B. RENFORCER LE RÔLE DE DIFFUSION CULTURELLE DES MUSÉES
1. Une diffusion élargie et mieux répartie sur le territoire
a) Un effort d'ouverture au public
En
France, comme dans la plupart des pays industrialisés, les musées
ont connu, depuis le début des années 1970, un
développement sans précédent qui s'est traduit par
l'importance croissante qu'a prise leur fréquentation dans les pratiques
culturelles des Français.
A l'évidence, l'ouverture de nouveaux musées comme la
restauration d'institutions prestigieuses, en rajeunissant l'image de ces
équipements culturels, ont largement contribué à cette
évolution.
Après une baisse sensible en 1995 et 1996 liée à des
facteurs conjoncturels,
les musées connaissent aujourd'hui un
renouveau de leur fréquentation
: en 1998, les seuls
musées nationaux, grâce à un programme d'expositions qui a
su attirer un large public, ont accueilli 9,57 millions de visiteurs, soit une
augmentation de 7,1 % par rapport à 1997. Le Louvre,
désormais entièrement agrandi et rénové, aura
accueilli environ 5,7 millions de visiteurs en 1998, soit une progression de
10,7 % par rapport à l'année précédente. Le
musée d'Orsay, comptant quant à lui 11 % de visiteurs
supplémentaires, a bénéficié d'un regain
d'intérêt dû au succès de deux expositions :
"
Manet, Monet, la gare Saint-Lazare " et " Millet/Van
Gogh
". Le musée Picasso a connu une évolution
comparable, sa fréquentation progressant de 19,1 %.
Ce succès rencontré auprès du public par les musées
légitime l'effort budgétaire engagé en faveur de leur
rénovation au cours des dernières années et atteste de la
pertinence des actions menées pour accroître leur rôle de
diffusion culturelle.
La politique tarifaire apparaît comme un des instruments
privilégiés pour rechercher, au-delà d'une simple
progression de la fréquentation, une ouverture plus large à
toutes les catégories de publics.
En 1998, les entrées
gratuites dans les musées nationaux ont représenté un peu
plus de 4 millions de visiteurs, soit 27 % de leur nombre total
.
D'après les enquêtes réalisées auprès du
public, l'effet d'incitation des mesures tarifaires est manifeste :
22,5 % des visiteurs fréquentant le Louvre les dimanches pour
lesquels l'accès est gratuit déclarent qu'ils ne seraient pas
venus si l'entrée n'avait pas été gratuite. Par ailleurs,
la gratuité démocratise la fréquentation : outre
l'intérêt évident des tarifs pratiqués pour les
publics scolaires, la gratuité pour les moins de 18 ans favorise
très fortement les visites familiales. Par ailleurs, il s'avère
que le public des dimanches gratuits au Louvre est moins habitué des
musées, plus familial et plus jeune que celui des dimanches payants et
que la part des visiteurs visitant pour la première fois le musée
est élevée.
Les mesures tarifaires annoncées par la ministre le 23 juin dernier
prises en compte dans le budget 2000 répondent donc, semble-t-il,
à un réel besoin du public. Elles consistent à
étendre à l'ensemble des musées nationaux la
gratuité dominicale une fois par mois. On attend de cette mesure une
augmentation minimale de 2 % de la fréquentation annuelle, soit
environ 200 000 visiteurs supplémentaires.
Votre rapporteur, s'il considère que ces mesures comme bienvenues,
considère qu'elles ne peuvent suffire à elles seules à
lever l'ensemble des obstacles qui s'opposent à une
démocratisation de l'accès aux musées
. Il
considère l'action en direction des publics scolaires comme prioritaire.
En ce domaine, certaines formules, à l'image des jumelages avec les
établissements scolaires, mériteraient d'être
généralisées. A cet égard, il ne pourra que
regretter
l'insuffisance des crédits de la DMF inscrits en
titre IV
qui pour 60 % sont consacrés à soutenir
deux musées associatifs (union centrale des arts décoratifs,
musée du judaïsme).
Outre des mesures tarifaires, l'élargissement du public des
musées passe également par un effort d'aménagement
culturel du territoire qui exige un renforcement du soutien accordé par
l'Etat aux musées classés et contrôlés.
b) Une volonté de rééquilibrage territorial
Le
projet de budget marque une volonté bienvenue de renforcer les concours
apportés par l'Etat aux musées de province pour lesquels, au
cours des dernières années, les collectivités locales ont
consenti des efforts considérables d'investissement. Néanmoins,
l'infléchissement est encore modeste. L'Etat ne dispose pas en 2000 des
moyens nécessaires pour accompagner les projets de rénovation des
musées classés et contrôlés conduits par les
collectivités locales.
• On rappellera que si l'Etat exerce le contrôle scientifique
et technique des musées classés et contrôlés dans
des conditions réglementaires au demeurant imprécises, les
collectivités territoriales assurent en principe seules le
fonctionnement courant des musées
dont elles ont la charge.
Toutefois, l'Etat peut participer ponctuellement, grâce aux
crédits inscrits en titre IV, à certaines actions concernant la
restauration des oeuvres, l'enrichissement des collections, la
préparation d'expositions ou l'animation culturelle. Les crédits
qui y sont consacrés sont pour la quasi-totalité
déconcentrés.
En ce qui concerne l'enrichissement des collections, les musées
classés et contrôlés bénéficient des
crédits des fonds régionaux d'acquisitions pour les musées
(FRAM) auxquels participent conjointement l'Etat et les régions mais
également des crédits du fonds du patrimoine pour l'acquisition
d'oeuvres majeures.
Le tableau suivant indique l'évolution des crédits d'intervention
du titre IV destinés aux musées classés et
contrôlés entre 1990 et 2000 :
CRÉDITS D'INTERVENTION DU TITRE IV DESTINÉS AUX MUSÉES CLASSÉS ET CONTROLÉS
Musées des collectivités locales
Dotation finale |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 au 1/07/99 |
2000 prévision |
||||||||||||
Développement
culturel
CD
(3)
|
8 500 000
|
24 893 395
|
33 430 205
|
24 100 000
|
31 860 000
|
31 490 000
|
34 775 000
|
33 925 000
|
32 625 000
|
35 425 000
|
47 525 000
|
||||||||||||
Enseignement et formation CD |
3 000 000 |
3 350 000 |
4 360 000 |
5 240 000 |
5 380 000 |
4 740 000 |
4 440 000 |
4 440 000 |
4 640 000 |
4 440 000 |
4 440 000 |
||||||||||||
FRAM
et
conventions
CD
|
35 014 950 |
47 014 950 |
45 014 950 |
23 773 450 |
20 695 960 |
20 862 592 |
20 560 000 |
15 381 973 |
20 805 507 |
19 760 000 |
19 760 000 |
||||||||||||
FRAM |
25 114 950 |
35 014 950 |
31 048 700 |
13 523 450 |
20 695 960 |
20 862 592 |
20 560 000 |
15 381 973 |
20 805 507 |
19 760 000 |
19 760 000 |
||||||||||||
conventions |
9 900 000 |
12 000 000 |
13 966 250 |
10 250 000 |
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
Restauration CC (2) |
11 259 985 |
12 074 145 |
11 000 000 |
11 899 600 |
11 800 000 |
9 669 907 |
12 220 000 |
10 346 046 |
10 345 000 |
10 300 000 |
2 200 000 |
||||||||||||
Fonds du Patrimoine CC |
18 790 000 |
1 973 800 |
7 633 403 |
2 786 463 |
7 474 000 |
6 550 000 |
10 604 912 |
5 350 000 |
7 433 310 |
9 345 690 |
(1) |
*
dotation globale (musées nationaux + musées des
collectivités territoriales)
(1) montant non encore déterminé
(2) cc : crédits centraux
(3) cd : crédits déconcentrés
N.B. : Jusqu'en 1993, lors de la création ou de la restructuration
de certains musées de collectivités territoriales, des
crédits d'Etat ont été accordés sur la base de
conventions d'acquisition conclues ponctuellement entre l'Etat et les
collectivités.
En 2000, un transfert de 8,1 millions de francs est prévu afin d'achever
la déconcentration des crédits de restauration.
Le soutien apporté par l'Etat à la politique de diffusion
culturelle conduite par les musées de province sera renforcé. La
dotation de 2,5 millions de francs inscrite en loi de finances pour 1999 au
titre du fonds destiné au financement des expositions
d'intérêt national sera abondée de 2 millions de francs
afin d'ouvrir le bénéfice de ce dispositif à un nombre
plus important de musées. Cette mesure s'ajoute aux 4 millions de francs
de mesures nouvelles qui permettront d'accroître l'aide accordée
par la direction des musées de France aux actions de
développement culturel en région. Force est de constater qu'il
s'agit là de
mesures de portée modeste
.
Connaissant une évolution comparable à celle des crédits
destinés aux musées nationaux,
les dotations destinées
à l'acquisition d'oeuvres d'art pour les musées classés et
contrôlés sont reconduites en francs courants
, soit à
un niveau bien inférieur à celui constaté au début
de la décennie. En ce domaine,
la rigueur budgétaire
s'applique avec autant de sévérité aux musées
nationaux qu'aux musées de province. Votre rapporteur ne pourra que le
regretter
.
• En ce qui concerne
les subventions d'investissement
, l'Etat
apporte son concours en tenant compte de la diversité et de la
spécificité des projets présentés par les
musées. L'objectif poursuivi en ce domaine est de soutenir les efforts
financiers consentis par les collectivités locales tout en les faisant
bénéficier des compétences du ministère en
matière d'expertise architecturale et technique. A ce titre, le
ministère participe au financement des études et des concours
d'architecture et de muséographie puis des travaux mais ne subventionne
pas l'entretien courant des bâtiments ni les opérations modestes
d'aménagement. Depuis 1995, ces crédits contribuent
également à mettre en oeuvre l'informatisation et la
numérisation des collections.
AUTORISATIONS DE PROGRAMME CONSACRÉES AUX MUSÉES CLASSÉS ET CONTRÔLÉS
(en milliers de francs)
+Région |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Imputation budgétaire (chapitre, article) |
6630.21 |
6630.21 |
6630.21 |
6691.31* |
6691.3* |
6691.3* |
6691.3* |
6691.93* |
6691.93* |
6691.93 |
6691.93 |
Alsace |
10 600 |
3 900 |
7 000 |
15 500 |
35 000 |
35 000 |
4 650 |
3 200 |
3 000 |
6000 |
|
Aquitaine |
3 830 |
3 600 |
5 600 |
4 800 |
0 |
4 000 |
0 |
5 000 |
5 500 |
3000 |
|
Auvergne |
11 600 |
7 750 |
1 500 |
1 000 |
1 800 |
0 |
0 |
1 100 |
1 750 |
0 |
|
Bourgogne |
7 823 |
4 130 |
16 000 |
11 500 |
11 500 |
0 |
1 400 |
3 400 |
6 000 |
11000 |
|
Bretagne |
5 026 |
9 050 |
10 000 |
6 700 |
4 800 |
0 |
3 750 |
2 800 |
4 500 |
8800 |
|
Centre |
6 590 |
2 000 |
8 600 |
10 000 |
0 |
0 |
0 |
800 |
1 500 |
500 |
|
Champagne-Ardenne |
6 310 |
5 150 |
2 000 |
5 900 |
3 200 |
1 000 |
0 |
0 |
500 |
0 |
|
Corse |
3 700 |
1 000 |
8 500 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Franche-Comté |
1 100 |
3 500 |
4 200 |
4 300 |
800 |
2 000 |
3 250 |
1 035 |
4 000 |
6 250 |
|
Ile-de-France |
10 900 |
11 580 |
10 000 |
9 500 |
14 200 |
39 000 |
11 200 |
18 900 |
1 750 |
2 000 |
|
Languedoc-Roussillon |
11 450 |
14 700 |
10 000 |
11 700 |
6 500 |
4 000 |
2 150 |
100 |
6 000 |
5 000 |
|
Limousin |
1 000 |
1 100 |
2 000 |
1 000 |
500 |
0 |
0 |
0 |
500 |
2 500 |
|
Lorraine |
4 000 |
6 850 |
9 500 |
3 600 |
12 000 |
2 700 |
11 200 |
14 000 |
8 000 |
7 300 |
|
Midi-Pyrénées |
3 950 |
3 300 |
5 000 |
6 500 |
4 000 |
1 000 |
13 700 |
27 800 |
6 000 |
6 700 |
|
Nord-Pas-de-Calais |
9 761 |
22 260 |
22 600 |
25 700 |
26 000 |
18 500 |
7 450 |
0 |
4 600 |
16 200 |
|
Basse-Normandie |
3 500 |
20 000 |
14 000 |
5 000 |
1 000 |
700 |
560 |
150 |
0 |
1 600 |
|
Haute-Normandie |
0 |
10 800 |
13 000 |
3 797 |
0 |
7 500 |
0 |
500 |
9 000 |
1 900 |
|
Pays de la Loire |
4 620 |
3 650 |
4 000 |
4 300 |
3 800 |
4 300 |
2 300 |
0 |
3 500 |
6 000 |
|
Picardie |
8 500 |
8000 |
9 000 |
3 250 |
1 000 |
500 |
950 |
100 |
200 |
0 |
|
Poitou-Charentes |
3 160 |
5 400 |
4 500 |
8 000 |
6 500 |
2 500 |
3 250 |
1 900 |
5 000 |
3 800 |
|
PACA |
27 100 |
16 450 |
8 000 |
15 000 |
500 |
3 500 |
5 600 |
18 000 |
12 000 |
10 000 |
|
Rhône-Alpes |
19 980 |
37 630 |
42 000 |
23 600 |
18 000 |
5 000 |
5 600 |
0 |
7 000 |
18 000 |
|
Guadeloupe |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 000 |
0 |
370 |
0 |
0 |
0 |
|
Guyane |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 000 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Martinique |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 000 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Réunion |
0 |
0 |
1 000 |
0 |
300 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Polynésie |
0 |
0 |
0 |
0 |
500 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Nouméa |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Saint-Pierre et Miquelon |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 400 |
2 500 |
|
|
|
Total réparti |
164 500 |
201 800 |
218 000 |
180 647 |
153 900 |
132 200 |
79 780 |
100 565 |
90 300 |
116 500 |
130 000 |
* Crédits globalisés avec ceux des autres directions du Ministère .
Le
projet de loi de finances pour 2000 prévoit une
augmentation
significative des subventions d'investissement accordées par l'Etat aux
collectivités locales pour la rénovation et la modernisation des
musées classés ou contrôlés, qui passeront de 116,6
millions de francs en 1999 à 130 millions de francs en 1999
.
Cependant, il convient de relever que ces crédits demeurent bien
inférieurs aux dotations dégagées entre 1990 et 1993, dont
le montant s'établissait en moyenne sur cette période à
plus de 190 millions de francs.
Parmi les opérations les plus importantes que permettront ces
crédits, doivent être cités le musée du chemin de
fer de Mulhouse (Alsace), le nouvel équipement culturel à Rennes
(Bretagne), le musée d'archéologie urbaine et portuaire à
Port Vendres (Languedoc-Roussillon), le musée des Beaux Arts d'Angers
(Pays de la Loire), le musée d'art et d'industrie de Saint-Etienne
(Rhône-Alpes), la cité des images à Epinal (Lorraine),
l'écomusée de Lewarde (Nord-Pas-de-Calais) ainsi que les
musées Fenaille à Rodez et Toulouse-Lautrec à Albi
(Midi-Pyrénées).
Là encore, comme dans le domaine du fonctionnement, l'évolution
favorable que permet le projet de budget ne suffira pas à compenser le
désengagement de l'Etat constaté entre 1992 et 1998.
A cet égard, il est regrettable que l'allégement du poids des
investissements consacrés aux musées nationaux dans le budget de
la direction des musées de France n'ait pas permis de dégager des
crédits supplémentaires.
La volonté de relancer la politique de dépôt d'oeuvres
majeures des musées nationaux dans les musées classés et
contrôlés apparaît donc comme un succédané
à une véritable reprise de l'effort de l'Etat en faveur des
musées classés et contrôlés. Cette meilleure
répartition des collections nationales, qui sera notamment
facilitée par les travaux de la commission de récolement,
apparaît comme un moyen de remédier à la relative faiblesse
des concours financiers.
Néanmoins, votre rapporteur ne contestera pas le bien fondé de
cette initiative qui va dans le sens d'un rééquilibrage de
l'offre culturelle entre Paris et les régions. Elle permettra de
renforcer les collections des musées récemment
créés ou rénovés, de faire bénéficier
les musées plus systématiquement que par le passé
d'oeuvres récemment entrées dans les collections nationales, de
conforter les fonds existants mais également, de manière à
la fois plus prestigieuse mais aussi plus ponctuelle, de systématiser la
présentation exceptionnelle pour une durée d'un an d'un grand
chef-d'oeuvre des collections nationales dans un musée de
région.
2. Assurer la gestion et l'enrichissement des collections nationales : une condition nécessaire pour assurer le rayonnement des musées.
A l'instar de ce qu'il soulignait en matière de politique du patrimoine, votre rapporteur considère que l'élargissement des publics des musées peut certes résulter de mesures destinées à démocratiser leur accès mais ne peut être assuré à long terme que par un effort soutenu de mise en valeur des collections .
a) Assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des musées
L'engouement suscité par les musées depuis le
début des années 70 résulte pour une large part de la
rénovation de leur image, qui doit beaucoup à l'ampleur des
investissements qui leur ont été consacrés.
Afin de continuer à tirer profit de ce considérable effort
budgétaire, il convient d'accorder une attention particulière aux
modalités de fonctionnement des musées, de manière
à assurer la présentation des collections dans des conditions
satisfaisantes.
A cet égard, les moyens dont disposeront les musées pour
remédier au déficit endémique des personnels de
surveillance, d'une part, et pour assurer leurs dépenses
d'équipement, d'autre part, seront décisifs.
L'emploi précaire s'est largement développé dans les
musées faute de créations d'emploi en nombre suffisant pour tenir
compte des nouveaux besoins apparus sous l'effet de l'accroissement des espaces
d'exposition.
Compte tenu des conséquences de cette situation sur les conditions
d'ouverture au public des musées, on ne pourra que se féliciter
qu'ils bénéficient de l'effort de création d'emplois
consenti en 2000 qui devrait contribuer à accroître leurs
effectifs de personnels titulaires. Cependant, il faut souligner que
l'augmentation du nombre de titulaires n'est en aucun cas synonyme d'une
progression globale des effectifs, bien au contraire.
Outre des personnels en nombre suffisant, une gestion bien comprise des
musées doit permettre d'assurer dans des conditions satisfaisantes
l'entretien des bâtiments et des équipements.
A cet égard, le projet de budget recouvre des évolutions
contrastées.
En ce qui concerne le titre V, l'augmentation des crédits de
restauration des collections des musées nationaux, en progression de
plus de 20 %, permettra de continuer les opérations de
rénovation qui s'avèrent particulièrement
nécessaires dans les musées-châteaux. De même, seront
renforcés les crédits destinés à la poursuite du
plan de sécurité, de sûreté et d'aménagements
muséographiques, qui s'élèveront en 2000 à 60
millions de francs, soit une augmentation de 25 %. Cette mesure, pour certains
musées, relevait de l'urgence. A cet égard, votre rapporteur se
félicite que l'amélioration de la protection mécanique et
électronique des collections et des bâtiments des musées
nationaux fasse désormais l'objet d'une programmation financière
spécifique. Une telle initiative était indispensable pour faire
face à l'étendue des besoins. A titre d'exemple, on
relèvera que d'après l'expertise technique réalisée
au Louvre à la suite du vol d'un tableau de Corot, le montant des
travaux nécessaires a été estimé à 109,8
millions de francs. Cela se passe de commentaire.
Les dotations d'équipement versées par l'Etat aux musées
nationaux inscrites en titre VI enregistrent une diminution significative,
passant de 191,4 millions de francs en 1999 à 139,4 millions de
francs en 2000. Si l'on excepte l'incidence de la diminution de la subvention
d'équipement destinée au domaine de Versailles qui est
compensée par une forte progression des dotations inscrites au titre de
la protection du patrimoine monumental, la baisse des crédits atteint 23
%, ce qui laisse songeur sur les marges de manoeuvre dont disposeront les
musées pour entretenir et améliorer leurs équipements.
De manière générale, votre rapporteur regrettera une
nouvelle fois que l'achèvement d'opérations de construction ou de
restauration à la charge de la direction des musées de France
n'ait pas été l'occasion de renforcer ces postes de
dépenses. On rappellera qu'en 2000 les autorisations de programme
affectées à la DMF inscrites en titre V et en titre VI
diminueront respectivement de 2,14 % et de 23,47 %.
b) Poursuivre l'enrichissement des collections
La
politique des musées trouve aujourd'hui ses limites dans le coût
que représente pour l'Etat leur entretien et leur fonctionnement.
La plupart des musées -du moins les plus prestigieux- ont
dorénavant été modernisés. En 2000, sera
achevé le grand chantier de rénovation du musée national
des arts asiatiques (musée Guimet) ; seront poursuivies la
modernisation du musée national de la préhistoire des Eyzies, la
rénovation des espaces d'accueil et d'exposition du musée d'Orsay
ainsi que la restructuration du musée de l'Orangerie aux Tuileries.
Cependant, la politique des musées ne doit pas être réduite
à la gestion des institutions et des collections existantes.
La valorisation de notre patrimoine est indissociable d'une politique
ambitieuse d'acquisitions. En ce domaine, en l'absence de grands
collectionneurs en France et compte tenu d'une relative atonie du
mécénat, l'Etat doit assumer une responsabilité
particulière. L'enrichissement de nos collections nationales comme le
maintien sur notre territoire des " trésors nationaux "
dépend, en effet, principalement des dotations budgétaires
susceptibles de leur être consacrées.
•
L'absence de progression des crédits d'acquisition en
2000
Les réponses fournies à votre rapporteur par le ministère
indiquent que "
la poursuite de la politique d'acquisition des
" trésors nationaux " ayant fait l'objet de certificats de
sortie du territoire demeure l'une des grandes priorités pour les
années à venir
". Cependant, les crédits
d'acquisition s'avèrent encore insuffisants pour acquérir des
oeuvres dont les prix dépassent bien souvent le budget annuel dont
disposent à ce titre l'Etat ou les collectivités locales. En ce
domaine, l'Etat ne semble guère avoir les moyens de ses ambitions.
Le tableau ci-dessous retrace l'origine et le montant des crédits
d'acquisition des musées nationaux depuis 1990.
ÉVOLUTION DEPUIS 1990 DES CRÉDITS
D'ACQUISITIONS
DESTINÉS AUX MUSÉES NATIONAUX
(au 1
er
novembre
1999)
|
SUBVENTIONS ETAT |
CREDITS RMN |
|
||||
ANNÉE |
Subvention annuelle chapitre 43-92
|
Fonds du
patrimoine Chapitre 43-92
|
Autres (1) |
Dotation RMN Chapitre 0655.71 |
Dons et legs affectés chapitre 657.12 |
" mécénat " chapitre 657.13 |
TOTAL |
1990 |
29,7 |
22,9 |
0,60 |
47,7 |
38,0 |
2,9 |
141,8 |
1991 |
16,5 |
8,40 |
0,50 |
46,4 |
1,6 |
2,6 |
76,0 |
1992 |
32,72 |
11 |
0,61 |
57,64 |
18,47 |
5,33 |
125,77 |
1993 |
16,56 |
1,50 |
0,30 |
40,55 |
3,81 |
7,04 |
69,76 |
1994 |
14,26 |
15 |
0,62 |
77,29 |
20,42 |
11,72 |
139,31 |
1995 |
7,28 |
9,3 |
0,20 |
55,0 |
6,3 |
9,7 |
87,6 |
1996 |
6,05 |
36,20 |
0,00 |
43,62 |
0,95 |
7,79 |
94,61 |
1997 |
7,87 |
55,75 |
0,05 |
26,51 |
37,13 |
14,87 |
142,18 |
1998 |
11,87 |
74,23 |
0,5 |
54,5 |
15,5 |
16,26 |
172,86 |
1999 |
11,87 |
33,4 |
0,5 |
50 |
25,8 |
13,2 |
134,77 |
(1)
Commission nationale de la photographie
Au cours des dernières années, l'origine du financement des
acquisitions des musées nationaux a été sensiblement
modifiée.
Jusqu'en 1995, les acquisitions étaient financées pour
moitié par la participation de la Réunion des musées
nationaux (RMN) et pour un tiers par des subventions budgétaires, le
solde provenant dans des proportions variables selon les années du
produit des dons, des legs et du mécénat.
A partir de 1995, les difficultés financières rencontrées
par la RMN du fait des mauvais résultats de ses activités
commerciales et du recul de la fréquentation l'ont conduite à
réduire sa participation au financement des acquisitions. Afin de
maintenir à un niveau satisfaisant le montant des crédits
disponibles, l'Etat a été amené à accroître
significativement sa contribution par le biais de la subvention annuelle
inscrite au chapitre 43-92 article 31 et, pour une plus large part, du fonds du
patrimoine.
L'effort consenti par l'Etat conjugué au redressement de la situation
financière de la RMN a permis dès 1997 d'enrayer la diminution
des crédits d'acquisition, évolution qui a été
confirmée en 1998 et en 1999.
En effet, les résultats très satisfaisants du plan de
redressement de la RMN ont rendu possible une progression de sa participation
qui s'est élevée en 1998 à 54,5 millions de francs sur un
montant total de crédits d'acquisition de 172,86 millions de francs et
en 1999 à 50 millions de francs sur un montant qui atteint, au
1
er
novembre 1999,
134,77 millions de francs.
L'effort accompli par l'Etat pour se substituer à la RMN, donc en
fait aux musées nationaux eux-mêmes, afin de maintenir les
crédits d'acquisition à un niveau satisfaisant ne sera pas
poursuivi en 2000.
L'augmentation de la subvention annuelle versée par l'Etat à la
RMN progresse sous le seul effet des mesures destinées à
compenser l'incidence de la gratuité dans les musées nationaux le
premier dimanche de chaque mois ; la part réservée aux
acquisitions s'élèvera comme en 1999 à 11,87 millions de
francs.
En ce qui concerne le fonds du patrimoine, après avoir progressé
de 8 % en 1999, ses dotations sont reconduites en 2000 en francs courants,
soit 105,25 millions de francs. On relèvera cependant que ce fonds
ne contribuera que pour 15 millions de francs aux acquisitions du futur
musée des arts et des civilisations, contre 25 millions de francs en
1999.
En tout état de cause, la contribution de la RMN, en dépit des
résultats satisfaisants au plan financier, ne devrait pas
connaître d'augmentation substantielle et ne pourra en aucun cas,
à elle seule, faire en sorte que les crédits d'acquisition
atteignent le montant nécessaire pour permettre aux trésors
nationaux dont le refus de certificat arrive à expiration d'entrer dans
les collections des musées nationaux.
•
Des crédits sans rapport avec les objectifs de la politique
d'acquisition
Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi
n° 92-1477 du 31 décembre 1992 régissant le
contrôle de la circulation des biens culturels a substitué un
mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un
certificat de libre circulation des biens.
Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union
européenne que pour son exportation vers un pays tiers, atteste qu'il ne
constitue pas un trésor national et peut dès lors sortir du
territoire. La durée de validité du certificat est de cinq ans.
En cas de refus, l'Etat dispose d'un délai de trois ans soit pour
acheter l'oeuvre, soit pour la classer au titre des monuments historiques. Si
au terme de ce délai de trois ans une nouvelle demande de certificat est
déposée et que l'Etat n'a ni acheté ni classé
l'oeuvre, le certificat ne peut être refusé.
Cette législation est conforme à nos obligations communautaires
et respectueuse autant qu'il est possible des droits des particuliers et de la
nécessité de ne pas entraver le commerce des oeuvres d'art.
Il en a été fait jusqu'ici une application libérale :
alors que les demandes concernent chaque année près de 4 500
oeuvres, seules 68 d'entre elles depuis l'entrée en vigueur de la loi de
1992 ont été déclarés " trésors
nationaux ", ce nombre ayant considérablement augmenté
à la fin de l'année 1998 du fait des refus de certificat
concernant la succession Dora Maar, pour des pièces dont la
majorité a été aussitôt acquise en dation.
Parmi les 68 " trésors nationaux ", 30 ont été
acquis pour les collections publiques ; 8 ont finalement reçu le
certificat après l'arrivée à échéance du
délai de trois ans fixé par la loi sans que l'Etat ait pu les
acquérir ; 13 autres n'ont fait l'objet d'aucune nouvelle demande
de certificat alors que le délai de trois ans était
expiré; 15 oeuvres sont toujours soumises à une interdiction
provisoire d'exportation ; enfin, un trésor national a
été classé au titre des monuments historiques par
décret du 3 septembre 1998.
Sur les trois trésors nationaux dont le refus de certificat arrivait
à échéance en 1999, un seul a pu être acquis par
l'Etat ; il s'agit du portrait de "
Berthe Morisot au bouquet de
violettes
" par Edouard Manet, acheté pour 80 millions de
francs en 1998 afin d'enrichir les collections du musée d'Orsay. Les
deux autres " trésors nationaux " n'ont pu être
acquis : ils étaient estimés respectivement à
200 millions de francs pour le portrait par Degas de "
la duchesse
de Montejasi et ses filles Elena et Camilla
" et à 250 millions
de francs pour le tableau de Cézanne "
le jardinier
Vallier
".
Depuis 1993, la valeur totale des trésors nationaux acquis par l'Etat ou
les collectivités locales s'élève à 258,85 millions
de francs. Cependant, ces acquisitions n'ont été financées
que pour 150,5 millions de francs par des crédits budgétaires et
pour 9 millions de francs par les collectivités territoriales. Pour 99,2
millions de francs, soit 38 %, ce qui représente une part non
négligeable, les acquisitions ont été
réalisées grâce à des dations, du
mécénat ou des dons. Ainsi, l'oeuvre la plus coûteuse, le
portrait de Mlle Juliette de Villeneuve par David, a été
acquise par le Louvre pour 35 millions de francs, la société
des amis du Louvre ayant contribué à hauteur de 19,5 millions de
francs, le mécénat pour 500 000 francs et l'Etat pour le
solde.
L'étroitesse de la marge de manoeuvre financière dont dispose
l'Etat a encore été accentuée par la jurisprudence Walter
(Cour de Cassation, 20 février 1996) qui a condamné l'Etat
à payer une indemnité très lourde en raison du classement
d'office d'une oeuvre de Van Gogh au titre de la loi de 1913.
Dorénavant, l'Etat ne dispose plus guère pour retenir une oeuvre
sur le territoire national, que du refus de certificat, solution par nature
provisoire, ou de l'acquisition, pour laquelle il ne dispose que de moyens
limités et qui exige par ailleurs qu'il parvienne à convaincre
les propriétaires de se dessaisir de leur bien, ce qui, faute de la
menace du classement, s'avère souvent difficile.
Un constat s'impose : dans un régime ouvert, la protection du
patrimoine repose sur la capacité de l'Etat à dégager des
fonds pour l'acquisition des oeuvres.
A cet égard, on regrettera que la réflexion sur les moyens de
diversifier les sources de financement n'ait pas jusqu'ici abouti. La
possibilité de consacrer une part des recettes de la Française
des jeux à l'acquisition de trésors nationaux, comme cela est
pratiqué en Grande-Bretagne par le biais du Heritage Lottery fund, se
heurte, en effet, à la réticence des services du ministère
des finances, réticence qu'il semble vain de vouloir ébranler.
Ce constat d'échec fait apparaître tout l'intérêt que
représente pour les collections nationales le mécanisme des
dations.
Cette procédure instituée par la loi du 31 décembre 1968
permet à "
tout héritier, donataire ou légataire,
d'acquitter les droits de succession par la remise d'oeuvres d'art, de livres,
d'objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou
historique
". Elle ne constitue ni une dépense fiscale ni une
dépense budgétaire mais un mode particulier de paiement de
l'impôt.
Le montant des dations en paiement ne vient pas s'imputer en loi de finances
initiale sur les crédits d'acquisition -ce qui, en dépit des
tentatives du budget pour modifier cette règle comptable, constitue un
des avantages de ce système et non le moindre- mais est constaté
en loi de règlement tant en recettes, au titre des impôts dont
elles permettent de s'acquitter, qu'en dépenses, sur le chapitre 43-94
du budget du ministère de la culture.
Après avis du comité consultatif des musées nationaux et
du conseil artistique des musées nationaux, la valeur des oeuvres est
appréciée par la commission interministérielle
d'agrément pour la conservation du patrimoine artistique national qui,
outre son président, est composée de deux représentants du
ministère de la culture et de deux représentants du
ministère des finances.
Au cours des dernières années, cette procédure a permis de
faire entrer dans les collections nationales des oeuvres qu'il aurait
été sans doute difficile pour l'Etat d'acquérir. C'est le
cas notamment en 1998 d'un ensemble d'oeuvres de Pablo Picasso provenant de la
collection Dora Maar qui avaient été déclarées
" trésors nationaux " et en 1999 d'un portrait d'Edouard
Manet, "
Berthe Morisot à l'éventail
", et d'un
tableau d'Auguste Renoir, "
l'enfant au chat
".
Le tableau ci-dessous indique la valeur et l'affectation des oeuvres
acceptées en dation depuis 1996.
VALEUR
DES OEUVRES ACCEPTÉES EN DATION DE 1996 À 1999
(en millions
de francs)
Années |
Valeur totale |
dont Musées nationaux |
dont
Musée national
|
1996 |
34,17 |
22,64 |
3,16 |
1997 |
169,50 |
100,86 |
67,74 |
1998 |
89,76 |
74,68 |
0,00 |
1999, 1 er semestre |
112,91 |
85,79 |
22,60 |
TOTAL |
406,34 |
283,97 |
93,50 |
Le rapport Aicardi 5( * ) avait déjà en son temps souligné l'opportunité d'une extension de la dation aux impôts autres que les droits de succession, proposition à laquelle il n'a jamais été donné suite.