B. LA SOLIDARITÉ ENTRE GÉNÉRATIONS, NOUVEL ENJEU DE LA POLITIQUE FAMILIALE
En abordant la question de la solidarité entre les générations, la conférence de la famille de juin 2006 consacre l'élargissement de la politique familiale, jusqu'ici traditionnellement centrée sur la famille nucléaire, composée des parents - ou d'un seul d'entre eux, dans le cas des familles monoparentales - et de leurs enfants à charge.
Les deux rapports publiés à cette occasion 5 ( * ) montrent que, sans remettre en cause les acquis accordés à l'enfance, la politique familiale devra à l'avenir, de façon croissante accompagner et encourager la solidarité entre toutes les générations, compte tenu de leurs besoins propres.
1. La solidarité familiale à l'épreuve du vieillissement et des mutations sociales
a) La coexistence de quatre générations
La relative bonne tenue de la fécondité en France ne peut pas cacher que notre pays, comme l'ensemble des autres pays occidentaux, est confronté à un vieillissement démographique important. Plusieurs facteurs y contribuent : ainsi, les classes d'âge particulièrement nombreuses du baby-boom, qui avaient à l'époque agi comme un facteur de rajeunissement de la population, accentuent le vieillissement naturel lié à l'allongement de l'espérance de vie.
Celle-ci s'accroît chaque année d'un trimestre supplémentaire, ce qui se traduit par une augmentation continue de la proportion des personnes âgées de plus de soixante ans au sein de la population : leur nombre devrait en effet doubler d'ici 2050, tandis que celui des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans devrait tripler et celui des personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans quadrupler. Au total, le vieillissement modifie profondément la structure des différentes classes d'âge : en 2020, les personnes âgées de plus de soixante ans seront plus nombreuses que celles âgées de moins de vingt ans.
Dans ces conditions, le modèle social traditionnel, bâti autour de trois générations, tend à disparaître au profit d'un modèle à quatre, voire cinq générations. Ainsi, d'après les données sociales de l'Insee, la France compterait aujourd'hui près de 13 millions de grands-parents, 2 millions d'arrière-grands-parents et même environ trente mille arrière arrière-grands-parents.
La principale conséquence de ce nouveau modèle social à quatre générations est qu'il fait coexister trois générations d'adultes, aux caractéristiques très différentes :
- la génération la plus ancienne a été marquée par les deux conflits mondiaux, les débuts de l'urbanisation et de l'industrialisation. Elle a commencé à travailler jeune et connu des carrières longues. Sa vie active s'est déroulée principalement pendant les Trente Glorieuses et elle n'a, par conséquent, pas ou peu connu le chômage. Aujourd'hui, son niveau de vie est moyen car elle n'a pas pu profiter du plein effet de la généralisation des retraites ;
- la génération suivante est la génération du baby-boom, qui a grandi en bénéficiant de la croissance économique et de l'amélioration du système éducatif. Elle est caractérisée par la généralisation du travail des femmes, par la libéralisation des moeurs et a connu les bouleversements de la structure familiale. Ayant bénéficié d'une ascension sociale forte, malgré l'apparition d'un chômage de masse, ses revenus sont nettement plus élevés que ceux de la génération précédente ;
- la génération la plus jeune est née au début des années 80. Elle se distingue par un allongement important de la durée des études et une entrée particulièrement tardive sur le marché du travail. Très marquée par le chômage et la précarité, elle peine à prendre son autonomie et quitte difficilement le foyer familial. Elle a souvent le sentiment que l'ascenseur social qui avait profité à ses parents est désormais en panne et que le système de protection sociale ne joue pas en sa faveur.
* 5 « La famille, espace de solidarité entre les générations », rapport du groupe de travail présidé par Alain Cordier, président de la CNSA, et « La société intergénérationnelle au service de la famille », rapport du groupe de travail présidé par Raoul Briet, président du conseil de surveillance du FSV, remis au ministre chargé de la famille, en préparation de la conférence de la famille de juin 2006.