon ambition en matière de création artistique, en particulier dans les territoires, est intacte : la culture doit être accessible à tous les Français et dans tous les territoires.
Le vol qui a eu lieu au musée du Louvre nous montre combien il est important de défendre et de soutenir notre patrimoine et nos musées. Il s'agit d'un engagement constant du Président de la République puisque, entre 2017 et 2025, le budget du patrimoine a augmenté de 39 %. Ceux qui affirment que le patrimoine est une variable d'ajustement ne disent donc pas la vérité.
Dans le dernier budget, alors même que les contraintes budgétaires étaient importantes, un amendement gouvernemental a permis d'abonder le budget du patrimoine de plus de 275 millions d'euros. Grâce à votre soutien, monsieur le président Lafon, le budget du patrimoine a bénéficié de cette augmentation inédite, et je vous en remercie.
Nous défendons sans relâche la conviction que le patrimoine est la première porte d'entrée vers la culture. Cette année, plus de 1,15 milliard d'euros y sera consacré. Ces crédits permettront la poursuite des projets en cours : rénovation du Centre Pompidou, qui a fermé ses portes le week-end dernier ; préservation et modernisation de plusieurs établissements - Fontainebleau, Versailles, archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine - ; restauration du Palais de la Cité, consolidation de la Tour Saint-Nicolas à la Rochelle, etc.
Investir dans le patrimoine et dans la création artistique n'a de sens que si tous nos concitoyens, où qu'ils vivent, ont accès non seulement à la culture mais aussi aux métiers de la culture. Tel est l'objet du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », doté de 723 millions d'euros, autant de moyens permettant de poursuivre le déploiement des politiques publiques d'accès à la culture. Dans cette enveloppe, j'ai fait le choix de la formation, de la médiation, de l'égalité des chances, de l'accompagnement, du soutien aux équipements culturels et aux écoles.
S'agissant du pass Culture, j'avais dit dès ma prise de fonctions que cet outil, indispensable, devait être mieux ciblé, mieux géolocalisé - ce n'était pas le cas à l'époque - et plus diversifié pour empêcher qu'il ne devienne un outil de reproduction sociale. Pour cette raison, j'ai recentré ce dispositif sur les jeunes âgés de 17 à 21 ans, avec un bonus de 50 euros pour ceux dont les parents ont des revenus modestes et pour les jeunes en situation de handicap, afin que cet outil soit plus équitable. J'ai souhaité aussi y intégrer de la médiation, ce qui n'existait pas auparavant.
Ce dispositif ainsi renouvelé a permis de favoriser l'accès à la culture dans les territoires et de donner accès à de nouvelles formes de culture grâce, notamment, à la médiation. Davantage de jeunes ont accès à la culture, dans davantage d'endroits et sous des formes plus diverses, tout en s'ouvrant aux métiers de la culture.
Concrètement, la part individuelle du pass Culture représentait près de 12 millions de réservations en 2024. Près de 45 % de ces réservations concernent des offres Duo. C'est la preuve que le pass Culture est aussi un outil au service du partage et du lien social.
Au travers de la part collective du pass Culture, plus de 70 % des élèves du secondaire ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle (EAC), ce qui représente une forte augmentation, laquelle est liée à la nouvelle articulation entre part collective et part individuelle du pass Culture : la première permet d'accéder à la culture et la seconde de s'autonomiser dans le domaine des choix culturels. Mais tout n'est pas parfait : il faut chercher à atteindre, encore et toujours, les populations et les jeunes qui n'ont pas accès à la culture.
Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », le projet de budget prévoit une baisse d'environ 4 % par rapport à 2025. Le Gouvernement est tout à fait conscient que les médias traditionnels évoluent dans un contexte économique de plus en plus dégradé. C'est pour répondre à cet enjeu, qui est aussi un enjeu démocratique, que je présenterai prochainement un texte visant à traduire les recommandations des États généraux de l'information.
Le contexte actuel affecte notamment les éditeurs de presse. Les aides au pluralisme seront donc maintenues à un niveau de 23,2 millions d'euros, tandis que l'aide à la distribution, en baisse d'un tiers l'an dernier, sera relevée en 2026 pour accompagner la modernisation des réseaux de distribution et d'imprimerie.
La dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse est ramenée à 13,5 millions d'euros. En cas de signature d'un contrat de modernisation sur la distribution de la presse, cette enveloppe devra être consolidée.
Un mot de la diminution des moyens alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en baisse de 16 millions d'euros par rapport à 2025. Je sais le rôle essentiel joué par les radios associatives : je ne doute pas que, comme l'année dernière, nous pourrons leur redonner des moyens et rétablir ces crédits.
En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », ses crédits pour 2026 s'établissent à 343 millions d'euros. La baisse contenue à 2 % n'entamera pas les grands projets liés au livre et à la lecture. Je pense notamment au financement du chantier du nouveau pôle de conservation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) à Amiens et au relogement de la Bibliothèque publique d'information (BPI) durant la fermeture du Centre Pompidou, qui sont d'ores et déjà financés.
Nous avons choisi de soutenir très fortement les bibliothèques, premier maillage culturel de notre pays, comptant plus de 15 500 établissements. Notre politique permet d'atteindre à ce jour le nombre record de près de 7 millions de personnes inscrites en bibliothèque. À la fin de l'année 2025, nous aurons signé des contrats départementaux de lecture avec 83 départements pour développer la lecture et enrichir les collections des bibliothèques rurales.
J'avais pris un autre engagement au sujet des horaires d'ouverture des bibliothèques. Cette année, plus de 250 projets d'extension de ces horaires ont été soutenus, pour une durée d'ouverture supplémentaire moyenne de neuf heures trente par semaine. Depuis le lancement de cette initiative, 15 millions de nos concitoyens en bénéficient.
Par ailleurs, certains d'entre vous m'ont adressé des courriers au sujet de la Maison du dessin de presse. Le projet a été acté, les travaux débuteront à la fin de 2026 en vue d'une ouverture en 2027. L'ensemble du financement est d'ailleurs prévu dans ce projet de loi de finances.
Pour ce qui concerne le Centre national de la musique, comme je m'y étais engagée, les plafonds des taxes affectées seront relevés de 8 millions d'euros en 2026 et respectivement portés à 58 millions d'euros pour la taxe sur la billetterie et à 21 millions d'euros pour la taxe sur le streaming. Cette mesure permettra d'éviter un écrêtement l'année prochaine, compte tenu des prévisions de recettes. La surfiscalité pesant sur le secteur lui reviendra donc intégralement, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous.
Vous le savez, nous prévoyons de contribuer à l'effort budgétaire à hauteur de 71 millions d'euros pour l'audiovisuel public, répartis ainsi : une baisse de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions ; 4,1 millions d'euros pour Radio France ; 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA). C'est vrai, cette trajectoire de baisse des crédits constitue un vrai défi pour France Télévisions et annonce des difficultés importantes pour son écosystème, en particulier celui de la production. Je mesure l'inquiétude qu'elle suscite.
En outre, la priorité est de donner un nouvel élan, un nouveau cap à l'audiovisuel public, en améliorant son efficacité, pour que le service public s'adresse à tous, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président. Telle est d'ailleurs l'ambition de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle du président Lafon, que nous avons défendue ensemble et qui devrait être prochainement examinée par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne le CNC, après le prélèvement sur trésorerie de 500 millions d'euros déjà opéré par le PLF pour 2025, un nouveau prélèvement sur trésorerie est prévu dans le PLF pour 2026 à hauteur de 50 millions d'euros, ce montant ayant été fortement réduit par rapport à celui qui était initialement prévu. Je rappelle avec force que le financement du CNC repose sur des taxes spéciales, dont le produit est reversé aux entreprises du secteur, et ne coûte pas un euro d'argent public au budget de l'État. J'assume ce nouveau prélèvement sur trésorerie, mais il ne saurait être d'un montant supérieur ou être réitéré après 2026. En effet, ce prélèvement n'est possible qu'en raison des rendements de taxes supérieurs aux prévisions, et la trésorerie de l'institution ne peut être de nouveau réduite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mon arrivée au ministère de la culture, j'ai tenu tous mes engagements : favoriser l'accès à la culture, réinvestir les territoires ruraux, défendre notre patrimoine, voilà ce qui guide mon action depuis le premier jour. En témoignent le plan Culture et ruralité, très opérationnel, qui se déploie encore cette année ; la réforme du pass Culture ; l'adoption de l'amendement abondant le programme « Patrimoines » dans le PLF de l'an dernier - je vous en remercie de nouveau - ; l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers dans toutes les écoles d'art - il s'agit d'une première, ces étudiants devant payer des frais de scolarité parfois onéreux - ; la création d'une nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche dans le ministère, pour se confronter à une situation de l'apprentissage et de l'alternance très compliquée, de nombreuses écoles posant des défis de formation, de reconnaissance des diplômes, de débouchés et de suivi des étudiants ; le lancement du label Éducation populaire pour la culture, parce que les acteurs de l'éducation populaire sont des acteurs majeurs pour l'accès à la culture et la réduction des inégalités - ils n'avaient pas été reçus au ministère de la culture depuis plus de 40 ans - ; les opérations Premières pages et Ma première carte de bibliothèque - celle qui est remise au moment de la déclaration de naissance - ont rencontré un véritable engouement.
Certains ont tenté de mettre en avant un prétendu désengagement de l'État sur la culture ; les chiffres démontrent le contraire. Dans un contexte de désengagement des collectivités, j'ai souhaité que l'État et le ministère soient exemplaires. J'y insiste, la culture est un choix politique. Se désengager de la culture coûterait à mon sens plus cher à la société, notamment en matière de cohésion, que de rester engagé. L'État est au rendez-vous avec ce projet de budget pour 2026, qui témoigne du fait que l'ambition est préservée et renouvelée. Cette audition sera pour moi l'occasion de démontrer, chiffres à l'appui, que nous tenons nos engagements.
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur le Louvre : le Gouvernement déposera-t-il un amendement visant à augmenter les crédits pour assurer l'application du schéma directeur des équipements de sûreté du Louvre, et un autre amendement ayant pour objet d'accroître la sécurité de l'ensemble des musées ?
Mme Rachida Dati, ministre. - En Europe, nous sommes les seuls à confier au ministère de la culture et à la direction générale des patrimoines et de l'architecture une mission dédiée à la sécurité et à la sûreté de nos musées. À la demande des musées, cette direction sillonne le territoire. Nous apprenons toujours de nos échecs et des situations de crise : nous renforcerons les moyens et les financements de cette direction.
En ce qui concerne le Louvre, je ne veux ni aller trop loin ni anticiper les conclusions de l'enquête administrative. Il est évident que le projet « Louvre - Nouvelle Renaissance » a été accéléré pour faire face à la nécessité d'assurer la sûreté et la sécurité du musée. Il est prévu de doter de 450 millions d'euros le schéma directeur de sûreté et de sécurité de l'établissement, qui comprend un volet de 80 millions d'euros relatif aux équipements de sûreté. Dès la remise des conclusions de l'enquête, ces financements seront évidemment accélérés.
En outre, nous sommes en discussion avec les parlementaires au sujet de la création d'un fonds global dédié à la sécurité et à la sûreté de nos musées, pour déterminer les montants qui pourraient lui être affectés.
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines ». - Madame la ministre, je vous remercie de votre présentation, très attendue par la commission de la culture. Je m'inquiète de la baisse des crédits affectés au patrimoine dans le PLF pour 2026, alors que les besoins de réhabilitation de notre patrimoine bâti sont immenses, comme vous en conveniez vous-même l'an passé.
La baisse de crédits concerne principalement les monuments historiques, qui perdent 210 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement un tiers et un cinquième de leur budget de l'année dernière.
Cette baisse touchera fortement les opérateurs, notamment le Centre des monuments nationaux (CMN), qui devra pourtant absorber une activité supplémentaire liée à la réouverture des tours de Notre-Dame de Paris et du palais du Tau à Reims, tout en poursuivant notamment les restaurations de la Conciergerie ou de l'abbatiale du Mont-Saint-Michel.
Elle touchera également plusieurs dispositifs cruciaux pour l'entretien et la rénovation des monuments historiques dans les territoires : les crédits d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac) reculent de plus de 45 millions d'euros, ceux du fonds incitatif et partenarial (Fip) sont réduits de moitié, tandis que les crédits de base du loto du patrimoine sont tout simplement supprimés.
Madame la ministre, quelles perspectives pouvez-vous donc tracer pour tous les acteurs qui oeuvrent inlassablement à la poursuite des chantiers, dans des conditions de plus en plus difficiles ?
Il semble du reste que le Gouvernement envisage quelques mesures correctives ou complémentaires, sur lesquelles des précisions seraient bienvenues. Le samedi 25 octobre dernier, lors de la séance publique à l'Assemblée nationale, la ministre chargée des comptes publics Amélie de Montchalin a alerté sur la situation du château de Chambord, dont l'une des ailes nécessite des travaux à hauteur de 8 millions d'euros. Prévoyez-vous de déposer un amendement en ce sens ?
Par ailleurs, vous avez vous-même annoncé la mise en place du « fonds sûreté dédié à la sécurisation de nos sites patrimoniaux ». Les établissements de province seront-ils également concernés ?
Dans ce contexte, j'ose à peine vous interroger sur ce qui constitue l'un de mes chevaux de bataille : la préservation du patrimoine bâti dans le cadre des travaux de rénovation énergétique. Comment ce sujet est-il pris en compte dans le cadre de ce projet de loi de finances, et plus largement dans les orientations quotidiennes de votre ministère ? Où en sont, en particulier, les évolutions un temps envisagées sur le développement d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) « patrimonial » ?
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». - Avant d'en venir à mes questions, je souhaite relayer l'inquiétude profonde et légitime des acteurs culturels - artistes, compagnies, structures de diffusion, établissements d'enseignement artistique, associations, collectivités locales - qui voient leurs moyens se réduire année après année.
La culture est aujourd'hui sous tension, prise dans un étau budgétaire : d'un côté, les collectivités locales, pourtant pilier du financement culturel, sont contraintes de réduire leurs interventions en raison de la baisse de leurs ressources ; de l'autre, l'État, qui devrait pourtant jouer un rôle de garant et de stabilisateur, réduit aussi la voilure, en particulier dans les programmes de soutien à la création et à la transmission des savoirs. De même que ma collègue Sabine Drexler, je constate plutôt des baisses de crédits que des hausses des budgets qui nous concernent. Cette double contraction des crédits, tant locale que nationale, fragilise un écosystème déjà éprouvé. Des projets sont annulés, des compagnies disparaissent, des équipes artistiques peinent à boucler leur budget, des écoles d'art craignent pour leur avenir. Derrière les chiffres, ce sont des emplois, des parcours et des ambitions culturelles qui vacillent, et nous devons nous résigner par rapport à nos objectifs d'émancipation et de cohésion.
Pour ce qui concerne le programme 131 « Création », un sujet de préoccupation majeur porte sur la situation du Fonpeps, destiné à soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant. Avec des crédits de 35,1 millions d'euros en 2025, le Fonpeps est depuis plusieurs années sous-dimensionné au regard de son utilisation réelle et des besoins qu'il est censé couvrir, estimés autour de 55 millions d'euros. Ce manque de financement conduit à d'importants retards, voire à la suspension du versement des aides aux entreprises artistiques et culturelles, alors que celles-ci connaissent déjà des difficultés de trésorerie.
Le PLF pour 2026 ne changera en rien cette situation puisque la dotation budgétaire proposée pour l'année prochaine, de nouveau de 35,1 millions d'euros, est sous-calibrée. À cette situation s'ajoute la question de la prorogation du fonds, qui arrive à échéance le 31 décembre prochain. Madame la ministre, où en est le travail interministériel actuellement en cours sur l'avenir du dispositif ? Vous engagez-vous à préserver le Fonpeps sous sa forme actuelle, qui comprend trois mesures, ou serez-vous contrainte par Bercy à réduire sa voilure ? À quel périmètre correspond la dotation prévue dans ce projet de budget : l'ancien ou le nouveau ?
Ma deuxième réflexion, plus générale, a pour sujet le financement de la politique publique en faveur de la création. De nombreux dispositifs reposent sur des financements croisés entre l'État et les collectivités ; c'est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser. Si ce système fonctionne bien en période de stabilité budgétaire ou de croissance, sa fragilité est évidente lorsque le contexte budgétaire est dégradé. Le désengagement d'un financeur public a des répercussions en cascade sur l'ensemble de l'écosystème de la création. La situation actuelle montre que nous sommes sans doute arrivés à un point de bascule. Madame la ministre, votre ministère conduit-il une observation précise de la baisse du soutien public à la culture ? Mène-t-il une réflexion sur l'avenir du partage de la compétence culturelle et sur son financement ?
J'en viens au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui accuse, pour la deuxième année consécutive, une forte diminution de ses crédits, avec - 37 millions d'euros, largement imputable à la baisse de la dotation attribuée à la part individuelle du pass Culture. Alors que la réforme est en cours de déploiement, l'année 2025 semble marquée par une diminution notable des décaissements, de - 16 % à la moitié de l'année. N'est-ce pas le signe, madame la ministre, que la refonte du dispositif ne prend pas auprès des jeunes, dont le taux de satisfaction est d'ailleurs en baisse selon une enquête de la SAS Pass Culture, mentionnée dans les réponses au questionnaire budgétaire qui a été adressé à votre ministère ? Concernant la SAS, qui deviendra enfin opérateur de l'État le 1er janvier prochain - souhaitons-le ! -, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de son contrat d'objectifs et de performance après cette mise à jour ?
J'ajoute que le gel de la part collective du pass Culture, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, a des effets catastrophiques sur les actions d'éducation artistique et culturelle menées par les établissements scolaires. Cela montre bien que réduire la politique publique d'EAC à un seul outil, qui a été recentralisé, est dangereux.
Un mot au sujet de l'enseignement supérieur artistique : madame la ministre, vous avez annoncé en mars 2024 un plan global de réforme des écoles d'art. Plus d'un an et demi plus tard, qu'en est-il devenu ? Le fonds de soutien partenarial visant à un rebasage pérenne des contributions publiques aux écoles n'a pas été mis en place ; la cartographie de l'offre de formation n'a été réalisée que dans deux régions expérimentales, et nous sommes sans nouvelle des missions confiées aux instances de contrôle pour objectiver la situation financière des écoles. Quelles sont vos intentions et vos marges de manoeuvre pour réformer l'enseignement supérieur artistique public ?
Enfin, je souhaite appeler votre attention sur la mise en oeuvre du plan Culture et ruralité et du fonds d'innovation territoriale. Vous l'avez mentionné, mais de nombreux retours nous montrent que, sur le terrain, alors que ces outils sont présentés comme essentiels dans l'accompagnement des territoires ruraux et périurbains dans la conduite de leurs projets culturels, les collectivités ne savent toujours pas comment accéder concrètement à ces crédits ni selon quelles modalités ils sont déployés. Les collectivités locales et les acteurs culturels développant des projets en ruralité nous alertent sur ce point. Aussi, pouvez-vous préciser comment ces dispositifs seront effectivement mobilisables par les collectivités, et selon quel calendrier ? Quelles garanties votre ministère peut-il apporter pour que ces outils ne restent pas lettre morte, mais deviennent de véritables instruments d'équité territoriale et d'innovation culturelle dans les territoires ?
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Représentant 4 milliards d'euros, l'audiovisuel public est une politique importante du ministère de la culture et une ambition forte de la Nation qui, de plus, défend la francophonie et la culture française à l'étranger.
Dans le PLF 2026, sont demandés à l'audiovisuel public 71 millions d'euros d'économies, dont 65 millions à France Télévisions. Cette trajectoire est-elle appelée à se prolonger en au cours des prochaines années ? Est-ce un effort ponctuel, après les 80 millions d'euros d'économies sollicitées l'année dernière ? Comment envisager ces baisses de crédits sans redéfinir un périmètre et de nouvelles priorités pour l'audiovisuel public ?
L'État doit assigner des objectifs clairs à l'audiovisuel public. Or il donne des signaux contradictoires, notamment pour ce qui concerne France Télévisions. Après avoir acté il y a deux ans une augmentation des concours publics de plus de 10 % pour la période 2024-2028, l'État demande maintenant des économies. Dans ces conditions, sans objectifs clairs, comment mener les réformes nécessaires ?
La Cour des comptes note que ces économies rendent « inéluctables des réformes structurelles d'ampleur ». Comment comptez-vous vous assurer que ces économies répondront aux souhaits de la représentation nationale et de votre ministère ? Ces économies doivent être structurelles, mais je crains qu'elles ne se fassent au détriment de la qualité des programmes et que les rediffusions ne soient, par exemple, privilégiées.
Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde sont toutefois relativement préservées, avec des subventions reconduites à l'identique ? Cela résulte-t-il d'une volonté de préserver nos chaînes internationales ? Si c'est le cas, le ministère des affaires étrangères sera-t-il amené à contribuer davantage au financement de ces trois chaînes ? Quels sont les objectifs et les réorganisations que vous envisagez, madame la ministre, pour ces chaînes ? Où en est l'actualisation du projet de contrats d'objectifs et de moyens d'Arte ? Dans la mesure où Arte n'est pas concernée par la réforme de la gouvernance et la création d'une holding, on ne comprend pas très bien ce retard j'ai bien conscience du contexte politique difficile. Allez-vous fixer un cap et des objectifs clairs ?
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse. - Madame la ministre, grâce à vous, j'ai l'impression de ne pas vieillir, voire de rajeunir : les problématiques restent les mêmes d'un PLF à l'autre.
Une nouvelle fois, le PLF prévoit une diminution drastique des crédits du FSER, qui perdrait près de 16 millions d'euros. C'était 10 millions d'euros l'année précédente, mais, après nos discussions parlementaires, vous aviez décidé de rétablir ces crédits. Or les 750 radios concernées contribuent indéniablement à la préservation des liens de proximité et au pluralisme de l'information au niveau local. N'est-ce pas particulièrement dommageable pour notre démocratie, à l'approche des élections municipales, de priver ces radios d'un tel soutien ?
Après le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et la mission de concertation confiée à Sébastien Soriano, dont les propositions ont été reçues parfois fraîchement par les éditeurs, allons-nous enfin vers une réforme de la distribution de la presse imprimée en 2026, accompagnée d'une réforme des aides ? Le PLF pour 2026 prévoit une diminution importante des crédits du FSDP, déjà très touché en 2025 par les gels budgétaires : ne risquons-nous pas de perdre un moyen indispensable pour inciter les acteurs de cette réforme à aller de l'avant ?
Enfin, le feuilleton des droits voisins se poursuit, avec notamment la décision prise par l'Alliance de la presse d'information générale (Apig) de saisir l'autorité de la concurrence contre Meta. L'enjeu de cette affaire est considérable. Le projet de loi issu des États généraux de l'information aborde-t-il ce sujet des droits voisins ?
M. François Patriat, rapporteur pour avis du programme 334 « Livre et des industries culturelles ». - Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, je salue les avancées et les engagements que vous avez su tenir, madame la ministre.
Le CNM voit les plafonds de ses deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » rehaussés de 8 millions d'euros au sein du PLF 2026, ce dont nous nous félicitons, même si la diminution concomitante des dotations de l'État relativise cette progression.
En octobre 2024, la Cour des comptes estimait que cet opérateur n'avait pas de stratégie claire en matière d'attribution des aides. Elle lui avait recommandé d'investir davantage dans le développement international, l'innovation et la structuration du tissu économique pour garantir la diversité de la filière et la souveraineté culturelle. Ces recommandations ont-elles été suivies d'effets, afin d'écarter les critiques et d'installer définitivement le CNM dans le paysage de l'industrie musicale française ?
La presse a récemment évoqué la volonté du Gouvernement, à l'occasion d'un contentieux au niveau européen, de promouvoir l'idée d'une nouvelle taxe sur la pratique du téléchargement hors ligne que proposent les services de streaming, au motif que cette pratique relèverait de la copie privée. En effet, toutes les plateformes ou presque permettent d'enregistrer localement des fichiers - chansons, épisodes de série, films, documentaires, etc. Certains estiment cependant que cette taxe serait redondante avec celle qui frappe déjà les équipements à l'achat au même motif que la copie privée. Qu'en est-il de cette démarche ? A-t-elle des chances d'aboutir ?
M. Laurent Lafon, président. - Je vous lirai les questions de M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma, qui ne peut être présent.
M. Bacchi se réjouit que la ponction prévue sur la trésorerie du CNC par le PLF 2026 n'excède pas 50 millions d'euros.
En revanche, il est plus préoccupé par les attaques sur le crédit d'impôt cinéma et par les tentatives pour écrêter les taxes affectées au CNC lors de l'examen du budget en cours à l'Assemblée nationale. L'industrie du cinéma est un fleuron national, mais elle est fragile : il en veut pour preuve les effets de la baisse de fréquentation des salles depuis le début de l'année, qui met en difficulté plusieurs acteurs de la filière. Quel soutien comptez-vous apporter à celle-ci pour surmonter cette mauvaise passe ?
Par ailleurs, M. Bacchi s'inquiète des attaques récurrentes contre la chronologie des médias. Celle-ci est prise dans un véritable feu croisé en provenance de Netflix et Amazon Prime, dont les recours sont pendants devant le Conseil d'État et l'Autorité de la concurrence, qui s'est autosaisie de la question, tandis que Canal Plus a fermement conditionné ses engagements à la préservation de sa fenêtre de diffusion précoce. Pourriez-vous nous dire à quelle échéance sont attendues ces décisions juridictionnelles, et quelle sera votre stratégie pour faire face aux éventuelles remises en cause de la chronologie des médias qui pourraient en découler ?
Enfin, le Parlement européen a récemment demandé à la Commission européenne de mieux défendre la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) face aux attaques des États-Unis. Où en sommes-nous dans le processus d'évaluation de cette directive, en cours depuis plusieurs mois, et à quelles réformes pourrait-il aboutir ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Le budget du patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et 2025. Jamais l'augmentation n'a été aussi forte en quinze ans. Le patrimoine est bien une priorité du ministère de la culture, priorité que j'ai amplifiée avec le plan Culture et ruralité, qui s'intéresse notamment au petit patrimoine des campagnes.
La baisse des crédits de paiement de 8,5 % pour le patrimoine est liée à un lissage de certains investissements ; nous avons décalé certains projets, mais aucun n'est cependant remis en cause. Les grands chantiers comme Pompidou, Fontainebleau ou Versailles et tous les chantiers liés à des situations d'urgence ne sont pas remis en cause.
Le patrimoine est donc financé, et la baisse n'est due qu'à un lissage.
Le périmètre du Centre des monuments nationaux s'élargit, car le périmètre de la préservation du patrimoine lui-même s'élargit. Il est donc essentiel que l'on pense toujours les usages dès que l'on restaure. L'usage, en soi, propose une forme de protection. Cette nouvelle dimension est intégrée dans le PLF pour 2026.
Concernant Notre-Dame de Paris, j'avais souhaité qu'une contribution soit instaurée à hauteur de 5 euros pour les visiteurs - et non les fidèles -, contribution qui serait intégralement consacrée à la restauration du patrimoine religieux. Avec douze millions de visiteurs par an, en deux ans, nous pourrions restaurer l'ensemble du patrimoine religieux français - 4 000 édifices sont en péril.
Je souhaite développer des dispositifs de financement innovants. Je pense aux nouvelles politiques tarifaires dans les musées pour les visiteurs hors Union européenne. Nous allons aussi créer un National Trust à la française, qui s'agrégera au CMN et ; s'intéressera à la restauration du petit patrimoine historique privé.
Ces nouveaux dispositifs innovants contribuent aussi au budget du patrimoine.
Il ne manque pas un euro, dans les territoires, pour le patrimoine historique et religieux. Une souscription populaire a été lancée pour la sauvegarde du patrimoine religieux : le fonds dépasse les 30 millions d'euros.
Le plan Culture et ruralité compte 100 millions d'euros sanctuarisés, et 60 millions d'euros ont déjà été dépensés. Ce plan finance notamment des résidences d'artistes et des compagnies qui contribuent directement à la vitalité des territoires ; il a permis de soutenir 300 radios associatives, 250 résidences artistiques et 250 manifestations Villages en fête.
Concernant les radios associatives, l'engagement a été tenu l'année dernière, ce sera encore le cas en 2026.
La mission Soriano a été accueillie fraîchement seulement par quelques éditeurs. Majoritairement, les éditeurs y sont favorables. Il est impératif d'aller en ce sens, sinon les territoires les plus ruraux, les plus éloignés, seront pénalisés.
Si le contrat est signé, l'État est au rendez-vous. Il est prévu 5 millions d'euros par an pendant trois ans pour accompagner les imprimeries ; 4,5 millions d'euros sont prévus pour l'aide à la distribution ; concernant le FSDP, il nous faudra être à la hauteur de nos engagements, et donc prévoir des moyens complémentaires.
Tout est une question de méthode.
La réforme de l'aide à la distribution de la presse imprimée sera mise en oeuvre au 1er janvier 2026.
Sur les droits voisins, le contentieux est pendant devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous attendons les résultats.
Les deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » ont vu leur plafond rehaussé de 8 millions d'euros dans le PLF 2026. J'ai obtenu cet engagement, alors que la Cour des comptes estimait en 2024 que le CNM n'avait pas de stratégie d'investissement clair. Cet opérateur a donc mené une réforme pour garantir la diversité de la filière, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Un nouveau règlement des aides a été publié en 2025, avec des critères clairs et objectifs en matière de transition écologique, d'égalité et d'inclusion. Le bilan sera présenté dès 2026.
Les évolutions juridiques sur les droits voisins sont incluses dans le texte issu des EGI, texte que nous avons transmis au Conseil d'État. Il sera présenté très prochainement en conseil des ministres.
J'ai combattu lors du dernier budget pour ne pas remettre en cause les crédits d'impôt destinés au cinéma et à l'audiovisuel, qui sont un facteur d'attractivité, de croissance, d'inclusion et d'emploi des jeunes. Nous sommes les premiers au monde dans certains secteurs, notamment le gaming.
Concernant la chronologie des médias, Canal Plus a posé des conditions. Nous prenons le problème à bras le corps.
J'en viens au pass Culture. Je ne connais pas d'étude qui démontre une baisse de satisfaction. Les jeunes sont plutôt en demande. Je constate que certains, qui ne voulaient pas de la part individuelle du pass Culture, me la réclament désormais à cor et à cris - j'en suis ravie ! Nos objectifs se rejoignent : réduction des inégalités, éviter la reproduction sociale, mieux cibler l'aide. Oui, des crédits baissent, mais je préfère que les crédits servent à ceux qui en ont vraiment besoin. L'articulation entre part individuelle et part collective est essentielle. Les enfants qui bénéficient de la part collective n'ont très souvent jamais mis les pieds dans un équipement culturel. Peut-être qu'aller au musée ou au théâtre est une évidence pour certains d'entre vous, mais ce n'est pas le cas pour tous. J'ai moi-même accompagné un groupe de jeunes à la Comédie française avec un pass Culture individuel : ils avaient même du mal à entrer dans la salle ! Les acteurs de l'éducation populaire - dont vous ne m'avez jamais parlé -, je les ai intégrés dans le programme. La médiation est très importante. J'ai aussi financé des maisons des jeunes et de la culture (MJC), notamment à Paris - je pense à une MJC du XXe arrondissement qui était en péril.
Sur le pass Culture, nous sommes à la hauteur de nos ambitions et de nos engagements. Désormais, le pass Culture est géolocalisé. Le comité stratégique de la SAS Pass Culture - c'était devenu un petit club - a été revu : il inclut désormais des responsables de lycées professionnels et de centres de loisirs, des acteurs de l'éducation populaire, des personnes qui connaissent bien les difficultés d'accès à la culture. Les enfants en situation de handicap et les boursiers bénéficient d'un bonus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre soutien !
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Je précise, madame la ministre, que je suis intervenue comme rapporteure, et non comme représentante d'un groupe politique. J'espère que cela est bien clair.
Mme Rachida Dati, ministre. - Merci pour cette précision. Concernant le pass Culture, nous avons un objectif commun : réduire les inégalités.
J'ai maintenu le Fonpeps, alors qu'il devait être remis intégralement en cause. J'avais pris cet engagement devant les organisations syndicales, car le maintien de l'emploi pérenne dans le spectacle vivant est essentiel.
L'État est au rendez-vous, et les baisses sont le fait des collectivités locales qui se désengagent. L'État n'est pas là pour tout compenser ; à chacun ses responsabilités. D'ailleurs, je souhaite rendre un hommage particulier à François Sauvadet, car les départements sont les premiers investisseurs dans la culture. Nous avons signé des conventions-cadres avec toutes les collectivités qui ont décidé de maintenir leur investissement dans la culture. Nous avons maintenu les aides - j'avais pris cet engagement. Tous les crédits de 2025 seront engagés.
Monsieur Vial, chacun prend sa part de responsabilité. L'effort budgétaire sur l'audiovisuel public sera progressif et étalé dans le temps. Il faudrait en fait 140 millions d'euros d'économies pour que France Télévisions revienne à l'équilibre. La Cour des comptes le disait dès 2016, et à nouveau en 2025 : France Télévisions a besoin de réformes structurelles - tel est l'enjeu de la proposition de loi Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. France 3 et France Bleu doivent coopérer, le cadre social doit être rénové, et la transformation numérique reste indispensable.
Le risque de la baisse des dotations, à court terme, est que les économies ne soient pas faites au bon endroit - telle est la crainte des organisations syndicales. Il faudra être vigilant sur les programmes, qui restent le coeur de métier. Beaucoup de professionnels de l'audiovisuel public ont besoin de sens : beaucoup sont découragés, mais ils comprennent qu'il faut réformer. Les priorités sont notamment le numérique - il faut s'adapter aux nouveaux usages - et la proximité - la jeunesse est très déconnectée de l'audiovisuel public. L'audiovisuel public doit retrouver toute sa place dans le champ démocratique. Je suis pour un État fort et un audiovisuel public qui reste public. C'est le sens de cette réforme.
Arte et France Médias Monde sont épargnées. Arte relève d'un traité franco-allemand. Le chancelier allemand est très favorable à l'européanisation d'Arte, pour qu'elle devienne la plateforme audiovisuelle européenne ; les crédits doivent augmenter ; tel est le sens du conseil européen du 28 novembre prochain. L'audiovisuel public européen doit être maintenu, la qualité d'Arte est reconnue. Voilà qui permet de faire face à l'administration Trump. France Médias Monde a noué un partenariat avec Deutsche Welle, beaucoup de fréquences ont été libérées en Afrique : il y a une place à prendre, pour lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation. Voilà pourquoi ces chaînes sont préservées. Il s'agit de raisons politiques majeures ; l'enjeu démocratique est très important compte tenu de la politique américaine.
Non, le programme Mieux produire, mieux diffuser ne connaît pas de baisse de crédits : nous passons de 9 à 15 millions d'euros de 2025 à 2026. J'ai constaté que le spectacle vivant n'avait pas de modèle particulier. Il faut avant tout lutter contre les atteintes à la liberté de création et de programmation. C'est le problème majeur que connaît le secteur. Pour le spectacle vivant, pas un euro ne manque, notamment dans les territoires. Le spectacle vivant est une valeur française. Et n'oublions pas la diffusion, qui permet un accès plus large aux spectacles, ce qui consolide aussi la création.
Dans les territoires, le spectacle vivant connaît très peu de collaborations public-privé. Or ces coopérations, comme celle que j'ai signée entre le pôle Pixel et le théâtre national populaire de Villeurbanne, permettent de mixer les formes d'art, de faire plus de diffusion et de ne pas diminuer les crédits.
Mme Agnès Evren. - Depuis le vol au Louvre, drame national qui nous obsède tous, nous nous demandons comment le plus grand musée du monde a pu être si vulnérable. Je salue, madame la ministre, votre demande immédiate d'une enquête administrative - il n'y en avait pas eu pour l'incendie de Notre-Dame de Paris.
Une délégation de notre commission a visité les installations de sécurité du Louvre. Elles sont complètement obsolètes et vétustes. Le poste de sécurité central est totalement sous-dimensionné. J'en étais stupéfaite. La présidente du Louvre avait dès sa prise de fonctions, ainsi que par une note confidentielle du 13 février 2025 adressée au Président de la République, alerté sur les avaries récurrentes au sein du musée. Lors de son audition, elle a présenté une triple faille : la protection périmétrique, qui souffre d'une quasi-absence de vidéosurveillance extérieure ; des infrastructures vieillissantes, qui empêchent d'installer des équipements modernes ; la lenteur des marchés publics.
Fallait-il un tel drame pour déclencher un vaste plan de sécurisation du Louvre et de tous les musées de France ? Comment les crédits seront-ils abondés et répartis ?
Se pose aussi la question fondamentale de la responsabilité. On ne peut pas dire aux Français qu'il n'y a aucune responsabilité. L'enquête administrative permettra-t-elle d'établir clairement la chaîne de responsabilité ?
Une partie des collections de bijoux du Louvre a été transférée vendredi dans la principale chambre forte de la Banque de France, et des directives de mise à l'abri vont être envoyées par votre ministère à tous les musées de France. Si nous commençons à mettre notre patrimoine sous clef, que restera-t-il à voir ? Devrons-nous n'exposer que des copies ?
En matière de vidéosurveillance, comment se répartissent les compétences et les responsabilités entre la Ville de Paris et la préfecture de police ? Chacun se renvoie la balle. La Ville de Paris décide du nombre de caméras, et la préfecture propose les implantations. Pourtant, toutes les façades ne sont pas couvertes. Le balcon concerné de la galerie d'Apollon n'était pas couvert pas la vidéosurveillance. Comment expliquer de tels angles morts ?
Pour ce qui concerne le CNL, dans un contexte de décrochage en matière de lecture, quels moyens comptez-vous accorder au livre et à la lecture ? Pour la deuxième année, le CNL connaît une baisse préoccupante de sa subvention pour charges de service public (SCSP). Qu'en est-il du soutien aux auteurs et à la création ?
M. Adel Ziane. - Vous parlez de lissage pour les crédits du patrimoine, qui baissent de plus de 8 %. L'année dernière, vous aviez consenti une hausse de 58 millions d'euros pour la restauration du patrimoine en région ; cette année, c'est deux fois cette somme qui disparaît. Les investissements décalés dans le temps ne verront sans doute pas le jour. Les crédits de l'action « Monuments historiques et patrimoine monumental » chutent de plus de 20 %, les ramenant à une enveloppe à peine supérieure à celle de 2022. Cette baisse des moyens va creuser les inégalités territoriales. Les collectivités territoriales diffèrent leurs projets de restauration. Les conséquences peuvent être très graves, alors que 4 000 édifices sont dans un état préoccupant. Comment justifier cette baisse des crédits ?
La stagnation des crédits de l'action « Patrimoine des musées de France » implique que les musées se tournent vers l'autofinancement. Cependant, ce modèle, qui crée une concurrence entre établissements, n'est pas viable pour tous les musées. Les crédits du Louvre baissent de 5 millions d'euros, alors qu'ils sont indispensables pour assurer la protection des collections et des visiteurs. Comment éviter que la dépendance accrue à l'autofinancement ne conduise à creuser davantage les inégalités ?
Le vol au Louvre ne doit pas faire perdre de vue les besoins de tous les musées nationaux. De nombreux vols ne font pas la une des médias. La sécurité y est insuffisante. Les musées territoriaux sont aussi en première ligne. Comment les villes, départements et régions pourront-ils assumer ce lissage s'ils doivent réaliser des investissements ? Les politiques culturelles locales seront à nouveau des variables d'ajustement. L'inquiétude est grande.
L'audit global sur la sécurité des musées nationaux concernera-t-il tout le territoire national ? Quelles mesures concrètes l'État prévoit-il pour soutenir les territoires désireux de développer leur offre culturelle ?
Mme Sonia de La Provôté. - Les festivals sont menacés par un effet ciseau ; leur modèle économique doit être repensé. Les coûts artistiques, techniques et organisationnels explosent. Où en est la feuille de route issue des concertations avec les représentants de la filière ? Qu'en est-il du fonds destiné aux festivals et du plan Culture et ruralité ? Comment comptez-vous rationaliser l'utilisation des fonds ?
Le décret « Son » a des conséquences budgétaires sur les festivals. Vous avez annoncé un groupe de travail, qui devrait faire des propositions de simplification pour le 31 octobre. Où en sommes-nous ?
J'en viens à la création. Le plan Culture et ruralité ne peut suffire à lui seul pour que l'on accède à la création dans tous les territoires. La politique de la culture est mise à mal au regard des exigences d'équité. Les crédits déconcentrés des Drac diminuent. Les collectivités voient leur budget de création s'amenuiser. Depuis le covid, la Madeleine l'emporte sur Proust.
Allez-vous produire une feuille de route indiquant clairement comment le ministère va accompagner l'accès à la culture pour tous dans les territoires ?
Ensuite, le ministère va-t-il accélérer la mise en oeuvre du plan de sécurisation des musées, avec des financements ad hoc ?
Je souligne une autre difficulté : l'accompagnement du patrimoine non inscrit ou non classé. Nous vous alertons sur la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui oeuvrent justement pour ce type de patrimoine, palliant les carences d'accompagnement de l'État. La réforme de la part départementale de la taxe d'aménagement fragilise le financement de cette ingénierie essentielle à la préservation du patrimoine vernaculaire.
Mme Laure Darcos. - Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui a trait au développement de la culture et à l'EAC, a connu une baisse de crédits assez importante en 2025. La stabilisation annoncée du budget pour l'année 2026 aura-t-elle bien lieu, madame la ministre ?
Concernant le pass Culture, notre commission n'est pas unanime sur le sort qu'il convient de réserver à la part mutualisée et à la part individuelle. Puisque nous devons faire des économies, je milite pour la suppression complète de la part individuelle et suggère de mettre l'accent sur le collège. En effet, les jeunes de 18 ans sont moins susceptibles de changer leur mode de consommation culturelle que les plus jeunes.
Pour rappel, l'arrêt d'un certain nombre de spectacles et de projets l'année dernière a été épouvantable. L'évolution que je propose est probablement le seul moyen d'aider les jeunes et leurs professeurs, qui ne sont parfois pas capés en matière de formation artistique et culturelle.
Par ailleurs, dans ma circonscription, les compagnies La Lisière et La Constellation vont recevoir le label « arts de la rue ». Cette procédure de labellisation, soit la deuxième engagée en Île-de-France, est très importante, y compris en milieu rural, car elle permet à nos concitoyens d'assister à des spectacles de rue, notamment à Cheptainville.
Il se trouve que la Drac a retiré 20 000 euros de subventions aux compagnies précitées, sur une enveloppe totale de 70 000 euros ; les 50 000 euros restants sont fléchés sur les arts plastiques. En conséquence, de nombreux projets de lecture à voix haute, en particulier à Grigny, ont disparu. Cela me semble contradictoire avec les États généraux de la lecture pour la jeunesse, dont nous attendons avec impatience les conclusions. J'espère d'ailleurs que l'éducation nationale et le service du livre et de la lecture du ministère de la culture y ont été associés.
Enfin, je veux dire quelques mots d'Amazon, mon meilleur ennemi. En effet, l'entreprise contourne systématiquement les frais de port minimum instaurés par la loi du 30 décembre 2021, dont j'étais l'auteure, et essaye de faire de ses lockers des magasins de vente au détail. En outre, Amazon est revenu sur la loi du 8 juillet 2014 en proposant une remise de 5 % sur le prix des ouvrages. J'aimerais que le ministère de la culture se saisisse de ce problème, que tout le monde dénonce dans le secteur du livre. N'attendons pas qu'une décision européenne soit prise pour agir en ce domaine !
Du reste, je vous remercie, madame la ministre, pour les propos que vous avez tenus sur les crédits d'impôt dans le secteur du cinéma, dont certains seront renouvelables en 2026. Je pense qu'il est primordial de les maintenir, y compris ceux qui s'appliquent aux tournages de films étrangers en France.
Mme Monique de Marco. - Une multitude de rapports et d'études ont démontré que le ministère de la culture dépense environ 200 euros pour un habitant d'Île-de-France, alors qu'il en dépense seulement 27 pour un habitant du Doubs. L'inégalité territoriale pour l'accès aux services et aux établissements culturels persiste. Les collectivités, qui dépendent de plus en plus de ressources nationales contraintes, n'ont pas les moyens de compenser de manière acceptable cette situation déséquilibrée.
C'est sans doute l'un des éléments qui a motivé le Gouvernement à lancer une concertation en 2024, avant l'annonce du plan Culture et ruralité, la même année. Ce plan, malgré un montant de crédits minimaliste, a le mérite d'essayer de pallier ce déficit de financement culturel dans les territoires ruraux. Or il paraît déjà menacé par le projet de budget que vous avez présenté aujourd'hui, madame la ministre.
Vous avez dit vouloir accroître le soutien aux radios associatives rurales et d'outre-mer ; nous en prenons acte. Dans cette perspective, vous comptez sur le Sénat, comme l'an dernier, pour maintenir le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.
J'en viens à la question du patrimoine. Comment peut-on affirmer que les monuments historiques sont des animateurs culturels du territoire, tout en baissant de 40 % les subventions d'investissement accordées aux collectivités et aux particuliers propriétaires de tels biens et en réduisant de 20 millions à 10 millions d'euros le fonds incitatif et partenarial ?
Par ailleurs, comptez-vous assurer la création de cinquante scènes culturelles de proximité soutenues par les MJC et les autres acteurs de l'éducation populaire, alors que le projet de loi de finances pour 2026 prévoit de réduire leurs crédits de 15 % ?
Quelques mots du Palais de la découverte. Cet établissement, véritable pilier de la transmission de la culture scientifique, est fermé depuis quatre ans et n'est toujours pas assuré de rouvrir, malgré une fréquentation habituellement très importante. Pouvez-vous vous engager sur un calendrier de réouverture, madame la ministre ? En outre, comment expliquez-vous la perte d'espaces de cet établissement au profit du Grand Palais ? Soutenez-vous la réorientation d'un lieu de sciences en espace privatisé ?
Enfin, vous avez dit que les musées de France allaient devoir s'adapter à une nouvelle forme de criminalité, mais qu'allez-vous exactement entreprendre en ce sens ?
M. Aymeric Durox. - Aujourd'hui, le budget du patrimoine est en forte baisse. Cette évolution est scandaleuse, ce pour trois raisons. Premièrement, ici même, lors de votre audition du 5 novembre 2024, vous aviez déclaré l'urgence patrimoniale et affirmé que le patrimoine était la grande priorité du Gouvernement. Vous aviez également rappelé que la France comptait 45 000 monuments historiques, dont 20 % en mauvais état et 5 % en péril, soit plus de 2 000 monuments exposés à un risque de disparition imminente. Malheureusement, l'année écoulée a prouvé que les promesses n'engageaient que ceux qui y croyaient, contrairement à ce que vous avez affirmé dans votre propos liminaire.
Les États généraux du patrimoine religieux (EGPR) ont signalé en 2024 la fermeture d'au moins 1 600 édifices en raison de leur vétusté ; certains menacent même de s'effondrer. Dans mon département, la Seine-et-Marne, je pourrais longuement vous parler des églises classées ou inscrites au patrimoine, comme celles de Lorrez-le-Bocage, de Soignolles-en-Brie, de Saint-Pathus ou de Valjouan, qui attendent vainement des aides depuis des années.
Après la perte de services et de commerçants, ces églises croulantes, interdites au public, donnent la douloureuse impression de villages en train de mourir, eux qui s'étaient justement construits depuis des siècles autour de leurs clochers, recouvrant notre pays d'un « blanc manteau », comme l'écrivait Raoul Glaber.
On peut aussi donner l'exemple du château de Chambord, contraint de faire une quête pour sauver son aile François Ier. Comment imaginer qu'une chose pareille se produise dans la septième puissance économique du monde ?
Deuxièmement, cette baisse des crédits du patrimoine est une hérésie financière puisque, selon les chiffres de 2019 publiés par votre ministère, le patrimoine bâti crée plus de 500 000 emplois directs et indirects et plus de 21 milliards de recettes directes et indirectes, le tout pour seulement 1 milliard d'euros d'investissements. C'est un rendement exceptionnel qu'il paraît plus logique de subventionner que de réduire. Vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, mais sans aucune concrétisation.
Troisièmement, l'actualité, marquée par le casse du Louvre, nous rappelle que notre pays fait face à un grand nombre d'attaques de musées. Ces derniers apparaissent comme des proies faciles pour des malfaiteurs en quête de butins importants, pour des risques limités. En septembre 2025, des échantillons d'or d'une valeur estimée à environ 1,5 million d'euros ont été volés au Muséum national d'histoire naturelle. En septembre dernier, trois objets en porcelaine, trésors nationaux d'une valeur estimée à 6,5 millions d'euros, ont été dérobés au Musée national Adrien Dubouché de Limoges. En outre, d'après le ministère de l'intérieur, les vols dans les églises ont bondi de 30 % en trois ans.
Bref, on constate cruellement que le patrimoine de notre pays, si riche et convoité, est en danger. Alors qu'il faudrait prévoir un grand plan de sécurisation pour le préserver, vous prévoyez une baisse de crédits, madame la ministre !
Ma question est donc simple : qu'avez-vous fait depuis deux ans et que comptez-vous faire concrètement pour protéger notre patrimoine, qui subit une double attaque, à savoir l'usure du temps et la cupidité des hommes ?
Mme Annick Billon. - Je cantonnerai mes questions aux métiers d'arts, étant membre du groupe d'études qui leur est consacré.
En 2024, 3 374 entreprises ont bénéficié du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art. La loi du 29 décembre 2023 a prorogé ce dispositif jusqu'à la fin du mois de décembre 2026.
Concernant la stratégie nationale en faveur des métiers d'art, lancée en 2023 pour structurer le secteur - qui comprend 281 métiers et 60 000 entreprises, dont certaines sont très petites -, la dotation de 340 millions d'euros annoncée sur trois ans ne semble pas avoir été reconduite. Quelle partie de cette somme a été réellement engagée à ce jour ?
J'en viens à la formation et à la transmission. Sur les 280 métiers d'art, seule une petite cinquantaine dispose d'une formation initiale. Le Gouvernement entend-il relancer l'offre de formation et garantir la pérennité de ces métiers qui risquent de disparaître ?
En 2025, pour la première fois de son histoire, l'Institut pour les savoir-faire français n'a pas été doté d'un budget pour organiser les journées européennes des métiers d'art (Jema). Ces dernières, auxquelles vingt-cinq autres pays participent, représentent tout de même 1,7 million de visites et 511 événements. Ainsi, comment garantir la pérennité de cet événement, qui sert de vitrine aux savoir-faire français ?
Du reste, je me réjouis que les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en chute de 44 %, puissent être rétablis, dès lors que le Gouvernement soutiendra les amendements qui seront déposés en ce sens.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Ma question concerne la culture en milieu rural. Lancé en 2024, le plan Culture et ruralité a pour objectif de renforcer la place de la culture au coeur des territoires ruraux. Il est structuré autour de trois axes : faciliter l'embauche d'artistes de manière occasionnelle ; aider les festivals à déployer une action territoriale structurante en ruralité ; renforcer l'accès direct à l'art contemporain.
Ce plan sera-t-il également l'occasion de promouvoir la culture dans les activités périscolaires, de manière mieux ciblée que le fonds de soutien aux temps d'activités périscolaires, supprimé en 2025 ?
Mme Colombe Brossel. - Comme bon nombre d'acteurs du monde de la culture, de syndicats, d'organisations professionnelles, d'institutions culturelles et d'artistes, nous dénonçons la baisse des crédits de la mission « Culture », qui est bien réelle - les chiffres sont têtus, madame la ministre.
Surtout, et de façon plus grave, le ciblage de ces coupes n'a rien d'anodin. Ainsi, les crédits du programme 131 « Création » reculent de 3 %. Ce sont bien les acteurs du spectacle vivant - festivals, compagnies et les lieux labellisés - qui en feront les frais sur tout le territoire.
Sur le terrain, les crédits déconcentrés en Drac diminuent de 3,76 %. Les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont, eux, en baisse de 15 %.
Les actions relevant de l'EAC, hors pass Culture, c'est-à-dire les veilles artistiques et les projets sur temps scolaire ou hors temps scolaire, endurent une diminution de crédits de 17 %.
Enfin, le budget de la participation à la vie culturelle, qui concerne les quartiers populaires, les secteurs de la justice et de la santé, s'effondre de 44 % ! La lecture et l'édition subissent la même logique. Ainsi, la subvention accordée au CNL, qui joue pourtant un rôle majeur en matière de médiation culturelle et de soutien aux auteurs, ne sera plus que de 22,4 millions d'euros, soit une baisse de 22 % en deux ans.
Comment faire bien, et même faire mieux, avec des crédits objectivement en baisse ? En l'état, cet objectif ne nous semble pas atteignable. Notre groupe restera mobilisé pour que les crédits précédemment listés soient rétablis, afin que nous puissions mener une véritable politique culturelle dans notre pays.
Cette baisse des crédits s'inscrit dans une logique d'affaiblissement du service public de la culture pour laisser la place au mécénat privé, au détriment de la diversité culturelle et de son accessibilité pour tous. Le mécénat a sa place, mais il ne saurait se substituer au désengagement du financement public. Certains décrédibilisent l'action publique en dénonçant sa supposée inefficacité, mais c'est la réduction de ses ressources qui l'empêche d'agir.
C'est la même logique qui est à l'oeuvre pour l'audiovisuel public. Après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022, l'État poursuit son désengagement. Le budget pour 2026 prévoit une baisse de crédits de 71 millions d'euros, dont 65 millions pour le seul groupe France Télévisions. D'aucuns s'appuient sur la situation financière alarmante du groupe pour justifier le projet de reprise en main à la fois financière et politique de l'audiovisuel public, ce que nous n'avons cessé de dénoncer. Cette logique n'est pas la nôtre, madame la ministre, et nous la combattrons dans l'hémicycle !
M. Pierre-Antoine Levi. - Le programme 334 « Livre et industries culturelles » présente une trajectoire budgétaire inquiétante pour l'année 2026. En effet, les autorisations d'engagement s'établissent à 360 millions d'euros - soit plus 0,50 % par rapport à 2025 -, mais les crédits de paiement chutent à 343 millions d'euros. Cet écart de 16,6 millions d'euros entre AE et CP crée un effet entonnoir préoccupant. En clair, l'État autorise juridiquement des engagements pluriannuels qu'il ne pourra pas honorer dans les délais, car l'enveloppe de paiements effectifs sera insuffisante.
Si l'action n° 01 « Livre et lecture » progresse en à 338 millions d'euros en AE, la sous-action « Industries culturelles » accuse une baisse de 29 % en AE. Concrètement, l'effet entonnoir que j'évoquais à l'instant crée une asphyxie de trésorerie pour les acteurs de terrain : je pense au CNL ou aux bibliothèques départementales et de proximité, en particulier dans les zones rurales et ultramarines, ainsi qu'aux petites librairies indépendantes, aux auteurs et aux traducteurs. Et que dire des dispositifs d'accessibilité pour les livres adaptés aux personnes en situation de handicap !
Comment comptez-vous éviter cet effet entonnoir, madame la ministre ? Quelle garantie apportez-vous sur le calendrier effectif des décaissements, des crédits de paiement et sur la priorisation des bénéficiaires, pour éviter que les projets engagés ne restent impayés ? Quelle articulation établissez-vous entre les crédits du programme 334 et les financements de France 2030, afin que les crédits extrabudgétaires ne se substituent pas aux politiques publiques pérennes du livre et de la lecture ? Comment garantissez-vous la lisibilité et la sécurité juridique pour les acteurs ? Enfin, face à cette compression des crédits de paiement, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour sécuriser le financement non seulement des bibliothèques dans les territoires ruraux et ultramarins, mais aussi des dispositifs de découvrabilité numérique et de la chaîne des professionnels du livre, à savoir les traducteurs, les auteurs et les librairies indépendantes ?
Mme Paulette Matray. - Alors que nous observons une concentration croissante des médias privés entre les mains de quelques grands groupes, l'audiovisuel public reste l'un des derniers garants d'une information pluraliste et indépendante - je pense que nous sommes d'accord sur ce point, madame la ministre. Or les crédits pour les avances à l'audiovisuel public sont en baisse de près de 2 % après plusieurs années d'érosion et, surtout, depuis la suppression de la redevance audiovisuelle au profit d'un financement par une part de TVA, désormais révisable chaque année de façon arbitraire.
Dans ce contexte de dépendance accrue au budget de l'État et de fragilisation financière du service public, comment le Gouvernement entend-il préserver l'indépendance éditoriale et la diversité de l'information ?
Face à des conglomérats médiatiques de plus en plus puissants, envisagez-vous de soutenir la proposition sénatoriale de création d'une contribution modernisée, progressive et affectée, qui garantirait un financement pérenne de l'audiovisuel public et assurerait une réelle protection contre la concentration et l'homogénéisation de l'information ?
M. Max Brisson. - Madame la ministre, je voudrais vous raconter la vie d'un sénateur d'une province lointaine qui a le bonheur de compter deux langues régionales. Depuis dix jours, comme l'année dernière, nos boîtes mail sont submergées de messages annonçant une baisse historique de 44 % des crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale et, par là même, une remise en cause de 3 000 emplois, une mise en péril des investissements, la non-tenue d'un engagement européen et, last but not least, un affaiblissement durable du service public radiophonique en langue régionale.
Or vous nous dites que vous rétablirez ces crédits au même niveau qu'en 2025. Cela nous réjouit, mais à quoi sert ce va-et-vient, sinon à créer de l'inquiétude pour l'ensemble des mouvements associatifs, qui accomplissent leur mission dans un contexte déjà difficile ? Les sénateurs, eux, sont contraints de répondre à de multiples sollicitations. Finalement, vous promettez que tout sera renouvelé l'an prochain : merci de nous permettre de rester jeunes, madame la ministre !
Mme Rachida Dati, ministre. - Monsieur Brisson, j'ai seulement dit que je m'engageais à rétablir ces crédits au niveau de l'an dernier ; j'avais d'ailleurs obtenu gain de cause après d'âpres négociations avec le ministre du budget. Le Parlement ne s'est pas encore prononcé et ce sera à lui seul de décider si ce budget doit être maintenu. Or les parlementaires ne sont pas d'accord entre eux sur le financement des radios associatives. Bref, il n'y a pas de jeu de dupes, monsieur le sénateur : j'ai d'autres choses à faire, y compris répondre à des courriers, comme vous le faites.
Vous avez raison, madame Evren, concernant le vol survenu au Louvre, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de manquements ; les Français ne le comprendraient pas. Avant la question d'actualité au Gouvernement que vous m'avez posée mercredi dernier, vous m'aviez fait part d'un certain nombre de propositions, comme la disposition de caméras périmétriques. Sachez que je les intégrerai aux mesures qui seront annoncées dès réception du rapport d'inspection.
Du reste, je prendrai mes responsabilités pour constater les manquements et les défaillances que l'enquête administrative établira. J'ai toujours combattu l'arbitraire et je ne l'appliquerai pas à d'autres. J'attends donc de disposer d'éléments objectifs pour pouvoir prendre une décision. L'affaire est trop grave pour faire n'importe quoi, dans la précipitation, et ne pas analyser les éléments qu'on me transmet.
Je vous remercie d'avoir accompagné le président Lafon au Louvre, pour constater par vous-même l'obsolescence du matériel de sécurité.
Vous avez rappelé l'interpellation de la présidente du Louvre, lorsque j'ai été nommée ministre de la culture, ainsi que le discours du Président de la République. Notez que, dans le cadre du plan « Louvre - Nouvelle Renaissance », le schéma directeur de sécurité, d'un montant de 450 millions d'euros, comporte un volet de modernisation de la sécurité et de la sûreté. Nous veillerons à accélérer la mise en oeuvre des mesures prévues, en plus des dispositifs en cours de déploiement.
Le Louvre est soumis à un certain nombre de contraintes. Premièrement, il s'agit d'un bâtiment patrimonial, contrairement à la Fondation Vuitton ou à la Fondation Cartier, qui sont des constructions modernes facilement adaptables aux nouvelles technologies de sécurité. Il n'empêche que le Louvre devra, lui aussi, intégrer les nouvelles menaces liées à l'intrusion et aux vols.
Deuxième contrainte : les règles de passation de marchés publics. Nous ferons en sorte d'accélérer les choses, mais nous devons attendre les conclusions du rapport qui me sera remis.
J'en viens à la lecture et aux mesures qui y sont consacrées dans le projet de loi de finances pour 2026. Il est vrai que les crédits du programme 334 sont en légère baisse. En réalité, 82 % de l'ensemble des crédits ont été consommés par les trois opérateurs du programme, soit la BNF, la BPI et le CNL. Cette enveloppe financement également la Maison du dessin de presse, dont j'ai soutenu l'installation dans le 6e arrondissement de Paris, en tant qu'élue de la capitale.
Dans ce contexte contraint, Élisabeth Borne et moi-même avions lancé les États généraux de la lecture pour la jeunesse, qui nous permettront d'identifier non seulement les leviers d'action, mais aussi les doublons. Le ministère de la culture est un petit ministère qui fonctionne avec beaucoup d'opérateurs. Ainsi, les Drac, qui sont le prolongement du ministère, peuvent être redondantes avec une direction générale ou un opérateur. Il faut donc rationaliser cette organisation, ce qui suppose de recentraliser ou, à l'inverse, de déconcentrer des crédits.
Toujours en matière de lecture, nous avons mis en oeuvre la carte de bibliothèque, remise aux parents lorsqu'ils déclarent la naissance de leur enfant, et nous avons récemment créé le prix du livre pour les bébés.
Cela pourrait surprendre, mais, comme je l'avais dit lors d'une séance de questions au Gouvernement, l'accès à la lecture doit aussi concerner les gens qui ne savent pas lire. En effet, écouter les lectures permet d'intégrer la langue et constitue un moyen d'accéder à la culture.
À cet égard, les « quarts d'heure de lecture », soutenus par les parlementaires, ne sont pas de simples gadgets, comme j'ai parfois pu l'entendre. Ils rencontrent même un véritable succès, notamment parce qu'ils permettent à des individus qui ne savent pas lire de participer à des séances de lecture.
J'insiste, les personnes qui n'ont absolument aucun contact avec la lecture demeurent dans l'angle mort de nos politiques. Voilà pourquoi nous devons aller les chercher en utilisant tout type de dispositif.
Les crédits alloués au CNL sont en baisse, bien que celle-ci soit très contenue. Reste que nous maintiendrons les dispositifs ciblés sur ceux qui ont besoin d'accéder à la lecture. Dans cette perspective, nous travaillons main dans la main avec le ministre de l'éducation nationale, qui a lui-même relevé cette carence en matière de lecture et les dégâts causés par les écrans. En effet, certains préfèrent l'écran par facilité, quand d'autres n'ont pour seule culture que l'écran, sans jamais avoir accès aux livres.
Du reste, le CNL permet de favoriser la diversité de la création, qui fait aussi la spécificité de notre pays.
J'en viens aux édifices religieux. Une souscription pour la protection et la préservation du patrimoine religieux a été confiée à la Fondation du patrimoine, ce qui a permis de collecter 25 millions d'euros - j'évoquais tout à l'heure un ordre de grandeur de 30 millions et je suis ici plus exacte. En outre, le 4 juillet dernier, j'ai signé une convention avec la Fondation pour la sauvegarde de l'art français concernant les édifices religieux. Enfin, nous avons fléché des crédits du plan Culture et ruralité sur la protection du patrimoine religieux.
Le budget alloué au patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et aujourd'hui. On ne peut donc pas dire qu'il soit totalement à l'abandon ou laissé pour compte. Toutefois, je reconnais qu'on ne s'en est pas préoccupé pendant de trop longues années.
Monsieur Ziane, il n'est pas vrai que nous abandonnons des projets. Le lissage de crédits implique seulement un décalage, puisqu'on étale dans le temps la soutenabilité financière des projets.
La France est éminemment patrimoniale ; c'est ce qui fait la force et la chance de notre pays. La moindre église, la moindre cathédrale - j'ai d'ailleurs assisté à la réouverture de celle de Nantes - le moindre monument, le moindre château nécessite des millions d'euros de rénovation et d'entretien.
Ce n'est pas sans raison si le schéma directeur de sécurité du Louvre s'élève à 450 millions d'euros : les rénovations étant souvent trop chères, on les reporte. Sur cette enveloppe, 160 millions sont alloués à la sécurité au sens large et la moitié est uniquement consacrée à une remise aux normes. Retrouver un schéma électrique qui ne figure pas sur les plans nécessite parfois de démolir un mur. Les chantiers dont nous parlons sont colossaux.
En réalité, nous n'en ferons jamais assez en matière patrimoniale, tant les contraintes de restauration sont lourdes et les bâtiments difficiles à réparer.
Il importe avant tout de ne pas se désengager. Voilà pourquoi je préfère lisser les crédits. Vous évoquiez également les crédits de paiement. Vous remarquerez que nous avons obtenu des dégels indispensables pour un certain nombre de missions.
Concernant les festivals, nous avons révisé tous les critères d'aides et de subventions, qui manquaient de lisibilité : à quelques kilomètres près, les critères d'attribution n'étaient pas forcément les mêmes. En renforçant la lisibilité des critères, on améliore aussi la réactivité. Par ailleurs, nous avons demandé des cahiers des charges plus précis, car nous décidons du renouvellement des subventions des associations sans même en connaître le bilan d'activité.
Nous prendrons une décision sur le décret « Son » d'ici au 31 octobre. Je rappelle qu'il fait actuellement l'objet d'un groupe de travail associant les ministères de la santé, de l'écologie et de la culture, qui ont parfois des intérêts contradictoires.
Les critères concernant les ensembles démontables seront également plus précis, pour assurer davantage de lisibilité, conformément aux demandes qui ont été exprimées.
Le fonds de sûreté que nous mettrons en place à la suite du casse du Louvre sera réparti entre l'échelon central - les grands opérateurs nationaux seront donc associés - et les Drac. Il permettra, avant d'engager des travaux, de mener des audits de sécurité et de recevoir un certain nombre de préconisations. Il servira, bien évidemment, à financer diverses mesures.
Pour l'heure, je ne veux pas trop brider les choses, afin que nous puissions voir tout ce qui peut être demandé. En cela, nous serons aidés par l'instruction que j'ai cosignée avec le ministère de l'Intérieur, par laquelle nous demandons à être rapprochés des Drac et des préfets afin d'obtenir le recensement de tous les musées ou équipements culturels sensibles. En l'occurrence, ils peuvent être sensibles en raison de la valeur des objets d'art exposés ou de l'équipement de sécurité -de l'établissement.
Madame Billon, les journées européennes des métiers d'art sont organisées par l'Institut pour les savoir-faire français avec le soutien du ministère de l'économie et des finances. En raison de cette cogestion, il est difficile de savoir exactement qui finance quoi. Nous avions demandé un bilan avant la tenue des Jema de 2025, sans jamais pouvoir l'obtenir. C'est pourquoi nous n'avions pas soutenu cette édition. Sachez toutefois que des échanges sont en cours pour l'année prochaine.
Le ministère soutient l'Institut pour les savoir-faire français à hauteur de plus de 1,7 million d'euros depuis 2023. Le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, qui s'élevait à 62 millions d'euros en 2024, sera prorogé jusqu'à la fin de l'année 2026, comme vous l'avez rappelé.
Vous avez raison, madame Darcos, la loi n'est pas respectée par Amazon, qui contourne systématiquement la réglementation et profite des contentieux pour trouver de nouveaux dispositifs. Nous devons absolument clarifier les choses pour défendre nos librairies, qui sont de plus en plus en danger, d'autant qu'Amazon a toujours un coup d'avance. Le ministère réfléchit donc à resserrer la législation, en adaptant la loi de 2021.
Madame Matray, vous m'interrogiez sur l'indépendance de l'audiovisuel public. Grâce au Sénat, notamment par l'intermédiaire de M. Vial, nous avons sanctuarisé le budget de l'audiovisuel public, qui ne l'était plus depuis le 1er janvier 2025. Ce financement n'est soumis à aucune régulation, ce qui représente une avancée importante. Vous ne pouvez donc pas dire que nous avons remis en cause le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.
Concernant le Palais de la découverte, nous avons mis en place trois missions d'inspection sur la culture scientifique. À l'heure du complotisme et d'une remise en cause de la science, nous avons tenu à définir un projet de culture scientifique, qui sera mis en oeuvre via la Cité des sciences et de l'industrie et le Palais de la découverte, qui n'est pas situé à la Villette. Nous avions constaté que le nombre de visiteurs s'érodait et que la Cité des sciences était presque uniquement dépendante des subventions de l'État. Nous sommes donc en train de revoir le modèle de l'établissement.
Ces trois missions d'inspection, constituées bien avant l'été, rendront leurs conclusions dans deux mois environ. Nous serons ainsi en mesure de présenter une nouvelle ambition pour la culture scientifique en France.
Quant à l'existence du Palais de la découverte, elle n'est pas remise en cause.
Le budget de l'EAC, hors pass Culture, s'élevait à 82,4 millions d'euros en 2025 et atteindra 85,5 millions d'euros en 2026. Vous disiez être factuelle sur la baisse des crédits, madame Brossel. Pour ma part, je ne peux pas faire mieux : cette hausse est inscrite dans le projet de loi de finances, dont le détail est facilement consultable. Il n'y a donc pas de remise en cause de l'EAC ; en tout cas, ce n'est pas la politique que je défends.
Quant au diagnostic de performance énergétique patrimonial, il était à l'origine inscrit dans la loi Kasbarian. L'arbitrage a été effectué, mais les discussions sont toujours en cours. En effet, nous n'avions qu'un délai très court pour agir et la dissolution de l'Assemblée, puis le vote de la motion de censure ont retardé les choses.
Le label « arts de la rue » est récent. Il existe actuellement quinze pôles nationaux du cirque (PNC). J'ai récemment inauguré deux d'entre eux : l'un à Lyon, l'autre en plein coeur de Vénissieux. Les arts de rue, comme les arts du cirque, étaient considérés comme des arts « mineurs », si j'ose dire. Aujourd'hui, la labellisation progresse via les politiques de territoire. J'ai donné l'instruction aux Drac de nous faire remonter le plus grand nombre de projets possible pour qu'ils soient labellisés.
On compte désormais treize centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public (Cnarep). Récemment, un soutien financier supplémentaire de 80 000 euros a été accordé au pôle de Marseille, qui est reconnu comme un pôle international de production et de diffusion (PIPD).
La ville de Chalon-sur-Saône, dont je suis originaire, a été pionnière dans le développement des arts de la rue : en témoigne le festival Chalon dans la rue. Cependant, le nombre de projets certifiés demeure faible en raison du caractère récent du label.
M. Laurent Lafon, président. - Je tenais, en cette fin de réunion, à vous faire part de notre inquiétude concernant l'impact de la réforme de la taxe d'aménagement sur les recettes des CAUE, qui jouent un rôle majeur en matière de patrimoine. Nous vous demandons, madame la ministre, de bien vouloir les relayer à votre collègue de Bercy.
Mme Rachida Dati, ministre. - Je n'ai pas intégré cet élément à la préparation du budget pour 2026, mais j'en parlerai à la ministre des comptes publics.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Des crédits sont-ils fléchés en direction des activités périscolaires, notamment en matière de patrimoine ? Je crois savoir qu'un pass est offert aux personnes de 17 ans, mais qu'en est-il des plus jeunes ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Le temps périscolaire relève des collectivités locales. Toutes les activités adressées aux enfants qui ne sont pas rattachées à un dispositif ou un support particulier sont intégrées à l'éducation artistique et culturelle, qui assure une forme de souplesse - on peut toutefois flécher des crédits vers le CNL. Je vous renvoie donc au montant de crédits que j'ai cité tout à l'heure pour ce poste budgétaire.
M. Laurent Lafon, président. - Nous vous remercions, madame la ministre.
* 1 Rapport de la Cour des comptes sur France Télévisions, portant sur les exercices 2017 à 2024, publié le 23 septembre 2025.
* 2 Accompagnement à la transformation de France Télévisions et Radio France, Inspection générale des finances, mars 2024.
* 3 Free ad-supported streaming television (chaînes linéaires diffusées en streaming et financées par la publicité).
* 4 Bénin, Cameroun, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Gabon, République démocratique du Congo, Sénégal.
* 5 Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
* 6 Les COM de l'audiovisuel public pour 2024-2028 : une copie à revoir, rapport d'information n° 133 (2024-2025) de M. Cédric Vial, sénateur, déposé le 13 novembre 2024, portant sur les projets de COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.
* 7 Groupement européen d'intérêt économique.




