II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES HANDICAPÉS DOIT ÊTRE POURSUIVIE ET APPROFONDIE
S'agissant de la politique en faveur des handicapés,
l'année 1998 a été marquée par la
présentation, le 17 avril devant le
Conseil national consultatif des
personnes handicapées
(CNCPH), des grandes orientations de Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité en ce domaine.
Avant d'exposer le contenu de ce programme et les observations de votre
rapporteur, il convient de présenter les caractéristiques de la
population handicapée et des engagements budgétaires pour
1999.
A. L'IMPORTANCE DE LA POPULATION DES PERSONNES HANDICAPÉES
Plusieurs millions de personnes sont confrontées au handicap dans la société française ce qui soulève, d'une manière générale, les questions de la prévention du handicap et de l'amélioration de l'accessibilité des lieux publics.
1. Une population nombreuse
L'estimation de la population des personnes handicapées
est
un exercice difficile car les chiffres disponibles varient en fonction de
l'appréciation subjective de la notion de handicap ou du choix des
critères objectifs retenus.
L'enquête décennale relative à la santé conduite par
l'INSEE en 1991 fait ressortir que
5,5 millions de personnes à
domicile en France
, soit 9,7 % de la population, déclarent un
handicap ou une gêne dans la vie quotidienne. Toutefois, sur la base
d'une définition plus stricte ne retenant que les personnes se
déclarant handicapées, une enquête réalisée
en 1987 a fait ressortir le chiffre de
3,2 millions de personnes
, soit
environ 6 % de la population.
Une autre approche consiste à prendre en compte l'ensemble des
bénéficiaires des prestations prévues en faveur des
handicapés. Ainsi, la population des personnes handicapées dont
l'incapacité génère
un handicap
sévère
restreignant significativement leur autonomie et
affectant durablement ou définitivement leur vie scolaire, sociale et
professionnelle, est évaluée à
1,814 million de
personnes en 1991,
soit 3,4 % de la population.
Cette statistique est obtenue à partir de l'addition du nombre des
bénéficiaires de l'abattement spécial pour le calcul de
l'impôt sur le revenu (1,6 million de personnes), des titulaires de l'AAH
présentant donc un taux d'invalidité supérieur à
50 %, des enfants handicapés accueillis en établissements ou
services d'éducation spéciale (40.000 enfants estimés) et
d'une fraction des titulaires d'une pension d'invalidité de la
sécurité sociale.
Les origines du handicap sont diverses. Par ordre décroissant, les
quatre principales causes d'un handicap sont : la maladie, la vieillesse,
l'accident et la naissance.
Les origines du handicap
|
Saône-et-Loire 1 |
Paris 2 |
|
|
1990 |
1994 |
1995 |
Origine en % |
|
|
|
Naissance |
12,9 |
14,5 |
10,1 |
Maladie |
54,7 |
54,6 |
52,1 |
Accident |
17,3 |
20,3 |
19,5 |
Maladie et accident |
3,9 |
4,9 |
2,0 |
Vieillesse seule |
3,2 |
1,4 |
6,7 |
(Vieillesse évoquée avec d'autres origines) |
---- |
25,4 |
13,2 |
Autres |
|
|
1,7 |
Inconnue |
3,4 |
|
|
Non réponse |
4,6 |
4,2 |
7,9 |
Ensemble |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
1) Enquête du Centre Technique National d'Etudes
et de
Recherches sur les Handicaps et les Inadaptations (CTNERHI) auprès d'un
échantillon de personnes handicapées.
2) Enquête du CTNERHI et de la DASES de Paris réalisée
en 1995 auprès d'un échantillon de demandeurs de la carte
d'invalidité (définition stricte du handicap).
Ces données devraient rapidement être actualisées : le
Centre Technique national d'Etudes et de Recherches sur le Handicap et les
Inadaptations
(CTNERHI) procède à une enquête
statistique et prospective sur le thème " Handicap et
démographie ". En cours de réalisation, elle devrait
élaborer un outil de connaissances quantitatives et prospectives du
handicap, mobilisant les informations disponibles sur ce sujet et permettant
d'anticiper, pour décider des priorités dans la politique en
faveur des personnes handicapées.
Par ailleurs, le
Conseil national de l'Information statistique
(CNIS)
dans le cadre d'un groupe spécifique de réflexion " handicap
et dépendance " a préconisé le lancement, au cours
des trois prochaines années, d'une grande enquête, sous
l'égide de l'INSEE qui serait centrée sur les incapacités
et les dépendances à partir de l'observation, non plus des
déficiences, mais des situations réelles et de leurs
évolutions. La mise à disposition d'informations statistiques
plus précises sur cette question serait en effet utile en particulier
pour les départements concernés par cette question cruciale.
A l'évidence, l'ensemble de ces données statistiques montre
l'importance de la population handicapée en France, qui justifie
pleinement une politique globale mobilisant des moyens substantiels. Elle
révèle également l'utilité de la prévention
des accidents et de la recherche d'une meilleure accessibilité des lieux
publics aux personnes handicapées.
2. La prévention doit demeurer prioritaire
Les accidents de la circulation et de la vie domestique, de sports ou de loisirs sont impliqués dans 6,8 % des handicapés ou gênes (soit 370.000 des 5,5 millions de personnes souffrant de handicaps ou gênes vivant à domicile) et environ 11 % des handicaps au sens strict du terme (soit environ 380.000 des 3,5 millions de personnes handicapées gravement vivant à domicile ou en institution).
Les accidents dans les origines du handicap
|
INSEE 1 |
CTNERHI |
CTNERHI |
|
|
|
Saône-et-Loire 2 |
Paris 3 |
|
|
1991 |
1990 |
1994 |
1995 |
Tous accidents dont : |
11,8 % |
17,5 % |
21,6 % |
21,5 % |
travail (trajet exclu) |
5,0 % |
- |
7,4 % |
|
travail (trajet inclus) |
|
- |
9,7 % |
|
circulation |
3,9 % |
- |
6,5 % |
8,0 % |
sport ou loisirs |
1,0 % |
- |
2,0 % |
4,6 % |
vie domestique |
1,9 % |
- |
0,8 % |
0,9 % |
|
|
- |
|
|
Autres |
- |
- |
1,5 % |
4,2 % |
Non réponse |
|
|
3,4 % |
2,7 % |
Total accidents hors travail |
6,8 % |
- |
10,8 % |
10,8 % |
Sources :
1) Enquête réalisée par l'INSEE en 1991 auprès
d'un échantillon de 8.235 ménages, soit 21.597 individus
représentatifs de la population nationale des ménages ordinaires.
(Définition large du handicap : handicap ou quelques gênes dans la
vie quotidienne).
2) Enquête du CTNERHI précité
3) Enquête du CTNERHI et de la DASES précités.
Comme votre rapporteur l'avait souligné dans son précédent
avis, la politique de prévention peut jouer un rôle essentiel pour
sauver des vies et des existences, économiser des crédits et
ainsi augmenter les concours aux actions des personnes handicapées.
Les réponses au questionnaire budgétaire sont éclairantes
à cet égard : la consommation médicale annuelle des
personnes victimes d'un handicap dû à un accident (hors accidents
du travail) s'élève à 10,4 milliards de francs. En outre,
selon la sécurité routière, le coût des accidents
corporels est estimé en 1996 à 58 milliards de francs.
Coût de l'insécurité routière en 1996
Accidents corporels |
Tués |
Blessés graves |
Blessés légers |
Total coûts unitaires 1990 |
3.258.400 |
338.700 |
72.400 |
Actualisation en 1996 |
3.834.000 |
394.840 |
83.940 |
Population concernée en 1996 |
8.541 |
35.743 |
133.913 |
Coût estimé des accidents corporels |
32,7 milliards |
14,1 milliards |
11,2 milliards |
Source : Revue de la sécurité
routière
Votre rapporteur ne peut que mettre à nouveau l'accent sur le
renforcement des politiques de prévention, notamment en matière
d'accidents du travail et des difficultés survenues lors des
accouchements.
L'année 1998 est celle du centenaire de la loi du 9 avril 1898 qui a
été la première loi sur les accidents du travail
instaurant au profit des victimes une réparation automatique et
forfaitaire indépendamment de toute faute de l'employeur. Il importe
aujourd'hui au moment où apparaissent de nouveaux risques que le
système de prévention et de réparation des risques
professionnels soit encore plus efficace.
3. La question cruciale du renforcement de l'accessibilité
Comme le
souligne l'Association des Paralysés de France que votre rapporteur a
reçue, les cheminements publics impraticables, les accès
infranchissables et les équipements inutilisables représentent
des difficultés quotidiennes pour les personnes handicapées et
constituent un frein redoutable pour leur intégration scolaire,
professionnelle culturelle et sociale.
Les services du ministère de l'emploi et de la solidarité
soulignent que l'accessibilité est une exigence alors que le nombre de
personnes à mobilité ou à perception réduite
augmente, que les handicaps s'aggravent et que
" l'aspiration à
vivre chez soi sans y être confiné s'affirme ".
Les décrets d'application de
la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991
portant diverses mesures destinées à favoriser
l'accessibilité aux personnes handicapées des locaux
d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public,
votée à l'unanimité par le Parlement, sont aujourd'hui
publiés.
Dorénavant, le dossier de demande d'autorisation de travaux ou de permis
de construire relatif à des bâtiments d'habitations collectifs
neufs et à des lieux de travail auxquels s'appliquent les règles
d'accessibilité, doit être accompagné d'un engagement du
demandeur et d'une notice technique décrivant les moyens mis en oeuvre
pour respecter les règles d'accessibilité. A défaut de ces
deux documents, la demande de permis ne peut être instruite.
S'agissant du domaine public, une circulaire du Premier ministre aux membres du
Gouvernement et aux préfets en date du 29 janvier 1996,
complétant celle en date du 27 mai 1994, a mis en place effectivement le
Fonds interministériel pour l'accessibilité aux personnes
handicapées
des bâtiments anciens ouverts au public
appartenant à l'Etat.
Placée sous l'égide de la
Commission interministérielle
de la politique immobilière de l'Etat,
ce Fonds, financé sur
le budget des charges communes, permet de compléter les efforts de
chaque ministère en cofinançant les travaux
d'accessibilité des bâtiments.
Il reste qu'en matière
d'aménagement de la voirie et des
transports publics
(mise en place de véhicules à plancher
surbaissé),
des progrès restent à faire,
sachant
qu'en ce domaine
les finances locales sont naturellement fortement
sollicitées
.