VI. L'IMPASSE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE FISCALE
A. LE CHOIX TARDIF ET MAL ASSUMÉ DES BAISSES D'IMPÔTS
1. Une conversion contrainte par l'envolée des prélèvements fiscaux
Alors
que la France connaît depuis maintenant 4 années une
période de forte croissance,
le gouvernement n'a fait que très
tardivement le choix de baisser les impôts
, après avoir
atteint les limites de l'acceptable pour les contribuables en 1999 (70 % de
l'augmentation de la richesse nationale aura été cette
année, captée par la sphère publique).
Il faut rappeler que notre pays a connu une augmentation significative des
prélèvements fiscaux sur la période 1997-2001.
Le produit fiscal net aura ainsi augmenté de 29 milliards d'euros
(190 milliards de francs) sur la période 1997-2001
, malgré le
transfert d'importantes recettes pour le financement de la
Sécurité sociale (13 milliards d'euros de recettes fiscales
alimentent désormais la Sécurité sociale).
Evolution du produit fiscal net
(en
milliards d'euros)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Révisé 2001 |
2001/1997 |
2001/1997 en % |
|
Produit fiscal net |
216,0 |
221,4 |
238,7 |
240,0 |
245,0 |
29,0 |
+ 13,4% |
Evolution du produit fiscal net 1997-2001
(en milliards d'euros)
Compte tenu des transferts de l'Etat à la
Sécurité sociale, de la création ou de la modification de
prélèvements spécifiques à la sphère
sociale, les prélèvements obligatoires apparaissent toutefois
comme l'indicateur le plus pertinent de l'évolution des charges fiscales
et sociales pesant sur les entreprises et sur les ménages
.
Ces prélèvements auront augmenté de 16,4 % sur la
période 1997-2001 soit 92,6 milliards d'euros en valeur (607
milliards de francs).
Evolution du montant des prélèvements obligatoires
(en
milliards d'euros)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Révisé 2001 |
1997/2001 |
1997/2001 |
|
Total PO |
562,3 |
584,5 |
615,6 |
634,3 |
654,9 |
92,6 |
+ 16,4 % |
Source : rapport économique, social et financier pour 2002
Evolution des prélèvements obligatoires
1997-2001
(en milliards d'euros)
C'est donc dans le contexte d'une forte pression fiscale et sociale que le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé
un plan de baisses d'impôts en août 2000, avec des premières
mesures dans le projet de loi de finances pour 2001.
Mais, le gouvernement a choisi le « saupoudrage » plutôt que la
réforme, au risque d'ailleurs d'oublier de nombreux Français et
de fragiliser encore la compétitivité des entreprises.
2. Un programme fiscal sans orientation claire
La multiplication des mesures fiscales montre l'hésitation du gouvernement sur les arbitrages fiscaux à réaliser, comme en témoigne la liste - non exhaustive - de tous les impôts concernés par des baisses et celle des objectifs poursuivis.
Le programme fiscal du gouvernement
|
Réduction des inégalités/distorsions |
Soutien du pouvoir d'achat |
Soutien de l'emploi |
Soutien de l'investissement |
TVA |
x |
X |
x |
|
IR |
x |
X |
|
|
IS |
|
|
|
x |
Prime pour l'emploi |
x |
X |
x |
|
TP |
x |
|
x |
|
TH |
x |
X |
x |
|
DMTO |
x |
|
x |
x |
Vignette |
|
X |
|
|
Source : rapport du gouvernement préparatoire
au DOB
2002
Le choix du gouvernement n'était pas celui de la réforme.
Pour preuve, il n'a pas touché aux caractéristiques
fondamentales de notre système fiscal : des assiettes
étroites à taux élevé (impôt sur le revenu,
impôt de solidarité sur la fortune), une progressivité
excessive de l'impôt sur le revenu qui le rend spoliateur et
décourage l'initiative, l'empilement d'impôts sur une même
assiette (impôts sur le patrimoine notamment).
L'impôt sur le revenu est un cas exemplaire.
L'impôt sur le revenu : en attendant la
réforme...
L'allègement de l'impôt sur le revenu a
été présenté comme la mesure
« phare » du programme de baisses d'impôt du
gouvernement.
Or,
la France a l'impôt sur le revenu le plus archaïque qui
soit.
Bien que le taux marginal maximum de l'IRPP reste l'un des plus
élevés du monde, sa part dans le total des recettes fiscales est
l'une des plus faibles car la moitié seulement des Français
paient cet impôt.
La part de l'impôt sur le revenu dans le total des recettes fiscales
représente 17,4 % en France, contre 25 % en Allemagne, 27,5 % au
Royaume-Uni et 40,5 % en Grande-Bretagne (Source : OCDE - 1998).
La vraie réforme consisterait à élargir l'assiette de
l'IR et à en réduire le taux
. De nombreux pays ont fait cette
démarche dans les années passées. La loi de 1986 (Tax
reform Act) aux Etats-Unis a permis de réduire considérablement
les taux d'imposition en compensant par un élargissement de l'assiette
des impôts (suppression des abattements et déductions,
intégration des gains en capital dans le revenu imposable), la
Grande-Bretagne a fait de même au cours des années 80. L'Allemagne
a également entrepris une vaste réforme de l'impôt sur le
revenu, consistant à en élargir l'assiette et à en
réduire le taux, en trois étapes (1986,1988,1990). Très
récemment, l'Allemagne a mis en oeuvre une réforme,
adoptée définitivement en juillet 2000, ramenant le taux plancher
de l'impôt sur le revenu à 15 % d'ici à 2005. Les Pays-Bas
ont également mené une réforme en 1990 afin
d'élargir la base et réduire les taux d'imposition. De son
côté, la France refuse une réflexion approfondie sur ce
sujet.