D. LE PROGRAMME 135 « DÉVELOPPEMENT ET AMÉLIORATION DE L'OFFRE DE LOGEMENT »

1. Un programme d'aide à la pierre marqué par le poids de la fiscalité

Le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » regroupe les interventions de l'Etat pour la construction de nouveaux logements et l'amélioration du parc existant , c'est-à-dire, pour l'essentiel, les aides à la pierre . Il représente 1.216 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1.231 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits sont respectivement en augmentation de 6,4 % et en diminution de 9,5 %.

Le programme bénéficie de l'apport de 226.000 euros en fonds de concours.

Sont rattachées au programme pas moins de 31 dépenses fiscales , y contribuant à titre principal ou partiel, pour un montant évalué à 9.173 millions d'euros en 2006 à rapporter aux 1.231 millions de crédits budgétaires. Ce tableau des dépenses fiscales appelle plusieurs remarques :

- le montant global de dépenses fiscales est nécessairement sous-évalué car 19 de ces mesures fiscales ne sont pas chiffrées soit parce qu'elles sont considérées comme « non chiffrables », soit parce que leur coût est estimé à moins de 0,5 million d'euros ;

- le montant des mesures fiscales strictement rattachées à la mission est plus de 6,5 fois supérieur au montant des crédits budgétaires de la mission ;

- du fait de la baisse des taux d'intérêt qui s'était répercutée sur le coût de l'épargne logement, les dépenses fiscales concourrant au programme avaient connu une quasi stabilité entre 2004 et 2005. Les estimations pour 2006 prévoient une augmentation de 3,6 % due essentiellement au coût du « dispositif Robien » ;

- enfin, les mêmes critiques sur les choix de répartition des dépenses fiscales s'appliquent au présent programme, comme ils s'appliquaient au programme précédent. Il est regrettable, à cet égard, que la mise en oeuvre du prêt à taux zéro soit détaillée dans la présentation du programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » alors que son coût fiscal est rattaché au programme « Aide à l'accès au logement ».

Principales dépenses fiscales du programme

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans

4.100

4.200

4.350

Exonération des intérêts et primes versés dans le cadre de l'épargne logement

1.900

1.720

1.700

Déduction des dépenses de grosses réparations et d'amélioration

950

1.020

1.070

Crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement de la résidence principale

350

380

420

Dispositif Robien

80

190

300

Total

7.380

7.510

7.840

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2006 « Ville et logement »

2. Une structuration en actions qui souligne la place du parc locatif social

Le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » comprend cinq actions « Construction locative et amélioration du parc», « Soutien à l'accession à la propriété », « Lutte contre l'habitat indigne », « Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction » et une action de « Soutien ».

Crédits demandés et évolution en 2006 pour les actions du programme «  Développement et amélioration de l'offre de logement »

(en euros)

Action

CP 2006

En %

du programme

Evolution 2006/2005

1. Construction locative et amélioration du parc

944.200.000

76,7%

+ 6,8%

2. Soutien à l'accession à la propriété

107.000.000

8,7%

- 63,3%

3. Lutte contre l'habitat indigne

18.000.000

1,5%

- 15,1%

4. Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction

5.900.000

0,5%

+1,7%

5. Soutien

156.489.200

12,7%

- 0,8%

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2006 « Ville et logement »

L'action 1 « Construction locative et amélioration du parc » regroupe les moyens consacrés au développement et à l'amélioration du parc locatif social, en dehors des zones urbaines sensibles qui sont dans le champ d'intervention de l'ANRU. Cette action inclut également les subventions destinées à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) ainsi que les aides dédiées à la réalisation d'aires d'accueil des gens du voyage.

L'action 2 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend les dispositifs visant à solvabiliser les ménages dans leur projet d'accession à la propriété (prêts à l'accession sociale, prêt de location-accession, prêt à taux zéro). Destinées à des ménages disposant de revenus modestes, ces dispositifs s'apparentent à ceux que finance le programme « Aide à l'accès au logement » et remettent en question la séparation traditionnelle entre aides à la personne et aides à la pierre.

L'action 3 « lutte contre l'habitat indigne » regroupe les moyens mis en oeuvre pour traiter ou démolir les logements insalubres, menaçant ruine ou exposés au risque plomb ainsi que les hôtels meublés dangereux et l'habitat précaire.

L'action 4 « Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction » regroupe les moyens dédiés à la réalisation d'études permettant d'améliorer les normes et les procédés de construction.

L'action 5 « Soutien » inclut les frais de personnel des agents de la mission « Ville et logement » ainsi que les frais de fonctionnement de l'administration en charge du logement.

Les crédits de l'action « Construction locative et amélioration du parc » correspondent, pour 5.335 millions d'euros à des subventions en faveur du parc locatif social, pour 20 millions à des subventions pour l'accueil des gens de voyage et, enfin, à la subvention, en crédits de fonctionnement et d'investissement, au profit de l' ANAH pour un montant total de 390,7 millions d'euros. L'ANAH perçoit, en outre, pour faire face à ses interventions en faveur de l'amélioration du parc privé, le produit de la taxe sur les logements vacants, estimé à 25 millions d'euros pour 2006.

Les crédits de l'action « Soutien à l'accession à la propriété » sont inscrits, pour une part non négligeable, à titre conservatoire dans la mesure où ils correspondent pour 25 % à la participation de l'Etat au système actuel de garantie de l'accession sociale à la propriété que l'article 21 du présent projet de loi de finances pour 2006 propose de supprimer. Pour le reste, soit 80 millions d'euros, les crédits correspondent au financement résiduel des prêts à taux zéro attribués en vertu du dispositif antérieur au 1 er février 2005. Cette situation témoigne de la prédominance de l'outil fiscal comme instrument de soutien à l'accession sociale à la propriété.

Les crédits de l'action « Lutte contre l'habitat indigne » représentent 18 millions d'euros en CP, en légère diminution par rapport aux crédits inscrits en 2005. Il convient toutefois de tenir compte, dans l'appréciation de cette évolution, de la consommation effective des crédits qui est restée à un niveau assez faible en 2003 et 2004, en attente d'une montée en charge des dispositifs , notamment dans le cadre de la lutte contre le saturnisme. En effet, le dispositif de lutte contre l'habitat insalubre, qui comprend deux volets, d'une part les actions de l'Etat contre l'insalubrité et le risque plomb (8 millions d'euros) et, d'autre part, les subventions aux collectivités territoriales pour les opérations de (10 millions d'euros), a pris, depuis 2003, une nouvelle ampleur. Le gouvernement a engagé tout d'abord une réforme des dispositifs juridiques relatifs à l'insalubrité dans le cadre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi n ° 2000-1208) qui doit être prochainement complétée, en application de l'article 122 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, par une ordonnance qui prendra les mesures nécessaires en vue de renforcer la lutte contre l'habitat indigne.

S'agissant du dispositif de résorption de l'habitat insalubre (RHI), cette montée en puissance s'est manifestée également depuis 2003, exercice au cours duquel les crédits délégués ont cru de 300 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes.

Les crédits de l'action « Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction » sont relatifs à des études et recherches dans quatre domaines principaux : les économies d'énergie, la santé publique des occupants, la prise en compte des risques naturels et l'accessibilité des bâtiments pour un total de crédits de 5,9 millions d'euros.

Les crédits de l'action « Soutien » sont constitués pour 95 % par des crédits de personnel du titre 2, soit 148 millions d'euros qui correspondent à la rémunération des effectifs d'administration centrale et des services déconcentrés oeuvrant pour la mission « Ville et logement » mais également à l'indemnisation des délégués de l'Etat pour la politique de la ville.

3. Des objectifs et des indicateurs améliorés

Les indicateurs de mesure de la performance ont été relativement améliorés par rapport à ceux qui figuraient l'avant-projet de programme.

L'objectif 1 « Satisfaire dans les meilleurs délais la demande de logements locatifs en particulier dans les zones tendues » est illustré par 3 indicateurs. Le premier mesure le pourcentage des demandeurs de logement social dont l'ancienneté de la demande est supérieure à 1,5 fois l'ancienneté moyenne en zone tendue, moyennement tendue et détendue 10 ( * ) , le second le pourcentage de logements locatifs sociaux financés et agréés dans ces mêmes trois zones. Le troisième indicateur, relatif à l'action de l'ANAH, mesure le pourcentage de logements privés à loyers maîtrisés aidés par l'agence par rapport au nombre total de logements locatifs aidés. Il s'agit d'un indicateur très volontariste par rapport aux cibles retenues, qui aboutissent à un quasi doublement de la part des logements dits à loyers maîtrisés.

L'objectif 2 « Mieux répartir les logements sociaux au sein des agglomérations » est mesuré par un indicateur complexe de pourcentage de logements locatifs sociaux financés dans les communes soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi n° 2000-1208) par rapport à leur objectif annuel moyen sur la période 2003-2010.

L'objectif 3 « Lutter contre le logement indigne » est illustré par un indicateur trop proche encore d'un indicateur de moyens puisqu'il se réfère à la part des subventions accordées par l'ANAH qui visent à sortir d'une situation d'indignité.

L'objectif 4 « Adapter les logements aux besoins des personnes âgées et handicapées » est mesuré par un indicateur qui ne sera disponible qu'en 2008 et qui est à la fois peu significatif et limité par rapport à l'objectif : le pourcentage des personnes âgées de plus de 75 ans satisfaites de leur logement du point de vue de la pratique des activités essentielles de la vie quotidienne.

L'objectif 5 « Développer l'accession sociale à la propriété » est mesuré par deux indicateurs intéressants dans le contexte de la réforme du prêt à taux zéro (part des accédants disposant de revenus modestes sur le total des accédants et part des ménages primo-accédants sur le total des accédants) mais qui amènent à s'interroger sur la réalité des leviers d'actions du responsable du présent programme dans la mesure d'une part où le prêt devient une dépense fiscale 11 ( * ) et, d'autre part, où cette dépense est rattachée au programme « Aide à l'accès au logement ». On notera, à cet égard, que selon le descriptif analytique fourni sur la ventilation des effectifs affectés à la politique du logement , 1 % seulement de ces effectifs se consacre au soutien à l'accession à la propriété contre 56 % à la construction locative et l'amélioration du parc .

L'objectif 6 « Promouvoir le développement durable dans le logement et, plus généralement, dans la construction » est illustré par deux indicateurs relatifs à la consommation énergétique globale des bâtiments et des logements, mesurant la capacité du responsable de programme à influer à la baisse sur les valeurs tendancielles de cette consommation à l'échéance de 2010.

Les principales observations et interrogations de vos rapporteurs spéciaux sur le programme 135

- Les moyens budgétaires dévolus au logement social par le programme sont complétés par les nouvelles dispositions financières et juridiques intégrées au présent projet de loi de finances, comme le relèvement des plafonds de ressources applicables au prêt à taux zéro, mais aussi prévues par le plan d'engagement national pour le logement . Ce plan prévoît notamment :

• l'amélioration des conditions d'emprunt des organismes HLM (taux et durée) et la mise à disposition de terrains pour la construction de logements sociaux ;

• le renforcement de l'accession sociale à la propriété notamment par l'application d'un taux de TVA réduit pour les opérations d'accession réalisées dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine introduite par l'article 5 du projet de loi portant engagement national pour le logement ;

• la simplification des procédures de lutte contre l'habitat indigne .

- La multiplication des dispositions fiscales peu ciblées socialement constitue un risque pour la politique du logement en favorisant la hausse du foncier et l'emballement des prix.

- La question de l'avenir de l'accession sociale dans un contexte de surendettement et de bulle immobilière doit être posée et appelle des propositions novatrices.

* 10 Les trois zones correspondent aux zones A, B et C du dispositif dit « amortissement Robien » institué par la loi Urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 (loi n° 2003-590).

* 11 Depuis le 1 er février 2005, le financement du prêt à taux zéro n'est plus assuré par une subvention versée sur crédits budgétaires mais grâce à un crédit d'impôt sur les sociétés accordé aux établissements prêteurs.

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