B. DES MOYENS QUI NE SUIVENT PAS ET EXIGENT UNE MEILLEURE ADÉQUATION DU CALENDRIER DES RÉFORMES : L'EXEMPLE DE LA CONTRAINTE PÉNALE
Dans un contexte déjà particulièrement tendu pour l'administration de la justice, dont rendent compte l'allongement des délais de jugement et les charges croissantes pesant sur les procureurs, les nouvelles mesures mises en oeuvre depuis deux ans et demi exigent des moyens humains et financiers supplémentaires qui, en pratique, ne sont pas à la hauteur des enjeux affichés, au regard des crédits inscrits dans le présent projet de loi de finances.
Votre rapporteur spécial s'en tiendra au seul exemple de la contrainte pénale.
La loi du 15 août 2014 10 ( * ) a mis en place cette nouvelle peine qui soumet le condamné à un ensemble d'obligations et d'interdictions (comme se rendre dans certains lieux ou rencontrer certaines personnes) et donne lieu à un accompagnement médical et d'insertion professionnelle spécifique pendant six mois à cinq ans. La contrainte pénale est l'une des mesures alternatives à la prison, lorsqu'ont été commis des délits pour lesquels la peine d'emprisonnement est inférieure ou égale à cinq ans. Il est prévu que la contrainte pénale soit applicable à l'ensemble des délits après 2017.
La mise en oeuvre de la loi du 15 août 2014 demande un renforcement des effectifs dans les juridictions d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Mais si la moitié des créations de postes prévus en 2015 pour la mission « Justice » (soit 300 ETP) concerne les SPIP, en vue du recrutement de 1 000 conseillers de probation sur trois ans, la contrainte pénale s'applique dès à présent et fait peser immédiatement une charge supplémentaire sur les SPIP. Par ailleurs, à l'issue du prochain budget triennal, la contrainte pénale doit être généralisée et exigera donc des moyens supplémentaires, alors même que les effectifs nécessaires à la mise en oeuvre des mesures adoptées en août dernier viendront seulement d'être pourvus.
Un tel décalage entre les ambitions affichées et les moyens financiers et humains alloués demande une amélioration des études d'impact , alors que le Conseil d'État avait déploré l'insuffisance de l'étude d'impact de la loi du 15 août 2014.
Il convient également d' adopter un rythme plus progressif de mise en oeuvre des réformes , afin que le calendrier d'application coïncide avec la mise à disposition des moyens requis, au risque sinon de dégrader la qualité du service public de la justice, dans un contexte économique et social qui soumet déjà les personnels à des tensions croissantes.
* 10 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales .