B. L'ÉVOLUTION DES BUDGETS LOCAUX

1. La situation d'ensemble

La note de conjoncture du Crédit local de France, établie au mois de juillet 1995, met en évidence que la situation financière locale se caractérise par un « effet de ciseaux » dû à la conjonction d'une réduction des marges financières des collectivités locales et d'une augmentation parallèle de leurs dépenses courantes.

Les recettes de fonctionnement ont progressé, en 1995, à un rythme légèrement inférieur à celui de 1994 (+ 4 % contre + 4.9 %).

La croissance des recettes fiscales a poursuivi son ralentissement (+ 4,7 % en 1995 ; + 6,3 % en 1994 ; + 6.9 % en 1993). La fiscalité directe votée a évolué plus modérément en 1995 (+ 5,2 % contre + 8,4 % en 1994), conformément à une situation qui prévaut généralement les années de renouvellement des conseils municipaux et qui a un effet global important compte tenu du poids prédominant des communes dans la fiscalité locale.

Parallèlement, la progression des bases fiscales a été nettement inférieure à celles de 1994. Ainsi, elle s'est établi entre 3.5 % et 4 % pour la taxe professionnelle, soit une augmentation en valeur inférieure à celle du PIB. La matière imposable - la masse salariale et les équipements - a, en effet, été directement affectée par le chômage et la baisse des investissements industriels.

Les compensations d'exonérations ne devraient pas, en 1995. freiner la progression du produit perçu par les collectivités locales, contrairement à 1994. Le produit perçu devrait ainsi évoluer à un rythme sensiblement identique à celui de la fiscalité votée (5,1 % contre 5.2 %).

La fiscalité indirecte a connu une évolution très favorable en 1994 (+ 8,9 %) qui a surtout profité aux départements et aux régions pour lesquels elle constitue le tiers des recettes fiscales. Les droits de mutation ont été stimulés par les transactions nombreuses effectuées dans l'immobilier ancien. Les taxes automobiles (vignette, carte grise) ont crû rapidement notamment grâce au dynamisme du marché dopé par les mesures gouvernementales. Selon le Crédit local de France, la fiscalité indirecte devrait connaître un léger repli en 1995.

Enfin, l'indexation de la DGF sur le seul indice des prix hors tabac a été nettement défavorable pour les collectivités locales (+ 2 % en 1995, + 1,7 % en 1994 contre + 4,3 % en 1993).

Dans ce contexte de ralentissement de la progression de leurs recettes de fonctionnement, les collectivités locales ont dû faire face à une forte progression de leurs dépenses de gestion en 1995.

Les dépenses de personnel ont connu une forte croissance (+ 8,4 %) après une progression plus lente en 1994 (+ 5,6 %) par rapport aux années précédentes. Cette évolution s'explique essentiellement par la hausse de la cotisation employeurs à la CNRACL qui a provoqué un surcoût de 3 milliards de francs et ainsi en partie annulé les efforts de maîtrise des dépenses de personnel. En outre, les collectivités locales doivent supporter les effets des accords salariaux dans la fonction publique (accords Durafour) ainsi que l'accroissement d'effectifs inhérents aux transferts de charge (formation professionnelle dans les régions).

Le coût des prestations d'aide sociale reste, par ailleurs, très élevé tant pour les départements que pour les communes. Ainsi le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion est passé d'environ 790 000 personnes en 1993 à environ 910 000 en 1994.

Les collectivités locales subissent ainsi une baisse de leurs marges de manoeuvres financières. Après avoir progressé en 1994 (+ 3.6 %). l'épargne disponible régresse en 1995 (- 6,6 %). Elle représente néanmoins encore près de 90 milliards de francs.

Les ajustements nécessaires s'effectueraient par une réduction de l'effort d'investissement et par un moindre recours à l'emprunt. Selon le Crédit local de France, les dépenses d'équipement diminueraient globalement de 6,1 %. Le recours à l'emprunt pour le financement des investissements qui avait progressé en 1994 (+ 4,9 %) devrait fortement baisser en 1995 (entre - 10 et- 15%).

2. La situation par collectivité locale

a) les budgets communaux

L'« effet de ciseaux » entre recettes et dépenses est très marqué en 1995 : la progression des ressources courantes (+ 3,4 %) est, en effet, inférieure à celle des dépenses de gestion (+ 5,5 %).

Après une hausse déjà limitée en 1994, la fiscalité directe des communes progresse peu en 1995 (+ 0,5 % en moyenne pour les quatre taxes). Les bases d'imposition subissent un rempli (- 2 % pour les bases de taxe professionnelle), en particulier dans les grandes villes.

Les dotations de fonctionnement ont, pour leur part, progressé à un rythme (+ 1,4 %) nettement inférieur à la croissance économique. Les communes doivent parallèlement faire face à une hausse de leurs dépenses de personnel (+ 7,7 %) sous l'effet notamment du relèvement de la cotisation employeurs à la CNRACL.

L'épargne disponible subit la régression la plus forte depuis le début de la décentralisation (- 17,8 % en 1995). Elle demeure néanmoins à un niveau élevé.

Quant aux dépenses d'équipement qui ont progressé de 4 % en 1994. elles devraient diminuer de 6.7 % en 1995. Cette diminution est particulièrement marquée pour les communes de moins de 10 000 habitants (- 8,2 % après + 3.6 % en 1994) et celles de plus de 100 000 habitants (- 7 % après + 15,4 % en 1994). Elle est en revanche plus modérée pour les communes entre 10 000 et 100 000 habitants (- 4.3 %) mais fait suite à une baisse déjà enregistrée en 1994 (- 0.7 %).

Les communes ont également le souci de ne pas alourdir leur endettement, ce qui se traduit par une réduction très sensible du recours à l'emprunt (- 14, 3 % en 1995).

Votre rapporteur pour avis soulignera enfin que la réforme de la comptabilité des communes est progressivement mise en place. Elle a déjà fait l'objet de trois phases d'expérimentation en 1993, 1994 et 1995 sur un échantillon de communes de plus en plus étoffé. En 1996, cette expérimentation devrait concerner près de 6 000 collectivités volontaires. Elle sera suivie de la généralisation de la réforme au 1er janvier 1997.

Rappelons que la réforme des comptabilités communales, qui fera l'objet de l'instruction M 14. est une adaptation du plan comptable général de 1982, qui constitue la norme de référence comptable française.

b) les budgets des départements

Les départements sont également confrontés à un « effet de ciseaux » entre recettes courantes et dépenses de gestion.

Les recettes fiscales progresseraient de 4,9 % en 1995. Le produit voté des quatre taxes directes augmenterait de 6,2 % sous l'effet d'un maintien de la hausse des taux. Les compensations d'exonérations seraient également en progression sensible (+ 8,1 %) en raison de la suppression progressive de la part départementale du foncier non bâti agricole, décidée par la première loi de finances rectificative pour 1993. En conséquence, le produit perçu connaîtrait une évolution soutenue (+ 6, 4 %).

La fiscalité indirecte, en dépit de la stagnation prévisible des droits de mutation, progressera également en 1995 grâce à une croissance des ressources tirées de la vignette automobile (+ 5 % contre + 3,8 % en 1994).

Les dotations de fonctionnement, enfin, évolueront en 1995 plus lentement encore qu'en 1994 (+ 1,4 % contre + 2,2 %).

Face à cette progression de leurs recettes, les départements connaissent une hausse sensible de leurs dépenses de gestion, en particulier leurs dépenses de personnel (+ 8,7 %) qui subissent les effets de l'augmentation de la cotisation employeurs à la CNRACL. Les dépenses d'aide sociale continuent à évoluer à un rythme soutenu (+ 7 % en 1995 après + 8%en 1994).

L'épargne disponible, pour sa part, diminue sensiblement (- 7,2 %).

Dans ce contexte de réduction de leurs marges de manoeuvre financières, les départements sont amenés à ralentir leurs programmes d'investissement. Les dépenses d'équipement devraient ainsi légèrement baisser en 1995 (- 0,9 %) mais moins fortement qu'en 1994 (- 5,2 %). Parallèlement, le recours à l'emprunt est en baisse (- 10,5 %).

Soulignons néanmoins que ce recul de l'effort d'équipement des départements fait suite à plusieurs années de forte croissance due aux travaux de construction et de rénovation des collèges.

c) les budgets des régions

Les recettes de fonctionnement des régions connaissent une progression soutenue ( + 13,4 % en 1994 ; + 7,5 % en 1995).

Les recettes fiscales ont progressé rapidement en 1994 (+ 16,4 %) notamment sous l'effet d'une hausse élevée du produit voté (+ 16,4 %).

La fiscalité indirecte a pour sa part tirer profit, en 1994, d'une embellie du marché immobilier et de celui de l'automobile. Les droits de mutation ont ainsi augmenté de 13,7 % et les cartes grises de 11,5 %.

Par ailleurs, les régions ont bénéficié d'une forte croissance de leurs dotations de fonctionnement (+ 12,5 % en 1994) et en particulier de la DGD formation professionnelle sous l'effet des récents transferts de compétence en matière de formation professionnelle.

L'épargne disponible des régions a également sensiblement progressé en 1994 (19,2 %), grâce à la progression de leurs recettes de fonctionnement et aux opérations de réaménagement de la dette qui ont permis de limiter les frais financiers.

En 1995, l'épargne disponible progressera plus lentement (+ 2,3 %). Les recettes fiscales augmenteront, en effet, moins fortement en raison du ralentissement de la progression des bases d'imposition et d'un tassement de la croissance de la pression fiscale (+ 10,4 % pour le taux de taxe professionnelle en 1994 ; + 2,6 % en 1995).

Les dépenses de fonctionnement des régions connaîtront une hausse soutenue (+ 18,4 %). Néanmoins, hors crédits de formation professionnelle continue et d'apprentissage, la progression est plus limitée (+ 6,6 %). La croissance des frais de personnels restera forte en 1995 (+ 13,8 %).

En revanche, on observe un tassement des intérêts de la dette (+ 3,1 %) en raison des conditions de prêt plus favorables obtenues à travers des opérations de réaménagement de la dette.

S'agissant des dépenses d'investissement, elles sont marquées par une forte baisse des remboursements de dette, après une tendance sensible à la renégociation de la dette observée en 1994.

Les dépenses consacrées aux équipements scolaires devraient connaître une évolution positive. L'ensemble des dépenses relatives à la formation absorbent ainsi 40 % du budget d'investissement des régions.

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