IV. L'APPLICATION DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ : UNE PRIORITÉ ACCORDÉE À LA RÉFORME DE LA POLICE


• Votre rapporteur constate que, cette année, le Gouvernement a satisfait à l'obligation de présenter un rapport sur l'exécution de la loi d'orientation, ce qui n'avait pas été le cas en 1995.

L'exhaustivité et la précision de ce rapport méritent également d'être soulignées : il offre au Parlement un véritable instrument de contrôle alors que trop souvent, les rapports d'exécution des textes programmatiques se limitent à des tableaux et à des indications chiffrées dont il est difficile de tirer des conclusions.

Il résulte clairement de ce document et d'autres indications fournies par le ministre de l'Intérieur que l'accent prioritaire a été mis sur la réforme de la police nationale, d'autres aspects de la loi d'orientation n'ayant pas encore ou seulement très récemment été mis en application.

A. LES PRINCIPAUX TEXTES RÉGLEMENTAIRES SUR LA RÉORGANISATION DE LA POLICE SONT DÉSORMAIS ENTRÉS EN VIGUEUR

Votre rapporteur a déjà présenté les axes statutaires de la réorganisation de la police dans son avis sur les crédits pour 1996, aussi ne croit-il pas utile d'en rappeler le détail. Le ministre de l'Intérieur a énuméré dans sa communication au Conseil des ministres du 24 juillet 1996 les quatre grands principes ayant présidé à cette réorganisation :

- une police plus souple dans son organisation et dans ses conditions de travail, « afin de pouvoir opposer à la délinquance d'avantage de policiers là, et au moment où, elle se commet » ;

- une police gérée « au plus près du terrain » grâce notamment à une déconcentration accrue et au renforcement des pouvoirs des préfets en matière de coordination ;

- une police plus proche du citoyen « qui soit non seulement plus visible et plus présente sur la voie publique mais également plus accueillante et attentive aux plaignants » ;

- une police offrant aux personnels des métiers revalorisés et plus attractifs.


Au plan statutaire, la réforme de la police nationale prévue par la loi d'orientation est désormais entrée dans les faits.

Cette réforme a représenté un travail réglementaire considérable puisqu'au 25 octobre 1996, le ministre de l'Intérieur, en concertation avec les autres ministères intéressés, a déjà élaboré 159 textes d'application.

Ce travail a été mené en étroite concertation avec les personnels, soit dans le cadre syndical, soit au sein des comités techniques paritaires, soit au cours de multiples rencontres directes, séminaires, etc...


Plusieurs textes ont par ailleurs précisé l'organisation et les méthodes de travail de la police.

Parmi les plus importants de ces textes, il faut signaler le Règlement général d'emploi des personnels publié au Journal officiel du 4 septembre 1996. Ce règlement se substitue à un ensemble jusqu'à présent très disparate de textes particuliers concernant telle ou telle direction ou tel ou tel service. Il offre pour la première fois aux responsables publics et aux policiers eux-mêmes un dispositif cohérent et complet assez comparable au décret du 20 mai 1903, modifié, portant sur l'organisation et le service de la gendarmerie. On ne peut que saluer la publication de ce texte, qui vient combler une lacune plusieurs fois signalée par votre rapporteur.

De même note-t-on que le 22 décembre 1995, le ministre de l'Intérieur a adressé à tous les services une Instruction pour une action plus soutenue de la police auprès des usagers et des victimes d'infractions.

Outre différentes prescriptions générales, ce texte énumère plusieurs mesures très concrètes de nature à faciliter les relations entre la police et les usagers, par exemple le basculement des lignes téléphoniques des postes fermés la nuit sur les postes centraux. Cette consigne de bon sens permettra de remédier à une carence souvent déplorée.


Un bouleversement majeur en cours : la modernisation des rythmes de travail de la police par l'abandon du système de la cinquième brigade

S'agissant des rythmes de travail, une des évolutions les plus considérables -et probablement celle qui risque de se heurter le plus aux pesanteurs- est l'abandon prévu du système des cinq brigades dans les services de sécurité publique.

Lors de sa très intéressante audition par votre commission des Lois, M. Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur, a insisté sur le caractère fondamental de cette réforme, qui sera menée en étroite concertation au plan départemental avec les instances représentatives des personnels.

Depuis 1984, perdure « à titre provisoire » un système dit « de la cinquième brigade » qui fait ajuste titre l'objet de vives critiques.

Ce système, qui concerne près d'un policier des services actifs sur deux, se fonde sur l'existence de cinq brigades qui se relaient pour assurer la continuité du service 24 heures sur 24 à raison, théoriquement, de trois jours de travail et de deux jours de repos. En réalité, la pratique est toute autre puisqu'au moins un cycle sur deux, les policiers travaillent deux jours et bénéficient de trois jours de repos.

Comme l'a souligné le ministre, le système de la cinquième brigade recèle quantité d'effets pervers.

Il est tout d'abord néfaste à la santé et à l'équilibre de la vie familiale des policiers. Pour la police elle-même :

- il conduit à des pertes considérables de productivité car à un instant donné, les effectifs disponibles sont au mieux le cinquième de l'effectif total. Encore faut-il en retrancher les policiers en congés autorisés, les absences imprévues, etc...

- le système est rigide et ne permet pas de moduler les effectifs en fonction des variations de la menace (la nuit, par exemple ; ou en cas d'événements imprévus, mêmes limités). La seule ressource pour mobiliser du personnel en plus grand nombre est d'imposer des heures supplémentaires ou des rappels en service, qui occasionnent à leur tour des récupérations dégarnissant d'autant les effectifs par la suite ;

- enfin, ce système éloigne les policiers de leur lieu d'affectation et les amène à délocaliser leurs autres activités. Ces deux dérives génèrent elles-mêmes des absences et des retards auxquels il est pratiquement impossible de remédier par de simples mesures individuelles.

C'est pourquoi le ministre a décidé de mettre prioritairement à l'étude un système nouveau fondé sur l'alternance de quatre jours de travail suivis de deux jours de repos selon un rythme alternatif sur trois semaines : le policier travaillerait une semaine le matin, une semaine l'après-midi et une semaine la nuit, la base théorique totale de travail hebdomadaire demeurant fixée à 39 heures.

Autour de ce schéma de base, le ministre a d'ailleurs indiqué qu'il n'était nullement opposé, après expérimentation, à une modulation tenant compte des impératifs locaux de sécurité, car les situations ne sont pas nécessairement comparables d'un département à l'autre.

D'après les réflexions en cours, la nouvelle répartition du temps de travail conduirait à un gain substantiel de productivité des services actifs.

Elle permettrait globalement d'accroître à un instant donné la disponibilité de plus de 10 000 fonctionnaires et, appréciée à l'échelon d'une petite circonscription urbaine d'environ 30 policiers, de dégager quatre fonctionnaires, soit l'équivalent d'une patrouille supplémentaire.

Votre rapporteur ne peut que souhaiter le bon aboutissement des négociations en cours à ce sujet, car ce dispositif innovant s'inscrit dans le droit fil des principes de souplesse et d'adaptabilité posés par la loi d'orientation. Il n'ignore pas, cependant, qu'une telle réforme remet en cause des situations acquises et qu'elle bouleverse une donnée, sans doute critiquable mais pourtant réelle, de la culture policière. Comme tel, l'abandon du système de la cinquième brigade se présente comme une entreprise délicate.

Des mesures compensatoires devront être prises pour surmonter les réticences. Il faut aussi redire l'importance de la politique du logement des policiers, car les personnels seront progressivement amenés à se rapprocher de leur poste d'affectation et se verront donc confrontés aux difficultés de se loger en ville ou en proche banlieue.

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