CHAPITRE PREMIER
BILAN GLOBAL DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
1997-2002
I. TITRE III : UN OBJECTIF GLOBALEMENT ATTEINT EN TERMES D'EMPLOIS BUDGÉTAIRES, POUR UN COÛT SENSIBLEMENT SUPÉRIEUR AU CALIBRAGE INITIAL
La loi
de programmation militaire 1997-2002 a organisé le passage progressif
d'une armée mixte, au sein de laquelle les appelés occupent une
part importante, à une armée professionnelle, composée de
militaires de carrière ou sous contrat et de jeunes volontaires.
Cet objectif a été globalement atteint.
A. LE FORMAT PRÉVU POUR 2002 SERA GLOBALEMENT ATTEINT
1. Un objectif atteint à 1 % près
Sur la
période 1997-2002, il était prévu une diminution globale
des effectifs (appelés compris) de moins 23,2 %.
Celle-ci résultait de deux évolutions : d'une part, la
suppression des appelés
(201.498 postes) et la
déflation des postes d'officiers et de sous-officiers
, d'autre
part la professionnalisation des forces armées par la
création
de 47.975 postes de militaires du rang
(MDR), de
27.171
volontaires
et de 9.276
civils
.
Avec le projet de budget pour 2002, dernier de la programmation, cet objectif
est quasiment atteint. Les effectifs budgétaires du ministère de
la Défense (hors comptes de commerce) s'établissent, pour 2002,
à 436.221 emplois, contre 440.206 prévus en loi de
programmation militaire. Ceci correspond à un léger
déficit de l'ordre de 4.000 postes budgétaires, soit moins
de 1 % de la cible visée.
2. Vingt-cinq mille suppressions de postes par an pendant cinq ans
Le
projet de budget pour 2002 conduit globalement à la suppression nette de
9.922 emplois, dont les 22.818 derniers appelés.
L'annuité 2002 est la plus limitée en matière de
réduction d'effectifs, après une moyenne de
25.000 suppressions de postes par an durant les cinq premières
années de la professionnalisation.
Hors appelés, le solde des créations et suppressions d'emplois
est de + 12.896, soit une augmentation des effectifs de la Défense
nettement supérieure à celles rencontrées durant les cinq
premières années de professionnalisation (évolution
moyenne par an hors appelés de 10.300 postes).
B. LES SITUATIONS CATÉGORIELLES TRADUISENT DES RÉUSSITES MÉLANGÉES
1. Militaires du rang : une réalisation quasi parfaite
Le
budget 2002 prévoit la création de 8.141 postes de
militaires du rang, finalisant ainsi les ouvertures de postes
nécessaires à la professionnalisation.
Entre 1996 et 2002, les effectifs budgétaires de militaires du rang
auront plus que doublé, passant de 44.552 en 1996 à 92.184 en
2002, soit une création de 47.632 emplois.
Sur l'ensemble de la programmation, ces créations concernent surtout
l'armée de Terre (+ 35.268 postes) et l'armée de l'Air
(+ 11.286 postes).
2. Officiers et sous-officiers : des situations légèrement divergentes
Les effectifs de sous-officiers seront légèrement supérieurs (+ 0,6 %) à la cible fixée par la loi de programmation militaire, essentiellement en raison de la création, avérée nécessaire en cours d'exécution, de postes supplémentaires dans la Gendarmerie et le service de Santé. Les effectifs d'officiers sont à peu près réalisés.
a) Les sous-officiers : créations supplémentaires dans la Gendarmerie et au service de Santé des armées.
La loi
de programmation prévoyait une déflation de 15.532 postes de
sous-officiers sur 6 ans (2.600 postes par an en moyenne) ;
compte-tenu des mesures arrêtées au budget 2002,
14.312 déflations auront été effectuées sur la
période.
Les effectifs budgétaires de sous-officiers atteindront donc
200.156 postes en 2002 contre 199.296 prévus en loi de
programmation, soit
1.110 postes de plus
.
Cette situation résulte notamment de la création, en 2001 et
2002, de 1.405 postes de gendarmes hors programmation et, en 2002, de
200 postes de militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des
armées (MITHA) supplémentaires, permettant au service de
Santé de renforcer ses effectifs hospitaliers.
Par ailleurs, la réforme de la scolarité de l'école
Polytechnique a transformé le statut administratif des
400 élèves officiers de la 3
ème
année en le rattachant au corps des sous-officiers, comme c'est le cas
des élèves officiers des autres écoles militaires.
Ces créations de postes sont partiellement compensées par
d'autres mesures telles que la transformation, à la demande de
l'armée de l'Air et de la Marine, de postes de sous-officiers en postes
d'officiers.
b) Les officiers : quasiment le format prévu
La loi
de programmation militaire prévoyait une déflation totale de
267 postes, toutes armées confondues, sur la période
1997-2002. En 2002 les effectifs budgétaires s'établiront
à 37.738 postes, soit un
déficit de 451 postes
par
rapport aux prévisions.
La raison principale de cet écart est due aux élèves de
3
ème
année de l'école Polytechnique, qui,
administrativement, passent de la catégorie
« officiers » à la catégorie
« sous-officiers ». Les 51 autres postes, qui
représentent le déficit réel, constituent le solde de
diverses mesures d'ajustement, à la hausse ou à la baisse, durant
les six annuités d'exécution de la programmation.
Cette situation générale recouvre des évolutions beaucoup
plus divergentes entre les armées et la Gendarmerie. Au total, de 1996
à 2002, 1.669 postes d'officiers auront été
supprimés dans l'armée de Terre, 439 postes dans
l'armée de l'Air, et 27 postes dans la Marine. A l'inverse, les
effectifs d'officiers auront augmenté dans la Gendarmerie
(1.353 postes).
3. Volontaires et effectifs civils : déficit de recrutement
a) Les effectifs civils : moins 2.028 postes
La loi
de programmation militaire prévoyait une croissance forte des effectifs
civils sur la période, ceux-ci devant passer de 73.747 postes en
1996 à 83.023 en 2002, soit environ 10.000 postes
supplémentaires.
Cette évolution avait pour objet de transférer, sur des emplois
de personnel civil, des fonctions à caractère administratif ou
technique auparavant tenues par du personnel militaire, ce dernier étant
désormais réorienté vers des fonctions
opérationnelles.
La comparaison des effectifs civils prévus au budget 2002 avec les
effectifs inscrits en programmation, fait apparaître un
déficit
de 2.028 postes
, résultant de mesures hors programmation,
inscrites au budget depuis 1997, qui modifient le périmètre de la
Défense. Les mesures d'adaptation des moyens aux besoins
représentent en effet un écart négatif de 3.240 emplois.
Le chiffre global résulte de variations positives et négatives.
Ainsi, le total de mouvements de transferts aboutit à un solde positif
de 3.982 emplois résultant principalement de l'intégration
du secrétariat d'État aux Anciens combattants en 2000
(+ 1.980 postes), de la mesure de budgétisation de la
Direction des constructions navales étatique (+ 1.468 postes
de personnels civil) ainsi que de la titularisation des personnels sous contrat
de droit privé dits « Berkani ».
Ce solde positif est compensé par différentes mesures
d'adaptation aux structures (- 2.770 emplois), dont la « revue
de programmes » (- 1.575 emplois à la DGA et
à l'état-major de la Marine) et l'abandon du rendez-vous citoyen
(- 750 emplois).
Il est également compensé par les diverses mesures d'adaptation
des effectifs aux besoins (- 3.240 emplois), qui recouvrent notamment le
développement de la sous-traitance, par redéploiement des
crédits correspondant à 1.620 emplois, et des mesures de
transformation d'emplois et de repyramidage visant à ajuster les emplois
budgétaires aux besoins identifiés en gestion.
Il correspond aussi à de réelles difficultés de
recrutement, et surtout de fidélisation des recrues, notamment dans
certains secteurs comme le transport, « les métiers de
bouche » et la surveillance.
b) Les volontaires : l'objectif n'est pas atteint
Les
volontaires constituent une composante à part entière de
l'armée professionnelle depuis la
loi n° 99-894 du
22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du
service de défense
.
Disposant d'un statut militaire à part entière, les volontaires
en service dans les Armées, dans la Gendarmerie nationale et dans les
Services communs des armées font partie intégrante des effectifs
militaires et peuvent occuper des emplois opérationnels ou techniques
très diversifiés et des fonctions de soutien ou à
caractère scientifique. Outre-mer, les volontaires servent dans les
unités du service militaire adapté (SMA).
La loi de programmation a fixé à 27.171 les postes de volontaires
pour 2002. Les premières créations sont intervenues au budget
1999, 6.500 postes ont été créés en 2000 et
7.000 postes en 2001. Le projet de budget pour 2002 prévoit la
création de 6.538 postes nouveaux, dont 4.178 pour la
gendarmerie et 2.360 pour les armées, soit un total de
24.788 postes créés sur la période, permettant ainsi
d'atteindre 91 % de la cible fixée par la loi de programmation.
La Gendarmerie bénéficie donc de la majorité des emplois
créés sur la période (15.203 postes soit
61 %) ; ces emplois s'avèrent en effet indispensables à
la réalisation du
Plan de redéploiement et de renforcement des
unités territoriales
.
En 2001, le recrutement de volontaires dans les forces armées se
poursuit malgré une baisse du taux de sélection. Au
1
er
août 2001, les 18.250 postes ouverts pour la
Défense, dont 11.025 pour la Gendarmerie nationale, ont
été honorés à 78 % seulement.
Au total, la réalisation des effectifs de civils et de volontaires
n'a pas été aussi rapide que souhaitée. Cet écart
non négligeable par rapport aux objectifs est lié à la
reprise du marché civil de l'emploi, à la nécessité
de disposer d'un certain niveau de formation initiale et à la
spécificité de la condition militaire, dont les contraintes sont
évidemment peu concurrentielles à l'époque des
35 heures.
4. Des résultats contrastés selon les armées.
D'une façon générale, les forces armées devraient atteindre leurs formats respectifs. Cette évolution globale masque toutefois des différences entre les armées : une réalisation supérieure à l'objectif pour la Gendarmerie (100,3 %), proche de l'objectif pour l'armée de l'Air (98 %) et sensiblement inférieure pour l'armée de Terre (97,4 %) et la Marine (96,4 %).
C. LES FACTEURS INÉLUCTABLES DE PROGRESSION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT
La
croissance plus forte que prévue des dépenses du
titre III
, qui a dû être financée par des
prélèvements croissants sur le
titre V
, résulte
exclusivement de celle du poste rémunérations et charges sociales.
Ainsi, sur la période de programmation, les crédits de
rémunérations et charges sociales ont augmenté en valeur
de 1,8 milliard de francs (près de 12 milliards de francs),
soit une progression de 15,2 %, deux fois supérieure à celle
de l'ensemble du titre III.
Celle-ci est liée à plusieurs facteurs, qui recouvrent à
la fois une relative sous-estimation du coût de la professionnalisation
des armées, la non-prise en compte de l'impact des mesures
générales fonction publique et le poids récurrent de la
participation de la France à des opérations militaires sur les
théâtres extérieurs (OPEX).
1. Le coût de la professionnalisation des armées
Au
total, sur la période 1997-2002, le coût des mesures
d'accompagnement de la professionnalisation aura représenté, pour
les seuls crédits de rémunérations et de charges sociales
et hors « mesures d'effectifs » -aides au départ,
reconversion, réserves, sous-traitance, mensualisation des militaires du
rang et des élèves officiers-, un total de 155 millions
d'euros (plus de 1 milliard de francs). Ceci correspond à moins de
10 % de l'augmentation totale du poste rémunérations et
charges sociales sur la période (en loi de finances initiale).
L'effet des « mesures d'effectifs » de la programmation,
c'est-à-dire le solde net des mesures de créations de postes de
civils, militaires du rang et volontaires, et des suppressions de postes de
sous-officiers, d'officiers et d'appelés, s'élève pour sa
part à 297,2 milliards d'euros (soit 1,95 milliard de francs),
ce qui explique 16,5 % de l'augmentation du poste
rémunérations et charges sociales sur la période.
Au total, l'effet « professionnalisation »
représente 451 millions d'euros (2,96 milliards de francs),
soit le quart de l'augmentation du poste RCS.
2. L'impact des mesures générales fonction publique
Sur la
période 1997-2002, l'ensemble de ces mesures peut être
évalué à 815 millions d'euros (5,4 milliards de
francs), hors mesures catégorielles, prise en compte du GVT et accords
salariaux spécifiques.
Ceci correspond à 45 % de l'augmentation totale du poste
rémunérations et charges sociales sur la période
(en
loi de finances initiale).
3. Les modifications de périmètre
Les
changements de périmètre non prévus, voire exclus par la
programmation, ont représenté, sur la durée de la
programmation, 471 millions d'euros (3,09 milliards de francs), soit
un peu plus du quart (26,2 %) du total de la progression du poste
RCS
.
Il s'agit notamment des
mesures de budgétisation de DCN
, des
gendarmes d'autoroutes
, de la
cotisation patronale au Fonds
spécial des ouvriers industriels de l'Etat
, de la
CSG
, et de
l'intégration du
secrétariat d'Etat aux Anciens
combattants
.
4. La participation à des opérations militaires sur des théâtres extérieurs (OPEX)
A ce
titre, le surcoût des dépenses de fonctionnement, financé
en totalité en cours d'exécution par prélèvement
sur le titre V, a atteint en moyenne 450 millions d'euros par an
(près de 3 milliards de francs), soit, sur l'ensemble de la
période 1997-2002, l'équivalent du coût d'un second
porte-avions nucléaire.
De fait, sur la durée de la programmation, ces dépenses ont
été croissant : 286 millions d'euros en 1998,
447 millions d'euros en 1999, 438 millions d'euros en 2000 et
422 millions d'euros en 2001 (estimation au 30 juin).
L'essentiel de la charge est lié à la présence
française en Macédoine et au Kosovo, où 5.891 hommes
sont présents, ainsi qu'en Bosnie et Croatie, avec 2.823 hommes sur le
terrain. La France est également présente sur d'autres
théâtres, notamment au Tchad, en Centrafrique et au Liban. Au
total 10.750 soldats et gendarmes, soit plus de 3 % des effectifs
sont mobilisés pour les opérations extérieures.
Il avait été établi lors de la loi de programmation
militaire que l'ensemble des dépenses liées aux opérations
extérieures « courantes » seraient financées
sur le budget « courant », seules les dépenses
réellement « imprévues » étant
couvertes en cours d'exécution par des crédits
supplémentaires.
Cette règle doit être respectée, s'agissant
d'opérations récurrentes et répertoriées, au moins
à hauteur d'un socle de l'ordre de 300 millions d'euros.
Non conforme à l'esprit de l'ordonnance organique, le financement
constant en cours d'exécution des dépenses du titre III, par
prélèvement sur les crédits du titre V, a
été un facteur essentiel du non-respect de la loi de
programmation.
En tout état de cause, pour la prochaine législature,
nécessité au moins fera peut-être loi, car les reports du
titre V, largement utilisés au cours de l'actuelle législature,
seront alors très réduits, pour faire même peut-être
place à une crise des paiements.