ARTICLE 67
Institution d'un
prélèvement exceptionnel sur les distributions de
bénéfices
Commentaire : le présent article vise à instaurer, à titre exceptionnel et pour le seul exercice 2005, un prélèvement égal à 25 % du montant net des distributions de bénéfices imputées sur des résultats non soumis à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun. Ce prélèvement constituerait une créance sur le Trésor, imputable par tiers sur l'impôt sur les sociétés dû au titre des trois exercices suivants.
I. LE DROIT EXISTANT
Le prélèvement exceptionnel créé par le présent article a pour vocation d'atténuer l'impact budgétaire de la réforme de la fiscalité de la distribution, introduite par l'article 66 du présent projet de loi de finances. Ce prélèvement se substituerait donc temporairement au précompte mobilier, dont la suppression est proposée à compter du 1 er janvier 2005. A cet égard, le prélèvement exceptionnel présente de nombreuses caractéristiques communes avec le précompte.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le prélèvement exceptionnel introduit par le présent article reprend une grande partie des règles d'assiette et de paiement du précompte, mais comporte également des règles spécifiques pour les petites et moyennes entreprises et certaines catégories de distributions.
A. LES RÈGLES COMMUNES AVEC LE PRÉCOMPTE
1. L'assiette du prélèvement
L'assiette du prélèvement exceptionnel repose sur le même principe fondamental que celui du précompte : le premier alinéa du I du présent article dispose ainsi que le prélèvement est exigible pour les distributions prélevées sur des sommes qui n'ont pas été soumises au taux normal de l'impôt sur les sociétés (IS), prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts, soit 33,33 %. Cette assiette recouvre donc tous les revenus taxés à taux réduit, exonérés d'IS ou dont l'imposition est fractionnée ou différée, et concerne ainsi les redistributions, par les sociétés mères, de produits de filiales françaises ou étrangères (exonérés d'IS ou faisant l'objet d'une retenue à la source) ; les distributions effectuées à des actionnaires minoritaires par les sociétés membre d'un groupe fiscalement intégré 80 ( * ) ; ou les distributions opérées par des sociétés bénéficiant d'un régime de faveur en matière d'IS.
Le deuxième alinéa du I du présent article prévoit que ce prélèvement, comme le précompte, est également exigible lorsque les sommes distribuées sont prélevées sur les résultats d'exercice clos depuis plus de cinq ans, quelque soit le taux d'IS appliqué à ces résultats. L'incitation à la distribution que prévoit le précompte est ainsi maintenue.
Le troisième alinéa du I prévoit que ce prélèvement est également exigible pour les distributions prises en compte dans le calcul de la créance créée au profit de l'entreprise au titre du report de ses déficits reportables sur les trois exercices antérieurs (mécanisme du carry-back ), prévu par le I de l'article 220 quinquies du code général des impôts.
2. Le régime applicable aux groupes de sociétés
Le premier alinéa du IV du présent article prévoit les mêmes règles que le précompte pour les groupes de sociétés. La société mère d'un groupe fiscal serait ainsi redevable du prélèvement dû par chaque société du groupe . Les deuxième, troisième et quatrième alinéas du IV prévoient également des règles semblables à celles actuellement applicables pour le précompte concernant les modalités d'assujettissement des groupes de sociétés.
Le deuxième alinéa du IV prévoit ainsi, au même titre que l'article 223 H du code général des impôts dont la suppression est proposée par l'article 66 du présent projet de loi, que les bénéfices distribués entre sociétés du même groupe ne sont pas assujettis au prélèvement exceptionnel , dès lors que les sommes distribuées sont prélevées sur des résultats ou des plus-values nettes à long terme, réalisés lorsque la société distributrice était membre du groupe 81 ( * ) . L'exonération de prélèvement est en outre prévue dans les situations suivantes :
- en cas de sortie du groupe d'une filiale , le prélèvement n'est pas exigible pour les distributions de bénéfices effectuées par la filiale au cours du premier exercice dont le résultat n'est pas intégré dans le résultat du groupe, si cette distribution a été opérée avant l'événement qui a entraîné la sortie du groupe de la filiale distributrice ;
- en cas de survenance d'une restructuration consécutive à une opération de fusion, de scission ou d'absorption 82 ( * ) , comme dans le cas du précompte, les bénéfices prélevés sur les résultats du groupe originel et distribués entre sociétés du ou de l'un des nouveaux groupes ne sont pas soumis au prélèvement durant les deux années qui suivent la restructuration du groupe, ainsi que durant l'exercice suivant l'absorption de la société mère par une nouvelle société mère.
Le troisième alinéa du IV prévoit la prise en compte du bénéfice net du groupe pour déterminer, lors du calcul du montant du prélèvement exceptionnel dû pour les distributions opérées par la société mère, le montant du bénéfice soumis à l'IS au taux normal. Enfin, le dernier alinéa du IV prévoit que les bénéfices d'une filiale compris dans le résultat d'ensemble ne constituent pas des bénéfices soumis au taux normal de l'IS pour
3. Les sociétés non assujetties
Le III du présent article énonce les catégories de sociétés dont les distributions ne sont pas redevables du prélèvement exceptionnel. Les sociétés exclues du champ de cet impôt sont exactement les mêmes que celles prévues par le 3 de l'article 223 sexies du code général des impôts pour le non assujettissement au précompte, et correspondent aux entreprises dont les dividendes n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal :
- les sociétés immobilières d'investissement et les sociétés immobilières de gestion ;
- les sociétés d'investissement qui remplissent les conditions, fixées à l'article 208 A du code général des impôts, de capital minimum et de répartition de la totalité de leurs bénéfices ; ainsi que les sociétés de développement régional ;
- certaines sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie ;
- les sociétés agréées pour le financement des télécommunications, lorsque les produits sont distribués dans certaines conditions ;
- les sociétés de capital-risque, lorsque les distributions sont imputées sur des produits et plus-values exonérés d'IS ;
- les personnes morales implantées dans des zones franches et dont les résultats nets sont exonérés d'IS ;
- les sociétés de type « holding », qui ont pour activité exclusive la gestion, répondant à certaines conditions, d'un portefeuille de titres de participations.
4. Les modalités de paiement
Le V du présent article prévoit des modalités de paiement semblables à celles que prévoit actuellement l'article 1679 ter du code général des impôts, dont la suppression est proposée par l'article 66 du présent projet de loi, pour le précompte : le versement au Trésor devrait intervenir dans le mois suivant sa mise en paiement , les sanctions prévues en cas de non respect de cette disposition étant alignées sur celles afférentes au non-paiement de la retenue à la source de 10 % sur les produits des bons de caisse et sur les intérêts d'obligations françaises émises avant le 1 er janvier 1987.
Aux termes du VI du présent article, le prélèvement exceptionnel ne peut en revanche être intégré dans les charges déductibles pour l'établissement de l'IS. La créance de report en arrière des déficits (mécanisme précité du « carry back ») et l'imposition forfaitaire annuelle ne peuvent être utilisées pour acquitter ce prélèvement, de même que les crédits d'impôt de toute nature. Les avoirs fiscaux et les crédits d'impôt attachés aux produits, encaissés au cours des cinq derniers exercices, de participations au sein d'un groupe de sociétés, peuvent néanmoins être imputés sur le prélèvement exceptionnel . Dans le régime actuel, l'article 146-2 du code général des impôts dispose en effet que la société mère peut conserver les avoirs fiscaux et crédits d'impôts perçus de ses filiales pour les imputer sur l'IS dont elle est redevable.
Enfin le IX du présent article prévoit que le prélèvement exceptionnel n'est applicable que pour les distributions de bénéfices mises en paiement en 2005 .
B. LES RÈGLES SPÉCIFIQUES
1. Un taux inférieur à celui du précompte
Le premier alinéa du I du présent article prévoit que le taux du prélèvement exceptionnel est fixé à 25 % du montant net des produits distribués, soit la moitié de celui du précompte. Le produit escompté est de 500 millions d'euros en 2005.
Le II du présent article dispose que les modalités d'application en sont fixées par décret. Il s'agirait notamment de préciser les postes du bilan sur lesquels s'effectue l'imputation fiscale du prélèvement, ainsi que l'ordre de cette imputation. Le décret devrait reprendre les dispositions du décret n° 99-1093 du 21 décembre 1999.
2. Les différences portant sur la taxation à taux réduit et la réserve spéciale des plus-values à long terme
Contrairement à ce qui est aujourd'hui prévu pour le précompte, certaines sociétés bénéficiant d'un taux d'IS réduit ne seraient pas assujetties au prélèvement exceptionnel. Le dernier alinéa du I du présent article prévoit ainsi l'exonération du précompte pour les distributions des petites et moyennes entreprises 83 ( * ) , prélevées sur les résultats d'exercices clos depuis cinq ans au plus et imposées au taux réduits d'IS 84 ( * ) prévus au b du I de l'article 219 du code général des impôts.
Il n'est en revanche pas prévu d'exonération de prélèvement pour les distributions opérées sur la réserve spéciale des plus-values à long terme , ce qui conduirait à un régime différent de celui du précompte. Dans le régime actuel, les plus-values de long terme sont imposées au taux réduit de 19 % lors de leur réalisation et sont portées à une réserve spéciale. L'article 209 quater du code général des impôts dispose que les distributions prélevées sur cette réserve sont ensuite rapportées aux résultats de l'exercice en cours lors de ce prélèvement, et sont donc soumises à une imposition complémentaire à due concurrence de l'IS dû 85 ( * ) . Cette imposition prend la forme d'un précompte, plafonné 86 ( * ) à 14,33 % (soit 33,33 - 19) afin que le montant global de l'imposition de la plus-value soit égal au taux d'IS de droit commun, et qui peut donc être utilisé pour le paiement du complément d'IS.
L'application du prélèvement exceptionnel sur ces distributions réalisées en 2005 conduirait dès lors à une imposition globale supérieure à celle que prévoit le régime actuel : les plus-values placées en réserve puis distribuées seraient imposées successivement aux taux de 19 % puis de 25 %, soit un taux global supérieur à l'IS de droit commun. Cette double imposition contribuerait à dissuader la distribution des plus-values à long terme ; néanmoins le mécanisme d'imposition différentielle redeviendrait applicable à partir de 2006. On comprend mal les raisons de cet aller et retour.
3. Les modalités d'utilisation de la créance née du prélèvement
Le VII du présent article précise que le paiement du prélèvement fait naître « une créance d'égal montant » auprès du Trésor, qui fait donc du prélèvement davantage une avance de trésorerie, remboursable à l'entreprise, qu'une réelle imposition. Cette créance est utilisable pour le paiement de l'IS dû au titre des trois exercices clos postérieurement au fait générateur du prélèvement, soit sur la période 2006-2008. L'excédent non imputé de chaque fraction de créance, ou l'intégralité de la créance pour les sociétés non redevables de l'IS, est remboursable après liquidation de l'IS dû.
La créance est inaliénable et incessible et ne pourrait donc pas être cédée ou saisie par un tiers à titre de caution ou de remboursement, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier pour les cessions et nantissements de créances professionnelles. Le caractère incertain de cette créance fiscale, du fait du risque toujours présent de contrôle et de redressement, tend cependant à limiter l'applicabilité de ces conditions.
S'agissant des groupes fiscalement intégrés définis par l'article 223 A du code général des impôts, le VIII du présent article précise les modalités d'utilisation par la société mère des créances nées au niveau des filiales.
Ces créances peuvent être cédées à leur valeur nominale à la société mère, qui peut dès lors les utiliser pour le paiement de l'IS, au prorata de la contribution de chaque filiale aux résultats de l'ensemble du groupe. L'excédent non imputé sur l'IS peut être remboursé à la société mère dans les conditions prévues au VII.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur proposition de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements :
- un amendement de coordination visant à ne pas assujettir au prélèvement exceptionnel les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (SUIR), créées par l'article 64 du présent projet de loi, dans la mesure où ces dernières sont exonérées d'IS et de précompte ;
- un amendement prévoyant que la créance liée au prélèvement exceptionnel est transférée, en cas de fusion, de scission ou d'opération assimilée, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article constitue une conséquence de la réforme du régime fiscal des distributions, et plus particulièrement de la suppression du précompte, proposée par l'article 66 du présent projet de loi de finances.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.
* 80 Les bénéfices réalisés par les filiales pendant la période d'intégration sont réputés ne pas avoir supporté l'IS, dans la mesure où ils ne supportent en effet l'impôt que si la société mère réalise elle-même un bénéfice fiscal.
* 81 Cette règle, applicable pour le précompte, a été introduite par la loi du 30 décembre 1991 et constitue une dérogation au principe selon lequel le précompte, et le prélèvement exceptionnel selon les dispositions du présent article, est exigible lorsque les dividendes sont prélevés sur des résultats réalisés depuis plus de cinq ans.
* 82 Cas prévus aux c et e du 6 de l'article 223 L du code général des impôts.
* 83 C'est-à-dire les PME réalisant moins de 7,63 millions d'euros de chiffre d'affaires au cours de l'exercice ou de la période d'imposition.
* 84 Soit 25 % pour les exercices ouverts en 2001 (à l'exception des résultats relevant du régime des plus-values à long terme) et 15 % pour les exercices ouverts en 2002.
* 85 Le législateur avait ainsi entendu favoriser le réinvestissement dans l'entreprise par l'imposition réduite des sommes placées dans cette réserve spéciale, et avait corrélativement prévu la remise en cause de ce régime en cas de distribution ultérieure des sommes initialement affectées.
* 86 Dès lors, le précompte n'est par exception pas égal au montant de l'avoir fiscal attaché à la distribution.