II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le
mercredi 18 novembre 1998
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président,
la
commission a procédé à
l'examen du rapport
de
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis
des crédits
en faveur des
anciens combattants
inscrits dans le projet de loi de
finances pour 1999.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis
, a estimé que le
budget au secrétariat d'Etat aux anciens combattants était
paradoxal à plusieurs points de vue. Il a d'abord remarqué que ce
budget se traduisait par une diminution sensible des crédits mais
permettait de poursuivre, voire de renforcer, les actions menées en
faveur du monde combattant. Il a ensuite jugé que la faiblesse des
mesures nouvelles initialement proposées avait été
compensée par un enrichissement sensible du texte à
l'Assemblée nationale. Il a enfin considéré que ce budget
pouvait et devait être amélioré.
Abordant l'examen des crédits, il a indiqué que les dotations
proposées pour 1999 s'élevaient à 25,5 milliards de
francs, soit une diminution apparente de 2,1 % par rapport à
l'année passée. Mais il a observé qu'à
périmètre égal, la baisse prévue pour 1999
était en réalité de 3,5 %, dans la mesure où
le budget pour 1998 avait été artificiellement
allégé de 390 millions de francs, grâce à une
mesure de trésorerie portant sur le versement par l'Etat de la
majoration de la rente mutualiste.
Regrettant le manque de la transparence des chiffres fournis,
M. Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis
, a cependant tenu à relativiser
l'ampleur de la diminution des crédits. Il a ainsi constaté que
la baisse des crédits restait inférieure à celle des
parties prenantes, en indiquant que le nombre de pensionnés allait sans
doute diminuer de 4 % en 1999 selon le secrétariat d'Etat aux
anciens combattants. A cet égard, il a exprimé la crainte que la
diminution réelle du nombre de pensionnés ne soit plus rapide,
car il a constaté une moindre consommation des crédits ces
dernières années, laissant suggérer une minoration de la
baisse des parties prenantes pour réaliser des économies
budgétaires en fin d'année.
Indiquant que la diminution des crédits restait plus lente que la
réduction du nombre des pensionnés, il a remarqué que
l'effort financier net en faveur de chaque ancien combattant augmentait, ce
dont il s'est félicité.
Il a également estimé que l'érosion des masses
budgétaires ne s'accompagnait pas cette année, contrairement
à l'année passée, d'une mise en péril des
principales actions menées en faveur des anciens combattants.
S'agissant des moyens des services, il a précisé qu'ils
augmentaient de 0,6 %, observant notamment une augmentation de
6,9 millions de francs de la subvention de fonctionnement de l'Office
national des anciens combattants (ONAC), largement liée à la
création d'un emploi-mémoire dans chaque service
départemental.
S'agissant de la dette viagère, il a remarqué que les
crédits diminuaient de 3,7 % pour s'établir à
19,9 milliards de francs. Jugeant que cette diminution correspondait
à la baisse du nombre de pensionnés, il a observé que
l'application du rapport constant permettrait une revalorisation de 1,41 %
des pensions d'invalidité.
S'agissant des interventions d'assistance de solidarité, il a
précisé qu'elles étaient globalement stables et a
insisté, en particulier, sur l'augmentation des crédits en faveur
de l'ONAC, qu'il s'agisse des subventions au titre de l'action sociale ou des
subventions pour la rénovation des maisons de retraite. Il a
considéré que la baisse de 1,1 % des crédits du fonds
de solidarité s'expliquait par la diminution des effectifs,
précisant qu'ils étaient passés de 42.600 personnes
en 1996 à 37.500 à la fin de cette année. A cet
égard, il a fait observer que cette diminution globale cachait en
réalité un double mouvement : une diminution rapide du nombre de
bénéficiaires de l'allocation différentielle
compensée par l'augmentation sensible du nombre de
bénéficiaires de l'allocation de préparation à la
retraite (APR), qui devrait concerner 13.000 personnes à la fin de cette
année.
S'agissant des crédits en faveur de la politique de la mémoire,
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a constaté qu'ils
augmentaient de 38 % après la forte diminution constatée
l'année passée.
Il a estimé que la diminution du budget s'accompagnait d'une
réaffectation des moyens en faveur de la politique sociale et de la
mémoire, tout en assurant le respect du droit à
réparation, évolution dont il s'est félicité.
Il a cependant jugé ce budget décevant en matière de
mesures nouvelles.
Ainsi, il a observé qu'à l'origine le projet de loi de finances
ne présentait que trois avancées, et encore étaient-elles
bien frileuses. Il a rappelé que la première avancée
consistait dans l'affiliation gratuite à l'assurance maladie des
ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité qui
n'étaient pas assurés sociaux par ailleurs. Rappelant que
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants,
s'était engagé à explorer des pistes alternatives à
la retraite anticipée, il a souligné que la seconde mesure
nouvelle proposée, à savoir l'extension de l'allocation de
remplacement pour l'emploi (ARPE) aux anciens combattants, concrétisait
en partie cet engagement. Mais il a regretté que cette mesure soit
très restrictive, observant qu'elle ne s'appliquait qu'aux seuls anciens
combattants titulaires de la carte du combattant et pour lesquels leur
employeur avait précédemment refusé le
bénéfice de l'ARPE. Il a ainsi évalué entre 80 et
120 le nombre d'anciens combattants pouvant bénéficier de cette
mesure en 1999. Aussi a-t-il proposé à la commission d'adopter un
amendement élargissant le champ de la mesure aux titulaires du titre de
reconnaissance de la Nation (TRN).
S'agissant de la troisième mesure nouvelle,
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis,
a indiqué qu'elle permettait le
relèvement du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant
de l'indice 95 à l'indice 100. Estimant que cette mesure allait dans la
bonne direction et constituait un premier pas significatif, il a cependant
rappelé que les associations du monde combattant souhaitaient que le
plafond majorable atteigne au plus vite les 130 points d'indice.
Jugeant ces trois mesures nouvelles très modestes, il a estimé
que le projet de budget n'aurait pas été acceptable en
l'état, mais que la discussion à l'Assemblée nationale
avait permis d'obtenir des avancées supplémentaires.
Il s'est félicité du dépôt par le Gouvernement de
deux amendements portant articles additionnels, qui ont été
adoptés en première lecture le 6 novembre dernier. Il a
précisé que le premier amendement supprimait l'obligation du
stage de six mois pour bénéficier de l'APR pour les seuls anciens
combattants chômeurs justifiant de 160 trimestres d'affiliation au
régime de base d'assurance vieillesse. Il a indiqué que le second
amendement modifiait les conditions d'attribution de la carte du combattant en
ramenant de 18 à 15 mois la durée de présence en Afrique
du Nord nécessaire à l'obtention de ce titre. Il s'est
félicité de ces deux avancées en rappelant qu'elles
étaient demandées, depuis plusieurs années, par la
commission.
Il a également indiqué que M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants, s'était engagé
à déposer deux amendements supplémentaires le
18 novembre en seconde délibération à
l'Assemblée nationale, le premier visant à augmenter les
crédits sociaux de l'ONAC de 5 millions de francs, pour financer
des actions de solidarité en faveur des veuves d'anciens combattants, et
le second abondant à hauteur de 2 millions de francs les
crédits relatifs à la politique de la mémoire.
Estimant que ces quatre mesures nouvelles modifiaient sensiblement
l'orientation générale du budget, il a rappelé qu'elles
permettaient de répondre à certaines des demandes les plus vives
et les plus constantes du monde combattant et de notre commission.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
s'est toutefois
interrogé sur la stratégie budgétaire choisie par M.
Jean-Pierre Masseret. Il a ainsi constaté que, comme l'an passé,
le ministre se présentait devant le Parlement avec un budget
médiocre, tout en gardant en réserve un certain nombre
d'amendements qu'il distillait en fonction des réactions des
parlementaires. Estimant que cette stratégie visait avant tout à
desserrer la tutelle du ministère du budget, il a cependant
regretté le manque de transparence d'une telle démarche.
En dépit des avancées proposées, il a
considéré que ce budget ne permettait pourtant pas de
répondre à toutes les demandes du monde combattant. Il a certes
constaté que certains dossiers avançaient progressivement dans la
bonne direction, comme la réforme du rapport constant ou comme le projet
de réforme des structures ministérielles. Mais il a
également observé que d'autres chantiers restaient en suspens,
citant, en particulier, la " décristallisation ", la
proportionnalité des pensions, le rattrapage du gel des pensions des
plus grands invalides et la campagne double.
Il a également évoqué la retraite anticipée des
anciens combattants chômeurs en fin de droits, précisant que le
ministre s'était engagé à étudier la
possibilité du droit à option, mais sans donner de garanties. Il
a aussi insisté sur la situation souvent très préoccupante
des veuves d'anciens combattants, estimant qu'une réforme des
modalités de réversion des pensions d'invalidité
était à étudier d'urgence. Il s'est également
interrogé sur la possibilité de réaligner la retraite du
combattant des anciens combattants du Maroc et de la Tunisie sur celle des
Français. Sur tous ces points, il a précisé que la
commission serait très attentive à ce que des progrès
substantiels soient réalisés à court terme.
En conclusion,
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a
considéré que le projet de budget pour 1999 constituait une
étape dans le règlement progressif de toutes ces questions. Il a
estimé qu'il s'agissait d'un budget raisonnable permettant la poursuite,
dans de bonnes conditions, des actions en faveur des anciens combattants et
apportant, grâce aux mesures nouvelles adoptées à
l'Assemblée nationale, quelques avancées significatives.
Il a donc proposé à la commission d'émettre un avis
favorable sur ces crédits. Il lui a proposé, en outre, d'adopter
un amendement à l'article 75 du projet de loi de finances
étendant le bénéfice de l'ARPE aux anciens combattants
titulaires du TRN.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur le
traitement des victimes de guerre au sein du secrétariat d'Etat.
Après avoir félicité le rapporteur pour son exposé,
M. Jean Chérioux
a estimé qu'un budget ne se jugeait pas
seulement sur l'évolution et la répartition des masses
budgétaires, mais aussi sur la consommation effective des
crédits. Il a donc interrogé le rapporteur pour avis sur le taux
de consommation des crédits.
M. Louis Boyer
a estimé que ce budget permettait d'apporter une
satisfaction à certaines des demandes des anciens combattants d'Afrique
du Nord. Il s'est interrogé sur les pensions versées aux anciens
combattants ressortissants de pays placés jadis sous souveraineté
française. Il s'est demandé, en particulier, si les pensions
versées étaient effectivement touchées par leurs
bénéficiaires.
M. Guy Fischer
a jugé que ce budget présentait deux
avancées positives : l'assouplissement des conditions de versement de
l'APR et l'extension automatique de l'ARPE aux anciens combattants. Il a
rappelé que le Gouvernement s'était engagé dans cette
voie, à la suite de la discussion de la proposition de loi sur la
retraite anticipée des anciens combattants chômeurs en fin de
droits qu'il avait rapportée, en juin dernier, au nom de la commission.
Il s'est également déclaré favorable à l'amendement
présenté par le rapporteur pour avis. Il a indiqué que son
groupe s'abstiendrait sur ce budget dans la mesure où il ne proposait
pas d'accorder la retraite anticipée aux anciens combattants d'Afrique
du Nord.
M. Gilbert Chabroux
a estimé que ce budget allait dans la bonne
direction. Il a jugé que la stratégie budgétaire de M.
Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants,
était positive car elle se déroulait dans la concertation. Il
s'est interrogé sur le nombre de personnes qui pourraient
bénéficier de l'extension du bénéfice de l'ARPE aux
titulaires du TRN.
En réponse aux différents intervenants,
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis,
a précisé que le taux de consommation
des crédits avait atteint 96,5 % en 1997, mais qu'il avait tendance
à diminuer du fait d'une surestimation du nombre de pensionnés.
Il a également jugé que les pensions versées aux anciens
combattants ressortissants d'autres pays devraient être mieux
contrôlées.
S'agissant de l'impact d'une extension de l'ARPE aux titulaires du TRN, il a
estimé que la mesure pourrait toucher au total près de
200 personnes. Il a cependant estimé qu'il n'était pas exclu
que le Gouvernement invoque un argument de procédure pour s'opposer
à cet amendement.
A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur,
a émis un avis favorable sur les crédits consacrés aux
anciens combattants
.
Abordant l'examen des articles du projet de loi de finances rattachés
à la discussion des crédits des anciens combattants, la
commission a adopté un amendement étendant la mesure
proposée par l'article 75 aux titulaires du TRN, puis elle a émis
un avis favorable sur l'article 75 ainsi modifié
, qui
étend, de manière automatique, le bénéfice de
l'ARPE aux salariés anciens combattants d'Afrique du Nord.
La commission a également émis
un avis favorable à
l'article 76
qui vise à relever le plafond majorable de la retraite
mutualiste, à l'article 76 bis qui permet d'accorder la carte du
combattant aux anciens combattants ayant passé 15 mois en Algérie
et à l'article 76 ter qui assouplit les conditions d'attribution de
l'APR pour les anciens combattants justifiant d'une durée d'affiliation
à l'assurance vieillesse de 160 trimestres.