II. LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION À L'ISSUE DU VOTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur les douze articles proposés à l'examen de l'Assemblée nationale, sept articles ont été adoptés conformes et cinq ont été modifiés. En outre, deux nouveaux articles additionnels ont été votés. Au total, sept articles restent donc en discussion.
A. LA NOUVELLE RÉDACTION DE L'ARTICLE 5 TIENT COMPTE DU VOTE DU SÉNAT
1. Votre commission avait souhaité encadrer le travail de transposition par voie d'ordonnance de la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles
La reconnaissance professionnelle des professions réglementées a été couverte ces dernières années, au niveau communautaire, par un ensemble de directives précisant les droits des citoyens dans le domaine des qualifications. Le champ des règles communautaires est vaste puisque l'expression « profession réglementée » concerne toute profession soumise à un élément de qualification professionnelle. Toutefois certaines professions sont, ou peuvent, être exclus du champ de la directive.
Cet ensemble de directives (15 au total) a été remplacé le 20 octobre 2007 par une seule et même directive 2005/36/CE applicable à toutes les professions réglementées. La directive s'organise autour de deux volets :
- la libre prestation de services (titre II), c'est-à-dire le cas où le prestataire étranger intervient de manière temporaire et occasionnelle. La directive met en place un nouveau système en adoptant un principe général de non vérification des qualifications professionnelles . Ce principe peut toutefois faire l'objet de plusieurs corrections ;
- la liberté d'établissement (titre III), c'est-à-dire le cas où le prestataire étranger intervient de manière stable et permanente, ce qui le contraint à faire reconnaître sa qualification. La directive consolide, sur ce point, les textes existants.
L'article 5 du projet de loi propose d'habiliter le gouvernement à transposer par ordonnance cette directive dont l'entrée en vigueur était le au 20 octobre 2007 .
a) Les réserves de votre commission
Votre commission avait fait part de ses réserves lors de la première lecture du texte au Sénat. Elle avait notamment fait valoir que :
- d'une part, le travail de transposition se réalisait dans des conditions non satisfaisantes . En effet, initialement « éclipsée » par les négociations sur la directive « services », la transposition de la directive « qualifications professionnelles » apparaissait accélérée afin de minimiser le retard. En outre, l'appréciation de l'impact des modifications requises profession par profession (plus de 120 professions concernées) était difficile à réaliser ;
- d'autre part, la rédaction générale de l'habilitation ne donnait aucune garantie au Parlement quant aux principes retenus pour la préparation de cette ordonnance, notamment au regard de la concertation avec les professionnels et du choix des options en matière de libre prestation de services.
Or les modifications apportées dans le domaine de la libre prestation de service représentent, selon votre commission, un enjeu certain. En effet, la directive a mis en place un système à géométrie variable, le principe de non vérification des qualifications professionnelles - retenu sur la base de la confiance mutuelle entre les Etats membres - pouvant être l'objet de plusieurs corrections :
- d'une part, pour les professions ayant des implications en matière de santé ou de sécurité publiques , les Etats peuvent décider de vérifier au préalable les qualifications professionnelles . La Commission européenne a d'ores et déjà fait savoir qu'elle ferait une interprétation stricte de la condition posée par la directive à savoir l'empêchement « de dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service ». La liste de ces professions n'est pas définie a priori mais peut varier selon les Etats suivant les conditions d'exercice ;
- d'autre part, sans restriction de secteur, les Etats peuvent décider de lever des options afin d'encadrer la prestation de services par une déclaration préalable, accompagnée ou non de documents complémentaires ou une information des consommateurs.
Votre commission a noté que, si la Commission européenne sera en mesure de contrôler la pertinence des vérifications préalables décidées pour certaines professions, il n'en est pas de même pour l'encadrement administratif des prestations qui restent à l'entière discrétion des Etats membres. Ce dernier point soulevait par conséquent la question de la cohérence de la position française avec les intentions de transposition des autres Etats membres.
b) La proposition de votre commission en première lecture
Compte tenu des réserves ci-dessus rappelées, votre commission avait souhaité en première lecture :
- d'une part, allonger le délai d'habilitation (un an au lieu de six mois) afin de laisser les différents ministères impliqués par le travail de transposition mener les concertations nécessaires avec les milieux professionnels concernés ;
- d'autre part, encadrer la renonciation par les professions à toute levée d'options en matière de libre prestation de service, sur la base des principes de réciprocité et de concertation. Ainsi le gouvernement devait notamment veiller « en concertation avec les professionnels, à ne renoncer à la levée des options en matière de libre prestation de services que lorsque la réciprocité le justifie ».
2. La rédaction de compromis proposée par l'Assemblée nationale
A l'initiative de notre collègue député Franck Riester, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, l'Assemblée nationale a maintenu l'allongement du délai d'habilitation proposé par le Sénat, mais a adopté une rédaction différente s'agissant des conditions de l'habilitation donnée au gouvernement.
Ainsi, est-il désormais proposé que le gouvernement prenne les dispositions législatives nécessaires à la transposition de ladite directive « en veillant notamment, en concertation avec les professionnels, « à justifier très précisément toute levée des options en matière de libre prestation des services ».
Cette rédaction propose que soient justifiées les levées d'options, c'est-à-dire la mise en place de certaines garanties évoquées ci-dessus : vérification des compétences professionnelles, déclaration préalable, information du consommateur.
Différent dans l'esprit de la proposition du Sénat qui souhaitait que soient davantage explicitées les renonciations à la levée d'option, il convient de remarquer que cette formulation ne touche, ni à l'allongement du délai de l'habilitation, ni au principe de concertation avec les professionnels, principes essentiels selon votre commission. En outre, elle supprime la référence à la réciprocité : si le mécanisme de la réciprocité est un mode classique de gestion des relations bilatérales , c'est une notion habituellement étrangère aux dispositions des traités européens. Au demeurant, la vérification matérielle de la réciprocité dans les 26 autres Etats membres, pour quelque 120 professions, serait un processus lourd.
Compte tenu de ces observations, votre commission approuve la rédaction de compromis proposée par l'Assemblée nationale.