LA MISE EN OEUVRE DES ACCORDS DE LIBRE ÉCHANGE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET TROIS PAYS DE L'AMÉRIQUE ANDINE ET AVEC L'AMÉRIQUE CENTRALE : UN DÉSÉQUILIBRE COMMERCIAL AU DÉTRIMENT DE LA BANANE COMMUNAUTAIRE
LA BANANE, UN PRODUIT CLASSÉ « SENSIBLE » DANS LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES
Comme le relève la rapporteure de la Commission du commerce international du Parlement européen 7 ( * ) , l'Union européenne est le premier marché pour la banane, représentant près d'un tiers des exportations mondiales. Ses importations vers l'Europe proviennent principalement des pays d'Amérique centrale et latine ; or, c'est avec ces pays ou groupe de pays que l'Union européenne a conclu, en 2012, deux accords de libre-échange : l'un avec la Colombie et le Pérou - que l'Équateur rejoindra dès l'an prochain -, l'autre avec six pays d'Amérique centrale : Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama.
En conséquence des accords conclus avec l'Amérique centrale et les pays andins, les droits de douane de la banane à l'importation dans l'Union européenne passeront de 176 € la tonne en 2009 à 75 € la tonne en 2020. Depuis la mise en oeuvre des accords avec les pays andins et d'Amérique centrale les importations depuis ces pays ont largement augmenté entre 2010 et 2015 : + 11,3 pour la Colombie, + 17,7% pour le Costa Rica, + 49,5% pour le Pérou et jusqu'à + 96% pour le Guatemala et + 100% pour le Nicaragua. La perte de parts de marché pour la banane communautaire (12,6 % à 11,4 %) met en péril l'avenir de la filière.
Pour l'Union, la France (Guadeloupe et Martinique) est le second producteur de banane, derrière l'Espagne (Canaries) et avant le Portugal (Madère et les Açores).
La filière de production de la banane, dans l'ensemble de ces territoires - au surplus tous insulaires - concentre un nombre important d'emplois directs et indirects. Ses producteurs - en particulier ceux de Guadeloupe et de Martinique - ont largement investi dans des bonnes pratiques d'agriculture durable, par la formation professionnelle, la recherche et le développement.
DES RISQUES IDENTIFIÉS
Les deux accords de libre-échange, conclus en 2012, l'un entre l'Europe et la Colombie, le Pérou et l'Équateur et l'autre avec six États d'Amérique centrale, prennent en compte les risques potentiels de déséquilibre des flux commerciaux concernant la banane. En effet, dans les deux cas, deux mécanismes de protection sont inscrits dans les textes : une clause de sauvegarde bilatérale et un mécanisme de stabilisation pour la banane, ce dernier s'ajoutant à un mécanisme de stabilisation générale. Ces mécanismes sont mis en oeuvre par deux règlements pour chacun des deux accords : 19/2013 et 20/2013, dont la modification fait l'objet de deux propositions du Parlement et du Conseil. Il s'agit, d'une part, de tenir compte de l'intégration de l'Équateur à l'accord avec la Colombie et le Pérou au 1 er janvier 2017 au plus tard et, d'autre part, d'harmoniser les deux dispositifs règlementaires visant à la protection de la banane communautaire.
La clause de sauvegarde spécifique prévoit que l'Union européenne peut suspendre le droit de douane préférentiel prévu par les accord de libre-échange et rétablir le droit de douane dit de la Nation la plus favorisée, lorsqu'il apparaît qu'en application des concessions tarifaires, les importations de bananes depuis les pays partenaires se font « dans des quantités tellement accrues (...) et à des conditions telles qu'elles causent (ou menacent de causer) un préjudice grave à l'industrie de l'Union » .
Le mécanisme de stabilisation pour sa part permet à l'Union de suspendre temporairement - pas plus de trois mois et pas au-delà de la fin de l'année civile -, le droit de douane préférentiel, si les importations de bananes dépassent les seuils d'importation définis dans les accords.
Ce mécanisme prendra fin le 31 décembre 2019, après dix années au cours desquelles les seuils d'importation auront augmenté annuellement conformément au calendrier prévu dans les accords.
Dispositions prévues pour la banane dans les accords avec la Communauté andine et l'Amérique centrale (tarifs douaniers et seuils d'importation)
Source : DG Taxud
Chacun de ces deux mécanismes prévoit un examen ou une enquête préalable, conduits par la Commission, afin d'évaluer le niveau de perturbation du marché sur la base de critères de volumes importés, de prix, de rentabilité ou d'emploi.
* 7 Rapport de Mme Marielle de Sarnez du 29 septembre 2016 au nom de la Commission du commerce international (A8-0277/2016).