TITRE III - LUTTE CONTRE LES RETARDS DE PAIEMENT DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE

ARTICLE 35 - Principe du délai de paiement

En application de l'ancien régime issu de la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, le délai de paiement des pouvoirs adjudicateurs était fixé à 30 jours mais pouvait être porté à 60 jours pour certaines catégories de contrat définies par chaque législation nationale.

L'un des principaux apports de la nouvelle directive 2011/7/UE du 16 février 2011 est de généraliser le délai de 30 jours à l'ensemble des contrats de commande publique, indépendamment des catégories de contrat. La directive prévoit que ce délai peut être porté à 60 jours non plus pour certaines catégories de contrat, mais pour certaines catégories de pouvoirs adjudicateurs :

- les entreprises publiques , dans la mesure où elles sont en concurrence avec des entreprises privées qui sont, quant à elles, soumises à un délai de 60 jours ;

- les entités publiques dispensant des soins de santé .

Par ailleurs, la directive laisse aux Etats membres la possibilité de permettre également un délai maximum de 60 jours lorsque les parties en sont convenues.

En droit français, le délai de 30 jours est déjà respecté pour les contrats de marchés publics depuis la modification de l'article 98 du code des marchés publics opérée par le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics.

Cependant, les marchés publics au sens du code des marchés publics ne couvrent pas l'ensemble des contrats visés par la directive, qui comprennent également les contrats de partenariat, de concessions de travaux, de délégations de service public, ainsi que les marchés conclus par certaines autorités ou entreprises publiques , passés en application de l'ordonnance du 6 juin 2005 19 ( * ) . Ces derniers concernent des institutions comme la Banque de France ou la Caisse des dépôts, des autorités administratives indépendantes ou encore les grandes entreprises publiques. Ils sont soumis à l'article L. 441-6 du code de commerce et bénéficient aujourd'hui d'un délai maximal de 60 jours.

Dans ce cadre, le présent article harmonise le délai de paiement pour tous les contrats passés par un pouvoir adjudicateur. Il renvoie à un décret le soin de déterminer la durée maximale du délai de paiement. D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi et conformément à la directive, ce délai sera en principe de 30 jours. Il convient de noter que le présent article, s'il permet aux parties de convenir d'un délai de paiement dans le contrat, dispose que ce délai ne peut toutefois excéder celui fixé par décret.

Il est précisé que le délai fixé par décret « peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs ». Ainsi, il reviendra également au pouvoir réglementaire de déterminer quels types d'entités publiques pourront, en accord avec la directive, bénéficier d'un délai de 60 jours. D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi et les informations recueillies par votre rapporteur, le décret allongerait le délai pour les grandes entreprises publiques comme la SNCF ou la RATP, ainsi que pour les établissements de santé.

En revanche, la loi ne retient pas la troisième possibilité d'allongement du délai permise par la directive, à savoir la clause contractuelle justifiée par la nature particulière ou par certains éléments du contrat . L'étude d'impact précitée souligne en effet que « cette option, déjà offerte par la directive précédente, n'avait pas été transposée par les autorités françaises puisqu'elle risquait d'entraîner des dérives préjudiciables aux entreprises, notamment aux PME, et d'être source d'un important contentieux ». Votre rapporteur se félicite que la même analyse ait prévalu à l'occasion de la transposition de la nouvelle directive.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 36 - Définition du retard de paiement

Le présent article donne une définition du retard de paiement , en prévoyant deux cas possibles : ou bien lorsque les sommes dues ne sont pas versées à l'échéance prévue contractuellement , ou bien à l'expiration du délai légal de paiement .

Il précise qu'il y a retard de paiement à partir du moment où le créancier « a rempli ses obligations légales et contractuelle s » ; cette mention correspond au principe du paiement après service fait . Cette définition remplace et simplifie l'ancien article 54 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, abrogé par le présent projet de loi, et dont le premier alinéa disposait que le délai de paiement court « à compter de la date à laquelle sont remplies les conditions administratives ou techniques déterminées par le marché auxquelles sont subordonnés les mandatements et paiements ».

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 37 - Régime des intérêts moratoires

Le présent article fixe le régime des intérêts moratoires dus par le pouvoir adjudicateur.

Le premier alinéa pose le principe selon lequel les intérêts moratoires courent « de plein droit et sans autre formalité [...] à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ». Les articles 35 et 36 du présent projet de loi laissant aux cocontractants la possibilité de stipuler une échéance plus rapprochée que le délai légal.

La commission a par ailleurs adopté un amendement visant à préciser que les intérêts moratoires courent également le jour suivant l'échéance prévue au contrat . En tout état de cause, le délai prévu au contrat ne peut excéder le délai légal.

Le présent article dispose que les intérêts sont versés au créancier , qui pourra être l'entrepreneur principal ou le sous-traitant bénéficiant du paiement direct en vertu de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, bien que le texte ne reprenne pas cette précision qui était faite par l'article 54 de la loi NRE.

Certaines personnes publiques, en particulier les collectivités territoriales ou les établissements publics , sont soumises à un circuit de la dépense en deux étapes : dans un premier temps, la dépense est mandatée par l'ordonnateur , responsable administratif de la collectivité ou de l'établissement, puis, dans un second temps, elle est matériellement effectuée par le comptable public , agent de l'Etat au sein de la Direction générale des finances publiques. Aussi le dépassement du délai de paiement peut-il être le fait de la collectivité, par un retard dans la signature et la transmission des pièces justificatives à la Direction des finances publiques, et/ou du comptable public, par un retard dans l'exécution comptable du paiement. Reprenant une disposition figurant dans la loi NRE, le présent article précise donc que l'Etat rembourse, de façon récursoire, la part des intérêts moratoires versés par la collectivité ou l'établissement imputable à un comptable de l'Etat . Les délais devant être respectivement respectés par l'ordonnateur et le comptable sont précisés par décret 20 ( * ) .

La directive prévoit que le taux des intérêts moratoires est « soit le taux de refinancement principal de la Banque centrale européenne, majoré de huit points, soit le taux d'intérêt marginal résultant de procédures d'appel d'offres à taux variable pour les opérations principales de refinancement les plus récentes de la Banque centrale européenne ». Ces procédures d'appel d'offre ayant été supprimées en mars 2012, c'est le taux de refinancement principal de la BCE majoré de huit points qui s'appliquera. Ce taux, qui sera fixé par décret, s'établira donc à 8,75 % (0,75 + 8) contre 7,75 % aujourd'hui. L'augmentation du taux, qui représentera un coût non négligeable pour les administrations (+ 18 millions d'euros pour l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs sur la base des chiffres de 2011, d'après l'étude d'impact précitée), constituera un aiguillon de la modernisation des procédures comptables , déjà engagée avec le progiciel CHORUS ainsi que l'application Hélios pour la transmission des pièces comptables entre les collectivités et la DGFiP.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé .

ARTICLE 38 - Régime de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement

L'une des principales innovations de la directive 2011/7/UE est l'instauration, par son article 6.1, d'une indemnité forfaitaire à titre de compensation des frais de recouvrement engagés par le créancier . Aux termes de la directive, cette indemnité forfaitaire est de 40 euros minimum .

Le présent article instaure cette indemnité forfaitaire. Il précise que son montant sera fixé par décret. D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, le décret retiendra, « pour des raisons budgétaires », le montant minimal de 40 euros. Appliquée aux retards de paiement de l'année 2011, l'indemnité forfaitaire aurait en effet représenté un surcoût global de 33 millions d'euros pour les administrations , dont 10 millions d'euros pour l'Etat et 20,8 millions d'euros pour les collectivités territoriales.

Le créancier pourra cependant exiger un montant supérieur aux 40 euros forfaitaires, s'il justifie de frais de recouvrement supérieurs .

Les modalités de versement au créancier, ainsi que celles relatives au remboursement par l'Etat aux collectivités et établissements publics de la part de l'indemnité de retard qui lui est imputable, sont identiques à celles fixées par l'article 37 pour les intérêts moratoires.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 39 (Art. L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales et art. L. 6145-5 du code de la santé publique) - Procédure de mandatement d'office des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire

Le présent article réécrit le premier alinéa de l'article L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales, qui fixe la procédure de mandatement d'office, par le préfet, du paiement des intérêts moratoires des collectivités , afin de l'adapter aux nouvelles dispositions relatives aux délais de paiement. Cette procédure s'applique lorsque l'ordonnateur, après avoir mandaté le principal, ne mandate pas le paiement des intérêts moratoires dus au créancier.

Par rapport au dispositif existant, les principales modifications sont de trois ordres :


• Tout d'abord, il n'est plus fait mention d'un seuil fixé par décret à partir duquel s'applique la procédure. Celle-ci a vocation à s'appliquer à tout retard dans le paiement des intérêts.


• Ensuite, il est précisé que le représentant de l'Etat, chargé d'adresser à l'ordonnateur une mise en demeure de mandatement, est informé du retard de paiement de ce dernier par un « signalement par le créancier, le comptable ou tout autre tiers ».


• Enfin, il est tenu compte de l'introduction de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Le présent article réécrit également l'article L. 6145-5 du code de la santé publique, fixant la procédure de mandatement des intérêts moratoires pour les établissements de santé . Il l'aligne sur la procédure applicable aux collectivités territoriales, à la différence que le mandatement d'office est effectué non pas par le préfet, mais par le directeur de l'agence régionale de santé . Par ailleurs, il assure l'adaptation et améliore la lisibilité de l'alinéa relatif au cas d'insuffisance des crédits disponibles.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 40 - Renvoi à des mesures réglementaires d'application

Le présent article prévoit qu' un décret précise les modalités d'application des dispositions relatives aux délais de paiement . Ce décret remplacera l'actuel décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.

Il reviendra notamment à ce décret de définir :

- les délais maximum de paiement par catégories de pouvoirs adjudicateurs . Le délai de droit commun sera fixé à 30 jours, mais il sera porté à 60 jours pour les établissements de santé et les entreprises publiques ;

- le taux des intérêts moratoires , qui devrait s'établir à 8,75 % ;

- le montant de l'indemnité forfaitaire , qui devrait être fixé à 40 euros ;

- la répartition des délais respectifs de l'ordonnateur et du comptable public au sein du délai global de paiement des collectivités territoriales et autres pouvoirs adjudicateurs dotés d'un comptable public.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 41 - Abrogation des articles 54, 55 et 55-1 de la loi NRE

Le présent article abroge les articles 54, 55 et 55-1 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques . Les articles 35 à 40 du présent projet de loi ont en effet pour objet de s'y substituer.

L'article 54 de la loi NRE, qui définissait le retard de paiement et posait le principe du versement d'intérêts moratoires, est remplacé par les articles 35, 36 et 37 du présent projet de loi.

L'article 55 de la loi NRE, qui définissait les modalités de versement des intérêts moratoires, est remplacé par l'article 37 du présent projet de loi.

L'article 55-1 de la loi NRE, qui précisait les modalités d'application dans les territoires d'outre-mer, est remplacé par le titre IV du présent projet de loi, en particulier son article 44.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .

ARTICLE 42 - Entrée en vigueur

Le présent article dispose que les nouvelles dispositions relatives aux délais de paiement dans les contrats de commande publique s'appliquent « aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 », date butoir pour la transposition de la directive 2011/7/UE.

En d'autres termes, les dispositions nouvelles ne s'appliqueront pas aux contrats en cours , ni aux contrats conclus entre la publication de la présente loi et le 16 mars 2013, même lorsque la facture en sera établie postérieurement à cette date. La directive laissait en effet les Etats membres libres de décider d'y soumettre ou non les contrats en cours. D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, « ce différé d'application permet de procéder au paramétrage des outils informatiques gérant les délais de paiement et de laisser le temps nécessaire aux acheteurs publics de s'adapter au changement de régime juridique ». En outre, l'application d'un nouveau régime de délais de paiement aux contrats en cours serait susceptible de modifier l'équilibre économique sur lequel ils reposent .

En tout état de cause, le délai d'entrée en vigueur laisse au pouvoir règlementaire un temps utile pour la rédaction du décret d'application.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.


* 19 Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

* 20 Il s'agit actuellement du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.

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