B. UNE DÉMARCHE DE RUPTURE QUI PEUT ÊTRE CONFORTÉE DÈS AUJOURD'HUI

Compte tenu, d'une part, des avancées positives que contient le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, de ses propres observations concernant la persistance de certaines « astuces » financières héritées du passé, votre commission vous propose de franchir, dès cette année, une étape supplémentaire dans la clarification des circuits financiers de la sécurité sociale.

Deux axes lui semblent prioritaires et urgents, la remise en ordre du FOREC et un premier retour au bon sens dans la détermination des missions des différents acteurs de la protection sociale.

1. La remise en ordre du FOREC

Les griefs historiques à l'égard du FOREC sont nombreux, on l'a vu 15 ( * ) , mais dans l'attente de la « suppression vertueuse » de ce fonds qu'évoquait votre rapporteur, il est urgent de procéder à sa mise en ordre.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle, dans l'immédiat, sa consolidation et sa simplification.

Ses recettes seraient simplifiées et regroupées autour de quatre taxes affectées au lieu de huit actuellement : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la taxe sur les véhicules de société et cette sorte de taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés qu'est la contribution dite sociale sur le bénéfice des sociétés , seraient restituées à l'Etat en échange de l'affectation intégrale de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance actuellement partagée entre l'Etat et le FOREC ; en outre, (voir ci-dessous) la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire serait restituée au FSV.

Ce périmètre de recettes serait stabilisé ; il est indispensable en effet de mettre un terme à l'ajustement continu des taxes ou des fractions de taxe affectées au FOREC pour faire face aux besoins de financement du fonds qui n'ont aucune raison de « tomber juste ».

Cet ajustement annuel comme la montée en charge des exonérations de cotisations liées à l'unification du SMIC doivent être assurés par une dotation budgétaire, votée chaque année en loi de finances, précisément ajustée et dûment contrôlée.

Il serait ainsi mis un terme à la succession de déficits (2000) et d'excédents (2001-2002) du FOREC, la dotation budgétaire devant assurer l'équilibre à l'euro près ; a contrario , les éventuels excédents doivent être reversés au budget général : il n'y a pas de raison en effet que le FOREC constitue des « cagnottes ».

Il n'est pas nécessaire, dans ces conditions, de mettre en place un « comité des finances sociales » comme l'a envisagé un moment l'Assemblée nationale : le conseil de surveillance du FOREC, présidé par un parlementaire, doit veiller au caractère intégral de la compensation.

Les recettes et les dépenses prévisionnelles du FOREC doivent enfin apparaître clairement en loi de financement, par le vote d'un article spécifique.

Recettes du FOREC pour 2003 1

PLFSS pour 2003

Proposition CAS

Droit de consommation alcools et boissons

2.647

2.647

Droits de consommation tabac

8.115

8.115

Taxe sur les conventions d'assurances

2.152

4.883

Taxe sur les primes d'assurance automobile

967

967

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

870

Taxe sur les véhicules des sociétés

780

Taxe générale sur les activités polluantes

529

Taxe sur les contrats de prévoyance

500

Contribution directe de l'Etat

Produits non consommés reversés à l'Etat

- 52

TOTAL

16.560

16.560

(1) Rappel dépenses : 16.560 M€ pour 2003. (en millions d'euros)

2. Le retour au bon sens dans la détermination des missions

Aujourd'hui, la branche famille prend en charge le financement d'une partie de la majoration de pension pour enfants , prestation relevant initialement de l'assurance vieillesse puis prise en charge, au titre de la solidarité, par le FSV.

A contrario , pour des raisons anecdotiques liées à la nécessité de bouclages financiers conjoncturels, l'allocation de parent isolé (API), prestation familiale historique, est inscrite au budget général.

Enfin, le FSV est mis à contribution pour apurer la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite (AGIRC-ARRCO 16 ( * ) ), mission tout à fait étrangère à sa raison d'être et à sa place au sein des lois de financement qui ne traitent que des régimes de base.

En résumé, au terme de trois ans de manipulation des flux financiers, l'Etat finance une prestation familiale, la CNAF finance une prestation de solidarité vieillesse et le FSV prend en charge les dettes de l'Etat.

Votre commission juge qu'il est urgent de rendre à chacun ce qui lui revient.

Aujourd'hui

Proposition CAS

ETAT

Dette AGIRC/ARRCO

ETAT

FSV

Majorations pensions pour enfants

FSV

CNAF

Allocation de parent isolé

CNAF

La CNAF serait allégée de la charge des majorations de pension pour enfants et retrouverait le service de l'API. La neutralisation financière de cette opération serait effectuée par un transfert de 0,1 point de CSG famille au FSV ; le taux de la CSG Famille serait de fait « sanctuarisé » à 1 point.

La branche famille serait ainsi garantie contre une nouvelle progression de sa contribution au titre des majorations de pension pour enfants, progression au demeurant irréaliste d'un point de vue financier et fragile d'un point de vue constitutionnel.

Retrouvant le service de la majoration de pension pour enfants qui relève bien de sa mission, le FSV en serait compensé, comme il a été dit, par 0,1 point de CSG famille mais également par deux moyens s'inscrivant eux-mêmes dans un souci de cohérence :

- il serait libéré de la charge de la dette de l'Etat à l'égard des régimes de retraite complémentaire qui lui a été imposée en 2001 ;

- il rentrerait en possession de la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire (dite taxe sur les contrats de prévoyance ) créée à son profit en 1996 17 ( * ) , détournée depuis au bénéfice du FOREC.

L' Etat reprendrait en charge sa dette à l'égard des régimes de retraite complémentaire mais verrait ses masses budgétaires dégonflées par le retour de l'API au sein de la branche famille ; il limiterait les interfaces complexes dans le domaine fiscal qu'il entretient aujourd'hui avec la sphère sociale ; il bénéficierait en outre en 2003 du reversement des excédents du FOREC.

*

* *

« Il faut ranger les pots de confiture pour qu'on y voie clair » 18 ( * ) . La commission a pris cette tâche à coeur en remettant ainsi en ordre une masse financière de plus de 8,5 milliards d'euros.

Au terme de ce double « rangement », elle obtient des soldes quasiment équilibrés. Cette neutralité financière est seule à même de garantir la faisabilité de cette clarification dans un contexte budgétaire contraint.

Résumé des propositions de la commission des Affaires sociales

(en millions d'euros)

CNAF

FSV

Contribution au titre des majorations de pension pour enfants

+ 1.890

Majorations de pension pour enfants

- 1.890

Allocation de parents isolés

- 805

Dette AGIRC ARRCO

+ 457

Contribution sociale généralisée

- 900

Contribution sociale généralisée

+ 900

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

+ 500

SOLDE

+ 185

SOLDE

- 33

ETAT

FOREC

Taxe générale sur les activités polluantes

+ 529

Taxe générale sur les activités polluantes

- 529

Taxe sur les véhicules de société

+ 780

Taxe sur les véhicules de société

- 780

Contribution sociale sur les véhicules de société

+ 870

Contribution sociale sur les véhicules de société

- 870

Taxe spéciale sur les contrats d'assurance

- 2.731

Taxe spéciale sur les contrats d'assurance

+ 2.731

Dette AGIRC ARRCO

- 457

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

- 500

Allocation de parents isolés

+ 805

Reversement du FOREC

+ 52

Reversement à l'Etat

- 52

SOLDE

- 152

SOLDE

0

+ : augmentation de recettes ou diminution de charges ; - : diminution de recettes ou augmentation de charges

Le gain de 185 millions d'euros que tire la CNAF de cette clarification apparaît pour le moins légitime car il ne fait que ramener à 760 millions d'euros (- 20 %) la ponction opérée sur la branche famille en 2003.

En revanche, le FSV qui affiche un excédent prévisionnel pour 2003 de 22 millions d'euros présenterait un solde légèrement déficitaire (- 11 millions d'euros). Ce dernier peut être neutralisé par un simple ajustement de la dotation budgétaire au BAPSA libérant mécaniquement le même montant de C3S ( contribution sociale de solidarité sur les sociétés ) au profit du FSV.

L'Etat enregistrerait alors un manque à gagner de 163 millions d'euros (152 + 11). S'il exige une prime pour le « rachat des otages », il lui est loisible de récupérer, en sus de l'excédent prévisionnel du FOREC en 2003 (52 millions d'euros), la « cagnotte » dont le fonds s'est paradoxalement doté en 2001-2002 (375 millions d'euros).

Le souci et la principale ambition de votre commission sont, dans cette affaire, de poser une règle protectrice et stable pour la branche famille.

Certes, elle mesure bien et comprend la réticence de la CNAF à voir ses recettes modifiées. Il reste que la branche ne pourra durablement accepter peu ou prou de prendre en charge des dépenses étrangères à sa mission et sans bénéfice pour les familles au motif qu'on lui garantirait le montant nominal de ses recettes.

* 15 Cf. II-B-2 ci-dessus.

* 16 Un contentieux opposait depuis 1984 les régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO à l'Etat au sujet du financement des droits de retraite attribués par ces régimes, pour les périodes pendant lesquelles les salariés sont indemnisés au titre du fonds national de l'emploi ou des autres allocations du régime de solidarité. En effet, et en dépit de ses engagements, l'Etat se refusait à assurer le financement de ces droits. Après une première tentative infructueuse dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, ce financement fut finalement imputé au FSV par la loi dite « de modernisation sociale » pour un montant de 457 millions d'euros en 2003.

* 17 Cette taxe, à la charge des employeurs, fut créée par l'article 8 de l'ordonnance n° 95-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Son taux est de 8 % depuis le 1 er janvier 1998 et son produit estimé est de 500 millions d'euros pour 2003.

* 18 Francis Mer, ministre de l'économie et des finances, débat sur les prélèvements obligatoires - Sénat - Jeudi 7 novembre 2002.

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