c) Les remboursements de prestations : l'Etat reste mauvais payeur
Les remboursements de l'Etat à la branche famille recouvrent deux dispositifs, d'ampleur désormais très différente :
- l'Etat rembourse à la Cnaf les allégements de cotisations sociales portant sur les dispositifs ciblés d'aide à l'emploi, les allégements généraux étant compensés, on l'a vu, par l'affectation de recettes fiscales. Ces remboursements devraient s'élever à 610 millions d'euros en 2007 ;
- il rembourse également à la caisse les dépenses d'API et d'AAH, versées en pratique par les caisses d'allocations familiales mais qui relèvent du budget de l'Etat. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoit à ce titre une dotation de l'Etat de 6,5 milliards d'euros.
Ces prévisions de recettes sont cohérentes avec les crédits ouverts au titre de ces deux allocations dans le projet de loi de finances pour 2007 (6,6 milliards d'euros) mais elles restent inférieures aux prévisions établies en septembre dernier par la commission des comptes de la sécurité sociale : hors mesures nouvelles, les dépenses d'AAH et d'API étaient attendues en hausse de 4,8 %, pour un montant total de 6,7 milliards d'euros.
Pour cette raison, votre commission craint que, comme chaque année, les remboursements prévus ne se révèlent en réalité insuffisants pour faire face aux dépenses réelles d'allocation. Or, depuis maintenant plusieurs années, force est de constater que les faits lui donnent raison.
Pour l'AAH, la dépense réelle en 2006 devrait à nouveau être supérieure aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Or, la dotation prévue pour 2007 n'augmente que de 170 millions d'euros, alors que le rebasage nécessaire par rapport aux dépenses réelles de 2006 s'élève déjà à 120 millions d'euros.
Sachant que le projet de loi de finances pour 2007 table sur une augmentation de 1,5 % du nombre de bénéficiaires et une hausse de 1,5 % du montant moyen des allocations versées. Le respect de l'enveloppe budgétaire apparaît peu probable, d'autant plus que la réforme de l'accès à la prestation des personnes handicapées dont le taux d'invalidité est compris entre 50 % et 80 %, proposée pour limiter la progression du nombre de bénéficiaires, est soumise à d'inévitables délais de mise en oeuvre.
Les dépenses d'API sont, quant à elles, systématiquement sous-estimées depuis trois ans. C'est tout particulièrement le cas en 2006 car la dotation budgétaire avait été déterminée à partir d'une hypothèse d'évolution du nombre de bénéficiaires particulièrement irréaliste : la loi de finances initiale pour 2006 anticipait en effet une baisse de 7 % de leur nombre, alors que leur croissance moyenne, ces dernières années, s'élevait à plus de 3 %. Comme c'était prévisible, leur progression est restée positive (3,5 %), ce qui conduit à un nouveau dépassement des crédits.
En 2007, la dotation budgétaire est fixée sur la base d'une hypothèse de progression du nombre de bénéficiaires de 3 % et d'une diminution sensible (12 %) du montant moyen versé grâce, d'une part, à l'application d'un strict principe de subsidiarité de l'API par rapport aux autres droits sociaux, notamment par rapport à l'allocation de soutien familial (ASF), d'autre part, à l'augmentation du forfait logement, désormais aligné sur celui du RMI.
Mais même corrigées de l'impact de ces deux mesures d'économies, soit 141 millions d'euros, les dépenses prévisionnelles d'API publiées par la commission des comptes de la sécurité sociale restent supérieures aux crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2007.
Pour toutes ces raisons, votre commission ne peut ignorer le risque d'augmentation des dettes de l'Etat à l'égard de la Cnaf. Or, leur montant devient critique : au 31 décembre 2006, et si aucune ouverture de crédits n'intervient en loi de finances rectificative pour 2006, l'Etat sera redevable à la branche de 708 millions d'euros , soit 377 millions d'euros au titre de l'API et 331 millions d'euros au titre de l'AAH .
Dette de l'Etat à l'égard de la Cnaf au titre de l'API depuis 2002 |
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(en millions d'euros) |
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2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006* |
|
Dépenses constatées |
796 |
833 |
900 |
972 |
1.043 |
Dotations budgétaires initiales |
740 |
805 |
770 |
863 |
875 |
Ouvertures en LFR |
46 |
36 |
0 |
32 |
n.c. |
Solde annuel |
- 10 |
8 |
- 130 |
- 77 |
- 168 |
Dette cumulée |
- 10 |
- 2 |
- 132 |
- 209 |
n.c |
* Prévisions |
Dette de l'Etat à l'égard de la Cnaf au titre de l'AAH depuis 2002 |
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(en millions d'euros) |
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2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006* |
|
Dépenses constatées |
4.430 |
4.577 |
4.812 |
5.032 |
5.307 |
Dotations budgétaires initiales |
4.277 |
4.526 |
4.661 |
4.847 |
5.187 |
Ouvertures en LFR |
150 |
0 |
101 |
78 |
n.c. |
Solde annuel |
- 3 |
- 51 |
- 50 |
- 107 |
- 120 |
Dette cumulée |
- 3 |
- 54 |
- 104 |
- 211 |
n.c. |
* Prévisions |
A cette dette, il convient d'ajouter, même si elle ne figure pas au bilan de la Cnaf, celle relative aux allocations de logement, qui s'élèvent, au 31 décembre 2005, à 11 millions d'euros selon la commission des comptes de la sécurité sociale.
Votre commission regrette et dénonce cette méthode qui consiste à sous-estimer de façon presque systématique les dépenses relatives à ces allocations et qui conduit à faire financer par la trésorerie de la branche famille des dépenses normalement à la charge de l'Etat. Cette dette permanente de l'Etat vis-à-vis de la Cnaf a des conséquences pratiques, puisqu'elle contribue de façon déterminante à réduire les sommes disponibles sur le compte courant de la Caisse à l'Acoss, ce qui la mettra en 2007 dans l'obligation de recourir à l'emprunt pour financer son déficit de trésorerie.
Certes, à compter de 2007, l'Etat prévoit d'affecter des recettes fiscales à la branche famille pour couvrir les frais financiers liés à ces dettes. Mais c'est un pis-aller et votre commission redoute que cette mesure soit en réalité la manifestation d'une méthode trop souvent employée par l'Etat qui consiste à ne payer que les intérêts de sa dette, et non le capital.