IV. DES MOYENS QUI NE RÉPONDENT PAS AUX AMBITIONS AFFICHÉES, ALORS QUE LA FRANCE RESTE EN RETARD EN EUROPE

A. UN RETARD PAR RAPPORT AUX AUTRES PAYS EUROPÉENS QUI RESTE À COMBLER

Tous les deux ans, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ( CEPEJ ) du Conseil de l'Europe 7 ( * ) publie une étude comparative des systèmes judiciaires des pays européens . La dernière étude, rendue publique le 9 octobre 2014, se fonde sur les dernières données disponibles à l'échelle européenne, relatives à l'année 2012 8 ( * ) .

La France se situe, une nouvelle fois, en fin de classement : 37 e sur 45 pays, au regard du critère du budget de la justice rapporté à la population du pays (61,2 euros par habitant et par an) et de la richesse mesurée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant. Par rapport aux années antérieures, si la France ne progresse que faiblement dans ce classement (elle était 37 e , mais sur seulement 43 pays, en 2010), le rapport observe toutefois la tendance à l'augmentation des dépenses publiques de justice dans notre pays entre 2004 et 2012.

Ce classement ne doit pas être interprété de manière erronée. Il ne signifie pas que les dépenses consacrées à la justice en France seraient, dans l'absolu, plus faibles que dans les pays moins riches du Sud et de l'Est de l'Europe. Ce classement montre en réalité que le budget alloué à la justice est comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens, compte tenu du niveau de PIB par habitant .

Par rapport aux autres pays européens, le budget par habitant alloué à la justice est ainsi plus faible en France (61,2 euros) qu'en Allemagne (114 euros), en Angleterre et au Pays de Galles (96 euros), en Belgique (89 euros) et en Italie (77 euros). Il est pratiquement équivalent au budget du Portugal (58 euros), et près du double de celui de l'Espagne (32 euros) et de la Russie (32 euros).

Les effectifs constituent un des points faibles du système judiciaire français : la France ne comptait, en 2012, que 10,7 juges professionnels pour 100 000 habitants, soit moitié moins que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe (21). S'agissant des procureurs, la proportion est même quatre fois inférieure à la moyenne européenne (2,9 pour 100 000 habitants, contre 11,8). Une conséquence en est la surcharge des procureurs : en première instance, chaque procureur a reçu en France, en 2012, 2 759 dossiers, en hausse de 8,3 % sur deux ans, soit trois fois plus qu'en Allemagne (876 dossiers par procureur).

Le système d'aide judiciaire en France, dont la question du financement reste ouverte 9 ( * ) , mesure l'accès au droit des plus pauvres. Ce dispositif n'apparaît pas non plus particulièrement développé dans notre pays : le budget annuel de l'aide judiciaire en France ne s'élevait qu'à 5,6 euros par habitant en 2012, à comparer avec les niveaux par habitant constatés en Angleterre et au pays de Galles (41,6 euros) et en Norvège (53,6 euros). L'Allemagne se situait, toutefois, à un niveau encore inférieur (4,3 euros par habitant et par an).

Les données comparatives au sein de l'Union européenne corroborent ainsi le constat établi dans l'analyse de la performance (cf. supra ) : des tensions aiguës pèsent sur le système judiciaire français, et celles-ci se sont accentuées sous l'effet des réformes conduites depuis 2012, faute d'allocation des moyens nécessaires.


* 7 La CEPEJ, créée le 18 septembre 2002 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, est un comité plénier dont le secrétariat est assuré par la direction générale des droits de l'homme et des affaires juridiques du Conseil de l'Europe.

* 8 Le rapport 2014 de la CEPEJ est accessible sur le site du Conseil de l'Europe, à l'adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2014/Rapport_2014_fr.pdf.

* 9 Cf. infra , l'analyse des crédits du programme « Accès au droit et à la justice ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page