b) Les caractéristiques du CES de 1958 à la révision du 23 juillet 2008
Le Conseil économique n'a été que peu affecté par l'entrée en vigueur de la Constitution de la V e République. Dans le contexte politique tendu de 1958, où les partisans d'un système monocaméral dans lequel le Conseil aurait été intégré au Sénat au sein d'une assemblée consultative représentant tout à la fois les régions et les acteurs économiques et sociaux 5 ( * ) s'opposaient aux tenants d'un bicamérisme permettant de reprendre et de consolider certains des acquis de la IV e République, le Conseil économique fut finalement maintenu sans subir de réformes majeures . Renommé « Conseil économique et social », il ne connut que des modifications marginales : sa composition, ses compétences et son fonctionnement demeurent largement semblables à ce qu'ils étaient en 1946.
Cette stabilité institutionnelle a perduré jusqu'en 2008. Ainsi, aux termes de la Constitution de 1958 dans sa rédaction antérieure à la révision de 2008 et telle qu'elle est complétée par l'ordonnance organique du 29 décembre 1958, le Conseil économique et social :
- est doté d'une triple mission : d'abord, il est chargé de conseiller le Gouvernement et de participer à l'élaboration de la politique économique et sociale ; ensuite, il contribue à l'information du Parlement ; enfin, il favorise le dialogue entre les catégories socioprofessionnelles qui sont représentées en son sein ;
- est rapproché du pouvoir exécutif . En effet, à partir de 1958, seul le Gouvernement peut saisir le Conseil d'un projet de texte, cette saisine étant d'ailleurs obligatoire pour certains projets de loi 6 ( * ) . Le pouvoir exécutif accroît également son contrôle sur la composition du Conseil : depuis 1958, un tiers de ses membres sont désignés par le Gouvernement, contre 8 % en 1946. Corrélativement à la mise en place de cette « emprise gouvernementale » 7 ( * ) , les liens entre le Conseil et le Parlement sont profondément distendus : les Assemblées ne sont habilitées à saisir le Conseil que pour recueillir son avis sur des « problèmes » à caractère économique ou social (article 70 de la Constitution) et ne peuvent plus le consulter sur un texte. Le CES peut, certes, désigner l'un de ses membres pour exposer son avis devant l'une des deux chambres (article 69 de la Constitution). Toutefois, cette procédure n'a connu qu'un succès relatif : restée inutilisée entre 1959 et 1973, elle n'a été mise en oeuvre qu'une soixantaine de fois de 1973 à 2007 8 ( * ) ;
- compte 233 conseillers, désignés pour cinq ans et répartis en 18 groupes de représentation , tels que les salariés, les artisans, les exploitants agricoles, les associations familiales ou les activités économiques et sociales des départements et régions d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie. Ces conseillers sont nommés pour cinq ans, leur nomination répondant à des règles différenciées.
Une myriade de règles de nomination Les règles de désignation de chaque catégorie de conseillers varient en fonction de leur autorité de nomination. Ainsi : 163 sont désignés par les organisations socioprofessionnelles dont : - 69 par les organisations syndicales représentatives des salariés du secteur public et du secteur privé ; - 65 par les organisations professionnelles représentant les entreprises privées, industrielles, commerciales, artisanales et agricoles et les professions libérales ; - 19 par les organismes de la coopération et de la mutualité ; - 10 par les associations familiales. Les 70 autres conseillers sont nommés par le Gouvernement dont : - 17 sur proposition des organismes consultatifs compétents pour les représentants des entreprises publiques, de la vie associative et des Français établis hors de France ; - 11 après consultation des organisations professionnelles les plus représentatives des départements et collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ; - 2 au titre de l'épargne et du logement ; - 40 parmi des personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel. Aux 233 conseillers, s'ajoutent 72 « membres de section » désignés par le Premier ministre pour deux ans et qui tiennent un rôle d'expert auprès de la section qui les accueille. Ceux-ci ne siègent pas en assemblée plénière. |
* 5 Cette position avait été reprise par le général de Gaulle, qui avait, à l'occasion du référendum du 27 avril 1969, proposé de fusionner le Sénat et le CES en une assemblée unique, dotée d'un rôle purement consultatif. Ce projet a néanmoins été rejeté par 52,41 % des votants, provoquant la démission du Président de la République.
* 6 Il s'agit des projets de loi de programme à caractère économique ou social.
* 7 M. Dominique-Jean Chertier, rapport précité.
* 8 Ce procédé a cependant été davantage utilisé récemment : en 2008, douze auditions de membres du CES ont été organisées par le Parlement (source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2010). Neuf parlementaires ont été entendus, au cours de cette même année, par l'une des sections du Conseil.