2. Les débuts de la IIIème République, de l'opéra à la salle du Congrès
L'Assemblée nationale élue le 8 février 1871 se réunit d'abord dans le grand théâtre de Bordeaux, où la situation militaire avait conduit la délégation du gouvernement de la Défense nationale 7 ( * ) , dirigée par Gambetta, à s'installer fin décembre 1870.
En mars 1871, l'Assemblée de Bordeaux refuse de siéger à Paris, agité par les premières insurrections de la Commune et menacé par l'intervention des troupes prussiennes. Le 10 mars, après avoir songé à s'installer à Fontainebleau et sur l'insistance de Thiers, elle vote son transfert à Versailles, par 427 voix contre 154.
Les députés décident alors de siéger dans l'opéra du château, construit par Gabriel et adapté à cette nouvelle fonction par Edmond de Joly, fils de l'architecte de la salle des séances du palais Bourbon. L'Assemblée y tient sa première réunion le 20 mars 1871. Le gouvernement de Thiers s'installe quant à lui dans les locaux de la préfecture des Yvelines. La population de Versailles connaît ainsi en quelques jours un accroissement exceptionnel.
D'après Emile et Madeleine Houth, « La population de Versailles s'élève en quelques jours de 40.000 à 150.000 habitants. Les députés qui ne peuvent trouver domicile chez des particuliers ou dans les hôtels surpeuplés - l'hôtel des Réservoirs, l'hôtel de France, l'hôtel de la Chasse, le Petit Vatel, le Cheval Blanc, le Chien qui fume... - ménagent dans la galerie des Glaces des logements de fortune, à l'aide de paravents et de rideaux, comme le révèle une gravure de l'époque . » 8 ( * )
Nombre de députés, particulièrement les républicains, continuent cependant d'habiter Paris, où une partie de l'administration demeure également, si bien que les « trains parlementaires » deviennent au cours de ces années un lieu de discussion politique, « comme une extension des couloirs de l'Assemblée » 9 ( * ) .
L'installation de la IIIème République avec les lois constitutionnelles de 1875, qui instaurent le bicamérisme, modifie à nouveau la géographie des assemblées à Versailles, et fonde l'affectation des locaux de l'époque contemporaine .
En effet, la loi constitutionnelle du 25 février 1875 institue deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. La loi du 26 mai 1875 10 ( * ) affecte l'opéra royal, situé dans l'aile du Nord, à la Haute assemblée et l'aile du Midi à la Chambre des députés 11 ( * ) .
Une nouvelle salle doit être construite pour accueillir les députés, au milieu de la cour intérieure de l'aile du Midi. Conçue par Edmond de Joly et Julien Guadet, cette salle, qui peut accueillir environ 1.500 personnes, parlementaires et public confondus, est achevée le 1 er décembre 1875.
Selon Eugène Pierre, « elle occupe une surface de près de 800 mètres carrés ; cette surface est restreinte, pour la réunion des députés, à 500 mètres environ à l'aide d'une cloison mobile qui s'enlève dans le cas où les deux chambres se réunissent en Assemblée nationale » 12 ( * ) . Les deux chambres tiennent chacune leur première séance dans leurs salles respectives le 8 mars 1876.
La répartition actuelle des locaux des assemblées à Versailles aura donc été déterminée sous la IIIème République.
* 7 Le gouvernement de la Défense nationale est proclamé à l'Hôtel de ville de Paris, le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite de Sedan. Il crée le 12 septembre une délégation, appelée à exercer ses pouvoirs dans les départements non occupés par l'ennemi.
* 8 Versailles aux trois visages , Lefebvre, 1980 ; cité par Claire Constans dans Versailles, château de la France et orgueil des rois , Gallimard, 1989, p. 179.
* 9 Jean-Marie Mayeur, La vie politique sous la troisième République, 1870-1940 , Seuil, 1984, p. 39.
* 10 Loi portant ouverture au ministre des travaux publics, sur l'exercice 1875, de crédits montant ensemble 1.750.000 francs pour l'installation des deux chambres dans le palais de Versailles.
* 11 Les assemblées utilisent également dès cette époque les ailes des ministres, construites sous Louis XIV dans l'avant-cour du château. Ces corps de bâtiment sont ainsi décrits dans l'Almanach de Versailles de 1788, p. 20 : « Après avoir traversé la place d'armes, on arrive à la première cour du château, dite des ministres parce que les ministres et secrétaires d'Etat y sont logés. »
* 12 Traité de droit politique , tome II, éditions Loysel 1989, p. 1363