B. LA SUPPRESSION DES IMPÔTS LOCAUX ENTRAÎNE UNE RIGIDIFICATION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT
1. D'importants transferts de charges vers le contribuable national, qui n'allègent pas la pression fiscale globale
Le
gouvernement mène une politique de réduction du pouvoir fiscal
des collectivités locales, par suppression totale ou partielle de
certains impôts (taxe professionnelle, taxe d'habitation, vignette,
droits de mutation des régions) ou par suppression de la
possibilité pour les collectivités de voter les taux de certains
impôts (droits de mutation des départements).
Cette politique ne se traduit pas par un allégement de la pression
fiscale mais par un transfert de charge du contribuable local vers le
contribuable national
, puisque l'Etat verse aux collectivités des
compensations budgétaires.
Le contribuable national n'est pas forcément conscient que
l'augmentation des dépenses de l'Etat qui en résulte aurait pu se
traduire par une baisse de ses impôts. Le contribuable local, en
revanche, se satisfait de l'allégement de ses prélèvements.
Le coût de cette politique est particulièrement
élevé pour le budget de l'Etat : le montant des compensations
d'exonérations fiscales versées par l'Etat est passé de
4,53 milliards d'euros (29,71 milliards de francs) en 1998 à 16,49
milliards d'euros (108,17 milliards de francs) pour l'année 2002.
Evolution du montant des compensations et des dotations entre 1998 et 2002
(en millions d'euros)
NB : le montant des compensations tient compte de la compensation de la suppression de la vignette et de la réforme des droits de mutation à titre onéreux, qui figurent au sein de la DGD des départements. Ces montants sont déduits de celui des dotations.
2. Depuis 1998, 85 % de l'augmentation des concours pour financer les compensations
Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit que l'Etat consacrera 16,49 milliards d'euros (108,17 milliards de francs) à remplacer des ressources fiscales locales par des ressources budgétaires. Ce montant a été multiplié par 3,6 depuis 1998 : il s'élevait alors à 4,53 milliards d'euros (29,71 milliards de francs). Il augmentera encore de 23,3 % entre 2001 et 2002, sous l'effet de la réforme de la taxe professionnelle.
Evolution des compensations d'exonérations
fiscales
(en millions d'euros)
Compensations |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
41-51-50 Contrepartie de l'exonération d'impôt foncier |
68,6 |
45,0 |
30,5 |
107,9 |
96,0 |
41-51-80 Contrepartie de l'exonération de taxes sur les propriétés non bâties |
3,8 |
3,8
|
3,8
|
3,8
|
4,0
|
41-23 Compensation aux départements des réductions de taxe de publicité foncière |
|
|
|
|
|
41-55 Dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières |
|
|
|
|
|
DCTP |
2 643,9 |
2 107,6 |
1 814,0 |
1 755,9 |
1 544,0 |
Exonérations fiscalité locale |
1 814,1 |
1 827,9 |
1 917,5 |
1 946,5 |
1 918,0 |
Suppression de la part salariale de la TP |
|
1 798,9 |
3 483,5 |
5 389,1 |
7 804,0 |
Total |
4 533,5 |
6 556,8 |
8 034,2 |
10 132,7 |
13 187,3 |
Total avec compensation DMTO et vignette des départements |
4 534,0 |
7 060,0 |
9 239,0 |
13 379,0 |
16 493,0 |
Au terme de la réforme de la taxe professionnelle, lorsque l'Etat compensera la suppression de l'intégralité de la part « salaires » de l'assiette de cet impôt, le montant des compensations d'exonérations d'impôts locaux sera supérieur à celui de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Coût de la réforme de la taxe professionnelle pour l'Etat
(en milliards d'euros)
Incidence cumulée |
2000 |
2001 |
2002 |
Compensation de la part « salaires » aux collectivités |
- 4,04 |
- 5,78 |
- 8,07 |
Perte de recettes au titre des frais d'assiette et de dégrèvement |
- 0,31 |
- 0,46 |
- 0,66 |
Baisse du montant des dégrèvements |
+ 0,20 |
+ 0,28 |
+ 0,36 |
Diminution de la compensation REI |
+ 0,39 |
+ 0,39 |
+ 0,39 |
Impact compte d'avances aux collectivités locales |
+ 0,27 |
+ 0,32 |
+ 0,43 |
Recettes supplémentaires d'impôt sur les sociétés et gains sur les dividendes |
+ 0,43 |
+ 0,86 |
+ 1,44 |
Baisse du coût du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée |
+ 0,00 |
+ 0,03 |
+ 0,23 |
Relèvement de la cotisation de péréquation |
+ 0,41 |
+ 0,47 |
+ 0,52 |
Relèvement de la cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée |
+ 0,23 |
+ 0,35 |
+ 0,50 |
TOTAL |
- 2,42 |
- 3,54 |
- 4,86 |
Source : ministère de l'économie
Votre rapporteur général s'inquiète de cette
progression rapide des dépenses de transfert de l'Etat, d'autant plus
que les compensations d'exonérations fiscales constituent des
dépenses difficilement compressibles,
même si le
ministère des finances a su par le passé faire la preuve de sa
grande imagination en ce domaine. Il est clair que
cette évolution ne
va pas dans le sens d'une amélioration de son solde primaire
.
Il convient de remarquer ainsi que les dépenses de transfert de l'Etat
vers les collectivités locales sont devenues largement
supérieures aux crédits figurant dans le budget du
ministère de la défense pour l'année 2002.
On rappellera par ailleurs que cet accroissement des dépenses de l'Etat
ne se traduit pas par une augmentation des ressources des collectivités
locales puisqu'il s'agit de remplacer une recette par une autre.
Enfin, il faut s'interroger sur la logique d'une politique consistant à
consacrer depuis 1998,
85 % de l'augmentation des dépenses de
l'Etat en faveur des collectivités locales à remplacer les
anciennes ressources fiscales desdites collectivités par des concours
budgétaires
47(
*
)
,
tandis que seulement 15 % ont servi à augmenter le montant des
dotations de l'Etat aux collectivités locales. De 1998 à 2002,
les dotations de l'Etat ont augmenté de 8,3 %, tandis que le
montant des compensations était multiplié par 3,6. Par ailleurs,
le montant des dégrèvements s'est réduit, sur la
même période, passant de 8.979 millions d'euros
(58.898,4 millions de francs) à 8.264 millions d'euros
(54.208,3 millions de francs).
Utilisation de l'augmentation du montant des concours
financiers
versés par l'Etat aux collectivités locales entre 1998 et 2002
Les dotations versées en contrepartie de la suppression de la vignette et des droits de mutation à titre onéreux sont intégrées ici dans la partie « compensations », leur origine étant la suppression d'impôts perçus par les collectivités locales.