B. RENFORCER LE RÔLE DE DIFFUSION CULTURELLE DES MUSÉES

1. Une diffusion élargie et mieux répartie sur le territoire

a) Un effort d'ouverture au public

En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, les musées ont connu, depuis le début des années 1970, un développement sans précédent qui s'est traduit par l'importance croissante qu'a prise leur fréquentation dans les pratiques culturelles des Français.

A l'évidence, l'ouverture de nouveaux musées comme la restauration d'institutions prestigieuses, en rajeunissant l'image de ces équipements culturels, ont largement contribué à cette évolution.

Après une baisse sensible en 1995 et 1996 liée à des facteurs conjoncturels, les musées connaissent aujourd'hui un renouveau de leur fréquentation : en 1998, les seuls musées nationaux, grâce à un programme d'expositions qui a su attirer un large public, ont accueilli 9,57 millions de visiteurs, soit une augmentation de 7,1 % par rapport à 1997. Le Louvre, désormais entièrement agrandi et rénové, aura accueilli environ 5,7 millions de visiteurs en 1998, soit une progression de 10,7 % par rapport à l'année précédente. Le musée d'Orsay, comptant quant à lui 11 % de visiteurs supplémentaires, a bénéficié d'un regain d'intérêt dû au succès de deux expositions : " Manet, Monet, la gare Saint-Lazare " et " Millet/Van Gogh ". Le musée Picasso a connu une évolution comparable, sa fréquentation progressant de 19,1 %.

Ce succès rencontré auprès du public par les musées légitime l'effort budgétaire engagé en faveur de leur rénovation au cours des dernières années et atteste de la pertinence des actions menées pour accroître leur rôle de diffusion culturelle.

La politique tarifaire apparaît comme un des instruments privilégiés pour rechercher, au-delà d'une simple progression de la fréquentation, une ouverture plus large à toutes les catégories de publics. En 1998, les entrées gratuites dans les musées nationaux ont représenté un peu plus de 4 millions de visiteurs, soit 27 % de leur nombre total .

D'après les enquêtes réalisées auprès du public, l'effet d'incitation des mesures tarifaires est manifeste : 22,5 % des visiteurs fréquentant le Louvre les dimanches pour lesquels l'accès est gratuit déclarent qu'ils ne seraient pas venus si l'entrée n'avait pas été gratuite. Par ailleurs, la gratuité démocratise la fréquentation : outre l'intérêt évident des tarifs pratiqués pour les publics scolaires, la gratuité pour les moins de 18 ans favorise très fortement les visites familiales. Par ailleurs, il s'avère que le public des dimanches gratuits au Louvre est moins habitué des musées, plus familial et plus jeune que celui des dimanches payants et que la part des visiteurs visitant pour la première fois le musée est élevée.

Les mesures tarifaires annoncées par la ministre le 23 juin dernier prises en compte dans le budget 2000 répondent donc, semble-t-il, à un réel besoin du public. Elles consistent à étendre à l'ensemble des musées nationaux la gratuité dominicale une fois par mois. On attend de cette mesure une augmentation minimale de 2 % de la fréquentation annuelle, soit environ 200 000 visiteurs supplémentaires.

Votre rapporteur, s'il considère que ces mesures comme bienvenues, considère qu'elles ne peuvent suffire à elles seules à lever l'ensemble des obstacles qui s'opposent à une démocratisation de l'accès aux musées . Il considère l'action en direction des publics scolaires comme prioritaire. En ce domaine, certaines formules, à l'image des jumelages avec les établissements scolaires, mériteraient d'être généralisées. A cet égard, il ne pourra que regretter l'insuffisance des crédits de la DMF inscrits en titre IV qui pour 60 % sont consacrés à soutenir deux musées associatifs (union centrale des arts décoratifs, musée du judaïsme).

Outre des mesures tarifaires, l'élargissement du public des musées passe également par un effort d'aménagement culturel du territoire qui exige un renforcement du soutien accordé par l'Etat aux musées classés et contrôlés.

b) Une volonté de rééquilibrage territorial

Le projet de budget marque une volonté bienvenue de renforcer les concours apportés par l'Etat aux musées de province pour lesquels, au cours des dernières années, les collectivités locales ont consenti des efforts considérables d'investissement. Néanmoins, l'infléchissement est encore modeste. L'Etat ne dispose pas en 2000 des moyens nécessaires pour accompagner les projets de rénovation des musées classés et contrôlés conduits par les collectivités locales.

•  On rappellera que si l'Etat exerce le contrôle scientifique et technique des musées classés et contrôlés dans des conditions réglementaires au demeurant imprécises, les collectivités territoriales assurent en principe seules le fonctionnement courant des musées dont elles ont la charge. Toutefois, l'Etat peut participer ponctuellement, grâce aux crédits inscrits en titre IV, à certaines actions concernant la restauration des oeuvres, l'enrichissement des collections, la préparation d'expositions ou l'animation culturelle. Les crédits qui y sont consacrés sont pour la quasi-totalité déconcentrés.

En ce qui concerne l'enrichissement des collections, les musées classés et contrôlés bénéficient des crédits des fonds régionaux d'acquisitions pour les musées (FRAM) auxquels participent conjointement l'Etat et les régions mais également des crédits du fonds du patrimoine pour l'acquisition d'oeuvres majeures.

Le tableau suivant indique l'évolution des crédits d'intervention du titre IV destinés aux musées classés et contrôlés entre 1990 et 2000 :

CRÉDITS D'INTERVENTION DU TITRE IV DESTINÉS AUX MUSÉES CLASSÉS ET CONTROLÉS

Musées des collectivités locales

Dotation finale

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 au 1/07/99

2000 prévision

Développement culturel CD (3)

dont

restauration CD

8 500 000

0

24 893 395

1 000 000

33 430 205

1 000 000

24 100 000

900 000

31 860 000

1 000 000

31 490 000

1 000 000

34 775 000

1 500 000

33 925 000

1 000 000

32 625 000

2 000 000

35 425 000

2 500 000

47 525 000

10 600 000

Enseignement et formation CD

3 000 000

3 350 000

4 360 000

5 240 000

5 380 000

4 740 000

4 440 000

4 440 000

4 640 000

4 440 000

4 440 000

FRAM et conventions CD

dont

35 014 950

47 014 950

45 014 950

23 773 450

20 695 960

20 862 592

20 560 000

15 381 973

20 805 507

19 760 000

19 760 000

FRAM

25 114 950

35 014 950

31 048 700

13 523 450

20 695 960

20 862 592

20 560 000

15 381 973

20 805 507

19 760 000

19 760 000

conventions

9 900 000

12 000 000

13 966 250

10 250 000

 
 
 
 
 
 
 

Restauration CC (2)

11 259 985

12 074 145

11 000 000

11 899 600

11 800 000

9 669 907

12 220 000

10 346 046

10 345 000

10 300 000

2 200 000

Fonds du Patrimoine CC

18 790 000

1 973 800

7 633 403

2 786 463

7 474 000

6 550 000

10 604 912

5 350 000

7 433 310

9 345 690

(1)

* dotation globale (musées nationaux + musées des collectivités territoriales)

(1) montant non encore déterminé

(2) cc : crédits centraux

(3) cd : crédits déconcentrés

N.B. : Jusqu'en 1993, lors de la création ou de la restructuration de certains musées de collectivités territoriales, des crédits d'Etat ont été accordés sur la base de conventions d'acquisition conclues ponctuellement entre l'Etat et les collectivités.


En 2000, un transfert de 8,1 millions de francs est prévu afin d'achever la déconcentration des crédits de restauration.

Le soutien apporté par l'Etat à la politique de diffusion culturelle conduite par les musées de province sera renforcé. La dotation de 2,5 millions de francs inscrite en loi de finances pour 1999 au titre du fonds destiné au financement des expositions d'intérêt national sera abondée de 2 millions de francs afin d'ouvrir le bénéfice de ce dispositif à un nombre plus important de musées. Cette mesure s'ajoute aux 4 millions de francs de mesures nouvelles qui permettront d'accroître l'aide accordée par la direction des musées de France aux actions de développement culturel en région. Force est de constater qu'il s'agit là de mesures de portée modeste .

Connaissant une évolution comparable à celle des crédits destinés aux musées nationaux, les dotations destinées à l'acquisition d'oeuvres d'art pour les musées classés et contrôlés sont reconduites en francs courants , soit à un niveau bien inférieur à celui constaté au début de la décennie. En ce domaine, la rigueur budgétaire s'applique avec autant de sévérité aux musées nationaux qu'aux musées de province. Votre rapporteur ne pourra que le regretter .

• En ce qui concerne les subventions d'investissement , l'Etat apporte son concours en tenant compte de la diversité et de la spécificité des projets présentés par les musées. L'objectif poursuivi en ce domaine est de soutenir les efforts financiers consentis par les collectivités locales tout en les faisant bénéficier des compétences du ministère en matière d'expertise architecturale et technique. A ce titre, le ministère participe au financement des études et des concours d'architecture et de muséographie puis des travaux mais ne subventionne pas l'entretien courant des bâtiments ni les opérations modestes d'aménagement. Depuis 1995, ces crédits contribuent également à mettre en oeuvre l'informatisation et la numérisation des collections.

AUTORISATIONS DE PROGRAMME CONSACRÉES AUX MUSÉES CLASSÉS ET CONTRÔLÉS

(en milliers de francs)

+Région

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Imputation budgétaire (chapitre, article)

6630.21

6630.21

6630.21

6691.31*

6691.3*

6691.3*

6691.3*

6691.93*

6691.93*

6691.93

6691.93

Alsace

10 600

3 900

7 000

15 500

35 000

35 000

4 650

3 200

3 000

6000

 

Aquitaine

3 830

3 600

5 600

4 800

0

4 000

0

5 000

5 500

3000

 

Auvergne

11 600

7 750

1 500

1 000

1 800

0

0

1 100

1 750

0

 

Bourgogne

7 823

4 130

16 000

11 500

11 500

0

1 400

3 400

6 000

11000

 

Bretagne

5 026

9 050

10 000

6 700

4 800

0

3 750

2 800

4 500

8800

 

Centre

6 590

2 000

8 600

10 000

0

0

0

800

1 500

500

 

Champagne-Ardenne

6 310

5 150

2 000

5 900

3 200

1 000

0

0

500

0

 

Corse

3 700

1 000

8 500

0

0

0

0

0

0

0

 

Franche-Comté

1 100

3 500

4 200

4 300

800

2 000

3 250

1 035

4 000

6 250

 

Ile-de-France

10 900

11 580

10 000

9 500

14 200

39 000

11 200

18 900

1 750

2 000

 

Languedoc-Roussillon

11 450

14 700

10 000

11 700

6 500

4 000

2 150

100

6 000

5 000

 

Limousin

1 000

1 100

2 000

1 000

500

0

0

0

500

2 500

 

Lorraine

4 000

6 850

9 500

3 600

12 000

2 700

11 200

14 000

8 000

7 300

 

Midi-Pyrénées

3 950

3 300

5 000

6 500

4 000

1 000

13 700

27 800

6 000

6 700

 

Nord-Pas-de-Calais

9 761

22 260

22 600

25 700

26 000

18 500

7 450

0

4 600

16 200

 

Basse-Normandie

3 500

20 000

14 000

5 000

1 000

700

560

150

0

1 600

 

Haute-Normandie

0

10 800

13 000

3 797

0

7 500

0

500

9 000

1 900

 

Pays de la Loire

4 620

3 650

4 000

4 300

3 800

4 300

2 300

0

3 500

6 000

 

Picardie

8 500

8000

9 000

3 250

1 000

500

950

100

200

0

 

Poitou-Charentes

3 160

5 400

4 500

8 000

6 500

2 500

3 250

1 900

5 000

3 800

 

PACA

27 100

16 450

8 000

15 000

500

3 500

5 600

18 000

12 000

10 000

 

Rhône-Alpes

19 980

37 630

42 000

23 600

18 000

5 000

5 600

0

7 000

18 000

 

Guadeloupe

0

0

0

0

1 000

0

370

0

0

0

 

Guyane

0

0

0

0

0

1 000

0

0

0

0

 

Martinique

0

0

0

0

1 000

0

0

0

0

0

 

Réunion

0

0

1 000

0

300

0

0

0

0

0

 

Polynésie

0

0

0

0

500

0

0

0

0

0

 

Nouméa

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

 

Saint-Pierre et Miquelon

0

0

0

0

0

0

2 400

2 500

 
 
 

Total réparti

164 500

201 800

218 000

180 647

153 900

132 200

79 780

100 565

90 300

116 500

130 000

* Crédits globalisés avec ceux des autres directions du Ministère .

Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit une augmentation significative des subventions d'investissement accordées par l'Etat aux collectivités locales pour la rénovation et la modernisation des musées classés ou contrôlés, qui passeront de 116,6 millions de francs en 1999 à 130 millions de francs en 1999 .

Cependant, il convient de relever que ces crédits demeurent bien inférieurs aux dotations dégagées entre 1990 et 1993, dont le montant s'établissait en moyenne sur cette période à plus de 190 millions de francs.

Parmi les opérations les plus importantes que permettront ces crédits, doivent être cités le musée du chemin de fer de Mulhouse (Alsace), le nouvel équipement culturel à Rennes (Bretagne), le musée d'archéologie urbaine et portuaire à Port Vendres (Languedoc-Roussillon), le musée des Beaux Arts d'Angers (Pays de la Loire), le musée d'art et d'industrie de Saint-Etienne (Rhône-Alpes), la cité des images à Epinal (Lorraine), l'écomusée de Lewarde (Nord-Pas-de-Calais) ainsi que les musées Fenaille à Rodez et Toulouse-Lautrec à Albi (Midi-Pyrénées).

Là encore, comme dans le domaine du fonctionnement, l'évolution favorable que permet le projet de budget ne suffira pas à compenser le désengagement de l'Etat constaté entre 1992 et 1998.

A cet égard, il est regrettable que l'allégement du poids des investissements consacrés aux musées nationaux dans le budget de la direction des musées de France n'ait pas permis de dégager des crédits supplémentaires.

La volonté de relancer la politique de dépôt d'oeuvres majeures des musées nationaux dans les musées classés et contrôlés apparaît donc comme un succédané à une véritable reprise de l'effort de l'Etat en faveur des musées classés et contrôlés. Cette meilleure répartition des collections nationales, qui sera notamment facilitée par les travaux de la commission de récolement, apparaît comme un moyen de remédier à la relative faiblesse des concours financiers.

Néanmoins, votre rapporteur ne contestera pas le bien fondé de cette initiative qui va dans le sens d'un rééquilibrage de l'offre culturelle entre Paris et les régions. Elle permettra de renforcer les collections des musées récemment créés ou rénovés, de faire bénéficier les musées plus systématiquement que par le passé d'oeuvres récemment entrées dans les collections nationales, de conforter les fonds existants mais également, de manière à la fois plus prestigieuse mais aussi plus ponctuelle, de systématiser la présentation exceptionnelle pour une durée d'un an d'un grand chef-d'oeuvre des collections nationales dans un musée de région.

2. Assurer la gestion et l'enrichissement des collections nationales : une condition nécessaire pour assurer le rayonnement des musées.

A l'instar de ce qu'il soulignait en matière de politique du patrimoine, votre rapporteur considère que l'élargissement des publics des musées peut certes résulter de mesures destinées à démocratiser leur accès mais ne peut être assuré à long terme que par un effort soutenu de mise en valeur des collections .

a) Assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des musées

L'engouement suscité par les musées depuis le début des années 70 résulte pour une large part de la rénovation de leur image, qui doit beaucoup à l'ampleur des investissements qui leur ont été consacrés.

Afin de continuer à tirer profit de ce considérable effort budgétaire, il convient d'accorder une attention particulière aux modalités de fonctionnement des musées, de manière à assurer la présentation des collections dans des conditions satisfaisantes.

A cet égard, les moyens dont disposeront les musées pour remédier au déficit endémique des personnels de surveillance, d'une part, et pour assurer leurs dépenses d'équipement, d'autre part, seront décisifs.

L'emploi précaire s'est largement développé dans les musées faute de créations d'emploi en nombre suffisant pour tenir compte des nouveaux besoins apparus sous l'effet de l'accroissement des espaces d'exposition.

Compte tenu des conséquences de cette situation sur les conditions d'ouverture au public des musées, on ne pourra que se féliciter qu'ils bénéficient de l'effort de création d'emplois consenti en 2000 qui devrait contribuer à accroître leurs effectifs de personnels titulaires. Cependant, il faut souligner que l'augmentation du nombre de titulaires n'est en aucun cas synonyme d'une progression globale des effectifs, bien au contraire.

Outre des personnels en nombre suffisant, une gestion bien comprise des musées doit permettre d'assurer dans des conditions satisfaisantes l'entretien des bâtiments et des équipements.

A cet égard, le projet de budget recouvre des évolutions contrastées.

En ce qui concerne le titre V, l'augmentation des crédits de restauration des collections des musées nationaux, en progression de plus de 20 %, permettra de continuer les opérations de rénovation qui s'avèrent particulièrement nécessaires dans les musées-châteaux. De même, seront renforcés les crédits destinés à la poursuite du plan de sécurité, de sûreté et d'aménagements muséographiques, qui s'élèveront en 2000 à 60 millions de francs, soit une augmentation de 25 %. Cette mesure, pour certains musées, relevait de l'urgence. A cet égard, votre rapporteur se félicite que l'amélioration de la protection mécanique et électronique des collections et des bâtiments des musées nationaux fasse désormais l'objet d'une programmation financière spécifique. Une telle initiative était indispensable pour faire face à l'étendue des besoins. A titre d'exemple, on relèvera que d'après l'expertise technique réalisée au Louvre à la suite du vol d'un tableau de Corot, le montant des travaux nécessaires a été estimé à 109,8 millions de francs. Cela se passe de commentaire.

Les dotations d'équipement versées par l'Etat aux musées nationaux inscrites en titre VI enregistrent une diminution significative, passant de 191,4 millions de francs en 1999 à 139,4 millions de francs en 2000. Si l'on excepte l'incidence de la diminution de la subvention d'équipement destinée au domaine de Versailles qui est compensée par une forte progression des dotations inscrites au titre de la protection du patrimoine monumental, la baisse des crédits atteint 23 %, ce qui laisse songeur sur les marges de manoeuvre dont disposeront les musées pour entretenir et améliorer leurs équipements.

De manière générale, votre rapporteur regrettera une nouvelle fois que l'achèvement d'opérations de construction ou de restauration à la charge de la direction des musées de France n'ait pas été l'occasion de renforcer ces postes de dépenses. On rappellera qu'en 2000 les autorisations de programme affectées à la DMF inscrites en titre V et en titre VI diminueront respectivement de 2,14 % et de 23,47 %.

b) Poursuivre l'enrichissement des collections

La politique des musées trouve aujourd'hui ses limites dans le coût que représente pour l'Etat leur entretien et leur fonctionnement.

La plupart des musées -du moins les plus prestigieux- ont dorénavant été modernisés. En 2000, sera achevé le grand chantier de rénovation du musée national des arts asiatiques (musée Guimet) ; seront poursuivies la modernisation du musée national de la préhistoire des Eyzies, la rénovation des espaces d'accueil et d'exposition du musée d'Orsay ainsi que la restructuration du musée de l'Orangerie aux Tuileries.

Cependant, la politique des musées ne doit pas être réduite à la gestion des institutions et des collections existantes.

La valorisation de notre patrimoine est indissociable d'une politique ambitieuse d'acquisitions. En ce domaine, en l'absence de grands collectionneurs en France et compte tenu d'une relative atonie du mécénat, l'Etat doit assumer une responsabilité particulière. L'enrichissement de nos collections nationales comme le maintien sur notre territoire des " trésors nationaux " dépend, en effet, principalement des dotations budgétaires susceptibles de leur être consacrées.

L'absence de progression des crédits d'acquisition en 2000

Les réponses fournies à votre rapporteur par le ministère indiquent que " la poursuite de la politique d'acquisition des " trésors nationaux " ayant fait l'objet de certificats de sortie du territoire demeure l'une des grandes priorités pour les années à venir ". Cependant, les crédits d'acquisition s'avèrent encore insuffisants pour acquérir des oeuvres dont les prix dépassent bien souvent le budget annuel dont disposent à ce titre l'Etat ou les collectivités locales. En ce domaine, l'Etat ne semble guère avoir les moyens de ses ambitions.

Le tableau ci-dessous retrace l'origine et le montant des crédits d'acquisition des musées nationaux depuis 1990.

ÉVOLUTION DEPUIS 1990 DES CRÉDITS D'ACQUISITIONS DESTINÉS AUX MUSÉES NATIONAUX
(au 1 er novembre 1999)

 

SUBVENTIONS ETAT

CREDITS RMN

 

ANNÉE

Subvention annuelle chapitre 43-92
art. 30

Fonds du patrimoine Chapitre 43-92
art. 60

Autres (1)

Dotation RMN Chapitre 0655.71

Dons et legs affectés chapitre 657.12

" mécénat " chapitre 657.13

TOTAL

1990

29,7

22,9

0,60

47,7

38,0

2,9

141,8

1991

16,5

8,40

0,50

46,4

1,6

2,6

76,0

1992

32,72

11

0,61

57,64

18,47

5,33

125,77

1993

16,56

1,50

0,30

40,55

3,81

7,04

69,76

1994

14,26

15

0,62

77,29

20,42

11,72

139,31

1995

7,28

9,3

0,20

55,0

6,3

9,7

87,6

1996

6,05

36,20

0,00

43,62

0,95

7,79

94,61

1997

7,87

55,75

0,05

26,51

37,13

14,87

142,18

1998

11,87

74,23

0,5

54,5

15,5

16,26

172,86

1999

11,87

33,4

0,5

50

25,8

13,2

134,77

(1) Commission nationale de la photographie

Au cours des dernières années, l'origine du financement des acquisitions des musées nationaux a été sensiblement modifiée.

Jusqu'en 1995, les acquisitions étaient financées pour moitié par la participation de la Réunion des musées nationaux (RMN) et pour un tiers par des subventions budgétaires, le solde provenant dans des proportions variables selon les années du produit des dons, des legs et du mécénat.

A partir de 1995, les difficultés financières rencontrées par la RMN du fait des mauvais résultats de ses activités commerciales et du recul de la fréquentation l'ont conduite à réduire sa participation au financement des acquisitions. Afin de maintenir à un niveau satisfaisant le montant des crédits disponibles, l'Etat a été amené à accroître significativement sa contribution par le biais de la subvention annuelle inscrite au chapitre 43-92 article 31 et, pour une plus large part, du fonds du patrimoine.

L'effort consenti par l'Etat conjugué au redressement de la situation financière de la RMN a permis dès 1997 d'enrayer la diminution des crédits d'acquisition, évolution qui a été confirmée en 1998 et en 1999.

En effet, les résultats très satisfaisants du plan de redressement de la RMN ont rendu possible une progression de sa participation qui s'est élevée en 1998 à 54,5 millions de francs sur un montant total de crédits d'acquisition de 172,86 millions de francs et en 1999 à 50 millions de francs sur un montant qui atteint, au 1 er novembre 1999, 134,77 millions de francs.

L'effort accompli par l'Etat pour se substituer à la RMN, donc en fait aux musées nationaux eux-mêmes, afin de maintenir les crédits d'acquisition à un niveau satisfaisant ne sera pas poursuivi en 2000.

L'augmentation de la subvention annuelle versée par l'Etat à la RMN progresse sous le seul effet des mesures destinées à compenser l'incidence de la gratuité dans les musées nationaux le premier dimanche de chaque mois ; la part réservée aux acquisitions s'élèvera comme en 1999 à 11,87 millions de francs.

En ce qui concerne le fonds du patrimoine, après avoir progressé de 8 % en 1999, ses dotations sont reconduites en 2000 en francs courants, soit 105,25 millions de francs. On relèvera cependant que ce fonds ne contribuera que pour 15 millions de francs aux acquisitions du futur musée des arts et des civilisations, contre 25 millions de francs en 1999.

En tout état de cause, la contribution de la RMN, en dépit des résultats satisfaisants au plan financier, ne devrait pas connaître d'augmentation substantielle et ne pourra en aucun cas, à elle seule, faire en sorte que les crédits d'acquisition atteignent le montant nécessaire pour permettre aux trésors nationaux dont le refus de certificat arrive à expiration d'entrer dans les collections des musées nationaux.

Des crédits sans rapport avec les objectifs de la politique d'acquisition

Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 régissant le contrôle de la circulation des biens culturels a substitué un mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un certificat de libre circulation des biens.

Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union européenne que pour son exportation vers un pays tiers, atteste qu'il ne constitue pas un trésor national et peut dès lors sortir du territoire. La durée de validité du certificat est de cinq ans. En cas de refus, l'Etat dispose d'un délai de trois ans soit pour acheter l'oeuvre, soit pour la classer au titre des monuments historiques. Si au terme de ce délai de trois ans une nouvelle demande de certificat est déposée et que l'Etat n'a ni acheté ni classé l'oeuvre, le certificat ne peut être refusé.

Cette législation est conforme à nos obligations communautaires et respectueuse autant qu'il est possible des droits des particuliers et de la nécessité de ne pas entraver le commerce des oeuvres d'art.

Il en a été fait jusqu'ici une application libérale : alors que les demandes concernent chaque année près de 4 500 oeuvres, seules 68 d'entre elles depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992 ont été déclarés " trésors nationaux ", ce nombre ayant considérablement augmenté à la fin de l'année 1998 du fait des refus de certificat concernant la succession Dora Maar, pour des pièces dont la majorité a été aussitôt acquise en dation.

Parmi les 68 " trésors nationaux ", 30 ont été acquis pour les collections publiques ; 8 ont finalement reçu le certificat après l'arrivée à échéance du délai de trois ans fixé par la loi sans que l'Etat ait pu les acquérir ; 13 autres n'ont fait l'objet d'aucune nouvelle demande de certificat alors que le délai de trois ans était expiré; 15 oeuvres sont toujours soumises à une interdiction provisoire d'exportation ; enfin, un trésor national a été classé au titre des monuments historiques par décret du 3 septembre 1998.

Sur les trois trésors nationaux dont le refus de certificat arrivait à échéance en 1999, un seul a pu être acquis par l'Etat ; il s'agit du portrait de " Berthe Morisot au bouquet de violettes " par Edouard Manet, acheté pour 80 millions de francs en 1998 afin d'enrichir les collections du musée d'Orsay. Les deux autres " trésors nationaux " n'ont pu être acquis : ils étaient estimés respectivement à 200 millions de francs pour le portrait par Degas de " la duchesse de Montejasi et ses filles Elena et Camilla " et à 250 millions de francs pour le tableau de Cézanne " le jardinier Vallier ".

Depuis 1993, la valeur totale des trésors nationaux acquis par l'Etat ou les collectivités locales s'élève à 258,85 millions de francs. Cependant, ces acquisitions n'ont été financées que pour 150,5 millions de francs par des crédits budgétaires et pour 9 millions de francs par les collectivités territoriales. Pour 99,2 millions de francs, soit 38 %, ce qui représente une part non négligeable, les acquisitions ont été réalisées grâce à des dations, du mécénat ou des dons. Ainsi, l'oeuvre la plus coûteuse, le portrait de Mlle Juliette de Villeneuve par David, a été acquise par le Louvre pour 35 millions de francs, la société des amis du Louvre ayant contribué à hauteur de 19,5 millions de francs, le mécénat pour 500 000 francs et l'Etat pour le solde.

L'étroitesse de la marge de manoeuvre financière dont dispose l'Etat a encore été accentuée par la jurisprudence Walter (Cour de Cassation, 20 février 1996) qui a condamné l'Etat à payer une indemnité très lourde en raison du classement d'office d'une oeuvre de Van Gogh au titre de la loi de 1913. Dorénavant, l'Etat ne dispose plus guère pour retenir une oeuvre sur le territoire national, que du refus de certificat, solution par nature provisoire, ou de l'acquisition, pour laquelle il ne dispose que de moyens limités et qui exige par ailleurs qu'il parvienne à convaincre les propriétaires de se dessaisir de leur bien, ce qui, faute de la menace du classement, s'avère souvent difficile.

Un constat s'impose : dans un régime ouvert, la protection du patrimoine repose sur la capacité de l'Etat à dégager des fonds pour l'acquisition des oeuvres.

A cet égard, on regrettera que la réflexion sur les moyens de diversifier les sources de financement n'ait pas jusqu'ici abouti. La possibilité de consacrer une part des recettes de la Française des jeux à l'acquisition de trésors nationaux, comme cela est pratiqué en Grande-Bretagne par le biais du Heritage Lottery fund, se heurte, en effet, à la réticence des services du ministère des finances, réticence qu'il semble vain de vouloir ébranler.

Ce constat d'échec fait apparaître tout l'intérêt que représente pour les collections nationales le mécanisme des dations.

Cette procédure instituée par la loi du 31 décembre 1968 permet à " tout héritier, donataire ou légataire, d'acquitter les droits de succession par la remise d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique ". Elle ne constitue ni une dépense fiscale ni une dépense budgétaire mais un mode particulier de paiement de l'impôt.

Le montant des dations en paiement ne vient pas s'imputer en loi de finances initiale sur les crédits d'acquisition -ce qui, en dépit des tentatives du budget pour modifier cette règle comptable, constitue un des avantages de ce système et non le moindre- mais est constaté en loi de règlement tant en recettes, au titre des impôts dont elles permettent de s'acquitter, qu'en dépenses, sur le chapitre 43-94 du budget du ministère de la culture.

Après avis du comité consultatif des musées nationaux et du conseil artistique des musées nationaux, la valeur des oeuvres est appréciée par la commission interministérielle d'agrément pour la conservation du patrimoine artistique national qui, outre son président, est composée de deux représentants du ministère de la culture et de deux représentants du ministère des finances.

Au cours des dernières années, cette procédure a permis de faire entrer dans les collections nationales des oeuvres qu'il aurait été sans doute difficile pour l'Etat d'acquérir. C'est le cas notamment en 1998 d'un ensemble d'oeuvres de Pablo Picasso provenant de la collection Dora Maar qui avaient été déclarées " trésors nationaux " et en 1999 d'un portrait d'Edouard Manet, " Berthe Morisot à l'éventail ", et d'un tableau d'Auguste Renoir, " l'enfant au chat ".

Le tableau ci-dessous indique la valeur et l'affectation des oeuvres acceptées en dation depuis 1996.

VALEUR DES OEUVRES ACCEPTÉES EN DATION DE 1996 À 1999
(en millions de francs)

Années

Valeur totale

dont Musées nationaux

dont Musée national
d'art moderne

1996

34,17

22,64

3,16

1997

169,50

100,86

67,74

1998

89,76

74,68

0,00

1999, 1 er semestre

112,91

85,79

22,60

TOTAL

406,34

283,97

93,50

Le rapport Aicardi 5( * ) avait déjà en son temps souligné l'opportunité d'une extension de la dation aux impôts autres que les droits de succession, proposition à laquelle il n'a jamais été donné suite.

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