B. UNE FAIBLE PORTÉE PRATIQUE, MÊME POUR UNE LOI DE PROGRAMMATION
1. Les lois de programmation « sectorielles » sont par nature moins normatives que les lois ordinaires mais il est habituellement possible de déterminer dans quelle mesure elles sont mises en oeuvre
Le présent projet de loi est une loi de programmation au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui prévoit : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».
Il existe cependant des lois de programmation sectorielles, définies par l'alinéa précédent de l'article 34 précité, selon lequel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ». Tel est par exemple le cas de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (dite « LPM 2009-2014 ») et portant diverses dispositions concernant la défense, de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dite « LOPSI »), et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, actuellement en cours de discussion (dit « LOPSI II »).
Les lois de programmation sectorielles ont, par nature, une moindre normativité que les lois ordinaires. Elles comprennent généralement des articles de normativité « normale » (par exemple, la LPM 2009-2014 comprend des dispositions modifiant le code de la défense nationale), auxquels s'ajoutent des articles typiques des lois de programmation, présentant en particulier une programmation indicative des crédits, ainsi qu'un rapport annexé.
Les programmations de crédits des lois sectorielles sont habituellement définies de manière suffisamment précise pour qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure elles sont effectivement mises en oeuvre.
Une première exigence, absolument fondamentale, est que les éléments de la programmation soient définis de manière à ce que les dérapages ne se cumulent pas d'une année sur l'autre. Ainsi, une norme selon laquelle chaque année, les dépenses augmenteraient d'un certain pourcentage par rapport à l'exécution de l'année précédente, n'est pas viable, puisqu'il suffit d'un dérapage en début de période pour que les dépenses des années suivantes partent d'un « palier » trop élevé. C'est pour cela que les lois de programmation sectorielles retiennent habituellement une programmation en montants annuels. De ce point de vue, il n'est pas optimal que l'annexe B des lois de financement de la sécurité sociale définisse la programmation pluriannuelle de l'ONDAM en termes de taux d'évolution annuel.
Il est par ailleurs indispensable que les différentes règles soient définies pour chaque année de la programmation, considérée individuellement. En effet, une règle définie sur l'ensemble de la période de programmation (comme l'article 11 de l'actuelle loi de programmation des finances publiques, relatif aux mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires) est par nature dénuée de toute portée pratique. Tout dérapage doit être constaté immédiatement (et non simplement en fin de période), pour pouvoir être corrigé.
Un « raffinement » possible et, on le verra, souhaitable dans le cas du présent projet de loi, est de raisonner en euros constants. Ainsi, dans le cas de la LPM 2009-2014 (mais pas des LOPSI et LOPSI II), ces montants sont définis en euros constants, indexés sur la prévision d'indice des prix à la consommation associé au projet de loi de finances de l'année concernée, ce qui permet de neutraliser l'inflation tout en évitant que les erreurs de prévision d'inflation se cumulent (puisque la prévision d'indice des prix associée aux projets de lois de finances est « rebasée » chaque année en fonction de l'inflation effectivement observée).