PREMIÈRE PARTIE -

PANORAMA DES DÉPARTEMENTS
ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Dans son rapport annuel sur la situation économique des départements d'outre-mer, l'Institut d'émission d'outre-mer semble indiquer que l'activité économique en 1998 était plutôt bien orientée ; mais le rapport souligne surtout la dégradation très forte de la situation de l'emploi, l'augmentation du nombre des interdits bancaires, ainsi que la progression des bénéficiaires du Revenu minimum d'insertion (RMI), ce qui témoigne de la dégradation générale du climat social.

Les analyses récentes proposées à l'occasion du déplacement du Premier ministre dans les Antilles, en octobre 1999, soulignent le caractère explosif de la situation de l'outre-mer : une production locale inexistante, une chute importante des exportations, mais une consommation des ménages très forte permise par d'importantes facilités de crédits à la consommation, ainsi que par le pouvoir d'achat des fonctionnaires bénéficiaires de surrémunérations.

L'activité économique de l'outre-mer reste donc largement tributaire de la métropole, mais ces transferts publics de plus en plus importants n'arrivent plus à endiguer la dégradation du climat social.

TRANSFERTS PUBLICS ET PRIVÉS

en millions de francs

 

1995

1996

1997

1998

Transferts publics nets (vers les DOM)

33 883

35 865

39 000

36 458

Transferts privés nets (vers la métropole)

-33 632

-35 257

-38 513

-34 848

Solde transferts nets

251

608

487

1 610

Source : Institut d'émission des département d'outre-mer

S'agissant des territoires d'outre-mer, le rapport relève d'assez fortes divergences d'évolution entre les économies des différentes entités, notamment à cause de la crise mondiale du nickel pour la Nouvelle-Calédonie. Les résultats positifs constatés restent majoritairement dus au niveau satisfaisant de la commande publique, mais il n'en faut pas moins souligner que les performances économiques s'améliorent, comme en atteste le climat social.

I. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PRÉOCCUPANTE DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

A. LA MARTINIQUE : UNE CROISSANCE SOUTENUE PAR LA DEMANDE INTÉRIEURE, MAIS MARQUÉE PAR LA PRUDENCE DES ENTREPRISES

En 1998, l'économie du département s'inscrit dans un cycle apparent de croissance, très largement soutenu par la reprise de la consommation des ménages à l'issue de la crise de la banane. Mais cette progression dissimule des disparités sensibles si on en juge par l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi, des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée.

A contrario, le comportement des chefs d'entreprises reste caractérisé par une très grande prudence, en raison de la forte concurrence des importations, des effets des conflits sociaux et des inquiétudes quant à l'avenir de mécanismes protecteurs tels que le régime de défiscalisation, l'octroi de mer et les mécanismes européens de soutien en agriculture.

1. L'activité des principaux secteurs économiques a globalement progressé

En matière agricole, la valeur de la production agricole finale s'élève à 1.941,7 millions de francs en 1997, en hausse importante pour la deuxième année consécutive (+ 15,9 % après + 7,3 % en 1996).

Ceci résulte encore pour l'essentiel de la croissance de la valeur du produit banane. Ainsi, en 1997, les exportations ont-elles fortement progressé (271.112 tonnes contre 249.733 tonnes en 1996). Mais les exportations ont à nouveau diminué en 1998 en raison d'une grève des ouvriers agricoles en décembre 1998 et janvier 1999. De plus, la bonne tenue des cours, enregistrée en 1997 et 1998 a permis de masquer les difficultés économiques des exploitations, mais en 1999 celles-ci sont à nouveau confrontées à de graves problèmes de trésorerie, compte tenu de l'important sur-approvisionnement du marché européen au printemps et des menaces pesant sur l'OCM banane.

Malgré l'augmentation de la quantité de canne livrée, la production de sucre locale a baissé de 10 % pour s'établir à 6.534 tonnes. La production globale de rhum a légèrement baissé en 1998, pour atteindre 68.716 hectolitres, soit - 1,9 %, mais les ventes vers la métropole ont enregistré une hausse sensible qui résulte notamment de l'impact positif de l'appellation d'origine contrôlée attribuée en novembre 1996, mieux relayée par des campagnes de communication menées par l'interprofession et par les opérations de promotion réalisées par les sociétés de négoce et de distribution.

En 1997, les productions vivrières fruitières et florales -autres que banane, canne à sucre, ananas-, représentent 25 % de la production agricole finale, contre 29 % en 1996 et 36 % en 1995. Ce type de production reste très gravement menacé par la concurrence de pays tiers -Caraïbes, pays d'Amérique centrale- dont les coûts de main d'oeuvre sont moins onéreux et qui bénéficient d'accords commerciaux privilégiés avec l'Union européenne.

Après l'amélioration constatée en 1997, qui s'explique pour partie par la tenue des élections régionales, l'activité du bâtiment a légèrement diminué en 1998, surtout dans le secteur des grands chantiers et des travaux publics.

L'activité touristique continue de progresser, puisque la dépense touristique totale a augmenté de 3,9 % par rapport à 1997 pour s'établir à 1.691 millions de francs.

Le nombre de touristes de séjour continue de progresser -550.000 contre 513.000 en 1997- mais on constate un net recul de la durée moyenne de séjours (3, 6 jours, contre 4 en 1997). Plusieurs faits ont contribué également à ternir l'image de marque de la Martinique en 1998, notamment en raison de la persistance de conflits sociaux durs comme celui du Club Méditerranée de Saint-Anne en novembre 1998. S'agissant du tourisme de croisière, qui représente 400.000 personnes, on constate une certaine désaffection à l'égard de la Martinique au profit des autres îles des Caraïbes, se traduisant par une diminution du nombre d'escales de paquebots. Sur les sept premiers mois de 1999, le nombre de croisiéristes a reculé de 27 % et le nombre des escales de 10 % par rapport à la même période en 1998 ; mais cette forme de tourisme ne représente que 3 % des dépenses touristiques en Martinique .

En revanche, le tourisme de plaisance, qui attire une clientèle aux origines géographiques très diversifiées, a connu une certaine reprise en 1998 (+ 4,1 % avec 44.100 plaisanciers en 1998), ce qui a eu des effets bénéfiques sur l'activité locale (commerce de proximité, entretien des bateaux, location d'anneaux).

Le secteur industriel contribue pour 10,9 % à la valeur ajoutée brute de la Martinique, avec un chiffre d'affaires global évalué à 5,4 milliards de francs. Ce secteur a bénéficié des dispositifs fiscaux favorables issus des lois " Pons " ou " Perben " pour moderniser leurs équipements. Le secteur artisanal reste lui aussi dynamique, même si les immatriculations au Répertoire des métiers diminuent en 1997. Il faut noter que c'est le secteur industriel qui a été le plus atteint par le conflit social survenu dans le port de Fort de France à partir de fin novembre 1998.

S'agissant du secteur bancaire, votre rapporteur pour avis se félicite du plan de sauvetage du Crédit martiniquais, annoncé fin octobre 1999 par le premier ministre. Il était, en effet, impensable que cette banque disparaisse, compte tenu de son importance pour le développement économique de l'île et, plus largement, des Antilles :

- les activités " saines " de la banque d'outre-mer vont être reprises par la Bred-Banques populaires, ce qui permet à celle-ci d'ajouter 14 agences en Martinique, 4 agences en Guadeloupe et 2 en Guyane à son propre réseau, déjà constitué de 17 agences dans l'espace " domien ", et de renforcer ainsi son implantation outre-mer ;

- les créances douteuses, qui atteignent 1 à 1,2 milliard de francs vont être prises en charge " à titre préventif " par le Fonds de garantie des dépôts (FGD) institué par la loi épargne et sécurité financière.

2. Une dégradation des indicateurs sociaux

Paradoxalement, en dépit d'une évolution satisfaisante du volume d'activité des entreprises, les chiffres de l'emploi se sont fortement dégradés. Le nombre de demandeurs d'emplois s'établit à 49.993 fin décembre 1998, soit une hausse de 11,3 % sur un an. Ainsi, le taux de chômage dépasserait 30,3 % de la population active en 1998. Par ailleurs, le nombre de chômeurs de longue durée a fortement progressé (+ 18,4 % contre - 2,2 % en métropole) et désormais il représente 59 % des demandeurs d'emplois.

Enfin, le nombre de personnes couvertes par le RMI a augmenté de 13,4 % par rapport à 1997 pour s'établir à 45.993 personnes, soit 12 % environ de la population.

3. Une légère amélioration de la balance commerciale.

Quoique structurellement déséquilibré, le déficit commercial s'est quelque peu réduit en 1997, atteignant - 8.305 millions de francs, soit une baisse de 4 %. Cette évolution a été rendue possible par la stabilisation des importations et une forte hausse des exportations. Ainsi le taux de couverture des importations par les exportations continue-t-il de s'améliorer en atteignant 16,9 % en 1998.

BALANCE COMMERCIALE

(millions de francs)

 

1994

995

1996

1997

1998

Variations

1998/1997

(en %)

Importations CAF

9 092

9 801

10 083

9 855

9 997

+ 1 %

Exportations FAB

1 216

1 203

1 086

1 179

1 692

+ 43 %

Solde commercial

- 7 876

- 8 598

- 8 997

- 8 676

- 8 305

- 4 %

Taux de couverture (importations/exportations)

13,4 %

12,3 %

10,8 %

12,0 %

16,9 %

 

Source : Direction générale des douanes

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