2. Une institution acceptée dans son principe, mais contestée dans sa pratique
La qualité des travaux du Conseil économique et social, que tous s'accordent aujourd'hui à reconnaître, lui a permis de surmonter les contestations récurrentes qui ont jalonné son histoire. Aujourd'hui, nul ne doute plus de la pertinence du Conseil et de l'utilité d'une telle institution pour la démocratie. M Éric Diard, rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale, rappelait à ce titre que « le caractère consensuel des débats sur les articles consacrés au CES lors de la révision constitutionnelle de 2008 a montré que sa place dans l'équilibre général des institutions comme assemblée consultative n'était pas remise en cause ».
Néanmoins , bien que le Conseil ne soit plus contesté dans son principe, il continue de faire l'objet de vives critiques : concurrencé, mal compris et peu sollicité, le CES est surtout remis en cause en raison de l'anachronisme de sa composition -ce qui impose, pour reprendre l'expression de M. Dominique-Jean Chertier, « sinon une thérapie de choc, au moins un traitement de fond ».
a) Une institution concurrencée
Le Conseil économique et social est tout d'abord victime de l'intense concurrence des instances comparables qui ont été créés, au fil du temps, par le pouvoir réglementaire ou par le législateur.
Cette rivalité institutionnelle s'est d'ailleurs accrue avec le temps : alors que plusieurs dizaines d'organismes consultatifs intervenant dans les domaines de compétence du CES ont été créés depuis 1958 , ce n'est que récemment qu'un effort systématique et concerté de rationalisation a été engagé. Cette situation a largement contribué à brouiller le discours du Conseil pour deux raisons principales :
- d'une part, le Conseil s'est trouvé en concurrence directe avec des entités qui disposaient de capacités d'expertise nettement supérieures aux siennes . Ce problème a été amplifié par l'attitude du Gouvernement, qui n'a pas hésité à saisir simultanément plusieurs organismes consultatifs d'un même thème. La sécurisation des parcours professionnels a ainsi fait l'objet de trois rapports -l'un étant établi par un comité d'experts ad hoc , l'autre par le Conseil d'orientation de l'emploi, et un troisième par le CES ;
- d'autre part, le Conseil peine à rivaliser avec des entités qui, grâce à leur structure souple, peuvent rendre leurs conclusions dans un délai très court -ce qui leur permet d'être écoutées par les médias et de coller au rythme de la décision politique. Le Conseil a pris conscience de cette faiblesse et a développé de nouveaux moyens de réactivité, ce qui lui a, par exemple, permis de rendre au Président de l'Assemblée nationale un avis sur la fiscalisation des indemnités journalières versées en cas d'accident du travail dans un délai particulièrement court, et ce qui a fait sensiblement baisser le délai moyen d'émission des avis 9 ( * ) . Il ne saurait toutefois recourir systématiquement aux procédures allégées qui lui permettent d'être plus rapide, sous peine de ne plus donner aux groupes qui le composent un temps suffisant pour faire émerger une véritable synthèse entre leurs opinions et, en conséquence, de perdre sa spécificité et sa richesse.
* 9 Ce délai est en effet passé de 312 jours en 2007 à 245 jours en 2008.